Dette grecque de 2012 et recapitalisation bancaire jusqu’à 2016

La restructuration de la dette grecque de 2012 et la recapitalisation bancaire jusqu’à 2016 par Daniel Munevar 

En premier lieu seront analysés l’impact qu’a eu la restructuration de la dette de 2012 sur les banques grecques et les mesures prises afin de garantir leur recapitalisation effective. Cette partie aborde le rôle du Fonds hellénique de stabilité financière (FHSF) dans ce processus et les problèmes découlant de la composition de son conseil général. Celui-ci incluait d’anciens banquiers grecs et étrangers qui avaient eux-mêmes été impliqués dans la mauvaise gestion de banques. En conséquence, le FHSF s’est interdit de prendre des mesures significatives qui auraient bouleversé le statu quo autour du fonctionnement du système bancaire grec. Enfin, cette partie montre en quoi les politiques imposées par la Troïka dans le cadre du premier processus de recapitalisation ont fragilisé la stabilité du système bancaire grec.

Au début de l’année 2012, il est apparu clairement que le programme d’assistance financière à la Grèce était un échec. La mise en œuvre de mesures d’austérité a provoqué un effondrement économique, rendant inatteignables les objectifs fiscaux du programme. En conséquence de ces mesures, la dette publique a augmenté pour atteindre fin 2011 le montant de 356 milliards d’euros (172,1% du PIB). Cela a provoqué un important problème puisque le premier programme d’assistance financière était basé sur l’hypothèse qu’au début de l’année 2012, la majeure partie des besoins financiers du pays serait assurée par des fonds privés |1|. Or, l’accès de la Grèce aux marchés de capitaux était quasiment bloqué par la perspective imminente d’une restructuration de la dette. Ainsi, en plus des fonds publics nécessaires à la satisfaction des besoins financiers du pays, des mesures devaient être prises afin de réduire le fardeau de la dette.

il est apparu clairement que le programme d’assistance financière à la Grèce était un échec.

Un deuxième programme d’assistance financière à la Grèce fut préparé à cet effet. Le nouveau programme conservait la même contradiction interne que celle du précédent : il était supposé que d’importants surplus budgétaires seraient compatibles avec une reprise économique. Ce programme incluait également la restructuration de la dette dans le cadre de ce que l’on a appelé Private Sector Involvement (PSI, « participation du secteur privé »). Le PSI prévoyait un échange de dette des derniers créanciers privés du pays, afin de réduire le fardeau de la dette. En conséquence, on attendait des banques grecques qu’elles jouent un rôle clé dans ce processus, étant donnée leur importante exposition aux titres grecs. Ainsi, afin d’assurer la stabilité financière, le programme devait simultanément s’occuper de la restructuration de la dette et de ses répercussions sur la solvabilité des banques.

Les négociations autour de la restructuration de la dette eurent lieu entre mars et avril 2012. Il s’agissait de l’opération la plus importante dans l’histoire des défauts sur la dette souveraine, puisqu’elle concernait des titres de créance pour une valeur nominale de 205 milliards d’euro |2|. Afin d’accomplir cette opération, le gouvernement grec a amendé les conditions associées à des titres soumis au droit grec pour une valeur nominale de 177 milliards d’euros |3|. En théorie, le gouvernement aurait pu utiliser ce mécanisme pour imposer unilatéralement des conditions à ses créanciers, mais il a préféré négocier avec eux en soumettant leurs titres, de manière rétroactive, à des clauses d’action collective (CAC) |4|. À l’aide de cet instrument, le gouvernement a obtenu un accord de restructuration de la dette publique concernant 82,5% des détenteurs de titres soumis au droit grec |5|. Les CAC ont été un élément-clé pour qu’un niveau important de créanciers détenant des titres soumis au droit grec acceptent l’accord et participent à la restructuration. En conséquence de cette restructuration, la valeur nominale de la dette grecque a été réduite de 107 milliards d’euros, soit près de 50% du PIB.

Cependant, l’allégement réel de la dette grecque n’a pas atteint ces montants. Cela s’explique par la distribution inégale des pertes liées à la restructuration. Alors que les fonds de pension et d’autres détenteurs domestiques de titres ont subi une perte d’environ 65% de la valeur de leurs titres, les banques ont quant à elles été entièrement dédommagées à travers un mécanisme de recapitalisation bancaire. Ainsi, un large montant de l’allègement de la dette a finalement servi à compenser les pertes des banques. Le deuxième programme d’assistance financière prévoyait un fonds de 40,5 milliards d’euros destiné à s’assurer que les besoins en capitaux des principales banques du pays soient satisfaits |6|. Il est important de souligner que, comme c’était déjà le cas dans le premier programme, aucun mécanisme de bail-in (faisant porter les coûts de la recapitalisation sur les actionnaires et les détenteurs des obligations émises par les banques) n’a été envisagé afin de réduire le besoin de financement par des fonds publics. Le gouvernement grec aurait pu épargner jusqu’à 25 milliards d’euros destinés au bail-out s’il avait pris ce type de mesure |7|. Cette décision contraste de manière importante avec l’approche adoptée pour le deuxième processus de recapitalisation de 2015, qui a impliqué un mécanisme de bail-in des parts du gouvernement dans les banques afin de réduire le montant du bail-out. Le « deux poids, deux mesures » appliqué ici (protéger les actionnaires privés en 2012, mais appliquer un bail-in des parts publiques en 2015) mérite d’être mis en question.

les banques ont quant à elles été entièrement dédommagées à travers un mécanisme de recapitalisation bancaire.

De plus, les fonds de recapitalisation ont été attribués afin d’assurer que les banques grecques supportent l’impact de la restructuration de la dette ainsi que la détérioration rapide de leurs portefeuilles de prêts. En théorie, un niveau adéquat de recapitalisation aurait dû leur permettre de reconnaître leurs pertes et d’assainir leurs bilans comptables, afin de pouvoir recommencer à distribuer des crédits dans l’économie et faire démarrer la reprise économique. À cet égard, un cadre crédible pour régler les problèmes des défauts de paiement (NPLs, « Non-performing loans  ») aurait dû inclure, parmi d’autres, des mesures visant à appliquer des changements dans le personnel de direction et les modèles de gestion des banques. Mais le programme s’est limité à quelques mesures superficielles telles que la projection de changements du cadre juridique afin de faciliter, entre autres, la maximisation du recouvrement des actifs |8|.

