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Les trois sauvetages les plus marquants

Gros bateau en bois surchargé et menaçant de chavirer, réanimation d’urgence d’un bébé tombé à l’eau, panique sur une embarcation pneumatique dégonflée à l’arrivée des garde-côtes libyens… Jérôme, Édouard et Claire racontent le moment le plus marquant de leurs nombreuses missions comme membres de l’équipe de sauvetage.

Chacune de nos 351 opérations en mer réalisées depuis mars 2016 avec l’Aquarius puis l’Ocean Viking, était pour le moins exceptionnelle. Pour tout dire, rien n’est – et ne devrait être – habituel dans cette situation où des femmes, des enfants et des hommes, véritables naufragé.e.s ayant traversé des épreuves sans nom, se retrouvent livré.e.s aux caprices de la mer et à l’avidité des passeurs qui profitent de leur détresse pour les entasser à prix fort sur des embarcations impropres à la navigation. Pourtant, si nos marins sauveteurs et sauveteuses ont conservé en mémoire le visage de dizaines de rescapé.e.s et autant de souvenirs de missions improbables, certains moments les ont marqué.e.s à tout jamais.

Jérôme : « Mais comment font-ils tenir autant de monde sur un bateau comme ça ? »

 

Pour sa première mission en mer, en 2021, Jérôme a eu droit à l’un des pires cauchemars des équipes de sauvetage. Aux temps de l’Aquarius, entre 2016 et 2018, les grands bateaux en bois, qui peuvent contenir jusqu’à 1 000 personnes, comptaient parmi les embarcations rencontrées fréquemment. Mais on lui avait dit qu’il n’y en avait plus. Dangereusement surchargés, y compris dans les cales où l’on entasse sans ménagement les femmes et les enfants, ces monstres instables menacent de se retourner au moindre mouvement de foule ou à la première vague. Et Les chances de survie sont quasi nulles si cela se produit. Devenus plus rares ces deux dernières années, en été 2021, ils ont eu tendance à faire leur réapparition et depuis 2022, des grands bateaux de pêcheurs avec jusqu’à 800 personnes à bord partent de l’est de la Libye, rapporte le site d’information Info Migrants. Alors qu’il ne s’attendait pas du tout à cette « rencontre » avec de si grands bateaux, Jérôme en a fait l’expérience et raconte sur cette vidéo inédite cette expérience troublante. « On aurait pu me mettre des claques que je n’aurais rien senti ! » confie-t-il.

Édouard : « On voit des trucs de dingue et on n’en parle pas. »

 

 Laurin Schmid / SOS MEDITERRANEE
 Laurin Schmid / SOS MEDITERRANEE

Le 27 janvier 2018 compte parmi les événements les plus traumatisants de toute l’histoire de SOS MEDITERRANEE. Ce jour-là, plusieurs dizaines de personnes sont tombées à l’eau à l’arrivée des équipes. Une trentaine ne survivront pas. « On voit des trucs de dingue et on n’en parle pas. » Édouard, marin-sauveteur sur l’Aquarius dès 2016, mettra des mois avant de coucher sur le papier son récit de cette opération dantesque. Extraits.

Baz crie : « Le bébé, là-bas ! » C’est mon cauchemar. Je l’ai vu et depuis le premier moment, je me suis dit : « c’est foutu pour lui, regarde pas ». Mais voilà qu’on arrive dessus. « Je le prends ! » Voilà c’est dit, je tends le bras, je plonge ma main dans l’eau. Puis tout l’avant-bras, pour attraper la barboteuse molletonnée du bout des doigts. Je le soulève hors de l’eau, il est lourd, plein de flotte. (…) Je dois lui faire un massage cardiaque. Le canot de sauvetage se cabre. Le moteur gueule, on n’entend plus que ça et Baz qui essaie de gueuler plus fort dans sa radio pour prévenir les équipes médicales. Son teint est presque blanc, lui qui devrait avoir la peau noire. Foutu pour foutu, je n’y vais pas de main morte. Je me rends compte que je masse un peu vite alors je cherche les paroles de la chanson qu’on nous donne pour bien faire. Et je me retrouve à chanter « staying alive » en pleurant à moitié, et je le regarde, je chante pour lui. « Écoute-moi garçon ! » (…) J’écarte les jambes et je cherche mes appuis pour assurer ma position avant de me lever. Je lance le décompte, en continuant de masser, comme à l’entraînement. 10, 9, 8, 7, 6, 5, 4, 3, 2, 1 ! Les mains de Baz sont juste là, parfaitement placées. Je lui passe le bébé, il le passe à d’autres mains tout aussi bien placées. (…) Une fois revenu à bord on a demandé comment allaient les bébés. On a eu un petit temps avant de croire qu’ils étaient tous revenus à la vie. On a pleuré, on s’est pris dans les bras, mais on n’a rien dit de plus.

Lire tout le témoignage d’Edouard

Claire « Les garde-côtes libyens foncent sur nous à pleine vitesse. C’est la panique ! »

Claire Juchat / SOS MEDITERRANEE
Claire Juchat / SOS MEDITERRANEE

Lorsqu’on lui demande le moment qui l’a le plus marquée, Claire écarquille les yeux et souffle : « il y en a tellement ! »  Elle finit par évoquer cette fois où les garde-côtes libyens ont failli provoquer un naufrage au moment où son équipe secourait un pneumatique dégonflé. Un scénario qui se produit de plus en plus souvent.

