Discours de Zoé Konstantopoulou 15 juillet

Discours de Zoé Konstantopoulou en faveur du non à l’accord imposé par les créanciers prononcé au parlement dans la nuit du mercredi 15 Juillet 2015

Mesdames et Messieurs collègues,

Je voudrais commencer par remercier l’expert indépendant de l’ONU pour la Dette et les Droits de l’Homme, monsieur Bohoslavsky, qui est intervenu aujourd’hui (voir http://cadtm.org/Not-at-the-cost-of-human-rights-UN ), pour la troisième fois ce dernier mois et demi, avec son appel public afin de protéger la population grecque des nouvelles compressions de ses droits sociaux, droits sociaux qui ont déjà été minés et violés.

Je voudrais aussi remercier, le coordinateur scientifique du Comité pour la Vérité sur la Dette Publique, monsieur Éric Toussaint, qui avec son intervention publique aujourd’hui à nouveau, indique et propose une solution pour la Grèce, pour le peuple grec (voir : http://cadtm.org/Une-alternative-est-possible-au ) . Cette solution présuppose la suppression de la dette odieuse, illégale et illégitime; cette dette que certains essayent par tous les moyens de faire porter au peuple grec et aux nouvelles générations. Ces générations qui ne vous doivent rien, messieurs de la Nouvelle Démocratie et du PA.SO.K, vous qui gouverniez pendant 40 ans, et faites porter aujourd’hui, à chaque nouveau-né, dès son premier souffle, une dette de 32.500 euros.

Ainsi, je voudrais remercier ces personnes; ces mouvements et forces politiques en Europe qui s’activent et se mobilisent en disant que ceci est un coup d’état contre la Grèce, mais aussi contre son gouvernement. Je voudrais aussi remercier tous ces économistes, ces hommes de la culture, des arts, des lettres, ces intellectuels, qui ne se sont pas corrompus par le pouvoir et la tourbe des programmes d’austérité, mais qui s’y sont opposés en affirmant qu’il est inacceptable, dans une civilisation contemporaine, en 2015, qu’une action de vengeance autoritaire et anti-démocratique ai lieu contre ce peuple et ce gouvernement de la Gauche et de l’opposition au mémorandum. 

Mesdames et Messieurs collègues, ce soir est un jour noir pour la démocratie en Grèce et en Europe. Mais c’est aussi un jour noir pour le Parlement grec, parce qu’avec un chantage cru, provenant de l’Union Européenne et s’adressant d’abord au gouvernement et ensuite aux députés, le Parlement est appelé à ratifier, en 2h30, et sans discussions de fond, l’enterrement de sa propre fonction, de céder la souveraineté nationale, et d’hypothéquer les biens publics, en ayant comme horizon leur liquidation par un nouveau et bien plus monstrueux TAIPED (Fond Privé de Gestion des Biens Publics), que mon parti, Syriza, appelait et appelle un “élevage  de scandales”. Il est aussi appelé à assumer de l’ensemble de la dette et la prise en charge de l’entièreté des obligations qui y sont liées, alors que cette dette n’est pas soutenable, elle est odieuse, illégitime et illégale. Plus encore, il est appelé à ratifier davantage de compressions  des retraites, des compressions qui ont été jugées anti-constitutionnelles par le Conseil d’Etat et qui avaient été légiférées en novembre 2012, quand le groupe parlementaire de Syriza entier, est sorti avec des panneaux qui disaient ‘Vous détruisez le pays, partez maintenant’, et s’est uni ainsi au peuple et à la société, d’où il provient et auquel il appartient. Le Parlement est appelé à ratifier, davantage de réductions sur les dépenses publiques, malgré le fait que ces dépenses sont en dessous de la moyenne européenne, l’admission d’excédents primaires irréalisables qui mèneraient à une plus grande récession, l’admission que la procédure démocratique du référendum a généré une perte de la confiance. Il est aussi appelé à ratifier le rétablissement de la confiance par une législation sur commande, dans des échéances irréalisables et avec l’acceptation humiliante de dé-légiférer, d’abolir, des lois que nous avons votées ici au Parlement. 

Si ce projet de loi qui contient des références à un troisième mémorandum à venir, était apporté par les partis de ce pays qui sont pro-mémorandum, c’est-à-dire la Nouvelle Démocratie, le PA.SO.K, Potami, DIM.AR, et LA.O.S, je me serais adressée au Parlement avec un discours dénonçant une à une toutes ses dispositions. Cependant, c’est le gouvernement de la gauche et des forces anti-mémorandum qui amènent ce projet de loi, c’est le gouvernement de Syriza et de AN.EL, qui n’a jamais eu comme objectif l’introduction et l’application des mémorandums, mais au contraire, l’exemption de la patrie de ces derniers. Ce gouvernement qui ne croit pas que les mémorandums de la soumission et de l’austérité sont un remède pour l’économie, mais qui soutient depuis plusieurs années qu’il s’agit bien de la mauvaise recette, du poison qui tue la société, et qui sait à quel point ceci est destructeur.

