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Grèce : Procès d’Aube dorée, Ils ne sont pas innocents !

29 septembre par Collectif


Le procureur public du procès de l’Aube dorée, Adamantia Oikonomou, a de façon provocante demandé que tous les membres du parti néo-nazi soient acquittés de toute implication liée au meurtre de Pavlos Fyssas, commis par un membre autoproclamé du parti.

Son argument est que l’assassin de Pavlos Fyssas, Giorgos Roupakias, a commis l’acte tout seul, quand il a poignardé le musicien à mort.

Sa recommandation absurde vise à ce que les chefs de l’organisation criminelle néo-nazi soient acquittés. Le procureur prétend que les chefs du parti n’ont donné aucun ordre pour cette attaque.

Aube dorée est une organisation criminelle au sens plein du terme, avec une structure hiérarchique et une formation militaire. Ses membres ont suivi des ordres. Pendant plus d’une année, plein d’évidences contraignantes ont été présentées au tribunal : des photos, des vidéos, des messages qui font preuve de la planification des attaques et leur dissimulation, comme c’était le cas pour le meurtre de Pavlos Fyssas.

Des évidences qui prouvent l’implication des bataillons de l’organisation aux attaques contre les pécheurs égyptiens et les membres du syndicat du parti communiste PAMELe procureur a choisi de ne pas voir ces évidences. Nous disons « NON » à l’acquittement d’Aube dorée.

Nous demandons qu’un exemple soit fait par la condamnation des chefs du parti et des bataillons des meurtres nazi d’Aube dorée.

Source http://www.cadtm.org/Grece-Proces-d-Aube-doree-Ils-ne-sont-pas-innocents

L’urgence d’une solidarité internationale avec les réfugiéEs en Grèce

Les fanfaronnades préélectorales de Mitsotakis l’an passé, comme quoi avec lui il n’y aurait plus de « problème immigré », avaient certes pour but de piquer aux nazis leur électorat et reflétaient aussi l’alignement de la droite sur le courant d’extrême droite, très présent désormais au pouvoir. Mais dans la réalité, c’est depuis un an une fuite en avant qui fait du gouvernement grec un émule des Orbán et Salvini, et il est urgent que le sort terrible infligé aux réfugiéEs en Grèce soit l’objet d’une large dénonciation internationale.

La semaine dernière, la police a repris ses intrusions dans des lieux habités par des réfugiéEs : à Exarcheia, une cinquantaine de personnes, dont de nombreux enfants, et presque toutes en règle, se sont retrouvées à dormir dehors, même si la solidarité a essayé de parer au plus pressé. Ceci est vu comme une répétition générale du projet piloté par Mitarakis, ministre « des Migrations et de l’asile » : pressé par la colère des habitantEs des îles proches de la Turquie, le gouvernement veut en partie « vider » les camps d’enregistrement, comme à Mytilène, en logeant les partants dans les « centres d’accueil » (blocs de logements, hôtels…) de la Grèce continentale. D’où le projet d’en chasser 10 000 occupantEs, sous prétexte que comme ils et elles sont en règle, ils et elles peuvent trouver du travail et payer un loyer… Cynisme accentué par la nomination confidentielle de directeurs de ces centres d’accueil, pour bon nombre membres du parti de droite et/ou ex-militaires, avec même à Pyrgos (Péloponnèse) un raciste auteur d’un livre édité par des nazis !

Impasse criminelle de la politique anti-réfugiéEs

Il semble que le seul objectif du pouvoir soit de décourager les réfugiéEs de venir en Grèce. C’est d’ailleurs à peu près ce qu’a benoîtement suggéré Mitarakis devant les instances européennes en parlant, sur fond de « menace asymétrique », d’une « force majeure » qui devait pousser l’Europe à la fermeté, et instrumentalisant le coronavirus1. Résultat : une volée de bois vert de la part d’instances sur les réfugiéEs, sur les libertés et de pas mal d’eurodéputés. Mais comme la réalité de la politique européenne, c’est l’Europe forteresse, le gouvernement grec poursuit sans état d’âme sa politique raciste, comme avec les renvois de réfugiéEs sur la rive turque du fleuve Evros ou sur les côtes orientales de l’Egée : une enquête de la Deutsche Welle établit à plusieurs dizaines ces renvois interdits par le droit international

Et tout aussi grave est le climat raciste entretenu par le pouvoir, avec des ministres parlant d’« invasion » : dans des lieux où devaient être accueillis des réfugiéEs, l’extrême droite se sent alors libre d’appeler à des rassemblements racistes pour « protéger l’intégrité » du lieu, comme on vient de le voir encore à Pella, lieu archéologique connu, où un hôtelier a subi tant de pressions qu’il a renoncé à ouvrir son établissement aux réfugiéEs. Ce racisme quotidien produit aussi ses « bavures » : un Crétois pris pour un Pakistanais vient de se faire tabasser par les policiers locaux…

Pour une riposte antiraciste, en Grèce et en Europe

Face à ce climat nauséabond, des ripostes locales existent heureusement, comme à Pella justement. Mais tout le monde en convient : il est grand temps de passer à la vitesse supérieure, pour un accueil des réfugiéEs dans des lieux sûrs et dignes, pour la fermeture des camps dégradants, sur les îles et sur le continent (Malakassa, Serrès…). Et bien sûr, ouverture des frontières européennes, et pas seulement pour accueillir les mineurEs sans famille. Mais cela suppose une campagne antiraciste menée en commun à l’échelle européenne !
À Athènes

1. Échec des racistes : croyant avoir « enfin» trouvé un foyer d’infection dans un centre de réfugiéEs en Argolide, ils préparaient leur ignoble campagne. Mais le virus semble avoir été « importé » par l’entourage de la famille royale hollandaise, qui a une résidence dans le coin ! Du coup, silence radio…

Source https://npa2009.org/actualite/international/lurgence-dune-solidarite-internationale-avec-les-refugiees-en-grece

Réfugies : tentative de récupération de l’extrême droite

Réfugiés en Grèce: chronique d’une tentative de récupération de l’extrême droite locale et européenne

Par Elisa Perrigueur et Sébastien Bourdon

Début mars, l’île de Lesbos était au centre de la communication des groupes d’extrême droite européens. L’espace de quelques jours, après l’annonce de l’ouverture des frontières par Ankara aux migrants voulant rejoindre l’Europe, une poignée de militants se sont rendus sur place. Une tentative de récupération ratée, selon les riverains qui s’inquiètent davantage d’une montée de l’extrême droite locale.

Lesbos s’est arrêtée, soumise au confinement total en raison du Covid-19. Les habitants désertent le port de Mytilène. Les 19 000 réfugiés de Moria sont sommés de rester au camp. Les quelques exilés égarés qui arrivent encore depuis la Turquie sont directement placés en quarantaine à leur arrivée. Les 39 passagers, parmi lesquels des Congolais, des Afghans et des Mauritaniens, qui ont par exemple accosté le 1er avril, ont entamé leur confinement sous des tentes installées sur le rivage, faute de structures disponibles.

L’île grecque attend désormais la régression du virus, qui a causé à ce jour 116 décès en Grèce. Un mois plus tôt, avant que la pandémie ne déferle sur le monde, c’était une autre menace qui submergeait Lesbos. Celle d’une poussée de l’extrême droite, aujourd’hui en suspens mais toujours tenace, estime Christos, professeur de 58 ans, natif de Mytilène.

« Les habitants seront d’abord préoccupés après le passage du virus par le droit du travail, les questions économiques, car nous sortions à peine de dix ans d’austérité. Plus personne ne risque d’aider les réfugiés… Le repli sur soi et l’extrémisme seront de graves menaces », prédit ce militant du groupe d’initiative antifasciste locale. Car il n’oublie pas la poussée extrémiste « choquante », à laquelle il a assisté au cours des premières semaines de mars, épisode désormais éclipsé par le virus mondial. « C’est désormais devenu très difficile pour les ONG, les antifascistes, les réfugiés de s’exprimer, l’environnement est devenu hostile », résume-t-il.

Lesbos a vu début mars la montée des extrémistes locaux mais aussi le passage d’identitaires étrangers venus profiter de la confusion causée par l’annonce de la Turquie. Le 27 février, Ankara a ouvert sa frontière, incitant les migrants en quête d’Europe à s’y rendre. Pleins d’espoir, ces réfugiés manipulés dans ce jeu politique ont alors débarqué sur l’île, parfois accueillis dans une ambiance de haine.

Une scène, surtout, semble avoir cristallisé la tension, le 1er mars, dans le petit port de Thermis, dans l’est. Un groupe de plusieurs dizaines de badauds accueillent un zodiac d’une trentaine de migrants aux cris de « Rentrez chez vous », « dégagez ». Une poignée d’extrémistes présents retournent leur haine contre des journalistes et membres d’ONG sur place, brutalisés. Cette séquence de plusieurs heures, virulente, est largement médiatisée.

Ce jour de colère, Lesbos est déjà à bout. Les arrivées d’exilés ont explosé depuis l’accession au pouvoir du premier ministre conservateur Kyriakos Mitsotakis, en juillet. Leur nombre est passé en neuf mois de 6 000 à 19 000 dans le camp insalubre de Moria. Ici, migrants, volontaires et habitants se disent « oubliés » par les autorités grecques et européennes. La colère des riverains, de tous bords politiques, vient d’exploser alors que le gouvernement a annoncé la construction d’un nouveau camp. Envoyés le 24 février pour encadrer les travaux, les MAT (CRS grecs) affrontent les riverains, dans un climat de violence inédite, pendant trois jours. Ils sont finalement repartis le 26 février, hasard du calendrier, la veille des annonces turques sur l’ouverture de la frontière.

Ces affrontements ont signé « l’affirmation de l’extrême droite sur l’île, présente dans ce mouvement contestataire », explique le militant antifasciste Christos. « Les fascistes l’ont clamé haut et fort : “Après les CRS, ce sont les réfugiés qu’on mettra dehors” », relate le professeur.

Début mars, les extrémistes locaux sortent ainsi de l’ombre : barrages mis en place sur les routes de l’île, attaques des voitures de location soupçonnées d’être empruntées par des reporters ou volontaires. Un incendie ravage le centre d’accueil pour réfugiés – inoccupé – Stage2, du Haut-Commissariat aux Nations unies (HCR). Un autre local vide de l’association suisse One Happy Family est réduit en cendres. Quelques semaines plus tard, ce sont les installations de l’association locale Stand By Me qui brûlent. Des enquêtes sont en cours.

