Par Yannis Youlountas 7/12/20


Par Yannis Youlountas 7/12/20
L’Assemblée nationale vient de voter la proposition de loi de « Sécurité Globale ». Déposée le 20 octobre dernier, elle a donc été examinée en commission des lois, débattue en séance publique puis votée en à peine un mois, alors que l’agenda parlementaire était déjà surchargé. Outre le caractère liberticide de plusieurs de ses dispositions, le gouvernement et sa majorité viennent de faire adopter un texte très certainement inconstitutionnel. Espérons que le Sénat saura se montrer à la hauteur des enjeux et refusera cette nouvelle atteinte à nos libertés.
Nous avons dès le début alerté sur plusieurs dispositions particulièrement dangereuses de ce texte. L’article 21, qui autorise la transmission en direct des images filmées par les caméras-piétons de la police et de la gendarmerie à un centre de commandement – et qui facilite ainsi leur analyse automatisée, comme la reconnaissance faciale. L’article 22, qui autorise la police à surveiller nos villes, nos rues et nos manifestations avec des drones. L’article 24, évidemment, qui nous interdit de dénoncer les violences policières.
Le passage-éclair en commission des lois nous a effrayé encore un peu plus. Nous avons relaté l’ambiance lugubre et fuyante des débats entre des rapporteur·euses aux ordres des syndicats de police, et des député·es de l’opposition insulté·es et méprisé·es. Le texte y a été étoffé de nouvelles dispositions pour que la police puisse avoir plus facilement accès aux caméras dans nos halls d’immeubles et pour étendre, encore un peu, le nombre de personnes pouvant visionner les images de la voie publique (on en parlait ici). (posté ci-dessous)
Nous avons ensuite suivi, mot par mot, les débats en séance publique. Ceux-ci, comme l’attention médiatique, étaient particulièrement concentrés sur l’article 24 et ses conséquences sur la liberté de la presse. À l’issue des débats, cet article n’a d’ailleurs en aucun cas été arrangé mais, au contraire, aggravé, s’étendant à la police municipale. L’article 22, majeur pourtant, a été lui débattu vendredi en pleine nuit et voté à 1h du matin, alors que le ministre de l’intérieur ne prenait même plus la peine de répondre aux parlementaires.
Il est particulièrement difficile de voir un texte qui aura autant de conséquences sur nos libertés être voté aussi vite et dans des conditions aussi déplorables. Quand on le lit à la lumière du livre blanc de la sécurité intérieure et du schéma national de maintien de l’ordre publiés récemment, on comprend que ce texte veut faire entrer la surveillance dans une nouvelle ère : celle de la multiplication des dispositifs de captations d’images (caméras fixes, caméras sur les uniformes, caméras dans le ciel), de leur croisement afin de couvrir toutes nos villes (espaces publics ou privés) et de leur analyse massive par des algorithmes, avec en tête la reconnaissance faciale. Si en 2019, grâce au fichier TAJ, il y a déjà eu plus de 375 000 traitements de reconnaissance faciale faits par la police en France, combien y en aura-t-il en 2021 quand chaque coin de rue sera filmé et analysé en direct ? Comment croire en l’intérêt d’un encadrement quand un tel pouvoir de surveillance est donné aux gouvernants ? Comment faire confiance à la majorité parlementaire et au gouvernement qui nous assure que la reconnaissance faciale sur les images des drones et caméras-piétons ne sera pas permise par ce texte – ce qui est juridiquement faux –, alors même que tous les amendements visant à écarter explicitement cette possibilité ont été rejetés ?
Ce texte, que vient donc d’adopter l’Assemblée nationale, c’est celui de la Technopolice. Celle que nous dénonçons depuis deux ans : une dystopie préparée par ceux qui prétendent nous gouverner, la mise sous coupe réglée de nos villes pour en faire une vaste entreprise de surveillance.
La prochaine étape se jouera au Sénat, pas avant janvier si l’on en croit son calendrier. Nous en sommes réduits à espérer que celui-ci prenne son rôle au sérieux et vienne rappeler à la majorité présidentielle les bases du respect des libertés et de nos droits. Il faudra en tous cas, et quoiqu’il arrive, maintenir la pression sur nos institutions pour que ce texte disparaisse, ne revienne jamais, et que la voix des citoyens et citoyennes – mobilisé·es massivement – soient entendue.
Communiqué LDH
L’Organisation des Nations unies (ONU), saisie par la Ligue des droits de l’Homme (LDH), a adressé, le 12 novembre 2020, à monsieur le président de la République des recommandations concernant la proposition de loi « Sécurité globale ».
Les termes utilisés sont particulièrement sévères « L’information du public et la publication d’images et d’enregistrements relatifs à des interventions de police sont non seulement essentiels pour le respect du droit à l’information, mais elles sont en outre légitimes dans le cadre du contrôle démocratique des institutions publiques ».
Elle considère ainsi de manière claire et sans ambiguïté que l’infraction de diffusion malveillante d’images des forces de l’ordre n’est pas conforme aux principes de légalité, nécessité et proportionnalité. Par ailleurs, les rapporteurs spéciaux considèrent que l’instauration de la surveillance par drone et celle de la centralisation des images de cameras-piéton avec accès direct par les autorités policières, soulèvent d’innombrables problématiques quant aux garanties du public et à leurs libertés fondamentales.
La LDH demande instamment aux parlementaires de ne pas voter ces dispositions sauf à porter une atteinte sans précédent à l’Etat de droit ainsi que les rapporteurs spéciaux de l’ONU le rappellent.
La France s’inscrit dans une communauté internationale. Le respect des traités internationaux et des recommandations de l’ONU est le seul moyen pour garantir sa crédibilité et sa stature aux yeux des autres nations.
Paris, le 16 novembre 2020
Le communiqué en pdf CP-LDH-Loi-sécurité-globale-ONU et le rapport Rapport-Haut-commissaire-aux-droits-de-lHomme-ONU
Source https://www.ldh-france.org/wp-content/uploads/2020/11/Rapport-Haut-commissaire-aux-droits-de-lHomme-ONU.
Avec la bénédiction du gouvernement, la police grecque a procédé au verrouillage des droits démocratiques des citoyens et a déclaré une interdiction nationale de trois jours de tout rassemblement public de plus de quatre personnes sous prétexte de la pandémie de coronavirus. Cette décision sans précédent non seulement suspend littéralement l’article 11 de la Constitution et le droit de réunion des Grecs, mais elle viole la Constitution elle-même car seul le Parlement peut suspendre les dispositions de la Constitution.
Tard samedi soir, la police a déclaré qu’aucun rassemblement public de 4 personnes ou plus n’est autorisé de 06h00 du 15 novembre à 21h00 le 18 novembre 2010. Notez que le 17 novembre est l’anniversaire du soulèvement des étudiants de l’école polytechnique contre la dictature militaire en 1973.
Les contrevenants à l’interdiction seront condamnés à une amende de 3 000 euros s’ils sont des personnes physiques et de 5 000 euros pour les personnes morales, voire partis politiques.