Il n y a aucun doute que le gouvernement agit sous la contrainte, que le Premier ministre a subi le chantage le plus cruel et impitoyable, avec, comme outil de chantage, la survie de son peuple. Et il n’y a aucun doute que si ce chantage est ratifié ce soir, rien n’empêchera sa répétition, non seulement contre nous, mais aussi contre d’autres peuples et d’autres gouvernements. D’ailleurs nous ne sommes pas les premiers, Chypre nous a précédé en mars 2013, le même mois où deux étudiants ont péri à Larissa par les fumées d’un réchaud, car ils n’avaient pas d’argent pour se réchauffer autrement, la même année qu’a perdu la vie un jeune de 18 ans pour éviter le contrôle des tickets de bus car il n’avait pas les moyens de payer, la même année qu’a perdu la vie une fille de 10 ans à Thessalonique, Sarah, elle aussi en conséquence des émanations d’un réchaud, dans la maison où elle vivait pendant des mois sans électricité avec sa mère immigrée.

Le mémorandum a provoqué une crise humanitaire en Grèce, et nos dits partenaires le savent. Ils n’ont aucun droit de menacer le gouvernement et le Premier Ministre avec une destruction humanitaire totale, avec un réel holocauste, qu’ils ont eux-mêmes orchestré par leur refus d’approvisionner les banques en liquidités, afin d’obliger le Premier Ministre à “enlever sa peau”, et à consentir, à tout ce à quoi il s’est opposé, à tout ce contre quoi il s’est battu avec constance. Il s’agit là d’un coup d’état, de l’abolition de la démocratie, l’abolition de la fonction constitutionnelle, et d’une imposition de conditions de vie qui mèneront de façon certaine– en partie ou totalement – à la destruction (d’une partie ou de l’ensemble) de la population grecque. Il s’agit ainsi d’un crime contre l’humanité et d’un génocide social.

Je crois que le Premier Ministre a fait tout ce qui lui était possible pour s’opposer à ce chantage. Personne ne peut le nier. Et personne ne peut diminuer la part de courage, de désintéressement et de grandeur morale dans son intention – aujourd’hui – de procéder à son autodestruction politique, considérant qu’ainsi il servira le peuple et la société. Je considère que le Parlement et le Groupe Parlementaire de Syriza ne devraient pas permettre qu’une telle chose se produise.

Je considère que le Parlement doit empêcher la réalisation du plan de la “parenthèse de gauche”, mis en oeuvre par des esprits pervers, qui veulent transformer le gouvernement de gauche en réalisateur et en exécutant du mémorandum. Ceux qui veulent nous obliger, un par un et une par une, à dire et à faire l’opposé de tout ce pour quoi nous nous sommes battus, qui veulent nous humilier au point que nous ne puissions plus nous reconnaître nous-mêmes et que la société, notre allié naturel, ne puisse plus nous reconnaître, comme le peuple, duquel nous sommes chaire de sa chaire.

Nous n’avons pas le droit de laisser faire une chose pareille. Pas à cause d’une soit disante fierté ou d’un dogmatisme idéologique, mais par la conscience profonde qu’il s’agira d’une plaie inguérissable pour le moral collectif et social, pour ce qui palpite et s’enhardit et surtout se déchaîne et brandit dans les jeunes générations. Pour tous ceux et celles qui ont cru en nous, non pas pour leur avoir promis des embauches et des privilèges, mais parce qu’ils ont fait confiance à notre constance, notre désintéressement, nos luttes et nos engagements. 

Le plan de la “parenthèse de gauche”, est le même plan qui voudrait que le gouvernement de la gauche et de la lutte contre le mémorandum soit discrédité. Le plan qui veut que le peuple devienne désespéré et soit dépourvu de ses appuis. Qui veut la société insurgée. Et qui veut que certaines puissances de déstabilisation, comme celles que nous avons vu agir à répétition dans notre pays, revendiquent la haute main.  Il veut voir les Intérêts du système de corruption mouvoir leurs marionnettes, désigner leurs représentants à la tête d’ELSTAT, où nous risquons de conserver monsieur Georgiou qui est responsable pour la soumission du pays au mémorandum, au siège de la Banque de Grèce où nous subissons encore monsieur Stournaras, à la tête du Fonds de Stabilité Financière et du TAIPED (Fonds Privé de Gestion des Biens Publics). Ce plan veut que ceux qui ont détruit le pays reviennent ressuscités et en tant que donneurs de leçons, alors qu’ils devraient rendre des comptes à l’histoire et à la justice. Et il veut encore, malheureusement, que les forces de l’extrême droite et du fascisme, sorties tout droit de notre passé horrifiant, revendiquent la représentation authentique de la société et usurpent les luttes du peuple. Personne n’a le droit de prétendre ne pas le voir. D’ailleurs l’avant-première est bien cette séance.

