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Grèce: une importante manifestation contre l’inflation à Athènes

Manifestants contre l'inflation à Athènes, en Grèce, le 26 février 2022.
Manifestants contre l’inflation à Athènes, en Grèce, le 26 février 2022. AFP – LOUISA GOULIAMAKI

En Grèce, au moins 10 000 personnes se sont réunies devant le Parlement d’Athènes ce week-end à l’appel des syndicats, pour dénoncer l’inflation galopante, en particulier dans le secteur de l’énergie. Dans un pays toujours marqué par de bas salaires hérités de la crise économique, une inflation trop importante pourrait en effet menacer de nombreux Grecs de pauvreté.

Avec notre correspondant à Athènes, Joël Bronner

Le risque de pauvreté est d’autant plus accru que la guerre en Ukraine menace d’encourager cette tendance à l’inflation.

Tout augmente en Grèce. En janvier, les prix avaient progressé en moyenne de 6% en un an. Et c’est dans le secteur de l’énergie que l’envolée est la plus spectaculaire : quelque 50% de plus pour l’électricité et 150% pour le gaz naturel. Dans un pays au salaire minimum à 650 euros, cette inflation menace notamment les plus précaires.

►À lire aussi : En Grèce, l’inflation monte en flèche

« Si vous observez la situation, vous constatez que, de la nourriture jusqu’à l’énergie, tous les prix augmentent. Et avec ce qui se passe en Ukraine, tous ces coûts vont continuer à grimper. Voilà notre problème. Il faudrait donc soit augmenter les salaires, soit baisser la TVA », constate Dimitrios Drimanis, coursier pour une chaine de livraison à domicile.

Licenciements massifs

Les manifestants ont de surcroît dénoncé certaines réformes du Code du travail jugées trop libérales. Venu de Kavala, dans le nord du pays, Sterios Tsagas est secrétaire général du syndicat d’une entreprise pétrolière, poumon économique régional, dont les employés sont en grève.

« L’augmentation du coût de la vie, nous la prenons de plein fouet à Kavala. La direction de la compagnie Energean a décidé de stopper la production et de licencier plus de la moitié des employés. Dans le contexte de l’augmentation des prix des produits de consommation comme de l’énergie, tout ceci risque de plonger notre communauté locale dans la misère », estime-t-il.

Selon des chiffres de 2020, un Grec sur quatre serait menacé par la pauvreté.

Source RFI

Politiques de privatisation des ressources thermales

Grèce : Écueils et inconvénients des politiques de privatisation des ressources thermales

Par Dr Emmanuel Kosadinos, Psychiatre, étudiant en médecine thermale à l’Université de Lorraine-Nancy
Membre du CA de l’Association pour les politiques de santé en Europe (IAHPE)

Considérations générales et historiques

La saga des tribulations de la Grèce sous le régime néolibérale ne fait plus l’actualité : la domination des intérêts privés sur les besoins communs est désormais établie dans le pays après un bref intervalle de lutte pour l’émancipation contre rapport de forces écrasant.

La pandémie COVID a fourni au gouvernement actuel de Nouvelle Démocratie le prétexte idéal pour mettre sous quarantaine toutes velléités de protestation : restez chez vous, il n’y a rien à voir dehors !

Contre les récalcitrants la méthode forte a été utilisée.

Pendant ce temps l’eau continue à couler, à envelopper le pays et imprégner ses paysages, cette même eau donne qui à la Grèce les couleurs de son drapeau, le bleu azuré des rivages et des lacs reflétant le ciel serein, le blanc de l’écume, des sources et des cascades.

L’eau est un bien commun par excellence non seulement parce que, comme l’air, ses circuits naturels de production et de circulation ne connaissent pas de limites, et donc échappent tout naturellement aux lois de la propriété, mais aussi car il fut, est et restera le support indispensable de toute forme de vie carbonée (dont la matière se compose d’unions chimiques de l’élément carbone) y compris sur des astres lointains si tant est qu’elle s’y développerait.

Depuis toujours les lois coutumières ont garanti la propriété commune de l’eau comme l’ont également fait, au moins en principe et partiellement, les lois (y compris constitutionnelles) de plusieurs États modernes.

Toutefois, à l’ère du capitalisme néolibéral que nous traversons, l’eau sous toutes ses formes d’utilisation (de boisson, domestique, agricole, etc) fait l’objet de convoitise de la part des grands intérêts privés qui y voient une «source» de profit et de spéculation, et tentent de s’incruster aux différents points de son circuit, avec la licence de gouvernements et de législations complaisants, pour l’exploiter et facturer aux consommateurs son accès.

L’eau qui nous intéresse dans cet article et celle qui jaillit de réservoirs naturels profonds  de la terre et dont les caractéristiques de température, de composition chimique, voire de radioactivité, la rendent propre à l’usage médical, sous forme de boisson, d’inhalation ou de bains d’immersion. Il s’agit de l’eau «de source thermale» dont la Grèce est particulièrement pourvue, du fait de son relief géographique accentué et de son positionnement sur une zone d’activité géologique intense.

La Grèce est également l’espace où historiquement les rapports entre le bien être humain et la nature, l’eau en particulier, furent pour la première fois décrits en termes d’observation objective et de déduction logique, par l’école hippocratique de la médecine, en rupture désormais définitive avec l’approche mystique, mythologique ou religieuse.

L’utilisation médicale (au sens contemporain) des eaux thermales grecques démarre dès la mise en place de l’État moderne avec la création du premier établissement en 1830 sur l’île de Thermia (appelée aujourd’hui Kythnos) sous l’influence de la médecine allemande. Le thermalisme grec a depuis marché dans les pas du thermalisme européen. Il a progressivement gagné le public des classes moyennes, connaissant son acné et la création de plusieurs établissements entre les deux guerres mondiales, puis une étape à la fois de popularisation et de déclin après la deuxième guerre, concurrencé par la pharmacologie et les techniques médico-chirurgicales en plein essor.

Bilan succinct de l’existant actuel

La décennie de 2010 qui fut en Europe, et en France en particulier, une phase de regain d’intérêt et de nouveau développement du thermalisme, est pour la Grèce une étape de faillite de son État et de son économie. Ainsi, malgré un travail réglementaire et législatif important effectué avant et même pendant la crise, le manque cruel de capitaux, notamment publics, à livré une part importante des établissements à l’impitoyable usure du temps et des éléments pour se retrouver aujourd’hui en état littéralement de ruines.

Il s’agit ici de bien noter que l’asphyxie économique des collectivités locales et territoriales grecques, résultat de l’application des memorandums d’austérité, est le premier facteur responsable de cette situation déplorable, compte tenu du fait que nombre d’établissements fonctionnaient (et certains fonctionnent encore) en régie municipale ou territoriale.

Politiques néolibérales

Il est nécessaire de rappeler, que l’octroi de prêts financiers à la Grèce par la BCE et le FMI c’est fait sous la condition de privatisation accélérée d’une large part du patrimoine public du pays, infrastructures, entreprises, espaces publics, etc. Cette grande manœuvre politique et financière, peu contributive à l’amenuisement de la dette publique mais bien détrimentielle pour la souveraineté économique et même nationale du pays, a été effectuée par la mise en place de fonds ad hoc de privatisation, initialement (2011) du Fonds de développement des actifs de la République hellénique (HRADF – TAIPED) puis par l’absorption de celui-ci en 2015 dans la Société hellénique d’actifs et de participations (HCAP) aux statuts davantage permissifs à la cession accélérée du patrimoine public. Ces deux organismes sont des sociétés anonymes de droit privé sous supervision des créanciers de la Grèce. Si les recettes anticipées des privatisations ne sont pas susceptibles de réduire de manière importante la dette publique de la Grèce, celles déjà enregistrées par la cession effective des biens de l’État n’en sont qu’une maigre fraction. La démarche des privatisations massives est cependant justifiée par «le besoin de créer dans le pays une ambiance attractive pour l’investissement de capitaux qui produira le redémarrage de l’économie». En attendant que cela soit vérifié par les faits, nous restons dans la sphère des conjectures sinon de l’idéologie, en l’occurrence néolibérale.

Cadre législatif et réglementaire préexistant

En ce qui concerne les sources thermales de la Grèce (dont le nombre de sources certifiées dépasse la centaine pour un pays dont la population n’est que le sixième de celle de la France) il est essentiel d’indiquer que les réservoirs d’eaux souterraines sont considérées partie des ressources du sous-sol, qualifiées comme telles et protégées par toutes les Constitutions successives de l’État grec depuis 1911 (actuellement sous l’article 18) en tant que biens communs soumis à une législation spécifique.

La reconnaissance de l’importance des sources thermales et de leur protection a été renforcée par la Directive 60/2000 du Parlement Européen sur la protection de l’eau, non spécifique ni contraignante, toutefois motif de la condamnation de la Grèce pour sa non application.

L’État grec a mis à jour la législation sur les sources thermales en 2006 par une loi dédiée, définissant leurs conditions de fonctionnement, de gestion et de propriété, à la suite des lois antérieures de 1920, 1930 et 1960. Dans ce texte législatif le terme «thermalisme» (d’étymologie pourtant grecque) voit le jour pour la première fois dans le langage officiel du pays.

Les installations de surface rattachées aux sources thermales bénéficient de statuts de propriété très divers, municipaux, territoriaux, voire privés. Une petite seulement partie de ces installations de surface (et établissements à vocation thermale) appartient à la Société de biens immobiliers de l’État, ETAD. Les sources elles-mêmes ont été considérées à ce jour relevant de la compétence de l’Organisme National du Tourisme, EOT, jadis gestionnaire d’un important patrimoine et aujourd’hui quasiment réduit à une coquille vide. Cette dissociation des droits de propriété des installations, des surfaces au sol et des ressources profondes, tout en étant logique, n’est pas sans créer quelques complications.

En ce qui concerne la Société de biens immobiliers de l’État (ETAD) il n’est pas anodin qu’elle ait été mise en question pour manque de transparence de sa gestion, notamment en termes de recrutement et de traitement des personnels, et qu’elle fait tout récemment l’objet d’une enquête judiciaire.

Privatisations

Force est de constater que la privatisation des sources thermales grecques s’est heurtée, à la rareté et réticence des capitaux privés, mais aussi à des obstacles législatifs et à la méfiance de quelques municipalités, qui ne souhaitent pas se dessaisir d’une ressource pourvoyeuse de tourisme, de recettes, de vitalité culturelle et de moyens de politique sociale.

Il faut tenir compte que même dans le contexte actuel de déclin évident de l’activité thermale en Grèce, celle-ci représentait avant la pandémie COVID près de 400.000 entrées par an, un chiffre national annuel d’affaires de 6 millions d’euros, 0,03% du PIB en 2019.

Aussi, le partenariat avec les structures sociales de proximité offre sur certains sites des espaces de soins, de réhabilitation et de bien être gratuits aux citoyennes et citoyens, notamment âgés, qui ne sauraient y avoir accès sans l’action sociale des collectivités locales mentionnées, notamment Crenides, déclarée aussi station du parcours thermal européen par l’EHTTA.

La privatisation des sources thermales et minérales de la Grèce est souvent présentée comme la voie obligatoire pour leur réhabilitation et exploitation efficaces, message qui trouve un certain écho dans l’opinion publique du fait de l’actuel dysfonctionnement, voire délabrement, de nombreuses parmi celles actuellement sous régie publique.

Toutefois la privatisation, surtout dans les conditions d’urgence qui se sont imposées à la Grèce ces dernières années, est loin d’avoir fait ses preuves.

La cession des sources n’a pas conduit à la mise en place d’installations adéquates ni à l’augmentation de l’offre de services au public, sauf exceptions concernant parfois des installations thermales subventionnées ou qui étaient sous exploitation privée dejà avant les programmes actuels de privatisation.

Forages arrêtés, travaux de réhabilitation ou de mise en valeur sans cesse reportés, usines de mise en bouteille fermées après une brève durée de fonctionnement, les indices que l’exploitation privée n’est guère plus efficace que celle publique avec en plus le défaut de l’absence d’objectifs à caractère social, sanitaire, culturel ou écologique. Certaines installations, conçues dès le départ comme annexes secondaires d’entreprises hôtelières, sont simplement restées en jachère.

Certes les coûts de la mise en état des installations, bien supérieurs aux faibles prix d’acquisition ou de cession obtenus lors de l’offre massive de biens à privatiser, sauraient partiellement expliquer la stagnation des projets.

Les exigences des normes techniques et sanitaires, ainsi que la longue durée des procédures de certification et accréditation constituent pour les candidats exploitants des obstacles qu’ils ont parfois du mal à surmonter.

Des difficultés supplémentaires dérivent du fait que nombre de sources ou établissements thermaux sont situés à proximité immédiate du rivage maritime et de ce fait soumis aux contraintes de la loi grecque de protection du littoral, qui définit à 100 mètres la largeur de cette zone.

Notons ici que, à ce jour, les concessionnaires acquéreurs n’étaient pas contraints de développer la ressource vers un objectif défini, notamment de thermalisme médical, car la cession concernait essentiellement le bien immobilier de l’installation avec son terrain.

D’éventuelles nécessaires interventions au niveau de l’environnement naturel ou urbanistique sont souvent confrontées à des obstacles réglementaires. Ce dernier point est souvent mis en avant par les partisans inconditionnels des privatisations comme le seul déterminant de l’échec des projets de privatisation, de leur «non maturation» comme ils disent en langage technolibéral.

Il est cependant bien légitime de s’interroger si les cessions de sources ou établissements thermaux aux intérêts privés sont toujours porteuses de projets de revalorisation et d’offre de services au public, ou si quelques unes parmi elles ne sont simplement des «investissements» d’opportunité, voire des investissements «comptables» pour des capitaux en quête de domiciliation.

Loi de décembre 2021 et création de la société IPE SA

Pour accélérer le processus de «mise en valeur» des ressources thermales, le gouvernement actuel du parti de Nouvelle Démocratie, de droite néolibérale, a décidé pendant l’année de pandémie 2021 de légiférer sur le statut des sources thermales de la Grèce, par une série de dispositions, co-inscrites au sein d’une seule loi de réglementation du tourisme, traitant également d’autres questions «périphériques» par exemple des normes de fonctionnement des bus touristiques. Cependant il ne s’agit pas de «cavaliers législatifs» à proprement parler (dont hélas la législation grecque abonde) compte tenu que le thermalisme en Grèce est sous l’autorité du Ministère du Tourisme.