Les ONG sont sous le choc, certaines fuient l’île. « Il n’y a jamais eu un tel niveau de violence, témoigne aujourd’hui Effy Latsoudi membre de Lesbos Solidarity. Nous [travailleurs humanitaires – ndlr] nous sentons très exposés, nous sommes devenus des cibles car nous aidons les réfugiés. Les menaces ont déferlé sur Facebook. Nos noms, parfois nos adresses, ont été diffusés. Tout cela est le fait de groupes grecs. » L’humanitaire estime que « derrière ces opérations, il y a le parti grec néonazi Aube dorée et des partisans radicaux du gouvernement Nouvelle Démocratie (ND). » Le militant antifasciste Christos précise : « On ignore officiellement si les groupes locaux sont liés à Aube dorée, mais ils partagent les mêmes idées xénophobes. »

Sur les réseaux sociaux, les mouvances identitaires européennes scrutent Lesbos mais aussi la frontière terrestre gréco-turque, à des centaines de kilomètres dans le nord-est du continent grec. Là-bas aussi les migrants affluent, ils sont alors 12 000 bloqués côté turc, face aux militaires grecs. Autour du hashtag #IStandWithGreece (« Je soutiens la Grèce »), des groupes dénoncent l’« invasion » du pays et certains réclament notamment « l’envoi de troupes françaises à la frontière gréco-turque » via une pétition, ayant récolté à ce jour plus de 4 300 signatures. Les fausses informations sont largement relayées. Comme cette vidéo, reprise par des sites d’extrême droite internationaux, montrant des migrants côté turc de la frontière en train de secouer des enfants et de les placer au-dessus de feux afin de présenter leurs yeux larmoyants aux caméras. Des gestes qui permettaient en réalité d’atténuer les effets des gaz lacrymogènes, tirés ce jour-là par les forces de l’ordre grecques.

Des mouvements nationalistes français entament alors leur communication, touchant néanmoins une audience restreinte. Certains diffusent des images de banderoles déployées en « soutien au peuple grec » ou dénonçant une « invasion migratoire ». Ils relaient aussi des photos de leurs affiches, comme le groupe l’Alvarium à Angers – proche de la mouvance de l’ex-Bastion social – qui poste la sienne avec le message « Aujourd’hui Lesbos, demain Angers ! Contre la guerre, vive les frontières ! Soutien aux Grecs ».

Un militant de Génération identitaire évoque, lui, sur Twitter des « scènes de guerre à la frontière grecque ». Le 7 mars, ce groupe organise un happening devant l’ambassade de Turquie, à Paris. Une trentaine de militants se réunissent brièvement derrière une banderole « Erdogan ennemi de l’Europe », agitant des fumigènes et un drapeau grec. Habitués des coups de communication médiatiques, plusieurs membres de ce groupe avaient été condamnés en 2019 pour avoir sillonné symboliquement la frontière franco-italienne dans les Hautes-Alpes en avril 2018, tentant de bloquer les passages de migrants au cours d’une opération baptisée Defend Europe.

D’autres actions similaires sont menées devant le consulat de Turquie à Marseille par le mouvement Tenesoun ainsi qu’à Lyon par Lyon Populaire. À chaque fois, ils sont une dizaine de militants. Dans ces deux cas, il s’agit des groupes héritiers du Bastion social, un mouvement dissous en avril 2019 pour l’implication de plusieurs de ses membres dans des agressions racistes..

.« La mouvance antifasciste de l’île s’est renforcée »

En Grèce, la rumeur d’une arrivée imminente de nombreux militants d’extrême droite sur les îles se répand parmi les ONG et journalistes sur place. Dès le 5 mars, un document en anglais intitulé « French Volunteers in Greece » (« Volontaires français en Grèce ») est publié via la messagerie chiffrée Telegram sur une chaîne de diffusion marquée à l’extrême droite comptabilisant plus de 5 000 abonnés. Ses auteurs anonymes, vraisemblablement les gestionnaires de la chaîne de diffusion, affirment avoir la confirmation qu’entre 90 et 120 Français se rendraient en Grèce au cours des trois prochaines semaines. D’après ce document, une trentaine seraient « d’anciens soldats » et des « vétérans des guerres en Croatie, Liban, Bosnie, Zaïre et au Donbass ».

À Lesbos, les locaux semblent plus inquiétés par la violence de certains Grecs que par la présence de militants étrangers. Finalement, ceux-ci ne sont qu’une poignée à avoir visiblement fait le déplacement. Seuls le porte-parole de Génération identitaire, et le responsable de la section Provence du mouvement, ont signalé leur présence en Grèce autour du 8 mars. Ils se sont rendus dans le village et dans le camp de Moria, se faisant passer pour des étudiants en école de journalisme, d’après une reporter Instagram sur place. Enfin, les deux militants ont pris la pose sur le site de la bataille des Thermopyles, à des centaines de kilomètres de l’île, dans l’ouest du continent grec. Plus discret, le responsable du local l’Alvarium à Angers se serait également rendu, d’après ses dires, à Lesbos, signant à son retour un article pour le journal d’extrême droite Présent.

D’autres militants de l’extrême droite européenne ont reçu un accueil plus houleux. Le Youtubeur irlandais Grand Torino a été pris à partie alors qu’il diffusait en direct sur Facebook des images de ses déambulations. Des membres d’un groupe d’identitaires allemands et autrichiens ont été frappés en pleine rue commerçante à Mytilène. Les images montrant ces extrémistes ensanglantés ont fait le tour des médias. Cette visite, la plus remarquée, se serait faite en lien avec des habitants de l’île, affirme le média local Sto Nisi. « [Ces militants identitaires] seraient venus après avoir été contactés par des locaux, par des personnes de la sphère publique, dont certains veulent jouer un rôle ces derniers temps dans les luttes patriotiques, rapporte ce journal. Les quatre hommes (de ce groupe) se sont déclarés “journalistes d’un magazine patriotique”. »

En réaction à cette situation, « la mouvance antifasciste de l’île s’est renforcée », indique le militant antifasciste Christos. Le 8 mars, une manifestation de soutien aux réfugiés a réuni plusieurs centaines de personnes sur le port de Mytilène alors qu’à Athènes, des milliers de personnes ont défilé en solidarité avec les migrants.

Côté institutionnel, quatre eurodéputés ont fait le déplacement le 10 mars dans le nome grec [district – ndlr] de l’Evros, à la frontière terrestre. Parmi eux, les élus français du Rassemblement national (RN) Jérôme Rivière et Jordan Bardella. Le vice-président du RN publie ainsi sur son compte Twitter des images avec les militaires omniprésents ou le maire d’une petite commune. Dans la région, des milices de citoyens se sont formées « pour défendre les portes de la Grèce et de l’Europe », d’après l’AFP.

Pour un riverain, ingénieur de 40 ans qui préfère rester anonyme, le problème est moins la venue d’identitaires européens que « l’émergence locale d’un système organisé sur l’île qui agit en toute impunité, sans qu’il n’y ait d’action des autorités, de la police ou des élus locaux ». Deux insulaires ont été condamnés le 7 mars à trois mois de prison avec sursis pour menaces à l’encontre d’ONG. Une plainte de la police routière de Mytilène a été déposée contre 55 personnes ayant bloqué les routes aux réfugiés et ONG. Personne n’a encore été convoqué, l’activité judiciaire étant suspendue en raison du Covid-19.

Source https://www.mediapart.fr/journal/international/210420/refugies-en-grece-chronique-d-une-tentative-de-recuperation-de-l-extreme-droite-locale-et-europeenn?onglet=full

Un nuage néo-fasciste plane au-dessus des frontières entre la Grèce et la Turquie

Chronologie de la situation aux frontières 12 mars par Eva Betavatzi Militante au CADTM Bruxelles

 

L’école One happy family accueillant des personnes migrantes à Lesbos. L’incendie a été provoqué par un groupe néo-fasciste.

 

L’Europe vit une période sombre, la situation aux frontières entre la Grèce et la Turquie en atteste. Les discours se multiplient et l’heure est à la confusion. Chacun.e apporte « son soutien » à l’une ou l’autre partie « victime », tantôt de la dictature d’Erdogan, tantôt d’une prétendue « invasion » de personnes migrantes, tantôt d’une folie humaine déjà installée depuis bien trop longtemps. Une folie humaine qui est restée dans l’ombre des préoccupations grâce à un gros chèque que l’Union européenne s’est accordée à verser à Erdogan. Six milliards d’euros, c’est le montant reçu par la Turquie à la suite de l’accord signé entre son État et l’UE en 2016. Six milliards d’euros, c’est le prix que l’Europe de « l’Union » a payé pour son incapacité à exprimer son refus « d’accueillir » des personnes en exil. Des personnes qui fuient les nombreuses guerres et conflits qui sévissent dans leur pays, résultat de l’impérialisme des puissants (Trump, Assad, Poutine pour ne nommer que quelques-uns des grands responsables de ces tragédies). Six milliards d’euros c’est bien plus que ce que l’UE n’aurait accepté de rembourser à la Grèce sur les intérêts de sa dette. Dépenser pour refouler des personnes extrêmement vulnérables, oui, annuler la dette illégitime de la Grèce pour éviter le massacre social, non. On ne peut plus clairement résumer les politiques de l’UE.

  Sommaire
  • Janvier 2020 – le gouvernement grec annonce ses premières intentions
  • Début février 2020 – montée des attaques néo-fascistes
  • Fin février 2020 – des affrontements proches d’un début de pré-guerre civile
  • Mars 2020 – les violences politiques et physiques conduisent à la mort de personnes (…)
  • La question migratoire est loin d’être le seul enjeu

Nulle question de « place disponible à l’accueil », nulle question « d’origine », que ces personnes migrantes viennent de Syrie, de Palestine, d’Irak, d’Afghanistan ou d’ailleurs peu importe, il s’agit de créer une Europe de l’investissement vide de sens et pleine d’argent, vide de gens et pleine de morts.

Les mots ne sont pas encore assez durs et la colère est légitime.

La Grèce est devenue aujourd’hui un territoire de toutes les batailles. Des personnes tentent de sauver ce qu’il reste de notre humanité, en sauvant des vies aux larges des côtes grecques et turques tandis que d’autres se lancent dans une croisade contre l’« étranger » et ses « allié.e.s ». La police anti-émeute grecque (MAT), chargée de canons à eau, de grenades assourdissantes et de gaz lacrymogènes, avait été envoyée par bateaux par ordre du gouvernement à la fin février sur les îles de la mer Egée contre la population locale en colère d’apprendre la réquisition par le gouvernement de leurs petites propriétés (terrains) pour la construction de nouveaux centres fermés. Ce même gouvernement avait annoncé quelques jours plus tôt son plan en trois points : construire de nouveaux centres fermés pour 20.000 demandeurs et demandeuses d’asile (alors que les camps comptent au total plus de 40.000 personnes aujourd’hui), renforcer les frontières physiques, refuser presque automatiquement les potentielles nouvelles demandes d’asile. S’en sont suivies des images de guerre civile – des affrontements violents ont éclatés entre la population et les autorités locales et la police de l’État – qui laissaient présager le pire.