L’absence d’un cadre crédible pour régler les problèmes des NPLs s’explique en partie par l’hypothèse explicitement formulée par les régulateurs vis-à-vis de l’impact de ce deuxième programme sur l’économie – et par extension sur l’évolution des portefeuilles de prêts des banques. Le programme se basait sur l’hypothèse d’une forte contraction de l’économie en 2012 qui serait suivie d’une rapide reprise à partir de 2014. L’augmentation du pouvoir d’achat et de l’emploi aurait ainsi dû permettre aux banques de stabiliser, puis éventuellement d’endiguer, la croissance des créances douteuses |9|. Mais, puisque ces projections ne prenaient pas en compte les effets multiplicateurs de l’austérité budgétaire comprise dans le programme, elles se révélèrent largement erronées |10|. Tandis que la crise économique s’approfondissait en Grèce, les NPLs ont continué d’augmenter à un rythme effréné (graphique 1) |11|. Ainsi, au dernier trimestre de l’année 2013, les NPLs représentaient 138% du capital des banques |12|, et ce alors que leur recapitalisation avait eu lieu moins de 18 mois plus tôt. Sauver les banques sans relancer l’activité économique et sans reconnaître la qualité douteuse des portefeuilles de prêts était condamné à l’échec.

Graphique 1 – Évolution des défauts de paiement (Non-performing loans) en % de l’ensemble des prêts octroyés par les banques grecques (2009-2015)

Source : FMI

C’est le Fonds hellénique de stabilité financière (FHSF) qui supervisait le processus de recapitalisation bancaire. Le FHSF avait été mis en place en 2010 afin de garantir la stabilité du système bancaire grec. Parmi d’autres responsabilités, il est chargé de pourvoir en capital les établissements de crédit, de contrôler et de superviser la réalisation des plans de restructuration soumis par les établissements de crédit ayant bénéficié des ressources du Fonds, ainsi que de faciliter la gestion des NPLs |13|. Les débuts du Fonds, créé en tant qu’organe indépendant du gouvernement, furent timides. Dans les 18 mois qui ont suivi sa création, le FHSF disposait d’un capital de 1,5 milliard d’euros. Durant cette période, il n’a attribué des fonds qu’à la banque New Proton |14|. Nous reviendrons plus loin sur les caractéristiques particulières de la relation entre le FHSF et New Proton.

Une fois que le deuxième programme a commencé à être appliqué, l’étendue des opérations du FHSF a largement augmenté. Il reçut 50 milliards d’euros de fonds destinés au bail-out, qui allaient être utilisés pour la recapitalisation des banques affectées par la restructuration de la dette. Dans le cadre de ce processus, son indépendance par rapport au contrôle public fut renforcée. Malgré le fait qu’il allait bientôt acquérir une part importante du système bancaire en raison du processus de recapitalisation |15|, le programme a fixé des limitations strictes concernant les droits de votes du FHSF associés aux actions des banques en sa possession. Ces mesures avaient pour objectif de garantir l’autonomie des affaires des banques, de jure et de facto |16|. Ainsi, même si le processus de recapitalisation était principalement financé par des fonds publics, le contrôle réel du gouvernement grec sur les ressources des institutions qui en bénéficièrent était limité. Le mémorandum excluait implicitement la possibilité de propriété publique ou coopérative des institutions recapitalisées, alors que cette option avait déjà été appliquée avec succès, par exemple en Norvège et en Suède au début des années 90 |17|.

Le mémorandum excluait implicitement la possibilité de propriété publique ou coopérative des institutions recapitalisée.

Tandis que l’indépendance du conseil général du FHSF était renforcée, des questions préoccupantes furent soulevées concernant sa composition. Le gouvernement grec et la Troïka avaient dû faire face à un choix difficile pour sélectionner ses membres. D’un côté, se reposer uniquement sur des membres grecs était problématique en raison des importantes allégations de corruption et de connivence au sein du système bancaire grec. De l’autre, se reposer uniquement sur des membres étrangers aurait été perçu comme une décision de la Troïka outrepassant son rôle de manière injustifiée |18|. Finalement, en décidant de nommer des membres étrangers au passif douteux, c’est la pire combinaison des deux options qui a été choisie. Par exemple, on comptait Pierre Mariani et Wouter Devriendt parmi les membres du conseil. Ces deux hommes avaient été impliqués en Belgique dans le processus de résolution du groupe Dexia, qui avait été un fiasco.

Le cas d’Anastasia Sakellariou, directrice générale du FHSF entre 2013 et 2015, est encore pire. En mai 2015, Sakellariou a été sommée par le gouvernement grec de quitter son poste car elle était inculpée pour fraude et blanchiment d’argent, aux côtés de 25 autres anciens cadres de la banque Hellenic Post Bank |19|. Les charges portées contre Mme Sakellariou sont liées à l’approbation, en 2012, d’un prêt permettant le rallongement de deux lignes de crédit de la banque à un fameux magnat local |20|. Au lieu d’exiger son renvoi jusqu’à la fin de l’enquête, le directeur de la Banque de Grèce, Yannis Stournaras, et le conseil général du FHSF ont soutenu Mme Sakellariou |21|. Cela aide à comprendre pourquoi il a été si difficile de s’attaquer à la présence importante de NPLs dans le système : il n’est pas possible d’attendre une résolution satisfaisante de ce problème si les autorités chargées de réguler les banques et d’imposer la reconnaissance des pertes sont elles-mêmes impliquées dans ce jeu de corruption bancaire. Sans de fortes mesures de restructuration des banques incluant un changement complet du personnel de direction et des modes de gestion afin d’enrayer la corruption, les problèmes découlant des prêts douteux continueront à gangréner les institutions financières du pays.

On peut observer des exemples de cette dynamique dans la réponse apportée par le FHSF aux difficultés auxquelles devaient faire face deux autres établissements grecs, les banques Proton et Piraeus. Concernant Proton, la gestion de la banque fut modifiée en 2010, après que M. Lavrentis Lavrentiadis eut acheté une part minoritaire de la banque, ce que George Pavropoulos, directeur de la Banque de Grèce, avait personnellement approuvé malgré l’avis défavorable délivré par un audit |22|. La vente fut officiellement conclue un mois avant la signature du premier programme d’assistance. La banque Proton, contrôlée par M. Lavrentiadis, fut utilisée par celui-ci pour accorder à lui-même et à ses associés des prêts à hauteur de 600 millions d’euros avec des garanties faibles voire inexistantes. Parmi ces prêts, 51 millions d’euros furent transmis directement sur les propres comptes de M. Lavrentiadis |23|. Cette frénésie de prêts fut financée en recourant à la fourniture de liquidité d’urgence (« Emergency Liquidity Assistance », ELA) de la BCE |24|. Bien qu’il était de la responsabilité de la Banque de Grèce et du FHSF de superviser les opérations de la banque Proton, ces deux entités sont restées les bras croisés tandis qu’il a fallu qu’une commission spéciale d’investigation de la Cour suprême de Grèce intervienne pour révéler la fraude |25|. Au final, le FHSF a procédé en 2011 au bail-out de la banque Proton à l’aide de fonds publics à hauteur de 1,3 milliard d’euros |26|.