Cette proposition de loi fut accueillie avec beaucoup de critiques par le Regroupement central des municipalités de Grèce (KEDE) et par l’Union grecque des municipalités aux sources thermales (SDIPE). Cette deuxième association regroupe en son sein plus de 50 municipalités portant sur leur territoire des sources thermales et elle est membre de l’Association Européenne des villes thermales historiques (EHTTA).

Le point central de la nouvelle loi est la création par l’État de la société «Sources thermales de Grèce SA» (IPE SA), de droit privé, au siège social dans la capitale du pays, ayant autorité de regrouper et centraliser l’ensemble des ressources thermales de la Grèce dans la perspective de leur future exploitation et privatisation.

Les critiques initiales des associations des collectivités locales pointaient l’absence de concertation officielle pendant l’élaboration du texte de loi, perçu comme une dépossession imposée, une centralisation contre-productive, une attaque de plus contre les collectivités locales.

Indiquons ici que, comme en France, les ressources thermales se situent dans des territoires excentrés de la Grèce, pays montagneux, maritime et insulaire, la capitale du pays et sa région en étant dépourvues, sauf pour le lac thermal de Vouliagmeni.

Après une pleine année (2021) de «dialogue social» le projet de loi fut amendé deux fois, et le texte finalement voté porte les traces de ces amendements. Ni le gouvernement, ni les élus locaux ne pouvaient se permettre d’engager un «bras de fer» sur un sujet considéré périphérique alors que les crises sanitaire, sociale et géopolitique ébranlent le pays. La concertation a été facilitée par le fait que bon d’élus locaux sont politiquement proches du gouvernement actuel.

Ainsi, dans l’état final de la loi, votée fin décembre 2021, les collectivités locales ont la possibilité d’adhérer «volontairement» à la nouvelle société, et même le représentant du regroupement national (KEDE) siège de droit à son CA dont il peut briguer la présidence.

Les droits actuels de propriété municipale sur les sources et les installations sont prolongés de trois ans, période pendant laquelle les municipalités ont obligation de soumettre pour approbation des projets d’exploitation des sources à la société IPE SA.

Suite à ces amendements aussi bien la SDIPE que la KEDE ont apporté leur soutien à la nouvelle loi, en émettant cependant des «réserves» qui ne sont pas des moindres.

Précisément les associations auraient souhaité que IPE SA n’ait pas la compétence d’approuver les projets d’exploitation des municipalités mais juste d’en être informée.

Les associations déplorent également que des litiges de propriété entre les municipalités et l’État central ne soient pas encore résolus, concernant notamment des sources thermales municipales situées dans la zone du littoral (dans les 100 mètres du rivage maritime), que la loi grecque sur le littoral attribue à l’État central. Nombre de sources thermales répondent à ce cas de figure, dont la source de Kallithea sur l’île de Rhodes, recommandées déjà par Hippocrate au 5e siècle avant JC et aujourd’hui en cessation d’activité.

Et enfin «last but not least» les associations de collectivités déplorent l’absence totale de projets de subventions d’État pour le développement local des ressources thermales.

De telles mesures de financement, susceptibles d’enclencher des financements européens complémentaires, nécessaires pour la revitalisation du thermalisme en Grèce et au développement périphérique du pays, brillent par leur absence au moment même où le  gouvernement présente sa loi comme un phare dans le parcours du thermalisme grec.

Certes les purges d’austérité auxquelles est soumise la Grèce depuis plus de 10 ans ne sont pas favorables aux investissements publics. Cependant, comme il a été démontré par plusieurs économistes, les retours sur investissement sous forme de recettes fiscales et de cotisations sociales, bénéficiant surtout aux territoires périphériques défavorisés, peuvent être considérables, estimées pour la France à hauteur de 260 millions d’euros pour les activités thermales, 800 euros par cure thermale.

Évoquons au passage le seul point positif de la nouvelle loi, celui de reconnaître, et en quelque sorte protéger, un rayon territorial de 500 mètres autour de la source thermale. Ce rayon est certes inférieur à celui maximal de 1000 mètres prévu par la loi de 1920 mais, force est de constater que depuis, les caractères démographiques et urbanistiques du pays ont bien évolué.

L’opposition au gouvernement grec actuel (DIEM25, KKE, SYRIZA) émet plus que des réserves sur cette dernière loi. Pour la Gauche grecque il s’agit tout simplement d’une étape supplémentaire du processus de mise aux enchères des biens communs et du patrimoine national. Aussi «neutre» que ce texte de loi puisse paraître aux regards non avertis, il est impossible d’éviter de faire l’analogie avec les cadres légaux qui régissent le Fonds de développement des actifs de la République hellénique (HRADF – TAIPED) et la Société hellénique d’actifs et de participations (HCAP) institutions imposés par les créanciers de la Grèce sous menace de strangulation financière.

Propositions

Tout cela étant dit, il est impossible de faire l’impasse sur la nécessité de faire revivre le thermalisme en Grèce sous un format moderne, adapté aux besoins de ses citoyens et de sa société actuels. Cette nécessité est à la fois sanitaire, sociale, économique et culturelle.

Pour ce faire il y a grand besoin d’investissement de capitaux mais aussi d’un cadre légal qui prenne en compte le caractère médical, social et culturel du thermalisme et le besoin de contrôle social sur les choix qui s’y rapportent.

Si la volonté existait de fonder en Grèce le thermalisme sur des bases solides il faudrait commencer par la révision de l’article 18 lors de la prochaine réforme constitutionnelle, en affirmant de manière positive dans la Constitution la propriété commune nationale sur les ressources thermales comme sur les autres biens communs. En fait, la formulation actuelle de l’article 18 (et cela est une invariable depuis la Constitution de 1911) évoque le statut des sources thermales, comme des richesses minérales, archéologiques et culturelles comme une simple nuance apportée au droit universel de la propriété privée, susceptible de réglementation par une loi de droit commun, et non comme un principe constitutionnel de propriété nationale commune. Une porte ouverte à plusieurs dérives…

Au delà du débat sur le statut de propriété et de gestion des ressources et établissements thermaux, la question de leur orientation sanitaire et des savoirs faire qui s’y rattachent. Sur ces questions la dernière loi est totalement silencieuse.

Les acteurs du thermalisme et le public sont donc renvoyés à la loi de 2006 et aux décisions ministérielles qui en découlent.

Bien que ce cadre soit assez suffisamment élaboré, et même en avance sur l’existant, la réflexion au niveau européen a depuis évolué et certains aspects nécessitent d’être à nouveau examinés.

Notamment l’encadrement médical et paramédical des établissements nécessite d’être mieux abordé en fonction de l’évolution des savoirs et savoir-faire et des démographies médicale et paramédicale du pays. Dans cette même ligne de réflexion se pose la question de l’articulation avec le système de soins primaires de santé.

La formation, certification et accréditation des agents, toutes disciplines, mérite également d’être étudiée, ainsi que leur éventuelle intégration dans le Système National de Santé.

On ne saurait conclure cet article sans évoquer le remboursement des cures thermales par l’organisme grec d’assurance maladie. Celui-ci se fait aujourd’hui «à l’acte» au prix de 15 euros par séance de balnéothérapie, sous prescription médicale et dans le cadre de 4 grandes orientations thérapeutiques reconnues. Bien que peu coûteuse pour l’assurance maladie cette prestation pourrait être supprimée suite à une nouvelle vague de mesures d’austérité. Dans tous les cas elle reste insuffisante et elle ne prend pas en compte la diversification des soins proposée aujourd’hui par le thermalisme moderne européen. Il y aurait donc un travail à faire à ce niveau.

Au delà des considérations de réglementation exposées ci-dessus, la sensibilisation au thermalisme des acteurs scientifiques, corps médical et établissements d’enseignement supérieur, du public et des acteurs collectifs grecs me paraît représenter un fil rouge que les acteurs du thermalisme grec ne doivent pas lâcher.

Pour revenir sur les questions de financement, l’appel aux «capitaux sociaux» tant nationaux qu’européens, caisses d’assurance de droit public et syndicats de travailleurs, et l’introduction de critères d’opportunité sociale, écologique et culturelle pour le recrutement des futurs concessionnaires est une option qui me paraît découler naturellement des argumentaires que je viens de développer.

Références :

Source : www.defenddemocracy.press/grece-ecueils-et-inconvenients-des-politiques-de-privatisation-des-ressources-thermales/

Travailleurs de la santé non vaccinés et licenciement

Les travailleurs de la santé seront licenciés s’ils ne sont pas vaccinés, déclare un ministre alors que la Grèce lève certaines restrictions.

Les agents de santé non vaccinés doivent se faire vacciner contre le Covid-19 d’ici le 31 mars, faute de quoi ils seront licenciés du système national de santé grec (ESY), a déclaré lundi le ministre de la Santé Thanos Plevris.Dans une interview accordée à la chaîne de télévision Skai, il a réaffirmé qu’ils resteront suspendus jusqu’à cette date.

Il a ajouté que « d’ici là, il y aura une mesure globale sur la question de savoir s’il faut rendre obligatoire la vaccination du personnel de santé chaque année après la pandémie ».

Le ministre a ajouté que tous les citoyens âgés de plus de 18 ans devront également être vaccinés avec la piqûre de rappel pour être considérés comme pleinement vaccinés. Avec une semaine de retard en raison de la neige de la semaine dernière, la mesure entrera en vigueur le 7 février 2022.

Selon le site d’information médicale healthreport.gr, le ministère de la santé envisage d’autoriser les travailleurs de la santé ayant reçu deux doses de vaccin et n’ayant pas reçu de rappel à continuer à travailler, même s’ils ont subi un test rapide.

Le syndicat des travailleurs hospitaliers POEDIN estime que quelque 10 000 travailleurs de la santé n’ont pas reçu le vaccin de rappel et que leur suspension viderait les hôpitaux.

Selon POEDIN, un total de 4 727 agents de santé ont été suspendus depuis septembre 2021 car ils ont refusé de se faire vacciner contre le COVId-19.

 
Il convient de rappeler que la Grèce a assoupli certaines restrictions dans les restaurants et les lieux de divertissement, notamment en ce qui concerne la musique et les heures d’ouverture à partir du lundi 31 janvier 2022.
En ce qui concerne l’assouplissement des mesures, le ministre Plevris a déclaré que l’opinion générale des ministres de l’UE était qu’il fallait aller dans cette direction, à savoir n’appliquer que les mesures absolument nécessaires.
 
La façon dont les hôpitaux fonctionnent avec quelque 5 000 personnes en moins est un autre chapitre de l’histoire douloureuse du système de santé grec.

Mobilisation dans l’éducation

En Grèce, mobilisation dans l’éducation face à la gestion calamiteuse de la pandémie

Malgré la propagande sur la maîtrise de la pandémie par l’infaillible (!) Premier ministre Mitsotakis, la réalité en Grèce, c’est une situation très grave : la semaine dernière, le nombre quotidien de morts a dépassé plusieurs fois 100, et les hôpitaux sont laissés sans moyens, le ministre de la Santé Plevris, militant d’extrême droite, ayant visiblement dans ses plans de profiter du Covid pour offrir le secteur de la santé au privé.

De manière générale, ce refus de renforcer l’hôpital public, avec des arguments comme « À quoi servirait de recruter alors que dans trois mois l’épidémie sera finie ? », s’inscrit dans un ultra-libéralisme misant en fait sur l’immunité collective, politique se traduisant par des chiffres impressionnants de contaminations… et par une colère massive des agentEs hospitaliers.

Une école en sous-fonctionnement

Et depuis deux semaines — la rentrée scolaire a eu lieu le 10 janvier — c’est dans le secteur éducatif que cette politique est à l’œuvre, alors que les chiffres étaient connus : si le 1er janvier 13 % seulement des contaminés étaient des jeunes, 10 jours plus tard, ils en représentaient le tiers, avec arrivée d’Omicron et ses effets contagieux. D’où un premier mouvement large début janvier, réclamant le report de la rentrée.

Refus de la ministre Kéraméos, qui se vante de vouloir garder les écoles ouvertes, un air connu ! Et alors que, le lundi 10 étaient absents 6 900 enseignantEs et entre 20 et 30 % des élèves, le protocole maintenu est celui de fermeture d’une classe seulement pour 50 % de cas + 1 ! Résultat : entre le 10 et le 19 janvier, on a recensé 46 250 contaminations de jeunes (1 à 17 ans), 70 à 80 000 en réalité d’après les spécialistes, et une école en sous-fonctionnement, avec bien des angoisses des élèves, la course aux notes empirant avec cette ministre qui a instauré une mesure couperet en fin de lycée (20 000 jeunes ont été empêchés d’entrer à l’université).

Pour le droit à la santé et à l’éducation

Face à cette obstination, les élèves, les enseignantEs et les parents d’élèves ont réclamé la fourniture de masques, et surtout insisté sur l’urgence de revendications permanentes :

– réduction du nombre d’élèves à 15 par classe (dans les grandes villes, ils sont souvent une trentaine) ;

– recrutement des enseignantEs indispensables : en temps normal, il en manque déjà 5 500 dans le primaire et 3 500 dans le secondaire. Réponse du ministère : 3 600 recrutements pour trois mois, et 1 200 jusqu’à la fin de l’année scolaire.

Face à tant de mépris, la colère du monde éducatif s’est vite traduite par des mobilisations dynamiques : environ 400 établissements occupés, et deux journées nationales de manifestations bien déterminées, avec des mots d’ordre portant sur la santé et le droit à l’éducation, dont les jeunes savent à quel point c’est une bataille cruciale quand la Grèce est la championne européenne du chômage des moins de 25 ans (novembre 2021 : moyenne de l’UE 15,4 %, Grèce 39,1 %).

Malgré les obstacles, le combat continue !