Photo issue d’une vidéo qui a été mise en circulation par une militante sur les réseaux sociaux

 

Les partis néo-fascistes d’Europe n’ont pas manqué d’y voir une opportunité à leur propagande raciste et hypocrite. Le 10 mars dernier, le parti flamand Vlaams Belang organisait un rassemblement devant l’ambassade de Turquie à Bruxelles pour soutenir les grec.que.s qui « résistent avec vigueur » au « déboulement » des milliers de personnes migrantes envoyées par le « dictateur turc Erdogan ». Il se vantait d’être le seul parti « solidaire au peuple grec » ! Ce discours écœurant a été lu sur les réseaux sociaux par au moins des centaines de sympathisant.e.s dont des grec.que.s qui remerciaient le Vlaams Belang de son soutien au pays ! À l’heure où le peuple grec luttait pour sa survie contre les mesures d’austérité imposées par la Troïka, le Vlaams Belang tenait un discours radicalement opposé.

Les clarifications qui suivent ne sont certainement pas adressées aux sympathisant.e.s de ce parti fasciste, mais elles nous ont semblé utiles car l’heure est à la confusion et au choc. Les déclarations officielles des États se contredisent et les médias relaient leur propagande au service du pouvoir qu’ils défendent. La confusion est également créée de toute pièce par l’assemblage de mots tels que « invasion », « attaque programmée », « protection des frontières », et en criminalisant les principales victimes de cette situation dramatique, les personnes migrantes. La liste des évènements cités plus bas n’est pas exhaustive et ne prétend pas l’être, elle reprend dans les grandes lignes ce qu’il se passe en Grèce depuis le début de l’année. Le silence médiatique en Europe occidentale est aberrant.

 Janvier 2020 – le gouvernement grec annonce ses premières intentions

La Grèce veut ériger une frontière flottante sur la mer pour limiter l’arrivée des personnes migrantes. Le 29 janvier, le Ministère de la Défense lance un appel d’offre (notez bien la marchandisation de la crise) pour installer un mur flottant en mer Égée pour un budget estimé à 500.000 euros. Ce montant est tout aussi ridicule que l’étendue du projet (voir carte plus bas). Il s’agit bien d’annoncer la couleur : la crise sera privatisée et bénéficiera à certains entrepreneurs.

Sur cette photo, vous pouvez voir la taille réelle d’un barrage de 2 700 mètres par rapport à l’île de Lesbos”, écrit Chios News. Crédit : Google Maps / ChiosNews.com [1]

 Début février 2020 – montée des attaques néo-fascistes

Aube Dorée s’attaque aux ONG et aux personnes migrantes sur les îles du Nord-Est de la mer Égée. Un groupe de jeunes cagoulés armés de bâtons entrent de force de maison en maison pour vérifier la présence de personnes migrantes ou solidaires. Une maison abandonnée, souvent occupée par des demandeurs et demandeuses d’asile, est incendiée le 4 février. Heureusement les trois occupant.e.s ont pu partir à temps.

Des étudiant.e.s de Lesbos organisent une manifestation antifasciste dans le chef-lieu de l’île et sont ensuite attaqué.e.s dans un café par des personnes portant des casques et armées de battes.

Le 10 février, le porte-parole du gouvernement Stelios Petsas annonce la publication d’une loi autorisant le ministère de l’immigration et de l’asile à réquisitionner des propriétés et des terrains « pour des raisons d’intérêt public et de gestion de crise », le but étant de construire de nouveaux centres fermés à Lesbos, Chios, Samos, Leros et Kos d’ici l’été. Les autorités locales de Lesbos et Chios réagissent en voulant d’abord imposer des contre-mesures puis en coupant le dialogue avec Athènes.

 Fin février 2020 – des affrontements proches d’un début de pré-guerre civile

Le 24 février, des affrontements entre la police anti-émeute et les habitant.e.s et autorités locales de Chios et Lesbos éclatent et durent plusieurs jours. Gaz lacrymogènes et grenades explosives sont tirés par la police anti-émeute alors que les résident.e.s des îles lancent des pierres et parfois des cocktails molotovs. Beaucoup de personnes âgées se trouvent parmi elleux, femmes et hommes, ainsi que des popes (prêtres orthodoxe grecs).

La colère des habitant.e.s s’exprime pour plusieurs raisons. D’un côté, iels refusent l’expropriation de leurs terrains pour la construction de nouveaux centres fermés. Ensuite iels sont opposé.e.s à la construction de nouveaux centres, les centres existants étant déjà insalubres, surpeuplés, inhumains même, rien de surprenant à s’y opposer. Mais là encore il y a différentes réalités, certain.e.s s’opposent à l’accueil des personnes migrantes tout court, alors que d’autres s’opposent aux centres fermés comme solution d’accueil et demande à ce que les frontières ouvrent et que chacun.e puisse aller où iel veut. Enfin, certain.e.s dénoncent le fait que le gouvernement leur impose la « charge » de l’accueil et refuse de mieux la répartir sur l’ensemble du territoire. Ce que l’Union européenne fait à la Grèce, le gouvernement grec le fait à l’intérieur du pays : repousser les migrant.e.s aux frontières. Les habitant.e.s de Chios, Lesbos, Samos, Leros et Kos se sentent abandonné.e.s par le pouvoir central. Il y a aussi le fait que les économies de ces îles sont largement basées sur le tourisme et que les habitant.e.s craignent une baisse d’attractivité touristique. Pour toutes ces raisons il serait absolument erroné de penser que les habitant.e.s qui affrontent la police anti-émeute envoyée par le gouvernement central soient racistes et qu’iels agissent de la sorte pour cette seule raison, si elle en est une.

Stelios Petsas, le porte-parole du gouvernement, tente une réponse aux accusations des habitant.e.s des îles du Nord-est de la mer Égée qui dénoncent l’autoritarisme du gouvernement central et son refus de construire des centres fermés pour personnes migrantes à l’intérieur du territoire de la Grèce continentale en prétendant que le gouvernement grec serait contraint de planifier ces centres sur des îles à cause des dangers du coronavirus.

Pendant ce temps, les violences policières ne font qu’accroître la colère de la population locale, qui a organisé une grève générale les 25 et 26 février soutenue par une grande majorité d’habitant.e.s. La forêt de Diavolorema située sur l’île de Chios prend feu à cause de fusées éclairantes lancées par la police selon des témoignages de personnes se trouvant sur place. Six autres incendies sont déclarés sur les îles de Chios et Lesvos.

Le même jour à Chios, des policiers anti-émeutes sont « victimes » d’une attaque dans leur hôtel par des groupes de personnes. Six policiers sont blessés, 12 personnes arrêtées. À Lesbos, la situation est loin d’être calme, 46 policiers blessés et menacés par des groupes armés de fusils selon le quotidien Ethnos et divers quotidiens locaux. Une centaine de véhicules auraient été détruits par la police selon le quotidien ERT.

Pendant ce temps, des bulldozers envoyés eux aussi par le gouvernement grec tentent de commencer le terrassement pour l’installation des nouveaux centres fermés mais sont bloqués par des groupes d’habitant.e.s qui s’opposent à la construction de ces nouveaux centres.

Les syndicats de police finissent par demander que les forces déployées sur Lesbos et Chios soient évacuées. C’est à partir de jeudi 27 février que les policiers et tout l’attirail qui les accompagnait, machines et autres équipements, commencent à quitter les îles, embarqués par des ferrys en service spécial.

En Grèce continentale, la tension monte, notamment à Evros, à la frontière dite terrestre entre la Grèce et la Turquie. Des personnes en grand nombre tentent de passer la frontière ayant entendu qu’elles seraient ouvertes. Des familles, enfants, femmes et hommes se retrouvent finalement coincées dans la zone tampon, ni turque, ni grecque, et sont attaquées par les forces de police grecques qui n’hésitent pas à envoyer entre autres des gaz lacrymogènes sur la foule. Des habitants de la région viennent en renfort contre « l’arrivée » de personnes en plein exil, épuisées et sans autre alternative, certains à l’aide de leurs tracteurs ou autres outils.

Au même moment, des navires de Frontex, des gardes-côtes grecs et des hélicoptères des forces armées augmentent leurs patrouilles pour arrêter des personnes migrantes.

Le 29 février, 17 personnes migrantes sont arrêtées pour avoir tenté de traverser le frontière qui sépare la Turquie et la Grèce, et sont condamnées à trois ans et demi de prison alors que cela est illégal. Des dizaines d’autres arrestations ont lieu le même jour et plus tard.

Les porte-paroles grec et turc font des déclarations à tour de rôle. Omer Celik, le porte-parole du gouvernement turc accuse l’Europe de ne pas avoir respecté l’accord signé en 2016, tandis que le Ministre turc des affaires étrangères met en lien la situation à Idlib (frontière turco-syrienne) avec l’arrivée de personnes migrantes en Grèce. Il est assez évident que la Turquie dispose d’un levier important pour faire du chantage à l’Union européenne.

Charles Michel, président du Conseil européen, s’exprime quant à lui en faveur du renforcement des frontières de l’UE, faisant référence aux frontières grecques et bulgares. Merkel se prononce positivement à la demande d’Erdogan de recevoir plus d’argent de la part de l’UE mais de nombreux dirigeants européens n’y sont pas favorables. La question de comment répondre aux pressions d’Erdogan et de son gouvernement ne font pas l’unanimité en Europe.

 Mars 2020 – les violences politiques et physiques conduisent à la mort de personnes migrantes

Le ton monte entre les gouvernements grecs et turcs. Stelios Petsas accuse la Turquie de « trafiquant » et prononce un discours qui alimente la haine nationaliste et xénophobe, déjà bien installée. C’est sur ce ton que le gouvernement grec annonce le renforcement de ses interventions aux frontières et sa décision de suspendre l’asile pendant une période d’un mois (ou d’un an selon les sources), ce qui est interdit en vertu du droit d’asile international. L’article 78.3 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne est invoqué pour justifier cette décision.

Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, exprime son soutien total à la Grèce et à la Bulgarie et remercie la Grèce d’être « le bouclier de l’Europe en ces temps difficiles ». Elle assume donc de laisser mourir – voire de tuer activement – de nombreuses personnes (tout en alimentant les raisons de leur migration par ailleurs), et utilise un langage guerrier pour des hommes, femmes et enfants en exil. Elle promet 350 millions d’euros à la Grèce alors que la chancelière allemande Angela Merkel décide finalement de donner 32 millions d’euros à la Turquie pour « empêcher les migrations incontrôlées » (sic). Un hélicoptère et 20 policiers allemands sont également envoyés en Grèce pour renforcer Frontex. La présidente de la Commission européenne finit par demander à la Turquie de repousser les personnes migrantes loin de la frontière grecque. On ne peut passer à côté de l’hypocrisie qui caractérise les discours des dirigeants européens pour « résoudre » cette grave crise de l’accueil puisque leurs choix montrent au contraire qu’il n’est pas question de résoudre quoi que ce soit. Cette « crise » ne sera pas « résolue » de sitôt.

L’ONU quant à elle se contente de rappeler que la Grèce n’a pas le droit de refuser une demande d’asile.

Il y a pire, ce 2 mars, l’armée grecque a fait usage de vraies munitions le long de la rivière d’Evros. Des attaques violentes sont perpétrées par des milices – encouragées par cette violence d’État raciste – contre des bateaux de personnes migrantes, elles sont repoussées et mises en danger, tandis que des journalistes et des personnes solidaires sont attaquées. Des centres d’accueil désertés par les ONG, sont brûlés par des fascistes grecs et étrangers. En effet des groupes fascistes allemands et autrichiens tentent de se faire passer pour des reporters, mais sont vite démasqués par la population locale qui n’a pas manqué d’exprimer son mécontentement radical à leur présence. Le mouvement « Identitäre Bewegung Deutschland » était notamment présent.

Le même jour, un petit garçon est retrouvé mort au large de Lesbos après le naufrage de l’embarcation où il se trouvait. Le bateau aurait été renversé par les personnes à bord pour déclencher une opération de sauvetage selon les garde-côtes grecs. Les garde-côtes prétendent ce qu’ils veulent, il n’en reste pas moins qu’il est de la responsabilité des gouvernements grec et européens de protéger ces personnes vulnérables plutôt que de les inciter à prendre le risque de se noyer pour être secourues.

Les demandeurs et demandeuses d’asile à Moria se retrouvent dans des conditions toujours plus sordides.

Muhammad Al Arab, 22 ans, réfugié syrien, est tué par le feu à la frontière terrestre avec la Turquie. Le groupe d’investigation Forensic Architecture, connu notamment pour ses très sérieuses enquêtes sur les morts de Pavlos Fyssas et Zak Kostopoulos, démontre que Muhammad Al-Arab est touché par une balle provenant des forces de l’ordre grec. Ce qui est immédiatement démenti par le porte-parole du gouvernement dénonçant qu’il s’agit d’une propagande turque. Quelques médias internationaux reprennent l’information mais les médias locaux ont tous opté pour le silence.

Et puis, il y a quelques jours, on apprend le décès tragique de Muhammad Gulzar, deuxième victime des gardes-frontières grecs. Il a été tué à la frontière d’Evros, atteint lui aussi par une balle des autorités grecques.

De leur côté, 75 ONG appellent les dirigeants de l’UE à réagir face à la situation. En attendant, des personnes continuent de se noyer dans la mer Égée, des corps sont retrouvés déshydratés, gelés et/ou méconnaissables, alors que d’autres meurent dans les camps de la honte de l’UE et dans les prisons européennes hors de l’Europe.

Le 2 mars encore, des garde-côtes grecs sont filmés alors qu’ils tiraient sur des bateaux transportant des personnes migrantes. Le lendemain, plusieurs ONG annoncent la suspension de leurs activités en réaction aux nombreuses attaques fascistes dont elles sont victimes.

Quelques jours plus tard, des mobilisations importantes sont organisées à Athènes et dans d’autres villes grecques contre la montée de la xénophobie et de la haine. L’ouverture des frontières et la solidarité avec les réfugiés étaient leurs principales revendications.

Á la vue des réactions vives de toutes parts, le gouvernement grec s’enfonce encore plus dans sa politique de haine en proposant que des camps fermés soient construits, non pas sur les 5 îles évoquées plus haut, mais sur des îles désertes. Cela renvoie aux pages les plus noires de l’histoire de la Grèce et notamment aux camps de concentration qui avaient été mis en place pour les résistant.e.s pendant et après la guerre civile et lors de la dictature des colonels.

Le 8 mars, « One happy family », une école pour personnes réfugiées et migrantes sans distinction, située à Lesbos, est incendiée par un groupe néo-fasciste. Elle se trouvait entre les camps de Kara Tepe et Moria. C’était un lieu où des repas étaient servis et où des cours de langue étaient donnés.

Depuis juillet 2019, les personnes demandeuses d’asile, ainsi que les enfants dont les parents sont en situation jugée « irrégulière » par l’État, n’ont plus accès au système de santé public. Malgré cela, le gouvernement a annoncé l’expulsion ce 13 mars du plus grand dispensaire social grec Helliniko qui a déjà soigné gratuitement et sans sélection des milliers de patient.e.s. L’expulsion est programmée pour permettre au promoteur Lambda Development d’exploiter ce terrain et d’y construire des tours. Nous nous opposons radicalement à cette expulsion. Jeudi 12 mars, un rassemblement devant le consulat grec à Bruxelles est prévu pour réclamer l’annulation de l’expulsion de ce dispensaire social.

Par ailleurs, le procès contre Aube Dorée devrait toucher à sa fin prochainement mais la procureure de la République, Adamantia Oikonomou, ne serait pas en faveur de reconnaître le parti néo-nazi comme une organisation criminelle. Si Aube Dorée échappe à cette accusation, ce serait extrêmement grave dans le contexte actuel car le parti bénéficierait d’un remboursement de quelques millions d’euros, de l’argent bloqué le temps du procès. Le retour du parti néo-nazi, dans le contexte actuel et avec tous ces moyens, pourrait être un coup fatal à ce qui reste de démocratie dans le pays.

 La question migratoire est loin d’être le seul enjeu

Il serait faux de voir derrière cette situation tragique l’unique retour en force des extrêmes droites et du fascisme en général. Cette crise en cache malheureusement bien d’autres : sociales, économiques et géostratégiques.

L’enseignement, la santé, le logement sont des droits fondamentaux dont une grande partie de la population grecque est toujours privées aujourd’hui – ainsi que leurs voisin.e.s turc.que.s. Les pensions, les salaires et les aides sociales (pour ce qu’il en reste) sont trop bas alors que le coût de la vie augmente. Le gouvernement grec profite de la situation aux frontières pour garder sous silence l’ampleur de la crise sociale et sa propre incapacité et son manque de volonté à la résoudre. Il décide de pointer du doigt les personnes migrantes comme tant de gouvernements le font ailleurs.

D’un autre côté, la Grèce veut relancer un accord militaire avec les USA et renforcer sa coopération avec la France pour s’assurer un soutien contre la Turquie qui, par son accord signé avec la Libye (qui ignore l’existence du territoire grec entre les deux pays), montre qu’elle n’en a que faire de ses frontières avec la Grèce et Chypre. Le gouvernement turc est en effet trop préoccupé de trouver un moyen de tirer profit du gaz naturel et des réserves de pétrole qui se trouvent dans les territoires maritimes chypriotes (dans la partie Sud) au même titre que les compagnies italiennes et françaises qui sont déjà là (ENI et Total entre autres).

Au travers des quelques éléments relatés dans cette brève chronologie apparaît au grand jour le rôle des gouvernements d’Erdogan et de Mitsotakis qui utilisent tous deux cette situation pour attiser la haine de l’étranger. Cela leur permet de créer un effet de choc. Il ne serait pas surprenant de voir après ça l’État grec exiger des mesures économiques encore plus catastrophiques pour la population. Il y a encore trop de résistances en Grèce, et les investisseurs en sont très probablement encore préoccupés. D’un autre côté c’est le rôle réel de l’Union européenne qui, nous l’espérons, est une nouvelle fois rendu plus apparent. En effet, ce sont les multinationales des pays centraux de l’Union qui profitent le plus de cette situation de crise continue (la preuve en est l‘exploitation du gaz naturel et l’achat de la plupart des aéroports de Grèce par des compagnies allemandes), alors que les dirigeants européens se contentent de prononcer des discours d’une mollesse et d’une hypocrisie sans pareil malgré les conséquences meurtrières.

Les personnes migrantes apparaissent elles comme des « pions » sur l’échiquier politique de tous ces dirigeants qui n’en ont que faire des vies humaines. Il s’agit d’installer un rapport de forces entre un pays faible qui n’a qu’un semblant d’appartenance à une Union qui ne cesse de l’ignorer, en réalité de le noyer, et une puissance mondiale, faible elle aussi mais pour d’autres raisons, qui profite du contexte de crise à ses frontières pour étendre son hégémonie. Les deux gouvernements, grec et turc, sont tous deux des gouvernements d’extrême droite. Nous nous opposons fermement à leurs lignes politiques qu’elles soient économiques, sociales, militaires ou géostratégiques. Ce que nous exigeons ce sont des frontières ouvertes, que les personnes migrantes passent sur le continent et que de là elles aillent où elles veulent ! Des milliers de vies humaines sont détruites à cause de rapports de pouvoir entre puissances impérialistes, mais aussi à cause d’une volonté de préserver à tout prix des rapports de domination et de hiérarchisation tant entre territoires qu’au sein même de nos sociétés. Il est plus que temps d’arrêter de se tromper d’ennemi. Il faut un cessez-le-feu durable, général et inconditionné car pendant ce temps, les massacres, bombardements et gazage de la population syrienne continuent. En attendant, le droit d’asile doit être respecté à tout prix avec des points d’accueil et de soins humains. Enfin, rappelons que le droit d’asile moderne est né du « plus jamais ça » après le génocide nazi.

Merci à Loïc Decamp, Jérémie Cravatte, Renaud Duterme et Gilles Grégoire pour leurs relectures et suggestions précieuses.


Quelques sources :

Réfugiés en Grèce : l’île de Lesbos au bord de l’explosion

par Antoine Besson

Pris en étau entre le régime autoritaire Turc et la gouvernement de droite grec, les réfugiés coincés dans le camp de Moria sur l’île de Lesbos sont totalement abandonnés par les pays de l’Union européenne. 21 000 personnes s’y entassent, sans nourriture et sans chauffage.

Des « check points » sont improvisés sur les routes par des militants d’extrême droite, des étrangers sont attaqués, les voitures de location visées. Depuis quelques jours, l’île grecque de Lesbos (86 000 habitants), à quelques encablures des côtes turques et « hotspot » d’arrivée de réfugiés par la Turquie, connait une tension et des violences inédites. Que les annonces d’Erdogan sur l’ouverture des frontières turques ne devraient pas contribuer à calmer. Le gouvernement grec vient d’annoncer qu’il suspendait toutes les procédures de demande d’asile.

