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Grèce : Protéger les droits des migrants

Grèce : il faut agir immédiatement pour protéger les droits de l’homme des migrants

Migreurop  Print Greece: immediate action needed to protect human rights of migrants Athènes, Greece 29/06/2018.

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La Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, Dunja Mijatović, rencontre les bénéficiaires d’un programme de vie semi-autonome pour les mineurs non accompagnés à Athènes, en Grèce. © CoE / 2018 / Giorgos Moutafis

« L’humanité et l’hospitalité dont la population et les autorités grecques ont fait preuve envers les migrants ces dernières années sont vraiment remarquables. Malgré ces efforts, la situation reste toutefois préoccupante et des mesures supplémentaires sont nécessaires pour protéger les droits de l’homme des personnes contraintes de fuir leur pays », a déclaré Dunja Mijatović, Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, à l’issue de sa visite de cinq jours en Grèce, qui était aussi consacrée aux effets de l’austérité sur les droits de l’homme.

Notant la baisse significative des arrivées de migrants en Grèce ces deux dernières années, la Commissaire a souligné que, si les flux actuels restent difficilement gérables par ce seul pays, l’Europe dans son ensemble peut cependant y faire face sans difficultés majeures. « Il est grand temps que tous les États membres du Conseil de l’Europe, unis autour des valeurs qui fondent l’Organisation, traitent cette question dans un esprit de responsabilité collective et de solidarité », a estimé la Commissaire.

Il est nécessaire que les autorités grecques agissent rapidement pour améliorer les conditions d’accueil des migrants, notamment dans les hotspots. La restriction géographique imposée aux nouveaux arrivants soumet les îles de la mer Égée orientale (où sont situés les hotspots) et leur population à une forte pression, ainsi que la Commissaire a pu le constater à Lesbos. « Je suis très préoccupée par les mauvaises conditions de vie qui prévalent dans le centre d’accueil et d’identification de Moria, où le nombre de migrants est plus de trois fois supérieur à la capacité théorique et qui s’est déjà agrandi de manière anarchique. Cette situation met en danger les droits de l’homme des personnes hébergées. Si des dispositions ne sont pas prises immédiatement, le surpeuplement, l’insécurité et le manque d’hygiène, exacerbés par la hausse des températures, risquent d’avoir des conséquences catastrophiques cet été pour des migrants qui sont dans l’incertitude quant à leur avenir », a indiqué la Commissaire, qui a également mis en garde contre les tensions qui ne manqueront pas d’augmenter entre les personnes hébergées dans le centre, mais aussi entre les autres habitants de l’île. Soulignant la nécessité d’agir rapidement, la Commissaire a appelé les autorités grecques à transférer davantage de personnes vers le continent. Elle les a aussi appelées à accélérer le traitement des demandes d’asile, tout en garantissant pleinement le caractère équitable des procédures, à augmenter la capacité des structures d’accueil de tout le pays et à améliorer leur qualité. « Les normes peuvent être respectées dans des camps temporaires, comme je l’ai observé dans le camp de « Kara Tepe », un centre ouvert géré par la municipalité de Mytilène ; toutefois, compte-tenu de la durée de la procédure d’asile, il est également nécessaire d’augmenter le nombre de structures d’accueil adaptées à un séjour prolongé », a-t-elle ajouté. La Commissaire a salué le travail inestimable accompli par les acteurs de la société civile et par les partenaires internationaux dans ce domaine.

En outre, Dunja Mijatović a souligné la nécessité d’améliorer et d’accélérer la procédure d’évaluation de la vulnérabilité, pour mieux protéger les droits de toutes les personnes vulnérables, dont les victimes de la traite et de la violence sexuelle ou sexiste, les personnes handicapées et les personnes ayant des problèmes de santé mentale ; ces dernières sont de plus en plus nombreuses car un séjour prolongé dans un centre d’accueil où les conditions de vie sont mauvaises a des effets délétères. En outre, la Grèce compte actuellement 3 500 mineurs non accompagnés, dont les besoins en matière de soins et d’hébergement ne sont toujours pas satisfaits. La Commissaire a noté avec préoccupation que beaucoup d’entre eux seraient sans abri ou sont privés de liberté en application du régime de la « détention de protection ». « La nouvelle loi sur le placement en famille d’accueil va dans le bon sens et j’espère que sa mise en œuvre sera concluante. Si les enfants ayant droit au regroupement familial rejoignent rapidement leurs proches installés ailleurs en Europe, cela contribuera aussi à améliorer la situation. De plus, j’encourage les autorités à développer les modes alternatifs de prise en charge, tels que le programme de vie semi-autonome géré par l’ONG METAdrasi, dont j’ai rencontré des bénéficiaires », a-t-elle ajouté.

Enfin, la Commissaire a observé que la Grèce est devenue un pays de destination, après avoir été un pays de transit. « En conséquence, l’intégration est d’une importance capitale, pour les migrants eux-mêmes et pour la cohésion sociale de la Grèce. Les ONG mènent plusieurs projets dans ce domaine et je note que le ministère de la Politique migratoire a l’intention de développer les programmes d’intégration. Je salue ces initiatives et j’encourage les autorités grecques et leurs partenaires à intensifier leurs efforts en ce qui concerne l’apprentissage de la langue et la formation professionnelle, le regroupement familial et les possibilités d’obtenir un permis de séjour de longue durée, puis d’accéder à la naturalisation », a déclaré la Commissaire.

Pour ce qui est des effets des mesures d’austérité, Dunja Mijatović a noté que plusieurs droits de l’homme avaient été durement impactés, notamment les droits à la santé et à l’éducation. Les coupes budgétaires pratiquées dans le secteur de la santé, associées à la baisse générale des salaires et des pensions, ont entravé l’accès aux soins, dans une période où la crise économique faisait augmenter les besoins, notamment en matière de santé mentale. « Dans ce contexte très difficile, l’adoption, en 2016, d’une loi sur la couverture médicale universelle a constitué un progrès majeur. Toutefois, comme j’ai pu le constater lors de ma visite du centre social métropolitain d’Elliniko, un certain nombre de patients n’ont toujours pas accès aux soins requis par leur état. J’encourage donc les autorités à améliorer la mise en œuvre de cette loi et à lever les obstacles qui entravent l’accès aux soins », a dit la Commissaire.

L’austérité a également eu de lourdes conséquences pour le droit à l’éducation. « Les fusions et les fermetures d’établissements scolaires, les réductions de budget et de personnel et la baisse du volume horaire d’enseignement ont soulevé des questions importantes du point de vue de l’accès à l’éducation et de la qualité de l’éducation pendant la crise économique. Je salue la décision d’augmenter le budget de l’éducation en 2017 et 2018, et j’encourage les autorités à intensifier leurs efforts dans ce domaine, de manière à garantir à tous le plein accès à une éducation de qualité et inclusive », a déclaré la Commissaire.

« La fin du troisième programme d’ajustement économique offre une occasion de remédier aux effets négatifs de l’austérité sur les droits de l’homme et la Grèce ne devrait pas la manquer», a estimé Dunja Mijatović. « J’appelle les autorités grecques à profiter de ce changement de circonstances pour renforcer la protection effective des droits à la santé et à l’éducation, et à soumettre toute nouvelle mesure à des études d’impact sur les droits de l’homme et l’égalité », a-t-elle ajouté.

Au cours de sa visite, la Commissaire a rencontré le Président de la République hellénique, le Président du Parlement, le ministre de la Justice, de la Transparence et des Droits de l’homme, le ministre de la Santé, le vice-ministre de l’Éducation, de la Recherche et des Cultes, le vice-ministre de la Politique migratoire, l’Ombudsman et des membres de la Commission nationale des droits de l’homme. Elle s’est aussi entretenue avec des responsables locaux et des représentants de la société civile et d’organisations internationales.

La Commissaire publiera prochainement un rapport sur sa visite en Grèce.

https://www.coe.int/en/web/commissioner/view/-/asset_publisher/ugj3i6qSEkhZ/content/greece-immediate-action-needed-to-protect-human-rights-of-migrants?_101_INSTANCE_ugj3i6qSEkhZ_languageId=fr_FR

Néocolonialisme et “crise des migrants »

Néocolonialisme et  » crise des migrants » ( Il Manifesto) par Manlio DINUCCI

Des États-Unis à l’Europe, la “crise des migrants” suscite de vives polémiques intérieures et internationales sur les politiques à adopter à propos des flux migratoires. Partout cependant ceux-ci sont représentés selon un cliché qui inverse la réalité : celui des “pays riches” obligés de subir la croissante pression migratoire des “pays pauvres”.

On dissimule ainsi la cause de fond : le système économique qui dans le monde permet à une minorité restreinte d’accumuler de la richesse aux dépens de la majorité croissante, en l’appauvrissant et en provoquant ainsi l’émigration forcée.

Concernant les flux migratoires vers les États-Unis, le cas du Mexique est emblématique. Sa production agricole s’est écroulée quand, avec le NAFTA (l’accord nord-américain de “libre” commerce), les EU et le Canada ont inondé le marché mexicain avec des produits agricoles à bas prix grâce à leurs propres subventions publiques. Des millions de paysans se sont retrouvés sans travail, venant grossir le bassin de main d’oeuvre recrutée dans les maquiladoras : des milliers d’établissements industriels le long de la ligne de frontière en territoire mexicain, possédés ou contrôlés, pour la plupart, par des sociétés étasuniennes, dans lesquels les salaires sont très bas et les droits syndicaux inexistants.

Dans un pays où environ la moitié de la population vit dans la pauvreté, a augmenté la masse de ceux qui cherchent à entrer aux États-Unis. D’où le Mur le long de la frontière avec le Mexique, commencé par le président démocrate Clinton quand en 1994 est entré en vigueur le Nafta, poursuivi par le républicain Bush, renforcé par le démocrate Obama, ce même mur que le républicain Trump voudrait maintenant compléter sur tous les 3000 Km de frontière.

Concernant les flux migratoires vers l’Europe, est emblématique le cas de l’Afrique. Elle est richissime en matières premières : or, platine, diamants, uranium, coltan, cuivre, pétrole, gaz naturel, bois précieux, cacao, café et de nombreuses autres.

Ces ressources, exploitées par le vieux colonialisme européen avec des méthodes de type esclavagiste, se trouvent aujourd’hui exploitées par le néocolonialisme européen s’appuyant sur des élites africaines au pouvoir, une main d’œuvre locale à bas coût et un contrôle des marchés intérieurs et internationaux.

Plus de cent compagnies cotées à la Bourse de Londres, britanniques et autres, exploitent dans 37 pays de l’Afrique sub-saharienne des ressources minières d’une valeur de plus de 1000 milliards de dollars.

La France contrôle le système monétaire de 14 ex colonies africaines par le biais du Franc CFA (à l’origine acronyme de “Colonies Françaises d’Afrique”, recyclé en “Communauté Financière Africaine”) : pour conserver la parité avec l’euro, les 14 pays africains doivent verser au Trésor français la moitié de leurs réserves monétaires.

L’État libyen, qui voulait créer une monnaie africaine autonome, a été démoli par la guerre en 2011. En Côte d’Ivoire (aire CFA), des sociétés françaises contrôlent le gros de la commercialisation du cacao, dont le pays est premier producteur mondial : aux petits cultivateurs restent à peine 5% de la valeur du produit final, si bien que la majeure partie vit dans la pauvreté. Ce ne sont que quelques exemples de l’exploitation néo-coloniale du continent.

L’Afrique, présentée comme dépendante de l’aide extérieure, fournit à l’extérieur un paiement net annuel d’environ 58 milliards de dollars. Les conséquences sociales sont dévastatrices. En Afrique sub-saharienne, où la population dépasse le milliard et se compose à 60% d’enfants et jeunes d’âge compris entre 0 et 24 ans, environ les deux tiers des habitants vivent dans la pauvreté et, parmi ceux-ci, environ 40% – c’est-à-dire 400 millions – dans des conditions de pauvreté extrême.

La “crise des migrants” est en réalité la crise d’un système économique et social insoutenable.

Manlio Dinucci

Edition de mardi 26 juin 2018 de Il manifesto

Traduit de l’italien par M-A P.

Photo : Alami Stock Photo

Source https://www.legrandsoir.info/neocolonialisme-et-crise-des-migrants-il-manifesto.html

Un long calvaire s’annonce pour la Grèce

Par Michel Husson

Le troisième « plan de sauvetage » de la Grèce (Memorandum of Understanding) va s’achever au mois d’août, même si elle n’est pas encore sortie d’affaires, comme l’a bien montré Jacques Adda. L’accord « final » conclu entre la Grèce et ses créanciers repose au fond sur trois faux-semblants : il voudrait effacer les effets sociaux de près de dix ans d’austérité aveugle ; il s’appuie sur des perspectives économiques incohérentes ; enfin, il instaure une mise en tutelle à durée indéfinie de la Grèce.