La seule réponse de Kéraméos pour l’heure, c’est la répression : interpellation de jeunes, ordre aux enseignantEs des établissements occupés d’assurer les cours à distance (mais consigne syndicale de refus), appel à la délation des enseignantEs solidaires, aucun allègement des programmes (gigantesques)… Même si les directions syndicales nationales refusent pour l’heure de lancer la grève, la mobilisation est croissante, d’autant que les mêmes problèmes se posent à l’université, sans oublier la perspective de voir bientôt y arriver les flics « en cours de formation » pour faire régner « l’ordre et la loi ». Et les étudiantEs étaient jeudi dernier dans les manifs !

Cette mobilisation, posant les problèmes de fond, doit être soutenue, face à la fuite en avant d’un gouvernement dont la seule réponse aux revendications est la répression, comme on le voit aussi avec la tentative digne des régimes totalitaires de criminaliser des journalistes d’investigation très connus, Kostas Vaxevanis et Yanna Papadakou.

À Athènes

Source https://lanticapitaliste.org/actualite/international/en-grece-mobilisation-dans-leducation-face-la-gestion-calamiteuse-de-la

La Grèce, nouvelle batterie pour l’Europe ?

Partie 2 de la série « Grèce : une démocratie perdue »

14 décembre par Eva Betavatzi

 

Juillet 2021, énorme présence policière lors d’une manifestation contre l’implantation d’éoliennes à Agrafa.

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Le gouvernement grec actuel mène une politique qui vise à l’extraction des ressources naturelles du pays au bénéfice de compagnies privées, grecques ou étrangères, au détriment de tous les êtres humains et non-humains présents sur le territoire.
  Sommaire
  • Le nouveau productivisme « vert »
  • Le désastre écologique en cours est lié à la crise de la dette publique
  • Effets sociaux et environnementaux des coupes budgétaires
  • L’exploitation du gaz fossile pourrait mené à un conflit armé
  • L’hypocrisie à son comble à la COP26

 Le nouveau productivisme « vert »

Agrafa est une zone montagneuse située à quelques kilomètres au Nord de Patras. Les crêtes des montagnes font partie du réseau Natura 2000. Or, le gouvernement grec y prévoit l’implantation de 530 aérogénérateurs de 150m de hauteur, soit un ensemble de parcs éoliens industriels qui devrait couvrir 80 % des sommets de la région. Ce projet colossal bénéficiera surtout aux filiales de la très grande entreprise de construction Ellaktor SA. En septembre 2019, des actions de blocage avaient été organisées pour stopper les premiers travaux de terrassements sur les crêtes, le gouvernement grec avait alors réagi en envoyant sa police pour escorter les bulldozers et encercler la zone. Depuis lors, plusieurs manifestations ont été organisées dans les montagnes d’Agrafa, à Karditsa et à Athènes, pour réclamer l’arrêt immédiat des travaux. Chacune d’entre elles a été fortement encadrée par les forces de l’ordre. Certain·es opposant·es sont aujourd’hui poursuivi·es en justice pour leurs actions.

Les parcs éoliens s’implantent un peu partout en Grèce dans les îles et sur le continent. D’après les membres de la plateforme « Save Agrafa », plus de 16.000 demandes introduites à ce jour concernent des aérogénérateurs d’une hauteur supérieure à 100 m, et 73 % des territoires concernés par ces demandes sont des zones naturelles protégées, des îles, des forêts, des crêtes de montagnes. Au nom de « l’intérêt général », des zones Natura 2000 ont littéralement été offertes par le gouvernement grec à des compagnies privées pour qu’elles puissent y implanter leurs parcs éoliens, leurs barrages hydroélectriques et leurs panneaux solaires ainsi que toute l’infrastructure qui les accompagne (réseau de câblages à haute tension, routes, transformateurs, …). Ainsi, la prétendue transition énergétique se traduit par l’augmentation de la productivité soi-disant « verte » d’énergie, qui vient simplement s’ajouter aux autres, la privatisation et l’accaparement de territoires collectifs, ainsi que la bétonisation et plus largement l’industrialisation de territoires vivants jusque-là préservés. Cette prétendue « transition » n’est pas écologique, elle incarne une vision néolibérale qui ne peut que promouvoir des projets productivistes destructeurs plutôt qu’une diminution et une décentralisation énergétiques. De nombreuses organisations environnementales, communautés locales et militant·es écologistes s’opposent à ces projets imposés à travers le pays.

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Projets éoliens en Grèce (licences d’installation, d’opération, de production et en cours d’évaluation), source : Autorité de régulation de l’énergie (RAE)

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Certaines régions de Grèce sont traversées par des vents forts, un cadre qui semble idéal pour la production d’énergie éolienne, d’autant plus que deux tiers de la production électrique actuelle du pays repose sur les combustibles fossiles (63,1 % en 2019 [1]). Néanmoins, l’exploitation industrielle du vent imposée par le gouvernement grec et l’UE, se développe comme un projet extractiviste classique : exploitation d’une ressource locale et commune sans aucune concertation avec les habitant·es et les pouvoirs locaux, accompagnée d’investissements importants du gouvernement central au bénéfice d’entreprises privées nationales ou multinationales. En 2018, l’UE avait déjà octroyé 2,8 milliards d’euros à la Grèce, majoritairement sous forme de prêts, pour le développement de l’industrie éolienne. Une partie de l’argent du programme NextGenerationEU lui est également consacrée [2]. En juin dernier, le Ministre de l’Énergie annonçait un budget d’1 milliard supplémentaire pour la transition « verte » [3], qui inclut d’autres développements que les parcs éoliens. C’est 10 fois plus que le budget pour la santé.

Le discours dominant est largement en faveur de l’industrie éolienne dont le développement n’est jamais critiqué, malgré l’absence de concertation avec les populations locales, la privatisation de territoires protégés, la destruction d’écosystèmes et les bénéfices engendrés par de grandes compagnies privés. Les médias alimentent le faux débat qui oppose le développement des énergies dites renouvelables à celui des énergies fossiles, comme si la question de l’industrialisation des territoires n’avait pas lieu d’être, comme si les opposant·es aux projets éoliens industriels n’aimaient tout simplement pas les aérogénérateurs et préféraient les énergies fossiles. C’est évidemment faux.

Les médias refusent également d’évoquer l’impact des infrastructures éoliennes de taille industrielle sur les petits commerces, le tourisme, les activités agricoles, les paysages et l’environnement, ignorant ainsi les milliers de vie, humaines et non-humaines, qui seront ou sont déjà affectées. De telles infrastructures ne sont pourtant pas écologiquement soutenables. La manière dont les éoliennes sont produites, leur durée de vie limitée, les infrastructures routières et de câblages nécessaires pour leur acheminement et la distribution de l’énergie produite, les conséquences environnementales de leur implantation et celle du stockage de l’énergie ne sont pas débattues. Les développements industriels éoliens s’inscrivent dans la continuité de la logique productiviste, avec toutes les exigences de quantité et de centralité que cela implique. L’inverse d’une transition énergétique, qui serait pourtant plus que nécessaire.

Ainsi, au-delà des aspects proprement écologiques, il est important de souligner le caractère anti-démocratique de ce type de développement. Une production énergétique décentralisée, localisée et gérée par les habitant·es, usagers et usagères, qu’elle soit éolienne ou d’une autre nature, devrait faire partie des solutions à envisager. Aussi, la réduction massive de notre production énergétique doit être mise urgemment au centre des débats.

Les compagnies étrangères restent invariablement les premières bénéficiaires de l’industrie éolienne. Ainsi, dans les Cyclades, on retrouve Schneider Electric, Acusol, Siemens et Tesla. La classe dirigeante de l’UE profite doublement du développement de cette industrie en Grèce, d’abord parce qu’elle permet à ses compagnies de développer leurs activités dans le pays, ensuite parce que grâce aux financements (majoritairement des prêts) octroyés à la Grèce, une part importante de l’énergie produite sera distribuée vers le continent, ce qui permettra aux autres pays de réduire leur propre empreinte carbone. Les opposant·es à ces projets prennent conscience que la Grèce est en train de devenir la batterie de l’Europe.

 Le désastre écologique en cours est lié à la crise de la dette publique

Depuis plus d’une décennie, la Grèce doit rembourser une dette colossale à ses créanciers, une contrainte qui motive les gouvernements successifs à couper dans les dépenses publiques pour certains secteurs essentiels (santé, éducation, transports publics, … mais pas pour la police et l’armée) et à trouver des moyens d’augmenter leurs recettes. Les secteurs productifs du pays ne sont pas nombreux, ne se portent plus très bien, et sont loin de satisfaire les créanciers. L’augmentation de la dette publique grecque et l’exigence de son remboursement ont creusé un faussé qui explique en partie cette euphorie étatique pour les énergies renouvelables et fossiles. Comme pour les pays du Sud global, la Grèce s’est donc engagée dans la voie de l’extractivisme intensif. Le soleil, le vent, le gaz fossile, le charbon, l’or, sont les principales ressources extraites du sol et du ciel grec.

Aujourd’hui le ratio dette publique par rapport au PIB est de 206,20 % – 354 milliards d’euros – le plus haut taux que le pays n’ait jamais connu. Pour rappel, en 2009, après révision frauduleuse des statistiques [4], le taux d’endettement était à 127 %. À l’époque, on disait de la Grèce qu’elle était « au bord de la faillite ». Aujourd’hui le gouvernement s’endette en se vantant de pouvoir « enfin » le faire sur les marchés financiers, ce qui manifeste d’une situation à la fois absurde et tragique. Absurde car la plupart des pays des Suds s’endettent aujourd’hui sur les marchés privés, le gouvernement grec n’a donc pas de quoi se vanter, et tragique car les créanciers privés sont les moins enclins à négocier les conditionnalités des prêts qu’ils octroient, que la dette augmente férocement et que la capacité de remboursement du pays dans l’avenir est loin d’être certaine.

Source : Agence de gestion de la dette publique, 30 septembre 2021
https://www.pdma.gr/en/public-debt-strategy/public-debt/composition-of-debt/maturity-profile-en

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Effets sociaux et environnementaux des coupes budgétaires

Au-delà des effets environnementaux, les mesures d’austérité, qui découlent des accords du pays avec les créanciers, ont eu des effets sociaux néfastes sur la population grecque. Il est important de rappeler les coupes dans les retraites, l’augmentation du chômage [5], la crise du logement, les atteintes au droit du travail, mais aussi les nombreuses coupes budgétaires notamment dans les secteurs de l’éducation et de la santé (secteur pour lequel les dépenses représentent un tiers de moins que la moyenne européenne, soit 5 % du PIB). La Grèce n’a reçu que 100 millions d’euros d’aide en 2021 pour la santé alors que le secteur avait subi des coupes plus importantes les années précédentes. En 2020, l’économie est entrée dans une récession plus profonde qu’estimée initialement, à cause des effets de la pandémie, ce qui a contribué à accentuer les effets sociaux négatifs du processus austéritaire enclenché depuis plus d’une décennie même si le gouvernement actuel joue avec les chiffres du taux de croissance pour rassurer les marchés.

Les mesures d’austérité ont également contribué à la propagation des incendies de l’été 2021 qui ont détruits 120.000 hectares de terres, des milliers de maisons, des petits commerces, des lieux publics, etc. Le Nord de l’île d’Eubée a été complètement ravagé alors que les projets éoliens prévus là n’ont pas encore été suspendus. Ces incendies ont été considérés comme le seul résultat de la crise climatique par le Premier ministre, sans qu’il ne fasse mention des coupes budgétaires directement liées. Celles-ci ont touché les autorités forestières – dont le budget total s’élève aujourd’hui à 1,7 millions alors que les forêts recouvrent 1/3 du pays – mais aussi les services de protection incendie. Les opérations sont structurellement sous-financées depuis des années et les services forestiers et de protection incendie souffrent d’un manque criant d’effectif et d’équipements.

Le désastre écologique qui a touché l’île d’Eubée ainsi que d’autres régions de Grèce dont l’Attique (région d’Athènes) n’a pas permis une remise en question de ces politiques austéritaires alors qu’elle s’avère nécessaire pour éviter et minimiser les prochains désastres. Au contraire, le gouvernement continue dans sa lignée néolibérale et prévoit un programme de reboisement, contesté par certains experts, en sollicitant le secteur privé ou les partenariats public-privé. L’investissement privé comme modèle de développement constitue indéniablement une menace pour les espaces naturels. Une loi, dite « anti-environnementale » par ses nombreux et nombreuses opposant·es, votée en catimini en plein premier confinement en pose les fondements.

La loi anti-environnementale, socle d’un projet extractiviste imposé

La loi anti-environnementale a été votée en catimini le 5 mai 2020, en plein confinement, alors que la présence parlementaire lors des plénières et des commissions était restreinte et les auditions limitées. Quelques semaines plus tôt, 23 organisations environnementales avaient réagi au projet de loi, avec plus de 1.500 remarques, ignorées du ministre de l’Environnement et de l’Énergie, Kostas Hatzidakis. Soixante mouvements et collectifs ont ensuite réclamé le report du vote parlementaire étant donné la crise sanitaire, et exigé qu’un processus de concertation soit engagé dans le but d’une révision profonde, voire d’un retrait total du projet. La loi a finalement été adoptée sans modifications, en dehors de toute considération démocratique, la droite au pouvoir bénéficiant d’une majorité parlementaire.

Outre son caractère anti-démocratique, ce qui caractérise le plus cette loi est la menace qu’elle représente pour la biodiversité en ignorant les cadres législatifs de protections existants : elle autorise les infrastructures dans des zones protégées Natura 2000, facilite l’appropriation, l’exploitation et l’utilisation de forêts, montagnes, collines, zones humides, cours d’eau, … par des groupes privés, facilite également l’octroi de permis via la privatisation des contrôles des études d’incidence environnementale, autorise l’extraction de matières premières et d’hydrocarbures, et supprime le pouvoir des autorités locales. Elle encourage le développement de l’industrie des énergies renouvelables, notamment éoliennes, de manière disproportionnée et non-écologique. Aussi, elle ignore la Constitution grecque (Article 24), les directives européennes (sur la protection des habitats et des espèces 92/43/CEE, sur la protection des oiseaux sauvages 2009/147/CE, sur les eaux 2000/60, sur la stratégie marine en Méditerranée 2008/59) et les conventions internationales (Convention de Ramsar sur les zones humides, Traité de Barcelone pour la protection de la Méditerranée) [6].

En bref, cette loi constitue l’incarnation de ce que le néolibéralisme fait aux écosystèmes.

