SOS Méditerranée exhorte les gouvernements européens

L’Aquarius exhorte les gouvernements européens à désigner au plus vite un lieu sûr de débarquement après deux sauvetages en Méditerranée

MEDITERRANEE CENTRALE, 12 août 2018 – Répondant à la crise humanitaire toujours en cours en Méditerranée centrale, l’Aquarius, le navire affrété par SOS MEDITERRANEE et opéré en partenariat avec Médecins Sans Frontières (MSF), a secouru 141 personnes vendredi 10 août. Les deux organisations exhortent désormais les gouvernements européens à désigner de toute urgence le lieu sûr le plus proche, comme le prévoit le droit maritime international, afin de pouvoir y débarquer les rescapés et continuer à fournir une assistance humanitaire d’urgence en mer.

Vendredi 10 août dans la matinée, l’Aquarius a procédé au sauvetage de 25 personnes, retrouvées à la dérive à bord d’une petite embarcation en bois et sans moteur. Elles erraient probablement en mer depuis près de 35 heures.  Quelques heures après, l’Aquarius a repéré un second canot en bois, dans lequel s’entassaient 116 personnes, dont 67 mineurs non accompagnés. Parmi les rescapés, sept sur dix sont originaires de Somalie et d’Erythrée. Si l’état de santé global des rescapés est stable pour l’instant, beaucoup sont très affaiblis et dénutris. Nombre d’entre eux ont également fait part aux équipes des conditions inhumaines dans lesquelles ils ont été détenus en Libye.

L’Aquarius fait route vers le Nord, sans avoir obtenu confirmation d’un lieu sûr où accoster

Au cours des deux opérations de sauvetage, l’Aquarius a informé l’ensemble des autorités compétentes de son activité, y compris les Centres de coordination des secours maritimes italien, maltais et tunisien (MRCCs) et le Centre conjoint de coordination des secours (JRCC) libyen. Celui-ci a confirmé qu’il était l’autorité en charge de la coordination de ces sauvetages. Le JRCC libyen a toutefois informé l’Aquarius qu’il ne lui indiquerait pas de lieu sûr pour le débarquement, et lui a enjoint de s’adresser à un autre Centre de coordination des secours (Rescue coordination centre, RCC). L’Aquarius fait donc à présent route vers le Nord et va solliciter la désignation d’un lieu sûr de débarquement auprès d’un autre RCC.

« Nous suivons les dernières instructions du JRCC et allons, comme il se doit, contacter d’autres RCCs afin qu’un lieu sûr nous soit désigné pour débarquer les 141 rescapés qui sont à bord de l’Aquarius », a confirmé Nick Romaniuk, Coordinateur des secours pour SOS MEDITERRANEE à bord de l’Aquarius. « L’essentiel est que les rescapés soient débarqués sans délai dans un lieu sûr, où leurs besoins fondamentaux seront respectés et où ils seront à l’abri d’abus ».

« Les gouvernements européens ont concentré tous leurs efforts à la création d’un JRCC en Libye, mais les événements de vendredi illustrent bien l’incapacité de ce dernier à coordonner intégralement une opération », a souligné Aloys Vimard, coordinateur de projet pour MSF à bord de l’Aquarius. « Un sauvetage n’est pas terminé tant qu’un lieu sûr de débarquement n’a pas été indiqué. Or, le JRCC libyen nous a clairement signifié qu’il ne le ferait pas. Il ne nous a pas non plus informés des signalements de bateaux à la dérive dont il avait connaissance, alors que l’Aquarius se trouvait sur zone et avait offert son assistance. En réalité, ces embarcations en détresse ont eu de la chance que nous les repérions par nous-même », conclut le coordinateur de projet de MSF.

Le déploiement d’une assistance humanitaire en Méditerranée est à nouveau entravé

Fait troublant, les rescapés ont indiqué aux équipes à bord qu’avant que l’Aquarius n’intervienne, cinq navires différents ne leur avaient pas porté secours. « Le principe même de l’assistance portée à toute personne en détresse en mer semble désormais menacé », s’inquiète Aloys Vimard. « Des navires pourraient être tentés de ne pas répondre aux appels de détresse en raison du risque de rester bloqués en mer, sans qu’aucun lieu sûr où débarquer ne leur soit désigné. Les politiques visant à empêcher à tout prix que les gens n’atteignent l’Europe ne font qu’accroître la souffrance et le danger des traversées qu’entreprennent ces personnes, pourtant déjà fort vulnérables ».

MSF et SOS MEDITERRANEE se déclarent, une nouvelle fois, extrêmement préoccupées par les politiques européennes actuellement menées. Celles-ci constituent une véritable entrave au déploiement effectif d’une assistance humanitaire efficace, et n’ont eu pour effet que de faire exploser le nombre de morts en mer ces derniers mois. L’Aquarius est désormais l’un des deux derniers navires humanitaires de recherche et sauvetage présents en Méditerranée centrale. La criminalisation et l’obstruction du travail des organisations humanitaires sont le reflet d’un système européen de l’asile en échec, et de la défaite des Etats membres de l’Union européenne à relocaliser les demandeurs d’asile qui arrivent en Europe.

SOS MEDITERRANEE et MSF exhortent une nouvelle fois tous les gouvernements européens ainsi que les autorités maritimes compétentes à reconnaître la gravité de la crise humanitaire qui sévit en Méditerranée, à garantir un accès rapide à des lieux sûrs où débarquer les rescapés, et à faciliter plutôt qu’entraver le déploiement d’une assistance humanitaire essentielle en Méditerranée centrale.

http://www.sosmediterranee.fr/


Dernière minute communiqué de SOS Méditerranée – Aquarius – Journal de bord, le 15 août 2018

L’Aquarius, affrété par SOS MEDITERRANEE et opéré en partenariat avec Médecins sans Frontières (MSF), a reçu ce mercredi matin l’autorisation officielle des autorités maltaises d’entrer dans le port de La Valette.

SOS MEDITERRANEE est soulagée qu’un lieu sûr ait été trouvé pour les 141 survivants secourus en Méditerranée vendredi dernier, au cours de deux opérations de recherche et sauvetage coordonnées par le JRCC libyen. Nous nous réjouissons également que la France, l’Allemagne, le Luxembourg, le Portugal et l’Espagne aient accepté de partager la responsabilité d’une réponse européenne coordonnée.

Depuis les sauvetages opérés vendredi, notre priorité a toujours été de garantir le bien-être des personnes secourues en mer et, dans le respect du droit international et maritime, de les débarquer dans un port sûr au plus vite afin de pouvoir continuer à fournir une assistance humanitaire d’urgence à ceux qui se trouvent en détresse en Méditerranée centrale. Accoster à Malte, l’un des ports sûrs les plus proches, évite aux rescapés d’être bloqués sur l’Aquarius pendant une durée encore plus importante.

Des solutions durables sont plus que jamais nécessaires pour réagir à la crise humanitaire qui continue en Méditerranée centrale. Il en va de la responsabilité de l’Union européenne dans son ensemble. Nous espérons que d’autres décisions concrètes témoignant d’un leadership européen et d’une réelle solidarité à ce sujet soient prises à l’avenir.

Nous demeurons gravement préoccupés par la situation actuelle en Méditerranée centrale et inquiets quant au futur de l’intervention humanitaire en mer.

rédaction

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