La Grèce sous Kyriakos Mitsotakis. Une crise prolongée sans issue en vue

Kyriakos Mitsotakis

Par Antonis Ntavanellos

Le journal To Vima (propriété de l’oligarque Evangelos Marinakis) – principal journal du centre politique qui donne traditionnellement le ton du débat dans les cercles de l’establishment grec – a conclu son éditorial du dimanche 5 octobre par une sombre prédiction d’une «crise politique prolongée, avec tout ce que cela implique…». Le même jour, le journal Kathimerini, principal quotidien du centre droit traditionnel (propriété de l’armateur Giannis Alafouzos), qui déclarait encore récemment sa conviction que «Mitsotakis n’avait pas de rival», a désormais inversé son jugement: «Le prochain adversaire de Mitsotakis… n’aura pas de rival.»

Les prévisions défavorables pour l’avenir de Kyriakos Mitsotakis [premier ministre depuis 2019], le leader de l’aile ultra-néolibérale qui dirige le parti Nouvelle Démocratie, sont évidentes dans les sondages d’opinion. Selon tous les sondages, Nouvelle Démocratie recueille actuellement moins de 25% des voix parmi ceux qui ont l’intention de voter. Un tel résultat exclut toute perspective pour la droite de former un gouvernement reposant sur un seul parti. Mais ce n’est pas tout. Vingt-cinq pour cent est le seuil fixé par la loi électorale pour que le parti en tête reçoive un «bonus» de 50 sièges supplémentaires au parlement, une disposition qui a été instituée pour renforcer les perspectives de stabilité gouvernementale. Cela soulève la possibilité sérieuse qu’après les prochaines élections, Nouvelle Démocratie se retrouve avec une petite fraction parlementaire, devenant ainsi le premier à perdre les avantages que la loi électorale accorde au parti en tête. Dans un tel scénario, une coalition entre Mitsotakis et le PASOK social-démocrate ou l’extrême droite nationaliste ne suffirait plus pour former un gouvernement. Une coalition tripartite plus large serait nécessaire et, compte tenu de la situation politique actuelle, si un gouvernement de coalition bipartite est particulièrement difficile, un gouvernement tripartite semble impossible.

Si les sondages d’opinion se confirment lors des élections (prévues pour 2027, mais qui pourraient avoir lieu en 2026), le capitalisme grec se dirige vers une crise de «gouvernabilité» avec des risques importants dans le contexte économique et géopolitique conflictuel de la période. Et sans solution alternative visible, du moins pour l’instant.

En fait, toutes les prévisions politiques reposent sur des sables mouvants. Lors des élections postérieures à 2019, dans la société grecque traditionnellement politisée, l’abstention a atteint des niveaux historiques. Environ 50% des électeurs inscrits ont refusé de se rendre aux urnes, les taux d’abstention étant plus élevés principalement dans les zones ouvrières. Parmi les 50% restants qui ont voté et ont l’intention de voter à nouveau, la majorité déclare dans tous les sondages que le critère décisif pour leur vote sera la lutte contre l’inflation et l’effondrement de l’État social. Pour ne laisser aucun doute sur la manière dont les évolutions sociales se reflètent dans l’arène politique, l’ancien Premier ministre Antonis Samaras [juin 2012-janvier 2015], représentant de l’aile droite dure, aujourd’hui exclu de Nouvelle Démocratie, a récemment déclaré que sous la direction de Mitsotakis, la droite grecque «a perdu 1,3 million d’électeurs depuis 2019, et cette perte est définitive». Si Antonis Samaras met finalement sa menace à exécution et crée un nouveau parti politique, situé entre Nouvelle Démocratie et l’extrême droite nationaliste et religieuse, les perspectives de Mitsotakis subiront un coup supplémentaire.

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La question sociale/de classe est à l’origine du déclin rapide actuel du parti néolibéral Nouvelle Démocratie, qui était arrivé au pouvoir triomphalement après la crise et la défaite de SYRIZA en 2019 et avait réaffirmé sa force après l’effondrement de SYRIZA en 2023 (suite à la défaite électorale qui a contraint Alexis Tsipras à démissionner).