L’affaire de corruption à la banque Piraeus suit une logique similaire. En 2011, afin de renforcer son capital de base, Piraeus émit de nouvelles actions. Une fois le processus achevé, la famille de Michael Sallas, qui était alors le président exécutif de Piraeus, devint l’actionnaire majoritaire de la banque. Afin d’accomplir cet exploit, la famille Sallas avait contracté des prêts pour un montant total de 100 millions d’euros auprès de la Banque Marfin Popular (MPB), en donnant comme garantie les parts ainsi acquises |27|. Les responsables de l’audit de la MPB ont souligné que ces prêts avaient été accordés alors que les perspectives financières de Piraeus étaient « profondément négatives » et « désespérées » |28|. Il est estimé que près d’un cinquième du nouveau capital apporté à la banque fut permis par les prêts d’autres banques grecques. De la part de la Banque de Grèce et du FHSF, le fait d’avoir permis ce type d’opération représente un manquement majeur à leur rôle de gardiens de la stabilité financière. Concrètement, l’utilisation de prêts accordés par une banque pour acheter des parts d’une autre banque n’est rien d’autre qu’un système de Ponzi : si des pertes se matérialisent dans une banque financée de la sorte, son capital se réduisant alors et ses actionnaires étant éliminés, les mêmes pertes s’étendent à la banque ayant fourni les prêts. C’est pour cette raison que les normes internationales prévoient que les banques qui adoptent cette conduite doivent traiter les prêts comme une acquisition directe des actions de la banque concernée et déduire les montants de leur propre capital. Dans le cas présenté ici, la Banque de Grèce et le FHSF ont préféré détourner le regard |29|.

ces prêts avaient été accordés alors que les perspectives financières de Piraeus étaient « profondément négatives » et « désespérées »

De plus, les mesures prises par le FHSF ont conduit à une augmentation dangereuse du niveau de concentration du système financier dans le pays. Entre 2008 et 2013, la Grèce est le pays de la zone euro où le nombre d’établissements de crédit a diminué le plus |30|. Ce processus a notamment été marqué par la quasi disparition des filiales et branches étrangères, acquises par deux des plus grandes banques du pays soutenues et encouragées par les autorités européennes |31|. La Grèce s’est retrouvée avec le système bancaire le plus concentré de la zone euro : une fois que la première vague de consolidation fut accomplie en 2013, les cinq plus grands établissements de crédit du pays détenaient près de 95% de la totalité des actifs dans le système |32|. Ce degré de concentration soulève des questions supplémentaires quant à la capacité des banques à éviter la connivence et la protection d’intérêts particuliers, et quant à celle du gouvernement à se protéger lui-même et à protéger le public des risques associés à l’insolvabilité de ces institutions.

À la fin de l’année 2013, il apparaissait très clairement que la tentative initiale de recapitalisation des banques grecques était un échec quasi complet. À cette période, le FHSF avait alloué 37,3 milliards d’euros à la recapitalisation et à la consolidation du système bancaire du pays. Sur l’allocation initiale de 50 milliards d’euros, les fonds restants furent mis en réserve au cas où de nouveaux besoins de recapitalisation apparaitraient. Lorsque le deuxième programme est apparu comme un échec et les spéculations autour d’un potentiel troisième programme ont commencé, le gouvernement grec a proposé d’utiliser les fonds restants du FHSF dans le but de réduire les divers besoins de financement du pays. Cependant, dès septembre 2013, les responsables de la Troïka craignaient que l’impact de la détérioration de l’économie grecque, couplé aux répercussions de la crise financière à Chypre, conduise à l’utilisation de fonds supplémentaires pour recapitaliser les banques au-delà des réserves disponibles du FHSF |33|.

Le désaccord entre les autorités grecques et la Troïka concernant la situation réelle du système bancaire grec apparut au début de l’année 2014, quand la Banque de Grèce fit fuiter dans la presse locale son évaluation des besoins en capitaux des banques grecques avant la publication d’une évaluation du programme par la Troïka et sans consulter celle-ci. Selon la Banque de Grèce, qui faisait l’hypothèse d’une reprise des profits de l’activité bancaire dès 2015, les besoins en capitaux des banques s’élevaient à 6 milliards d’euros. Dans le même temps, le FMI et la BCE évaluaient ce besoin à près de 20 milliards d’euros |34|. Toutefois, si la Troïka avait voulu pousser à agir dans son sens, cela aurait signifié deux choses. Premièrement, elle aurait dû insister sur la nécessité d’une restructuration plus profonde du secteur bancaire grec à peine un an après l’injection massive de fonds publics dans celui-ci. Deuxièmement, elle aurait dû ouvrir une discussion formelle sur un troisième plan de sauvetage, dans une situation où il n’y avait plus de fonds disponibles dans le cadre du deuxième programme et où la Troïka avait de sérieux doutes sur la volonté du gouvernement grec de remplir ses engagements.

Finalement, le FMI et la BCE se mirent en retrait sur la question. Dans une évaluation menée en avril 2014, le FMI se contenta de rendre compte que les hypothèses de la Banque de Grèce étaient « optimistes » et certainement situées dans la « tranche basse » des besoins réels de financement des banques. Le FMI s’abstint de faire part de sa propre estimation des besoins en capitaux des banques. En l’état, le FMI estimait que le pays avait besoin de 12,6 milliards d’euros supplémentaires afin de couvrir ses besoins de financement pour l’année 2015, sans prendre en compte les fonds de recapitalisation bancaire additionnels |35|. Cet écart devait être couvert soit par un retour sur les marchés de capitaux, soit par un nouveau programme. Reconnaître les besoins de fonds additionnels aurait écarté la première option et rendu la seconde inévitable.

La BCE allait suivre une approche similaire quelques mois plus tard. En octobre 2014, elle conduisit une évaluation approfondie afin d’examiner la situation des banques européennes et de déterminer si des mesures supplémentaires devaient être prises pour assurer leur capitalisation et leur fonctionnement. À l’issue de cet exercice, la BCE estima que trois des quatre principales banques grecques avaient passé le test de résistance avec succès |36|. Concernant la quatrième banque, Eurobank, son échec fut considéré comme étant marginal |37|. Cela représentait un changement important dans l’orientation de la BCE, étant donné son rôle en tant que gardienne de la stabilité financière du pays. De plus, cela indique que les considérations politiques et stratégiques ont pris le dessus sur les réalités financières alors que les doutes étaient de plus en plus importants quant à la capacité du gouvernement grec à mettre en place l’accord.

les considérations politiques et stratégiques ont pris le dessus sur les réalités financières.