Novlangue européenne

L’accord a souvent été accueilli par des commentaires exprimant un soulagement obscène, compte tenu de l’état de délabrement du pays. La palme revient sans doute à Pierre Moscovici qui n’hésite pas à écrire sur son blog : « Tel Ulysse de retour à Ithaque, la Grèce arrive enfin à destination aujourd’hui, dix ans après le début d’une longue récession. Elle peut enfin souffler, regarder le chemin parcouru et contempler de nouveau l’avenir avec confiance. » C’est le coup de pied de l’âne à un peuple que l’on a délibérément maltraité, et cet étalage d’autosatisfaction a quelque chose d’intolérable. Le commissaire salue les sacrifices du peuple grec qui étaient nécessaires pour éloigner « le plus grand péril de cette odyssée » qui, pour lui, n’était ni la misère, ni le chômage, ni les maladies, ni les suicides, ni les exils, mais ce « monstre appelé Grexit. »

Le « rapport de conformité » (Compliance Report) de la Commission européenne est lui aussi un long satisfecit qui décrit point par point la bonne mise en oeuvre par le gouvernement grec des conditions associées à « l’aide » reçue. Tout au long de ce texte, une insupportable novlangue est de règle. Prenons l’exemple de la santé publique : pour la Commission, « les autorités ont rempli leur engagement de continuer à rationaliser les dépenses globales de santé. » Cette assertion est d’un cynisme effarant, au regard de la situation réelle qui est celle-ci : « le système national de santé grec a été démantelé par l’application d’un ensemble de mesures imposées depuis 2010 par les créanciers de la Grèce dans les secteurs de santé primaire, secondaire et pharmaceutique » comme l’analyse la chercheuse Noëlle Burgi, dans un article très documenté.

Des conditions de vie dantesques

Une enquête menée à Athènes dresse un tableau saisissant des conditions de vie. 43 % des ménages déclarent ne pas avoir les moyens de payer le chauffage de leur logement ; 52 % disent qu’ils ne pourraient faire face à une dépense imprévue de 500 euros, 49 % qu’ils n’ont pas les moyens de partir en vacances. Six personnes interrogées sur dix sont restées au chômage plus de deux ans. 10 % seulement des chômeurs sont indemnisés, à 360 euros par mois.

Toujours à Athènes, la consommation de psychotropes a été multipliée par 35 entre 2010 et 2014, celle des benzodiazépines par 19 et celle des antidépresseurs par 11. Ces dernières données sont tirées d’un article du Monde diplomatique qui résume les résultats d’une étude originale menée sur les eaux usées de la ville.

Comment, dans ces conditions, la Grèce peut-elle « contempler de nouveau l’avenir avec confiance » ?

Déconomie

Si un tel déni est difficilement supportable, les projections économiques accompagnant l’accord sont, elles, proprement hallucinantes. Le document de référence reproduit le même scénario qui a fait long feu depuis 2010. La Grèce est censée maintenir un excédent primaire élevé tout en renouant avec la croissance. L’excédent primaire – soit la différence entre les recettes et les dépenses hors intérêts de la dette – est la variable-clé, qui mesure la capacité de la Grèce à honorer ses engagements. En très bon élève, la Grèce a pour l’instant tenu, et au-delà, cet objectif. Il était de 0,5 % du PIB en 2016 et ce fut 3,9 % ; puis 2 % en 2017, et ce fut 4,2 %.

Pour complaire à ses créanciers, le gouvernement grec a présenté une stratégie budgétaire à moyen terme entérinée par la Commission européenne dans son rapport de conformité. Elle est manifestement délirante : le scénario postule une croissance qui augmente progressivement jusqu’à 2,6 % en 2020 avant de ralentir à 1,9 % en 2022. C’est évidement optimiste, mais c’est surtout totalement déraisonnable quand en même temps l’excédent primaire devrait augmenter progressivement de 3,5 % du PIB en 2018 à 4,3 % en 2022.

Une telle prévision sort complètement des clous et on pourrait lui adresser la formule utilisée par la Cour des comptes européenne dans son rapport sur l’intervention de la Commission dans la crise financière grecque : « La commission a établi des projections macroéconomiques et budgétaires séparément et ne les a pas intégrées dans un modèle. » Mais croire qu’il pourrait exister un modèle capable d’engendrer une telle trajectoire est une pure fiction. Tous les économistes sérieux savent qu’on ne peut maintenir longtemps un tel excédent primaire, comme le rappelait le FMI en 2016 dans son analyse de soutenabilité de la dette grecque : « un excédent primaire de 3,5 % du PIB est difficile à atteindre et à maintenir à long terme, en particulier après de longues périodes de récessions et face à un chômage structurel élevé. »

Impossible reprise

Plutôt que de dépenser son énergie à critiquer les supposées erreurs commises par les auteurs de ces scénarios rocambolesques, il vaut mieux mettre les pieds dans le plat et dire que ces idiots utiles n’en ont au fond rien à faire. Il s’agit d’un habillage technocratique du seul chiffre qui importe, à savoir l’excédent primaire, parce qu’il représente la capacité de la Grèce à payer ses intérêts. Il n’y a que cela qui compte. La contrepartie de cette saignée est la poursuite des réformes structurelles, notamment la baisse des dépenses sociales, en particulier les pensions dans le cas de la Grèce, ainsi que le blocage de tout investissement public.

Cette trajectoire est incompatible avec une reprise de la croissance. Jusqu’à la crise, l’investissement tirait la productivité horaire du travail. Depuis la crise, son volume a été divisé par trois, retrouvant à peine son niveau de 1990 ; et la Grèce est l’un des rares pays européens, peut-être le seul, où la productivité horaire du travail recule, au rythme de 1 point par an. Cette tendance sera d’autant plus difficile à inverser que les forces vives sont parties : environ un tiers de la population de 15 à 29 ans, pour une bonne partie des personnes qualifiées, a quitté le pays. Cette perte de substance va encore aggraver le déséquilibre démographique et l’impact des réformes des retraites, d’autant plus que le nombre de naissances a baissé depuis le crise.

Le commerce extérieur de la Grèce est aujourd’hui à peu près équilibré. Mais ce résultat n’a pas été atteint par une reprise des exportations qui auraient été dopées par les fameuses « réformes » : c’est l’effet mécanique de la chute des importations pendant la crise. Toute reprise véritable conduirait à de nouveau à un déficit en raison de la dépendance de la Grèce notamment en biens d’investissement, et cela dans un contexte où les capitaux étrangers seraient évidemment réticents à financer ce déficit.

C’est en regardant du côté des exportations de la Grèce que l’on peut discerner à quoi le pays est destiné. Ses principales ressources spécifiques sont, en simplifiant un peu, la flotte commerciale (mais les armateurs grecs paient peu d’impôts et les ports seront peu à peu vendus à des groupes chinois ou autres) et le tourisme. Ce dernier est à peu près le seul secteur en expansion et représente en 2016 un quart des exportations et 7,5 % du PIB. Selon le rapport du World Travel & Tourism Council sur la Grèce, les effets induits du tourisme sur l’économie conduisent à une contribution totale de 18,6 % du PIB en 2016. Près d’un quart (23,4 %) de l’emploi total serait lié à l’industrie touristique. La stratégie est donc toute trouvée : continuons à attirer les touristes qui abandonnent les pays à risque, avec des tarifs attractifs.

Une dette insoutenable

Les négociations sur la dette grecque sont au fond une fantasmagorie. Personne ne croit vraiment à la soutenabilité à moyen ou long terme de la dette grecque. Le FMI s’est retiré du jeu parce qu’il n’y croit pas, et même la Commission européenne a émis de discrètes réserves. L’Eurogroupe fait semblant de croire au rétablissement de la soutenabilité de la dette grecque en prétendant que le ratio dette/PIB devrait diminuer progressivement pour passer de 188,6 % en 2018 à 168,9 % en 2020, puis 131,4 % en 2030 et 96,8 % … en 2060.

Mais cela, encore une fois, n’est que de l’habillage pour récuser toute nouvelle annulation de la dette. Le refus des créanciers n’est pas fondé sur la confiance dans la validité de leurs scénarios, mais s’explique par la volonté de discipliner leur débiteur grec. Leur objectif est au fond de se donner les moyens de récupérer un maximum d’argent et de reporter le plus tard possible leurs pertes éventuelles.

Il suffit pour s’en rendre compte d’examiner l’échéancier qui vient d’être entériné (il est régulièrement compilé par trois journalistes du Wall Street Journal sur la page Greece’s Debt Due). Le profil est aberrant : après un léger retrait en 2018 (8 milliards de dollars), les remboursements bondissent à près de 12 milliards en 2019. Puis, ils baissent à 4 milliards en 2020 et 2021. Les montagnes russes s’enchaînent : un creux un peu après 2040 et puis, brusquement, cela repart comme un feu d’artifice pendant cinq ans (après une petite pause en 2051) jusqu’à l’annulation finale en 2060 !

La Grèce, endettée… jusqu’en 2060 !

Echéancier annuel des remboursements de la dette grecque

En milliards de dollars. Source: Wall Street Journal

Cette trajectoire chaotique s’explique par le traitement différencié des dettes auprès des différents créanciers. Aujourd’hui la dette de la Grèce est de 294 milliards de dollars qui se répartissent comme suit:

Répartition des détenteurs de la dette grecque (en milliards de dollars)
FESF (Fonds européen de stabilité financière) 131
Gouvernements de la zone euro 53
MES (Mécanisme européen de stabilité) 37
Investisseurs privés 34
Détenteurs de Bons du trésor 15
Fonds monétaire international 12
Banque européenne d’investissement 12

Source : Wall Street Journal

Les Etats et institutions européennes, qui détiennent 80 % de la dette grecque, n’auraient-ils pas pu se concerter, ne serait-ce que pour réduire le « mur » de 2019 où « les besoins bruts de financement s’élèveront à 21 milliards d’euros en principal et en intérêts » comme le souligne la Cour des comptes européenne ? La moitié de ce besoin de financement correspond à la Banque centrale européenne, la même qui refuse de fournir des liquidités en échange de titres de la dette grecque. Une partie des profits réalisés sur les achats de titres grecs par les pays de l’eurozone sera finalement restitué à la Grèce, mais au compte-goutte (voir cette pétition citoyenne de WeMove.EU). L’accord prévoit néanmoins une réserve de précaution de 15 milliards d’euros (contestée au Parlement allemand), ce qui est un moyen d’admettre que le calendrier n’est pas réaliste.

Tout est donc en place pour que le mécanisme infernal de boule de neige s’enclenche à nouveau : la Grèce devra emprunter de nouveau sur les marchés pour faire face à ses échéances, mais à 3, 4 ou 5 %.

Le secret de Polichinelle

Klaus Regling, le directeur général du Mécanisme Européen de Stabilité (ESM, European Stability Mechanism), tire évidemment un bilan positif de l’action de l’Eurogroupe. Dans un discours prononcé devant l’Hellenic Bank Association, le 12 juin dernier, il commence par « féliciter le peuple grec et ses dirigeants politiques pour cette évolution vers une économie plus moderne. » L’objectif est maintenant que la Grèce ait accès aux marchés après l’achèvement du programme : c’est important pour la Grèce mais aussi, soit dit en passant pour l’institution qu’il dirige, puisque elle en est « le principal créancier. » Et il est vrai que l’agence de notation Standard & Poor’s a annoncé, le 25 juin, qu’elle relevait la note de la dette grecque B à B+, ce qui n’empêchera pas que la Grèce devra se financer à des taux élevés. On peut en effet se demander qui se risquerait à prêter à la Grèce sans une prime de risque « rassurante ».

Mais Klaus Regling ne dissimule pas un certain pessimisme : « Permettez-moi de dire en même temps que l’accès de la Grèce aux marchés reste fragile. Retrouver la confiance des investisseurs implique de faire preuve d’un engagement total en faveur des réformes, mais même cela pourrait ne pas suffire dans le cas de la Grèce. » Il faudra donc la surveiller, notamment grâce au Système d’alerte précoce (Early Warning System) dont dispose l’ESM et cette surveillance devra, dans le cas de la Grèce, être « plus serrée et plus complète que dans n’importe quel pays. »

Quelques jours plus tard il livre le fond de sa pensée, dans une interview assez incisive et reproduite sur le site de l’ESM. A la question de savoir si la dette de la Grèce pourrait être déclarée soutenable à long terme, Klaus Regling répond par la négative, suivie d’une formule ampoulée sur le rôle des mesures à moyen terme. Et combien de temps faudra-t-il, lui demande-t-on, que la Grèce fasse des réformes pour rassurer les marchés ? Là encore, la réponse en dit long : « la mise en œuvre des réformes est une tâche permanente. Elle n’est jamais achevée. C’est vrai pour tous les pays du monde, pour tous les pays de l’Union européenne et donc aussi pour la Grèce. Peut-être un peu plus dans le cas de la Grèce, en raison de l’histoire récente de l’économie grecque qui met fin à une période d’ajustement difficile. »

Pas de sortie de crise à l’horizon

Le chef de l’ESM se fait encore plus précis : la surveillance de la Grèce, via le Early Warning System « devra durer jusqu’à ce que tout l’argent soit remboursé ». Jusqu’en 2060 ? demande l’interviewer et Regling répond : « Oui. La Commission arrêtera quand 75 % auront été remboursés, mais pas nous. Nous surveillerons jusqu’à l’échéance finale ». Et il y aura même une « surveillance renforcée » avec « une évaluation tous les trois mois » mise en place pendant « un certain nombre d’années. »

La déclaration finale de l’Eurogroupe du 22 juin, contient d’ailleurs une clause de revoyure : « L’Eurogroupe examinera à la fin de la période de grâce du FESF, en 2032, si des mesures supplémentaires sont nécessaires. » Cette surveillance sert à vérifier que « les engagements sont honorés et qu’il n’y a pas de retour en arrière sur les réformes importantes qui sont nécessaires pour ramener la Grèce sur un sentier de croissance plus élevé. » Bref, la Grèce reste sous tutelle.