« Cela a commencé il y a environ un mois, avec un appel du gouverneur régional [Kostas Moutzouris] à une grève générale », raconte Lorraine Leete, coordinatrice du « Legal Centre Lesvos », une petite ONG basée à Mytilene, la capitale de l’île. Le mot d’ordre de la grève : “We want our islands back, we want our lives back” (« Nous voulons retrouver nos îles, nous voulons retrouver nos vies »). Des messages anti-migrants alors que l’île est en surchauffe.

Sur-concentration de 21 000 personnes dans le camp de Moria

Depuis l’arrivée au pouvoir du gouvernement conservateur en juillet dernier, les transferts de migrants et réfugiés vers Athènes ont subi un coup d’arrêt. Dans le même temps, les arrivées ont recommencé à augmenter en 2019. Elles risquent de s’accélérer avec la fuite des populations civiles coincées dans la poche d’Idlib, en Syrie, prises en étau entre l’armée de Bachar al-Assad soutenue par la Russie, les factions rebelles et l’armée turque. Résultat : plus de 21 000 personnes s’entassent aujourd’hui dans le camp de Moria, conçu à l’origine pour accueillir 3000 réfugiés maximum !

Les conditions de vie y sont plus épouvantables que jamais, et la tension monte depuis des mois. « Il y a eu une escalade. Des gens ont coupé des arbres, parce qu’ils avaient besoin de se chauffer. Il y a eu aussi des vols de moutons, parce qu’ils n’avaient rien à manger. Il faut remettre ça dans un contexte où on a, côte à côte, un petit village de 1000 habitants et un camp insalubre de 21 000 personnes, qui n’ont rien », explique Lorraine Leete.

Un gouvernement conservateur qui ferme les routes de l’asile et veut construire un camp fermé

Forts du succès de la grève générale, les mouvements d’extrême droite continuent depuis les attaques sporadiques, visant les migrants et ceux qui les aident. En parallèle, les réfugiés tentent également de s’organiser. Afghans ou Syriens, ils demandent des solutions pour arrêter de s’entasser sur l’ile. Problème : depuis janvier, une nouvelle loi sur l’asile rend pratiquement impossible leur régularisation. Le gouvernement de Kyriakos Mitsotakis (Nouvelle démocratie, droite) entend appliquer strictement l’accord entre l’Europe et Ankara. Il refuse de laisser les demandeurs d’asile rejoindre le continent, et déporte tous ceux dont la demande est rejetée.

Le gouvernement grec envisage la construction d’un centre fermé sur Lesbos, pour faciliter ces expulsions. Un nouveau camp auquel l’extrême droite grecque comme les migrants se sont opposés brutalement. En début de semaine, les forces de police envoyées pour protéger le chantier ont dû faire face à des émeutes des deux groupes. La base militaire dans laquelle les policiers étaient hébergés à été attaquée de nuit, précipitant le départ de la plupart des unités.

Des bateaux empêchés d’accoster

L’alliance entre les deux camps n’aura évidemment pas duré. Certains habitants empêchent les bateaux de migrants d’accoster. Des Syriens venus aider les naufragés se seraient fait attaquer. La route entre le nord de l’île et le camp de Moria a été bloquée. Des tentes d’un camp temporaire ont été détruites. La police n’interviendrait que très peu pour stopper ces violences.

« L’ambiance est très tendue sur l’île. Des attaques continuent, il y a des routes bloquées, des journalistes et des migrants ont été tabassés. Il suffit d’avoir un autocollant d’une ONG sur une voiture pour que les vitres soient brisées. À côté de ça, d’autres habitants vont, au contraire, exprimer leur solidarité avec les réfugiés », commente Lorraine Leete. Un journaliste allemand, Michael Trammer, a été agressé et blessé par des militants d’extrême droite, qui tentaient de s’opposer à l’accostage d’une embarcation en détresse.

L’annonce d’Erdogan d’ouvrir la frontière turque ne pourra que faire monter les tensions. L’armée grecque a annoncé la tenue d’exercices militaires et a prévenu qu’elle ouvrirait le feu à balles réelles… De l’avis de tous, les migrants ne peuvent et ne doivent pas rester entassés sur les îles. Aux gouvernements, en Grèce et ailleurs en Europe, d’ouvrir d’autres voies.

Source https://www.bastamag.net/Grece-Turquie-refugies-Lesbos-extreme-droite-Idlib-Syrie

La question des réfugiéEs, en Grèce et le retour de l’extrême droite gouvernementale

La question des réfugiéEs, en Grèce et le retour de l’extrême droite gouvernementale

La « question des réfugiéEs » constitue le seul terrain sur lequel le gouvernement de droite, en place depuis l’été 2019, fait entendre un discours politique public, pendant que parallèlement le pouvoir avance de manière effrénée dans son agenda néolibéral. Pour les réfugiéEs, surtout ceux ou celles enfermés dans les camps sur les îles, la situation devient pire chaque jour. 

Cette politique est le produit de manœuvres sociales et politiques bien antérieures aux dernières élections législatives de juillet 2019. Avec le retour au gouvernement d’une droite comportant depuis toujours des éléments d’extrême droite, on est passé d’une gestion politique des réfugiéEs comme question humanitaire à une ligne prétendant empêcher la « modification de la composition des communautés locales », en jouant avec des réflexes racistes et en affaiblissant davantage la gestion administrative des procédures d’asile alors qu’on voit arriver de nouveaux flots de réfugiéEs. L’an dernier, au moins 60 000 personnes sont arrivées dans les îles de la mer Egée, et 10 000 via la frontière terrestre avec la Turquie.

Pseudο-distinction juridique

Les « réactions » organisées de membres des communautés locales contre le transfert des réfugiéeEs hors des camps installés sur les îles ont été impulsées par des autorités municipales favorables à la droite gouvernementale, elles se sont étendues avec le vote de la nouvelle loi sur l’asile permettant de faciliter les renvois de réfugiéEs et de dissuader les nouvelles arrivées.

Juste après les élections, Dimitris Avramopoulos, ex-commissaire européen, a déclaré qu’après le traité UE-Turquie, les îles devaient être « vides », et que les autorités devaient procéder au renvoi en Turquie d’environ 35000 demandeurEs d’asile : il s’agit, a-t-il dit, de migrantEs économiques et non de réfugiéEs. C’est là une vieille pseudο-distinction juridique visant à produire des catégories d’êtres humains avec des droits limités ou même sans droits. Très rapidement, cette conception a franchi les frontières de la majorité parlementaire et s’est répandue, avec l’aide des médias, jusqu’au village le plus reculé. Cela s’inscrit dans une tentative de former un courant social majoritaire qui ne votera plus et n’intégrera plus une organisation comme Aube Dorée, mais qui voudra voir appliquer son programme : cela rappelle en plus « light » la période noire italienne de Maggioranza Silenziosa à Milan dans les années 1970.

Cette situation nous oblige à repenser sous un angle critique les interventions du mouvement antiraciste, pour aller dans cette période nouvelle vers une recomposition des réseaux de solidarité.

À Athènes, Thodoris Zeis

Source https://npa2009.org/actualite/international/la-question-des-refugiees-en-grece-et-le-retour-de-lextreme-droite

Defend Europe battu en cassation !

Defend Europe battu en cassation ! Game over pour les « nazillons » ! par Yannis Youlountas ·

Suite à l’échec de l’expédition anti-migrants en Méditerranée, durant l’été 2017 à bord du navire C-Star, les chefs identitaires espéraient se venger de la riposte antifasciste. Il espéraient aussi empêcher leurs opposants de les traiter de nazis.

DEFEND EUROPE BATTU EN CASSATION !
GAME OVER POUR LES « NAZILLONS » ! 🤣

En juillet et août 2017, après un crowdfunding financé par le Ku-klux-Klan, une brochette de jeunes hipsters identitaires européens avaient fait le tour de la Méditerranée à bord du navire C-Star pour essayer d’entraver les sauvetages en mer des migrants tentant la traversée.

Aucun état ni aucune institution n’était intervenu pour les empêcher de nuire. Aucun tribunal n’avait condamné les membres de cette sinistre expédition à l’encontre de personnes en situation de détresse. Une seule fois, les responsables du C-Star avaient été interpellés à Chypre, mais bizarrement relâchés alors qu’ils étaient en garde à vue.

Heureusement, durant tout l’été, une forte mobilisation sur toutes les rives avait réussi à saboter ce projet, notamment à l’initiative du réseau antifasciste Defend Mediterranea dont Yannis Youlountas diffusait les communiqués.

De port en port et d’échec en échec, l’expédition raciste était devenue un fiasco, sombrant dans le ridicule le plus total. Le navire C-Star était repoussé à chaque tentative : Égypte, Chypre, Crète, Tunisie, Sicile puis Malte, avant que les chefs de Defend Europe ne se décident à abandonner le navire et à rejoindre l’aéroport de Malte pour rentrer chez eux. Au final, l’équipage identitaire était devenu la risée du monde entier.

La vengeance des « nazillons »

Peu après leur retour en Europe, les responsables de l’expédition se réunirent et décidèrent de contre-attaquer en Justice. Le but était de se venger suite à l’échec, mais aussi d’empêcher les antifascistes de les traiter de nazis. En effet, les fascistes d’aujourd’hui tiennent beaucoup à leur respectabilité et sont devenus très procéduriers !

Après avoir étudié les communications de Defend Mediterranea diffusées par Yannis et partagées par de nombreuses personnes dont Jean-Jacques Rue, les fascistes et leur avocat avaient trouvé deux failles pour étoffer leurs poursuites :
– Yannis avait commis une erreur concernant une photo trouvée sur internet qui montrait soit-disant Lorenzo Fiato faisant un salut fasciste. Bien que l’info avait été trouvée par des antifascistes italiens, c’était une erreur de personne. Ce n’était pas Lorenzo Fiato, mais quelqu’un qui lui ressemblait.
– Jean-Jacques, militant antifasciste et ami de Yannis, s’était quant à lui emporté en partageant l’une des publications de ce dernier. Révolté par la violence du projet des identitaires, il avait parlé de contrer les fascistes avec tous les moyens possibles, y compris les plus violents si nécessaire. Le contexte : il avait écrit cela au lendemain de la mort de Heather Heyer, assassinée en marge d’une manifestation de l’extrême-droite américaine où était présent le drapeau des identitaires français. Sa publication étant publique, elle était passible de poursuites pour appel au meurtre.

