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Un front des municipalités contre la dette illégitime se constitue en Espagne

Des représentants de plus d’une cinquantaine de villes de toute l’Espagne se sont retrouvés à Oviedo ces 25 et 26 novembre, pour constituer un front des municipalités contre les dettes identifiées comme illégitimes et pour initier des audits des dettes des administrations publiques avec participation citoyenne.

C’est dans l’impressionnant Palais des Congrès (Palacio de Congresos) |1| de l’architecte Calatrava – éléphant blanc mastodonte d’Oviedo et exemple emblématique du gaspillage d’argent public – que se sont réunis les participants de la première rencontre des municipalités contre la dette illégitime et l’austérité.

La réunion a officiellement donné le coup d’envoi au lancement du Réseau des municipalités contre la dette illégitime et les coupes budgétaires qui aura le « Manifeste d’Oviedo » comme texte de référence. Ce manifeste a connu un succès retentissant. En l’espace de quelques semaines, il a été signé par plus de 700 élu-e-s : maires, conseillers municipaux et députés de différents partis politiques de toutes les régions de l’État espagnol, îles Canaries et Baléares inclus. Soutenu également par des syndicats, europarlementaires et de nombreuses personnalités internationales parmi lesquelles Susan George ou Yanis Varoufakis, le Manifeste est activement appuyé par la Plateforme d’audit citoyen de la dette et d’autres mouvements sociaux tel Attac Espagne. |2|

Les signataires du Manifeste d’Oviedo exigent, entre autres revendications, la restitution des intérêts abusifs déjà perçus par les banques, réclament le retrait de la reformulation de 2011 par le PSOE avec l’appui du PP de l’article 135 de la Constitution, et de la ’Loi Montoro’ sur l’administration locale. Ces deux textes de loi obligent à honorer le paiement de la dette en priorité avant toute autre dépense quelles que soient les nécessités sociales. Ainsi, en cas d’excédent budgétaire, une municipalité est sommée de dédier celui-ci au service de la dette, interdisant par exemple toute embauche de personnel. C’est dans ce contexte que la ville de Madrid, qui n’emprunte plus et paye ses échéances en temps voulu, s’affronte au gouvernement central en augmentant de 53 % le budget social en 2 ans.

Le 24 novembre, veille de la rencontre, Éric Toussaint, porte-parole du réseau international du Comité pour l’abolition des dettes illégitimes et coordinateur scientifique de la Commission pour la vérité sur la dette publique grecque |3|, a tenu une conférence interactive avec le public à l’université d’économie où il a retracé l’histoire des répudiations de dette des États-Unis à la Grèce en passant par Cuba, la Russie, le Mexique, l’Argentine ou l’Équateur. Le lendemain, 25 novembre, Yago Álvarez, auteur du livre « déchiffre ta dette » (Descifra tu deuda) a animé un atelier pour donner des pistes d’actions susceptibles d’intéresser les conseillers municipaux qui veulent se lancer dans la bataille contre la dette illégitime. Enfin, dans la soirée, a été projeté le film documentaire « Debtocracy » réalisé par des journalistes grecs Aris Chatzistefanou et Katerina Kitidi sous les conseils scientifiques de Leonidas Vatikiotis. Ce film, bouclé en un temps record, a connu un vif succès en Grèce où près de 500 000 personnes l’ont visionné une semaine après sa sortie sur Internet, et plus d’un million et demi quelques semaines plus tard.

Différents ateliers animés par la Plateforme d’audit citoyen de la dette (PACD) ont rythmé toute la journée du samedi pour définir les idées partagées et en dégager des pistes d’actions communes qui puissent tracer une feuille de route vers la promotion d’audits citoyens et la reconnaissance de l’illégitimité de la dette. À l’issue des travaux, et suivant un calendrier bien établi, une planification d’actions et de mobilisations s’est mise progressivement en place et différents groupes de travail ont été établis.

Lors d’une conférence tenue dans la soirée, Ana Taboada, l’adjointe au Maire de la Mairie d’Oviedo, a déclaré être « fière de voir Oviedo au centre d’un débat essentiel qui affecte l’ensemble de la population ». « Aujourd’hui nous sommes 50 municipalités, mais demain nous serons beaucoup plus, parce que de cette rencontre naît un front des municipalités qui sera capable de faire face aux politiques d’austérité et à la Loi Montoro », a t-elle poursuivi tandis que le conseiller municipal d’économie de la Mairie de Madrid, Carlos Sanchez Mato, affirmait que « le gouvernement de Ahora Madrid démontrait sa capacité à gouverner au service de la population en augmentant de 53 % les dépenses sociales en deux ans ». Éric Toussaint a rappelé l’indispensable nécessité de la mobilisation sociale pour inciter les municipalités dites « du changement » à affronter les créanciers pour enfin réellement œuvrer en faveur des populations.

D’ores et déjà, la seconde rencontre « Municipalisme, auto-gouvernement et contre-pouvoir » prévue du 20 au 22 janvier 2017 à Pampelune (Iruña en Basque, Pamplona en castillan), capitale de Navarre, abordera le thème de l’audit et sera l’occasion d’encourager l’initiative de ce front contre la dette illégitime. Initiative qui sera aussi présentée au Parlement européen au mois de mars pour œuvrer à l’adoption des politiques spécifiques visant à résoudre la situation économique des municipalités étranglées par un endettement insoutenable et les coupes sauvages dans les budgets sociaux. La prochaine rencontre du Réseau devrait avoir lieu à Cadix au mois de mai prochain, deuxième anniversaire des dernières élections municipales, et déjà deux autres villes, Saragosse et Rivas, se proposent pour accueillir les futures rencontres à venir. « La coordination des municipalités, groupes politiques et mouvements sociaux en réseau est indispensable pour affronter l’oppression insoutenable de la dette illégitime qui asphyxie nos municipalités. C’est un espace nécessaire pour promouvoir les audits citoyens, outils au service de la population pour exiger la transparence, rendre visible et trouver des solutions collectives à l’endettement illégitime », nous rappelle Iolanda Fresnillo, membre de la Plateforme d’audit citoyen de la dette.

La route est désormais tracée et semée de multiples propositions concrètes pour avancer vers une souveraineté populaire. L’engouement des représentants présents à cette première rencontre pour s’investir dans ce projet et l’enrichir de leur participation active est tout à fait encourageant.

Jérôme Duval

http://www.cadtm.org/Un-front-des-municipalites-contre

Grèce : le prix élevé de la restructuration a minima de la dette

Par Romaric Godin 

  La Grèce obtiendra-t-elle une réduction de la charge de la dette ? Et à quel prix ?  L’Eurogroupe se penche sur une proposition de petite restructuration de la dette grecque. Des mesures à l’effet incertain qui coûteront encore un plan d’austérité – le troisième – à Alexis Tsipras.

L’Eurogroupe qui se réunit ce lundi 4 décembre se penchera sur des premières mesures de restructuration de la dette grecque. Si l’on en croit un document interne au Mécanisme européen de Stabilité (MES), révélé la semaine dernière par le Wall Street Journal, les mesures proposées viseraient à allonger les maturités actuelles des dettes détenues par cette institution et par son prédécesseur, le Fonds européen de Stabilité financière (FESF). Une limite serait également prévue pour les taux demandés à la Grèce.