La contestation contre la loi anti-environnementale n’a pas tardé à s’organiser. Une première pétition a été lancée au mois d’avril 2020 et a été soutenue à l’échelle internationale. Des mobilisations ont été organisées et ont rassemblé des foules dans les rues de la capitale en plein confinement. La veille du vote, un rassemblement important a eu lieu devant le Parlement grec malgré les strictes mesures imposées par le gouvernement. Il a donné suite à une occupation d’une centaine de personnes qui a duré 62 nuits. Ce mouvement d’occupation, « Oi Agripnoi » (Les Éveillé·es) [7], n’a pas échappé à la répression policière.

 L’exploitation du gaz fossile pourrait mené à un conflit armé

Pendant que le gouvernement grec participe activement au massacre écologique en cours, que les crises sanitaire, économique et sociale s’approfondissent, le coût de la vie augmente de manière phénoménale, notamment avec les hausses du prix de l’énergie et du gaz de ces derniers mois. Le prix du fioul a augmenté de 46 % par rapport à l’année précédente en Grèce, celui du gaz de 48,5 %. Malgré des aides octroyées à la population, les politiques néolibérales se poursuivent dans le secteur de l’énergie avec notamment la privatisation de la compagnie d’électricité DEI [8]. Elle suit celles de Helllenic Petroleum et DESFA (Hellenic Gas Transmission Operator). Ces privatisations ont évidemment été décidées lors des mémorandums précédents [9] et n’ont depuis pas été remises en cause malgré la situation.

En parallèle Mitsotakis et ses ministres prévoient l’augmentation des dépenses militaires et du budget alloué à la police. Macron et Mitsotakis ont signé des accords pour l’achat d’équipement militaire lourd, le plus récent étant celui concernant des frégates françaises d’une valeur de 5 milliards d’euros, soit l’équivalent de 2/3 du budget alloué à la Grèce par le plan de Relance de l’UE ! Il a été signé en septembre dernier. Il y a quelques mois, Mitsotakis avait annoncé 11,3 milliards d’euros de budget pour le renforcement de l’armée sur les trois prochaines années, faisant du pays le premier sur la liste des pays de l’OTAN en dépenses militaires par rapport au PIB. Les priorités politiques, à l’heure où nous traversons une crise multidimensionnelle profonde, ne pouvaient pas être plus à l’opposé de l’intérêt commun. Pour les éviter, il aurait fallu renoncer à l’extraction de gaz fossile en méditerranée orientale.

En effet, ces dépenses sont justifiées par le conflit pour l’instant froid qui oppose la Grèce et Chypre à la Turquie voisine et contribuent à l’augmentation de la dette illégitime du pays. En mer Égée et Ionienne, la Grèce regorge de ressources gazières ce qui n’est pas sans intéresser de nombreuses compagnies étrangères telles que Total, ENI, Exxon Mobil, Energean, Repsol et bien d’autres qui ont déjà signé des accords d’exploitation. Durant l’été 2020, le gouvernement d’Erdogan, très en colère de ne pas profiter des ressources gazières, annonçait sa volonté de remettre en question ses frontières maritimes avec la Grèce en passant un accord avec la Lybie, alors que la Grèce passait elle des accords avec Chypre, l’Égypte et dans un autre cadre Israël.

Les compagnies étrangères seront les premières bénéficiaires de ces exploitations au détriment des peuples grecs, turcs et chypriotes qui en subiront tous les coûts et dans le pire scénario, un conflit armé qui pourrait émerger de cette bataille pour les hydrocarbures. Plusieurs plateformes militantes se sont ainsi constituées ou exprimées contre ces projets. On peut citer notamment une initiative tri-communautaire qui réunit turc·ques, grec·ques et chypriotes sous le nom « Don’t dig » (Μας σκάβουν τον λάκκο – Kazma Birak) [10], ou encore « Save Greek seas » qui avait lancé une pétition en 2020 contre l’exploitation d’hydrocarbures en mer Ionienne [11].

Ces mouvements de contestation n’ont malheureusement pas encore de moyens suffisants pour faire face à la colonisation par la dette qui se déploie à vive allure dans les pays du Sud-Est de l’UE. Ces pays s’endettent pour rembourser leurs créanciers et implanter des infrastructures qui servent les bénéfices d’entreprises étrangères provenant des pays de ces mêmes créanciers. C’est pour cette raison que l’audit des dettes publiques par les peuples, l’annulation des dettes illégitimes et la redéfinition radicale des priorités politiques est une condition sine qua non au ralentissement de l’aggravation des multiples crises et en particulier des crises climatique et sociale en cours.

Extractivisme minier : Eldorado Gold a repris ses activités minières en Grèce 

Le 4 février 2021, le parlement grec approuvait la relance des activités de la mine d’or de Skouries initié par Hellas Gold, une filiale locale de l’entreprise canadienne Eldorado Gold, dans la région de Chalcidique au Nord du pays, en annonçant la signature d’un contrat d’exploitation. Cela a ravivé les souvenirs d’un mouvement d’opposant·es qui s’était constitué il y a quelques années et qui avait gagné une bataille importante lorsque Syriza avait décidé de stopper le projet minier en 2015 à cause de ses effets néfastes sur l’environnement, l’extraction aurifère étant particulièrement polluante et toxique.

L’annonce de la reprise marquée par la signature du fameux contrat entre les principaux intéressés (le gouvernement grec et Hellas Gold), a suscité l’enthousiasme des ambassades du Canada et des États-Unis qui n’ont pas manqué de saluer la nouvelle avec un communiqué commun [12]. Mitsotakis a bien tenu ses promesses puisqu’avant son élection, il s’était engagé à relancer l’activité minière de Skouries tout en exigeant que certaines « garanties » environnementales soient respectées. Après le vote de la loi anti-environnementale, Eldorado Gold et sa filiale grecque ont pu facilement offrir ces « garanties ».

En réalité le contrat signé entre le gouvernement et Hellas Gold, qui en constitue la base, représente une grave violation des lois et des dispositions européennes. Les dispositions de la Constitution grecque ont également été ignorées [13]. En réponse à ces accusations, l’actuel ministre de l’Environnement, M. Skrekas, successeur de K. Hatzidakis, a insisté sur l’augmentation des recettes publiques et des emplois pour défendre sa position, tout comme l’avaient fait les ambassades du Canada et des États-Unis dans leur communiqué commun. Le 18 mars dernier, la loi a finalement été votée, le parti Nouvelle Démocratie bénéficiant toujours d’une large majorité.

Les autorités locales et les mouvements sociaux ont de leur côté exprimé leur vive opposition au projet extractiviste du gouvernement et de l’entreprise Hellas Gold. Ils ont déclaré que le nouveau contrat ne les satisfaisait pas puisqu’il était largement en faveur de l’entreprise et contre l’intérêt public et ceux de la région. Ils ont annoncé également leur volonté de résister au projet en rappelant que les descentes de police, les menaces, les poursuites et les tribunaux n’avaient pas découragé la contestation il y a quelques années. Cela démontre que sur le terrain, la mémoire reste vive.

 L’hypocrisie à son comble à la COP26

À l’occasion de la COP26, le Premier ministre grec, Kyriakos Mitsotakis a annoncé, avec fierté, la poursuite du développement massif et autoritaire de l’industrie des énergies renouvelables, notamment éolienne, qui permettrait au pays de dépasser selon lui les objectifs de l’UE pour 2030 en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Il n’a pas évoqué les contestations de la population, les répressions auxquelles elle fait face, les nombreuses magouilles législatives mises en œuvre par son gouvernement pour contourner les réglementations européennes en matière de protection de l’environnement, ni les destructions environnementales qui accompagnent les projets en cours d’installation. Il n’a pas évoqué non plus les gisements de gaz.

Mitsotakis a également annoncé, avec la même fierté, que l’énergie éolienne serait développée en mer jusqu’à ce que la production énergétique totale atteigne 2 gigawatts en 2030, ce qui est énorme ! Les accords que le gouvernement grec a passé avec l’Égypte pour que la région devienne un « hub » de l’énergie renouvelable pour l’Union européenne ont été présentées, ainsi que les négociations en cours avec l’Arabie Saoudite (premier exportateur mondial de pétrole qui investit maintenant dans le renouvelable).

Ces déclarations sont extrêmement inquiétantes. Le développement soi-disant « vert » de la production énergétique en Grèce, mais aussi chez les voisin·nes chypriotes et turc·ques [14], cache une nouvelle forme d’industrialisation masquée sous une panoplie d’adjectifs qui font désormais partie du jargon bien connu du greenwashing. Il est important de combattre toute logique productiviste, quelle que soit le nom qu’on lui donne, et de révéler l’hypocrisie profonde des discours des personnes à la tête de nos gouvernements. Il est également impératif de stopper toute forme d’extraction des gaz fossiles en méditerranée qui pourrait mener à une guerre. Les pays créanciers, et en particulier la France et l’Allemagne, ont d’énormes responsabilités vis-à-vis des peuples grec, turc et chypriote. Mitsotakis et son gouvernement ne font qu’enfoncer le pays dans la voie d’un nouvel ordre colonial peint en vert.


Merci à Marina Kontara, Camille Bruneau, Mats Lucia Bayer et Jérémie Cravatte pour leurs commentaires et suggestions.

Notes

[3Ce budget servira à l’implantation des infrastructures nécessaires à la production d’énergie renouvelable et à sa distribution, ainsi qu’au développement du transport « smart » et électrique, à l’éclairage des routes et à la rénovation des bâtiments.

[4Le taux d’endettement public a été gonflé afin de justifier l’intervention de la Troïka en Grèce.

[5Le chômage a dépassé les 15 % en mai 2021, les femmes sont particulièrement touchées, et la Grèce détient le record de l’Union Européenne pour le chômage des jeunes avec environ 38,2 % de jeunes sans emploi en mai 2021.

[8DEI devrait achever un plan d’augmentation de son capital privé d’une valeur d’environ 750 millions d’euros d’ici début novembre, suite à une décision prise par son conseil d’administration et approuvée par les actionnaires en octobre.

[9La privatisation de la compagnie grecque d’électricité a été décidée lors des deuxième et troisième mémorandum : 17 % lors du 2nd (Samaras) et 34 % lors du 3e (Tsipras).

[11Petition · Non au projet de prospections et d’extractions d’hydrocarbure en Grèce · Change.org

[14La Banque mondiale, la France et l’Allemagne ont passé des accords avec la Turquie pour le développement de l’industrie renouvelable en échange de prêts d’une valeur de 3,2 milliards de dollars US.

Des mobilisations victorieuses en Grèce sur fond d’État policier

 

A. Sartzekis

Les commémorations de la révolte et du massacre des étudiantEs de l’université Polytechnique sous la junte des colonels en 1973 constituent chaque année un assez fiable baromètre de la température sociale et politique en Grèce.

Si l’an passé, le gouvernement de droite extrême de Mitsotakis avait prétexté la pandémie pour interdire les manifs – qui avaient pourtant eu lieu ! –, cette année, le prétexte aurait été trop gros, alors que la politique du Premier ministre commence à être massivement désavouée, quels que soient les efforts des médias aux ordres (auxquels le pouvoir a généreusement distribué 40 millions d’euros). Ce 17 novembre, les manifs ont été massives un peu partout, et bien sûr à Athènes (30 000 manifestantEs), avec présence impressionnante de la jeunesse, et même si Mitsotakis n’a pas osé pousser la provocation (tout en déployant 6 000 policiers), la répression a été forte à Salonique, avec aussi des intimidations pour empêcher les jeunes d’aller aux manifs.

Un automne social prometteur ?

Ce qui change ces derniers mois, c’est avant tout le climat social. Alors que le gouvernement adopte des lois patronales sur mesure, de très grosses mobilisations ont eu lieu récemment : grève générale et totale des marins les 10 et 11 novembre, grève victorieuse des travailleurEs de la zone portuaire du Pirée contre l’entreprise chinoise Cosco, propriétaire de presque tout le port industriel, après la mort d’un ouvrier victime des conditions de travail… Les mobilisations dans le secteur des livraisons et de la restauration ont culminé en septembre, avec une grève exemplaire des livreurEs de la société efood, soutenue par de nombreux clientEs qui ont alors résilié leur abonnement. Résultat : passage en CDI pour plus de 2 000 employéEs, avec prise en compte de l’ancienneté. La mobilisation dans le secteur s’est prolongée contre les conditions du travail précaire : nouvelle grève victorieuse pour des équipements de sécurité le 9 novembre… Et contre le refus de leur direction syndicale d’une mobilisation accrue contre l’évaluation, de nombreux enseignantEs continuent la bataille contre une ministre peut-être pire que Blanquer !

Fuite en avant à droite toute

Face à cette colère croissante, la droite est visiblement inquiète et quelques signes indiquent un début de division. Mitsotakis choisit de renforcer le cours « orbanesque », appuyé sur le courant d’extrême droite dans son parti et au gouvernement. Ainsi, alors que des enquêtes internationales indiquent que c’est en Grèce que l’antisémitisme s’affiche le plus en Europe, il a cet été nommé ministre de la Santé un ancien avocat fasciste (fils de l’idéologue grec du nazisme) connu pour ses déclarations antisémites, provoquant l’inquiétude de la communauté juive, et perçu comme une provocation face à une situation sanitaire fort grave (chaque jour environ 80 à 90 morts du virus), la droite refusant de renforcer l’hôpital public. Une série de lois renvoyant aux périodes sombres ont été votées, telle celle sur un code pénal réprimant la liberté d’expression… Les services de renseignements, placés sous le seul contrôle de Mitsotakis, fliquent des journalistes, des avocatEs, des militantEs. La police semble pouvoir faire ce qu’elle veut : récemment, un jeune Rom a été tué (36 balles tirées) par des policiers ayant d’ailleurs désobéi aux ordres d’arrêter la poursuite… et soutenus par le ministre (ex-député fasciste) du Développement et par le ministre de la Police ! Ce climat d’intimidation lié à une politique ultra-libérale catastrophique, loin de provoquer la soumission recherchée, renforce une combativité évidente au quotidien. Étape suivante : comment dans la période à venir faire s’amplifier et s’organiser largement cette combativité, face à des lois récentes instaurées contre le droit de grève et les syndicats de lutte ? 