Afin de justifier son orientation, la BCE a appliqué une approche similaire à celle de la Banque de Grèce en utilisant des prévisions basées sur des hypothèses favorables. Dans ses scénarios, la BCE supposait des taux d’inflation positifs, allant de 0,3% à 1,3% entre 2014 et 2016 |38|. Or, la Grèce connaissait déjà une situation de déflation depuis 2013 qui a pris de l’ampleur au point d’atteindre une baisse des prix de 1,4% en 2014 |39|. Vu l’impact négatif de la déflation sur les portefeuilles de prêts, la BCE aurait reconnu qu’il y avait un manque de capital dans tous les grands établissements bancaires si elle avait utilisé des hypothèses plus réalistes. Par définition, cela aurait signifié qu’elle aurait admis l’échec de la recapitalisation bancaire de 2012 et la nécessité de lancer un vrai processus de résolution bancaire. Mais à ce moment, le fait de cacher sous le tapis les problèmes des banques grecques était devenu une pratique routinière.


Le deuxième processus de recapitalisation bancaire (de 2015 à aujourd’hui)

Cette partie se consacre à présenter les principaux développements du système bancaire grec depuis le début de l’année 2015. Les contradictions des mesures adoptées par la BCE, en tant que conductrice de la politique monétaire de la zone euro et en tant qu’exécutrice en dernier ressort des politiques de la Troïka, seront analysées en détail. Cette partie se conclut par une vue d’ensemble des principaux éléments du deuxième processus de recapitalisation des banques grecques et par une exposition des principaux éléments permettant d’expliquer pourquoi ce processus ne pourra pas remplir ses objectifs affichés.

Comme l’a montré l’analyse faite précédemment, le système bancaire grec se trouvait dans une situation précaire au moment des élections de janvier 2015. Du côté de leurs actifs, le manque de changements appliqués au personnel et au modèle de gestion des banques s’est traduit par une constante contraction du crédit et, en conséquence, par une augmentation des NPLs. L’issue incertaine des négociations entre la Troïka et le gouvernement nouvellement élu a aggravé ce problème plus encore. Du côté des passifs, les banques devaient faire face à de nouvelles tensions en raison de la panique bancaire et étaient forcées d’augmenter leur dépendance au financement apporté par l’Eurosystème. Dans ce contexte, l’insolvabilité des banques systémiques n’était pas une question de probabilité, mais de temps. Les autorités européennes, notamment la BCE, étaient conscientes de ce fait et l’ont utilisé de manière déterminée afin de mettre le gouvernement grec sous pression. Il vaut la peine d’étudier chacun de ces développements.

l’insolvabilité des banques systémiques n’était pas une question de probabilité, mais de temps.

La contraction du crédit et l’augmentation conséquente des NPLs sont les principaux problèmes des banques grecques si l’on regarde du côté de l’actif de leurs bilans financiers. Les graphiques 1 et 2 montrent ces développements. Les crédits aux ménages et aux entreprises non-financières ont chuté de manière continue depuis le début de la crise. Cela reflétait l’effondrement économique à l’œuvre dans le pays et, par extension, le manque de demande de crédit et la sous-capitalisation bancaire. Par ailleurs, l’évolution des NPLs a suivi la tendance établie depuis 2008. On estime qu’au deuxième trimestre 2015, leur montant était proche de 100 milliards d’euros, obstruant réellement le système de crédit du pays et empêchant ce faisant toute perspective crédible de reprise économique |40|.


Graphique 2 – Évolution du crédit interne en Grèce (2009-2015)

Source : Banque de Grèce

Aggravant ces problèmes, une fuite des dépôts fut provoquée par l’absence d’engagement clair de la BCE en faveur d’un soutien illimité aux banques qu’elle avait jugé solvables lors de son dernier test de résistance. Entre décembre 2014 et juillet 2015, les dépôts des ménages ont diminué de 39,4 milliards d’euros, soit une réduction de près d’un quart de la totalité des dépôts (graphique 3) |41|. Parmi ces sorties d’argent, 17,8 milliards d’euros (45,1% du total) ont été transformés en monnaie en circulation |42|. Tandis que les besoins de financement provoqués par la fuite des dépôts s’amplifiaient, la dépendance des banques grecques à la BCE s’intensifiait. Les coûts de cette dépendance ont augmenté suite à la décision de la BCE de suspendre la dérogation appliquée à l’éligibilité des titres publics grecs en tant que garanties acceptables. Depuis avant la restructuration de la dette de 2012, les titres de créance grecs étaient qualifiés de pourris par toutes les grandes agences de notation. En conséquence, ils étaient considérés comme inéligibles en tant que garanties acceptables pour l’obtention de prêts de la BCE. Cependant, afin d’assurer le bon fonctionnement des opérations du système financier grec, la BCE avait introduit une dérogation permettant aux banques grecques de présenter des titres publics en tant que garanties afin d’accéder au financement de la banque centrale. Cette dérogation a été annulée en février 2015, et n’a été réintroduite que le 22 juin 2016. Dans ce contexte où les titres publics n’étaient plus acceptés en tant que garanties, la BCE a augmenté sa fourniture de liquidités d’urgence (ELA) aux banques grecques de façon continue, tout en la conditionnant à une issue positive aux négociations. Ainsi, l’ELA est passée de 59,5 milliards d’euros en février 2015 à 89 milliards d’euros au moment où le contrôle des capitaux a été introduit à la fin du mois de juin 2015 |43|.