Le simili-accord conclu entre la Grèce et ses créanciers européens a été présenté comme une sortie définitive de la crise. C’est doublement faux. L’accord ne peut pas effacer les dommages systématiquement infligés à la société grecque et dont les effets ne sont pas effacés. Il n’ouvre pas non plus une nouvelle trajectoire pour l’économie grecque. Et ces deux constats ne sont pas sans rapport.

Source https://www.alternatives-economiques.fr/un-long-calvaire-sannonce-grece/00085215

Migrants et migraines La rubrique de Panagiotis Grigoriou

Panagiotis  Grigoriou est Ethnologue et historien, chroniqueur, analyste, initiateur d’un concept de tourisme alternatif  et solidaire en Grèce. Le regard de l’historien et de l’anthropologue sur l’actualité et le vécu de la crise grecque.

Migrants et migraines

Juillet et ses températures déjà entières. En mer, on peut parfois croiser imprudemment un de ces géants du grand large transportant l’ultime pacotille de notre si bas monde, tandis que sur terre, c’est carrément le cloaque. Sous l’Acropole, à part nos animaux adespotes attitrés bien en leur place, seuls les orages de la météo sont passés, les idiots utiles qui “gouvernent” alors demeurent.

Sous l’Acropole. Athènes, juin 2018

Alexis Tsípras s’est rendu à Thessalonique mercredi 4 juillet pour une réunion avec ses homologues, bulgare, serbe et roumain, sauf que pour la première fois dans pareils cas, la réunion s’est tenue au sein de l’hôtel près de l’aéroport et non pas en ville, par crainte d’affronter la colère des manifestants de Thessalonique… très remontés il faut dire. Tous les accès conduisant à l’hôtel de l’aéroport ont été barrés par les forces de l’ordre… afin de protéger le Premier ministre le plus haï en Grèce depuis 1945. Tsípras, qualifié à juste titre de traître partout en Grèce et d’abord dans ses régions du nord, Épire, Macédoine et Thrace, n’a donc pas quitté l’hôtel, sauf pour reprendre l’avion vers Athènes le même soir.

En cette Grèce du nord depuis l’accord paraphé entre la “Grèce” de Tsípras et l’ARYM du Premier ministre Zoran Zaev, les élus SYRIZA sont pris à partie et même parfois ils sont quasiment agressés par les citoyens, dès qu’ils osent se montrer en public, comme cette semaine à Kavala pour le député SYRIZA Yórgos Papaphilippou… sauvé de justesse grâce à sa bonne garde policière.

Athènes, juillet 2018

Ensuite, l’autre dernière histoire drôle du pantin Tsípras, c’est qu’il acceptera en Grèce bon nombre de migrants que l’Allemagne refoulera après avoir fait son tri et son marché au détriment comme toujours des autres pays de la pseudo UE. C’est Angela Merkel qui vient d’annoncer son accord avec le valet Tsípras, ce dernier n’aura même pas informé au préalable le “Parlement”, (quotidien “Kathimeriní” du 4 juillet 2018). Encore une fois, et faisant suite à l’affaire macédonienne, Alexis Tsípras “décide” seul, contre l’immense majorité du peuple grec et contre les intérêts du pays. Jusqu’à quand ?

Sur le thème macédonien, le ministre Yórgos Katroúgalos (SYRIZA), joint au téléphone par le journaliste de la radio 90,1 FM, vient de déclarer que même si la majorité des citoyens s’oppose à la politique de l’exécutif sur le dossier macédonien, “le gouvernement n’organisera pas de référendum comme il ne considère pas non plus, que sa décision doit être validée à l’Assemblée de manière large, c’est-à-dire, approuvée par les deux tiers des députés. Et ceci, étant donné que sur ce type de dossiers hautement émotionnels, on ne doit pas poser les questions par référendum, qui plus est, en ce moment et sur ce dossier, lorsque le peuple ne raisonne nullement par un procédé d’une logique disons froide, mais seulement, il s’agite sous la seule force et influence d’un processus affectif”, (émission de Dimítris Takis, le 3 juillet 2018, et c’est à la minute 40’ du fichier sonore archivé sur le serveur de la radio).

Nos animaux adespotes attitrés. Athènes, juin 2018
Nos animaux adespotes photographiés. Athènes, juin 2018

Notons que Katroúgalos, Stalinien dans sa jeunesse, puis Pasokien, notamment durant un moment, conseiller au cabinet de la gouvernance de Yórgos Papandréou, sous l’influence comme on sait des… “thaumaturges” de Soros, est très précisément ce ministre ayant proposé et même… donné son nom à la dernière loi assassine des retraites et ceci, de manière… automatique et permanente.

Comme l’écrit ailleurs à sa manière Nicolas Bonnal, Katroúgalos appartient à cette “droite néocon et libertaire contrôlée par les bobos (un lecteur de Blondet parle de clones: Tsípras, Macron, Sanchez ou Casado, Trudeau, etc.), les féministes humanitaires – et sans enfants – dans le genre de May ou Merkel (elles sont de droite, pas vrai ?) – laquelle droite – continuera de rendre des comptes aux bourreaux-comptables de la mondialisation et de sacrifier un peuple rendu distrait par son Smartphone ou par ses matches de foot.”

Le schéma, pleinement discernable, devient désormais classique. Katroúgalos, Tsípras et consorts, agitateurs au verbiage historiquement gauchisant ayant toujours prétendu s’exprimer au nom du peuple sans jamais y croire en réalité, autant personnages politiques largement minoritaires dans la société du pays réel (SYRIZA fut un parti du 3% avant la dite crise grecque), arrivent ainsi au pouvoir préparées par les mondialisateurs et par le mensonge, sans la moindre morale de l’intérêt public, ni du pays, ni de la nation, somme toute, pour assassiner à la fois leur gauche, le peuple et le pays. Vaste chantier…

Athènes, juillet 2018
Propagande. Paris, juillet 2018 (photo de mon ami Arnauld)
Faire les poubelles. Athènes, juillet 2018

Approchés et finalement intégrés par le systémisme, entre autres celui du financier Soros, ils appliquent en bonnes marionnettes toutes les instructions de son programme ubuesque qui vise à démanteler les pays (déjà) de l’Europe, leur culture ainsi que leur identité, par exemple en exacerbant (voire en fabriquant) les différences et les différents ethniques, à la manière par exemple de l’ex-Yougoslavie ou de la Syrie. Et maintenant, c’est le tour de l’Espagne avec la mise en place du cabinet Sanchez fils spirituel de Soros, et de la Grèce avec Tsípras, fils… adoptif de Soros.

Les moyens mis en œuvre dans ce but sont variés, l’austérité, la surimposition, la prédation immobilière, la destruction du travail et de son cadre juridique après près de deux siècles de luttes sociales, la récupération enfin des migrants de partout y compris d’Allemagne, ceci via des ONG aux affaires bien juteuses sans la moindre légalité sur le terrain du (non) contrôle des frontières, et d’ailleurs, sans jamais poser la question du choix démocratique aux peuples concernés, quant à l’accueil ou non, d’un nombre de migrants alors croissant.

Ainsi, comme pour d’autres réalités implacables et similaires, l’argumentaire (face au journaliste de 90,1 FM) du ministrion Katroúgalos, est issu de cette même affirmation élitiste et la croyance dans la puissance et les privilèges de cette élite, affirmation volontairement et autant renforcée par la déshumanisation et la dégradation de… l’ennemi, c’est-à-dire du peuple. Pauvres pays de l’extrême, ancien et nouveau monde, et pour notre cas grec, pauvre pays d’Épicure, de surcroît très touristique !

Pays… d’Épicure. Grèce, 2018
Hôtel à vendre. Île d’Égine, juillet 2018
Hôtel à vendre. Île d’Égine, juillet 2018

Cependant, tout le monde en Grèce, s’accorde pour observer que sur l’affaire macédonienne, les… apatrides de SYRIZA ont largement sous-estimé la portée de leurs actes, autant que le caractère tectonique de la réaction populaire alors suscitée. Leurs maîtres, ainsi que le gotha des spécialistes en matière de mécanique sociale leur auraient très probablement suggéré que le crime passerait presqu’inaperçu dans la mesure où les Grecs dans leur grande majorité sont quotidiennement occupés et pour tour dire accablés, par leurs propres affaires déjà de survie.

Seulement, la presse fait encore et en partie son travail, ainsi, les Grecs sont par exemple désormais informés que l’accord de Tsípras – Zaev n’est déjà pas conforme à la Convention de Vienne quant aux conditions préalables et nécessaires pour la rédaction et la réalisation d’un traité international entre deux pays. Ceci, parce que par exemple, aucune possibilité de désengagement n’est prévue en cas de la non-validation de l’accord par les deux parlements.

Ensuite l’équilibre et la symétrie quand au processus de validation de l’accord dans les deux pays ne sont pas non plus respectés. D’une part, il y a la réalité du référendum sur l’accord que le gouvernement de Skopje a très justement annoncé pour l’automne prochain, et en même temps du côté grec, il y a le refus de référendum en Grèce de la part des criminels Syrizistes.

Après, l’accord, contrairement aux usages internationaux, ne précise pas les termes utilisés, notamment, lorsqu’il est question “d’irrédentisme à proscrire dans les propos publics et privées”, ce dernier terme (son contenu) n’est aucunement expliqué, sachant que l’irrédentisme officiel (annexion de l’ensemble des territoires de la Macédoine géographique) est formellement exprimé dans la Constitution de l’ARYM, ainsi qu’à travers les manuels scolaires de ce pays. Notons enfin, que le Comité pour la défense de la Macédoine grecque est très officiellement appelé aussi, Comité pour défendre le non-changement des frontières dans les Balkans, c’est donc clair, pas de revendication territoriale du côté grec.

De même, cet accord ne prévoit pas le recours automatique à la Cour internationale de Justice (CIJ), siégeant à La Haye, au cas où, un futur différent pourrait surgir. Ce qui veut dire qu’entre autres, comme le droit à la libre expression des opinions est protégé par la Constitution grecque, le fait de proscrire ce qui pourrait être caractérisé comme relevant de l’irrédentisme constitue une manière indirecte de céder des éléments de la souveraineté du pays.

Local associatif des anciens marins. Égine, juin 2018
Bateau Liberty. Anciens marins. Égine, juin 2018
Immeuble à vendre. Égine, juin 2018

Pour Alexis Tsípras, certaines décisions et réformes ne sont pas populaires en Grèce, sauf qu’il estime que sont gouvernement doit… foncer dans le progressisme, tel est également le sens de son propos au moment où il été interviewé par les journalistes du Point. Et à travers le même nouvel ordre d’idées, Dimítris Vitsas, Ministre de la (non) politique migratoire, vient de déclarer que 151 députés (sur un total de 300) suffisent pour valider l’accord macédonien, (quotidien “Kathimeriní” du 5 juillet 2018).

Visiblement, comme le fait également remarquer à juste titre le journaliste Lámbros Kalarrytis (et ses invités) sur la radio 90,1 FM, “Tsípras donne tout de cette la Grèce, celle qui n’a jamais été la sienne. Les droits des Grecs, la souveraineté, les frontières, la patrie. Et pour ce qui est du programme électorale présenté à Thessalonique par Tsípras en septembre 2014, aucune mention n’a été faite à la politique migratoire, et encore moins au dossier macédonien.”.