Dans un pays où les salaires et les retraites sont restés pratiquement «gelés» pendant une décennie, l’inflation s’est avérée être un fléau pour les revenus réels de ceux qui vivent de leur travail. En 2025, l’inflation s’élevait à 2,6%, tandis que les prévisions pour 2026 sont de 2,2%. Cependant, l’inflation réelle sur les biens de consommation courante pour le gros de la population a grimpé en flèche. Les syndicats estiment que les prix des denrées alimentaires ont augmenté de plus de 13% par an ces dernières années! Le coût du logement (loyer, électricité, eau, télécommunications, etc.) est devenu totalement inabordable. Selon les estimations des syndicats, et conformément à notre expérience courante, un salaire ou une pension mensuelle moyenne ne suffit qu’à une famille de trois personnes pour vivre au seuil de pauvreté pendant 20 jours par mois. Un exemple révélateur de ce processus d’appauvrissement est qu’au cours de l’été 2025 50% de la population locale n’avait pas les moyens de s’offrir ne serait-ce que quelques jours de vacances.

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Malgré son déclin, Mitsotakis fait face à cette situation avec un engagement absolu en faveur des contre-réformes néolibérales.

Après le vol des réserves des fonds de sécurité sociale, qui ont été utilisées pour rembourser une partie de la dette après 2012, la classe ouvrière grecque dispose désormais de l’un des pires systèmes de sécurité sociale d’Europe. L’âge de la retraite est déjà fixé à 67 ans, et une pension complète nécessite 40 ans de vie active. La pension moyenne n’est que de 841 euros, la plus basse de la zone euro, tandis que la pension minimale, dont vivent 18% des retraité·e·s, est de 470 euros! Cinquante-cinq pour cent des retraités vivent avec une pension inférieure à 700 euros par mois. Et pourtant, en 2026, une réforme encore plus défavorable de ce système misérable est prévue. L’âge limite sera porté à 69 ans, tandis que le niveau actuel des pensions devra être réduit (!) de peut-être jusqu’à 30% (!!). Au-delà de la tendance générale à la réduction, les plans du gouvernement prévoient d’utiliser les ressources des fonds de la sécurité sociale pour financer… des programmes d’armement! Je ne sais pas si le gouvernement survivra lorsque ces changements réactionnaires seront officiellement introduits, mais cela donnera certainement lieu à une bataille sociale et politique majeure.

En Grèce, la durée moyenne du temps de travail des salariés est la plus élevée d’Europe. Elle atteint 1886 heures par an, soit 316 heures de plus que la moyenne de 1570 heures des États membres de l’UE.

Selon les statistiques officielles, 21% de la main-d’œuvre travaille plus de 45 heures par semaine. Et cela selon les statistiques officielles, alors que tout le monde sait qu’après l’affaiblissement délibéré de tous les mécanismes de contrôle et d’inspection sur le marché du travail, la situation réelle est bien pire. La preuve irréfutable en est la recrudescence des «accidents» mortels sur le lieu de travail: jusqu’en 2019, leur nombre variait entre 25 et 30 par an, alors que dans les premiers mois de 2025, 131 travailleurs ont perdu la vie dans des «accidents» du travail. Dans ce contexte désastreux, le gouvernement organise une réforme qui rendra tous les aspects du temps de travail extrêmement flexibles. Le projet de loi proposé par le brutal ministre du Travail, Niki Kerameos, légalise une journée de travail pouvant aller jusqu’à 13 heures (!!!) pour un seul employeur, établit des «contrats» d’un ou deux jours, permet l’embauche ou le licenciement ainsi que la modification des horaires de travail sur simple SMS de l’employeur, prévoit la fragmentation des congés annuels obligatoires en plusieurs parties, en fonction des besoins de l’entreprise, etc. [Le parlement a approuvé la loi pour l’introduction des 13 heures le 14 octobre par une majorité de 158 sur 300 députés.]

L’ampleur du défi a été ressentie par les membres du mouvement syndical. La pression exercée sur l’alliance bureaucratique entre le PASOK et les syndicalistes de droite – qui contrôle la Confédération générale des travailleurs du secteur privé (GSEE) – a contraint la GSEE à déclarer, après un certain temps, une grève nationale de 24 heures le 1er octobre, puis une autre le 13 octobre. La méthode de l’appareil bureaucratique syndical est bien connue: il déclare une grève pour faire baisser la pression interne de la base, sans rien faire pour l’organiser efficacement. Néanmoins, l’importance de ces grèves ne peut être sous-estimée. Le temps de travail devient un terrain de bataille avec le gouvernement, et les sections les plus radicales du mouvement syndical, qui sont plus fortes à la base, ont la possibilité – et l’obligation! – d’organiser les prochaines étapes.