Mesdames et messieurs collègues, et ici je m’adresse à mes camarades de SYRIZA. En démocratie, il n’y a pas d’impasse. Le peuple a parlé. Il a dit un grand NON aux ultimatums, aux chantages, aux intimidations, à la propagande et à la terreur. NON aux mémorandums. Nous n’avons pas le droit de transformer ce NON du peuple en OUI avec notre vote. Nous n’avons pas le droit non plus de l’interpréter en tant que NON sous conditions. Chacune des mesures contenues dans ledit accord a été rejetée par les citoyens avec une majorité assourdissante. Nous sommes tenus de défendre leur verdict, parce que notre pouvoir réside en eux. Et parce que nous, contrairement aux autres, nous n’avons jamais revendiqué ou voulu le pouvoir pour nous le partager et pour le désosser, comme l’ont fait les forces du mémorandum et de l’ancien système politique du bipartisme, vicieux et kleptocrate, de PASOK et de ND, qui a l’audace maintenant de nous donner des leçons. Nous avons revendiqué le pouvoir pour le rendre au peuple. Le NON du peuple n’était pas un NON conditionnel. Le NON du peuple n’était pas un NON avec des astérisques. Ceux qui pensent que le NON de référendum a été exprimé sous la condition que le pays reste dans l’EURO, doivent alors reformuler la question et la poser à nouveau au peuple. Mais la question ne pourra jamais être celle à laquelle on voudrait nous faire répondre par la Troïka et son nouvel ultimatum. La question ne pourra jamais être EURO ou démocratie, EURO ou Droits Humains, EURO ou Europe. Parce qu’il s’agit là de questions réactionnaires, anti-démocratiques, anti-européennes et anti-humanitaires. Des questions face auxquelles le peuple a le savoir, la vigueur et l’expérience historique pour y répondre. 

Mais il faudra à un moment donné, car certains ont l’audace de parler de lobby de la drachme, parler aussi du lobby du système Simitis, du lobby de la “modernisation” qui revendique toujours à travers le système de corruption de gouverner ce pays, et qui veut se justifier par des actions profondément anti-démocratiques et putschistes, qui est même arrivé jusqu’à l’intervention de monsieur Venizelos, demandant que le Parlement sanctionne le communiqué, c’est-à-dire qu’il ratifie un document sans fondement, afin de fournir des preuves de soumission et de créer des situations sans retour possible.

Je n’ai aucun doute, et je le dis avec ma conscience claire, parce que c’est bien de notre conscience qu’à ces heures nous devons parler, que tant le gouvernement que le peuple, sont tenus réellement par le NON au vote d’aujourd’hui. Il n’y a pas de place ici pour des illusions. Le Premier Ministre et le gouvernement qui se trouvent sous la contrainte du chantage, le Groupe Parlementaire doit les aider en les armant, et ne pas leur porter le coup de grâce avec un OUI, pensant qu’il les aide, ou les supplier de lui faire du chantage, chose que le Premier Ministre n’a pas fait, comme le faisaient ses prédécesseurs, et c’est tout en son honneur.

L’affaire de la Gauche et de la démocratie, de l’émancipation sociale et populaire et de la libération, se sont toutes les résistances, les petites et les grandes, qui la servent. Si le Parlement ne résiste pas au chantage aujourd’hui, il y cédera à nouveau. S’il légifère en acceptant des ultimatums, il le fera à nouveau, et il se verra contraint à le refaire très prochainement. Et s’il cède, s’il s’égare, s’il se laisse paralyser, il se retrouvera face à lui-même et à sa conscience, mais aussi face à son âme.

Mesdames et messieurs, chers collègues, si pour certains la question et la responsabilité pèsent lourd, il est important de considérer que dans notre histoire il y a eu des hommes qui ont pris en charge des responsabilités, quand elles sont tombées sur eux, et qui ont réalisé de bien plus grandes résistances que ce NON de conscience à ce qui en effet doit être repoussé.

Je vous remercie.

Traduction du grec par Daphné Kioussis et Viviane Dimitriou

Gilles Deloustal

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