“Ainsi, Tsípras présente la petite faveur, au demeurant minable, accordée par Angela Merkel, lui permettant de retarder de quelques mois seulement l’augmentation du taux de la TVA appliqué aux îles de mer Égée orientale, comme légitimant l’accord de son ‘gouvernement’ avec Berlin au sujet de l’accueil forcé et pour tout non désiré par l’immense majorité des Grecs, des migrants que l’Allemagne refoulera”, (émission du 2 juillet 2018). Autrement-dit, la dette très contestée a imposé à la Grèce la politique impériale de Berlin et des rapaces internationaux, dont la politique austéritaire et l’augmentation de l’imposition. La politique économique de la Grèce se décide entre Berlin et Bruxelles, Tsípras a offert en gage et pour 99 ans l’ensemble des biens publics et des richesses existantes et futures du pays (voir hydrocarbures et gaz naturel) aux Troïkans, et voilà que pour n’appliquer que l’unique et alors inique politique migratoire de Berlin au détriment des autres pays de l’Européisme réellement existant, Merkel accorde un… petit miroir à l’indigène Tsípras, comme demain elle l’offrira à l’aborigène Mitsotakis.

Église. Égine, juin 2018
Église. Égine, juin 2018

“Ceux du gouvernement évoquent la présence en Grèce de 58.000 migrants, un chiffre entièrement faux évidemment. Sauf qu’en Grèce (où d’ailleurs, migrants et refugiés ont été dans un premier temps accueillis avec tant d’humanité entre 2014 et 2015), nous avons dépassé le seuil de faisabilité acceptable, tant du point de vue démographique, économique et culturel quant à l’accueil et l’installation des populations de ce type sur notre sol. L’Allemagne, une fois de plus, elle exporte ses problèmes contre la volonté, contre les intérêts et contre l’identité culturelle en partie commune des peuples européens.”

“La présence massive de populations en majorité musulmanes en somme inassimilables, et l’abolition des frontières signifient de fait l’abolition des pays concernés et en même temps de leur souveraineté nationale, entre autres, sous la pression des ONG illégales, pratiquant de fait le trafic d’êtres humains et le commerce humanitaire. Et c’est en même temps la fin de l’UE, car de nombreux pays réagissent à très juste titre à cette situation, pour enfin défendre leurs intérêts nationaux”.

“Et ceci lorsque des centaines de milliers de musulmans s’installent et s’installeront en Grèce, pays de dix millions d’habitants, où 700.000 jeunes Grecs ont quitté le pays, obligés à le faire par la crise et pour tout dire ouvertement incités par les mondialisateurs. Il y a pourtant plus de 1,5 millions de chômeurs au pays lorsque l’ensemble du système politique reste indifférent à leur sort, et nous vivons alors au quotidien cette mélancolie permanente des parents, car pratiquement toutes les familles grecques sont concernées par cette forme de deuil”.

Au pays des figues. Grèce, juillet 2018
Au pays des chats. Athènes, juillet 2018

“Et l’on observe qu’au moment où il n’y a plus d’investissements productifs en Grèce et pour cause, les capitaux sont toujours trouvés pour gonfler les effectifs des ONG à la Soros. J’ai récemment appris qu’une seule ONG emploie en Grèce plusieurs centaines de personnes, et que les Syrizistes, placent alors leurs enfants sans travail au sein des ONG de ce type. Le but même, à peine caché de SYRIZA, c’est d’accorder à terme la nationalité grecque aux milliers de migrants pour enfin se maintenir électoralement, lorsqu’il a trahi le peuple grec et ainsi, il est définitivement détesté par l’immense majorité des citoyens”, Lámbros Kalarrytis (et ses invités) sur la radio 90,1 FM, le 2 juillet 2018.

Au pays des figues et des chats rien ne va plus, sauf que la boucle de l’exégèse est on dirait désormais bouclée. Bouclée comme une cravate à Tsípras, bouclée comme une corde autour du cou du pays. Le système politique, largement hétéronome et mafieux, alors fait semblant de s’emballer. Panos Kamménos, ministrion de la Défense, allié de Tsípras et chef du parti des Grecs Indépendants en décomposition a déclaré lundi matin dans une conférence de presse qu’il ferait tomber le gouvernement si l’accord macédonien n’est pas validé par 180 députés ou sinon par référendum. Le même soir, il déclarait à la télévision qu’il ne quittera pas le gouvernement et qu’il soutiendra Tsípras jusqu’au bout, (presse grecque du 4 juillet 2018). Le pouvoir rend aveugle… et alors crétin.

Au même moment, le parti finissant de “la Rivière” et de Stávros Theodorakis, pur produit des… créationnistes de Bruxelles et de Berlin, étiqueté compatible Soros, se sépare de sa coalition avec les anciens népotistes historiques des débris du PASOK. C’est, officiellement, pour “servir le pays et épauler un futur gouvernement dans le but de faire adopter l’accord macédonien”. Stávros Theodorakis a même commenté sa rencontre cette semaine avec le… Proconsul Pierre Moscovici, évoquant précisément “l’éventualité de voir en Grèce la formation d’un futur gouvernement plus dynamique” .

Voiliers loués. Cap Sounion, juin 2018
Caïque… musée. Égine, juin 2018

Les marionnettes s’agitent et les maîtres fous du jeu préparent alors le nouveau spectacle sur le théâtre des opérations. Encore, et comme par hasard, le chef de la Nouvelle démocratie, le germano-compatible Kyriákos Mitsotakis, le… favori des sondages évidemment, a déjà usé de sa motion de censure à l’encontre du gouvernement et qui n’est pas passée comme prévu, sachant qu’il ne pourra pas y revenir avant six mois.

Parallèlement, et comme les néonazis de l’Aube dorée ne remplissent plus tellement leur rôle, à la fois d’épouvantail et d’entrave à toute résistance patriotique organisée du pays réel, le système s’apprêterait à créer de nouveau, un faux parti de la dignité et de la résistance, cette fois situé à droite, après… avoir adopté comme on sait l’animal de compagnie politique SYRIZA. Le but c’est de canaliser le choix politique des Grecs, surtout dans l’éventualité d’une insuffisance alors largement avérée des pseudo-partis politiques actuels.

Bateau et touristes. Égine, juin 2018

Récapitulons, en tout cas pour le moment. La dette, la dite austérité, la Troïka, l’affaiblissement du pays, la destruction des droits des travailleurs et de l’économie réelle, la perte de sa souveraineté ainsi que le danger démographique et identitaire que constitue la question migratoire, forment alors un ensemble explosif.

Alexis Tsípras poussera alors jusqu’au bout cette politique totalitaire façonnée dans les ateliers du mondialisme et de l’Européisme, où d’ailleurs, lui et ses autres amis de la dernière mafia politique picorent depuis déjà un moment. En parfaite d’ailleurs concordance avec l’entreprise Soros, “ce vilain garçon qui a appauvri les gens dans le monde entier avec ses machinations financières et qui a travaillé dur pour perturber et détruire les cultures et les sociétés locales en utilisant les initiatives de l’Open Society, sa firme activiste aux multiples tentacules”.

Ainsi, comme l’a fait remarquer le journaliste Andréas Mazarakis dans son émission radio, aussitôt Tsípras a-t-il accordé le nom de “Macédoine du nord” aux voisins Slavomacédoniens de l’ARYM, comme par hasard, les Antifa d’Athènes (liés comme on sait à Soros), appellent via leurs affiches, au changement du nom de la région grecque de la Macédoine, en “Macédoine du sud”, en promotion ouverte de l’irrédentisme de Skopje (autant financé par Soros), visant entre autres au dépeçage de la Grèce, (émission du 4 juillet 2018, radio 90,1 FM). Contrairement à ce que Tsípras raconte depuis deux semaines, son accord macédonien n’apaise pas les passions balkaniques, bien au contraire, il met en danger la bien précaire déjà situation géopolitique dans la région.

Alexis Tsípras entame une politique de reculades au caractère dangereusement stratégique dans l’ensemble des dossiers de la politique étrangère grecque, contre de gains pitoyables et d’ailleurs éphémères en matière de politique politicienne interne. Rien que pour cette attitude et pour le référendum trahi par son Putsch parlementaire en 2015, Alexis Tsípras devrait un jour être jugé pour haute trahison.

Il impose en même temps toute une série de mesures facilitant l’installation de migrants que le pays ne désire pas, comme il ne peut pas les intégrer, qui plus est, en transformant à terme de nombreux territoires grecs en terres musulmanes, ce qui permettra si le processus n’est pas stoppé, à réaliser le rêve géopolitique de reconquête de la Grèce chrétienne (par exemple celle des îles grecques de la mer Égée), par une Turquie islamisée et néo-Ottomane.

Déjà, sans trop l’annoncer dans les médias, SYRIZA, ce “gouvernement” de l’euthanasie nationale et historique ainsi que les ONG, lesquelles le plus souvent le remplacent sans la moindre légitimité démocratique, installent ici ou là à travers toute la Grèce continentale de structures accueillant les migrants, avec il faut le noter, l’aimable participation des élus locaux, ces derniers ayant toujours couru derrière les affaires juteuses, et de l’argent dans cette affaire il y en a.

Retraités manifestants. Athènes, juin 2018

Et lorsque le Grecs accablés posent alors la question tout à fait rationnelle, pourquoi ce pays qui fait partir ses enfants et qui sombre devait être forcé d’accueillir les migrants depuis la Turquie comme depuis d’Allemagne, qui plus est, sous de conditions lamentables, avec à la clef le remplacement partiel mais suffisant de sa population, la réponse de l’internationale mondialiste (Européistes, Syrizistes, Antifa et consorts), remâche alors le vieux cannabis avarié du  droit-de-l’hommisme, de l’humanitarisme et du multiculturalisme à toutes les sauces.

Le tout, contre l’avis et la volonté des citoyens, qui sont les seuls pouvant légalement et légitimement décider du degré et du moment d’ouverture et de fermeture de leur pays. Enfin en Grèce, après huit années de “gestion” comme de mutation, et de mutilation troïkannes, ceci, entre humiliations et atteintes à la dignité du peuple grec et d’abord à la Constitution du pays, l’immigration de masse imposée par les mêmes centres de pouvoir impériaux et autant par la Turquie, ne peut que provoquer une blessure de plus et de trop au sentiment populaire de souveraineté nationale.

Rappelons également, ce que Cornelius Castoriádis faisant remarquer (en 1984) au sujet des empires coloniaux, à travers le cas de la Nouvelle Calédonie: les “populations immigrées minoritaires qui comme toujours dans ces cas-là sont plutôt du côté de la puissance dominante (un peu comme les Indiens en Afrique du Sud) ; ces derniers en particulier n’ont aucune envie de voir les Canaques établir un État indépendant”, Cornelius Castoriádis, “Thucydide, la force et le droit”.

Actuellement, les mondialisateurs impériaux (la puissance dominante) qui détruisent États et nations en Europe et ailleurs, organisent cette massification de la présence de migrants sur le sol de l’Europe, sachant que les migrants (très sélectivement Musulmans) sont et seront de leur côté. D’ailleurs ces migrants, déjà déracinés (généralement par ces mêmes mondialisateurs) partagent avec les européistes (dont la classe politique à la SYRIZA qui nous serinent les insanités postmodernes) et avec les administrateurs coloniaux, ce même usage des termes… comme des terres. Pour les uns, comme autant pour les autres, les pays de l’Europe ne doivent être que de simples terrains d’exploitation et de conquête, d’en bas comme d’en haut, sans évidemment partager (lorsqu’ils ne lui sont pas hostiles) ni l’histoire, ni la culture et encore moins les usages des peuples d’Europe, pour l’instant encore majoritaires chez eux.

La maison de Níkos Kazantzákis. Égine, juin 2018

Sous un autre angle, c’est très exactement le propos des dirigeants politiques de la Turquie, affirmé ouvertement depuis d’ailleurs bien longtemps. “Le problème gréco-turc sera résolu par la démographie” avait ainsi argumenté Turgut Özal en son temps, préfigurant le courant néo-ottomaniste d’Ahmet Davutoglu, repris par Recep Tayyip Erdogan. Ce n’est pas par hasard non plus que c’est face aux îles grecques dont la population est à 100% chrétienne et que la Turquie revendique ouvertement, que les dirigeants de la Turquie et leurs passeurs, ONG comprises, font… patienter tant de milliers de jeunes musulmans, au demeurant déracinées et malheureux.

Et lorsque Tsípras et plus amplement les Syrizistes… apatrides, estiment qu’en accordant massivement la nationalité grecque aux migrants, ils remplaceront ainsi… les électeurs qui leur manquent et qui leur manqueront de plus en plus, eh bien, ils se trompent. Un des axes centraux de la politique de la Turquie actuelle, explicitement décrite dans l’ouvrage phare d’Ahmet Davutoglu , “Profondeur stratégique” .

C’est le renforcement du rôle politique des populations musulmanes dans tous les Balkans sous le contrôle de la Turquie, entre autres, par la création de partis politiques musulmans et/ou turco-musulmans, et ce c’est qui se passerait alors en Grèce comme déjà en Bulgarie. Je dois également remarquer ce que peu de médias évoquent, et pour cause. Le “gouvernement” SYRIZA/ANEL ne tient que par une majorité de 152 députés sur 300 au total dans l’hémicycle (145 SYRIZA et 7 ANEL), mais deux députés SYRIZA sont issus de la minorité musulmane de Thrace, ces derniers seraient suffisamment “confirmés et encadrés” par Ankara. C’est aussi une… grille de lecture possible et parallèle des événements en cours !