Source https://lanticapitaliste.org/actualite/international/des-mobilisations-victorieuses-en-grece-sur-fond-detat-policier

Guadeloupe Martinique Grève générale

Après la Guadeloupe, la Martinique en grève générale : « nous lançons un appel aux travailleurs français »

24 novembre 2021 Maïa Courtois

 Les habitants de Martinique, dans la foulée de la Guadeloupe, lancent une grève générale. La Polynésie française pourrait en entamer une aussi, dès ce mercredi 24 novembre. Sur ces trois territoires, l’obligation vaccinale a été le point d’achoppement à l’origine du mouvement. Mais les revendications dépassent ce seul conflit, et remettent sur la table des enjeux de pauvreté, d’état des services publics et de scandales sanitaires. 

 Dans les rues de Fort-de-France, lundi 22 novembre, près d’un millier de Martiniquais a défilé dans le cadre d’une grève générale initiée par 17 syndicats. Des blocages et des piquets de grève sont apparus, de Fort-de-France à la commune du Lamantin. « Trois ou quatre zones commerciales ont été bloquées, ainsi que le port de Fort-de-France », relate Gabriel Jean-Marie, secrétaire générale de la CGT Martinique (CGTM), premier syndicat du territoire.

Le discours d’Emmanuel Macron du 12 juillet, sur l’obligation vaccinale pour les soignants et l’application du passe sanitaire, en a été le déclencheur. « Dire que l’on va suspendre leur contrat de travail à des gens qui ont 20 ans d’expérience comme soignants, et qui ont bossé pendant des mois sans protection, sans blouses, dans les conditions que vous connaissez… Ça a été la goutte de trop », retrace Gabriel Jean-Marie. « Les soignants sont en première ligne ; mais tous les autres corps de métiers – enseignants, agents territoriaux, pompiers…- sont impactés par ces obligations », précise Thierry Jeanne, à la tête de l’UNSA Territoriaux en Martinique.

Au cours de cette allocution, le chef de l’État avait également évoqué la réforme des retraites ou de l’assurance-chômage. Après plusieurs mois de mobilisation, « nous avons donc ajouté un certain nombre de revendications, et appelé le monde du travail à se mettre en grève générale », souligne Gabriel Jean-Marie. Deux syndicats avaient appelé à la commencer dès le 15 novembre ; la quasi-totalité du monde syndical l’a initiée ce lundi.

 Guadeloupe, Martinique, Polynésie : effet boule de neige ?

 La grève générale martiniquaise se structure en parallèle de celle en cours en Guadeloupe. « Depuis le 17 juillet, des milliers de Guadeloupéens manifestent toutes les semaines, pour demander l’ouverture de négociations, autour de leurs revendications. Ni le préfet, ni les maires, ni personne d’autre ne nous a considérés », affirme Elie Domota, porte-parole du LKP, dans le journal radio de Guadeloupe La 1ère. Là encore, l’obligation vaccinale a été le déclencheur des manifestations. Depuis le 15 novembre, une grève générale a été lancée. Lundi 22 novembre, Emmanuel Macron a dénoncé des « manipulations par certains de cette situation », en martelant : « on ne peut pas utiliser la santé des Françaises et des Français pour mener des combats politiques ».

Assiste-t-on à un effet d’entraînement entre territoires ? La Guadeloupe et la Martinique ne sont distantes que « de plusieurs dizaines de kilomètres, avec beaucoup de contacts entre les familles », rappelle Gabriel Jean-Marie. D’une île à l’autre, « c’est le même combat. Mais il ne va pas forcément prendre la même forme, avec les mêmes débordements, en Martinique », juge de son côté Thierry Jeanne.

En Polynésie française aussi, une grève générale illimitée pourrait être lancée dès ce mercredi 24 novembre. Quatre confédérations syndicales ont déposé un préavis de grève, dont les revendications résonnent avec celles de Guadeloupe et de Martinique. Retrait de la loi sur l’obligation vaccinale, refus de la réforme de la Caisse de Prévoyance Sociale, application de la loi sur la protection de l’emploi local, augmentation du pouvoir d’achat… Sur ce dernier point, il est demandé une « revalorisation du pouvoir d’achat à 4% » côté public ou une « revalorisation des minimas des grilles salariales dans les secteurs d’activités du pays à 5% » côté privé, détaille Tahiti Infos.

 « L’explosion sociale »

 En Guadeloupe, une plateforme de 32 revendications a été présentée. Elle avait déjà été communiquée aux autorités, le 2 septembre. L’accès à des services publics de qualité (dont les défaillances ont été décryptées par Bastamag), est au coeur des demandes.

« Le gouvernement veut réduire la mobilisation à un simple mouvement contre la vaccination, camoufler la profondeur de la crise et les revendications au cœur de l’explosion sociale », estime Sud PTT dans un communiqué de soutien publié le 23 novembre. Or, au-delà des enjeux sanitaires, il s’agit « d’une légitime colère contre les discriminations dont sont victimes les guadeloupéen·e·s, l’état des services publics ou les mensonges d’Etat concernant le chlordécone ». La Poste a ainsi supprimé près de 50 emplois en Guadeloupe courant 2021, malgré le contexte social difficile, souligne le syndicat.

 L’obligation vaccinale, « sujet du jour » ou simple déclencheur ?

 Le 14 novembre, les ministres Olivier Véran et Sébastien Lecornu ont repoussé la date d’entrée en vigueur de l’obligation vaccinale en Martinique au 31 décembre. Insuffisant pour calmer les esprits : « on demande l’abrogation de cette loi. D’ailleurs, Macron avait déclaré que jamais il ne mettrait en œuvre l’obligation vaccinale…», martèle Gabriel Jean-Marie. Et d’insister : « nous militons contre l’obligation vaccinale ; mais pas contre la vaccination ! »

Les 17 syndicats martiniquais ayant signé le préavis de grève générale présentent dix revendications. Parmi celles-ci : la fin de l’obligation vaccinale, mais aussi la hausse des salaires et des minima sociaux, et la baisse du prix des carburants. Ou encore, la prise en charge totale des tests de chlordéconémie, une maladie liée au chlordécone, cet insecticide utilisé dans les bananeraies jusqu’en 1993 qui pollue encore les sols.

Pour Thierry Jeanne, la priorité de cette grève générale doit être « la solidarité avec les soignants ». L’obligation vaccinale est « le sujet du jour » ; les autres revendications doivent rester « en toile de fond ».  Mais toutes les forces en présence ne tiennent pas le même discours. En Martinique comme en Guadeloupe, difficile de déterminer si l’obligation vaccinale est au coeur de la colère sociale, ou si elle n’est que la goutte d’eau qui a fait déborder le vase.

 Un « gouvernement d’incendiaires »

 Le dialogue avec les autorités semble, dans tous les cas, rompu. « Dans un courrier daté du 29 septembre 2021, le préfet rejetait l’ensemble des propositions et mettait fin à toutes négociations », rappellent, dans un communiqué du 19 novembre, les Organisations en lutte contre l’obligation vaccinale et le passe sanitaire en Guadeloupe. « La seule réponse des services de l’Etat et des patrons du privé : arrestations arbitraires, harcèlement des travailleurs, violences policières, condamnations, suspension des contrats de travail ».

« Il faut que l’ordre public soit maintenu » en Guadeloupe, a soutenu Emmanuel Macron le 22 novembre. Le GIGN et le Raid ont été envoyés sur place, à l’issue d’une cellule de crise interministérielle le 20 novembre. « Lorsque vous envoyez les unités d’élite, ce n’est pas pour calmer les choses, mais les envenimer », observe Gabriel Jean-Marie. Ce dernier dénonce un « gouvernement d’incendiaires, qui jette de l’huile sur le feu ».

En Martinique, la deuxième revendication affichée par les syndicats dans leur préavis de grève est « l’arrêt de la répression qui frappe les salariés en lutte ». Gabriel Jean-Marie évoque les soignants qui avaient été menottés et interpellés mi-octobre devant le CHU de Fort-de-France. À l’image des forces de l’ordre envoyées en Guadeloupe, tout ceci s’inscrit, à ses yeux, dans une « histoire ancienne de la répression coloniale ».

 De 2009 à aujourd’hui, le défi du front commun

 Les revendications présentées en Guadeloupe comme en Martinique ressemblent à celles mises en avant lors des grèves générales de 2009. Les syndicats ont en tête ce modèle historique de mobilisation populaire. « La pauvreté n’a pas évolué depuis 2009 ; le pouvoir d’achat n’a pas augmenté depuis 2009, malgré beaucoup de promesses. Forcément, ça ne peut que faire écho », estime Thierry Jeanne.

« Nous lançons un appel aux travailleurs de France », répète Gabriel Jean-Marie, qui espère cette fois transformer l’essai. « Le combat que nous menons, c’est celui que mènent de nombreux travailleurs sur leurs conditions de travail précaires ou le prix des carburants ». Mais la jonction avec l’Hexagone n’est pas évidente. En 2019, les Gilets Jaunes avaient repris des revendications et des modes d’action (comme l’occupation de ronds-points) expérimentés aux Antilles en 2009. Avec dix ans d’écart. « Les Gilets Jaunes, c’était une déflagration, mais en différé », observe le leader syndical.

Qu’en sera-t-il aujourd’hui ? Gabriel Jean-Marie ne désespère pas de faire front commun. « Nous disons aux travailleurs français : le gouvernement qui nous opprime, c’est le même. Plutôt que de s’observer et de lancer des mouvements séparés, unissons nos forces ».

Source https://rapportsdeforce.fr/classes-en-lutte/apres-la-guadeloupe-la-martinique-en-greve-generale-nous-lancons-un-appel-aux-travailleurs-francais-112411890

Italie : la mobilisation exemplaire des travailleurs·ses de GKN et l’Europe néolibérale

La fermeture de l’usine historique GKN, près de Florence, et la mobilisation ouvrière qui s’y déploie constituent un cas exemplaire à bien des égards. Celui-ci montre notamment que l’Union européenne n’est pas un cadre neutre mais un moyen pour les bourgeoisies du continent de mettre en concurrence les travailleurs·ses et les systèmes sociaux des différents pays qui la composent. 

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« Nous avons les larmes aux yeux, un millier d’histoires humaines à raconter, mais ce n’est pas le sujet aujourd’hui. Nous ne sommes pas les pauvres travailleurs qui rentrent chez eux. Nous sommes dignité, fierté et résistance. Faites-vous une faveur en vous unissant à notre lutte. Insurgeons-nous ».

Ces phrases sont les premiers mots des centaines de travailleurs et travailleuses de l’usine historique GKN de Campi Bisenzio, près de Florence, lorsqu’ils ont appris par email début juillet la fermeture immédiate de leur usine – et donc leur licenciement.

422 employés, auxquels il faut ajouter au moins quatre-vingts travailleurs et travailleuses en sous-traitance (cantine, nettoyage, etc.). Certains d’entre eux y travaillaient depuis vingt ou trente ans, une vie passée à fabriquer des pièces détachées pour les plus grandes marques automobiles italiennes et européennes. Du jour au lendemain, à la rue. Malgré les raisons invoquées par la multinationale pour expliquer la crise, les travailleurs de GKN sont catégoriques : il ne s’agit pas d’une usine en crise, ici les commandes sont nombreuses et le travail constant.

Face à une décision qui leur semble absurde, les travailleurs et travailleuses décident de se battre : ils occupent l’usine et constituent une assemblée permanente, organisent des rassemblements et des manifestations gigantesques, font le tour de l’Italie pour construire un réseau de solidarité local et national, convoquent une assemblée de juristes solidaires pour rédiger avec eux une loi contre les licenciements et les délocalisations. Et ils obtiennent un large soutien de l’opinion publique et une très grande visibilité médiatique.

À gauche comme à droite, les déclarations de soutien des politiciens se succèdent, et le maire de Campi Bisenzio prend même un arrêté interdisant le transit des camions TIR pour empêcher la multinationale britannique de venir récupérer ses machines. Le gouvernement annonce même une loi anti-délocalisation pour laquelle il prétend vouloir s’inspirer de notre très inefficace « loi Florange ». Et les travailleurs gagnent une première bataille : en septembre, le tribunal du travail de Florence a annulé l’ouverture des licenciements collectifs pour « comportement antisyndical » de la direction. Mais il est évident que la multinationale n’abandonnera pas si facilement, et que la bataille ne s’arrêtera pas là.

De Campi Bisenzio, Birmingham, Offenbach… à Olesnica

On n’en parle pas beaucoup dans les journaux italiens, mais pendant ce temps, dans le nord industriel de l’Angleterre, les travailleurs de GKN-Driveline Birmingham vivent depuis des mois une situation très similaire à celle de Campi Bisenzio. En janvier 2021, GKN a annoncé la fermeture, prévue pour 2022, de son site automobile de Chester Road à Erdington – là encore un site historique de l’industrie métallurgique britannique datant des années 1930. Il s’agirait d’au moins 519 personnes licenciées, et jusqu’à 1 000 autres travailleurs de la chaîne d’approvisionnement qui pourraient perdre leur emploi.

Là aussi, les travailleurs se mobilisent et reçoivent des déclarations de solidarité de droite et de gauche. Le gouvernement propose d’investir dans la formation professionnelle et l’achat de nouvelles machines pour éviter la fermeture. En mai, les travailleurs présentent un business plan alternatif pour sauver leur usine – plan immédiatement rejeté par la multinationale. Il y a quelques semaines, les travailleurs de GKN Erdington se sont exprimés, avec 95 % de votes favorables et 95 % de participation, pour une grève illimitée contre la fermeture de leur usine.

Vu sous l’angle européen, on comprend mieux les enjeux de l’affaire de Campi Bisenzio. Lors de l’acquisition controversée de GKN par le fonds d’investissement britannique Melrose Industries pour 8,1 milliards de livres sterling en 2018, l’acheteur avait promis de mettre en avant le « bien-être des employés » de ses filiales. Ce qui ne l’a pas empêché bien sûr de faire exactement le contraire. Même avant les licenciements de Campi Bisenzio et d’Erdington, en effet, en 2019, la multinationale annonçait la fermeture de son usine GKN-Aerospace de Kings Norton, toujours à Birmingham, qui a fermé ses portes en mars 2021 : au moins 170 personnes ont été licenciées. Enfin, fin 2020, GKN/Melrose supprimait 540 emplois dans sa filiale allemande GKN-Driveline à Offenbach.

