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150304 La Grèce : l’Europe, les Européens

Extrait de l’article de Paul Oriol sur Médiapart

Le gouvernement grec d’Alexis Tsipras, à peine formé, a trouvé en face de lui ceux qui, avant les élections, avaient pris position contre Syriza, quelquefois même en se déplaçant à Athènes pour soutenir ses adversaires. Et maintenir en place socialistes du Pasok et conservateurs de Nea Dimokratia qui, au pouvoir alternativement de 1974 à 2012, avaient mis le pays en faillite avec leur complicité. Depuis l’éclatement de la crise, les uns et les autres s’entendaient pour en faire supporter les conséquences aux plus défavorisés.

Quel crime a commis le peuple grec pour être sanctionné ?

Les négociateurs européens sont soutenus, avant tout début de discussion, par le président de la BCE qui a fermé le robinet, le FMI, le président de la CE, les pays nordiques alignés sur l’Allemagne, les gouvernements du sud, en difficulté, Portugal et Espagne, qui, ayant imposé la politique de la troïka à leur peuple, se sentiraient désavoués par une victoire même partielle du gouvernement grec.

Le gouvernement Tsipras ne pourra imposer, au niveau européen, tout le programme de Syriza. Mais un premier compromis a été passé qui donne quelques mois de répit pour avancer au delà de l’ultimatum européen initial.

La politique de l’UE sous la conduite de l’équipe Merkel suscite une opposition de plus en plus forte dans la plupart des États membres : opposition d’une droite nationaliste qui prône la sortie de l’euro et même l’éclatement de l’UE : FN qui monte en France, United Kindom Independance Party qui menace Cameron au Royaume-Uni, Alternativ für Deutschland qui inquiète le parti de Angela Merkel, et opposition d’une gauche « antiaustéritaire » mais encore proeuropéenne (Syriza, Podemos…). Choisir la rupture avec le gouvernement grec serait, pour l’UE, choisir la disparition de l’euro et de l’UE tels qu’ils existent aujourd’hui. C’est un choix probablement envisagé par certains au sein de l’UE et de l’Eurogroupe mais encore non assumé.

Aujourd’hui, le peuple grec a besoin d’un tout autre soutien.

Les 3 mois qui viennent vont être décisifs pour le peuple grec mais aussi pour les peuples de l’UE. Peuples, syndicats, partis vont-ils se contenter d’observer le spectacle, de compter les points, de critiquer tel ou tel renoncement ?

N’y a-t-il pas mieux à faire pour aider « Syriza » aujourd’hui et « Podemos » demain ?

Y aura-t-il une mobilisation européenne des peuples suffisante pour entrainer une réorientation de la politique européenne ?

Lire l’intégralité de l’article ici

150410 La BCE sauvera-t-elle la Grèce dans l’euro ?

Gérard Duménil, directeur de recherche au CNRS dans Politis

Quelques mois d’efforts suffiraient pour alléger la dette du pays.

La Grèce ne redressera pas sa situation par des mesures d’austérité qui accroîtraient le surplus de son budget calculé sans tenir compte des intérêts payés sur la dette publique. La raison est bien connue. Dans une situation de récession majeure, l’État devrait, à l’inverse, dépenser plus que ce qu’il prélève par l’impôt afin d’augmenter les débouchés des entreprises. Le gouvernement grec doit payer actuellement des taux d’intérêt de 18 % pour s’endetter à échéance de dix ans (contre moins de 2 % aux États-Unis). Qui soutiendrait ces taux ? La Grèce ne paiera pas sa dette en privatisant ses entreprises publiques. Lutter contre l’évasion fiscale est un programme auquel on ne peut qu’applaudir, mais il ne rapportera pas les sommes nécessaires.

La solution de la crise grecque suppose la collaboration des autorités européennes. Mais ni les commissions, ni l’Eurogroupe, ni la Banque centrale européenne (BCE) ne sont bienveillants. Seule la menace politique serait susceptible de les faire fléchir. Je terminais ma chronique précédente (politis n°1340) en affirmant qu’il fallait dire à Syriza : « Rendez-vous à Bruxelles » car l’élection d’un gouvernement de gauche radicale dans un pays comme la Grèce est insuffisante pour menacer les grands équilibres politiques européens. Pourtant, la grande montée des vraies gauches ne se produit pas ou si peu, comme en témoignent les récentes élections françaises. L’échec de Syriza ne pourrait d’ailleurs que décourager les rêveurs. Pourquoi donc changer de cap sans avoir tout obtenu au préalable, ou même, tout simplement, pourquoi les autorités européennes changeraient-elles le moins du monde, ce qui pourrait créer un précédent ? La Grèce fait jouer la menace d’accords avec la Russie et la Chine, mais elle n’est pas une pièce maîtresse de l’échiquier européen.

Un petit pays en effet. Mais l’argument souligne aussi que le coût du sauvetage de la Grèce serait bien léger. En 2014, la dette publique du pays s’élevait à 318 milliards d’euros, contre 2 038 pour la France et 2 155 pour l’Allemagne  (Ameco Database Gross Debt). Entre 2009 et 2014, la dette du gouvernement allemand s’est accrue de 377 milliards d’euros, soit plus que le total de la dette grecque actuelle. Certes, quelques centaines de milliards ne sont pas une baliverne. Pourtant, au mois de janvier 2015, la BCE a décidé de racheter massivement des titres publics et privés (« Dans le cadre de ce programme étendu, les achats mensuels de titres des secteurs public et privé se monteront à 60 milliards d’euros », a déclaré Mario Draghi). Pourquoi ne pas commencer par des titres grecs ? Quelques mois d’efforts suffiraient pour alléger radicalement la dette de ce pays. Les institutions financières détentrices de ces créances sur l’État grec se verraient soulagées, ce qui les encouragerait à prêter aux entreprises ou aux ménages. Et comme ces créances seraient finalement honorées, on pourrait même exiger que les prêteurs annulent l’augmentation de leurs créances résultant des intérêts que la Grèce ne pouvait pas payer et qui furent financés par de nouveaux crédits à des taux usuraires. Si la BCE ne veut pas sauver la Grèce, c’est qu’elle ne le veut pas. On s’en doutait.

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