Notons aussi qu’à chaque fois que le président Erdogan entre en pourparlers avec les Européens, les flux de migrants qui entrent en Europe depuis la Turquie s’arrêtent pour quelques heures, histoire de monter qui est réellement le maître du jeu géopolitique dans l’affaire.

Au pays d’Alexis Zorbás et de son auteur Níkos Kazantzákis, la saison se dit touristique et fière de l’être… lorsque Airbnb finit par détruire ce qui subsistait de l’équilibré des réalités urbaines à Athènes, faisant suite à huit années de la dite crise grecque.

En ce mois de juillet aux températures déjà entières, la boucle est bouclée et nous le savons. Entre le dossier macédonien, les mensonges de Tsípras – Moscovici sur la situation de la Grèce, et enfin le dossier migratoire qui est surtout géopolitique et ensuite seulement humanitaire, en dépit de la propagande ambiante, la… vraie crise grecque ne fait que commencer. Le pays, son peuple, son territoire sont en danger de mort.

Décidément, sur terre c’est carrément le cloaque. Maigre consolation pourtant, sous l’Acropole, nos animaux adespotes attitrés sont toujours bien en leur place.

Animal adespote. Athènes, juillet 2018

* Photo de couverture: Au large… Grèce, juin 2018

mais aussi pour un voyage éthique, pour voir la Grèce autrement “De l’image à l’imaginaire: La Grèce, au-delà… des idées reçues !”   http://greece-terra-incognita.com/

Grèce : Sur le pseudo accord sur la dette

Grèce. L’accord Tsipras-Eurogroupe sur la dette grecque: une cravate tel un nœud de pendu Publié par Alencontre le 29 – juin – 2018 Par Antonis Ntavanellos

Alexis Tsipras avait promis à ses homologues de changer de style et de porter une cravate quand le problème de la dette serait résolu et l’économie grecque serait sortie de la politique barbare des mémorandums appliquée sous la tutelle de la troïka des créanciers.

En effet, en présentant au public à Zappeion [le monument situé dans le Jardin national d’Athènes, au centre de la capitale grecque] l’accord du dernier Eurogroupe tenu à Luxembourg [finalisé dans la nuit du 21 au 22 juin 2018], le Premier ministre grec portait… une cravate! Il s’agissait d’une tentative visant à souligner le «message» du gouvernement SYRIZA-ANEL selon lequel la politique des années dernières, celle mise en œuvre depuis 2015 – une politique de prolongement et d’approfondissement de la rigueur des mémorandums initiés en 2010 – serait, en fait, une sorte de success story, qui a fini par mener le pays hors de l’époque des mémorandums si détestés.

Cette tentative de lancer une politique de communication convaincante est vouée à l’échec, puisqu’elle est tellement éloignée de la réalité. Derrière la démagogie d’une supposée «fin des mémorandums» se cache la vérité de l’engagement impérieux de suivre la politique des mémorandums pour une période de durée impensable, en fait pour toute une époque historique.

L’accord de cet Eurogroupe a été inférieur aux attentes de l’équipe de Tsipras. La «proposition française» (d’un Macron pas trop «radical») – de lier le remboursement de la dette et la croissance du PIB en ayant recours aux «mécanismes» censés réduire les tranches de paiement en fonction du déroulement de la situation – a été tacitement abandonnée.

Pratiquement, la décision pourrait être résumée dans la «prolongation» des échéances en ce qui concerne seulement un tiers de la dette (les 96 milliards d’euros des prêts par le EFSF dans le cadre du deuxième mémorandum) et la création d’une réserve de trésorerie (cash buffer) qui devrait permettre aux gouvernements futurs de couvrir leurs obligations de remboursement, si le retour acclamé de la Grèce sur les marchés financiers s’avérait impossible en dernière instance

La décision est calquée sur les exigences des créanciers et de l’UE.

D’une part, elle leur permet de déclarer que désormais «aucun pays européen ne se trouve sous un mémorandum», c’est-à-dire de tenter de renforcer l’image de cohésion de l’Espace économique européen, en vue de l’accentuation plausible des conflits ouverts par la politique de protectionnisme et de guerre commerciale entamée par Trump.

D’autre part, elle protège leurs intérêts concrètement et sur une longue durée.

La création d’une réserve de trésorerie, qui a été jugée nécessaire, est fondée sur le calcul que les plans de Tsipras-Tsakalotos de sortir rapidement sur les marchés financiers sont tout simplement des surestimations très exagérées.

Il y a quelques semaines, suite à l’épisode de la crise italienne, le taux d’intérêt à dix ans des titres de créance grecs a atteint 4,84% (au même niveau environ qu’avant la faillite qui a ouvert la route pour le premier mémorandum de 2010-2011). Suite à la déclaration de la décision de l’Eurogroupe, il s’est légèrement infléchi à 4,14%, c’est-à-dire à un niveau encore prohibitif.

Le «délai de grâce» – sans paiement des intérêts et du capital – de 10 ans (2032 et non pas en 2022) pour les 96 milliards de créances du Fonds européen de stabilité financière (EFSF) – ce qui n’est assurément pas un cadeau puisqu’il ajoute une décennie d’intérêts profitables pour les créanciers – doit faciliter les remboursements du reste de la dette et implique en même temps un nouveau jalon de la crise de la dette grecque: en 2032 (au lieu de 2022, avec la supervision qui en découle).

Pour reprendre les mots d’un journal du système, To Vima [La Tribune], lequel attribue cette estimation aux «experts» anonymes: «Le deal est astucieux. Les Allemands n’ont pas donné grand-chose à la Grèce, ils ont plutôt octroyé le strict nécessaire, pour faire sortir le pays de la zone de danger à moyen terme. Nous allons avoir besoin d’eux de nouveau en 2032, s’il n’y a pas une relance rapide de l’économie.»

En retour, le gouvernement de Tsipras a «cédé» sur les points suivants:

L’engagement que la totalité des lois signées dans le cadre des mémorandums, les réformes et les contre-réformes de toute la période des huit ans de la crise, resteront en place sans la moindre modification, même de deuxième ordre, même après la fin supposée des mémorandums. Ce que Tsipras qualifie de sortie de mémorandums est en fait la transformation des contre-réformes néolibérales contenues dans les mémorandums 1, 2 et 3 en mesures permanentes pour des décennies!

L’engagement de prendre des mesures additionnelles de rigueur extrême qui consistent: dans la réduction des retraites déjà mises en route pour 2019; dans l’augmentation des impôts payés principalement par les milieux populaires; dans l’abolition du plafond du revenu non imposable dès 2020; dans l’augmentation de l’impôt foncier [ENFIA] par l’«ajustement» des valeurs objectives des biens immobiliers; dans la démolition de la protection sociale même rudimentaire par la réduction des prestations de sécurité en 2018; et encore, dans le programme galopant de privatisations qui comporte non seulement l’entreprise publique de l’électricité (DEI), mais aussi le système de distribution de l’eau à Athènes et à Thessalonique ainsi que tous les terrains publics dont la valeur immobilière est estimée valorisable.

L’engagement de resserrer la politique économique et sociale future dans l’espace extrêmement étroit prévu par l’accord sur les excédents budgétaires primaires (avant le paiement des intérêts de la dette), ce qui va continuer, sans relâche, à pousser la société plus profondément dans la barbarie néolibérale. L’accord stipule que la Grèce devra dégager un excédent correspondant à 3,5 % de son produit intérieur brut jusqu’en 2022, puis de 2,2 % en moyenne durant 37 années supplémentaires, c’est-à-dire jusqu’au 2060!

Même ces économistes qui ont toujours soutenu les mémorandums notent qu’aucun autre pays du monde dans l’histoire de l’économie n’a jamais visé à dégager des excédents de cette ampleur pour une période d’une durée si longue.

Et pourtant, Tsipras ne se fait pas de souci, bien que l’expérience grecque des derniers huit ans démontre que ces excédents sont payés par le sang des travailleurs et les classes populaires les plus pauvres. Les créanciers ne se font pas de souci non plus, puisque l’accord de l’Eurogroupe met en place un mécanisme draconien pour la surveillance et la garantie des excédents: des audits trimestriels, des rapports de conformité, des mécanismes impliquant la prise de mesures additionnelles lorsque les objectifs budgétaires ne seraient pas atteints. On dirait un quatrième mémorandum… après le fin du troisième.

Comme nous l’avons noté auparavant, le déroulement «normal» de cet accord présuppose un passage plus ou moins rapide de l’économie grecque vers un état de croissance perpétuelle. Le cas échéant, l’accord prévoit les stades suivants de l’intervention drastique des créanciers, premièrement en 2022 et puis, probablement de façon encore plus dramatique, en 2032.

D’ailleurs, Christine Lagarde (FMI) et Mario Draghi de la BCE déclarent que cet accord est considéré viable à moyen terme, jusqu’en 2032 (donc il y a encore un délai pendant lequel la Grèce peut continuer d’être exploitée), mais la dette grecque n’est toujours pas viable à long terme.

Pourtant, il est plus probable que le problème va ressortir plus tôt, puisque l’accord ne prend pas en compte les prévisions sur la croissance de l’économie grecque et ne la facilite pas non plus

L’engagement de dégager des excédents correspondants à 3,5% du PIB signifie que les investissements publics (l’instrument traditionnel de la «croissance» du capitalisme grec) ne seront pas augmentés. Par contre, ils seront encore réduits. En réponse, l’état-major de Tsipras promet déjà des investissements privés et il souligne qu’ils ne vont hésiter devant rien pour les faciliter. Or, malgré l’anéantissement des salaires et des droits des travailleurs, les investissements par les capitalistes grecs restent à un niveau de 30% (!) par rapport aux investissements avant la crise. N. Christodoulakis, ministre social-démocrate de l’époque de Kostantinos Simitis (PASOK, premier ministre de 1996 à 2004), fait état d’un «manque d’investissements à hauteur de 100 milliards en Grèce aujourd’hui. Il propose de réduire les excédents primaires à 1,5% du PIB, pour que le reste des ressources fiscales puisse être dirigé vers des «investissements dans la production», ce qui pourrait soutenir les chances d’une croissance économique. Alexis Tsipras va vite comprendre la valeur de la position historique de la gauche que la seule politique viable face à la dette consiste à la répudier et à la supprimer.

Du point de vue des travailleurs et des travailleuses ainsi que des classes populaires, l’accord de SYRIZA avec les créanciers et la Troïka constitue un grave danger. La reconnaissance des investissements privés (nationaux et internationaux) en tant qu’espoir unique pour le progrès social mène à l’assujettissement absolu aux appétits du capital. Les salaires, les retraites, les dépenses sociales, le droit du travail, la protection de l’environnement, les espaces publics, les droits sociaux au sens large, seront mis sous pression et sous des mises en question additionnelles. Les «sacrifices» exigés seront d’une barbarie accrue et le résultat restera encore plus incertain qu’en comparaison au premier mémorandum (qui prévoyait la sortie de la crise en… 2012!).

Face à cette politique, la seule réponse qui ait une consistance réside dans l’organisation et la relance de luttes d’ampleur pour aboutir à la mettre en cause.

Face à cette politique, la Nouvelle Démocratie (de Kyriakos Mitsotakis) et l’extrême droite (Aube dorée), qui ont essayé de construire un mouvement nationaliste de masse sur le thème de la Macédoine, manifestent maintenant un comportement plutôt mou. Ils condamnent les «coups ratés» de Tsipras, ils tentent de profiter du mécontentement populaire face aux mesures planifiées. Mais elles prennent soin de laisser hors d’atteinte le noyau de la politique prévue par l’accord. Pour la droite, la voix du capital c’est depuis toujours «la voix de Dieu».