Graphique 3 – Dépôts des résidents dans les banques grecques (2009-2016)

Source : Banque de Grèce

À cet égard, il est important de souligner que la décision de la BCE de limiter la mise à disposition de liquidités supplémentaires dans le système bancaire grec, qui a conduit à l’imposition effective d’un contrôle des capitaux, contrevenait aux principes guidant son action en tant que banque centrale, ainsi qu’à son mandat et à ses principales responsabilités |44|. En effet, l’une des principales tâches d’une banque centrale est de juguler les paniques bancaires. Pour ce faire, la banque centrale doit fournir des liquidités de manière illimitée en échange de bonnes garanties, afin d’assurer qu’un problème de liquidité ne se transforme pas en problème de solvabilité. Dans les lignes directrices de son cadre institutionnel, la BCE reconnaît que ce type de mise à disposition de liquidité est l’un de ses principaux outils de gestion de crise : « Le cadre institutionnel pour la stabilité financière de l’UE est composé de deux éléments : (i) la prévention des crises ; et (ii) la gestion et la résolution des crises. La BCE, en partenariat avec les banques centrales nationales de la zone euro, contribue à ces deux éléments. […] Les autorités peuvent prendre différentes mesures pour gérer une crise et empêcher les perturbations. Par exemple : […] les banques centrales peuvent chercher à rétablir des conditions normales d’accès aux liquidités sur les marchés financiers, ou prendre des mesures assurant le bon déroulement des opérations des structures de marché telles que les systèmes de paiement » |45|. Puisque la BCE avait estimé que les banques grecques étaient solvables lors du test de résistance appliqué en 2014, elle avait l’obligation de leur faire bénéficier de l’ELA afin de juguler la panique bancaire tant que ces banques étaient capables de présenter des garanties en accord avec les régulations de la BCE. Au moment où la BCE a plafonné l’ELA en contradiction avec ses outils de gestion de crise, les banques grecques auraient pu accéder à des fonds d’urgence pour un montant estimé à 28 milliards d’euros |46|. C’est pourquoi l’on peut dire qu’à travers ses actions, la BCE a placé des contraintes supplémentaires sur les conditions d’accès aux liquidités de l’économie grecque, de même qu’elle a causé des perturbations dans son système de paiement.

la BCE a placé des contraintes supplémentaires sur les conditions d’accès aux liquidités de l’économie grecque.

De plus, les agissements de la BCE contrevenaient à deux de ses responsabilités telles que fixées explicitement par les traités de l’UE |47|. Premièrement, les importantes perturbations qui ont été imposées au système de paiement sont clairement une violation de l’article 127 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, qui dit que la BCE doit assurer le bon fonctionnement de ce système. Deuxièmement, la BCE a pour mandat d’apporter « son soutien aux politiques économiques générales dans l’Union, en vue de contribuer à la réalisation des objectifs de l’Union » |48|. L’une de ces politiques économiques est « [l’]impératif de briser le cercle vicieux qui existe entre les banques et les États » |49|. En forçant la fermeture des banques, en imposant des contrôles de capitaux et en poussant le pays, de fait, au bord d’une sortie illégale de la zone euro, la BCE a renforcé plus encore l’interdépendance entre l’État grec et ses banques. Comme à Chypre en 2013, ces agissements de la BCE étaient des moyens de pression destinés à obtenir une issue favorable à l’UE dans ses négociations avec une nation souveraine.

L’attitude générale de la BCE durant les négociations, violant son mandat et outrepassant son autorité, a été illustrée par les déclarations de Benoît Coeuré, membre du conseil exécutif de la BCE, le 29 juin 2015. Plutôt que de faire son travail en tant que banquier central, c’est-à-dire de rassurer tant les marchés que les déposants, Coeuré a nourri les incertitudes en déclarant : « La sortie de la Grèce de la zone euro, qui était un objet théorique, ne peut malheureusement plus être exclue » |50|. Concernant le référendum du 5 juillet, Coeuré a déclaré que si le peuple grec votait « Oui » au plan de sauvetage, il n’avait « pas de doute sur le fait que les autorités de la zone euro trouver[aient] les moyens […] de tenir leurs engagements » envers la Grèce. Continuant, il a déclaré que si le « Non » devait gagner, « [i]l serait alors très difficile de renouer un dialogue politique » |51|. Inutile de préciser qu’une ingérence aussi flagrante dans les affaires internes d’un pays membre est largement hors du champ d’intervention d’un membre du conseil exécutif de la BCE.

Malgré cette longue liste de problèmes, la Troïka a défendu l’inclusion d’un nouveau processus de recapitalisation – suivant la même logique que les processus précédents – dans le troisième mémorandum. Ce dernier limite explicitement la capacité du gouvernement à introduire n’importe quelle mesure qui pourrait avoir une incidence sur les opérations bancaires sans consultation préalable des membres de la Troïka |52|. L’accord du mémorandum énonce également la nécessité de mener une évaluation quant aux besoins en capital des banques afin de procéder à leur recapitalisation avant la fin 2015. Sur les 86 milliards qu’il était prévu de prêter à la Grèce dans le cadre du troisième programme d’assistance financière, l’accord allouait 25 milliards d’euros à cette recapitalisation.

L’évaluation devait être réalisée en urgence car la recapitalisation devait être achevée avant la fin de l’année 2015 afin d’éviter la mise en œuvre complète de la directive européenne relative au redressement des banques et à la résolution de leurs défaillances, qui devait entrer en vigueur le 1er janvier 2016. Celle-ci aurait nécessité le bail-in de 8% du passif des banques avant un versement de fonds de la part du Mécanisme européen de stabilité (MES). Concrètement, cela aurait signifié, outre le fait d’éliminer les créanciers ne disposant d’aucune sûreté particulière, de pratiquer une coupe partielle sur les dépôts non garantis supérieurs à 100 000 euros |53|. La réalisation d’un bail-in (qui aurait été adéquate au début de la crise pour distribuer les pertes plus équitablement) risquerait donc maintenant de faire plus de mal que de bien, particulièrement pour les déposants. Eu égard aux caractéristiques de l’instrument de recapitalisation du MES, la part des déposants qui aurait été soumise à une coupe est estimée entre 13 et 39%. Or, les plus gros déposants ayant déjà transféré leur argent à l’étranger, ces coupes auraient touché de manière disproportionnée le fonds de roulement des petites et moyennes entreprises grecques |54|. Comme ces chiffres le mettent en lumière, la décision de reporter à plus tard la reconnaissance des pertes et de l’insolvabilité des banques grecques continue à faire porter les coûts de la crise sur la population.

L’évaluation du système financier grec par la BCE se termina finalement en octobre 2015. Elle conclut à un manque en capitaux dans les banques grecques, au mieux, de 4,4 milliards d’euros et, au pire, de 14,4 milliards d’euros |55|. À cet égard, l’un des aspects les plus intéressants de cette évaluation concerne l’utilisation de critères nettement plus stricts que lors de l’évaluation précédente (conduite moins de douze mois plus tôt) en termes de besoins en capitaux des banques grecques |56|. Cette approche prudente se retrouve dans les hypothèses macroéconomiques utilisées : alors que les évaluations précédentes étaient caractérisées par l’utilisation d’hypothèses trop optimistes, comme cela a été expliqué précédemment, le dernier test de résistance prenait cette fois en compte, dans son scénario le plus défavorable, une récession prolongée et une déflation soutenue pour la période 2015-2017 |57|. Au vu des événements qui se sont produits en 2015, on peut légitimement se demander pourquoi la BCE n’avait pas choisi cette approche prudente fin 2014. Étant donné qu’à cette époque, les banques avaient réussi le test de justesse, il est certain que l’utilisation d’hypothèses plus prudentes aurait forcé le déclenchement d’un large processus de résolution bancaire dès 2013, lorsque sont apparus les doutes du FMI et de la BCE concernant le premier processus de recapitalisation bancaire. Curieusement, la BCE est incapable de fournir une explication quant à ce changement d’approche dans sa dernière évaluation |58|.