La décision du chef de la police grecque a été publiée tard samedi dans le journal officiel.
Invoquant des « raisons d’urgence pour faire face au grave danger de propagation des coronavirus », le chef de la police suspend l’article 11 de la Constitution grecque. Il est à noter que seul le Parlement peut suspendre un tel article de la Constitution.
Le site d’information in.gr note que l’interdiction totale de tout rassemblement public, c’est-à-dire la suspension totale de l’article 11 de la Constitution, a été appliquée deux fois dans le passé : Le 21. avril 1967, lorsque les colonels se sont emparés du pays et ont déclaré une dictature militaire, et le 17. Novembre 1973, lorsque les colonels sont entrés à l’école polytechnique avec un char d’assaut.
C’est la première fois que le droit de réunion est interdit par la Constitution depuis 1975.
La publication de la décision est intervenue après que le ministre de la protection des citoyens, Michalis Chrysochoidis, ait averti les dirigeants politiques que l’école polytechnique resterait fermée et que les rassemblements ne seraient pas autorisés. S’adressant à Star TV, le syndicaliste de la police Stavros Balaskas a déclaré que « les citoyens ou les responsables politiques qui enfreignent la loi et les ordres seront arrêtés ».
Seules les petites délégations de partis politiques sont censées être autorisées à déposer des couronnes « après consultation préalable de la police ».
Article 11 de la Constitution : Les Grecs ont le droit de se réunir pacifiquement et sans armes. La police ne peut être présente que lors de rassemblements publics en plein air. Les rassemblements en plein air peuvent être interdits par décision motivée de l’autorité de police, en général, s’ils constituent une menace sérieuse pour la sécurité publique et, dans certaines régions, si une perturbation grave de la vie socio-économique est menacée, comme l’exige la loi.
La décision sans précédent d’un chef de police de suspendre un article de la Constitution avec la bénédiction du gouvernement conservateur a déclenché un scandale sur les médias sociaux et plusieurs avocats ont souligné qu’elle violait de manière flagrante la Constitution.
L’avocat Vassilis Sotiropoulos a noté, entre autres :
« La suspension de l’article 11 de la Constitution (droit de réunion) dans tout le pays n’est pas compétente pour être ordonnée par un chef de police, sauf par le Parlement et dans les conditions de l’article 48 de la Constitution.
La loi 4703/20120 sur les rassemblements publics en plein air stipule que l’autorité de police compétente peut interdire « un rassemblement public imminent », et non le droit de réunion publique dans tout le pays pendant un certain nombre de jours, note l’avocat Sotiropoulos en rappelant que « la disposition constitutionnelle n’a jamais été mise en œuvre depuis l’adoption de la constitution actuelle ».
Συγκεκριμένα, την αναστολή του άρθρου 11 του Συντάγματος (δικαίωμα του συνέρχεσθαι) σε όλη την χώρα δεν είναι αρμόδιος να διατάξει αρχηγός της Αστυνομίας, παρά μόνο η Βουλή υπό τις προϋποθέσεις του άρθρου 48 του Συντάγματος.
– Sotiropoulos (@Sotiropoulos) 15 novembre 2020
Akritas Kaitzidis, professeur assistant de droit constitutionnel à l’université de Thessalonique, a souligné que »
« L’interdiction universelle de quatre jours des rassemblements dans tout le pays n’est pas une restriction mais une suspension de la liberté de réunion. Et déjà pour cela est inconstitutionnel. Mais même si elle est considérée comme une restriction, la décision de l’imposer est illégale.
La décision fait référence à l’article 11, qui n’autorise toutefois une interdiction que pour des raisons de sécurité publique, et non de santé publique, et à l’article 5, qui n’autorise toutefois que des mesures individuelles pour la santé publique, et non des interdictions universelles ».
< Η απόφαση επικαλείται το άρθρο 11 Συντ, που όμως μόνο για ασφάλειας δημόσιας επιτρέπει απαγόρευση, όχι για δημόσια υγεία, και το άρθρο 5, που όμως μόνο ατομικά μέτρα επιτρέπει για δημόσια υγεία, όχι καθολικές απαγορεύσεις 2/2
– Akritas Kaidatzis (@AkritasKaidatz1) 14 novembre 2020
Le vice-président du Parlement européen et député européen de SYRIZA, Dimitris Papadimoulis, a tweeté que la décision n’a pas été prise suite aux recommandations des épidémiologistes. « C’est extrême et cela rappelle les époques sombres. Le gouvernement de droite, avec des ministres de haut rang orphelins de la junte, vise à provoquer des incidents et des divisions afin de cacher qu’il n’a pas su faire face à la pandémie et à l’économie ».
Την #απαγορευση_κυκλοφοριας για το 3ήμερο δεν την πρότειναν λοιμωξιολόγοι. Είναι ακραία και και θυμίζει σκοτεινές εποχές. Η Δεξιά, με κορυφαίους υπουργούς ορφανά της Χούντας, επιδιώκει ταραχές και διχασμό, για να κρύψει πως « έπεσε έξω » κ στην #Πανδημια κ στην #οικονομια #Πολυτεχνειο
– Dim. Papadimoulis (@papadimoulis) 15 novembre 2020
Dans une déclaration, le parti communiste KKE a décrit ces décisions comme un « monument à l’autoritarisme », ajoutant qu’elles seront « annulées dans la pratique ».
MISE À JOUR : L’Association des juges et des procureurs grecs a publié une déclaration dimanche après-midi, décrivant la « décision du chef de la police comme « inconstitutionnelle » et demandant qu’elle soit « immédiatement révoquée ».
C’est la deuxième fois que la pandémie est utilisée comme un instrument, un prétexte à d’autres fins. La première était pour la Grande Promenade d’Athènes en été, et le Conseil d’État a jugé qu’elle était « illégale ».
Cette fois, cela semble être pour des raisons purement idéologiques, car au moins deux partis, le KKE communiste et le MeRA25 de Varoufakis, ainsi que plusieurs organisations de gauche ont déclaré qu’ils conserveraient la tradition des festivités à l’occasion de l’anniversaire du soulèvement étudiant. La principale opposition, SYRIZA, avait laissé entendre qu’elle resterait à l’écart des festivités.
Sur les médias sociaux, les Grecs en colère attendent que la Présidente de la République hellénique, Katerina Sakellaropoulou, ancienne juge au Conseil d’Etat, prenne position sur la question.
Il est à noter que les 16, 17 et 18 novembre sont des jours ouvrables où les banlieusards d’Athènes et d’autres grandes villes vont à nouveau s’entasser dans les transports publics, le gouvernement n’ayant pris aucune mesure pour améliorer la situation.
PS Espérons que la police ne considérera pas l’encombrement des bus et du métro, des quais de train comme des « rassemblements » et qu’elle n’infligera pas des amendes aux personnes qui se rendent au travail et en reviennent. Il en va de même pour la foule sur les marchés ouverts… ou même pour les prêtres pour avoir ouvert illégalement des églises pour les fidèles ….