Dans ces conditions nouvelles, le fardeau de la résistance et du renversement tombe de nouveau sur la gauche radicale. (25 juin 2018; traduction Sotiris Siamandouras)

Source Grèce. L’accord Tsipras-Eurogroupe sur la dette grecque: une cravate tel un nœud de pendu

Grèce : Souveraine dette

Souveraine dette | à propos de l’accord sur la Grèce du 21 juin 2018

25 juin 2018 par Dimitris Alexakis

«Quatre mots, quatre mensonges» notait, à propos de l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques, le philosophe Cornélius Castoriadis, co-fondateur du groupe «Socialisme ou Barbarie», dans la ligne de la critique du stalinisme initiée par Boris Souvarine. On pourrait en dire autant des termes qui balisent la communication de crise des institutions européennes. Produits par les équipes de travail de l’Eurogroupe ou de la Commission, ces éléments de langage sont repris tels quels par les éditoriaux des plus grands médias français [1] et appuient une forme de propagande par le mot. La casse du droit du travail [2], les entraves à l’activité syndicale, la baisse drastique des salaires et retraites sont communément qualifiées de «réformes» («continuer à réformer», selon un article du «Monde» en date du 18 juin dernier, consisterait notamment à «réduire de nouveau les retraites d’environ 15%»). Les accords au terme desquels un pays perdu de dettes est contraint de s’endetter toujours davantage constituent des «plans de sauvetage» ou des «plans d’aide» — «plans d’aide» qui, conformément à leur nom, ne sont pas imposés mais «consentis» ou «accordés» et dont la Grèce «bénéficie depuis huit ans». On ne parle pas de fermetures d’hôpitaux, de suppressions de lits ou de services entiers mais «d’assainissement des finances publiques». Les mesures les plus inégalitaires — hausse de la TVA sur les produits de première nécessité, baisse drastique des moyens alloués à la santé [3] et à l’éducation publiques — y sont qualifiées de «douloureuses» — comme si elles n’épargnaient pas les plus riches et comme si la «douleur» qu’elles entraînent constituait un témoignage supplémentaire, bien que regrettable, de leur nécessité et de leur efficacité. Tout élément concret est évacué. Dans cette rhétorique où chaque mot est une parade contre le réel et où l’analyse des causes est systématiquement évacuée, il est de bon ton de saluer à la fin de chaque étape les «efforts» consentis par «le peuple grec» — peuple qui, après avoir inconsidérément relevé la tête, semble s’être rendu aux arrêts de la Troïka comme on se rend à l’évidence. Les mêmes termes circulent, des communiqués officiels aux éditoriaux de Laurent Joffrin ou de France-Inter, avant de revenir à leur point de départ. On se demande souvent qui parle et qui peut bien prêter foi à ces termes vides. Probablement pas, en tous cas, ceux qui en sont à l’origine ; le polémiste Karl Kraus évoquait en son temps ces dirigeants qui mentent aux journalistes puis croient (ou feignent de croire) ce que les journaux écrivent ; dans sa chronique récente des négociations de 2015 [4], Yanis Varoufakis a amplement documenté le fait que ni Christine Lagarde, ni même Wolfgang Schäuble ne pensaient sérieusement que les mesures imposées auraient un effet bénéfique sur l’économie grecque ; qu’ils se trouvaient eux aussi, à leur façon, piégés, contraints de persister dans l’erreur par crainte de tout perdre — à commencer par leur poste, leurs positions durement acquises.

Il en va ainsi des éléments de langage qui accompagnent le dernier épisode du feuilleton grec, celui de la «sortie de crise» que serait censé marquer l’Eurogroupe du 21 juin [5]. «Le Monde» annonçait récemment à ses lecteurs que le pays «s’apprête à sortir des plans d’austérité». Le commissaire européen aux affaires économiques et financières, soudain lyrique, entreprend au lendemain de la signature de l’accord de réécrire l’Histoire dans l’espoir de faire oublier ses propres reniements, la duplicité et le cynisme dont ont fait preuve l’ensemble des dirigeants français au plus fort des négociations de 2015 («La crise grecque fut une odyssée dans l’inconnu, obligeant les Européens à s’entendre, à se serrer les coudes et à inventer des solutions inédites pour survivre.»)

«Victoire», «jour historique» : la «fin des mémorandums» annoncée par le communiqué du 22 juin et bruyamment célébrée par le gouvernement grec peut être lue à rebours comme l’entrée dans une phase d’austérité sans fin [6].

L’accord se fonde d’abord sur le fait que «le job a été fait» ; les mesures exigées du gouvernement Tsípras ont été soit appliquées soit, pour une partie d’entre elles, tout juste votées : le fait que cette séance suive de quelques jours le vote à l’Assemblée grecque d’un paquet de mesures austéritaires («le dernier», s’est réjoui le Premier ministre grec) n’est pas dû au hasard. Le chapitre des privatisations massives exigées par les créanciers est largement bouclé ; l’objectif (appropriation des actifs locaux par des consortiums aux intérêts allemands, français, etc.) a été atteint [7]. L’accord repose en outre sur l’engagement donné par le gouvernement de ne pas revenir sur les mesures adoptées au cours de ces huit dernières années (en particulier concernant les retraites, filet de sauvetage pour de nombreux foyers et de nombreux jeunes chômeurs ; cette question continuera de peser sur le gouvernement actuel comme une épée de Damoclès dès la fin des démonstrations d’autosatisfaction auxquelles il se livre aujourd’hui).

L’austérité n’a plus besoin d’être exigée puisqu’elle est désormais tout entière contenue et fixée dans les chiffres – ceux des objectifs d’excédents primaires (solde positif des finances publiques hors service de la dette) auxquels le gouvernement actuel s’est engagé pour une durée dépassant de beaucoup son mandat : sous le prétexte de maintenir sa dette à un niveau soutenable, la Grèce devra dégager un excédent correspondant à 3,5 % de son produit intérieur brut jusqu’en 2022, puis de 2,2 % en moyenne durant 37 années supplémentaires, et cette condition ne saurait être respectée qu’au prix d’une austérité prolongée. Comme le remarque Yannis Almpanis, cette prévision «signifie que 25 milliards d’euros seront retirés de l’économie grecque pour le service de la dette au cours des 4 prochaines années. Ceci entraînera le maintien de la croissance à des niveaux trop faibles pour une économie ayant perdu 25% de son produit intérieur brut durant la période mémorandaire. La prévision du gouvernement tablant sur un taux de chômage de 14% en 2022, taux qui représente presque le double de ce qu’il était en début de crise, est à cet égard indicative.»

On ne sort pas de la logique des communiqués précédents (réunions de l’Eurogroupe de novembre 2012, février 2015…) qui liaient indissociablement viabilité de la dette et dégagement d’excédents intenables sans un resserrement à l’extrême des finances publiques, donc une austérité accrue. Le cercle vicieux initial est reconduit ; comme les saignées des médecins de Molière, le remède proposé ne cesse d’aggraver les causes.

Le refus réitéré des instances européennes de procéder à une restructuration de la dette grecque est mis à profit pour installer dans la durée un régime d’austérité, presque dans le sens où on parle de régime politique ; à cet égard, le communiqué introduit effectivement une nouveauté relative ; le pays sort pour partie et sous conditions du cycle court et toujours instable des négociations pour entrer dans une phase de conformité structurelle aux objectifs des plans d’austérité. En adoptant une solution prévoyant l’étalement des remboursements sur dix ans, les instances européennes visent moins un allégement qu’une consolidation de l’austérité. Courage, fuyons [8] : le problème que pose l’insolvabilité (avérée dès 2010) de l’État grec est donc moins réglé que suspendu, et laissé aux générations futures.

Dans une économie marquée par les écarts de plus en plus béants «entre le casino de la Bourse et l’économie réelle» (Michel Serres, Le Temps des crises), le politique devient ordonnateur des illusions et créateur ou vecteur de croyance. Le communiqué du 22 juin doit de fait être lu comme une adresse aux marchés et a pour but premier de restaurer leur confiance, selon une logique tenant à la fois du pari et de la méthode d’Émile Coué [9]. Face à un pays dont la dette se monte toujours à près de 180% du PIB, il est cependant peu probable que les marchés se rangent à l’optimisme [10] des dirigeants européens, que ni Christine Lagarde ni Mario Draghi ne semblent d’ailleurs partager. (La Cour européenne des comptes avait quant à elle, en novembre 2017, exprimé de très sérieuses réserves sur la capacité de la Grèce à se financer sur les marchés [11].)

Bénéficiaires à court terme, ces dirigeants peuvent désormais se tourner vers leurs électeurs respectifs pour leur annoncer que la Grèce se financera désormais sans eux. Ce dégagement sur le long terme est purement hypothétique (la crise pourrait réapparaître très vite) ; rien n’est dit en outre des taux d’intérêt auxquels le pays devra faire face pour continuer à s’endetter.

L’essentiel de l’accord tient au fait qu’il ne propose à la Grèce aucun autre horizon qu’un endettement sans fin, générateur de nouvelles dettes. Contrairement à ce qu’écrit Pierre Moscovici (pour qui la dette grecque serait aujourd’hui «maîtrisée»), la logique de l’endettement sort renforcée de cette pseudo sortie de crise. La réponse apportée est ainsi indicative de l’incapacité plus générale des dirigeants de l’Union à tirer les leçons de la crise de 2008. Comme le remarquait récemment Jézabel Couppey-Soubeyran [12], le risque d’une nouvelle crise financière ne peut être négligé : la réforme structurelle du secteur bancaire européen a été en grande part abandonnée ; les institutions n’envisagent plus de taxer les transactions financières à une échelle européenne ; plutôt que de se préoccuper du risque systémique que font peser les mastodontes bancaires européens, l’Union continue de les encourager. «La seule réforme qui se poursuive est finalement celle de l’union des marchés de capitaux», réforme «qui facilite l’accès à la dette des entreprises et entend relancer la titrisation» : ce sont justement là «les deux ingrédients majeurs de la précédente crise financière». L’accord du 21 juin, loin de ne concerner que la Grèce, met en lumière l’incapacité des élites au pouvoir à faire face à la crise systémique qui continue de guetter l’Europe: amnésie sélective, volonté de cacher sous le tapis les causes profondes de l’instabilité financière et de la dissolution politique de l’Union, réintroduction des éléments de la crise dont les responsables européens semblent croire qu’ils produiront cette fois, comme par magie, d’autres effets.

 [1] À propos du traitement de la crise grecque par les médias européens : La crise grecque : un scandale manqué, Jeremy Morales, Yves Gendron, Henri Guenin-Paracini (Archives Ouvertes).

[2] À propos de la situation actuelle du droit du travail en Grèce : La législation du travail grecque imposée par l’UE viole la Charte sociale européenne, Michel Miné (le Blog de Médiapart) et, pour une étude d’ensemble : Le droit du travail en Grèce à l’épreuve du droit international et européen (du même).

[3] À propos des conséquences de l’austérité sur la santé : L’austérité au filtre des eaux usées, Mohamed Larbi Bouguerra (Le Monde Diplomatique).

[4] Conversations entre adultes, éd. Les Liens qui Libèrent.

[5] Lire : Déclaration de l’Eurogroupe sur la Grèce (22 juin 2018) ; ordre du jour de l’Eurogroupe du 21 juin et documents annexes.

[6] Pour une analyse détaillée de l’accord de l’Eurogroupe sur la Grèce, lire : L’Europe propose à la Grèce un plan de sortie irréaliste, Martine Orange (Médiapart), Καθαρή αδιέξοδος, Θάνος Καμήλαλης (The Press Project), Why the debt deal with the EU is bad for Greece, Jerome Roos (Aljazeera).

[7] À propos des privatisations : Grande braderie en Grèce, Niels Kadritzke (Le Monde Diplomatique), Privatisations: une rente perpétuelle et sans risque pour le privé, Martine Orange (Médiapart), Aéroports grecs : cessions et grandes concessions, Fabien Perrier (Vues d’Europe).

[8] L’expression est tirée du film homonyme d’Yves Robert (1979).

[9] «Si, étant malade, nous nous imaginons que la guérison va se produire, celle-ci se produira si elle est possible. Si elle ne l’est pas, nous obtiendrons le maximum d’amélioration qu’il est possible.» (Émile Coué, Suggestion générale).

[10] L’entretien accordé au quotidien «Süddeutsche Zeitung» trois jours après la signature de l’accord par Klaus Regling est à cet égard édifiant, dans la mesure où, après avoir affirmé sa confiance dans la capacité de la Grèce à se financer sur les marchés, le directeur général du Mécanisme européen de stabilité y esquisse un parallèle trompeur entre la conférence de Londres de 1953 sur la dette de l’Allemagne et la réunion de l’Eurogroupe de juin 2018 : «L’économie grecque a été entièrement restructurée au cours des huit dernières années et à l’occasion des trois programmes d’ajustement. A partir de 2016, la Grèce a dégagé un petit excédent fiscal. Je ne doute pas que la Grèce sera capable de revenir sur les marchés. Et la Grèce remboursera nos prêts. Cela prendra du temps. Mais la dernière tranche de remboursement découlant de l’accord de Londres de 1953 sur la dette de l’Allemagne n’a été versée qu’en 2010. Personne ne l’a relevé à l’époque – c’est pourtant ainsi que j’imagine que les choses se passeront aussi avec la Grèce.»

[11] À propos du rapport sur la Grèce de la Cour des comptes européenne, lire : La Cour des comptes européenne accable la gestion de la crise grecque, Martine Orange (Médiapart) ; le rapport lui-même est disponible ici.

[12] Une crise bancaire est toujours possible, Jézabel Couppey-Soubeyran, maître de conférences à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.

Source https://oulaviesauvage.blog/2018/06/25/souveraine-dette/

Macédoine de Soros La rubrique de Panagiotis Grigouriou

Panagiotis  Grigoriou est Ethnologue et historien, chroniqueur, analyste, initiateur d’un concept de tourisme alternatif  et solidaire en Grèce. Le regard de l’historien et de l’anthropologue sur l’actualité et le vécu de la crise grecque.