Néanmoins, les responsables européens accueillirent positivement les résultats de cette évaluation de la BCE puisqu’ils ne prévoyaient qu’un montant de 14 milliards d’euros nécessaire à la recapitalisation des banques, nettement en-dessous des 25 milliards que prévoyait le troisième mémorandum |59|. De plus, sur la base de ces résultats, les banques grecques disposaient d’une semaine pour présenter à la BCE leurs plans de recapitalisation et de plus d’un mois pour les mettre à exécution avant l’entrée en vigueur de la directive relative au redressement des banques et à la résolution de leurs défaillances. En décembre, les banques avaient réussi à lever 8,3 milliards d’euros provenant de sources privées grâce à des échanges d’obligations, des constitutions de carnets d’ordre et des outils de bail-in. Les 5,4 milliards d’euros restants furent fournis par les fonds de bail-out du FHSF |60|.

Il faut souligner que ce deuxième processus de recapitalisation transforma radicalement la répartition des actions des banques parmi les actionnaires. Les actions nouvellement émises étant vendues au rabais (avec un coût diminué de 34,4% par rapport à leur valeur nominale dans le cas d’Alpha, de 80% dans le cas de Piraeus et de 93% dans le cas de NBG |61|), la participation du FHSF dans le capital des banques, qui avait coûté plus de 40 milliards d’euros de fonds de bail-out, fut fortement diluée. Elle passa de 66,2% à 11% dans le cas d’Alpha, de 35,4% à 2,3% dans le cas d’Eurobank, de 57,4% à 40,3% dans le cas de NBG et de 66,9% à 26,4% dans le cas de Piraeus |62|. Cette importante dilution de la participation publique dans les banques du pays témoigne d’une approche qui contraste avec celle adoptée en 2012 afin de protéger les actionnaires privés. Cette mesure diluant la participation publique était justifiée par la nécessité, énoncée dans le troisième mémorandum, de réduire l’utilisation de fonds de bail-out pour recapitaliser les banques, en attirant des fonds privés. En effet, étant donnée la nécessité de protéger les déposants non garantis (c’est-à-dire principalement les fonds de roulement des PME), l’utilisation de fonds de recapitalisation supplémentaires sans dilution de la participation publique aurait conduit le système bancaire du pays à passer entièrement sous le contrôle du FHSF. Afin d’empêcher cette situation inconcevable aux yeux de la BCE, la seule option possible était de vendre les parts du FHSF à des investisseurs privés pour une fraction de leur prix. En outre, même si ces parts étaient soumises à d’importantes restrictions quant au degré de contrôle et d’influence que pouvait exercer le gouvernement grec sur les banques concernées, leur dilution représente tout de même une perte matérielle dans le patrimoine du secteur public grec. Après tout, il était attendu que leur vente constitue une part centrale des 50 milliards d’euros du fonds de privatisation mis en place par le troisième mémorandum |63|.

En complément de l’injection de fonds publics dans les banques, le mémorandum inclut des mesures approfondies afin de s’attaquer au problème des NPLs. Cependant, celles-ci reposent principalement sur des procédures institutionnelles et juridiques destinées à accélérer le processus de liquidation des prêts et l’établissement d’un marché secondaire des NPLs |64|. Les mesures proposées à ces fins permettent à chaque banque de gérer son propre portefeuille de NPLs, ce qui est problématique pour au moins deux raisons. Premièrement, puisque les banques pourront accéder à de nouveaux financements, elles seront certainement moins incitées à entreprendre des réformes structurelles pourtant nécessaires. Dans le cas du Japon par exemple, où les banques ont pu supporter les NPLs à un bas coût, celles-ci ont été peu enclines à conduire une restructuration de leurs établissements |65|. En Grèce, où il existe de manière avérée une longue histoire de connivence, l’absence de ces réformes permettra aux relations de clientélisme de perdurer puisque les banques pourront choisir les prêts qu’elles garderont et ceux dont elles se débarrasseront. Deuxièmement, la création d’un organe centralisé de gestion des actifs (une « bad bank ») permettrait de réaliser des économies d’échelle en termes de gestion, de capacité opérationnelle et de financement à bas coût, ce qui améliorerait le taux de recouvrement des NPLs.

Considérant cela, il apparaît clairement que le sort réservé aux banques et la résolution des problèmes liés aux NPLs sont intimement liés à la reprise économique. Malheureusement, étant donné l’impact négatif du nouveau processus de consolidation budgétaire que le pays doit mettre en œuvre sur les trois prochaines années, la reprise économique risque d’être trop lente pour améliorer réellement la situation ou pour s’attaquer efficacement au chômage |66|. Ainsi, il est peu probable que les nouvelles mesures de recapitalisation suffisent à restaurer la stabilité du système bancaire grec, en l’absence de mesures supplémentaires permettant de lutter de manière coordonnée contre les NPLs et de modifications radicales dans la gestion des banques. Cela a récemment été reconnu par le FMI. Malgré l’optimisme des autorités européennes quant à l’issue du dernier processus de recapitalisation, l’institution basée à Washington estime que les banques grecques auront besoin d’au moins 10 milliards d’euros supplémentaires afin de satisfaire leurs besoins en capitaux |67|. Le FMI souligne également que, sans d’importants changements dans la gouvernance des banques grecques et sans des mesures permettant de consolider leurs bilans, les problèmes de ces dernières années perdureront |68|.