Nous sommes en avril 2022. Nous sommes en train d’évacuer les personnes en détresse depuis l’embarcation surchargée vers les canots de sauvetage. Les conditions sont vraiment médiocres. Une vedette des garde-côtes libyens arrive sur nous à pleine vitesse. Elle tourne autour de l’embarcation pneumatique dégonflée que nous secourons, causant de fortes vagues. Leur arrivée créé une immense panique parmi les naufragé.e.s. Épouvantées, de nombreuses personnes essaient de sauter directement dans le canot de sauvetage depuis l’épave. Le canot est assailli. Pour ces personnes, retourner dans ce qu’elles appellent « l’enfer libyen » est pire que la mort.  On tente de les calmer, le bruit des moteurs est assourdissant. Grâce à de nombreuses manœuvres, personne ne tombe à l’eau. Pourtant, tout au long du transfert, les garde-côtes libyens continuent leurs manœuvres dangereuses, jusqu’à la fin !

Je me souviens que sur l’autre canot de sauvetage, juste avant, Jérémie [chef de l’équipe de sauvetage] venait d’extraire un tout petit bébé, un nourrisson d’à peine deux mois ! Ce n’est qu’une fois en sécurité sur l’Ocean Viking, environ deux heures après le sauvetage, qu’en discutant avec les gens, je me suis rendue compte que 12 personnes étaient tombées à l’eau durant la nuit avant qu’on arrive. Il y avait de grosses vagues, l’embarcation était surchargée, certaines personnes ont glissé et ont disparu dans l’eau noire. Celles et ceux qu’on a secouru.e.s étaient donc en état de choc, auquel s’est ajouté la peur d’être ramené.e.s en Libye. Au cours des jours, je suis devenue assez proche de la maman de ce bébé. Et je me disais que son petit avait déjà vécu tant d’atrocités en si peu de temps de vie : l’enfer libyen, la traversée, la mort de 12 personnes, les dangereuses manœuvres des garde-côtes libyens… Lorsqu’elle a débarqué avec son bébé, j’étais vraiment émue et triste à la fois à l’idée que ces deux êtres devraient encore affronter de nombreuses difficultés.

Source https://sosmediterranee.fr/focus/les-trois-sauvetages-les-plus-marquants/

Communiqué SOS MEDITERANNEE

SOS MEDITERRANEE condamne les tirs des garde-côtes libyens qui ont mis délibérément en danger ses équipes et les personnes en détresse en Méditerranée.

Dans la matinée du 25 mars, les garde-côtes libyens, financés, équipés et formés par les États membres de l’Union européenne (UE), ont menacé, au moyen d’armes à feu, les équipes de l’Ocean Viking, navire de sauvetage humanitaire. Ils ont ensuite intercepté brutalement environ 80 personnes en détresse dans les eaux internationales.

Plus tôt dans la journée, l’Ocean Viking, navire de sauvetage affrété et opéré par SOS MEDITERRANEE, avait été alerté de la présence d’une embarcation en détresse dans les eaux internationales au large de la Libye par l’organisation civile Alarm Phone qui gère une ligne téléphonique d’urgence. Alors que l’Ocean Viking se dirigeait vers la position afin de porter secours à l’embarcation en détresse, le patrouilleur 656 des garde-côtes libyens est arrivé sur les lieux, s’approchant dangereusement de l’Ocean Viking. Toutes les tentatives de l’équipe à la passerelle pour contacter le bâtiment des garde-côtes libyens par VHF sont restées sans réponse, tandis que l’équipage des garde-côtes libyens a commencé à se comporter de manière agressive, menaçant avec des armes à feu et tirant plusieurs coups de feu en l’air.

La sécurité de ses équipes étant compromise, l’Ocean Viking a quitté les lieux à plein régime, alors que les garde-côtes libyens continuaient à tirer des coups de feu. L’avion de surveillance civile Seabird 2, de l’ONG Sea Watch, surveillait la scène de détresse. Seabird 2 a confirmé plus tard avoir repéré des personnes tombées par-dessus bord de l’embarcation pneumatique en détresse, récupérées par la suite. Au total, environ 80 personnes ont finalement été interceptées par les garde-côtes libyens et renvoyées de force en Libye.

C’est la deuxième fois cette année que SOS MEDITERRANEE est témoin d’une situation où les garde-côtes libyens mettent sciemment en danger la vie des personnes en détresse en mer et compromettent la sécurité des équipes de l’Ocean Viking. En janvier, les garde-côtes libyens avaient perturbé une opération de sauvetage en cours en empêchant l’équipe de recherche et de sauvetage à bord de notre canot de sauvetage de retourner au navire principal. Heureusement, les personnes rescapées ainsi que l’équipe de sauvetage avaient alors finalement pu embarquer à bord de l’Ocean Viking.