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Les scandales politiques ont été un autre facteur majeur de l’affaiblissement politique du gouvernement Mitsotakis. Il y a trois ans, la scène politique a été secouée par des révélations concernant un mécanisme illégal de surveillance et d’écoute téléphonique qui enregistrait secrètement les communications et la vie privée des opposants et des «amis» de Kyriakos Mitsotakis.

L’entourage du Premier ministre a utilisé les services secrets nationaux et collaboré avec une société composée d’anciens membres des services secrets israéliens (qui commercialisent un logiciel espion illégal baptisé «Predator») afin de surveiller le leader du PASOK Nikos Androulakis [depuis 2021], les responsables parlementaires de SYRIZA, plusieurs ministres de Nouvelle Démocratie, les dirigeants de l’armée, de nombreux diplomates, des hommes d’affaires connus, ainsi que des milliers de citoyens dont les noms restent inconnus. Les dirigeants de Nouvelle Démocratie ont payé un prix politique considérable, mais ont finalement réussi à contrôler les révélations et à protéger le réseau qui dirigeait la surveillance.

Il n’en a pas été de même avec le dernier scandale en date à l’OPEKEPE (l’agence qui distribue les subventions européennes aux agriculteurs et aux éleveurs). Malgré les efforts du gouvernement pour dissimuler la vérité, il a finalement été révélé que les fonds d’aide européens, au lieu d’atteindre les agriculteurs et les éleveurs, ont fini entre les mains des responsables du parti Nouvelle Démocratie, qui les ont utilisés (au-delà du financement de leur train de vie luxueux) pour mettre en place un mécanisme d’achat massif de votes dans les zones rurales. L’implication du Parquet européen [1] dans cette affaire risque d’entraîner la suspension, voire la suppression des subventions européennes, ce qui aurait un impact direct sur les relations du parti au pouvoir avec une grande partie des agriculteurs. Et ces révélations ont, jusqu’à présent, «brûlé» deux ministres de premier plan: Lefteris Avgenakis, ancien ministre de l’Agriculture (et «homme d’influence» important dans la circonscription électorale cruciale de Crète) et son successeur au ministère de l’Agriculture, Makis Voridis (étoile montante de l’extrême droite qui est toutefois allié à Kyriakos Mitsotakis).

Plus que tout, Mitsotakis a payé le prix du scandale entourant la tentative du gouvernement de dissimuler sa responsabilité dans le crime de Tempé [accident ferroviaire ayant provoqué la mort de nombreux étudiants]. Les parents et les proches des 57 personnes qui ont péri dans la collision injustifiable et absurde de deux trains à Tempé se sont organisés collectivement et ont rejeté les tentatives visant à clore l’affaire rapidement et sans heurts. Leurs appels à protester ont donné lieu à des manifestations empreintes de colère et d’une ampleur considérable à l’échelle nationale. Récemment, la grève de la faim de Panos Routsi, un livreur albanais, père d’un des jeunes tués à Tempé, a suscité un énorme soutien populaire, des gens se rassemblant chaque jour devant sa tente installée devant le bâtiment du Parlement, sur la place Syntagma. Cette lutte a contraint le gouvernement à un recul embarrassant: l’exhumation des corps et une enquête médico-légale approfondie sur les causes de leur mort ont été ordonnées. L’enquête porte sur l’affirmation des proches selon laquelle, au-delà de la responsabilité pénale de la collision entre les deux trains, il existe également une grave responsabilité dans le transport illégal de produits chimiques et de carburant dans l’un des wagons, qui a provoqué la grave explosion qui a augmenté le nombre de décès parmi les passagers. Si cette allégation est confirmée (révélant le lien entre la société privée Hellenic Trains et le gouvernement avec les principaux réseaux de contrebande de carburant à Athènes), cela pourrait probablement porter un coup fatal à Mitsotakis. [Selon un récent sondage, demandé par Palapolitika Radio, 9 Grecs sur 10 pensent que la corruption a augmenté (67,4%) ou est au même niveau (23,2%) sous le gouvernement de Nouvelle Démocratie. – KTC, 16 octobre 2025]

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Pour contrer tout cela, le gouvernement Mitsotakis avait deux «atouts» principaux à faire valoir.