Bref, en nous attaquant ainsi, les identitaires et leur avocat s’assuraient de gagner au moins sur ces points, à défaut de gagner sur le sujet principal, c’est-à-dire leur vraie préoccupation : empêcher qu’on puisse les traiter de nazis.

Deux ans et demi de rebondissements

La joute judiciaire a été longue :
– début de la procédure en octobre 2017 (nous prenons Dominique Tricaud pour avocat, assisté de Matteo Bonaglia) ;
– premier procès en mars 2018 à Nice (victoire pour nous sur l’utilisation du mot nazi) ;
– Robert Timm, Clément Gandelin alias Galant et Lorenzo Fiato décident de faire appel, voulant absolument gagner sur l’utilisation du mot nazi ;
– deuxième étape en septembre 2018 à la Cour d’appel d’Aix-en-Provence (victoire totale de Defend Europe dans une atmosphère très hostile) ;
– nous décidons de tenter la cassation (nous sollicitons Claire Wacquet, avocate spécialisée dans les mémoires pour la Cour de cassation, pour prendre le relais de Dominique et Matteo) ;
– troisième et dernière étape le 28 novembre 2019 à Paris, lors de l’audience par la Cour de cassation.
– la Cour de cassation rend son verdict ce 7 janvier 2020 et casse le jugement précédent sur le point le plus important (victoire définitive pour nous sur l’utilisation du mot nazi).

Au final, les identitaires n’ont réussi à gagner que sur ce qui était prévisible : sur les deux maladresses, mais qui n’ont aucune incidence politique : Yannis s’est trompé de photo, et alors ? Au milieu d’une centaine de communiqués et de publications à ce sujet, c’est le lot de tout le monde de commettre une petite erreur, en l’occurence de ne pas remarquer celle d’un site italien censé mieux connaitre le chef des identitaires italiens. Yannis perd sur ce point, mais cela n’a absolument aucune importance politiquement. Jean-Jacques perd aussi concernant son emportement du fait qu’il était « en mode public » et c’était malheureusement prévisible : il avait déjà perdu sur ce point en première comme en deuxième instance, et cette question n’était même plus étudiée par la Cour de cassation.

La grande question de la Cour de cassation était de savoir si Yannis avait le droit ou pas de traiter les identitaires de nazis. Les plaignants et leur avocat avaient noté à 7 reprises l’emploi de ce terme sous diverses formes. Considérant cela comme une injure, ils avaient relevés les 7 expressions suivantes dans les textes diffusés par Yannis :
1) « Les équipes de Frontex ne veulent pas se faire piquer leur job ni passer pour les petits copains des nazis », le 24/07/2017 dans l’article « L’opération Defend Europe est un fiasco » ;
2) « À suivre quand les nazillons auront fini de jouer à cache-cache chez Papy Erdogan », le 24/07/2017 dans l’article « L’opération Defend Europe est un fiasco » ;
3) « L’amour propre du nazi aurait-il ses raisons que la raison ne connaitrait pas ? », le 27/07/2017 dans l’article « Defend Europe s’enfonce » ;
4) « La croisière nazie s’amuse ! », le 28/07/2017 dans l’article « Defend Europe, des chasseurs de migrants viennent de monter à bord » ;
5) « Fabuleux, un navire d’aide aux migrants envoyé au secours des nazillons en panne ! », le 11/08/2017 dans l’article du même nom ;
6) « Le bateau nazi au pavillon mongol nous fait décidément beaucoup rire ! », le 11/08/2017 dans l’article « Fabuleux, un navire d’aide aux migrants envoyé au secours des nazillons en panne » ;
7) « Les nazillons sont toujours coincés sur leur bateau, après avoir été refoulés partout en Méditerranée », le 19/08/2017 dans l’article « Defend Europe rate son rendez-vous à Lyon ».

Une victoire sur ce point était importante pour plusieurs raisons. Tout d’abord, elle était utile dans la perspective d’une interdiction future de l’organisation Génération Identitaire, comme ce fut le cas pour les organisations identitaires antérieures : Unité Radicale puis Bloc Identitaire. Ensuite, cette victoire était précieuse par solidarité avec d’autres personnes poursuivies quelques mois plus tard pour les mêmes raisons par Defend Europe et qui pourront désormais s’appuyer sur une jurisprudence. Enfin, cette victoire était essentielle parce qu’il est tout simplement insensé que des fascistes veuillent nous faire la leçon sur notre façon de qualifier leurs actes odieux et inhumains.

Un grand merci

Cette victoire, nous la devons à toutes celles et ceux qui nous ont soutenu et qui nous ont aidés dans ce procès à rebondissements : nombreux soutiens, affluences aux audiences, témoignages au procès, textes et actions de solidarité…

Nous tenons également à remercier nos avocats : Dominique Tricaud assisté de Matteo Bonaglia en première et deuxième instance, puis Claire Wacquet en cassation. Ils ont vraiment été très bons, excellents même, dans un contexte plutôt hostile : pas facile de défendre des anarchistes et antifascistes devant un tribunal, surtout quand ils ne cachent pas leur dégoût pour la Justice bourgeoise !

Avec cette décision définitive de la plus haute juridiction de l’hexagone, le dernier acte de « la croisière nazie » est terminée. Touché-coulé pour Defend Europe en Méditerranée. Game over pour les « nazillons en panne », ces marins d’eau douce qui nous avaient tant fait rire en enchainant les camouflets, notamment en Crète et en Tunisie.

Une victoire de plus pour toutes celles et ceux qui luttent contre le fascisme.

Yannis Youlountas et Jean-Jacques Rue
avec le réseau antifasciste Defend Mediterranea

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PJ : à toutes fins utiles, voici la formulation juridique de cette victoire au sujet de l’emploi du mot « nazi », à certaines conditions.

COUR DE CASSATION, 7 JANVIER 2020 (extrait)

« Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, 29 de la loi du 24 juillet 1881, 1240 du code civil, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

1) En ce que l’arrêt attaqué a dit que M. Yannis Youlountas a commis une faute civile et l’a condamné à réparer le préjudice subi par MM. Clément Gandelin, Robert Timm et Lorenzo Fiato,

2) Alors que la liberté d’expression ne peut être soumise à des ingérences que dans les cas où celles-ci constituent des mesures nécessaires au sens de l’article 10 § 2 de la Convention européenne des droits de l’homme ; que l’ingérence doit s’analyser à la lumière de l’ensemble des circonstances de l’affaire et en particulier de la qualité de la personne visée, de celle du requérant, de la forme du propos en cause et du contexte de sa publication ; que les termes «nazis» et «nazillons» ont été employés dans des textes parus sur le blog d’un militant antifasciste au style rédactionnel empruntant aussi à la satire, dans le cadre d’un sujet d’intérêt général et d’une polémique publique sur le caractère xénophobe de l’action « Défend Europe » menée en Méditerranée par Génération Identitaire et ses cadres européens, action ayant fait l’objet d’un signalement au titre de l’article 40 du code de procédure pénale par la délégation interministérielle à la lutte contre le racisme notamment pour provocation à la discrimination raciale ; que ces termes, qui présentent l’inspiration idéologique qui leur était prêtée, n’ont pas, dans ce contexte, excédé les limites admissibles de la liberté d’expression ; qu’ils ne pouvaient dès lors être qualifiés de fautifs, la cassation interviendra sans renvoi”.

Vu l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme ;

Attendu que la liberté d’expression ne peut être soumise à des ingérences que dans les cas où celles-ci constituent des mesures nécessaires au regard du paragraphe 2 de ce texte ;

Attendu que, pour infirmer le jugement et dire constituée une faute civile à partir et dans la limite des faits objet de la poursuite engagée du chef d’injures publiques envers des particuliers, l’arrêt énonce en substance que l’emploi, à sept reprises dans cinq articles différents, des expressions « nazis » et « nazillons », qui renvoient à l’idéologie national-socialiste, réprouvée par la loi et par la morale, est outrageant pour les parties civiles ; que les juges ajoutent que M. Youlountas ne peut invoquer le bénéfice de la liberté d’expression ni de la satire, compte tenu des pratiques criminelles inadmissibles du régime nazi et dès lors que son blog, “blogyy.net« , site d’information et d’analyse politique, n’a aucune vocation humoristique et que les propos tenus ne sont pas manifestement outranciers ni, à la première lecture, dénués de sérieux ;
Mais attendu qu’en se déterminant ainsi, alors que les expressions incriminées, pour outrageantes qu’elles fussent pour les parties civiles, s’inscrivaient dans le débat d’intérêt général sur leur action de lutte contre les opérations de sauvetage des émigrants clandestins en danger pendant leur traversée de la Méditerranée et relevaient du mode satirique choisi par leur auteur, militant antifasciste, pour critiquer cette action, de sorte qu’elles ne dépassaient pas les limites admissibles de la liberté d’expression, la cour d’appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé et du principe ci-dessus énoncé ;

D’où il suit que la cassation est encourue de ce chef ; que, n’impliquant pas qu’il soit à nouveau statué sur le fond, elle aura lieu sans renvoi, ainsi que le permet l’article L. 411-3 du code de l’organisation judiciaire.»

Grèce : faire reculer Mitsotakis et l’extrême droite

La droite grecque, qui a toujours martelé que le gouvernement de Syriza ne pouvait être qu’une parenthèse, a donc repris les rênes du pouvoir en juillet sans pouvoir cacher sa joie profonde d’infliger à la gauche une défaite profonde, et que certains petits roquets de l’aile d’extrême droite, comme le fascistoïde Georgiadis, voudraient irrémédiable. 

En s’appuyant insolemment sur ce courant de droite extrême, qui va de l’ancien fasciste « tueur à la hache » Voridis, devenu ministre du Développement agricole, au courant nationaliste de l’ancien premier ministre Samaras l’extrême libéral, Mitsotakis a immédiatement voulu prendre toutes les rênes du pouvoir, sans se préoccuper de la qualité des sbires à qui il confiait des responsabilités : résultat, un dirigeant des services secrets qui a menti sur ses diplômes, idem pour le militaire à qui il vient de confier la responsabilité de la « gestion » des réfugiéEs, un nationaliste raciste qui ne rêve que de camps de concentration… Au tourisme, il a nommé un affairiste enfariné, admirateur de la junte des colonels, belle image pour la vitrine touristique…

La liste est longue, et chaque jour la presse indépendante met à jour des vices de procédure, des mensonges éhontés, qui sont la vraie face de ce que Mitsotakis vante comme le « gouvernement des meilleurs », slogan ridicule relayé par des médias majoritairement aux ordres de la Nouvelle Démocratie et du patronat, ce dont le gouvernement a voulu les récompenser en accordant discrètement des subventions y compris à des journaux de caniveau, presse raciste et à scandale !