Traduit avec www.DeepL.com/Translator (version gratuite)
Mise à jour par IOANNA MANDROU
Le Conseil d’État juge légale l’interdiction de 4 jours de rassemblements
La plus haute juridiction administrative grecque, le Conseil d’État (CoS), a décidé jeudi qu’une interdiction de la police grecque (ELAS) de manifester avant l’anniversaire du soulèvement des étudiants de l’École polytechnique de 1973, le 17 novembre, était justifiée pour des raisons d’intérêt public et de protection de la santé publique.
Avec sa décision, prise par le plénum du CoS, la cour a rejeté un appel présenté par le parti MeRA25, les groupes de défense des droits de l’homme et d’autres citoyens pour lever l’interdiction. Le tribunal avait également rejeté une injonction urgente déposée par les mêmes plaignants à l’approche de la marche annuelle de l’école polytechnique.
La cour a décidé que la mesure en question était « en effet stricte mais nécessaire pour la protection de la santé publique… pour des raisons extrêmement urgentes ».
Les juges ont également noté que l’interdiction « est totalement temporaire et, compte tenu de la situation spécifique, d’une durée raisonnable ».
Nous signons aux côtés de 54 organisations la lettre ci-dessous pour nous opposer à la loi de sécurité globale. Si vous êtes une association partageant notre combat, écrivez-nous à contact@laquadrature.net pour signer la lettre (mettez « signature lettre sg » en objet). Si vous êtes un particulier, appelez les députés pour leur demander de rejeter ces dispositions.
Source https://www.laquadrature.net/2020/11/12/55-organisations-contre-la-securite-globale/
Contre la loi « sécurité globale », défendons la liberté de manifester
Nous nous opposons à la proposition de loi « sécurité globale ». Parmi les nombreuses propositions dangereuses de ce texte, trois articles risquent de limiter la liberté de manifester dans des proportions injustifiables, liberté déjà fortement restreinte sur le terrain et de nouveau remise en cause par le Schéma national du maintien de l’ordre.
L’article 21 concerne les caméras portables qui, selon les rapporteurs du texte, devraient équiper « toutes les patrouilles de police et de gendarmerie […] dès juillet 2021 ». S’il est voté, le texte autorisera donc la transmission des flux vidéo au centre de commandement en temps réel. Cela permettra l’analyse automatisée des images, et notamment la reconnaissance faciale des manifestants et des passants, en lien avec les 8 millions de visages déjà enregistrés par la police dans ses divers fichiers.
Ces nouveaux pouvoirs ne sont justifiés par aucun argument sérieux en matière de protection de la population et ne s’inscrivent aucunement dans une doctrine de gestion pacifiée des foules. L’effet principal sera de faciliter de façon considérable des pratiques constatées depuis plusieurs années en manifestation, visant à harceler des opposants politiques notamment par des placements en « garde à vue préventive », par l’interdiction de rejoindre le cortège ou par des interpellations arbitraires non suivies de poursuites. Ces pratiques illicites seront d’autant plus facilement généralisées que l’identification des militants et des militantes sera automatisée.
L’article 22 autoriserait la surveillance par drones qui, selon le Conseil d’État, est actuellement interdite. Ici encore, la police n’a produit aucun argument démontrant qu’une telle surveillance protégerait la population. Au contraire, nous avons pu constater en manifestation que les drones sont avant tout utilisés pour diriger des stratégies violentes contraires à la liberté de manifester : nassage, gaz et grenades lacrymogènes notamment. Comme pour les caméras mobiles, la reconnaissance faciale permettra ici aussi d’identifier des militantes et militants politiques.
En clair, le déploiement massif des caméras mobiles et des drones, couplés aux caméras fixes déjà existantes, entraînerait une capacité de surveillance généralisée de l’espace public, ne laissant plus aucune place à l’anonymat essentiel au respect du droit à la vie privée et ne pouvant avoir qu’un effet coercitif sur la liberté d’expression et de manifestation.
L’article 24 vise à empêcher la population et les journalistes de diffuser des images du visage ou de tout autre élément d’identification de fonctionnaire de police ou militaire de gendarmerie. Autrement dit, les images des violences commises par les forces de l’ordre ne pourront dés lors plus être diffusées. Le seul effet d’une telle disposition sera d’accroître le sentiment d’impunité des policiers violents et, ainsi, de multiplier les violences commises illégalement contre les manifestantes et manifestants.
Nous appelons les parlementaires à s’opposer à ces trois dispositions qui réduisent la liberté fondamentale de manifester dans le seul but de faire taire la population et de mieux la surveiller.
Signataires
« Cachez ces violences policières que je ne saurais voir » : protégeons la liberté d’informer !
C’est une atteinte inédite à la liberté d’informer. L’article 24 de la proposition de loi « relative à la sécurité globale », sanctionne d’un an de prison et de 45 000 euros d’amende la diffusion d’images relative aux pratiques policières. La rédaction de Basta !, aux côtés d’autres médias, actuels et futurs journalistes, organisations et personnalités, s’opposent à cette loi liberticide. « Il en va de la liberté de la presse, de la liberté de manifester, de notre démocratie », rappelons-nous dans cette tribune.
« J’avais fait une promesse, qui était celle de ne plus pouvoir diffuser les images des policiers et des gendarmes sur les réseaux sociaux. Cette promesse sera tenue puisque la loi prévoira l’interdiction de la diffusion de ces images », résume Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur, lorsque Jean-Jacques Bourdin l’interroge sur la proposition de loi (PPL) « Sécurité Globale ».
Ce texte, les député·e·s LREM sont pressé·e·s de le faire passer, sans doute craignent-ils une levée de boucliers légitime pour défendre la démocratie. Sinon comment pourrait-on expliquer que cette loi fasse l’objet d’une procédure accélérée ? Quelle urgence, en plein confinement, justifie cette attaque liberticide ?
Déjà, en février dernier, Mediapart révélait que Christophe Castaner, à l’époque encore ministre de l’Intérieur, envisageait de « contrôler la diffusion de vidéos montrant les violences policières », reprenant ainsi les revendications des syndicats de police les plus liberticides. L’information avait déjà fait à l’époque bondir les défenseur·se·s des libertés publiques. Le ministre de l’Intérieur avait alors nié étudier une telle loi, affirmation pourtant démentie quelques heures après par ses propres services.
« Il en va de la liberté de la presse et, plus largement, du droit d’informer et d’être informé·e »
Quelques semaines après, en mai, c’était au tour des député·e·s LR, Éric Ciotti en tête, de ressortir cette idée du placard. Sans succès.
Cette fois-ci, le texte pourrait bien être adopté. Derrière cette nouvelle attaque contre les libertés fondamentales, les député·e·s LREM, dont Christophe Castaner et Jean-Michel Fauvergue, deux ténors de la majorité présidentielle. Le gouvernement est clair, la proposition liberticide.
L’article 24 prévoit en effet « un an d’emprisonnement et une amende de 45 000 euros » pour sanctionner la « diffusion du visage ou tout autre élément d’identification d’un fonctionnaire de police dans le but qu’il soit porté atteinte à son intégrité physique ou psychique ».