Le plan du MES

Ces mesures devraient être mises en place en 2017 et 2018 et ne toucheraient pas au stock nominal de créances détenues par ces institutions envers l’Etat hellénique. Le document estime que dans un « scénario central », la valeur actualisée nette de la dette grecque, autrement dit la valeur en prenant en compte l’inflation future, serait ainsi de facto réduite de 21,6 % d’ici à 2060. Ainsi, le ratio de dette publique sur PIB de la Grèce serait en 2060 de 104,9 % contre 176,9 % du PIB aujourd’hui.

Ainsi, le MES remplirait sa tâche a priori irréalisable d’alléger la dette grecque comme le voulait Athènes, sans toucher à la valeur nominale de cette dernière, comme le voulaient les créanciers européens de la Grèce. Le gouvernement grec d’Alexis Tsipras a un besoin immense d’une victoire sur ce terrain alors que sa popularité est au plus bas. Lorsque, le 15 juillet 2015, le premier ministre hellénique a accepté les conditions de ses créanciers et un troisième plan de renflouement, il avait obtenu l’engagement d’une revue des conditions du remboursement de la dette. Cette revue a cependant été maintes fois repoussée, alors que la Grèce obtenait les différents déboursements du MES « contre des réformes ». Obtenir finalement ces mesures serait donc la « récompense » des efforts consentis par la Grèce depuis un an et demi.

Que décidera Berlin ?

Cette narration susceptible d’être beaucoup utilisé par le gouvernement grec dans les mois à venir n’est pas encore acquise. D’abord, il n’est pas certain que l’Eurogroupe accepte les mesures proposées par le MES. Berlin a certes accepté d’examiner ces mesures qui ont été établies à la demande de l’Eurogroupe le 25 mai dernier. Mais il n’est pas certain que le ministre allemand des Finances Wolfgang Schäuble les accepte. Dans une interview accordée par Bild Zeitung, il a indiqué qu’une restructuration de la dette « n’aiderait pas la Grèce » et que l’essentiel était ailleurs. Balayant toutes les mesures prises depuis 18 mois, il a réclamé que la Grèce « mette enfin en œuvre toutes les réformes nécessaires ». Et de finir en menaçant la Grèce de sortie de la zone euro si elle tergiversait. Convaincre Berlin ne sera pas aisé. La CDU n’entend pas tendre les verges pour se faire battre dans le débat national par les eurosceptiques d’AfD en ayant eu l’impression de « brader l’intérêt des contribuables allemands » à neuf mois des élections fédérales. Une restructuration a minima fortement conditionnée pourrait cependant permettre à l’Allemagne de conserver le FMI dans le programme, ce qui était un des buts de Berlin, tout en gardant la tête haute face à son électorat.

Le prix élevé de la restructuration de la dette

Pour obtenir sa restructuration de la dette, Athènes va donc devoir donner des gages et prendre de nouvelles mesures d’austérité. Le site The Greek report a publié ce week-end un projet d’accord entre la Grèce et les créanciers pour obtenir la générosité du MES et du FESF. Cet accord, comme souvent depuis juillet 2015, souligne un certain nombre de reculades du gouvernement grec, notamment sur les objectifs d’excédents primaires (hors service de la dette). L’objectif de 3,5 % du PIB pour 2018 était contesté par Athènes qui refusait toute extension de cet objectif. Il est pourtant, dans le projet d’accord, prolongé jusqu’en 2020 de deux ans supplémentaires.

Ceci conduira à prendre des « mesures supplémentaires », notamment une « rationalisation des dépenses sociales » qui devrait principalement toucher l’assurance sociale, mais aussi l’aide au chauffage des ménages ou les allocations familiales. Le but est de concentrer l’aide sociale sur « les plus fragiles », au risque de fragiliser encore davantage la classe moyenne inférieure. Au programme également, la réduction des exemptions fiscales, notamment pour les salariés, une nouvelle réduction des effectifs de la fonction publique, une réforme du droit du travail pour réduire la représentativité syndicale et faciliter les licenciements économiques et, enfin, l’engagement de ne pas proposer de rédemptions de dette privée dans l’avenir.

Les demandes sont donc importantes pour ce protocole d’accord « supplémentaire » à un protocole d’accord déjà singulièrement durci en juin dernier. Plus que jamais, donc, la Grèce semble bien condamnée à l’austérité perpétuelle. Les objectifs fixés, réaménagement de la dette ou pas, sont en effet très ambitieux et inatteignables. Malgré une croissance supérieure aux attentes et un excédent primaire très important, le document identifie des « besoins budgétaires supplémentaires » pour atteindre les objectifs de 2017 et 2018. La Grèce doit donc, quels que soient ses efforts, « courir » en permanence après ses objectifs fixés. Et plus elle rate ses objectifs, plus on lui en fixe de nouveaux en réclamant « de vraies réformes ». Un mélange de mythe de Sisyphe et de flèche de Zénon d’Elée que la restructuration de la dette proposée par le MES entretient.

Des mesures salutaires ?

Car, en réalité, ces mesures sont-elles réellement salutaires ? La baisse d’un cinquième de la dette en 2060 est une simple hypothèse. On sait combien, dans le cas grec, les institutions internationales se sont trompées jusqu’ici. Elle laisse, de toute façon, une charge considérable à la Grèce qui se retrouverait avec un niveau de dette dans 43 ans proche de niveaux qui apparaissent préoccupant pour plus d’un Etat aujourd’hui. Surtout, ces calculs ne prennent évidemment pas en compte d’éventuelles crises financières dont il serait étonnant qu’elles ne se produisent pas d’ici 43 ans. Or, la Grèce restera un « maillon faible » compte tenu de son niveau d’endettement et pourrait perdre son accès fragile aux marchés. Par ailleurs, comme on l’a vu sur 2019-2020, cette réduction de la valeur actualisée nette ne conduit pas à alléger rapidement les besoins de financement du pays dans l’immédiat.

La Grèce va devoir rembourser l’intégralité de sa dette et va donc, pour cela, devoir dégager en permanence des excédents primaires. Elle y sera d’autant plus contrainte qu’elle devra, une fois de retour sur les marchés, y rester et qu’elle ne pourra y rester qu’avec des excédents constants afin de rassurer des investisseurs très prudents. De plus, de retour sur les marchés, la Grèce refinancera sa dette à prix plus élevé qu’avec le MES, ses besoins de financement vont donc progresser, obligeant à des excédents toujours plus élevés. Or, ces excédents sont autant de ponctions sur une économie détruite qui réduit son potentiel à long terme.

