Dès son retour au pouvoir, la droite grecque a exprimé sa volonté de réprimer tout lieu de contestation politique. Et le quartier d’Exárcheia, au cœur d’Athènes, la démange
Au cœur d’Athènes, le quartier d’Exárcheia est unique en Europe. Symbole de la contestation depuis des décennies en Grèce, en particulier durant la dictature « des colonels » (1967-1974), ce quartier à deux pas du centre et de l’université concentrent des dizaines de lieux autogérés, dont une bonne vingtaine accueillent des familles de migrants. Il est fréquenté pour ses nombreuses librairies, maisons d’édition et cafés alternatifs. Partout dans le quartier, les murs des immeubles, occupés ou non, sont recouverts d’immenses fresques militantes multicolores, d’innombrables affiches et de graffitis. La vie de ce quartier rebelle a été admirablement filmée par le réalisateur franco-grec Yannis Youlountas, dont tous les documentaires, notamment le plus récent, L’Amour et la révolution (2018), sont en accès libre sur Internet.
Les bâtiments souvent communiquent par les toits, permettant de multiples voies de fuite en cas d’arrivée de la police. Depuis longtemps, Exárcheia est un point de crispation politique dans la ville. Même si elles s’y aventurent rarement, les forces de l’ordre ceinturent en permanence son petit périmètre. Car c’est aussi une zone de repli après les manifestations ou affrontements urbains.
Dès son retour au pouvoir le 7 juillet, la droite grecque a clairement exprimé sa volonté de réprimer tout lieu de contestation politique. Exárcheia la démange : depuis 2017, Kyriákos Mitsotákis, désormais Premier ministre, promet de « nettoyer Exárcheia ». Ce lundi 26 août donc, vers 6 heures du matin, d’importantes forces de police, d’unités anti-émeutes et antiterroristes, de voltigeurs et même des services de renseignement, ont investi et occupé militairement le quartier. Quatre squats ont été expulsés, puis scellés. 140 personnes interpellées. De nombreuses familles de migrants, dont des enfants en bas âge, ont été chargées dans des bus vers des camps d’internement, qui ont sinistre réputation en Grèce.
Même si Tsípras était déjà largement déconsidéré dans l’opinion publique grecque, sa défaite électorale a été bien accueillie sinon encouragée par les élites européennes, quand bien même la droite est largement responsable de la crise qui sinistre la Grèce depuis dix ans. Pour ces puissances du libéralisme et de l’autoritarisme, les voix dissonantes s’élevant depuis Exárcheia sont à faire taire. Pour des raisons d’image, pour ne pas entacher son début de règne par un déchaînement de violences policières, il est probable que Mitsotákis appliquera sa répression sur un rythme progressif. Mais le signal est donné : la droite règne à Athènes. Solidarité avec Exárcheia !