Nous, journalistes en devenir, professionnel·le·s de l’information, syndicats de journalistes représentatifs de la profession, associations de défense des droits humains, avocat·e·s et usagers des médias, tenons à alerter l’opinion publique sur de telles menaces. Il en va de la liberté de la presse et, plus largement, du droit d’informer et d’être informé·e.
« Cette nouvelle disposition ne pourra que rendre l’opposition de la police encore plus systématique, plus violente »
En effet, un flou persiste sur cette notion d’ « intention » de « nuire à l’intégrité physique et psychique ». Cette partie de la loi vise sans doute à tenter de rassurer, mais nous sommes nombreux à ne pas être dupes.
Toutes les personnes qui ont déjà filmé les forces de l’ordre le savent : ces dernières s’opposent régulièrement, souvent violemment, à la captation de leur image. Agressions, intimidations, garde à vue, destruction du matériel : les exemples ne manquent pas, les victimes nombreuses.
Pourtant, à ce jour, aucune loi particulière ne donne raison à de tels agissements : les forces de police et de gendarmerie n’ont pas de droit à l’image particulier lors des manifestations. Mais ne soyons pas naïfs, cette nouvelle disposition ne pourra que rendre l’opposition de la police encore plus systématique, plus violente, peu importe le sens souhaité par le législateur.
Les dérives possibles avec un tel arsenal juridique sont inquiétantes. On connaît la puissance d’instrumentalisation et de lobbying des syndicats de police. Si cette loi passe, qui peut affirmer que ces derniers n’exigeront pas des réseaux sociaux, la censure de toutes images d’abus policiers ? Un tel scénario est d’autant plus à craindre que la loi française rend ces plateformes responsables des images « manifestement illicites » qu’elles ne censureraient pas après signalement.
Nous le savons tous : Facebook , Youtube et Twitter n’iront pas jusqu’au procès, ils préfèreront supprimer toutes images désignées comme potentiellement sensibles. Vidéos de violences policières comprises, bien évidemment.
« Les violences policières existent, nos images les attestent, les rendent réelles aux yeux de l’opinion »
Or, sans ces vidéos, la réalité des abus policiers resterait trop souvent invisibilisée, niée dans son existence même. Trop souvent, elle l’a été dans les quartiers populaires d’abord, puis dans les cortèges ou dans les différents lieux d’expression politique.
Ce sont nous, journalistes de terrain, associations de défense des droits et observateur·rice·s régulier·e·s de la police, qui les documentons et participons à les visibiliser, via nos enregistrements, diffusés sur les réseaux sociaux et les médias traditionnels.
Les violences policières existent, nos images les attestent, les rendent réelles aux yeux de l’opinion. Ce alors même que les autorités françaises nient leur existence et persistent, une nouvelle fois, à vouloir les invisibiliser.
C’est ce contre-pouvoir, nécessaire en démocratie, que le gouvernement et sa majorité parlementaire souhaitent enlever aux citoyen·ne·s, aux journalistes encore soucieux de dénoncer ce qui ne va pas dans nos sociétés. La police doit agir sous la surveillance des citoyen·ne·s. Même devant les smartphones ou les caméras, si le public le juge nécessaire pour notre démocratie.
Sans ces vidéos, qui aurait entendu parler de Cédric Chouviat ou d’Alexandre Benalla ?
Sans ces outils, sans celles et ceux qui les braquent, combien de violences policières auraient été passées sous silence ?
Bien souvent ces vidéos, qu’elles soient le fait de journalistes, de citoyen·ne·s ou directement des victimes des abus policiers, peuvent aussi constituer des éléments de preuve pour la justice, comme pour la mort de Cédric Chouviat ou d’Aboubakar Fofana.
Avec cette loi, et sans ces vidéos, qui aurait entendu parler de Geneviève Legay, militante pacifiste de 73 ans, gravement blessée à la tête dans une charge policière d’une violence inouïe ? Qui aurait entendu parler d’Alexandre Benalla si notre confrère Taha Bouhafs n’avait pas diffusé son visage sur les réseaux sociaux ?
Aujourd’hui, la priorité du gouvernement n’est pas de résoudre le problème du lien entre la police et le citoyen, mais de s’attaquer à la diffusion du message, en condamnant journaliste, manifestant.e ou habitant.e des quartiers populaires. Leur politique ? « Cachez ces violences policières que je ne saurais voir ».
« Le pouvoir souhaite rendre toujours plus difficile l’accès à une information indépendante donc dérangeante, sur le travail de la police »
Ne nous leurrons pas, ce projet de loi s’inscrit dans un contexte pré-électoral où la majorité présidentielle court après les quelques voix sensibles aux arguments sécuritaires. En accédant aux demandes de certains syndicats de police, le pouvoir souhaite rendre toujours plus difficile l’accès à une information indépendante donc dérangeante, sur le travail de la police.
Mais, devons-nous rappeler que la force publique, au service de tous, doit être observable en tout temps, par toutes et tous ?
Dans un État démocratique respectueux du droit international et de la liberté d’informer, ce serait inutile.
Inutile de rappeler au pouvoir, la nécessité de maintenir coûte que coûte ce droit comme le répètent l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe, le rapporteur spécial des Nations unies sur la liberté de réunion et d’association ou encore la Fédération européenne des journalistes (FEJ) et le Centre européen pour la liberté de la presse et des médias (ECPMF), dans le code la liberté de la presse pour la police.
Alors que les manifestations et leurs observateur·trice·s sont de plus en plus réprimé·e·s, nous nous inquiétons de voir le gouvernement céder à ce point aux sirènes liberticides lorsque celui-ci aurait dû se tenir au chevet des 2000 manifestant·e·s blessé·e·s en 2019.
Notons également que plus de 200 journalistes ont été empêché·e·s de travailler, blessé·e·s ou mis en garde à vue, depuis novembre 2018, lors d’opérations de maintien de l’ordre en France.
Filmer les agissements et les comportements des agents des forces de l’ordre, dans leur action, doit rester un droit !
Il en va de la liberté de la presse, de la liberté de manifester, de notre démocratie.
(Pour suivre le nombre de signataires cliquez ici, puis sur l’onglet « résultats publics ».)