Cette année, le premier trimestre a été meurtrier en Méditerranée centrale : au moins 410 personnes sont mortes ou portées disparues selon l’Organisation internationale pour les migrations. Plusieurs naufrages tragiques ont récemment secoué l’opinion publique. Mais pour toute réponse à cette tragédie qui continue à emporter des milliers de vies humaines en Méditerranée centrale, ce sont des coups de feu que nous recevons maintenant, des coups de feu tirés par des forces financées et entraînées par les États membres de l’Union européenne (UE).

SOS MEDITERRANEE condamne cette escalade de la violence et la mise en danger délibérée de nos équipes et des personnes naufragées en Méditerranée centrale par les garde-côtes libyens, soutenus par l’UE. Une réponse humanitaire en Méditerranée centrale en accord avec le droit international et maritime est attendue depuis longtemps.

Source https://sosmediterranee.fr/communiques-et-declarations/tirs-garde-cotes-libyens/

Choix politiques meurtriers en Méditerranée

SOS MEDITERRANEE / Medicins sans frontieres; Rescue of a rubber boat on 11.12.2016; Photo: Laurin Schmid/SOS MEDITERRANEE

Trente personnes ont péri dimanche dernier lors d’un nouveau naufrage au large de la Libye, alors qu’elles auraient pu être secourues. En quatre semaines à peine, au moins 248 femmes, hommes et enfants se sont noyé.e.s en Méditerranée centrale selon les Nations-Unies.

Depuis le début de nos opérations en 2016, nous constatons qu’en dépit des dangers, de nombreuses personnes continuent de fuir les souffrances et les graves violations des droits humains dont elles sont victimes sur des embarcations surchargées et impropres à la navigation.

A cette tragédie humanitaire, les Etats européens répondent par une politique de dissuasion meurtrière en retirant les moyens de sauvetage, en finançant et formant des forces extérieures pour opérer des interceptions et retours forcés en Libye et, enfin, en entravant l’action des navires d’ONG de recherche et de sauvetage qui opèrent en Méditerranée centrale.

Tant que les Etats européens fuiront leurs responsabilités, nous continuerons de compter les morts.

Nous appelons au rétablissement urgent de services efficaces pour la coordination de la recherche et du sauvetage, en conformité avec le droit international. Nous demandons également le déploiement immédiat de moyens consacrés au sauvetage dans cette région maritime abandonnée.

A l’heure où nous vous écrivons, l’Ocean Viking s’apprête à repartir en mer pour sauver des vies.
Aidez-nous à continuer notre mission vitale !
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L’asile en Grèce

L’asile en Grèce : une fermeture annoncée : le fonctionnement du laboratoire des refus

par Andrea Siccardo – 7 mars 2023

Le pays est depuis longtemps un terrain d’expérimentation pour les stratégies de lutte contre les flux de personnes en déplacement. Asgi témoigne d’illégalités généralisées – rejets, entraves à l’asile, recours massif à la détention administrative – dans un rapport issu d’une récente visite. De Chios à Samos, en passant par les régions d’Evros, d’Athènes et de Thessalonique

En Grèce, l’expérience de la réforme du droit d’asile européen visant à fermer les frontières et à utiliser les citoyens migrants des pays tiers comme « cobayes » a pleinement réussi », résument les rédacteurs du rapport « L’asile en Grèce : une fermeture annoncée » publié en février 2023 par l’Association pour les études juridiques sur l’immigration (Asgi) en collaboration avec Spazi circolari, une réalité qui promeut le droit à la libre circulation internationale.

Résultat d’une inspection menée en juin 2022 sur les îles de Chios, Samos et Kos, le long de la frontière terrestre turque, à Athènes et à Thessalonique, le rapport montre les difficultés et les obstacles rencontrés par les personnes dans le pays pour accéder aux procédures de protection internationale, alors qu’elles font l’objet d’un refoulement illégal vers la Turquie.

« Il ressort clairement du travail effectué qu’il existe des comportements et des pratiques contraires au droit européen et international en matière de protection, ainsi qu’une violation grave des droits des demandeurs d’asile et des personnes en transit », concluent les auteurs du rapport. Tout cela dans un pays où, en 2021, il y a eu 28 355 demandes d’asile et, entre février et décembre 2022, 35 385 (source : Eurostat). Rien de comparable avec l’Allemagne (plus de 190 000 en 2021), la France (plus de 120 000), l’Espagne (plus de 65 000) et l’Italie (plus de 53 000, également en 2021).

Les obstacles aux procédures d’asile constituent un problème structurel et endémique dans toute la Grèce, des îles de la mer Égée à la région d’Evros sur le continent. Les îles se caractérisent par une procédure automatique, hormis les cas de refoulement de plus en plus fréquents. Toute personne arrivant sur les îles est transférée dans des centres d’identification et de pré-enregistrement de la demande de protection. Cependant, dénonce Asgi, les procédures d’asile rapides risquent de conduire à des évaluations sommaires et hâtives qui, dans de nombreux cas, méconnaîtraient les droits des personnes vulnérables. En effet, la brièveté du délai d’analyse de la demande de protection ne serait pas compatible avec la longueur des formalités administratives et des évaluations requises pour obtenir le statut de personne vulnérable.