Un plan fondé sur un mythe

La proposition du MES ne réduit pas le mythe sur lequel est fondé le sauvetage de la Grèce et qui est résumé par Wolfgang Schäuble dans Bild : « la Grèce doit prendre des réformes pour devenir compétitive. Il n’est question que de cela, rien de plus ». Autrement dit : les réformes feront venir des investisseurs qui reconstruiront le potentiel productif du pays si  les réformes sont réalisées. Une vision que l’histoire et la réalité du système financier recherchant la « liquidité » et le rendement rapide, rend peu crédible. Quand le pays serait un paradis pour les entreprises, qui viendrait investir dans une Grèce soumise à un régime d’austérité permanente et pouvant, au prix, des pires sacrifices, espérer, dans le meilleur des cas un ratio d’endettement de 105 % en 2060 ? Si les créanciers ne veulent pas réduire leur dette, ils devraient encourager l’investissement européen en Grèce pour valoriser leurs dettes. Or, le plan Juncker est très discret voire inexistant dans ce pays.

Certes, cette restructuration a minima – qui n’est pas acquise – est la bienvenue. Mais elle est insuffisante et peu attrayante au regard des conditions qui sont demandées à Athènes. C’est pourtant, pour un Alexis Tsipras aux abois politiquement la seule façon de redorer son blason.

http://www.latribune.fr/economie/union-europeenne/grece-le-prix-eleve-de-la-restructuration-a-minima-de-la-dette-622336.html

Quatre raisons de ne pas payer la dette grecque au FMI

Par Renaud Vivien du CADTM

Le 7 décembre, le FMI attend de la Grèce un versement de 299 millions d’euros. Cette dette correspond à une partie du prêt de « sauvetage » octroyé par l’institution en 2010. Le FMI ne devrait pas être payé pour au moins quatre raisons.

Premièrement, le versement attendu porte sur une dette largement illégitime puisque seulement 5% des prêts octroyés en 2010 et en 2012 ont été affectés au budget grec. Les 95% restants ont servi à payer les dettes détenues majoritairement par les banques privées étrangères et à recapitaliser les banques grecques. Ces chiffres ne proviennent pas d’une organisation révolutionnaire mais d’une étude menée par le think tank néo-libéral allemand European School of Management and Technology. Il s’agit donc bien d’une opération de sauvetage mais pas celle qui est présentée dans le discours officiel. Les bénéficiaires ne sont pas les citoyen-ne-s grec-que-s mais les banques, qui ont été intégralement remboursées avec l’argent public des contribuables européens via les prêts du FMI, des États et des institutions de l’UE. Cette opération de sauvetage est donc illégitime à fois pour la population grecque sommée de payer au FMI (avec un taux d’intérêt de 3,6% !) la dette résultant de ces sauvetages mais aussi pour les autres peuples en Europe venus sauver une fois de plus les responsables de la crise financière qui avaient spéculé sur la dette grecque. Dans son premier rapport, le Comité d’audit de la dette grecque mis sur pied par l’ex-présidente du Parlement hellénique démontrait que le « problème grec » n’a pas pour origine une gestion débridée des finances publiques mais bien une crise bancaire qui a été colmatée avec de fonds publics.

Deuxièmement, la dette réclamée par le FMI est intégralement odieuse. Selon la doctrine juridique qui s’appuie sur des jurisprudences nationale et internationale, une dette est qualifiée d’« odieuse » lorsqu’elle réunit deux éléments : d’une part, l’absence de bénéfice pour la population de l’État qui la contracte et, d’autre part le fait que créanciers en étaient conscients |1|. Le rapport du Bureau indépendant d’évaluation du FMI publié en juillet |2| prouve que la qualification de « dette odieuse » est parfaitement adaptée au cas grec. En effet, la direction du FMI savait dès 2010 que la dette était insoutenable et que le programme d’austérité imposé en contrepartie du prêt allait aggraver la situation du pays.

Cette affirmation s’appuie sur le procès-verbal de la réunion du Conseil exécutif du FMI du 9 mai 2010 au cours de laquelle s’est joué le sort de la Grèce. On y apprend que de nombreux directeurs du FMI soulevaient l’échec annoncé du mémorandum. Pour le représentant argentin : « Les dures leçons de nos propres crises passées sont difficiles à oublier. En 2001, des politiques similaires ont été proposées par le Fonds en Argentine. Ses conséquences catastrophiques sont bien connues (…) Il est très probable que la Grèce finisse plus mal en point. Les mesures d’ajustement recommandées par le Fonds vont réduire le bien-être de sa population et la capacité réelle de remboursement de la Grèce après la mise en œuvre de ce programme ». Le représentant de la Suisse ajoute : « un examen sérieux devrait être accordé à la restructuration de la dette comme moyen d’assurer la viabilité budgétaire et de faire assumer une partie du fardeau de l’ajustement aux créanciers privés ». Puis de poser la question-clé : « Pourquoi la restructuration de la dette et la participation du secteur privé n’ont-elles pas été prises en considération ? ». En effet, si le FMI avait appliqué ses critères habituels en matière de soutenabilité, il aurait imposé un allègement de la dette grecque dès 2010. Pourquoi ne l’a-t-il pas fait ? Et pourquoi est-il même allé jusqu’à changer soudainement ses règles pour pouvoir prêter à un État insolvable ?

La réponse fut donnée officiellement trois ans plus tard dans un autre rapport du FMI qui souligne que l’ajournement de la restructuration de la dette a été mis à profit par les banques privées « pour réduire leur exposition et transférer la dette aux institutions publiques |3| ». Comme l’ont déclaré l’ex-représentant de la Grèce au FMI et un ex-conseiller économique de Barroso auditionnés au Parlement grec par le Comité d’audit de la dette, le français Strauss-Kahn, qui occupait le poste de directeur du FMI, a délibérément exclu en 2010 la restructuration de la dette afin de protéger les banques européennes principalement françaises et allemandes qui étaient les plus exposées.

La troisième raison pour invalider la créance du FMI est qu’elle est tout bonnement illégale. D’une part, les mesures imposées en échange du prêt bafouent la souveraineté de la Grèce et violent de nombreuses conventions internationales protégeant les droits humains comme l’a souligné l’Expert de l’ONU sur la dette dans son rapport sur la Grèce |4|. D’autre part, le gouvernement grec n’a pas voté l’accord de prêt de 2010 contrairement à ce que prévoit la Constitution.

Illégitime, odieuse, illégale, la dette grecque demeure également insoutenable, davantage encore qu’en 2010 du fait de l’imposition de trois memoranda qui détruisent jour après jour l’économie et les conditions de vie de la population. Le poids de cette dette, qui empêche l’État de remplir ses obligations en matière de droits fondamentaux, s’alourdit mécaniquement au rythme de l’austérité et des privatisations exigées par les créanciers entraînant un cercle vicieux dans lequel le gouvernement sollicite de nouveaux prêts pour payer des dettes croissantes.

Pour briser ce cercle infernal et stopper le crime, l’annulation inconditionnelle de la dette grecque s’impose. Ne nous y trompons pas : l’initiative ne viendra pas du FMI en dépit de ses rapports qui soulignent sa responsabilité dans le marasme grec et de ses déclaration récentes en faveur d’un allègement de la dette qui, soulignons le, ne concernerait pas ses créances et s’accompagnerait d’une nouvelle dose d’austérité. Elle ne viendra pas non plus de l’Eurogroupe dont les Ministres des finances se réunissent le 5 décembre. Interrogé par le député M. Van Hees, le Ministre belge des finances a répondu « qu’une décote sur la dette nominale était exclue » et que « le processus d’ajustement grec devait se poursuive de manière identique même après la période sous programme ». Penser qu’une solution juste à la dette grecque est possible dans le cadre actuel des négociations reviendrait donc à croire au Père Noël.