Liste des signataires :
Organisations : Syndicat national des journalistes (SNJ) ; SNJ-CGT, syndicat national de journalistes de la CGT ; ACRIMED, association de critique des médias ; Ligue des droits de l’Homme ; Malik Salemkour, président de la LDH ; Pierre-Antoine Cazau, Observateur, président de la section de Bordeaux LDH ; Attac France ; Raphaël Pradeau, Aurélie Trouvé et Maxime Combes, portes-parole d’Attac France ; Peuple Révolté, Collectif de Convergence des Luttes ; Fondation Copernic
Les personnalités universitaires et en dehors du journalisme : Larrere Mathilde, historienne ; De Cock Laurence, historienne et enseignante ; Ludivine Bantigny, historienne ; Sebastian Roché, directeur de recherche au CNRS ; Silyane Larcher, chercheure au CNRS, Lévrier Alexis, MCF, historien de la presse ; Gilles J. Guglielmi, Professeur de droit public ; Pouget Grégoire, président de l’association Nothing2Hide ; Vergiat Marie-Christine, ancienne Eurodéputée ; Elliot Lepers, le Mouvement ; Smidt Chloe, observatrice des droits de l’homme ; Jérôme Graefe, juriste, observateur de l’Observatoire parisien des libertés publiques ; Avert Erik, universitaire ; Rain Simono, juriste
Rédactions et collectifs de photographes/journalistes : Collectif REC, Reporters en Colère ; Kelaouiñ, collectif de journalistes pour la liberté d’informer en Bretagne ; Collectif Presse-Papiers ; Société Des Journalistes de LeMédia TV ; La rédaction de Reporterre, La rédaction du journal Fakir ; La rédaction de Radio Parleur, le son de toutes les luttes ; La rédaction de La Meute , un média pour photographier le social ; La rédaction de Bastamag, média indépendant ; La rédaction de la Relève et la Peste ; Rapports de force ; Rue89Lyon ; Polka Magazine ; Collectif OEIL ; Tendance Floue, collectif de photographes ; Collectif Prism ; Primitivi, télévision de rue ; La Mule du Pape, média indépendant ; Collectif Gerda
Signature journalistes : Taha Bouhafs, journaliste à Là-bas si j’y suis ; Valentin Gendrot, auteur de “Flic” ; Soudais Michel, Rédacteur en chef adjoint de Politis ; Debove Laurie, rédactrice en chef de La Relève et la Peste ; Mathieu Molard, rédacteur en chef de StreetPress.com ; Inès Belgacem, red-cheffe adjointe à StreetPress ; Rousseaux Agnès et Sophie Chapelle, journalistes à Basta ! ; Nicolas Mayart, journaliste au MédiaTV ; Jérémy Paoloni, photographe ; Maxime Reynié, journaliste, créateur de maintiendelordre.fr ; Ulysse Logéat, Photo-Reporter à Taranis News ; Wilfrid Estève, photographe et directeur de l’Agence Hans Lucas ; Alain Genestar, journaliste et directeur de publication de Polka Magazine ; Bruno Barbey, Photographe Magnum Photos ; Sebastião Salgado ; Olivier Culmann, photographe ; Louis Witter, photojournaliste ; Yann Levy, photojournaliste ; Stéphane Trouille, reporter vidéaste ; Martin Bodrero, journaliste co-fondateur de Radio Parleur ; Walid Salem, journaliste et directeur de publication Rue89 Bordeaux ; Alexis Kraland, journaliste ; Gaël Cérez, rédacteur en chef de Mediacités Toulouse ; Nnoman Cadoret, photoreporter – collectif OEIL ; Julien Pitinome, photo reporter – collectif OEIL ; Théo Giacometti, photojournaliste ; Hascoët Julie, photographe membre de l’agence Myop ; Lamoulère Yohanne, photographe ; Michele Gurrieri, directeur de la photographie ; Baya Bellanger, journaliste et réalisatrice de documentaire ; Jean-Marie Leforestier, journaliste à Marsactu
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Une courte vidéo de Ivan du Roy, journaliste et cofondateur de Basta ! :
Photo de une : Si les dispositions prévues par la #PPLSecuriteGlobale venaient à être votées, cette photo de Serge D’Ignazio, prise le 1er mai 2019 à Paris, n’existera plus. © Serge D’Ignazio/Basta !
Sécurité globale : la police fait la loi Source https://www.laquadrature.net/2020/11/06/securite-globale-la-police-fait-la-loi/
La loi « sécurité globale » a été adoptée hier en commission des lois de l’Assemblée nationale (relire notre première analyse de la loi). Un premier constat s’impose aux personnes qui ont suivi l’examen du texte : une ambiance singulière, lugubre et fuyante. Un silence de plomb rompu seulement par divers éclats de rires du groupe LREM, incongrus et parfaitement indécents compte tenu de la gravité du texte examiné. Certains diront qu’il faut écrire la loi d’une main tremblante. Alors tremblons.
Le RAID dans l’Assemblée
Cette loi illustre la méthode législative propre aux États policiers : la police écrit elle-même les règles qui définissent ses pouvoirs.
D’abord, littéralement, l’auteur principal du texte, Jean‑Michel Fauvergue (LREM), est l’ancien chef du RAID, de 2013 à 2017. Il est l’un des deux rapporteurs du texte. À travers lui et, depuis son pupitre en commission des lois, la police a pu imposer son autorité.
Quand la députée Danièle Obono (LFI) s’inquiète pour nos libertés fondamentales, Fauvergue lui reproche de « déverser [son] fiel sur la société française » – car, comprenez-vous, critiquer la police, c’est critiquer « la France ». Voyant Obono insister, il lui intime même : « Allez prendre vos gouttes ! ». Sans doute voit-il le « débat parlementaire »a comme un champ de bataille où il est exclu de négocier avec l’ennemi, tout en se permettant de reprocher à Obono de « voir la société de façon binaire entre les « gentils » et les « méchants »».
Pensées interdites
Cette négociation impossible s’est aussi traduite dans l’attitude de l’autre rapporteure du texte, Alice Thourot. Chaque fois qu’un amendement proposait de limiter ne serait-ce qu’un tant soit peu les nouveaux pouvoirs de la police, elle restait cloîtrée dans une unique et lancinante réponse, se résumant à : « Cette disposition a été demandée par la police, il faut l’adopter telle quelle ».
Elle n’est sortie de ce mutisme intellectuel que pour demander aux députés d’arrêter d’envisager des hypothèses où la police abuserait de ses nouveaux pouvoirs, car de telles pensées seraient insultantes pour la police. Entre ces « crimepensées » et le slogan choisi par Thourot pour cette loi, « protéger ceux qui nous protègent », 1984 est à l’honneur.
Trois député·es
Ne laissons ici aucun doute : le rôle historique du Parlement et du droit est précisément d’envisager des hypothèses où les institutions abuseraient de leur pouvoir afin d’en limiter les risques. Mais il n’y avait plus hier qu’une poignée de députés pour s’en souvenir. Saluons-les pour leur étrange baroud d’honneur. Danièle Obono, déjà citée, l’ancien marcheur Paul Molac et le centriste Philippe Latombe qui, devant les barrières dressées par la police au sein même de l’Assemblée nationale, a fait tomber les masques, rempli d’amertume, avouant que « les députés ne servent à rien ». Et en effet, ils n’auront servi à rien.
Alors que le sujet de cette loi, dont le processus d’adoption est – rappelons le – d’une rapidité exceptionnelle, touche à nos libertés publiques et nécessiterait une discussion solennelle et sérieuse de la part des parlementaires, nous avons à l’inverse pu observer une absence criante de la mesure de la gravité des enjeux, chaque augmentation de pouvoir de la police étant votée comme une simple formalité administrative.