Cette estimation, réalisée par un membre de la Troïka moins d’un an après la mise en œuvre du deuxième processus de recapitalisation, résume les problèmes contenus dans la réponse apportée à la crise par les autorités. Après sept ans de crise, on ne sait toujours pas précisément combien de ressources supplémentaires seront nécessaires afin de stabiliser le système financier du pays. De plus, les responsables des nombreux excès qui ont eu lieu avant 2008 sont encore aux commandes des banques tandis que les coûts de la crise continuent à être supportés par les contribuables grecs. À cet égard, et étant donnée la situation complexe dans laquelle se trouvent aujourd’hui les banques grecques suite aux politiques mises en œuvre par la Troïka, la proposition d’un plan alternatif afin de restaurer la stabilité bancaire doit compléter le présent article. Il est clair qu’un tel plan est nécessaire, dans la mesure où les politiques à l’œuvre actuellement se sont révélées être une succession d’échecs cuisants dont on ne peut entrevoir la fin.

http://www.cadtm.org/Grece-la-restructuration-de-la Traduit de l’anglais par Nathan Legrand

Notes

|1| IMF. (2013). Greece : Ex Post Evaluation of Exceptional Access under the 2010 Stand-By Arrangement, IMF Country Report No. 13/156. Retrieved June 12, 2015, from http://goo.gl/7CLyBd

|2| Xafa, M. (2014). Sovereign Debt Crisis Management : Lessons from the 2012 Greek Debt Restructuring. Consulté le 20 mai 2016 à l’adresse https://www.cigionline.org/publicat…

|3| Les autres titres (28 milliards d’euros), soumis au droit anglais, n’ont pas pu recevoir ce traitement. Certains détenteurs de ces titres, possédant 6,4 milliards d’euros de dette, ont fait obstacle à la restructuration et ont reçu la totalité du paiement qu’ils réclamaient.

|4| Zettelmeyer, J., Trebesch, C., & Gulati, M. (2012). The Greek Debt Exchange : An Autopsy. Consulté à l’adresse http://av.r.ftdata.co.uk/files/2012…

|5| Ibid.

|6| Bank of Greece. (2012). Report on the recapitalisation and restructuring of the Greek banking sector. Consulté à l’adresse http://www.bankofgreece.gr/BogEkdos…

|7| Zettelmeyer, J., Trebesch, C., & Gulati, M. (2012). The Greek Debt Exchange : An Autopsy. Consulté à l’adresse http://av.r.ftdata.co.uk/files/2012…

|8| IMF. (2012). Greece : Request for Extended Arrangement Under the Extended Fund Facility, IMF Country Report No. 12/57. Consulté le 21 septembre 2015 à l’adresse http://www.imf.org/external/pubs/ft…

|9| Bank of Greece. (2012). Report on the recapitalisation and restructuring of the Greek banking sector. Consulté à l’adresse http://www.bankofgreece.gr/BogEkdos…

|10| En mai 2012, le FMI projetait une croissance du PIB réel de -4,8% pour 2012, 0% pour 2013, et 2,5% pour 2014, la croissance a été en réalité de -7%, -3,9% et 0,8%.
IMF. (2012). Greece : Request for Extended Arrangement Under the Extended Fund Facility, IMF Country Report No. 12/57. Consulté le 21 septembre 2015 à l’adresse http://www.imf.org/external/pubs/ft… ; IMF. (2014). GREECE FIFTH REVIEW UNDER THE EXTENDED ARRANGEMENT UNDER THE EXTENDED FUND FACILITY, IMF Country Report No. 14/151. IMF Country Report No. 14/151. Consulté le 16 octobre 2014 à l’adresse https://goo.gl/jhUCjr

|11| IMF. (2014). GREECE FIFTH REVIEW UNDER THE EXTENDED ARRANGEMENT UNDER THE EXTENDED FUND FACILITY, IMF Country Report No. 14/151. IMF Country Report No. 14/151. Consulté le 16 octobre 2014 à l’adresse https://goo.gl/jhUCjr

|12| Ibid.

|13| HFSF. (2016). Hellenic Financial Stability Fund – What we do. Consulté le 21 mai 2016 à l’adresse http://www.hfsf.gr/en/about_whatwedo.htm

|14| HFSF. (2012). HFSF Annual Report 2010-2011. Consulté le 21 mai 2016 à l’adresse http://www.hfsf.gr/files/hfsf_annua…

|15| En juin 2015, le FHSF détenait 57,2% des parts de NBG, 35,4% d’Eurobank, 66,2% d’Alpha et 66,9% de Piraeus, pour une valeur totale estimée à 7,5 milliards d’euros. Comme cela sera étudié plus loin dans le texte, ces participations ont été diluées suite au processus de recapitalisation bancaire de novembre 2015.
Données apportées par la Banque de Grèce au Comité pour la vérité sur la dette grecque.

|16| IMF. (2012). Greece : Request for Extended Arrangement Under the Extended Fund Facility, IMF Country Report No. 12/57. Consulté le 21 septembre 2015 à l’adresse http://www.imf.org/external/pubs/ft…

|17| Mayes, D. (2009). Banking crisis resolution policy – different country experiences. Central Bank of Norway. Consulté à l’adresse http://www.norges-bank.no/Upload/77…

|18| Reuters. (2012). Greek banking governance is a gamble. Consulté le 21 mai 2016 à l’adresse http://www.breakingviews.com/greek-…

|19| Reuters. (2015). Greek bank bailout fund CEO asked to resign -government official. Consulté le 1er février 2016 à l’adresse http://uk.reuters.com/article/uk-eu…

|20| ThePressProject. (2014). Head of Greek bank rescue fund to face charges over crony loans in Hellenic Postbank scandal – UPDATE. Consulté le 1er février 2016 à l’adresse http://www.thepressproject.net/arti…

|21| Ibid.

|22| ThePressProject. (2014). George Provopoulos : The most powerful man in Greece a few months ago, now a suspect in a bank probe. Consulté le 1er février 2016 à l’adresse http://www.thepressproject.gr/detai…

|23| Reuters. (2012). Special report : Greece claims magnate stole from his own bank. Consulté le 1er février 2016 à l’adresse http://www.reuters.com/article/us-g…

|24| Ibid.
Le mécanisme ELA se rapporte au financement apporté dans ce cas par la Banque de Grèce à une institution solvable, ou à un groupe d’institutions solvables, faisant temporairement face à des difficultés d’accès aux liquidités. Bank of Greece. (2014). The Chronicle of the Great Crisis, The Bank of Greece 2008 – 2013. Consulté à l’adresse http://www.bankofgreece.gr/BogEkdos… Chronicle Of The Great Crisis.pdf

|25| Ibid.

|26| Reuters. (2011). Greece activates rescue fund to save Proton Bank. Consulté le 1er février 2016 à l’adresse http://uk.reuters.com/article/uk-gr…

|27| Reuters. (2012). Special Report : Clandestine loans were used to fortify Greek bank. Consulté le 1er février 2016 à l’adresse http://www.reuters.com/article/us-g…

|28| Ibid.

|29| Ibid.