En Grèce continentale, cependant, la demande de protection est beaucoup plus complexe. Les demandeurs doivent s’inscrire dans l’un des centres d’identification et d’accueil pour être identifiés. Le seul est celui de Fylakio, dans la région d’Evros, juste à la frontière avec la Turquie. Selon des témoins, l’accès à ce centre peut exposer les demandeurs d’asile à un « risque très élevé » de rejet. La frontière est étroitement surveillée par les agents de Frontex et le personnel militaire, et la probabilité d’arrestation de ceux qui tentent de franchir la frontière est très élevée. Selon les témoignages, les personnes appréhendées sont privées de leurs biens et de leurs documents, transportées vers des lieux de détention inconnus, soumises à des violences physiques et verbales et à des actes d’intimidation, puis renvoyées en Turquie. Tout cela sans recevoir d’assistance, sans avoir accès à des procédures de protection ou sans avoir reçu de rapport. Les rejets ont lieu non seulement sur terre mais aussi en mer et sont effectués par les garde-côtes grecs en coopération avec Frontex, qui dispose de deux navires dans l’archipel. « Les personnes interrogées font état de menaces armées, de sabotage de canots pneumatiques et de la création de vagues pour les pousser vers Tirchia », écrit Asgi, qui précise que le 23 mai 2022, 590 personnes ont été refoulées à bord de neuf embarcations. Selon l’ONG norvégienne Aegean Boat Report, en 2022, les autorités grecques ont refoulé 988 bateaux à destination des îles de la mer Égée, avec un total de 26 133 personnes.

En outre, selon les chercheurs d’Asgi qui ont eu accès au centre de Fylakio, bien que l’installation soit présentée comme un centre ouvert, de transit et de libre circulation, elle sert en réalité de centre de détention. « Un avocat interrogé, qui a préféré garder l’anonymat, confirme l’utilisation du centre comme centre de détention avant renvoi et rapporte que des personnes qui n’ont pas demandé l’asile ou qui ne l’ont pas obtenu y sont enfermées », indiquent les chercheurs.

Le rapport est disponible ici: https://www.asgi.it/notizie/report-diritto-di-asilo-in-grecia-il-risultato-della-scuola-asgi-e-spazi-circolari/

Source altreconomia.it/

Remerciement convoi solidaire Grèce

Yannis Youlountas au nom d’ANEPOS a envoyé cette photo pour remercier le comité pour l’envoi de la collecte ( 150 € du comité Grèce et 150 € d’Attac 38) et du matériel dans le cadre du prochain convoi solidaire .

Pour continuer à contribuer financièrement :

1- Pour effectuer un virement à ANEPOS
IBAN : FR46 2004 1010 1610 8545 7L03 730
BIC : PSSTFRPPTOU
Objet : « Action Solidarité Grèce »

2- Pour participer via PAYPAL, suivre le lien :
https://www.paypal.com/donate/?cmd=_s-xclick&hosted_button_id=LMQPCV4FHXUGY

Relire l’appel de Yannis

Faute de logements des réfugiés retournent dans des camps

En Grèce, la fin d’un programme d’aide oblige de nombreux demandeurs d’asile à quitter leurs appartements pour retourner dans des camps de réfugiés. Athènes défend les conditions de vie dans ces camps. Les ONG restent sceptiques.

Rana est âgée de 20 ans et vit dans un camp de réfugiés en Grèce métropolitaine. Elle ne veut pas donner son vrai nom, ni sa localisation exacte, car elle craint que ces informations pourraient avoir des conséquences négatives sur sa demande d’asile.

Rana et sa famille ont fui l’Afghanistan en 2018 et sont arrivés en Grèce par la Turquie. Son père souffre d’une maladie cardiaque et son frère d’épilepsie. Ils sont considérés comme particulièrement vulnérables. La famille avait ainsi pu accéder à un appartement dans le cadre du programme d’aide d’urgence à l’intégration et au logement ESTIA.

Certains experts estiment que l'État grec veut exclure les réfugiés du reste de la société | Photo : Florian Schmitz / DW
Certains experts estiment que l’État grec veut exclure les réfugiés du reste de la société | Photo : Florian Schmitz / DW

Ce programme, financé par l’agence des Nations unies pour les réfugiés (HCR) et l’Union européenne (UE), a été mis en place en 2015 pour financer des logements pour les demandeurs d’asile les plus vulnérables. L’objectif affiché était de faciliter leur intégration dans la société.

En décembre dernier, le gouvernement grec a toutefois commencé à mettre fin progressivement au programme ESTIA. Rana et sa famille ont par conséquent dû retourner dans un camp de réfugiés.

A lire aussi : France : l’absence de logement fait courir aux femmes migrantes le « risque » de basculer dans la prostitution

« J’avais l’habitude d’aller à l’école en Grèce avec ma sœur », explique-t-elle, en sanglots. « Quand nous sommes arrivés dans le camp, on nous a dit qu’il n’y avait pas de place pour nous à l’école ». Rana s’est vue proposer une place dans une école dans une ville voisine, mais l’établissement est bien trop éloigné du camp pour pouvoir s’y rendre tous les jours.