Renaud Vivien est co-secrétaire général du CADTM Belgique ; www.cadtm.org et membre de la Commission d’audit de la dette grecque 

Source : Le Soir

Notes

|1| http://www.cadtm.org/La-dette-odieuse-selon-Alexandre

|2| http://www.ieo-imf.org/ieo/pages/Co…

|3| http://www.imf.org/external/pubs/ft…

|4| http://goo.gl/4YYCR2

 

http://www.cadtm.org/Quatre-raisons-de-ne-pas-payer-la

Allègement de la dette grecque, pour Berlin «nein»

Barack Obama propose un allègement de la dette grecque, mais pour Berlin, c’est «nein»

Le ministre allemand des Finances n’a pas tardé à recadrer les choses. Répondant indirectement au souhait du président américain de donner un peu d’air à la Grèce, Wolfgang Schäuble a estimé que ce ne serait pas «rendre service» aux Grecs.

Pour l’Allemagne, il n’est pas question de restructurer la dette de la Grèce et encore moins de l’alléger. Et quand bien même ce serait le président des Etats-Unis qui en ferait la demande. «Quiconque propose d’alléger la dette, ne rend pas service à la Grèce», a ainsi déclaré Wolfgang Schäuble, le ministre allemand des Finances, afin de couper court à tout débat.

Lors de sa tournée d’adieux en Europe et de passage à Athènes, où sa visite a été émaillée par de violents affrontements entre la police et des manifestants, Barack Obama, parmi quelques pistes pour un monde meilleur, avait exprimé le souhait de voir les créanciers de la Grèce assouplir leurs positions : «On constate que la Grèce poursuit les réformes engagées. Dès lors, le Fonds monétaire international a considéré qu’un allègement de la dette était crucial», a-t-il ainsi déclaré.

«Pour ma part, je continuerai à plaider dans ce sens auprès des créanciers afin de contribuer à remettre le pays sur les rails d’une croissance économique durable. C’est dans l’intérêt de tous que la Grèce réussisse», a-t-il poursuivi, estimant que l’austérité seule ne pouvait apporter la prospérité.

Sept longues années d’austérité, une population à bout

Mais avant que Barack Obama ne prenne l’avion qui doit l’emmener d’Athènes à Berlin, où la chancelière allemande l’attend, le ministre des Finances allemand a tout de suite opposé une fin de non recevoir, diplomatique mais ferme, aux conseils du dirigeant américain. Du même coup, il a douché les espoirs du gouvernement grec qui voyait en Barack Obama un porte-parole capable d’adoucir la position de l’Union européenne à l’égard de la Grèce. «L’économie grecque – et la population grecque, après sept ans, ne peuvent plus supporter d’avantage d’austérité», a déploré le Premier ministre grec, Alexis Tsipras.

https://francais.rt.com/economie/29044-barack-obama-allegement-dette-grece

Dr. SCHAÜBLE provoque à nouveau le peuple grec

Dr SCHAÜBLE PROVOQUE A NOUVEAU LE PEUPLE GREC ET ANNONCE UNE NOUVELLE VAGUE D’AUSTERITE SEVERE

Le ministre allemand de l’Economie, Wolfgang Schaüble, s’est surpassé dans la provocation : au cours d’un Congrès de banques vendredi dernier à Francfort, il a affirmé – pour le dénoncer – que « les Grecs vivent au-dessus de leurs moyens. Ils bénéficient de prestations sociales et de pensions hors de proportion avec  leur revenu intérieur brut – et même supérieures à celles qui existent en Allemagne ( !) ».

Il a aussi répété que « la Grèce n’a pas de problème pour assurer le service de la dette au cours de la décennie prochaine », selon Reuters. Il a à nouveau émis l’opinion qu’un allègement de la dette grecque freinerait la mise en oeuvre des réformes.

Selon lui, la Grèce ne réalise pas les réformes nécessaires au développement du pays dans plusieurs domaines : les services publics, la question du travail et la réglementation du marché intérieur.

Il s’agit là du troisième « Non » du ministre allemand aux demandes de la Grèce concernant la dette, formulées après la visite du président américain sortant Obama à Athènes.

« Ceux qui parlent aujourd’hui d’allègement de la dette grecque découragent ceux qui veulent des réformes » a déclaré jeudi  Schaüble à Vienne. Il avait soutenu la veille, dans une interview au journal  Passauer Neue, que la discussion concernant l’allègement de la dette porte tort à la Grèce. « Celui qui dit : « Nous allons diminuer ta dette » fait du mal à la Grèce », a-t-il  déclaré en vue de la réunion critique de l’Eurogroup prévue le 5 décembre.

Au cours d’une intervention précédente, Schaüble avait soutenu que le problème du pays n’était pas la dette, mais le manque de compétitivité et avait souligné que l’allègement du fardeau ne ferait que diminuer la volonté de réformes. Il insiste pour le report de toute discussion à ce sujet à la fin de la réalisation du programme : « Si nous en parlons maintenant, cela amoindrira la disposition du gouvernement à réformer ».ti-einai-to-euro-h-apath-toy-euro

ANNONCE D’UNE NOUVELLE VAGUE D’AUSTERITE EN GRECE

Ces déclarations provocantes de Schaüble ne sont pas seulement révélatrices du mépris profond qu’il a pour un peuple et pour un pays où tous les mémorandums qu’il a imposés ont échoué, un pays où règne depuis presque 9 années consécutives une très grave récession et une austérité d’une sauvagerie jamais vue.

Elles viennent à point pour montrer le ridicule de l’Obamania qui avait envahi la Grèce de la soumission volontairement : les paroles d’Obama concernant la dette se sont révélées un simple exercice de relations publiques, qui a été totalement ignoré en Allemagne. Surtout, ces déclarations sont l’annonce d’une nouvelle vague de coupes brutales dans les salaires, les retraites et les dépenses publiques, puisque selon Schaüble les Grecs reçoivent des prestations supérieures à ce qu’ils produisent, et même comparativement supérieures à celles que reçoivent les Allemands !

Ces prises de position ridiculisent aussi le gouvernement et toute la classe politique volontairement soumise aux mémorandums : Schaüble indique ainsi, avec une incroyable arrogance, en véritable colonialiste, le programme de privations et d’appauvrissement que le personnel politique grec devra mettre en application par la suite pour le plus grand malheur du peuple grec.

Il se confirme une fois de plus que la Grèce ne peut rien attendre de « philhellènes » du genre d’Obama – ni des néocolonialistes allemands qui tentent de sauver un « européanisme » antisocial et une « mondialisation » de brigandage et de guerre.

La Grèce peut et doit se redresser, avec une stratégie nationale de reconstruction et de justice, en réponse aussi bien au bloc néolibéral des mémorandums qu’à l’offensive réactionnaire des néo-conservateurs.

