« Non à la police dans les universités » : opposition en Grèce au projet du gouvernement de droite
Le gouvernement grec veut instituer une « brigade de protection » dans les universités qui sera rattachée à la Police nationale. Une attaque contre la démocratie dénoncée dans cette tribune par un collectif d’enseignants-chercheurs grecs.
Le gouvernement conservateur de Kyriákos Mitsotákis veut autoriser les forces de l’ordre à pénétrer dans les universités. Enseignants et étudiants sont vent debout contre ce projet. Depuis la sanglante répression de l’Ecole polytechnique, en 1973, la police n’a pas le droit de pénétrer dans les enceintes universitaires. Le 27 janvier dernier, plusieurs milliers d’étudiants ont bravé une interdiction de manifester pour afficher leur opposition à cette arrivée des forces de l’ordre dans les établissements de l’enseignement supérieur. Nous publions ici une tribune d’enseignants grec contre ce projet.
« Dans une conjoncture de pandémie et de confinement généralisé, le gouvernement grec annonce sa décision d’instituer une « brigade de protection », une véritable police des universités. Cette décision arrive dans la foulée d’une large campagne de diffamation des universités et de désinformation de l’opinion publique préparée par les médias pro-gouvernement, une campagne contre la prétendue délinquance et le crime généralisé au sein des établissements, qui ne sont pourtant déduits d’aucune étude ou statistique.
Le nouveau corps de sécurité ne rendra pas des comptes aux organes de l’administration des universités mais seulement aux autorités policières. Les policiers sont autorisés à patrouiller en uniforme dans les établissements. Leurs fonctions ne seront pas déterminées par les universités. En plus, le projet de loi en question oblige les universités de mettre en place un système de contrôle d’accès dans les campus et les bâtiments. La présence des gardes de la police complètent l’obligation des autorités universitaires de faciliter, par « tous les moyens », l’intervention des policiers des universités notamment en ce qui concerne la surveillance des locaux avec un équipement technologique spécial ainsi que l’ »exercice des enquêtes prémilitaires » au sein des établissements.
Les établissements universitaires « transformés en un milieu de surveillance, de répression, et de l’ordre »
Plusieurs réactions ont été soulevées. La majorité des conseils des universités, les associations des enseignants-chercheurs et des étudiants, s’oppose fortement à ce projet de loi. Même la fédération nationale de la police rejette ce projet dans son communiqué. Il s’agit d’une violation de la constitution grecque et du principe de la libre administration des universités. Les établissements universitaires seront transformés en un milieu de surveillance, de répression, et de l’ordre. Ceci menace et compromet la démocratie et la libre circulation des idées entre université et société. Il est aussi possible qu’il engendra des agitations et de conflits violents.
Le collectif « Non à la police dans les universités », qui a déjà assemblé plus de 1000 signatures des professeurs et des enseignants des universités grecques, demande par ailleurs que toutes les forces démocratiques s’opposent à l’adoption et l’application de cette intervention anticonstitutionnelle dans l’autonomie universitaire. En même temps, le collectif dénonce les attaques contre lui, tantôt via les discours haineux contre l’université publique, entrepris par les mass médias, tantôt via les attaques violentes et sexistes s’adressant personnellement à ses membres dans les réseaux sociaux. La page du collectif www.facebook.com/OxiAstynomiaStaPanepistimia et les postes publiés, et les publications sur facebooκ ont été temporairement bloquées.
La doctrine du choc que le nouveau projet de loi autoritaire veut imposer aux universités, ainsi que les attaques coordonnées contre le collectif des universitaires, soulèvent des questions sérieuses concernant la légalité et la légitimité constitutionnelle et constituent des attaques contre la démocratie avec la responsabilité du gouvernement actuel. »
Collectif des enseignants – chercheurs « non à la police dans les universités », le 17 janvier 2021
Contact pour les enseignants-chercheurs qui veulent signer la pétition : NoUniPolice [@] gmail.com
Le texte original est paru dans le journal grec Efsyn
Photo de une : Pancarte de soutien aux étudiants et enseignants grecs qui refusent la police dans les université, dans un cortège à Lyon le 26 janvier 2021. CC Sophie Chapelle / Basta !