La famille avait pourtant commencé à se construire une nouvelle vie en ville. « Lorsque nous sommes arrivés au camp, notre conteneur était complètement vide. Il n’y avait même pas de matelas », se souvient Rana. La famille a dormi sur le sol pendant deux jours, avant de retourner dans leur ancien appartement y pour récupérer des matelas.

Depuis la suppression progressive du programme ESTIA, les demandeurs d'asile ont dû quitter leurs appartements et retourner dans des camps de réfugiés | Photo : Florian Schmitz / DW
Depuis la suppression progressive du programme ESTIA, les demandeurs d’asile ont dû quitter leurs appartements et retourner dans des camps de réfugiés | Photo : Florian Schmitz / DW

C’était il y a deux mois. Depuis, leurs noms ne figurent même plus sur la liste des personnes ayant droit à des repas gratuits. « Ils nous donnent ce qui reste quand tout le monde dans le camp a reçu sa ration », raconte Rana. La famille pu entre-temps se procurer une cuisinière pour se faire à manger.

Changement de situation en Afghanistan

La demande d’asile de la famille a déjà été rejetée à deux reprises avant que les talibans ne reprennent le pouvoir à Kaboul en août 2021. L’Afghanistan n’est plus considéré comme un pays sûr par de nombreux Etats, leur demande de protection est actuellement réexaminée. Mais Rana craint d’être expulsée vers la Turquie, le pays par lequel elle est arrivée en Grèce. En effet, l’Union européenne et Athènes considèrent toutes deux la Turquie comme un pays tiers sûr.

Pression psychologique

L’incertitude et l’attente constituent un poids psychologique énorme pour les migrants. Le programme ESTIA ambitionnait de créer des conditions de vie dignes pour atténuer ces souffrances. Quelque 20 000 places de logements étaient prévues.

L'avocate Christina Svana critique la fin du programme ESTIA | Photo : Florian Schmitz / DW
L’avocate Christina Svana critique la fin du programme ESTIA | Photo : Florian Schmitz / DW

Au moment d’annoncer la fin programmée de l’ESTIA, il y a un an, le ministère grec des Migrations affirmait que 12 648 personnes se trouvaient dans des appartements financés par le programme mais que que, depuis, nombre d’entre elles auraient reçu un réponse à leur demande d’asile.

En réponse à une enquête de Deutsche Welle, le ministère a assuré qu’au final, moins de 500 personnes ont dû quitter leurs appartements.

A lire aussi : « Quelqu’un doit bien le faire » : l’histoire d’Astoun, de réfugié à sauveteur en mer

Les experts estiment toutefois que l’isolement est utilisé comme moyen de dissuasion. Pour l’avocate Christina Svana, la fin d’ESTIA est une erreur puisque de nombreux demandeurs d’asile sont toujours dans le besoin. Elle travaille pour FENIX, une ONG qui fournit notamment des conseils juridiques aux réfugiés.

Christina Svana a été inondée d’appels de migrants désespérés : « Nous avons vu à quel point la mise en œuvre de cette décision (la fin du programme ESTIA) a été difficile. Dans de nombreux cas, les gens n’ont été prévenus qu’un ou deux jours avant de devoir partir. »

Selon les ONG, les autorités grecques isolent les migrants dans pour décourager l'immigration clandestine vers la Grèce | Photo : A. Avramidis / Reuters
Selon les ONG, les autorités grecques isolent les migrants dans pour décourager l’immigration clandestine vers la Grèce | Photo : A. Avramidis / Reuters

Pour Christina Svana, la fin d’ESTIA s’inscrit dans la politique du gouvernement grec visant à dissuader les demandeurs d’asile : « Depuis que le nouveau gouvernement est arrivé au pouvoir en 2019, nous avons assisté à un déclin spectaculaire des avantages ou des droits accordés aux réfugiés. Des centres fermés ont été érigés sur les îles et des camps entourés de murs et sous surveillance permanente ont été construits sur le continent. » Selon l’avocate, l’État grec est déterminé à maintenir les réfugiés à l’écart du reste de la société.

Une décision politique ?

Ines Avelas, responsable du plaidoyer et de la stratégie à FENIX, dénonce des motivations politiques.

Elle explique que l’ONG a reçu la confirmation par Bruxelles que les autorités grecques ont décidé de mettre fin au programme en raison de la « baisse significative des arrivées et de l’utilisation réduite de la capacité des centres d’accueil ». Pourtant, le financement du Fonds européen pour l’asile, la migration et l’intégration (AMIF) est garanti à la Grèce jusqu’en 2027.

« La fin du programme était une décision du gouvernement grec et il n’y avait aucune raison budgétaire à cela », conclut Ines Avelas.

Le gouvernement grec rejette cette affirmation. Au-delà du fonds AMIF, « aucun autre moyen n’a été mis à disposition », explique le ministère grec de Migration.