Et en cette fin d’année, pendant que la droite prépare un budget évidemment uniquement favorable au patronat, ce qui mobilise de plus en plus largement, ce sont avant tout les innombrables et très inquiétantes attaques contre les droits démocratiques et y compris contre la justice élémentaire… On relèvera trois exemples de ces faits sur lesquels se déroulent ces jours-ci des mobilisations qui ne demandent qu’à prendre de l’ampleur … si on sait (enfin!) s’en donner les moyens.

L’indécence d’une procureure favorable au groupe criminel Chryssi Avgi (Aube Dorée)

C’est tellement énorme que le Monde y a consacré un article : après des mois de témoignages, de preuves accumulées sur la structure pyramidale et le rôle décisif du Führer de Chryssi Avgi, la procureure, Adantia Ikonomou, vient tout simplement de demander la relaxe de sa direction, faisant porter la responsabilité du meurtre du rappeur antifasciste Pavlos Fyssas sur le seul tueur Roupakias ! Sur le fond, rien d’étonnant : d’une part, le comportement de cette procureure lors de tout le procès consistait à tenter de mettre en contradiction les témoins antifascistes et à mettre en doute les preuves réelles (bon, d’accord il y avait une lame, mais on ne peut pas dire que c’était un couteau…), comme si ce groupe n’avait pas à son bilan des morts et des dizaines de blessés plus ou moins gravement. Mais ce mépris pour les victimes n’aurait sûrement pas pu déboucher sur une telle demande de relaxe si n’existait pas une tendance de fond de la droite au pouvoir de remettre en selle les nazis, certes sous des formes qui pourraient être un peu différentes, mais qui s’accorde parfaitement avec certains des discours nauséabonds de dirigeants actuels de cette vieille droite issue de la guerre civile…

Même si, bien sûr, le procès n’est pas terminé et que rien n’est joué, le danger d’une relaxe existe désormais… avec en prime le remboursement de toutes les sommes suspendues pour les anciens parlementaires de Chryssi Avgi, qui deviendrait alors immensément riche alors que ces derniers mois, elle ferme peu à peu ses locaux sous la pression des mobilisations locales et de ses difficultés financières. Des appels à mobilisation ont été lancés : samedi 21, nous étions environ 2000 au centre d’Athènes, pour un rassemblement appelé par des organisations antifascistes (Keerfa) et la gauche révolutionnaire et radicale (NAR, SEK…), mais ni par Syriza ni par le KKE. Un premier pas certes encourageant -avec des interventions battantes, comme lorsque Petros Konstantinou (Keerfa) a rappelé que le procureur qui avait « innocenté » les assassins du député de gauche Lambrakis (1963, cf le livre de Vassilikos et le film de Kosta Gavras, Z) était ensuite devenu ministre de la junte fasciste (1967- 1974). Mais le fait que ce rassemblement ait réussi l’exploit de partir ensuite en deux manifs différentes permet de mesurer les efforts que nous sommes encore trop peu à prodiguer pour l’unité d’action antifasciste la plus large, qui devient urgente !

Une police bafouant tous les droits démocratiques

On en a parlé ici dès l’été : l’un des axes principaux, voire obsessionnel, du programme de Mitsotakis, c’est une attaque assumée, violente et durable contre les droits démocratiques, droits civiques, droits des travailleurEs, libertés universitaires… À cet effet, a été nommé un Castaner grec : l’ancien Premier ministre socialiste du gouvernement pro-troïka droite-Pasok, Chrsyssoïdis, revendiquant sans pudeur le droit aux violences policières… qu’il nie d’ailleurs systématiquement, même contre les témoignages filmés qui s’accumulent. Et le slogan sécuritaire de la droite rappelle de bien sombres périodes : Loi et ordre…

De fait, entre le programme continu d’expulsions de lieux occupés (à Exarcheia, les opérations continuent, dans un quartier occupé par les uniformes verdâtres et devenant zone chloroformée, malgré quelques mobilisations peu fournies) et interventions dans des facs (comme à Asoee, fac d’éco où les étudiantEs ont d’ailleurs repoussé les flics !), la réalité quotidienne, ce sont les libertés totales accordées à la police pour contrôler qui elle veut, quand elle veut, comme elle veut. Son grand plaisir, ces dernières semaines, c’est de mettre à nu des personnes contrôlées, de tout faire pour humilier les jeunes et les moins jeunes, et certains flics se croient tellement tout permis qu’on les entend parler avec plaisir du sentiment de vivre sous la junte… La liste de leurs exactions s’allonge de jour en jour, les deux dernières sont exemplaires : d’un côté, des policiers du poste de la place Omonia se sont amusés à torturer une handicapée, et l’affaire commence à faire tant de bruit que les tortionnaires en uniforme auraient été arrêtés. De l’autre, une opération d’expulsion dans le quartier de Koukaki a fait ouvrir les yeux plus largement sur ces opérations de type militaire : pour atteindre la maison occupée, les commandos sont tout simplement passés par la maison voisine, déshabillant et frappant le propriétaire qui refusait qu’ils passent par sa terrasse sans autorisation judiciaire. L’affaire fait grand bruit, d’autant que la victime est un cinéaste connu… et pas de gauche !

Face à ce climat qui rapproche le gouvernement grec des Orban et des Bolsonaro, une mobilisation diverse commence à poindre : même les eurodéputés (sociaux-démocrates, verts, eurogroupe de la gauche) ont écrit à Mitsotakis pour dénoncer des faits qui dépassent les seuls droits des victimes et remettent en cause le sens même de l’état de droit. Ça ne mange pas de pain, mais il est urgent que sur le plan international, l’image voulue d’un gouvernement de « centre droit » soit remise en cause pour montrer la dérive d’extrême droite déroulée par ce gouvernement, et le mouvement ouvrier international a un rôle crucial à jouer. Sur place, face à un ministre des flics (officiellement, ministre « de la protection du Citoyen » !…) imperturbable, la mobilisation commence à s’organiser, mais là encore, elle est largement insuffisante : récemment, une réunion unitaire n’a regroupé que la seule gauche radicale et révolutionnaire, le KKE et Syriza brillant par leur absence… Pourtant, on peut penser qu’une campagne unitaire doit désormais se lancer avec un objectif précis : face à tous les faits indignes couverts par Chryssoïdis, l’exigence de sa démission est une demande minimum, et on peut penser que gagner une telle bataille serait un facteur d’affaiblissement sérieux de la droite au pouvoir, tant celle-ci se base sur la répression des droits : son objectif désormais, c’est non seulement la limitation des manifs, mais carrément la restriction du droit de grève.

Métro de Thessalonique : contre les projets destructeurs des talibans de Koulis !

Une fois n’est pas coutume : la bataille pour les droits passe aussi aujourd’hui par la défense d’un site archéologique qui risque d’être détruit de par la volonté d’une droite soucieuse des seuls profits. En effet, à l’occasion de la construction d’une ligne de métro à Thessalonique, ville qui n’a jamais cessé d’être un grand pôle vivant depuis sa fondation au IVe siècle avant J.-C., ont été découverts de très importants vestiges byzantins, découverte saluée par la communauté archéologique internationale : les archéologues, l’ancien maire de la ville et la société de construction du métro s’étaient alors mis d’accord pour prendre le temps nécessaire pour consolider le site et bâtir la station de métro autour de ces vestiges, comme cela a pu être fait à d’autres occasions à Athènes, ce qui fait d’ailleurs de certaine stations athéniennes des musées vivants ! Face à eux, une alliance d’intérêts réactionnaires et économiques étaient pour décoller les vestiges et aller les exposer dans un musée militaire ! Or, lors de son discours de rentrée à la foire internationale de Thessalonique, le Premier ministre Mitsotakis, connu sous le surnom de Koulis, et dont l’ouverture culturelle n’est certes pas la qualité la plus connue, annonçait sans que les instances archéologiques en aient été informées que les vestiges seraient décollés et « replacés » une fois que la station serait prête !

Stupeur de la communauté scientifique devant la perspective d’un tel massacre, contraire à toutes les recommandation scientifiques. Les raisons : un gain de temps de trois ans, donc de très substantielles économies. Mais aussi, sans aucun doute, tout le petit esprit revanchard de cette droite sans envergure, qui voudrait ainsi venger l’humiliation faite à son ancien chef Samaras quand ce dernier avait voulu faire croire, dans le cadre de sa politique nationaliste, qu’on avait découvert en Macédoine (grecque, bien sûr !) le tombeau d’Alexandre le Grand ! Et on a vu ces dernières semaines la direction du ministère de la culture mener une véritable politique visant à terroriser les membres du Conseil archéologique central (KAS) … qui a fini par voter pour cette solution digne des talibans décapitant les statues !

Face à cette mesure, reflet d’une conception culturelle qui voit les découvertes archéologiques comme l’occasion d’ouvrir un Disneyland, de nombreux habitantEs de Thessalonique, de nombreuses associations de défense de l’environnement naturel et historique, le Syndicat national des Archéologues, de nombreux scientifiques du monde entier se sont mobilisés et se mobilisent pour faire revenir le gouvernement sur cette décision catastrophique. Dans le contexte actuel, cette bataille ne doit surtout pas être considérée comme secondaire ou « pittoresque » : ses enjeux culturels et politiques sont au premier plan, et un soutien international est là aussi indispensable !

On le voit : si l’année 2019 se finit sans que le mouvement ouvrier, sonné par la politique du gouvernement Syriza puis assommé par la victoire de la droite, ait pu encore se relancer dans de grandes mobilisations, les actuelles batailles pour le respect des droits démocratiques élémentaires, les droits des travailleurs et travailleuses, le respect de l’environnement naturel (batailles aussi contre l’installation de parcs géants d’éoliennes sur des montagnes…) et historique peuvent et doivent contribuer à redonner confiance dans les luttes de masse, seul moyen pour commencer à faire reculer la droite talibane grecque !

À Athènes, A. Sartzekis

Source https://npa2009.org/actualite/international/grece-faire-reculer-mitsotakis-et-lextreme-droite

Procès du parti néonazi grec Aube dorée : acquittement requis

Le ministère public a provoqué l’indignation mercredi au palais de justice d’Athènes en requérant l’acquittement du chef et des principaux cadres du parti néonazi grec Aube dorée, en procès depuis plus de quatre ans.

Dans son réquisitoire, la procureure Adamantia Economou a estimé que la culpabilité du dirigeant du parti et d’une quinzaine d’autres responsables d’Aube Dorée ne pouvait pas être établie dans le meurtre d’un rappeur antifasciste en 2013 près d’Athènes.