Macédoine de Soros

Au petit pays de l’été et des îles les visiteurs peuvent être ravis. Seulement, les orages de la semaine ont fini par même bouleverser les usages touristiques. L’image n’est certainement plus, derrière la carte-postale mouillée. Mais il y a bien pire. Au-delà des apparences de vitrine comme de la météo, les Grecs enragent depuis que “leur gouvernement” a trahi l’esprit, le cœur, l’histoire, ainsi que les intérêts grecs, en accordant une reconnaissance bancale et pour tout dire hasardeuse, à l’Ancienne République Yougoslave de Macédoine (ARYM), sous le nom de “Macédoine du nord”. Au même moment, et à travers une mascarade de trop, Alexis Tsípras s’est publiquement montré en cravate, pour faire croire que le récent “accord” sur la dette entre ministres de la zone euro a réglé le problème. Nuages, pluie et surtout boue.

“Traîtres, traîtres…”. Serres, Grèce du nord, le 19 juin

La décision… macédonienne d’abord, elle a été aussitôt saluée pour son “audace positive” par les… maîtres internationaux d’Alexis Tsípras, à savoir, la presse et les vizirs à Berlin, à Washington et à Bruxelles. Seulement, à travers le pays réel, les élus et ministres de SYRIZA/ANEL sont accueillis partout par des cris d’exaspération: “Traîtres, traîtres…”. Et ce n’est apparemment qu’un début. En visite au Royaume-Uni, Alexis Tsípras vient d’être verbalement pris à partie par un grec de Londres, lequel a symboliquement lancé par terre de la petite monnaie, en criant: “Traître, tu as vendu la Macédoine”.

“Alexis Tsípras et son acolyte Panos Kamménos” (chef du parti des ‘Grecs Indépendants’), “sont deux cadavres politiques, ils sont désormais politiquement morts. Lorsque la situation se retournera, ils pourraient même être jugés pour avoir violé la Constitution, et pour faits de haute trahison, car tout en incarnant les marionnettes de Berlin, ils ont préféré garder leurs sièges du pseudopouvoir, plutôt que de servir les intérêts du peuple et du pays”, pouvait-on entendre par exemple à la radio 90,1 FM depuis sa zone matinale du 27 juin 2018. D’ailleurs, certains analystes grecs rappellent à ce propos, à l’instar d’Athanássios Drougos (au demeurant, proche des cercles de l’OTAN), cette phrase du poète Kostís Palamas : “Lorsque les loups te lèchent, ce n’est pas parce qu’ils t’aiment, mais parce qu’ils ont faim”, Athanássios Drougos, 18/06.

La question macédonienne conduit effectivement à la coagulation des mécontentements contre Tsípras, une probabilité justement évoquée en février dernier par mon ami Olivier Delorme. Sur son blog et sur l’accord… macédonien signé en ce mois de juin, mais qui n’est pas validé par les deux Parlements et encore moins par les deux peuples, Olivier Delorme note alors ceci: “Le nom international de l’État serait donc République de ‘Macédoine du nord’. Mais je n’ai encore rien vu de précis sur le VRAI problème entre cet État et la Grèce: une Constitution dont un certain nombre d’articles sont plus ou moins clairement irrédentistes et donnent à l’ARYM un droit de regard sur les affaires intérieures des États voisins dès lors qu’il s’agit du sort de la minorité prétendument macédonienne.”

Alexis Tsípras en cravate. Athènes, juin 2018 (presse grecque)
Rassemblement contre l’accord macédonien de Tsípras. Athènes, juin 2018
“Tsípras, Couillon, Traître”. Athènes, juin 2018

C’est chose faite, ainsi le… Macédonisme réellement existant des voisins slaves se croit réitérer même depuis le territoire grec, l’irrédentisme qui consiste à réunir un jour l’ensemble des territoires de leur prétendue Macédoine unique. Le tout, non sans l’aimable participation des puissances étrangères notamment occidentales, sans oublier bien entendu les assistés locaux du financier Soros lequel ne manque pas l’occasion pour saluer l’accord ; il est le parrain officieux comme on sait de l’ARYM depuis la mise à mort de la Yougoslavie par l’Allemagne et par l’OTAN dans les années 1990.

L’historienne byzantiniste francogrecque Hélène Glykatzi Ahrweiler rapporte à ce propos dans son livre autobiographique ‘Une vie sans alibi’, publié à Athènes en 2017, son échange avec l’armateur grec Yannis Látsis c’était dans les années 1990. “La question macédonienne occupe alors l’actualité. Dans la conversation je dis en riant à Yannis: ‘Capitaine, qu’en est-il de Skopje (capitale de l’ARYM) ? Ne les achetez-vous pas, pour que tout le monde soit tranquille ? Il me dit: ‘Comme c’est déjà chose faite, ils ne sont plus à vendre. Il ont été achetés par un autre’. ‘Qui ?’, je lui demande. ‘Soros les a achetés’.”

“Bravo, Soros fait la fête”. Presse grecque, juin 2018
“Politiciens traîtres, à bas vos mains sales de la Macédoine grecque”. Athènes, juin 2018
Rassemblement antigouvernemental. Athènes, juin 2018

Rappelons déjà que cette guerre Yougoslave n’est pas tout à fait oubliée et que les très sensibles affaires balkaniques peuvent également refaire surface, y compris sur le terrain de la Coupe du monde de football, comme actuellement en Russie. Raison de plus, Tsípras et les siens devraient être plus prudents et moins arrogants dans leur ignorance du danger… sauf que leur cas est décidément irrécupérable… et pour tout dire payant.

La Grèce n’était donc pas obligée de reconnaître le Macédonisme irrédentiste des voisins slaves, lorsque par ailleurs les Bulgares et les Serbes se montrent réservés face à l’accord très provisoire de ce mois de juin entre la Grèce de Tsípras et l’ARYM, et cela pour cause. Le comble c’est que la Grèce est le seul pays souhaitant le maintient de l’ARYM, tandis que les voisins Bulgares, Serbes et Albanais ne cachent pas forcément, leur idée parallèle… que de voir l’ARYM éclatée au profit de leurs frontières. Et quant à la linguistique réellement appliquée, cela fait bien rire les Bulgares lorsque lors des visites officielles des dirigeants de l’ARYM, ces derniers utilisent de traducteurs qui ne servent qu’à symboliser la langue slavo-macédonienne, généralement considérée comme un dialecte du bulgare dans la mesure où il n’y a point besoin d’interprète pour communiquer entre eux.

Comme le remarque également Olivier Delorme, “Sofia a reconnu l’État macédonien, mais non le peuple macédonien qu’elle considère comme une partie du peuple bulgare. Et si Tirana reconnaît un peuple macédonien – slave -, nombre des dirigeants albanais professent que l’est de l’ARYM a vocation à rejoindre la Bulgarie et l’ouest, majoritairement albanophone, à devenir un troisième État albanais, après l’Albanie et le Kosovo, voire à rejoindre une Grande Albanie telle qu’elle exista sous protection de l’Italie fasciste puis de l’Allemagne nazie entre 1941 et 1944.”

Drapeaux grecs. Athènes, juin 2018
“Vers les étoiles à travers les difficultés”. Athènes, juin 2018
“République bananière”. Athènes, juin 2018

En somme, la question dite macédonienne pourrait encore attendre avant un accord réellement satisfaisant pour les parties impliquées, sauf évidemment pour l’OTAN qui souhaite intégrer rapidement l’ARYM en son sein face à la Russie, ou pour l’Allemagne, dont les desseins géopolitiques déjà mis en exécution sous le Troisième Reich, voudraient bien faire disparaître la Grèce du nord, et notamment la Macédoine grecque.

Les Grecs n’oublient pas qu’après l’invasion de l’armée allemande en Grèce au printemps 1941, les forces de l’Axe ont fait éclater le pays en trois zones d’occupation: allemande, italienne et bulgare. La zone allemande correspondait à la Crète, l’Attique et les îles Saronique, les Cyclades, les Sporades du Nord, la région frontalière de la Turquie, ainsi que Macédoine centrale dont Thessalonique. La zone italienne comprenait les îles Ioniennes, le Péloponnèse, l’Épire, la Thessalie, la Grèce Centrale (hors Attique), puis, une partie de la Macédoine centrale et occidentale. Enfin, la zone bulgare incluait la région de Thrace et de Macédoine orientale.

L’un des projets examinés du côté allemand a été de créer un État macédonien indépendant, en unissant la Macédoine grecque, yougoslave et bulgare. Rapidement cependant et dans l’urgence du front russe pour les Allemands, il semblait que ce plan allait créer plus de problèmes qu’il ne résoudrait, de sorte que le commandement allemand a décidé de déléguer à l’occupation de l’armée bulgare sur l’ensemble de la Macédoine grecque. Les premières nouvelles quant à la décision d’étendre l’occupation bulgare sur toute la Macédoine grecque ont été largement diffusées sur le territoire grec occupé au début de Juillet 1943, provoquant aussitôt une vague d’indignation populaire sans précédent.

On scrute les journaux. Athènes, juin 2018
Produits grecs. Athènes, juin 2018
Fête populaire et religieuse. Péloponnèse, juin 2018

Le Premier ministre collaborationniste Rallis a aussi protesté, mais c’est surtout la mobilisation populaire dans les rues d’Athènes d’après le mot d’ordre lancé par le Front National de Libération (EAM) procommuniste: “Ne touchez pas à la Macédoine grecque – Allemands et traîtres de la nation veulent livrer la Macédoine grecque aux Bulgares”, qui parvient à faire plier les occupants Allemands, (voir également le quotidien ‘Rizospástis’ du PC grec (KKE), daté du 21/07/2002.

Comme en 2018, ces rassemblements populaires ont eu lieu d’abord à Thessalonique le 11 juillet 1943, puis c’est face à ce même élan patriotique et populaire que les forces occupantes vont tirer sur une foule estimée à plus de 300.000 personnes à Athènes le 22 juillet 1943 causant une trentaine de morts. Les autorités occupantes allemandes ont reculé et ainsi, l’élargissement de la zone bulgare sur l’ensemble de la Macédoine grecque a été évité.

Notons que cette juste décision de l’EAM, marque la rupture avec la position du Komintern et du KKE qui, comme le souligne également Olivier Delorme, “dans les années 1920, considère que les Balkans devraient être réorganisés dans une fédération dont une Macédoine unifiée serait l’une des composantes – position qui, en Grèce, marginalisera durablement le Parti communiste comme traître aux intérêts nationaux”.

Souvent en dehors de l’histoire, les publicistes du moment annoncent alors l’été grec, nos touristes déjà nombreux ne retiendront sans doute de l’affaire macédonienne que la salade homonyme. Ainsi, cette reconnaissance Tsiprosorosienne et OTANiste de l’ARYM sous le nom de “Macédoine du nord”, évoquera aux yeux de tous ceux qui ne sont pas obligés que de connaître la géopolitique, l’histoire, et les enjeux des Balkans, le rapprochement évident: Comme pour la Corée ou pour le Vietnam jadis, la “Macédoine du nord”… rencontrerait logiquement un jour sa sœur “Macédoine du sud”. C’est comme si on attribuait à un état voisin de la France, le nom d’une de ses provinces, située de l’autre côté de la frontière. Étonnant, non ?

L’été grec 2018. Athènes, juin 2018
Nos touristes. Égine, juin 2018
Nos touristes. Égine, juin 2018

Au pays des animaux adespotes (sans maître) et de la culture résistante, les… maîtres, entre Washington, Bruxelles et Berlin, avaient bien étudié les positions Syrizistes avant même l’arrivée au pouvoir de ce parti. D’après ce que l’universitaire politologue Yórgos Kontogiorgis a déclaré (radio 90,1 le 26 juin 2018), une source alors bien informée lui a fait part de ce fait, ainsi, les… puissantes autres étrangères et Troïkannes se sont rendues compte qu’en matière de géopolitique déjà, les positions et déclarations… méta-nationales des Syrizistes servaient au mieux leurs intérêts et même ben au-delà du souhaitable.

Le reste n’a été qu’une affaire de temps… et d’argent, sachant combien l’amoralisme dissimulé des Syrizistes derrière un verbiage de gauche les rendait bien aptes à remplir leur rôle. En somme, le prétendu aménagement de la dette grecque aurait été lié d’après certaines sources, dont le député ANEL devenu indépendant Dimítris Kamménos, à l’accord quasi-simultané sur le sujet macédonien. Ce que depuis Bruxelles est démenti, en précisant cependant que l’accord macédonien est tout de même plus amplement positif.

Animal adespote. Athènes, juin 2018
Sans-abri. Athènes, juin 2018
Touristes et immeuble a vendre. Athènes, juin 2018

Quel terrible bilan alors. Les mémoranda et la prétendue dette, puis leur légalité et leur soutenabilité (voir les conclusions Commission pour la Vérité sur la dette publique grecque) tentent à introduire de force le pays et son peuple dans un chemin, ou plutôt dans un entonnoir alors sans retour.