Source iskra.gr

traduction Joelle Fontaine

https://unitepopulaire-fr.org/2016/11/20/les-grecs-vivent-au-dessus-de-leurs-moyens-dr-schauble-provoque-a-nouveau-le-peuple-grec/

Espagne : Désobéir aux créanciers pour rompre avec l’austérité

Espagne : L’enjeu de l’audit de la dette des municipalités et du manifeste d’Oviedo. Désobéir aux créanciers pour rompre avec l’austérité

novembre par Eric Toussaint , Fátima Martín

   
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L’expérience démontre que des mouvements de gauche peuvent parvenir au gouvernement sans pour autant arriver réellement au pouvoir. La démocratie, c’est à dire l’exercice du pouvoir par le peuple et pour le peuple, requiert bien davantage. Le problème s’est posé en Grèce en 2015 avec Syriza et se posera à l’avenir avec les forces du changement en Espagne et dans d’autres pays européens.

La question se pose pour tout mouvement de gauche qui parvient au gouvernement dans une société capitaliste. Lorsqu’une coalition ou un parti de gauche parvient au gouvernement, il n’obtient pas le pouvoir réel. Le pouvoir économique (la propriété et le contrôle des groupes financiers et industriels, des grands moyens de communication, des grandes enseignes commerciales, etc.) demeure entre les mains de la classe capitaliste, c’est à dire le 1 % le plus riche. Cette classe capitaliste contrôle l’État, le pouvoir judiciaire, les Ministères de l’Économie et des Finances, la Banque centrale… En Grèce et en Espagne, comme dans d’autres pays, un gouvernement déterminé à exercer des changements structurels devra entrer en conflit avec le pouvoir économique pour affaiblir et ensuite mettre fin au contrôle de la classe capitaliste sur les grands moyens de production, de services, de communication et sur l’appareil d’État.

Si les gouvernements de gauche veulent réellement rompre avec les politiques d’austérité et les privatisations qui ont cours actuellement dans toute l’Europe, ils entreront immédiatement en conflit avec les puissantes forces conservatrices tant au niveau national qu’au niveau européen. Et ce par le simple fait d’affirmer que le gouvernement désire appliquer les mesures demandées par la population qui rejette l’austérité. Chaque gouvernement véritablement de gauche fera face à une dure opposition des instances européennes, de la majorité des gouvernements de l’Union européenne ainsi que des dirigeants et grands actionnaires des principales entreprises privées, sans oublier le FMI.

Même en autolimitant son programme de changement, chaque gouvernement de gauche fera face à une forte opposition. En effet, les classes dominantes et les instances européennes (intimement liées et solidaires) veulent aller plus loin encore dans l’attaque concertée au niveau européen contre les droits économiques et sociaux des peuples, sans oublier leur volonté de limiter fortement l’exercice des droits démocratiques |1|.

Il est illusoire de penser pouvoir convaincre les autorités européennes et les dirigeants des grandes entreprises (principalement financières et industrielles) d’abandonner le cours néolibéral qui a été renforcé depuis 2010. Alors que François Hollande et Matteo Renzi ont timidement proposé de diminuer l’austérité, ils visent en même temps à transposer le modèle allemand dans leurs pays respectifs |2|. Or, ce modèle allemand se traduit par la précarisation la plus avancée des droits de négociation collective et de la protection des conquêtes des travailleurs. Ils n’ont pas non plus été les alliés du peuple grec au cours de l’année 2015 qui fut décisive et ne le seront pas à l’avenir pour soutenir de réelles forces de gauche dans d’autres pays européens.

La conclusion qui s’impose est qu’il n’y aura pas de chemin facile pour la mise en route d’un programme économique et social de rupture avec l’austérité et les privatisations. Les gouvernements de gauche devront désobéir aux créanciers, aux autorités européennes et au FMI (lesquels se confondent largement) pour respecter leurs promesses électorales. Le degré de rejet de l’austérité et des politiques européennes est tel qu’il permet à ces gouvernements de gauche de bénéficier d’une légitimité et d’un appui considérable. Le refus du paiement d’une partie substantielle de la dette constituera un élément clé dans la stratégie du gouvernement, de même que la décision de mettre fin aux privatisations et de rétablir pleinement les droits sociaux affectés par les politiques d’austérité. Il s’agit là d’une combinaison vitale.

La réduction radicale du stock de la dette et la diminution drastique de la partie du budget consacrée au paiement de la dette est une condition sine qua non pour pouvoir augmenter massivement les dépenses sociales et les investissements nécessaires pour financer la transition écologique et la création d’emplois.

Un gouvernement de gauche doit socialiser le secteur bancaire (c’est à dire procéder à l’expropriation du capital des grands actionnaires privés et transformer les banques en un service public sous contrôle citoyen |3|). Il doit par ailleurs prendre des mesures strictes de contrôle des mouvements de capitaux, collecter un impôt sur le patrimoine du 1 % le plus riche, refuser les emprunts conditionnés à la poursuite de l’austérité et des privatisations, refuser le paiement d’une dette largement illégitime, illégale, insoutenable du point de vue de l’exercice des droits humains, y compris odieuse. L’audit de la dette avec participation citoyenne active est l’un des nombreux instruments dont dispose un gouvernement de gauche pour favoriser la participation et le soutien de la population et qui lui permet en même temps de renforcer sa position face aux créanciers. L’audit a pour objectif d’identifier la partie de la dette qui ne doit pas être remboursée, en d’autres termes qui doit être répudiée.

Sans prétendre à l’exhaustivité on peut avancer les définitions suivantes :

Dette publique illégitime : dette contractée par les pouvoirs publics sans respecter l’intérêt général ou contractée pour favoriser particulier d’une minorité privilégiée.

Dette illégale : dette contractée en violation de l’ordre juridique ou constitutionnel applicable.

Dette publique odieuse : crédits liés à la mise en place de politiques qui violent les droits sociaux, économiques, culturels, civils ou politiques des populations affectées par le paiement de ladite dette, en connaissance de cause des créanciers. Par exemple, la dette contractée pour sauver les banques espagnoles en application des politiques dictées par la Commission européenne pour imposer davantage d’austérité qui viole les droits économiques et sociaux de la population |4|.

Dette publique insoutenable : dette dont le remboursement empêche les pouvoirs publics de garantir les droits humains fondamentaux.

Le point 9 de l’article 7 du Règlement n°472/2013 du Parlement et du Conseil européens du 21 mai 2013 – règlement que nous avions déjà dénoncé car il constitue la mise sous tutelle des États membres soumis aux plans d’ajustement structurel – prescrit cependant à ces pays la réalisation d’un audit intégral afin de déterminer les raisons de l’augmentation exagérée de l’endettement et de révéler d’éventuelles irrégularités. Le texte complet du point 9 dudit article 7 dispose que : « Un État membre soumis à un programme d’ajustement macroéconomique effectuera un audit exhaustif de ses finances publiques afin entre autres d’évaluer les raisons pour lesquelles on a atteint des niveaux excessifs d’endettement et de détecter toute possible irrégularité |5|. »

Le gouvernement grec d’Antonis Samaras (2012-2014) s’est abstenu d’appliquer cette disposition du règlement pour cacher ainsi à la population grecque les véritables motifs de l’augmentation de la dette et les irrégularités qui y sont liées. Les autres gouvernements européens sous assistance financière, y compris celui de Mariano Rajoy |6|, n’ont pas davantage effectué d’audit. La Commission européenne n’exige pas cet audit car elle s’est rendue compte que cette disposition du règlement est susceptible d’aller à l’encontre de ses intérêts et de ceux des créanciers. Nous plaidons pour qu’un gouvernement de gauche prenne des mesures unilatérales d’autodéfense face aux impositions injustes des institutions européennes. Il est nécessaire de désobéir en s’appuyant sur cet article du règlement européen que les gouvernements qui imposent l’austérité et la Commission européenne n’appliquent pas.