Premièrement, il avait assuré une croissance rapide du capitalisme grec, atteignant une croissance du PIB supérieure à la moyenne européenne (selon les données de l’OCDE, 2% de croissance en 2025 et une prévision de 2,1% en 2026). Il est vrai que les banques, bénéficiant de l’accord conclu avec les créanciers en 2018 (un accord faussement qualifié de sortie des «mémorandums» d’austérité), ont retrouvé leur rentabilité et distribuent à nouveau de généreux dividendes à leurs actionnaires. Il est vrai que, profitant de la hausse incontrôlée des prix, de nombreuses entreprises ont retrouvé une rentabilité élevée dans des secteurs spécifiques (raffineries, alimentation, énergie, logistique, santé privée, etc.). Il est vrai que les armateurs grecs, dans un contexte d’instabilité géopolitique, ont confirmé leur position de leader dans la concurrence maritime internationale. Et il est exact que les entreprises «traditionnelles» comme les nouvelles «start-ups» ont profité du passage à une «économie de guerre» pour faire de grands progrès (principalement en tant que fournisseurs de grandes multinationales) dans le domaine des armes et des technologies connexes. Cependant, tout cela est lié à l’augmentation sans précédent des inégalités sociales. La promesse du gouvernement selon laquelle la croissance finirait par profiter aux couches les plus défavorisées de la société s’est avérée être une vaste fraude politique.

Deuxièmement, Mitsotakis s’est appuyé sur sa promesse de conduire à une «mise à niveau géopolitique» du capitalisme grec par rapport à son concurrent direct en Méditerranée orientale, à savoir la Turquie. D’énormes ressources ont été allouées à cette fin. Le programme d’armement de l’État grec avait pris des proportions importantes bien avant que Trump n’exige une augmentation des dépenses militaires de tous les États membres de l’OTAN. En consolidant l’axe diplomatique et militaire avec l’État d’Israël (les fondements d’un tel accord avaient été établis sous Tsipras), Mitsotakis a fait de l’État grec le plus fervent partisan de Netanyahou dans la région. Cherchant à exploiter les failles créées dans les relations américano-turques par la politique étrangère plus «non alignée» et «multidimensionnelle» d’Erdogan, Mitsotakis a promu un renforcement sans précédent des relations gréco-états-uniennes et une expansion significative de la présence de l’OTAN en Grèce. Le port de Souda en Crète est désormais devenu la base la plus importante de l’OTAN en Méditerranée, le port d’Alexandroupolis est devenu la «porte d’entrée» du corridor terrestre stratégique de l’OTAN vers la mer Noire et l’Ukraine, tandis que dans de nombreuses régions du pays (Thessalie, Péloponnèse, etc.), de nouvelles installations de l’OTAN ont vu le jour ou d’anciennes ont été agrandies dans le cadre d’activités opaques et secrètes. Le mouvement de masse de solidarité avec la Palestine, exigeant la rupture immédiate des relations étroites avec l’État d’Israël, a naturellement ciblé tous ces paramètres d’identification profonde à l’impérialisme euro-atlantique.

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Cependant, on ne peut pas jouer indéfiniment avec les dures réalités de la géographie et des données démographiques. En raison de sa situation géographique et de sa taille, l’importance de la Turquie pour les impérialistes euro-atlantiques reste considérable. Les efforts déployés par Trump et les dirigeants européens pour réintégrer plus fermement Erdogan dans le camp politique de l’OTAN laissent en suspens la stratégie concurrentielle des gouvernements grecs de ces dernières années. Les voix des principaux «experts» de l’État grec, qui affirment publiquement que le moment est venu d’adopter une politique de «compréhension» avec la Turquie, alertent Mitsotakis sur un nouveau casse-tête politique. En effet, ni son parti ni ses alliés ne sont prêts pour un tel changement, si et quand les développements internationaux le rendront nécessaire.