La police autonome
Ce débat, tant sur sa forme que sur son fond, aura démontré que la police est une institution politique autonome, avec son agenda et ses idéologies propres qu’elle entend défendre elle-même. Les discussions sur l’article 21 sur les « caméras-piétons » l’ont parfaitement illustré.
Les députés de droite ont martelé qu’il fallait que cet article 21 permette aux policiers de publier les vidéos prises par leur caméra portative afin de « rétablir la vérité », ou plus exactement d’établir « leur vérité » dans la « guerre des images », et de justifier les violences policières filmées par les journalistes et la population. La police n’est donc plus uniquement chargée de protéger la population contre les infractions. Elle est aussi destinée à faire de la communication politique au même titre qu’un parti politique ou qu’un journal militant – les armes et les hélicoptères en plus.
Un chien-fou en liberté
Le gouvernement et sa majorité parlementaire ont toujours dû laisser à la police certaines libertés en contrepartie de la protection armée offerte contre les débordements populaires. Mais ce rapport de force semble largement déraper. Sur la forme, on pourrait se demander ce qu’il reste de l’indépendance du pouvoir législatif, soumis de fait à la police et à ses lobbyistes élus.
Sur le fond du texte aussi, le rapport de force semble basculer brutalement en faveur de la police. L’article 24 de la loi, qui conduira en pratique à empêcher la population et les journalistes de filmer et de diffuser les images de violences policières, fera disparaître un contre-pouvoir fondamental dans l’équilibre des institutions. Car la documentation des abus policier dans les médias, par la presse et la population, permettait de les contenir un minimum, ce qui arrangeait bien les autres pouvoirs. Si le contre-pouvoir de la presse devait sauter, plus grand-chose n’empêcherait la police de verser dans l’arbitraire le plus total.
Les amendements de la police
Hier, l’agenda a bel et bien été dicté par la police. Les seuls amendements sérieux à avoir été adoptés sont ceux qui accroissent les pouvoirs de la police.
Sur les articles qui nous intéressent, un premier amendement « vise à étendre aux polices municipales les avancées permises par le présent article en matière de caméras individuelles » (notamment la transmission en temps réel au centre de commandement, où les images pourront être analysées automatiquement). Un deuxième ensemble d’amendements allonge la liste des finalités permettant la surveillance par drones (lutte contre les rodéos urbains et les petits dealers notamment).
Enfin, la seule modification apportée à l’article 24 sur la diffusion d’images policières sonne comme une provocation : l’article 24, qui interdit toujours la diffusion du visage et d’autres éléments d’identification des policiers, permet désormais de diffuser des images illustrant leur matricule – ce fameux RIO dont l’absence est justement si souvent déplorée… Réagissant aux vives oppositions, notamment celle de la défenseure des droits, contre l’atteinte à la liberté d’informer constituée par cet article, l’ancien chef du RAID a été définitif : « nous voulons que les agents ne soient plus identifiables du grand public ».
La suite
Le texte sera examiné par l’ensemble des députés à partir du 17 novembre. Vous pouvez appeler ou écrire aux élus d’ici là via l’outil ci-dessous.
Nos espoirs principaux seront peut-être à placer dans le Sénat et le Conseil constitutionnel, qui ont une place singulière dans les rapports de force entre les institutions et sont récemment parvenus à réduire à néant les initiatives du gouvernement, notamment en s’opposant à la loi Avia.
La proposition de loi relative à la sécurité globale durcie en commission Source https://reporterre.net/La-proposition-de-loi-relative-a-la-securite-globale-durcie-en-commission
Les députés de la Commission des lois ont terminé, jeudi 5 novembre, l’examen de la proposition de loi relative à la sécurité globale. Ce texte, considéré comme liberticide par de nombreux défenseurs des droits et comme risquant d’introduire une nouvelle limitation à la liberté de la presse, a été quelque peu amendé par les députés.
L’article 24 est l’un de ceux suscitant le plus d’opposition. Il prévoit que les images d’agents des forces de l’ordre ne pourront être diffusées, si l’intention est de porter atteinte à l’« intégrité physique ou psychique » des agents. Il est vu comme une façon d’invisibiliser les violences policières. Avocats et journalistes ont dénoncé le risque de « procès baillons » car cet article pourrait notamment permettre de renvoyer très facilement devant la justice des journalistes ou avocats diffusant des vidéos de violences policières. Libre ensuite à la justice de déterminer s’il y avait intention de nuire.
Les amendements de suppression de cet article ont été balayés d’un revers de main par la majorité. Seule modification, il a été précisé que le numéro d’identification des agents (numéro RIO), pourra lui être visible. Cependant, il n’est pas rare que les agents des forces de l’ordre ne le portent pas.
Par ailleurs, voici les autres modifications du texte que Reporterre a relevé :
Toujours pour cet article, l’accès des forces de l’ordre aux images qu’ils ont filmées (accès interdit actuellement) est encadré : ils ne pourront les consulter que dans le cadre d’une intervention ou d’une procédure judiciaire.
En revanche, l’accès aux images est étendu aux agents des polices municipales.
Ce texte doit maintenant être examiné par l’ensemble des députés à partir du 17 novembre prochain.
Alors que depuis 2016 les images des « caméras mobiles » portées par les policiers étaient uniquement utilisées a posteriori pour éclairer des faits contestés, l’article 21 de la loi « sécurité globale » permettrait leur utilisation immédiate et une analyse automatisée pour reconnaître en temps réel l’identité de tous les manifestants (reconnaissance faciale) avec le risque d’arbitraire par des gardes à vue préventives ou l’empêchement de se joindre au cortège au mépris de la liberté de manifestation.
Enfin, le texte prévoit la pénalisation de la diffusion d’images de policiers ou de gendarmes agissant dans le cadre de leurs missions d’ordre public, portant atteinte à la nécessaire transparence de ces opérations. Une telle mesure, si elle était adoptée, avec des sanctions très lourdes (1 an d’emprisonnement et 45 000 € d’amende) empêcherait tout contrôle citoyen, voire le travail des journalistes, en favorisant l’impunité d’auteurs de violences policières.
La Ligue des droits de l’Homme (LDH) appelle les parlementaires à rejeter cette proposition de loi liberticide et de fuite en avant sécuritaire qui menace gravement les principes fondamentaux de notre démocratie et l’Etat de droit.
Paris, le 5 novembre 2020
Télécharger le communiqué en format PDF CP-LDH-Lobsession-sécuritaire
Forte mobilisation contre le projet de loi réprimant la diffusion d’images de violences policières https://www.bastamag.net/Mobilisation-massive-proposition-loi-Fauvergue-Securite-globale-repression-diffusion-images-violences-policieres-petition-droit-d-informer
L’article 24 de la proposition de loi « relative à la sécurité globale » sanctionne d’un an de prison et de 45 000 euros d’amende la diffusion d’images relative aux pratiques policières. Face à cette mesure considérée comme « une atteinte inédite au droit d’informer », plusieurs dizaines de milliers de personnes ont d’ores et déjà signé une pétition.