De son côté, la Commission européenne note que « en fin de compte, c’est à la Grèce de choisir l’accueil qu’elle offre et comment comment elle utilise les fonds mis à sa disposition dans le cadre des obligations de la base juridique des directives et règlements de l’UE. »

Seuls les demandeurs d’asile sont concernés

Athènes assure que les personnes concernées ont reçu une alternative dans des logements « pleinement conformes aux exigences juridiques internationales et européennes » et que ces infrastructures offrent aux résidents « la sécurité, la nourriture et des conditions de vie appropriées. »

Lefteris Papagiannakis, du Conseil grec pour les réfugiés | Photo : Florian Schmitz / DW
Lefteris Papagiannakis, du Conseil grec pour les réfugiés | Photo : Florian Schmitz / DW

Le ministère grec de la Migration tient également à préciser que « la plupart des demandeurs d’asile ont été informés du résultat de leur demande avant la fin du programme. En cas de résultat négatif, ces personnes ont été expulsées. En cas de résultat positif, elles se sont vues proposer un logement et une aide financière dans le cadre du programme d’intégration HELIOS. »

HELIOS est un programme destiné aux personnes ayant déjà obtenu l’asile en Grèce. Il est également financé par l’UE. Lefteris Papagiannakis, du Conseil grec pour les réfugiés, souligne que le programme offre une aide d’un an à ceux qui cherchent un emploi et un logement. « Le problème, c’est qu’il faut disposer d’un logement pour pouvoir bénéficier du programme », note-il, ajoutant que les choses se compliquent lorsque l’aide prend fin au bout d’un an.

De nombreuses personnes ayant obtenu l’asile se sont ainsi retrouvées à la rue ou ont dû retourner dans les camps de réfugiés. Pour Lefteris Papagiannakis, la Grèce ne prend pas l’intégration au sérieux : « Ce gouvernement est hostile aux réfugiés et aux migrants ».

Auteur : Florian Schmitz

Source : https://www.infomigrants.net/fr/post/46750/grece–apres-la-perte-de-leur-logement-des-refugies-retournent-vivre-dans-des-camps

Les 84 personnes secourues par l’Ocean Viking vont débarquer à Ravenne, en Italie

Le 14 février 2023, l’équipe à bord de l’Ocean Viking a secouru 84 personnes d’une embarcation pneumatique surchargée dans les eaux internationales au large de la Libye. Parmi eux, 58 mineur.e.s non accompagné.e.s. Le port sûr de Ravenne en Italie a été assigné pour les 84 rescapé.e.s à bord.

Retour sur la vingt-cinquième mission de recherche et de sauvetage de l’Ocean Viking.

15 janvier 2023

SOS MEDITERRANEE est profondément préoccupée par la transposition en loi du décret sur la « gestion des flux migratoires » aujourd’hui par le Parlement italien.

L’ »effet combiné » du décret et des pratiques de coordination appliquées aux navires des ONG réduit considérablement les capacités de sauvetage en Méditerranée, ces pratiques incluant l’assignation de ports de débarquement éloignés.

Les 84 rescapés à bord de l’Ocean Viking sont les premiers à payer le prix fort de l’assignation des ports excessivement éloignés, aggravant leur condition déjà fragile. Les États côtiers doivent agir pour protéger des vies en mer au lieu de les mettre davantage en danger.

14 février 2023

Ravenne, au nord de l’Italie, a été assignée par les autorités italiennes comme lieu sûr de débarquement pour les 84 rescapé.e.s à bord de l’Ocean Viking.

Imposer une navigation de 4 jours a de graves conséquences sur la santé physique et mentale des rescapé.e.s après toutes les souffrances endurées en mer et en Libye.

14 février 2023

Hannah, responsable de l’équipe médicale à bord de l’Ocean Viking explique la situation dans laquelle se trouve certaines des personnes secourues ce matin en Méditerranée centrale.

« Des personnes ont signalé des problèmes de santé liés à de longues détentions (de plusieurs années) en Libye. Parmi ces présentations, des personnes ont déjà fait état de blessures liées à la violence subies lors de ladite détention. »

Parmi les 84 personnes secourues ce matin par l’Ocean Viking, 58 sont des mineur.e.s non accompagné.e.s.

14 février 2023

Ce matin, l’Ocean Viking a évacué 84 personnes, dont 58 mineur.e.s non accompagné.e.s, d’une embarcation pneumatique surchargée dans les eaux internationales au large de la Libye.

SOS MEDITERRANEE et l’IFRC s’occupent maintenant de nombreux rescapés souffrant de déshydratation et d’hypothermie.

Crédit photo : Nissim Gasteli / SOS MEDITERRANEE

Source https://sosmediterranee.fr/sauvetages/recap-84-personnes-secourues-par-locean-viking-en-mediterranee-centrale/

SOS MEDITERRANEE inquiète des évolutions du contexte d’intervention en Méditerranée centrale

Depuis fin décembre, les navires humanitaires se voient attribuer des ports de débarquement très rapidement après avoir secouru une embarcation en détresse mais dans des ports extrêmement éloignés. En ce début 2023, alors que l’Italie adopte un décret visant les ONG de sauvetage, les autorités maritimes semblent se conformer à un nouveau modus operandi qui fait craindre de graves conséquences pour les personnes naufragées.