L’enjeu de l’audit de la dette des municipalités

Après plus de 5 années d’austérité imposée par l’Union européenne en connivence avec les gouvernements espagnols de Zapatero et Rajoy, les « municipalités dites du changement » |7| ont commencé à se rebeller contre cette situation. En 2011, l’article 135 de la Constitution espagnole avait été modifié pour donner la priorité absolue au paiement de la dette |8|. Par la suite surgirent des lois « austéritaires » comme la loi de stabilisation budgétaire et la loi « Montoro » relative aux administrations locales |9|. La mise en œuvre de ces lois détruit l’autonomie des municipalités et des gouvernements autonomes et attaque les droits des citoyens. Nous considérons qu’il s’agit de lois particulièrement injustes imposées sans légitimité démocratique. De fait, la loi « Montoro » a été déclarée partiellement inconstitutionnelle |10|.

La socialisation des pertes à laquelle a donné lieu le sauvetage bancaires espagnol s’est poursuivie avec des mesures comme le « Plan de paiement des fournisseurs » (Plan de pago a Proveedores, FFPP) des municipalités ou le « Fonds de liquidités à destination des Communautés autonomes » (Fondo de Liquidez Autonómico, FLA) qui, au lieu de servir l’intérêt général, ont en réalité servi l’intérêt des banques. Celles-ci ont prélevé un intérêt jusqu’à 26 fois supérieur à celui auxquelles elles empruntent auprès de la Banque centrale européenne (BCE).

Le 20 novembre 2015, la municipalité de Cadix, dont le maire José María González dit « Kichi » est à la tête d’une équipe municipale composée de mouvements favorables au changement |11|, a présenté une motion en ce sens, mais elle n’a pas été approuvée par l’opposition. Cette motion mettait en avant que la dette de 90 millions d’euros liée au « Plan de paiement des fournisseurs » avait généré un surcoût de 14 millions d’euros d’intérêts abusifs. L’argument en faveur de l’illégitimité de ce surcoût était la différence abusive entre le taux auxquelles les banques avaient emprunté auprès de la Banque centrale européenne (0,25 % en 2013) et le taux d’intérêt (de 3,34 %) auxquelles ces mêmes banques avaient prêté aux municipalités. Le différentiel étant ici de 1 à 13 |12|.

Un autre élément qui atteste de l’illégitimité de ces « Plans de paiement des fournisseurs » et « Fonds de liquidités à destination des Communautés autonomes » est leur utilisation électoraliste de la part du gouvernement de Mariano Rajoy pour soutenir son parti. Au cours de l’année électorale 2015, il a éliminé les intérêts que les municipalités devaient payer aux banques et a fixé à 1,31 % à partir de 2016 et pour une période de 7 ans le taux d’intérêt qui serait octroyé aux banques. Ce qu’il faut comprendre c’est que si Rajoy, par décision de gouvernement, impose aux banques de prélever un intérêt moindre, c’est que les taux prélevés précédemment étaient clairement abusifs. Cela démontre également que même le gouvernement du Parti populaire (droite) peut lorsque cela l’arrange prendre une décision contre les banques pour diminuer la dette |13|. Cela étant, le taux de 1,31 % demeure illégitime tenant en compte que les banques se financent depuis mars 2016 auprès de la BCE à un taux de 0 % |14|.

Le Plan de paiement aux fournisseurs peut également être un moyen de blanchir des dettes illégales. L’audit pourrait montrer des années après comment une municipalité aurait contracté une dette commerciale illégale. Avec le Plan de paiement aux fournisseurs, cette dette commerciale a été transformée en dette financière. Le créancier n’étant plus l’entreprise commerciale mais une banque. Cette restructuration de dettes, comparable à ce qui s’est passé en Amérique latine ou en Grèce, s’est faite dans l’intérêt de la banque et sert en plus à blanchir une dette illégale. Lorsqu’un délit est lié à la contraction d’une dette, il ne disparaît pas lorsque cette dette change de mains, quand bien même tel était l’objectif.

Au cours de cette année 2016, le gouvernement « en affaires courantes » de Mariano Rajoy n’a pas cessé d’appliquer l’austérité, en obéissant servilement à une Commission européenne de plus en plus affaiblie et discréditée. Le ministre des finances et des administrations publiques, Cristóbal Montoro – le même qui a signé l’amnistie fiscale de 2012 – a envoyé des courriers menaçants aux municipalités pour leur ordonner la fermeture des entreprises offrant des services publics fondamentaux comme l’épuration des eaux usées ou le transport urbain. Sa « dictature politique » a amené les municipalités à entrer en résistance et la Fédération espagnole des Municipalités et Provinces (FEMP), présidée par un maire du PSOE (parti socialiste), a exigé un moratoire de la « Loi Montoro ».

L’exigence de fermeture des entreprises publiques locales est très mal passée puisque les municipalités sont les entités les moins endettées, à hauteur de 3,2 % du PIB. A comparer avec le taux d’endettement des Communautés autonomes qui est de l’ordre de 24,9 % du PIB. Le total de la dette publique au second trimestre 2016 a atteint 101 % du PIB.

Les Communautés autonomes subissent aussi les pressions du Ministre Montoro qui a exigé des mesures d’austérité en exerçant un chantage avec le Fonds de liquidités qui leur est destiné (FLA). Or, lors de la réunion d’avril 2016, le Conseil de politique budgétaire et financière en charge de la coordination de l’activité financière des Communautés et des finances de l’État, il y a eu un consensus absolu de toutes les Communautés Autonomes de toutes couleurs politiques pour contester la politique de répartition du déficit ainsi que de l’objectif exigé par Bruxelles |15|.

Notre activité en tant que Comité pour l’abolition des dettes illégitimes (CADTM) et en tant que Plateforme espagnole d’audit citoyen de la dette (PACD) s’inscrit dans cette défense de la souveraineté populaire et de la dignité contre l’austérité et la dictature de la dette. Nous soutenons la réalisation d’audits citoyens. Il est nécessaire que les gouvernements du changement soutiennent la volonté des citoyens d’identifier les dettes illégitimes. Ces gouvernements devraient stimuler et apporter leur concours aux audits qui ne peuvent se limiter à un simple exercice démocratique mais qui doivent déboucher sur une pratique pour en finir avec le paiement des dettes illégitimes et punir les responsables.

Si on paie les créanciers, notre dette n’est pas leur problème. Comme le dit un proverbe populaire : si vous avez une dette de 1000 euros à l’égard de votre banque et que vous ne pouvez pas la payer, le problème est le vôtre. S’il s’agit d’une dette de 10 millions d’euros et qu’elle n’est pas remboursée, c’est la banque qui a un problème.