Ces licenciements ne sont pas le résultat d’une crise du secteur automobile ou de la multinationale, ou encore moins du site de Florence. Dans une récente interview, le PDG de GKN Automotive, Liam Butterworth, estimait que 102 millions de véhicules seront fabriquées en 2030 contre 89 millions en 2019, et se montrait particulièrement enthousiaste quant aux énormes possibilités offertes par la transition vers les véhicules électriques.

Avec 27 000 travailleurs et 51 sites de fabrication dans 20 pays différents, un chiffre d’affaires de 4,7 milliards de livres sterling en 2019, l’entreprise se targue de fournir des composants à 90 % des constructeurs automobiles mondiaux pour 50 % des voitures produites dans le monde. Le PDG britannique entend doubler la taille de l’entreprise d’ici 2030 en restant à la pointe de la course à l’électrification. Par ailleurs, le site de Florence était en pleine reprise économique après le ralentissement dû à la pandémie : le premier trimestre 2021 avait montré une augmentation du chiffre d’affaires global de l’entreprise de 7% par rapport au dernier trimestre 2020, et un surplus budgétaire de 14%.

En d’autres termes, ces licenciements ne correspondent évidemment pas à une gestion économique axée sur les besoins des personnes ou de l’environnement, mais à une pure logique de spéculation financière. La devise de Melrose est « buy, improve, sell » : « achète, améliore et vends » – où « améliorer » signifie généralement réduire les coûts de main-d’œuvre et donc gonfler les dividendes des actionnaires. Il est très probable, notamment dans les cas de Birmingham et de Florence, que l’intention de l’entreprise soit de transférer la production vers d’autres pays de l’UE, en partie probablement vers Olesnica en Pologne, où les salaires sont plus bas et les syndicats plus faibles. Le fait est qu’immédiatement après l’annonce des fermetures d’usines, le cours de l’action de Melrose a recommencé à monter en bourse.

Le sort des travailleurs italiens, britanniques et allemands de GKN n’a rien d’original. Au contraire, c’est le sort commun de centaines de milliers de travailleurs dans l’Europe du capital que nous avons construite depuis soixante-dix ans. Une Union européenne qui consacre la libre circulation des marchandises, des capitaux et des entreprises, et qui est fondée sur la concurrence fiscale, sociale et salariale entre les États membres. Dans cette Union européenne, les quelques instruments censés protéger les intérêts des travailleurs et des travailleuses sont trop faibles et inefficaces pour être d’un quelconque secours à ceux qui tentent aujourd’hui de sauver leur usine à Campi Bisenzio. Et pourtant il aurait pu en être autrement.

Démocratie économique

L’extrême assujettissement des travailleurs et des travailleuses face à la toute-puissance des multinationales et du capital financier en Europe et dans le monde n’est pas le fruit du hasard ou de la fatalité. Il est le résultat de décennies de lutte de classe qui, depuis la seconde moitié des années 1970, a vu la réaffirmation progressive des intérêts du capital aux dépens d’une classe ouvrière de plus en plus fragmentée – et cela non seulement au niveau local ou national, mais surtout à l’échelle transnationale. Dans ce scénario, le rôle de la « construction européenne » a été crucial.

À la fin des années 1960 déjà, l’imbrication croissante des économies européennes et mondiales, ainsi que le pouvoir grandissant des entreprises multinationales en Europe, rendaient évidentes la nécessité pour les gauches de s’organiser de manière transnationale. C’est à cette époque que le projet d’une « Europe sociale » – ou « Europe des travailleurs » – prit véritablement racine à gauche. En lieu et place de l’Europe libérale qui s’était construite depuis la guerre, la plupart des partis et syndicats socialistes, et même certains des partis et syndicats communistes européens, commençaient alors à appeler à une réforme des politiques et institutions de la Communauté européenne (qui ne s’appelait pas encore Union européenne) qui servirait les intérêts des travailleurs et travailleuses.

Ce projet promouvait la redistribution des richesses, la régulation des marchés et la planification économique, l’harmonisation sociale et fiscale, l’augmentation des fonds sociaux et régionaux européens, un plus grand contrôle des mouvements de capitaux, des grandes entreprises et des multinationales, la redistribution du travail par la réduction du temps de travail, etc. Et tout cela, pas uniquement au niveau national, mais au niveau continental ; formant ainsi une idée d’Europe très différente de l’Europe néolibérale qui allait ensuite s’affirmer progressivement, surtout depuis les années 1980.

L’une des principales revendications de cette « Europe des travailleurs » était la démocratisation de l’économie et des entreprises. La question avait été mise en lumière à la suite du réveil de la combativité ouvrière depuis la fin des années 1960 : assemblées de travailleurs, grèves sauvages, occupations d’usines et expériences d’autogestion ouvrière, comme l’emblématique entreprise LIP en France, exprimaient la volonté des travailleurs de peser dans la gestion des entreprises. Cet élan fut repris par la gauche européenne, bien que sous des formes variées et divergentes, y compris en fonction du contexte national. Par exemple, alors qu’en France se répandait surtout l’idée d’autogestion des usines par les ouvriers, en Allemagne, c’est l’idée de la cogestion par des représentants des ouvriers et du patronat qui dominait.

Dans les années 1970, la question inspira de nombreuses propositions de réforme en Europe. En Italie, l’apparition des conseils d’usine après 1968 et le Statut des travailleurs de 1970 renforcèrent le rôle des travailleurs et de leurs représentants syndicaux dans les entreprises. En Allemagne, la loi de 1976 sur la codétermination (Mitbestimmung) étendit la participation des représentants des travailleurs aux conseils de surveillance (mais pas aux conseils de direction) à toutes les entreprises de plus de 2 000 salariés.

Au Royaume-Uni, le rapport Bullock de 1977, commandé deux ans plus tôt par le Premier ministre travailliste Harold Wilson (mais jamais mis en œuvre), allait beaucoup plus loin que la codétermination à l’allemande, en formulant une proposition connue sous le nom de « 2x + y », qui prévoyait le même nombre d’administrateurs choisis par les travailleurs et les employeurs au sein du conseil d’administration, complété par un certain nombre d’administrateurs nommés par l’État. En Suède, le Plan Meidner présenté en 1975 par la principale confédération syndicale du pays, LO, visait à la socialisation progressive de la propriété des entreprises.

La question de la démocratisation de l’économie se posa également au niveau européen, tant par le biais des syndicats – qui s’organisaient et s’unifiaient alors à l’échelle du continent avec la création en 1973 de la Confédération européenne des syndicats (CES) – que par celui de la social-démocratie européenne, qui connaissait alors d’importants succès électoraux. Ainsi, la Commission européenne élabora une série de propositions – systématiquement écartées ensuite par le Conseil européen – visant à garantir la représentation des travailleurs dans la gestion des entreprises ou à créer des comités d’entreprise transnationaux.

À ces tentatives de renforcer le contrôle des travailleurs dans les entreprises s’ajoutaient celle du mouvement syndical international – reconstruite par Francesco Petrini – d’établir un contrôle démocratique sur les multinationales. Face au phénomène émergent des délocalisations ou des techniques d’évitement fiscal adoptées par les grandes entreprises, le syndicalisme international développa diverses stratégies pour endiguer la perte de pouvoir d’organisation et de négociation qui en résultait pour lui.

Tout d’abord, les syndicats essayèrent de développer des structures syndicales transnationales au niveau de l’entreprise, les Comités d’entreprise mondiaux. Deuxièmement, ils s’activèrent au sein d’organisations internationales telles que les Nations unies et l’Organisation internationale du travail afin d’obtenir un cadre juridique pour réglementer les activités des multinationales. Cette tentative, qui trouvait un allié important dans le mouvement des pays du tiers monde, se heurta à une forte résistance de la part du big business et des gouvernements qui le représentait (États-Unis en tête) et n’aboutit qu’à l’adoption de codes de conduite vagues et non contraignants pour les multinationales.

La troisième stratégie se développa au sein de la Communauté européenne (CE), la seule organisation internationale dotée de pouvoirs législatifs supranationaux. Ici, les tentatives de démocratisation des entreprises et de contrôle des multinationales culminèrent avec la proposition d’une directive européenne sur l’information et la consultation des travailleurs dans les sociétés transnationales. Celle-ci fut présentée en 1980 par le commissaire européen aux affaires sociales, le travailliste néerlandais Henk Vredeling – un des principaux promoteurs des revendications syndicales et socialistes en faveur d’une « Europe sociale » – qui réussit à faire adopter sa proposition par la Commission, malgré les fortes critiques et l’hostilité de la plupart des commissaires.

Bien qu’elle n’eût rien de révolutionnaire – il s’agissait d’information et de consultation, pas de codécision et encore moins d’autogestion – cette proposition était néanmoins considérée comme une menace sérieuse par les multinationales, car elle favorisait la possibilité pour les travailleurs de s’organiser au niveau transnational. Le texte stipulait que les décisions des entreprises multinationales sur toutes les questions « susceptibles d’affecter substantiellement les intérêts des travailleurs » (y compris les investissements, les fermetures ou transferts, les changements organisationnels majeurs, les fusions, etc.) seraient soumises à l’information et à la consultation des représentants des travailleurs dans les filiales européennes. En outre, les entreprises concernées seraient soumises à des obligations de divulgation (concernant leur situation économique, leur production, leurs investissements, leurs projets de restructuration, l’introduction de nouvelles méthodes de travail et de nouvelles technologies, etc.).

En outre, le projet de directive visait à rendre les sièges des sociétés multinationales responsables devant les travailleurs de leurs filiales. En effet, la clause dite de « by-pass » permettait aux représentants des travailleurs d’entrer en consultation directe avec le siège de la société dans le cas où sa filiale locale ne fournirait pas d’informations satisfaisantes, même quand le siège serait situé en dehors de la Communauté européenne. Dans ce dernier cas, la société mère devrait désigner un « agent » au sein de la Communauté européenne pour informer et consulter les employés ; sinon, cette responsabilité incomberait à la plus grande filiale de la société au sein de la Communauté européenne.

La directive devait s’appliquer à toutes les entreprises multinationales comptant plus de 99 employés et à toutes les entreprises dont le siège social se trouvait en dehors de la Communauté européenne mais qui employaient plus de 99 travailleurs dans une de leurs filiales européennes. En bref, en s’attaquant au secret des affaires, en contournant la gestion locale et en étant applicable aux entreprises hors de la CE, la directive entendait frapper la liberté absolue et l’immunité aux négociations collectives dont jouissaient – et dont jouissent encore aujourd’hui – les entreprises opérant dans plus d’un pays. Enfin, par rapport à d’autres accords internationaux, la « directive Vredeling » aurait été juridiquement contraignante.

L’échec de la gauche européenne

Naturellement, la proposition de directive déclencha une réaction féroce de la part des multinationales et de leurs alliés politiques – et déclencha ce qui fut décrit à l’époque comme la campagne de lobbying la plus coûteuse de l’histoire du Parlement européen. Les milieux d’affaires européens, américains et internationaux déchaînèrent leurs pressions auprès de la Commission européenne, le Conseil et les États membres, mais aussi du Parlement européen et du Comité économique et social, qui n’avaient pourtant qu’un pouvoir consultatif. Les détracteurs décrivaient la directive comme une « véritable révolution ». L’UNICE – l’organisation du patronat européen, aujourd’hui BusinessEurope – rejeta fermement la proposition jugée « inacceptable » ; « inutile » étant donné qu’il existait déjà les codes de conduite (non contraignants) de l’OCDE, des Nations unies et de l’OIT ; préjudiciable à l’autorité des employeurs et à la compétitivité des entreprises au sein de la communauté.

Tout comme l’UNICE, d’innombrables chambres de commerce internationales et nationales, des organisations patronales, des multinationales européennes, américaines et japonaises, des politiciens et des fonctionnaires engagèrent des efforts constants pour s’opposer à la directive, en critiquer chaque détail, et retarder la procédure, dans le but de la faire enterrer. Au Congrès américain, des projets de loi furent même présentés pour protéger les entreprises américaines de la directive, par exemple pour empêcher les entreprises américaines de divulguer des informations en Europe.

Face à une contre-offensive aussi massive, comme pour toutes ses propositions pour une Europe sociale, la gauche européenne aurait dû intensifier ses efforts pour construire un bloc social et politique efficace. Outre la Commission et les États membres, l’un des principaux champs de bataille institutionnels était le Parlement européen qui, bien que n’ayant encore qu’un rôle consultatif, commençait à gagner en légitimité politique, notamment à la suite de sa première élection directe en 1979. Son avis pouvait donc influencer les décisions de Communauté, et les élites économiques en étaient bien conscientes. Malheureusement pour la gauche européenne, les élections de 1979 avaient marqué l’émergence d’une majorité de droite composée de conservateurs, de chrétiens-démocrates, de libéraux et de gaullistes. La gauche du Parlement européen aurait donc dû travailler très dur pour gagner le soutien de membres des autres groupes, notamment les chrétiens-démocrates de gauche, plus proches des syndicats.

La bataille n’était pas perdue d’avance ; au contraire, au cours des premiers mois, le Conseil et le Comité économique et social, ainsi que la commission des affaires sociales du Parlement, donnaient des signes encourageants pour la gauche européenne. Mais lors de la préparation des débats en séance plénière à l’automne 1982, la majorité de droite déposa près de 300 amendements tandis que l’attitude des députés socialistes ressembla à de l’auto-sabotage, entre absentéisme, manque de discipline dans le vote et une faible capacité à rallier des soutiens dans les autres groupes.

La directive fut donc démantelée au moment du vote. Au cours des années suivantes, le lobby industriel continua de faire pression pour enterrer la proposition, recevant pour cela une aide considérable du gouvernement britannique de Margaret Thatcher. La proposition de Vredeling fut donc officieusement abandonnée après des années de discussions peu concluantes. Le syndicalisme européen n’obtint donc presque rien après plus de dix ans de lutte – n’étant parvenu ni à organiser une mobilisation transnationale des travailleurs européens, ni à tenir tête au lobby patronal dans la bataille institutionnelle.