|30| ECB. (2014). Banking Structures Report 2014. Consulté le 29 janvier 2016 à l’adresse https://www.ecb.europa.eu/pub/pdf/o…

|31| Ibid.

|32| Ibid.

|33| Financial Times. (16 septembre 2013). Third time lucky ? The latest plan to rescue Greece. Consulté à l’adresse https://next.ft.com/content/d8bee48…

|34| Financial Times. (14 février 2014). Greece in banking sector stand-off with bailout lenders — FT.com. Consulté à l’adresse https://next.ft.com/content/90df6be…

|35| IMF. (2014). GREECE FIFTH REVIEW UNDER THE EXTENDED ARRANGEMENT UNDER THE EXTENDED FUND FACILITY, IMF Country Report No. 14/151. IMF Country Report No. 14/151. Consulté le 16 octobre 2014 à l’adresse https://goo.gl/jhUCjr

|36| ECB. (2014). Aggregate Report on the Comprehensive Assessment. Consulté à l’adresse https://www.ecb.europa.eu/pub/pdf/o…

|37| Ibid.

|38| Ibid.

|39| European Commission. (2015). European Economic Forecast Spring 2015. Consulté à l’adresse http://ec.europa.eu/economy_finance…

|40| Ekathimerini. (2015). Banks fear NPL sum will reach 100 bln euros. Consulté à l’adresse http://www.ekathimerini.com/197217/…

|41| Bank of Greece. (2015). Deposits Statistics. Consulté à l’adresse http://www.bankofgreece.gr/Pages/en…

|42| Bank of Greece. (2015). Financial Statements. Consulté à l’adresse http://www.bankofgreece.gr/Pages/en…

|43| Barclays Research. (2015). Greece : Capital controls imminent without breakthrough.

|44| Wyplosz, C. (2015). Grexit : The staggering cost of central bank dependence. Consulté à l’adresse http://www.voxeu.org/article/grexit…

|45| ECB. (2015). Macroprudential policy and financial stability. Consulté à l’adresse https://www.ecb.europa.eu/ecb/tasks… ; cité par Klein, M. (2015). Greece shows ECB’s stress tests were nonsense. Financial Times. Consulté à l’adresse http://ftalphaville.ft.com/2015/07/…

|46| Barclays Research. (2015). Greece’s Achilles heel.

|47| Sandbu, M. (2015). ECB, enemy of the euro ? Financial Times. Consulté à l’adresse http://www.ft.com/intl/cms/s/3/bbf2…

|48| Commission européenne, 2012, Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (version consolidée). Consulté à l’adresse http://eur-lex.europa.eu/legal-cont…

|49| Conseil de l’Union européenne, 2012, Déclaration du sommet de la zone euro du 29 juin 2012. Consulté à l’adresse http://www.consilium.europa.eu/uedo…

|50| Benoît Coeuré (entretien avec), « La sortie de la Grèce de l’euro « ne peut plus être exclue » », Les Échos, 29 juin 2015. Consulté à l’adresse http://www.lesechos.fr/monde/europe…

|51| Ibid.

|52| European Commission. (2015). Greece Memorandum of Understanding for a three-year ESM programme. Consulté à l’adresse http://ec.europa.eu/economy_finance…

|53| Merler, S. (2015). Preserving the Greek financial sector : options for recap and assistance. Bruegel. Consulté le 22 septembre 2015 à l’adresse http://bruegel.org/2015/07/preservi…

|54| Coppola, F. (2015). The coming Greek bank nationalization, bail-in and privatization | Credit Writedowns. Consulté à l’adresse https://www.creditwritedowns.com/20…

|55| ECB. (2015). AGGREGATE REPORT ON THE GREEK COMPREHENSIVE ASSESMENT. Consulté le 2 février 2016 à l’adresse https://www.bankingsupervision.euro…

|56| Alors qu’en 2014, la BCE attendait des banques qu’elles atteignent un ratio CET1 de 8% dans le meilleur des scénarios et de 5,5% dans le scénario le plus défavorable, ces chiffres sont montés respectivement à 9,5% et 8% pour l’évaluation menée en 2015[[Ibid.

|57| Ibid.

|58| Merler, S. (2015). Greek bank recap. Bruegel. Consulté le 2 février 2016 à l’adresse http://bruegel.org/2015/11/greek-ba…

|59| Zero Hedge. (2015). Greek Bad Debt Rises Above 50% For The First Time, ECB Admits. Consulté le 2 février 2016 à l’adresse http://www.zerohedge.com/news/2015-…

|60| Macropolis. (2015). Greek banks complete book building : A recap of where we stand. Consulté à l’adresse http://www.macropolis.gr/?i=portal….

|61| Ibid.

|62| Macropolis. (2016). Last round of Greek banks’ recapitalisation drastically shifts shareholder structures. Consulté à l’adresse http://www.macropolis.gr/?i=portal….

|63| WSJ. (2015). How Will The Greek Privatization Fund Work ? Consulté le 2 février 2016 à l’adresse http://blogs.wsj.com/briefly/2015/0…

|64| On peut trouver une explication plus détaillée des mesures prises concernant les NPLs dans une version précédente de ce texte. Munevar, D. (2016). An analysis of the recapitalization of Greek banks in the context of the third Memorandum of Understanding. Consulté le 12 juin 2016 à l’adresse http://cadtm.org/An-analysis-of-the

|65| Claessens, S. (2000). Experiences of resolution of banking crises. BIS. Consulté à l’adresse https://www.bis.org/publ/plcy07s.pdf

|66| Papadimitriou, D., Nikiforos, M., & Zezza, G. (2016). HOW LONG BEFORE GROWTH AND EMPLOYMENT ARE RESTORED IN GREECE ? Levy Economics Institute of Bard College Strategic Analysis. Consulté le 3 février 2016 à l’adresse http://www.levyinstitute.org/pubs/s…

|67| IMF. (2016). Greece : Preliminary Debt Sustainability Analysis—Updated Estimates and Further Considerations – IMF Country Report No. 16/130. Consulté à l’adresse https://www.imf.org/external/pubs/f…

|68| Ibid.

Daniel Munevar  est un économiste post-keynésien de 30 ans originaire de Bogotá, en Colombie. De mars à juillet 2015, il a travaillé comme assistant de l’ancien ministre des finances grec, Yanis Varoufakis ; il le conseillait en matière de politique budgétaire et de soutenabilité de la dette. Auparavant, il était conseiller au Ministère des Finances de Colombie et conseiller spécial pour les investissements directs à l’étranger auprès du Ministère des Affaires étrangères de l’Équateur. C’est une des figures marquantes dans l’étude de la dette publique en Amérique latine. Il est membre du CADTM AYNA.

 

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