Le 17 novembre, l’Assemblée nationale doit étudier la proposition de loi dite de « Sécurité globale » (#PPLSecuriteGlobale). Ce texte, montagne de mesures liberticides, précise notamment dans son article 24 vouloir réprimer de 45 000 euros d’amende et un an de prison le fait « de diffuser, dans le but qu’il soit porté atteinte à son intégrité physique ou psychique, l’image du visage ou tout autre élément d’identification d’un fonctionnaire de la police nationale ou d’un militaire de la gendarmerie nationale lorsqu’il agit dans le cadre d’une opération de police ».
Face à cette loi considérée comme « une atteinte inédite au droit d’informer », « une loi liberticide comme jamais » et permettant la « mise au pas du contrôle citoyen des pratiques policières », des dizaines de milliers de personnes ont d’ores et déjà signé une pétition. « Aujourd’hui et comme depuis trop longtemps, nos seuls moyens de médiatisation de ces affaires sont les réseaux sociaux. Nous ne voulons pas harceler les policiers, nous voulons diffuser certaines de leurs violences. Nous devons informer, car sans information, c’est l’impunité qui est une fois de plus renforcée. (…) Ne les laissons pas faire barrière à nos libertés fondamentales » écrivent les signataires.
Lire notre analyse : Entrave à la liberté de la presse et surveillance de masse : la nouvelle loi macroniste de « sécurité globale » |
Ces images, « ce sont la voix de nos défunts. Ne la réduisons pas au silence, n’étouffons pas encore la vérité »
Le journaliste David Dufresne, auteur du recensement Allô Place Beauvau, a recueilli plusieurs témoignages dont celui de Sofia, fille de Cédric Chouviat, décédé à 42 ans lors de son arrestation à Paris par la police le 3 janvier 2020, témoigne. « Avec l’aide de vidéos, nous avons pu contredire les mensonges de policiers », souligne t-elle. « Sur ces images, mon père est victime de violences policières. Le droit de diffusion nous a permis de révéler au grand jour la vérité. C’est pour cela que ces images, ces appels à témoins, ces vidéos sont notre seul moyen de défense. Ce sont la voix de nos défunts. Ne la réduisons pas au silence et n’étouffons pas encore la vérité. »
La militante Geneviève Legay, également victime de violences policières le 23 mars 2019 à Nice, témoigne : « Si des avocats, des journalistes, ma famille ou moi-même, diffusons ces vidéos, nous pourrions être jugés devant un tribunal correctionnel et risquer cinq ans d’emprisonnement. Protégeons nos libertés ainsi que celle de la presse. » Une vision partagée par Mathieu Molard, rédacteur en chef du média indépendant StreetPress. « Avec ce texte, plus de live manifs, plus ou pas de vidéos amateurs sur le web. Ces vidéos sont la base de très nombreuses investigations. Sans elles, pas d’enquêtes sur les gilets jaunes mutilés, pas d’affaire Benalla. Nous se saurions sans doute rien de la mort de Cédric Chouviat. »
Toutes les vidéos Non à la #PPLSecuriteGlobale sont à retrouver ici
Même la Défenseure des Droits, Claire Hédon, se dit particulièrement préoccupée par les restrictions envisagées concernant la diffusion d’images des agents des forces de sécurité dans l’exercice de leur fonction. Dans un avis publié le 5 novembre, elle demande à ce que ne soient, à l’occasion de ce texte, entravés ni la liberté de la presse, ni le droit à l’information. Elle considère que l’information du public et la publication d’images relatives aux interventions de police sont légitimes et nécessaires au fonctionnement démocratique, comme à l’exercice de ses propres missions de contrôle du comportement des forces de sécurité. Pour contourner les dispositions prévues par cette proposition de loi si elles venaient à être votées, un collectif belge propose leur diffusion avec les hashtag #CettePhotoNexisteraPlus #LiberteDinformerEnDanger.
#CettePhotoNexisteraPlus #LiberteDinformerEnDanger #PPLSecuriteGlobale
Les Français n'auront bientot plus le droit de diffuser d'images de leur police sans flouter les visages. Mais nous on s'en fout, on est Belges. Envoyez ici vos documents, nous les diffuserons. Please RT
— Filmez la police, nous diffuserons. (@LeurVraiVisage) November 2, 2020
Photo de une : Manifestation du personnel soignant et pompiers le 15 octobre 2019. © Yann Levy
Par Katerina Sergidou
Depuis l’arrivée de la crise économique de 2008-2009, peut-être aucune autre ville d’Europe n’a connu autant de manifestations et d’attaques policières qu’Athènes. Le peuple grec, la gauche dans toutes ses variantes et les mouvements sociaux se sont battus avec acharnement. Ils ont encerclé le parlement. Ils ont défendu leurs maisons contre les banques cherchant à les exproprier sous le prétexte de retard dans le paiement des intérêts hypothécaires. Ils ont manifesté contre les atteintes à la législation du travail, au droit de grève. Ils se sont mobilisés contre les mémorandums de la troïka (FMI, BCE et Commission européenne) et la politique des créanciers faisant de la Grèce une sorte de protectorat. Ils se sont battus contre la privatisation des ressources: des terres à l’eau, en passant par l’électricité. Ils ont proclamé un OXI (NON) lors du référendum de juillet 2015, même si ce non et devenu un OUI, sous la bannière du gouvernement d’Alexis Tsipras. Grèves, manifestations, protestations, célébrations, occupations: les rues d’Athènes et d’autres villes, d’une manière ou d’une autre, ont été très «indisciplinées» au cours des 12 dernières années, surtout durant la période allant de la révolte des jeunes en 2008 jusqu’au référendum de juillet 2015.
Nous rappelons qu’entre 2012 et 2014, le pays a connu 40 journées de mobilisations et grèves dites générales. Bien que les coups portés au peuple grec aient été très durs depuis l’arrivée au gouvernement, le 9 juillet 2019, de Kyriákos Mitsotákis – à la tête du parti conservateur de la Nouvelle Démocratie – il était clair que, peu à peu, les manifestations et actions de résistance allaient se multiplier.
Face aux conséquences socio-économiques très profondes de la pandémie de Covid-19, les premières manifestations de «colère sociale» – malgré toutes les difficultés inhérentes au poids du chômage et de la précarité dans la vie quotidienne et aux politiques répressives (en fin mai 2020, des travailleurs du secteur touristique, paralysé par le confinement, ont été fortement réprimés par la police lors d’une manifestation) – se constituaient comme des éléments nécessaires à une possible nouvelle phase des luttes sociales et politiques.
La réponse du pouvoir à cet environnement instable réside dans la quasi-interdiction des manifestations. Le gouvernement de droite et son ministre Michalis Chrisoxoidis (anciennement membre du PASOK) ont proposé une loi qui restreint sérieusement le droit de manifester. Le Parlement grec a approuvé le projet de loi le jeudi 9 juillet 2020, avec le soutien de 187 députés (Nouvelle Démocratie, KINAL (ex-Pasok) et l’ultra-droite), alors que 101 ont voté contre (Syriza, KKE, MERA25-Varoufakis). Bien que Syriza ait exprimé une opposition parlementaire au cours des derniers jours, la direction de Syriza ne voulait pas s’engager à organiser une riposte des secteurs de la société. L’essentiel du poids d’une réplique à cette expression renouvelée d’une politique autoritaire a reposé sur les épaules d’un secteur syndical et de la gauche radicale, même s’ils n’ont pas accès aux médias.