Comme pour d’autres batailles – celle sur la réduction du temps de travail, par exemple – la défaite de la gauche européenne sur la directive Vredeling était à la fois cause et symptôme d’un changement dans l’équilibre du pouvoir au niveau européen. Alors que l’hégémonie sociale-démocrate et l’intensité des luttes des « longues années 1968 » avaient semblé ouvrir une fenêtre d’opportunité pour la construction d’une Europe plus proche des intérêts des travailleurs, dès le début des années 1980 un tournant conservateur était clair, tant au sein de la Communauté européenne que de ses États membres.

Lutter dans une Europe néolibérale

L’Union européenne néolibérale d’aujourd’hui est le résultat de ces défaites, et plus généralement de la défaite subie par les travailleurs dans l’affrontement des longues années 1970, lors de l’essoufflement du « compromis keynésien ». À partir de la signature de l’Acte unique européen en 1986, l’UE n’a cessé d’accélérer la libéralisation des marchés des capitaux, des biens et des services, jusqu’à abandonner totalement l’idée de planification et de réglementation économique et sociale qui avait caractérisé le projet d’« Europe sociale ».

Les élargissements successifs et les accords commerciaux avec le reste du monde ont eux aussi favorisé une concurrence accrue entre les travailleurs en Europe et dans le monde. De plus, le syndicalisme confédéral européen, ainsi que la social-démocratie européenne et certains héritiers de l’eurocommunisme, se sont progressivement alignés sur le compromis néo-libéral, détruisant les chances déjà minces de réaliser une Europe « des travailleurs et des travailleuses ».

Dans l’ensemble, malgré quelques modestes extensions de la « dimension sociale » de l’UE (par exemple dans le domaine de la santé et de la sécurité au travail), on peut dire que la politique sociale européenne a subi depuis les années 1980 ce que Wolfgang Streeck a appelé une « régression progressive » : elle a été de plus en plus orientée vers les objectifs de compétitivité, de flexibilité et de « restructuration » du marché.

Un exemple de cette régression est le sort de la directive Vredeling : après la défaite de ce projet, le principe d’information et de consultation des travailleurs européens est resté en sommeil pendant plusieurs années. En 1994, grâce à l’extension du vote à la majorité qualifiée au Conseil, l’UE a finalement adopté une directive sur l’établissement de Comités d’entreprise européens (CEE), qui obligeait les entreprises de plus de 999 employés, dont au moins 150 dans deux pays européens différents, à négocier et à mettre en place un organe transnational de représentants des travailleurs, avec des droits légaux à l’information et à la consultation.

Toutefois, la directive adoptée en 1994 (révisée en 2009) est beaucoup moins ambitieuse que la directive Vredeling. En effet, les CEE ne sont pas obligatoires, mais doivent être négociés après une initiative d’au moins cent employés ; la directive ne fournit que des exigences générales au lieu d’un cadre commun sur les compétences, les procédures, le rôle et la composition du CEE ; elle favorise la flexibilité et encourage la création d’une culture d’entreprise pour faciliter la gestion ; elle ne s’étend pas aux établissements situés en dehors de l’UE ou de l’Espace économique européen ; et surtout, tous les CEE créés avant septembre 1996 (39% des plus de 1000 CEE existant aujourd’hui) sont exclus du cadre juridique contraignant de la directive.

En fait, les études montrent que les droits prévus pour les CEE sont très souvent ignorés et violés : seule une minorité des comités est informée avant que les décisions soient finalisées ou même rendues publiques ; près d’un tiers d’entre eux ne sont pas consultés du tout. C’est le cas de GKN, dont le CEE n’a absolument pas été informé ni consulté au sujet de la fermeture et des licenciements de Campi Bisenzio. Plus généralement, comme l’a récemment souligné l’Institut syndical européen, la démocratie industrielle est en net recul en Europe. Il suffit de constater la faiblesse des revendications de la Confédération européenne des syndicats concernant le débat actuel au sein de la commission des affaires sociales du Parlement européen sur une réforme de la directive CEE pour comprendre que cette tendance n’est pas prête de s’inverser.

Les travailleurs de GKN peuvent le constater par eux-mêmes aujourd’hui : l’Europe actuelle est loin d’être l’Europe « des travailleurs ». Le mois dernier, des membres du collectif des travailleurs de l’usine, ainsi que des militants de Potere al Popolo, ont rencontré des députés européens du groupe The Left. La réunion a confirmé l’absence, dans les traités et instruments européens, de protections qui pourraient venir en aide aux travailleurs de Florence. Le fait que GKN ait reçu des millions de fonds publics, italiens comme européens, et que la société continue à verser des dividendes à ses actionnaires est sans conséquences dans le cadre des règles européennes, comme l’a dénoncé le député européen Marc Botenga dans une question adressée à la Commission européenne.

Aujourd’hui, la bataille des travailleurs de GKN ne peut donc que se situer avant tout au niveau national. Les travailleurs demandent à juste titre au gouvernement italien d’intervenir par un décret d’urgence pour mettre fin aux fermetures et aux licenciements, et de prendre des mesures pour adopter une législation générale visant à lutter contre les délocalisations et le démantèlement du tissu productif, pour garantir la continuité de l’emploi. Ils ont même déposé il y a quelques jours leur propre projet de loi au Parlement italien. Empêcher, au sein de l’Union européenne et au-delà, les entreprises multinationales de profiter des disparités salariales, sociales et fiscales injustes entre les États membres, reste par contre aujourd’hui un objectif lointain.

Par ailleurs, les travailleurs de GKN à Campi, Birmingham et Offenbach continuent leur lutte de manière fragmentaire. En outre il n’existe pas aujourd’hui de mobilisation de masse pour un salaire minimum européen, pour une redistribution du temps de travail au niveau européen, etc. Tant que nous ne serons pas en mesure de commencer à organiser un contre-pouvoir populaire au niveau international qui réussisse là où la social-démocratie a échoué, nous ne serons pas en mesure de nous opposer réellement aux intérêts du capital et de renverser l’ordre européen et mondial hérité surtout des années 1970. Pour y arriver, il nous faudra tirer les leçons de l’histoire.

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Aurélie Dianara est chercheuse post-doctorante en histoire européenne à l’Université d’Évry Paris Saclay, militante féministe, et membre de Potere al Popolo en Italie.

Illustration  : Michele Lantini.

Source  https://www.contretemps.eu/travailleurs-gkn-europe-neoliberale/

Grèce, entre désastre environnemental et riposte sociale

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.En Grèce, les mesures autoritaires du gouvernement de droite ont déclenché d’importantes luttes sociales. Mais après la période sombre du gouvernement d’Alexis Tsipras, la gauche doit mener une bataille difficile pour surmonter l’héritage de Syriza et montrer qu’une alternative est possible.

« Des eaux cristallines, un soleil immuable, des saveurs locales explosives et des couchers de soleil sublimes » : telle était la promesse de « l’Été grec sans fin », selon l’intitulé de la campagne officielle de promotion du tourisme en Grèce pour 2020. Un an et une catastrophe écologique plus tard, tout le monde se demande où est passé cet été et qui en a réellement profité.

Selon un sondage réalisé pour l’Ιnstitut des Biens de Consommation au Détail (IELKA), seulement un.e Grec.que sur trois a déclaré avoir pris des vacances cette année, la plupart ne pouvant le faire du fait de leur difficultés financières. Ceux et celles qui sont resté.e.s dans les villes ont dû supporter la chaleur, l’atmosphère toxique, le manque d’activités de loisirs de qualité pour les enfants et même les coupures de courant, le réseau s’avérant insuffisant pour faire face à l’utilisation excessive et aux conditions météorologiques extrêmes.

Dans ce contexte, la promesse d’un « été grec sans fin » semble appartenir à une époque révolue. D’un point de vue climatique, elle ressemble aussi à une menace. En effet, cet été, la Grèce a été frappée par des vagues de chaleur récurrentes, les pires que le pays ait connues depuis plus de trois décennies. Les températures ont atteint un niveau record de 47 degrés. Les conditions de chaleur extrême ont favorisé la propagation de méga-feux de forêt qui ont détruit cent vingt mille hectares de terres, soit dix fois plus que la moyenne de la dernière décennie.

C’est aussi un été où la Grèce a ouvert ses portes afin d’accueillir les client.e.s de l’industrie touristique, un soi-disant success story qui a coûté cher en termes de contaminations et d’hospitalisations. Face à une augmentation alarmante des cas de Covid-19 et à des taux de vaccination encore faibles, les Grec.que.s. se demandent si le gouvernement va imposer une nouvelle série de restrictions cet automne.

Depuis deux ans, la Grèce donne ainsi l’impression de passer d’une tenue à l’autre en fonction des saisons. Celle de l’hiver est fait d’un nombre croissant de décès dus au coronavirus, d’hôpitaux débordés, de chômage, de fermetures d’entreprises, de restrictions sévères et d’autoritarisme. Puis, à partir du mois de mai, la Grèce revêt ses habits d’été pour accueillir les hôtes étranger.e.s. Et à partir d’octobre, c’est le retour au réel, le gouvernement rejetant, comme d’habitude, la responsabilité de la crise sur les « citoyen.ne.s irresponsables ».

La pandémie en période d’austérité

Le gouvernement de la Nouvelle Démocratie (droite) de Kyriakos Mitsotakis a géré la pandémie par des confinements successifs et des restrictions de mobilité mais en n’accordant qu’une compensation minimale aux secteurs de l’économie les plus durement touchés. Les mesures visant à renforcer la capacité et l’efficacité des services publics défaillants de la Grèce se sont avérées rares et insuffisantes. Au lieu de cela, le gouvernement a utilisé l’état d’urgence pour promouvoir des lois autoritaires contre les travailleur.se.s et, notamment, l’abolition de la journée de travail de huit heures et la création d’une force de police spéciale sur les campus universitaires.

La crise sanitaire du COVID-19 a exacerbé tous les aspects de l’austérité. Le chômage a dépassé les 15 % en mai 2021, soit 19,1 % pour les femmes et 12,3 % pour les hommes. Une fois de plus, la Grèce détient le record de l’Union Européenne pour le chômage des jeunes avec environ 38,2 % de jeunes sans emploi en mai 2021.

La pandémie a révélé de manière spectaculaire les vulnérabilités d’un système de santé publique déjà durement touché par dix années d’austérité. Les établissements de soins en sous-effectif n’ont tout simplement pas eu les ressources nécessaires pour faire face aux effets sanitaires et sociaux dévastateurs de la pandémie ; depuis 2009, les dépenses de santé ont, en effet, considérablement diminué par rapport aux autres États européens. Aujourd’hui, les dépenses publiques de santé en Grèce représentent 5 % du PIB, soit un tiers de moins que la moyenne européenne.

Ces réductions de dépenses, associées aux changements structurels du système national de santé et à l’introduction de formes d’emploi précaires, ont érodé l’accès à la santé publique. Les besoins non satisfaits en matière de soins de santé parmi la population à faible revenu et les chômeurs ont fortement augmenté, avec un taux de 21,5 % chez les chômeurs.ses et de 34,3 % dans les couches à faible revenu nécessitant un traitement.

La violence fondée sur le genre a également augmenté pendant la pandémie. Selon un rapport du Secrétariat général à la démographie, à la politique familiale et à l’égalité des sexes publié en novembre dernier, les mesures de confinement, de quarantaine et de restriction des déplacements « ont eu pour conséquence que les violences domestiques ont été plus fréquentes et plus graves pour les femmes et leurs enfants. »

Les appels à la ligne d’urgence pour la violence de genre ont augmenté de 230 % au cours du premier confinement. En outre, pendant le premier et le deuxième confinement (novembre 2020 à mai 2021), une série de féminicides brutaux et inquiétants a révélé l’ampleur des abus domestiques et de la violence sexiste dans le pays. Au total, depuis le début de la pandémie, onze femmes ont été assassinées par leur mari ou leur partenaire.

Malgré les retombées sociales évidentes de la crise, le gouvernement a tenu un discours centré sur la responsabilité individuelle. La recommandation diffusée par les autorités « Restez chez vous, restez en sécurité » mettait l’accent sur le choix personnel plutôt que sur la solidarité pour minimiser la propagation de la maladie. Les citoyens étaient considérés comme des individus isolés, voire comme des délinquant.e.s potentiel.le.s.

Dans ce contexte, il n’est pas surprenant que beaucoup aient hésité à participer à la campagne de vaccination, d’autant que les autorités publiques n’ont pas réussi à organiser une campagne de communication appropriée et à répondre aux inquiétudes du public en se basant sur l’expertise scientifique. Le ministère de la santé et le comité national des vaccinations ont ouvertement exprimé des doutes quant à l’adéquation du vaccin d’AstraZeneca pour les jeunes femmes et les femmes enceintes de moins de trente-neuf ans, même s’il s’agissait du seul vaccin disponible pour cette tranche d’âge. Compte tenu du manque de crédibilité généralisé des mesures de l’État, les approches irrationnelles et individualistes ont proliféré.

Cependant, blâmer les non-vacciné.e.s n’aide pas à comprendre l’état actuel de la pandémie en Grèce. En septembre, seulement 59,2 % de la population du pays avait été entièrement vaccinée, avec des taux encore plus faibles chez les jeunes de 18 à 24 ans (52 %), les jeunes de 25 à 49 ans (41 %) et les Grecs de 50 ans (30% %). Environ 90 % des patient.e.s intubé.e.s admis.e.s en soins intensifs pour le COVID-19 ne sont pas vacciné.e.s.

En septembre, la Grèce figurait également parmi les trois plus mauvais pays de l’UE pour le nombre de décès par million d’habitant.e.s, aux côtés de la Bulgarie et de la Lituanie. Ces chiffres sont la conséquence du faible taux de vaccination parmi les populations les plus vulnérables. Pourtant, au lieu de déployer des efforts ciblés pour protéger ces groupes, le gouvernement utilise la campagne de vaccination comme un outil pour intensifier l’autoritarisme, les licenciements, le transfert des responsabilités et les attaques contre des services publics déjà débordés. Il en résulte une frustration croissante à l’égard des autorités, sans que la résistance au vaccin fléchisse.