Tout cela signifie que le gouvernement réactionnaire et néolibéral à l’extrême dirigé par Kyriakos Mitsotakis est désormais un gouvernement instable et faible.

Personne ne pense qu’il soit encore sûr de parier que «Mitsotakis restera jusqu’en 2027», date à laquelle son deuxième mandat prendra fin. Les médias grand public, ainsi que des groupes de députés et de responsables de Nouvelle Démocratie, discutent désormais ouvertement de tous les scénarios possibles: la possibilité de recourir à des élections anticipées après une crise gouvernementale soudaine, la possibilité d’un changement de direction au sein de Nouvelle Démocratie avant les prochaines élections, ainsi que la possibilité d’un «atterrissage brutal»: Nouvelle Démocratie se présentant aux urnes avec Mitsotakis à sa tête, subissant une défaite et se trouvant dans l’incapacité de former un gouvernement. Il faudrait alors organiser de nouvelles élections – après un changement de direction au sein du parti de droite – et trouver des partenaires pour former un gouvernement de coalition, ce qui reste une question ouverte.

Je ne doute pas que ce gouvernement aurait été renversé depuis longtemps s’il avait été confronté à une opposition efficace.

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Cependant, en Grèce aujourd’hui, l’opposition parlementaire est enlisée dans une profonde crise politique et organisationnelle.

Le PASOK, le parti social-démocrate historique, a frôlé l’extinction en adoptant des politiques d’austérité néolibérales et en gouvernant en coalition avec la droite pendant les années de crise. La nouvelle direction dirigée par Nikos Androulakis a réussi dans une certaine mesure à reconstruire la force du parti, mais il est clair qu’elle n’a pas le pouvoir politique nécessaire pour sortir des limites d’un parti mineur «de deuxième rang», dont l’influence électorale oscille juste au-dessus ou en dessous de 12%. Sur la question cruciale des perspectives gouvernementales, Androulakis rejette toute alliance avec Mitsotakis, mais reste ouvert à la possibilité d’une coalition avec la droite sous une nouvelle direction de ND.

SYRIZA a été mise en pièces. Ceux qui ont conservé l’étiquette du parti, sous la direction de Sokratis Famellos (ancien social-démocrate, président de SYRIZA depuis novembre 2024), sont en recul constant et, selon certains sondages, ils pourraient même être confrontés au problème existentiel d’atteindre les 3% (quorum) lors des prochaines élections, seuil fixé par la loi électorale pour entrer au parlement. Une scission «de gauche», appelée la Nouvelle Gauche, qui a quitté SYRIZA en 2023 refusant de subir l’humiliation totale que représentait l’ère de Stefanos Kasselakis à la tête du parti [du 24 septembre 2023 au 8 novembre 2024], se trouve bien en dessous du seuil de survie parlementaire. Ceux qui ont suivi Stefanos Kaselakis dans sa nouvelle aventure, après qu’il a été exclu de la direction de SYRIZA et a quitté le parti, sont désormais politiquement absents, tandis que dans les sondages ils oscillent quelque part en dessous des 3%.

Dans ce paysage de désintégration, dont il porte la responsabilité décisive, Alexis Tsipras tente de réapparaître en «messie», annonçant son grand «retour». Tsipras s’adresse désormais à un public qui dépasse les limites de son ancien parti: il parle d’une large recomposition du «progressisme» qui inclura des parties de SYRIZA, des parties du PASOK, mais aussi des parties «démocratiques» du centre-droit. La politique qu’il met en avant dans ce sens témoigne d’une transformation politique complète: Tsipras se déclare désormais partisan du «capitalisme démocratique» et insiste sur la nécessité d’un «virage patriotique» sur toutes les questions de la rivalité gréco-turque pour la souveraineté en Méditerranée orientale. Traditionnellement en Grèce, flatter le nationalisme anti-turc a été une caractéristique indéniable de tous les escrocs politiques.

Le projet «Retour de Tsipras» bénéficie du soutien de certains acteurs majeurs de la classe dirigeante (notamment les oligarques Vagelis Marinakis et Dimitris Melissanidis [transport maritime et pétrole], entre autres). Cependant, on ne sait pas encore s’ils lui réservent un rôle important ou s’il sera écarté comme un citron pressé une fois que les transformations nécessaires et inévitables du champ politique actuel auront été menées à bien.