La loi permet aux autorités de limiter et de déterminer les itinéraires des manifestations. Un des piliers de cette contre-réforme est de pouvoir interdire les manifestations qui, selon la définition des autorités, peuvent entraver la circulation ou limiter l’activité commerciale dans les villes. La loi prévoit une nouvelle figure socio-juridique, celle de «l’organisateur» de la manifestation. Il sera contraint de collaborer avec la police pour garantir le caractère pacifique de la manifestation et, au final, il sera responsable de tout dommage survenu. En outre, toute manifestation non approuvée sera considérée comme un crime et, à ce titre, des mesures seront prises contre les organisateurs désignés par les forces de police. La loi prévoit également des peines de prison pour les organisateurs des manifestations en cas de «troubles», même si ces derniers sont le fait de groupes n’ayant aucun lien avec la manifestation.
Alors que le parlement votait sur «la loi de la dictature», comme la qualifie le mouvement dans les rues d’Athènes, le jeudi 9 juillet, la police a dispersé avec des gaz lacrymogènes ceux qui protestaient contre la nouvelle loi. Les policiers, sur des motos, ont frappé des manifestant·e·s et ont arrêté des nombreuses personnes.
Les journées de protestation du 7 au 9 juillet ont occupé plusieurs rues de la capitale et de 40 villes grecques. On estime que plus de 10’000 manifestants pacifiques ont défilé dans le centre d’Athènes. Les mobilisations contre la loi ont été appelées par les syndicats, par le Comité pour la liberté de manifester (composé des forces de la gauche radicale sauf le Parti communiste), le Parti communiste (KKE), d’autres partis d’opposition et des associations d’étudiant·e·s. Le Comité pour la liberté de manifester est au cœur de ces protestations. Depuis plusieurs jours, il appelle à de nouvelles actions pour défendre les manifestants arrêtés.
La lutte pour défendre nos droits démocratiques sera longue. Annuler, dans la réalité concrète, l’application de cette loi constituera une épreuve qui va se répéter. En réalité, le gouvernement revient de plus en plus à des méthodes de la dictature bien qu’il tente de présenter un visage plus libéral. Le régime craint que la société – ou des secteurs de cette dernière – exprime sous diverses formes le rejet des conséquences des décisions inspirées par le processus de contre-révolution néolibérale. Le gouvernement s’attaque à l’attachement populaire aux droits démocratiques. Il affirme que si les salarié·e·s des hôpitaux – qui ont ironiquement applaudi le gouvernement fin juin et qui durent face faire à la police – veulent faire grève, ils doivent lui en demander la permission. Il affirme que si des millions de personnes descendent dans la rue pour manifester contre les coupes budgétaires, au même titre où ils l’ont fait de 2012 à 2014, ils doivent nommer officiellement «un organisateur responsable». Il proclame que si nous, féministes, voulons organiser une manifestation devant les tribunaux pour défendre la mémoire de nos sœurs assassinées, comme dans le cas d’Eleni Topaloudi (violée, torturée et assassinée en novembre 2018 sur l’île de Rhodes), nous devons demander la permission. Il nous dit que si les habitants de Volos veulent défendre l’eau de leur terre contre la privatisation – entre autres comme ils l’ont fait le 13 juin, malgré la répression policière qui a fait un mort le jour suivant – ils doivent demander la permission de manifester.
Dans les mois à venir, il est crucial d’élargir la coalition qui défend les droits démocratiques au sens large, la liberté et la «démobilisation» d’une police qui renoue toujours plus avec sa tradition répressive. Il est dès lors important de gagner de plus en plus de couches de la société à agir pour dans ce but; ce qui implique une jonction concrète entre les besoins et les droits sociaux qui en découlent et la défense des droits démocratiques. (15 juillet 2020; traduction-édition rédaction A l’Encontre)
Katerina Sergidou, militante du DEA, membre de l’Assemblée 8M, Athènes et chercheuse en anthropologie sociale à l’Université Panteion
Déferlement de violences policières contre des réfugiés et de solidaires à la place Victoria à Athènes
Des scènes de brutalités policières contre des réfugiés et des immigrants, principalement des mères de jeunes enfants se sont déroulées samedi soir. Nouvelle opération policière ce dimanche.
EL.AS (Police hellénique) a montré son visage dur encore une fois ce week-end contre des familles de réfugiés et de migrants qui ont trouvé un abri temporaire à la place Victoria,principalement en raison de la décision du gouvernement d’évincer massivement de leur logement des réfugiés à la fin des programmes d’hébergement. Samedi vers minuit, les forces de MAT (les CRS grecs) ont fait irruption à la place Victoria, menaçant d’embarquer les personnes rassemblées au centre de détention fermé d’Amygdaleza, soi-disant pour leur propre sécurité et pour la protection de la santé publique.
Lorsque les réfugiés et les migrants ont refusé, la police a attaqué la foule et a commencé à traîner violemment les gens vers les fourgons. Selon nos informations, ils ont d’abord emmené des enfants mineurs en les transportant vers les voitures de police, afin d’obliger leurs mères de suivre. Les vidéos, qui ont enregistré lors de l’attaque, montrent de nombreuses femmes hurlant.
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Des dizaines de soutiens se sont également précipités sur les lieux pour protester contre les violences policières. Cependant, après la fin de l’opération, les forces du MAT ne semblaient pas en avoir assez de la violence et soudain, les lumières éteintes dans plusieurs rues, elles ont attaqué les solidaires et les réfugiés restés sur place. En conséquence, plusieurs personnes qui n’ont pas réussi à s’échapper par les rues étroites ont été attrapées. La police a procédé à l’arrestation de 22 personnes, dont un grièvement blessé, qui ont été transférées au poste de police de Kypseli (quartier d’Athènes). Quatre personnes parmi les interpellées ont été placées en arrestation.
Malgré les vidéos qui attestent la brutalité de la police, la police prétend que des groupes solidaires ont attaqué les forces de l’ordre sans bâtons ni pierres, mais …à mains nues. Une nouvelle opération policière a été menée cet après-midi sur la place Victoria et, selon les informations, les personnes interpellées ont été transférés à la structure d’accueil Schistou à Pérama, en Attique. Le nouvel incident de brutalité policière survient quelques heures seulement après les images de honte d’Exarcheia, où, vendredi soir, les forces de police ont frappé sans discrimination des personnes pendant des heures dans le quartier, et les policiers ont même fait irruption dans des magasins de divertissement, causant des dégâts considérables.
Source https://www.efsyn.gr/ellada/dikaiomata/250792_orgio-astynomikis-bias-stin-plateia-biktorias