Nous savons que rien de cela ne sera possible sans une mobilisation nécessaire et indispensable. Si le mouvement citoyen, les mouvements sociaux, les militant-e-s et membres des forces de gauche abandonnent la question du refus de paiement de la dette illégitime dans l’État espagnol et se limitent à la revendication d’une simple restructuration, on aboutira à une déception comme dans le cas de la Grèce. De ce fait, il est nécessaire de maintenir l’importance de ce combat et de jeter toutes ses forces dans la bataille.

L’exemple le plus récent est le Manifeste d’Oviedo |16| qui propose un front des municipalités, communautés autonomes et nationalités de l’État espagnol contre la dette illégitime. Celui-ci a reçu l’appui de près de 600 conseillers municipaux et députés de différents territoires et partis politiques et est ouvert aux mouvements sociaux, activistes et citoyens.

Fátima Martin |17| et Éric Toussaint |18|
Traduction : Virginie de Romanet

Notes

> |1| Eric Toussaint, « Union européenne : conquêtes démocratiques et sociales radicalement remises en cause », 16 décembre 2014, http://www.cadtm.org/Union-europeenne-conquetes

> |2| Eric Toussaint, « Le modèle allemand et l’offensive contre les droits sociaux », 7 janvier 2015, http://www.cadtm.org/Le-modele-allemand-et-l-offensive

> |3| Voir : Éric Toussaint, Michel Husson, Patrick Saurin, Stavros Tombazos, Miguel Urbán Crespo, « Que faire des banques ? Version 2.0. Mesures immédiates pour aller vers la socialisation », 25 mars 2016, http://www.cadtm.org/Que-faire-des-banques-Version-2-0

> |4| Voir en espagnol : https://www.boe.es/diario_boe/txt.p…>

> |5| Règlement n°472/2013 du Parlement et du Conseil européens du 21 mai 2013 sur le renforcement de la supervision économique et budgétaire des États membres de la zone Euro connaissant ou risquant de connaître de sérieuses difficultés du point de vue de leur stabilité financière. Disponible sur : http://eur-lex.europa.eu/legal-cont…>

> |6| Le gouvernement de Rajoy est sous assistance financière via le Fonds européen de stabilité financière (FESF).

> |7| Ces municipalités qui à l’issue des élections municipales du 24 mai 2015, sont gouvernées par de nouvelles formations « populaires » nées dans la foulée du mouvement des Indignés de 2011 et qui regroupe divers partis politiques progressistes et sont généralement appuyées par des mouvements sociaux. C’est le cas à Madrid avec Ahora Madrid, à Barcelone avec Barcelona en Comú, à Valence avec València en Comú, à Zaragoza avec Ganemos Zaragoza en Común, à Cadiz avec Por Cadiz sí se puede et Ganar Cádiz en Común…>

> |8| Réforme de l’article 135 de la Constitution espagnole, du 27 septembre 2011. Voir en espagnol le Bulletin officiel de l’État : http://www.boe.es/diario_boe/txt.ph…>

> |9| Loi de stabilisation budgétaire : Loi organique 2/2012, du 27 avril, de stabilisation budgétaire et de soutenabilité financière. Voir en espagnol le Bulletin officiel de l’État : https://boe.es/buscar/act.php?id=BO…
La Loi Montoro limite les dépenses des municipalités aux dépens des services publics pour satisfaire le service de la dette : Loi 27/2013, du 27 décembre, de rationalisation et soutenabilité de l’administration locale. Voir en espagnol le Bulletin officiel de l’État : https://www.boe.es/boe/dias/2013/12…>

> |10| Lire en espagnol : Fátima Martín, « España : Ayuntamientos en pie de guerra exigen una moratoria de la austeritaria Ley Montoro, declarada parcialmente inconstitucional », 31 août 2016, http://www.cadtm.org/Espana-Ayuntamientos-en-pie-de>

> |11| Il s’agit des mouvements Sí se puede Cádiz et Ganar Cádiz qui coexistent à côté des partis traditionnels.>

> |12| Voir : Fátima Martín, Gouvernement municipal de Cadix, « Le gouvernement municipal de Cadix juge que la majeure partie de la dette de la Ville devrait être considérée comme illégitime », 7 mars 2016, http://www.cadtm.org/Le-gouvernement-municipal-de-Cadix>

> |13| Éric Toussaint, « En Espagne, il est fondamental que les municipalités du changement constituent un front commun, qu’elles soient ou non confrontées dans l’immédiat à un problème de dette », 28 février 2016, http://www.cadtm.org/Eric-Toussaint-En-Espagne-il-est>

> |14| Notons qu’entre septembre 2014 et mars 2016, les banques espagnoles se sont financées auprès de la BCE à un taux de 0,5% : http://www.ecb.europa.eu/stats/mone… (consulté le 9 octobre 2016).>

> |15| La dette de la Communauté autonome d’Aragon a été multipliée par 6 au cours des 8 dernières années, une augmentation « absolument illégitime ». Voir à ce sujet en espagnol : http://www.cadtm.org/La-deuda-de-Aragon-se-ha

> |16| Manifeste d’Oviedo, publié le 21 octobre 2016 en français : http://www.cadtm.org/Manifeste-d-Oviedo

> |17| Journaliste. Membre de la PACD et du CADTM Espagne.

> |18| Docteur en sciences politiques des Universités de Liège et Paris VIII, historien de formation, Éric Toussaint est porte-parole du CADTM International. Il lutte depuis de nombreuses années pour l’annulation des dettes publiques au Sud et des dettes publiques illégitimes au Nord. Il a coordonné les travaux de la Commission pour la Vérité sur la dette grecque créée en 2015 par la présidente du parlement grec.

http://www.cadtm.org/Espagne-L-enjeu-de-l-audit-de-la

Grèce : Alexis Tsipras affiche son obéissance totale aux créanciers

De Romaric Godin publié le 7/11 Le premier ministre grec a remanié son gouvernement en excluant les quelques récalcitrants et revu son objectif de restructuration de la dette à la baisse. Son objectif semble désormais celui d’accepter rapidement les demandes des créanciers pour obtenir une victoire de façade sur le terrain de la dette. Et remonter dans les sondages.

Lire l’article en intégralité http://www.latribune.fr/economie/union-europeenne/grece-alexis-tsipras-affiche-son-obeissance-totale-aux-creanciers-614345.html

Grèce : le Comité d’audit de la dette ne rend pas les armes !

Créé en avril 2015 à l’initiative de Zoé Konstantopoulou, ancienne présidente du parlement grec, le Comité pour la vérité sur la dette publique grecque s’est de nouveau réuni à Athènes les 5, 6 et 7 novembre pour poursuivre ses travaux. La session d’ouverture, du samedi 5 novembre au soir, a réuni plus de 250 personnes dans une salle archi-comble ! Le message des membres du Comité qui ont alors pris la parole |1| a été unanime et on ne peut plus clair : le travail d’audit de la dette grecque continuera coûte que coûte

Lire l’article d’ Anouk Renaud sur le site du CADTM

http://www.cadtm.org/Grece-le-Comite-d-audit-de-la

Grèce. 36 députés européens plaident pour un allègement de la dette

Publié sur l’Humanité

Trente-six députés européens socialistes, verts et de gauche, dont 13 Français, ont plaidé en faveur d’un allègement rapide de la dette grecque dans une lettre ouverte au commissaire européen aux Affaires économiques, Pierre Moscovici.