L’extrême droite conserve une base électorale cumulée de plus de 10%, répartie entre ses principales composantes: le parti nationaliste Solution grecque dirigé par la star de la télévision trash Kyriakos Velopoulos; le parti fondamentaliste religieux «Niki» qui se réfère à la tradition obscurantiste grecque orthodoxe; les yuppies racistes de La voix de la raison, dirigés par Aphrodite Latinopoulou [membre du Parlement européen, elle reprend tous les thèmes de l’extrême droite], fan de Trump. L’effondrement du parti nazi Aube dorée lors de son affrontement avec le mouvement antifasciste après le meurtre de Pavlos Fyssas (en 2013), ainsi que la tradition politique grecque qui consiste à attirer les figures «sérieuses» de l’extrême droite au sein du large mouvement Nouvelle Démocratie, ont pour l’instant privé l’extrême droite du personnel politique et du potentiel de leadership nécessaires pour permettre une croissance massive similaire à celle observée dans d’autres pays européens. Mais seulement pour l’instant. L’arrivée de la nouvelle ambassadrice américaine en Grèce, Kimberly Guilfoyle [ex-procureure du district San Francisco, personnalité de l’audiovisuel], est anticipée par l’extrême droite organisée, et également saluée par la presse, comme un «tournant» dans les efforts visant à développer un courant «trumpiste» dans la sphère politique grecque.

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Au sein de la gauche organisée, la principale force reste le Parti communiste grec (KKE). À l’approche de son 22e congrès (janvier 2026), il semble qu’il s’en tiendra à sa tactique actuelle: éviter les responsabilités qui correspondent à la dimension de son organisation, éviter les initiatives politiques qui pourraient conduire à des conflits non maîtrisables, et préférer un processus de croissance lent et contrôlé, mesuré principalement par l’augmentation progressive de son influence électorale.

Le document principal présentant les positions politiques du Comité central du KKE en vue du 22e congrès, dominé par le slogan «la question centrale est le PARTI!», ne laisse aucun doute sur cette orientation vers un développement centré sur soi-même, par petites étapes et, surtout, contrôlées.

La gauche anticapitaliste radicale conserve une force considérable et a joué un rôle de premier plan dans le mouvement de solidarité avec la Palestine. Cependant, les problèmes de consolidation politique et organisationnelle restent préoccupants et entravent les initiatives politiques «majeures» qui permettraient une contre-attaque.

Dans le domaine électoral, MERA25 s’est distingué – en alliance avec l’Unité populaire – comme un choix visible, sous la direction et la représentation de Yanis Varoufakis. L’analyse politique floue de Varoufakis, qui cible un certain «techno-féodalisme» et un certain «capitalisme cloud», ses positions politiques douteuses sur l’UE existante (mais aussi, plus récemment, sur la Chine et la Russie), ainsi que le fonctionnement de haut en bas de cette alliance, ont conduit à deux tentatives électorales infructueuses qui n’ont pas été expliquées par le parti. Cela devrait servir d’avertissement pour la prochaine fois.

Dans ce contexte, DEA, en collaboration avec cinq autres organisations de la gauche anticapitaliste radicale, a lancé une initiative visant à créer une démarche politique unifiée qui rejette à la fois le sectarisme égocentrique et la soumission à l’opportunisme politique. Dans le cadre de cette initiative, la question de la constitution d’une alliance électorale plus large reste posée et souhaitable, mais avec des conditions politiques préalables et une orientation politique plus claires.

Cependant, ces questions font déjà l’objet d’un autre article, qui sera publié ultérieurement. Le bon départ de notre initiative (en collaboration avec nos camarades de l’APO, Anametrisi, Metavasi, Xekinima et KEMA) et la participation importante à nos premiers événements publics nous permettent d’envisager les prochaines étapes avec optimisme. (Article reçu le 15 octobre 2025)

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[1] Le Parquet européen est un organe indépendant de l’Union européenne chargé de rechercher, poursuivre et renvoyer en jugement les auteurs d’infractions pénales portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union telles que la fraude, la corruption, le blanchiment de capitaux, la fraude transfrontière à la TVA. Le Parquet européen a commencé ses activités le 1er juin 2021. (Réd.)

Source https://alencontre.org

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