Sauvetage à risque de 95 personnes, dont 20 femmes et 38 mineurs, ce mercredi 26 janvier, en présence des garde-côtes libyens qui ont effectué des manœuvres dangereuses pour la sécurité des équipes et des rescapé.e.s. Crédits Photo : Nissim Gasteli / SOS MEDITERRANEE

95 personnes secourues le 25 janvier, quatre disparues

Ce mercredi 25 janvier, l’Ocean Viking a secouru 95 personnes d’une embarcation pneumatique surchargée dans les eaux internationales au large de la Libye, à la suite d’une alerte de détresse relayée par l’avion Seabird 2. Arrivés sur les lieux pendant le sauvetage, les garde-côtes libyens ont alors effectué diverses manœuvres dangereuses, mettant en péril la sécurité des équipes et des personnes rescapées. Heureusement, elles ont toutes pu être évacuées vers notre navire ; cependant certaines d’entre elles ont ensuite signalé qu’au moins quatre personnes étaient tombées à l’eau avant notre arrivée. Les équipes de l’Ocean Viking ont procédé à leur recherche durant de longues heures, en vain. Les deux patrouilleurs libyens présents sur zone sont de leur côté repartis sans répondre à nos demandes de soutien pour retrouver les personnes disparues. Parmi les personnes survivantes, on compte 20 femmes (15 adultes, 5 mineures) et 38 mineurs dont 33 non accompagnés.

Le port de Carrare, à plusieurs jours de navigation de la zone de sauvetage, a par la suite été désigné à l’Ocean Viking qui fait route vers cette destination.

Un décret de la présidence italienne visant les ONG

Le 2 janvier 2023, un nouveau décret sur les « dispositions urgentes pour la gestion des flux migratoires » a été signé par la présidence italienne afin de fixer les conditions selon lesquelles les navires de recherche et de sauvetage des ONG peuvent être considérés « conformes » aux conventions maritimes internationales et de réglementer encore davantage leur entrée dans les eaux territoriales italiennes.

Le plus jeune des rescapé.e.s secouru.e.s le 27 décembre dernier avait à peine deux semaines. Il a été débarqué le 31 décembre à Ravenne, à 1500 km du lieu de son sauvetage. Photo : Michael Bunel / SOS MEDITERRANEE

En parallèle de ce décret, les autorités maritimes italiennes ont changé leurs pratiques d’attribution de ports pour débarquer les rescapé.e.s. Depuis la fin décembre 2022, les navires humanitaires, habituellement soumis à de longues attentes avant qu’un centre de coordination des sauvetages ne leur désigne un port sûr, se sont vu assigner un port de débarquement immédiatement après leur premier sauvetage. Du jamais vu depuis 2018.

Cette rapidité représente une avancée par rapport à des semaines d’angoisse sans aucune perspective de débarquement pour les rescapé.e.s, mais elle pose le problème de la distance des ports attribués, dans les deux derniers cas, à plus de 1 500 kilomètres de la zone de sauvetage. Ainsi lors des sauvetages de l’Ocean Viking les 27 décembre 2022 et 7 janvier 2023, le port désigné se trouvait aux confins de la mer Adriatique : Ravenne pour le premier et Ancône pour le second. Les autres navires humanitaires opérant ces dernières semaines ont vu un scénario semblable se répéter.

Illustration des trois allers-retours depuis la zone de sauvetage nécessaires à l’Ocean Viking pour se rendre au port de Ravenne pour débarquer 113 personnes secourues le 27 décembre 2022 (trajet orange), celui d’Ancône pour débarquer 37 personnes secourues le 7 janvier (trajet blanc) et au port de Carrare pour débarquer 96 personnes secourues le 25 janvier 2023 (trajet marine). Note : Trajets approximatifs pour fin d’illustration

Risques de naufrages mortels en l’absence de navires humanitaires 

« En 2022, l’Ocean Viking a effectué en moyenne cinq à six opérations de sauvetage par mission, secourant près de 300 personnes à chaque fois. Lors des deux dernières missions, où les autorités italiennes ont instruit immédiatement l’Ocean Viking d’aller débarquer les personnes secourues dès le premier sauvetage, SOS MEDITERRANEE n’a effectué qu’un seul sauvetage par mission, avec une moyenne de 75 personnes à bord » relate Sophie Beau, co-fondatrice et directrice de SOS MEDITERRANEE.

Les navires d’ONG sont ainsi éloignés de la zone d’opération en Méditerranée centrale, alors même que les moyens de sauvetage y font cruellement défaut.

Plus de trente-cinq personnes sont décédées en mer Méditerranée centrale lors de différents naufrages depuis le début de l’année 2023, selon l’Organisation internationale pour les migrations.

Hausse des coûts d’opération et conséquences sur la protection des personnes rescapées à bord 

Dans ces conditions, alors que les navires comme l’Ocean Viking sont déjà durement impactés par la hausse du prix du fioul qui a presque doublé en 2022, l’augmentation des distances parcourues aggrave encore la situation financière des ONG.

Par ailleurs, ces longs trajets exposent les hommes, les femmes et les enfants secouru.e.s par les navires des ONG à des risques accrus liés aux conditions météorologiques défavorables. Cela dégrade encore leur état de santé après des traversées éprouvantes, avant de pouvoir enfin débarquer sur la terre ferme.