« De toute urgence, la Grèce doit sortir du cercle vicieux de la récession et de la déflation » où elle est engluée depuis six ans, souligne ce texte. Les signataires sont des députés au Parlement européens de dix pays de l’UE. « Tout retard supplémentaire en ce qui concerne l’ouverture de discussions concrètes et concluantes sur l’allégement de la dette pourrait avoir des résultats dévastateurs sur l’économie grecque », mettent-ils en garde.

Invoquant un « consensus parmi les économistes reconnus au sujet du caractère non soutenable de la dette grecque », ils rappellent que ce dossier est au centre d’une dispute entre les deux bailleurs de fond du pays surendetté, le FMI qui appelle à un allègement rapide et important et la zone euro qui traîne les pieds sous pression allemande.

« L’incertitude qui résulte de ces différends entrave la reprise grecque », jugent-ils, appelant à la mise au point, d’ici fin 2016, « d’une feuille de route claire pour l’allégement de la dette grecque », qui caracole à près de 180% du PIB.

A l’issue de la dernière réunion le 10 octobre des ministres européens des Finances, Pierre Moscovici avait souligné qu’il espérait obtenir, « d’ici la fin de l’année, un accord global » sur la marche du redressement financier grec qui permettra d’« aborder la question de la dette ». Mais le geste substantiel réclamé par la Grèce en échange de ses efforts pour se conformer aux demandes de ses créanciers pour plus d’austérité et de libéralisation de l’économie se heurte à l’intransigeance de l’Allemagne, qui renvoie un règlement de fond après les élections qu’elle organisera fin 2017.

« Monsieur le Commissaire,

Suite au débat sur la « Déclaration de la Commission – Situation macroéconomique en Grèce, les réformes structurelles et leur incidence, et perspectives de futures négociations dans le cadre du programme », qui a eu lieu le mardi 4 octobre à la plénière du Parlement européen, nous souhaitons en tant que députés européens attirer votre attention sur l’importance de l’allégement de la dette ainsi que sur la nécessité de mesures concrètes qui pourront soutenir le développement économique, social et environnemental de la Grèce.

De toute urgence, la Grèce doit sortir du cercle vicieux de la récession et de la déflation, et aller de l’avant grâce à des politiques qui soutiendront les investissements publics et privés ainsi que la création d’emplois de haute qualité. La responsabilité de ce changement revient à la fois au gouvernement grec et aux institutions. Il existe aujourd’hui un consensus parmi les économistes reconnus au sujet du caractère non soutenable de la dette grecque. Au sein même des institutions, différents points de vue existent quant à la manière de trouver une solution durable à la crise. Comme vous le savez, le FMI a une analyse différente de celle présentée par les institutions européennes à ce sujet. L’incertitude qui résulte de ces différends entrave la reprise grecque.

Tout retard supplémentaire en ce qui concerne l’ouverture de discussions concrètes et concluantes sur l’allégement de la dette pourrait avoir des résultats dévastateurs sur l’économie grecque, contrecarrer la légère diminution des niveaux de chômage et de pauvreté et retarder toute amélioration de la situation sociale et économique pour la période à venir.

Le 23 Septembre dernier, le FMI a déclaré qu’un nouvel allégement de la dette sur la base « d’hypothèses réalistes quant à la capacité de la Grèce à générer des excédents durables et de la croissance à long terme » sera nécessaire pour atteindre une situation macroéconomique durable. L’allégement de la dette est sans aucun doute une étape cruciale de l’effort pour mettre fin à la crise grecque. Les discussions sur l’allégement de la dette, dans le cadre de l’accord, doivent donc être ouvertes le plus rapidement possible, afin d’être achevées d’ici la fin de l’année. Celles-ci doivent aboutir à une feuille de route claire pour l’allégement de la dette grecque. Il s’agit d’une condition préalable à la nécessaire relance économique et sociale mais aussi à la limitation des besoins financiers de l’économie grecque qui permettra de créer un espace fiscal pour inciter les investissements publics et privés.

Nous, députés européens, croyons fermement que la Grèce a besoin d’un environnement macroéconomique stable. Par conséquent, elle a besoin de tourner la page des politiques d’austérité dogmatiques, en créant les conditions de sortie du Programme, qui devrait être le dernier. En cette période cruciale, il est nécessaire que la Grèce fasse le meilleur usage possible des fonds structurels qui, comme pour tous les autres pays en crise, doivent être considérablement augmentés, car il est de sa responsabilité de protéger les franges les plus vulnérables de sa population.

Dans le cadre des futures négociations avec le gouvernement de la République hellénique, nous vous exhortons à prendre en considération ces demandes formulées tant dans l’intérêt de la société grecque que des institutions européennes.

Nous serions heureux de pouvoir échanger plus longuement avec vous à ce sujet.

Cordialement,

Jean-Paul Denanot, FR (GUE/NGL),  Virginie Rozières, FR (S&D), Edouard Martin, FR (S&D), Bart Staes, BE (Greens/EFA), Tania Penas Gonzalez, SP (GUE/NGL), Josep Maria Terricabras, SP (Greens/EFA), Dimitrios Papadimoulis, GR (GUE/NGL), Fabio De Masi, DE (GUE/NGL), Eva Joly, FR (Greens/EFA), Guillaume Balas, FR (S&D), Sergio Cofferati, IT (S&D), Ernest Urtasun, SP (Greens/EFA), Curzio Maltese, IT (GUE/NGL), Emmanuel Maurel, FR (S&D), Georgi Pirinski, BG (S&D), Eric Andrieu, FR (S&D), Christine Revault d’Allonnes Bonnefoy, FR (S&D), Marisa Matias, PT (GUE/NGL), Patrick Le Hyaric, FR (GUE/NGL), Stelios Kouloglou, GR (GUE/NGL), Eleonora Forenza, IT (GUE/NGL), Monika Vana, AT (Greens), Louis-Joseph Manscour, FR (S&D), Isabelle Thomas, FR (S&D), Barbara Spinelli, IT (GUE/NGL), Kostas Chrysogonos, GRE, (GUE/NGL), Younous Omarjee, ES, (GUE/NGL), Elly Schlein, IT, (GUE/NGL), Joachin Schuster GER, (S&D), Michele Rivasi, FR, (Greens), Konstandinka Kuneva, GRE, (GUE/NGL), Ana Gomes, POR, (S&D), Martina Anderson, IRL, (GUE/NGL), Matt Carthy, IRL, (GUE/NGL), Liadh Ni Riada, IRL, (GUE/NGL), Lynn Boylan, IRL, (GUE/NGL). »

article original http://www.humanite.fr/grece-36-deputes-europeens-plaident-pour-un-allegement-de-la-dette-617933

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