Les feux de forêt, une opportunité pour privatiser

Le Premier ministre Kyriakos Mitsotakis a reconnu que les incendies de forêt de cette année étaient un signe de la crise climatique actuelle, mais il a également insisté sur le fait que la question devait être traitée comme « politiquement neutre ». La Grèce a, en effet, une longue histoire d’incendies de forêt. Mais le pays manque cruellement d’un cadre unifiépour prévenir ces incendies et protéger ses forêts.

Le modèle basé sur l’investissement privé, présenté comme l’unique remède aux difficultés économiques de la Grèce, constitue lui-même une menace importante pour l’environnement naturel. L’un des premiers textes de loi adoptés par le gouvernement au début de la pandémie, le tristement célèbre « projet de loi cadre sur l’environnement », a renforcé la déréglementation du secteur de l’énergie et des investissements à grande échelle, menaçant directement les zones protégées et la biodiversité.

Lors de sa première conférence de presse après le pic des incendies de forêt du mois d’août, Mitsotakis a affirmé avec culot qu’il préférait « confier les projets à des entrepreneurs privés », car les investisseurs du secteur privé ne sont pas liés par des procédures bureaucratiques compliquées. Partant de cette hypothèse, le gouvernement prévoit un vaste programme de reboisement en s’appuyant sur le secteur privé et sur des partenariats public-privé. L’État est donc considéré comme un simple régulateur supervisant les transactions commerciales, tout en se retirant progressivement de sa responsabilité de protéger la société et l’environnement.

La seule exception à ce principe de non-intervention est le rôle répressif de l’État qui s’est manifesté lors des confinements. Le recours à la violence policière lors des manifestations politiques, les attaques non provoquées contre les citoyen.ne.s et les centaines d’arrestations injustifiées ont renforcé la méfiance du public envers les institutions de l’État et ont révélé le visage d’une police punitive et vengeresse.

En ce sens, l’incident du 7 mars à Nea Smyrni, une banlieue de classes moyennes d’Athènes, où des policiers ont jeté un jeune citoyen au sol et l’ont tabassé avec des matraques, n’était pas un cas isolé. Pendant les confinements, plusieurs cas de violations des droits humains par les forces de l’ordre ont été signalés, notamment des passages à tabac, des agressions sexuelles et des refus d’assistance médicale. Le Premier ministre et l’ancien ministre de la Protection des citoyens (l’équivalent grec du ministère chargé de la police et des forces de sécurité), Michalis Chrysochoïdis, ont ignoré les appels à rendre des compte et ont affirmé que les violences policières « appartenaient au passé ».

Toutes ces manifestations d’incurie, d’autoritarisme et de complicité avec l’arbitraire policier ont accru le sentiment de méfiance de la population à l’égard des institutions de l’État, une population épuisée, en demande d’une protection qu’elle désespère de trouver auprès de l’État.

Un programme pour défendre la société

Malgré un mécontentement social généralisé et des mobilisations sociales sporadiques, le désaveu de la politique gouvernementale ne s’est pas encore traduit par un niveau élevé de confrontation sociale et politique. Le taux d’approbation du gouvernement est en baisse et Syriza, le principal parti d’opposition, espère transformer cette situation en une future victoire électorale. Néanmoins, après son passage au gouvernement, la transformation continue de Syriza en un parti de « centre-gauche » l’empêche de maintenir un lien avec la classe travailleuse et les racines radicales du parti.

La période récente a vu un essor des luttes contre la répression, l’épanouissement d’un nouveau mouvement féministe, une vague de protestations #MeToo dans le sport et le divertissement et un mouvement étudiant réactivé par le projet de loi créant des forces de police sur les campus. Cependant, les luttes sociales sont fragmentées et souvent isolées les unes des autres. L’héritage radical du mouvement anti-austérité existe toujours, mais il fait actuellement figure de repère controversé dans la mémoire de la gauche grecque et de ses mouvements sociaux.

Malgré la déception générale, la récente victoire de la grève des travailleur.se.s  de la plateforme de livraison de plats cuisinés Efood est un puissant exemple d’une lutte menée par des travailleur.se.s d’une manière vivante et percutante. Leur protestation contre le chantage de l’entreprise a déclenché une vague massive de solidarité et de soutien populaire, des dizaines de milliers de client.e.s ayant désinstallé l’application afin d’exercer une pression sur l’entreprise. Cette combinaison fructueuse d’organisation syndicale classique, de « nouvelles » méthodes de militantisme numérique et de solidarité à la base avec les travailleur.se.s « essentiel.le.s » a réussi à surmonter des obstacles extraordinaires dans la période difficile qui a suivi le confinement et la quarantaine en Grèce.

La question est de savoir si la gauche est prête à tirer les leçons de cette expérience positive après les revers cuisants de la période récente. Il est certain que le bilan de la dernière décennie n’a pas été positif pour les forces radicales. Lorsque le karch financier de 2008 et la crise grecque qui a suivi ont éclaté, de larges secteurs sociaux se sont tournées vers la gauche et le mouvement ouvrier afin de défendre leurs droits ; les idées marxistes ont fourni un point de référence pour comprendre le monde et un idéal pour l’avenir. Aujourd’hui, les choses semblent bien différentes. La société ne semble pas prête à envisager les prochaines étapes, tant que la peur de la pandémie pèse encore sur sa tête.

Dans le même temps, ces circonstances exceptionnelles nécessitent un nouveau programme politique radical. Entre 2010 et 2015, l’appartenance du pays à la zone euro et à l’UE a fait l’objet de discussions dans les mouvements sociaux. Aujourd’hui, à côté des revendications toujours valables d’annulation de la dette et de rupture avec la corset de fer des mémorandums, la crise exige une nouvelle élaboration d’ensemble.

La base évidente d’un tel programme est de soutenir et de protéger les services publics et les biens communs, la santé publique, l’éducation et les soins. La vaccination universelle doit être l’arme principale d’un plan de protection global, mais elle ne doit pas être concédée aux gouvernements et aux entreprises capitalistes ni considérée comme une solution qui se suffirait à elle-même. La lutte pour la santé publique doit également être combinée avec la défense des libertés civiles et le rejet de l’utilisation de la pandémie comme prétexte pour renforcer l’autoritarisme d’État.

Il est urgent de mettre en place une politique sociale en faveur des parties les plus faibles de la société, basée sur la taxation des richesses, la protection du travail, la réduction du temps de travail, un revenu garanti, le droit au logement, etc. Une restructuration plus large de l’économie exige également de rompre avec la dépendance destructrice de la Grèce vis-à-vis du tourisme et l’obsession néolibérale des privatisations et des investissements étrangers. Enfin, la restauration des terres détruites par les feux, le soutien aux personnes touchées par la catastrophe et la protection de l’environnement sont d’une importance vitale.

Ces revendications ont constamment émergé dans les luttes récentes et ont été largement débattues au cours des derniers mois. Mais le débat doit aller plus loin et s’engager dans la perspective d’un avenir radicalement différent, basé sur des principes actualisés socialistes et communistes, mais aussi écologiques et féministes.

Pluralité de gauches, mais pas d’alternative

Reste que même le meilleur programme ne suffit pas à donner l’impulsion nécessaire à une alternative. La condition fondamentale pour cela réside dans les initiatives des forces politiques de gauche et les structures collectives propres aux mouvements.

C’est là que réside la plus grande difficulté, car l’expérience contradictoire de la dernière décennie a produit des effets multiples. Pour certaines personnes de gauche au sein ou autour de Syriza, l’expérience gouvernementale a entraîné un tournant vers des solutions plus « réalistes ». Ce changement s’est poursuivi même après le retour de la droite au pouvoir, avec un Alexis Tsipras soucieux de faire preuve d’une forme d’opposition « institutionnelle ». Pendant ce temps, pour les partis et organisations de la gauche radicale, la défaite a engendré un sentiment d’impuissance à changer le cours des choses, ou même à inspirer et organiser une résistance sociale à grande échelle.

Malgré la mutation de Syriza, et son intention déclarée de se rapprocher d’un centre-gauche social-démocrate, ce parti reste le principal parti d’opposition et une référence pour de nombreuses personnes à gauche. Il tient un discours anti-gouvernemental et formule des revendications sociales, mais il n’est ni capable ni désireux de mener une lutte sociale visant à renverser le cadre des directives européennes et des mesures d’austérité. Pour cette raison, il ne sera à l’évidence pas en mesure de réitérer le rôle qu’il a joué lors des mobilisations anti-austérité de 2010-2015.

Le Parti communiste de Grèce (KKE) reste, selon les normes actuelles, un parti de masse. Comme il n’a pas participé de manière substantielle au mouvement d’occupation des places de 2011, à la bataille du référendum de juillet 2015 et, naturellement, au gouvernement Syriza, il semble moins affecté par les défaites et en position d’accroitre sa crédibilité et sa force organisationnelle. C’est la force politique la plus cohérente du mouvement ouvrier mais son attitude politique reste passive et n’envisage guère la possibilité d’une montée des luttes secouant le paysage politique.

Lors des élections de juin 2019, DiEM25 et son leader Yanis Varoufakis ont obtenu un score légèrement supérieur au seuil de 3 % pour obtenir la représentation parlementaire, comblant en partie le vide à la gauche de Syriza. DiEM25 se réclame de l’héritage radical de 2015 et porte une volonté d’exprimer de nouvelles revendications sociales dans l’économie, les questions environnementales et de genre. Néanmoins, sa structure centrée sur son leader et l’absence de tout lien significatif avec les mouvements sociaux limitent grandement son rôle potentiel dans la reconstruction de la gauche grecque.

Enfin, si les nombreuses organisations d’extrême-gauche continuent d’être présentes à la base, notamment au sein du mouvement de la jeunesse, elles restent globalement dans un état de fragmentation et de stagnation, malgré quelques tentatives récentes de reconstruction de la gauche radicale.

La profusion de forces de gauche à l’intérieur et à l’extérieur du parlement débouche toutefois sur un vide en termes de construction d’une alternative. Au lieu de cela, les couches politisées, dotées d’une expérience de participation à l’action collective, prennent de plus en plus leurs distances avec la gauche organisée, découragées par sa fragmentation et le bilan de l’expérience de Syriza au gouvernement.

En ce sens, le principal problème aujourd’hui n’est pas le manque de voix anti-gouvernementales ou même anticapitalistes, mais le grave affaiblissement des mouvements et des organisations politiques. Leurs dirigeant.e.s abordent rarement la question, car cela impliquerait de débattre de leurs propres erreurs et lacunes. Les militant.e.s participent au mieux à des actions spécifiques et se tournent aussi fréquemment vers la sphère privée.

De telles attitudes ne peuvent combler l’écart entre les discussions théoriques et l’action effective. Seule la recherche collective d’une réponse et d’un nouveau projet radical, basé sur une organisation de base et des interventions pertinentes dans les problèmes de la vie quotidienne, peut apporter des réponses viables.

Pourtant, alors que les forces dominantes cherchent à réaffirmer le dogme du TINA, « There Is No Alternative », la situation n’est pas entièrement sans espoir. Bien qu’affaiblie, la gauche reste une force relativement massive et influente sur le plan électoral. Les mouvements sociaux sont vivants et de nouvelles mobilisations ne cessent d’émerger. En nombre significatif, les nouvelles générations se rapprochent de la gauche et des idées communistes. Mais ce qui fait cruellement défaut, c’est la conviction que les luttes peuvent apporter un réel changement politique.

Les conséquences dévastatrices du « gouvernement de gauche » représenté par Syriza entre 2015 et 2019 se font encore sentir. Cette expérience a généré de la frustration, de la démoralisation et, souvent, des attitudes agressives au sein de la gauche, en particulier parmi les anciennes générations. Mais l’expérience de la décennie précédente est plus complexe que cela. De larges secteurs ont également fait l’expérience que les luttes populaires peuvent bouleverser la scène politique. Si cela s’est produit une fois mais s’est arrêté à mi-chemin, pourquoi cela ne pourrait-il pas se reproduire, d’une manière plus radicale ?

Un nouvel effort cohérent pour reconstruire le mouvement social et la gauche radicale pourrait trouver un terrain fertile, en particulier parmi les jeunes militant.e.s. Ce dont nous avons besoin aujourd’hui, c’est d’un effort unificateur et combatif de ce type. Après un été sans fin, l’hiver ne sera peut-être pas aussi sombre que nous le craignons.

*

Cet article a d’abord été publié en anglais par Jacobin. Il a été traduit pour Contretemps par Christian Dubucq.

Aliki Kosyfologou est titulaire d’un doctorat en sciences politiques et en sociologie. Elle travaille actuellement en tant que chercheuse en sciences sociale et milite dans le mouvement féministe.

Thanos Andritsos est architecte et urbaniste, engagé dans les luttes urbaines et environnementales en tant que chercheur et militant.

Illustration : Carl Osbourn / https://www.flickr.com/photos/mountainhalo/1129507581 / Wikimedia Commons.

Source https://www.contretemps.eu/grece-desastre-environnemental-riposte-sociale-gauche/

Grève chez Coscos

Un accident tragique qui est survenu dans le port de #Pirée dimanche a mis au clair les conditions de travail très dangereuses dans lesquelles les ouvriers travaillent. Un travailleur a perdu sa vie, quand une grue lui est tombée dessus. Immédiatement les ouvriers se sont réunis en assemblée et ont décidé de faire #grève le lendemain pour demander que les postes ne soient pas plus de 6 heures, que les règles de sécurité soient bien surveillées et respectées et qu’il n’y ait plus de contrat de mi-temps.

 Le #port de Pirée, ainsi que d’autres ports grecs ont été vendus à la compagnie chinoise #Cosco, suite aux mesures mémorandaires qui ont démantelé l’état grec, imposé la vente aux enchères de la propriété publique, et ainsi contribué à la #flexibilisation des conditions de travail et à la #précarisation des contrats.

 La compagnie chinoise a bien sûr imposé des conditions de travail chinoises aussi, étant donné que les zones où elle opère sont exemptées de la loi de travail du pays.

 Les ouvriers en ont bien sûr ras-le-bol et se sont mis à revendiquer ce qui leurs est dû. Déjà une #manifestation massive a eu lieu hier soir dans le port. Nous sommes #solidaires avec eux ! [vidéo ici: https://youtu.be/pKiQMuTV658]
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