Ainsi, les 37 personnes secourues le 7 janvier par l’Ocean Viking, dont certains souffraient déjà de brûlures cutanées graves, d’intoxications au fuel et des traumatismes du séjour en Libye et de la traversée, ont en plus dû affronter une tempête avec des vents de 40 nœuds et des vagues de six mètres. La passerelle avait pourtant alerté les autorités maritimes italiennes de la situation et demandé la désignation d’un lieu sûr plus proche, sans succès. Durant plusieurs jours sur le trajet vers Ancône, équipages et rescapé.e.s ont alors été soumis à des éléments déchaînés et malgré la prise de médication, la quasi-totalité a souffert du mal de mer, affaiblissant encore les plus vulnérables.

Alors que les moyens de sauvetage européens font toujours défaut en Méditerranée centrale, SOS MEDITERRANEE s’inquiète de l’impact de ces dernières évolutions sur les risques de naufrage et la santé des personnes secourues.

Photo d ’illustration : Kevin Mc Elvaney / SOS MEDITERRANEE

Source https://sosmediterranee.fr

Lutter contre les préjugés sur les personnes étrangères

Un petit guide et une vidéo à visée pédagogique

La Cimade a le plaisir de vous annoncer la réactualisation de Lutter contre les préjugés sur les personnes étrangères, le titre le plus distribué de sa collection Petit Guide, une collection adaptée au plus grand nombre, avec des accroches interactives et un vocabulaire accessible dès le collège.
Avec en prime pour en donner un avant-goût ou servir de déclencheur de débats : sa déclinaison en vidéo animée.

Le petit guide

Source La cimade

Détenu sous le pont

extraits

Comment les demandeurs d’asile sont détenus dans des prisons secrètes sur des navires commerciaux pour faciliter les refoulements illégaux d’Italie vers la Grèce.

Alors que les vacanciers sirotent des bières fraîches et des cocktails sur le pont d’un ferry de passagers, avec une certaine excitation dans l’air, une situation très différente se joue sous le pont. Dans les entrailles de ce navire, des personnes, dont des enfants, sont enchaînées et enfermées dans des endroits sombres contre leur gré.

Il s’agit de la pratique moins connue du refoulement en Europe, où des prisons secrètes sur des navires privés sont utilisées pour renvoyer illégalement des demandeurs d’asile là d’où ils viennent.

Le déni systématique du droit de demander l’asile aux frontières terrestres de l’UE a été bien documenté ces dernières années. L’année dernière, Lighthouse Reports et ses partenaires ont révélé l’existence de « sites noirs » – des lieux de détention clandestins – où les réfugiés et les migrants se voient refuser le droit de demander l’asile et sont illégalement emprisonnés avant d’être renvoyés de force.

Ce qui a moins retenu l’attention, c’est le refus illégal de la possibilité de demander l’asile aux frontières de l’UE, et les refoulements brutaux qui ont lieu entre les États membres – notamment de l’Italie à la Grèce – en mer.

Nous avons découvert que des demandeurs d’asile, y compris des enfants, sont détenus dans des prisons non officielles – sous la forme de boîtes métalliques et de pièces sombres – pendant parfois plus d’une journée dans les entrailles des navires de passagers qui se dirigent de l’Italie vers la Grèce, dans le cadre de refoulements illégaux effectués par les autorités italiennes.


En 2014, la Cour européenne des droits de l’homme a jugé que l’Italie avait ainsi renvoyé illégalement des demandeurs d’asile en Grèce, les privant de la possibilité de déposer une demande de protection. Huit ans plus tard, bien que les autorités italiennes aient affirmé à plusieurs reprises que cette pratique n’a pas cessé, nous avons constaté qu’elle se poursuit en force.

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STORYLINES

En vertu d’un accord bilatéral de « réadmission » entre le gouvernement italien et le gouvernement grec – en vigueur depuis 1999 bien qu’il n’ait pas été ratifié par le parlement italien – l’Italie peut renvoyer dans leur pays les migrants sans papiers qui sont arrivés de Grèce. Toutefois, cette mesure ne peut être appliquée aux demandeurs d’asile.

Or, nous avons constaté que des demandeurs d’asile originaires d’Afghanistan, de Syrie et d’Irak ont été soumis à ce traitement au cours des 12 derniers mois. Les données fournies par les autorités grecques montrent que des centaines de personnes ont été concernées au cours des deux dernières années, avec 157 personnes renvoyées d’Italie en Grèce en 2021, et 74 en 2022 – bien que les experts estiment que tous les cas ne sont pas documentés.

Depuis l’arrêt de la CEDH en 2014, l’Italie a affirmé à plusieurs reprises que cette pratique avait cessé, et a fait pression pour que le contrôle officiel de ses processus frontaliers au port – mis en place à la suite de l’arrêt de la CEDH – soit arrêté au motif que les violations ne se produisent plus.

Erminia Rizzi, avocate italienne spécialisée dans l’immigration, a déclaré que ces retours forcés avaient lieu « fréquemment » et que les demandeurs d’asile, y compris les mineurs, étaient « empêchés d’accéder au territoire, en violation de toutes les règles et avec des procédures informelles ».

Wenzel Michalski, directeur de Human Rights Watch Allemagne, a soulevé la question de la complicité de l’UE, affirmant que les conclusions montrent comment « l’Europe s’est autorisée à tolérer de telles circonstances »

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