Un procès fleuve de plus de quatre ans

Le fondateur et dirigeant du parti, Nikos Michalokialos, qualifié de « führer » dans l’acte de renvoi devant la justice grecque, est accusé en particulier de « direction et constitution d’organisation criminelle » et d' »instigation morale » du meurtre de Pavlos Fyssas, 34 ans.

La procureure a estimé, dans un communiqué lu à la cour, que le meurtre de ce rappeur antifasciste, poignardé le 19 septembre 2013 par un membre présumé du parti Yiorgos Roupakias, était « non prémédité » et qu’aucun ordre » n’avait été donné pour le commettre par des responsables d’Aube dorée.

La mère de la victime, Magda Fyssa, s’est dite scandalisée par le réquisitoire après plus de quatre ans de procès. « Tout ce temps, et c’est tout ce qu’ils ont compris ? », a-t-elle fustigé, se demandant si elle pourrait « en supporter davantage ».

Ce réquisitoire constitue une surprise pour les observateurs du procès fleuve.

Le meurtre de Pavlos Fyssas, dans une apparente embuscade tendue par des sympathisants d’Aube dorée, avait choqué le pays et enclenché ce procès qualifié d' »historique » par la partie civile.

Mais la procureure s’est demandée mercredi selon quelle logique Aube dorée aurait commandité un meurtre sur la place publique. « Quel gain possible en aurait-il tiré ? Un meurtre en un lieu central ? Si Fyssas avait été une cible, ils auraient pu le tuer dans un endroit caché », a-t-elle plaidé.

Sur la base d’enregistrements de conversations téléphoniques entre des membres d’Aube dorée la nuit où Pavlos Fyssas a été tué, les magistrats instructeurs avaient argué que le meurtre avait été commis alors que des cadres du parti en avaient connaissance.

« Organisation criminelle »

Les 700 pages de l’acte d’accusation sont catégoriques sur le fait qu’aucune des violences imputées aux membres du parti ne se seraient produites « si elles n’avaient pas été ordonnées et soutenues par l’organisation criminelle/le parti, notamment son niveau de commandement le plus élevé ».

L’accusation estimait qu’Aube dorée agissait comme une organisation criminelle de type militaire, qui encourageait les violences, voire les meurtres, contre les immigrés et les opposants politiques.

Michalokialos, qui fut un proche du dictateur défunt Georges Papadopoulos, avait admis la responsabilité politique de la mort de Pavlos Fyssas, mais pas la responsabilité pénale.

Début novembre, lors de sa première comparution, le dirigeant d’extrême droite avait plaidé « non coupable », s’insurgeant contre « un complot politique ayant comme cible le parti ».

Outre le meurtre de Pavlos Fyssas, deux autres crimes sont jugés: l’attaque contre quatre pêcheurs égyptiens près du Pirée en juin 2012 et « la tentative d’homicide », en 2013, de membres du syndicat communiste Pame.

Au total quelque 70 personnes sont poursuivies dans ce procès pour divers chefs d’accusation pour lesquels elles encourent de 5 à 20 ans de prison.

Le verdict est attendu début 2020.

350 jours d’audience

Entamé le 20 avril 2015, ce procès inédit compte déjà 350 jours d’audience, autant de témoins, plus d’une centaine d’avocats et un dossier d’instruction pesant 1,5 teraoctets.

Le procès a entraîné le déclin du parti qui n’a pas réussi à faire élire de député lors des dernières élections de juillet. Aube dorée était entré pour la première fois au Parlement en 2012, surfant sur la crise et le discrédit dont souffrait alors la classe politique.

Source https://fr.euronews.com/2019/12/18/proces-d-aube-doree-acquittement-requis

Lendemain du 17 novembre 2019 à Athènes : un goût de sang dans la bouche

Très dure nuit pour qui aime Exarcheia et la lutte révolutionnaire en Grèce.

http://blogyy.net/wp-content/uploads/2019/11/75362529_2320169061627041_493612379351810048_n.jpgTrès dure nuit pour qui aime Exarcheia et la lutte révolutionnaire en Grèce.

LENDEMAIN DU 17 NOVEMBRE 2019 À ATHÈNES : UN GOÛT DE SANG DANS LA BOUCHE

Beaucoup de nos compagnons ont passé la nuit entre quatre murs, après des passages à tabac systématiques. D’autres ont été blessés, dont trois à la tête transférés en ambulance à l’hôpital. D’autres encore ont dû se terrer durant une bonne partie de la soirée, voire toute la nuit, pour ne pas se faire rafler et tabasser par des policiers qui semblaient très excités, comme en plein jeu vidéo de guerre dans tout le quartier.

Au total, plus de 5000 policiers, un hélicoptère et des drones transmettant en permanence la position des insurgés résistant depuis les toits. Des policiers anti-terroristes, des policiers anti-émeutes, des policiers en civil, des voltigeurs, des blindés munis de canons à eaux… L’armada en uniforme qui a convergé vers Exarcheia, pendant les deux manifs successives(1), était beaucoup trop nombreuse et suréquipée pour les irréductibles du quartier rebelle et solidaire.

Exarcheia n’a pas tenu longtemps. Déjà en partie occupée depuis des semaines, elle a rapidement basculé sous le contrôle de la soldatesque prétendument gardienne de la paix. Rares sont les lieux en son sein qui sont encore à l’abri. Ce matin, alors que le soleil n’est pas encore revenu, Notara 26 est encore debout, de même que le K*Vox ou encore la structure autogérée de santé d’Exarcheia (ADYE). Mais ces lieux et quelques autres font figures de derniers bastions dans un quartier hors norme minutieusement dévasté par l’État grec au fil des semaines, dans le but de faire disparaître l’une des sources d’inspiration du mouvement social dans le monde entier.

Aujourd’hui encore, le sang a coulé, y compris celui d’une jeune femme frappée à la tête au point de peindre sur le sol le vrai visage du régime. Non seulement la junte ne s’est pas terminée en 1973, mais le nouveau gouvernement, avec ses ministres dont certains sont issus de l’extrême-droite et sa politique toujours plus autoritaire, se rapproche pas à pas de l’exemple du Colonel Papadopoulos et de sa clique.

Avec les nouveaux moyens technologiques achetés notamment à la France, le pouvoir surveille, traque, piste, inquiète, menace, frappe et arrête comme bon lui chante. Oui, la manifestation en souvenir de l’insurrection de 1973 a eu lieu, nombreuse même, mais encadrée par une quantité impressionnante de flics et de cars de MAT bloquant toutes les issues.

Dans les rues d’Exarcheia, des dizaines de compagnons ont été contraints de s’asseoir par terre ou de se mettre à genoux, mains derrière la tête, sous les coups, les quolibets et les humiliations. Ici, une femme est trainée par les cheveux. Là, un homme est frappé aux testicules. Et puis des flaques de sang, ça et là, aux coins de la place centrale du quartier meurtri.

Dans les médias, c’est le concert de louanges sur toutes les chaînes : Mitsotakis aurait enfin rétabli « l’ordre et la démocratie » partout en Grèce, y compris dans « Exarchistan », la zone de non-droit où sévissent encore quelques centaines de Mohicans. Les breaking news passent sans transition de la victoire du Grec Tsitsipras au Masters de tennis à l’occupation policière d’Exarcheia, complètement paralysée après une trop brève résistance. Mitsotakis salue la victoire de son compatriote tennisman et promet d’en finir avec les derniers squats très bientôt. Selon lui, sa mission dans ce domaine sera bientôt finie.

Il souhaite aussi venger la visite de Rouvikonas, ce dimanche matin, au domicile du ministre de l’économie : Adonis Georgiadis, un ancien du parti d’extrême-droite LAOS. Particulièrement raciste, Georgiadis a notamment déclaré vouloir « rendre la vie encore plus dure aux migrants » pour les dissuader de venir en Grèce. Par cette action volontairement organisée juste avant la manif du 17 novembre, Rouvikonas a voulu montrer, une fois de plus, que, si nous sommes vulnérables, ceux qui nous gouvernent le sont aussi : « Nous connaissons vos adresses personnelles, nous savons où vous trouver ! » a menacé le groupe anarchiste dans son communiqué. La levée de boucliers de toute la classe politique a été immédiate. Par exemple, le PASOK et l’Union du centre se sont dit choqués que des activistes se permettent d’aller perturber la vie privée des dirigeants politiques, quels que soient les désaccords. « Cela nous conforte dans notre volonté de classer Rouvikonas parmi les organisations terroristes » a déclaré un ministre  à la télé. Rouvikonas est la prochaine cible prévue, « sitôt que le cas d’Exarcheia sera totalement réglé ».

La loi se durcit contre toutes les formes de résistance. Par exemple, l’usage d’un cocktail Molotov coûte désormais jusqu’à 10 ans de prison, et non plus 5 comme auparavant. Nasser les manifestants est beaucoup plus facile qu’autrefois grâce à la « neutralisation des sentinelles sur les toits », c’est-à-dire des groupes qui, jusqu’ici, observaient et envoyaient un déluge de feu depuis les hauteurs du quartier sitôt que les rues étaient perdues, notamment autour de la place centrale d’Exarcheia. Les positions de la police dans le quartier continuent de progresser. Des employés de la mairie d’Athènes sont envoyés sous escorte policière pour nettoyer les tags sur les murs. Chose qui rappelle « Murs blancs, peuple muet »: l’un des slogans contre la dictature des Colonels. Idem à l’autre bout de l’Europe en mai 1968.

Dans la nuit tiède athénienne, des voix s’interrogent sur la suite, des listes de discussions se raniment, des messages circulent pour exprimer la colère, la révolte et la solidarité, mais aussi des idées, des suggestions, des désirs. Devant le squat de réfugiés Notara 26, la plus grande banderole annonce obstinément : « Vous ne parviendrez pas à évacuer tout un mouvement ! »

Cette nuit, Exarcheia la rebelle a un goût de sang dans la bouche, immobile et silencieuse dans l’obscurité, mais elle est encore vivante.

Yannis Youlountas

Source http://blogyy.net/2019/11/18/lendemain-du-17-novembre-2019-a-athenes-un-gout-de-sang-dans-la-bouche/ ( toutes les photos)

Photos : Marios Lolos, Alexandros Katsis, Maria Louka, Radiofragmata, Mimi A Feline, Mimis Oust, Nikolas Georgiou, Alex Aristopoulos…

(1) Comme vous pouvez le voir sur les photos, il y a eu une manif à la mi-journée, puis une autre à la nuit tombée (comme c’est souvent l’usage à Athènes).

À noter : vous trouverez, bien sûr, des séquences vidéos et d’autres explications sur tout cela dans notre prochain film documentaire « Nous n’avons pas peur des ruines ! »

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