Cet entonnoir n’est autre qu’un régime politique, social, symbolique et même culturel aux antipodes de la démocratie (même boiteuse), imposant un régime colonial stricte, allant jusqu’à anéantir la nation, le peuple et ses libertés et ceci, jusqu’à modifier les frontières de la Grèce.

Le processus a déjà pleinement placé la société à l’écart de la politique, et la dernière escroquerie SYRIZA savamment orchestrée au moins dès 2012, a consisté à briser le caractère résistant et traditionnel de la société grecque… tout en affirmant le contraire bien entendu. Les Syrizistes, gouvernant contre pratiquement l’ensemble de la société grecque, poursuivent leur crime en affirmant que tous les grands thèmes de la politique étrangère (accord avec l’ARYM, avec l’Albanie, la question de Chypre… la dette) seront “résolus rapidement et durant l’exercice de ce gouvernement”, d’après les déclarations du ministre des affaires étrangères Kotziás, médias grecs, juin 2018.

Manifestation, agents municipaux et électriciens. Athènes, juin 2018
Sans-abri. Athènes, juin 2018
Vers la résidence d’Alexis Tsípras ! Athènes, juin 2018

L’amoralisme des SYRIZA/ANEL, ainsi que leur mandat dicté par les puissances étrangères, restera ainsi dans les annales de la science politique de ce nouveau siècle. Ces gens revendiquent le droit d’agir contre la société, conter le bien commun, contre le pays, contre les droits des travailleurs, et contre la nation grecque qu’ils haïssent visiblement, main dans la main avec les mondialisateurs et autres financiers-sorciers du dernier capitalisme, plus chaotique que jamais. Préparés aux intrigues politiciennes depuis le temps de leur syndicalisme d’amphithéâtre, le plus souvent loin de la société pour la quelle ils se prétendent s’exprimer en son nom, ils incarnent alors le dernier cadavre de cette gauche, au beau milieu il faut dire d’un système politique autant cadavérique.

D’où d’ailleurs le “bon usage” de l’Aube dorée, maintenue à flot et dont le procès n’aboutit guère au bout de presque quatre ans, ce qui permet aux Syrizistes porteurs du totalitarisme des mondialisateurs à traiter chaque résistant patriote (de gauche ou de droite) de fasciste, de nationaliste et d’Aubedorien. C’est facile et cela ne convaincra plus personne en Grèce, surtout lorsque la Police s’acharne littéralement contre ceux qui manifestent contre l’accord macédonien de Tsípras signé près de la frontière entre les deux pays. “Nous étions arrivés en famille pour manifester, puis la police nous balançait de son gaz par lots de cinq… projectiles ; et ceci même depuis un hélicoptère. C’était affreux… honte”, témoignage par téléphone, radio 90,1 FM, zone du soir, le 27 juin 2018.

En évidence, les colonisateurs ont parallèlement et simultanément préparé SYRIZA/ANEL et l’Aube dorée, cette dernière serait d’ailleurs une organisation suffisamment liée aux services secrets étatiques bien au-delà des frontières de la Grèce, autant que ceux de l’organisation terroriste du 17 Novembre jadis.

Et quant à Alexis Tsípras, c’est un enfant issu d’une famille de promoteurs immobiliers enrichis sous la dictature des colonels, lequel a fait ensuite carrière (programmée ?) au sein de la gauche européiste, sans que l’on puisse savoir pour l’instant par quel processus concret, il avait été choisi par le précédent chef de SYRIZA, Alékos Alavános.

Sauf que Tsípras et sa bande sont allés trop loin dans la destruction du pays, de son identité, de sa classe moyenne restante, et pour tout dire de sa gauche, sauf que cette dernière question est devenue totalement insignifiante aux yeux des Grecs, et elle le demeurera à mon avis désormais pour toujours. Cette page, elle a été tournée…

Au pays des fouilles. Athènes, juin 2018
Rappel aux touristes. Athènes, juin 2018
Pythagore, fils du silence. Athènes, mai 2018
“Ministres, maires et patrons devraient travailler le dimanche”. Athènes, juin 2018

Nous sommes en guerre, et telle avait été l’analyse de ce… pauvre blog dès sa création en 2011. L’euro étant une arme de destruction massive, autant que la dette. L’économie toute seule n’existe pas et l’austérité n’est pas sans rapport avec la géopolitique d’une Union européenne au pseudopouvoir politique soviétisé dans ses rapports avec le réel, ainsi dominée par l’Allemagne. Et dans cette guerre, SYRIZA a même poussé à l’extrême ce que Thucydide cité par Cornelius Castoriádis, “tient non seulement des pertes humaines et matérielles, mais de ce qu’il faut bien appeler la destruction de toutes les valeurs et du langage même – les mots, comme dans le monde de 1984, en venant à être utilisés pour dire le contraire de qu’ils signifient habituellement”, “Thucydide, la force et le droit”, (Seuil, 2011).

Au petit pays de l’été et des îles, les visiteurs peuvent être ravis des maisons blanches comme de leur couleur locale. Et au même pays réel, le petit peuple suit toujours ses cérémonies nationales et religieuses et il voudrait si possible défendre sa patrie au-delà des escrocs du système politique. La tâche est certes rude. Les avocats du pays (à travers les Présidents de leur Ordre) dénoncent dans un communiqué cette semaine, toute l’illégalité de l’accord macédonien de Tsípras, d’après l’article 28/2 de la Constitution exigeant déjà l’approbation des deux tiers des députés.

Maisons blanches. Athènes, juin 2018
“Vive la Patrie”. Athènes, juin 2018

Le blog, retient son souffle et reprend difficilement son chemin habituel après avoir en partie résolu ses… seuls problèmes techniques. Les temps sont rudes et votre soutien lui est toujours important.

Les temps sont durs et l’histoire galope… le tout, sous le regard des félins de ‘Greek Crisis’, dont Hermès, dit “le Trismégiste”, imperturbable !

Pluie sur Athènes, le gouvernement et la région d’Attique attribuent les dégâts à l’Ouest de la région… au dérèglement climatique. C’est vrai, les orages de la semaine ont d’ailleurs fini par bouleverser même les usages touristiques.

Hermès de ‘Greek Crisis’. Athènes, juin 2018
* Photo de couverture: Cérémonie. Péloponnèse, juin 2018

mais aussi pour un voyage éthique, pour voir la Grèce autrement “De l’image à l’imaginaire: La Grèce, au-delà… des idées reçues !”   http://greece-terra-incognita.com/

La Grèce et les Diafoirus de l’Union européenne

La Grèce et les Diafoirus de l’Union européenne
Selon l’économiste Pierre Khalfa, le remède apporté par l’Europe à la crise financière grecque va immanquablement aboutir à une  » catastrophe économique et sociale « 





Grèce : un accord historique pour tourner la page « , titrait Le Monde du 23  juin. La lecture de l’article indique pourtant que, loin d’être tournée, cette page, parmi les plus noires de ce pays qui en a pourtant connu un certain nombre, va continuer à être écrite par les mêmes protagonistes. La Grèce a été quasiment détruite par les plans d’austérité successifs que les institutions et les gouvernements européens lui ont imposés. Cette saignée censée guérir le malade a abouti à une catastrophe économique et sociale.

Depuis 2010, le PIB du pays a diminué d’un tiers, 35  % de sa population vit aujourd’hui sous le seuil de pauvreté, et la baisse massive du niveau de vie s’est accompagnée d’un désastre sanitaire qui voit des pans entiers de la population privés de tout soin médical.

Non seulement l’accord conclu le 21  juin ne permettra pas de sortir de cette situation, mais il risque fort de l’aggraver. Tout d’abord, -remarquons qu’à la différence des autres plans imposés à la Grèce, qui étaient limités dans le temps, -celui-ci court jusqu’en  2069, puisque les remboursements auprès du Mécanisme européen de stabilité (MES) ne seront théoriquement terminés qu’à cette échéance.

Pire, le pays doit dégager un surplus primaire (excédent budgétaire avant paiement des intérêts de la dette) de 3,5  % du PIB jusqu’en  2022 et de 2,2  % pendant les trente-sept années suivantes. S’il a été un peu repoussé dans le temps, le remboursement de la dette grecque reste le seul objectif des institutions européennes. Pour tenir ces engagements, la Grèce s’est condamnée à être asphyxiée par une austérité permanente qui ne peut que l’enfoncer encore plus dans un marasme économique dont la population continuera à payer le prix fort.

Va-t-elle au moins récupérer à ce prix son indépendance politique ? Pas immédiatement en tout cas, car jusqu’en  2022, la Grèce devra -subir un audit de ses comptes publics quatre fois par an. Autant dire que le pays reste sous tutelle. Il le sera d’autant plus qu’il va être livré en pâture aux marchés financiers, sur lesquels, en effet, il va maintenant devoir se financer.

scénario catastrophique

Au vu de la tempête qu’a subie récemment l’Italie, qui a vu ses taux d’intérêt s’envoler, avec des répercussions sur l’Espagne et le Por-tugal, on ne voit pas comment la Grèce pourrait se financer, si ce n’est à des taux exorbitants. Le risque d’un nouveau scénario catastrophe ne peut être exclu, même si l’accord prévoit que le pays pourrait bénéficier d’un filet de sécurité de 15  milliards d’euros pour faire face à ses prochaines échéances.

L’arrivée de Syriza au gouvernement avait représenté l’espoir que le pays serait capable de sortir de la spirale infernale dans laquelle les institutions et les gouvernements européens l’avaient enfermé.

Face à l’étranglement financier du pays consciemment organisé par la Banque centrale européenne (BCE) et l’Eurogroupe, Alexis Tsipras a refusé de les affronter et n’a pas pris les mesures unilatérales qui lui auraient permis de desserrer l’étau. Il a choisi de capituler, espérant pouvoir négocier au mieux l’avenir de son pays.

Alors qu’un plan de reconstruction et d’investissements massifs était nécessaire, la Grèce est condamnée aujourd’hui au mieux à péricliter, au pire à continuer à s’enfoncer dans la pauvreté et le dénuement. Une leçon pour toute la gauche européenne.

Pierre Khalfa

L’Eurogroupe maintient la Grèce sous le joug de la dette illégitime

L’Eurogroupe maintient la Grèce sous le joug de la dette illégitime

24 juin par Anouk Renaud CADTM


Ce vendredi 22 juin 2018, l’Eurogroupe (la réunion des ministres des finances de la zone euro et de la BCE), accompagné du FMI, a annoncé en grande pompe, après une nuit de négociations, un nouvel accord concernant la Grèce. Un accord « historique » [1] qui sonnerait le glas de la crise grecque. On lit ainsi dans tous les médias qu’ « une page se tourne pour la Grèce », que « la parenthèse de l’austérité est refermée », « que la crise grecque s’achève » et que « le problème de la dette grecque est désormais derrière nous »… [2]

À en croire les déclarations des membres de l’Eurogroupe et les médias dominants, non seulement cet accord permettrait à la Grèce de sortir la tête de l’eau mais, en plus, ses clauses sortiraient de l’ordinaire de l’Eurogroupe qui s’est résigné à faire un véritable « geste ».

Pourtant, à y regarder de plus près, cet accord s’inscrit tout à fait dans la lignée des précédents et des politiques imposées à la Grèce jusqu’à aujourd’hui. C’est-à-dire préserver les intérêts des créanciers au détriment du peuple grec.

Déboursement de la dernière tranche du 3e plan d’aide pour rembourser la dette

Pour bénéficier de cette dernière tranche, Tsipras s’est engagé à mettre en œuvre pas moins de 88 mesures néolibérales et anti-populaires supplémentaires

Comme depuis le début des « plans de sauvetage », l’Eurogroupe ne délivre l’argent des prêts que par tranches, afin de garantir la mise en place des contreparties austéritaires. Selon le principe désormais inhérent à toute intervention des institutions financières européenne et internationale : « pas d’austérité, pas d’aide ». Ici, pour bénéficier de cette dernière tranche, Tsipras s’est engagé à mettre en œuvre pas moins de 88 mesures néolibérales et anti-populaires supplémentaires. D’ailleurs, alors que l’Eurogroupe fanfaronnait la prétendue sortie de crise de la Grèce, les syndicats grecs manifestaient dans les rues d’Athènes contre le licenciement immédiat de 12000 travailleurs contractuels dans les hôpitaux et les établissements de santé.

À quoi va servir cette somme prêtée dans le cadre du 3e accord de prêt ? Exactement à la même chose que l’argent des précédents plans « d’aide » : à payer la dette publique. L’Eurogroupe précise d’ailleurs que parmi les 15 milliards d’euros de cette dernière tranche, 5,5 seront versés sur un compte spécifique dédié au service de la dette. Les 9,5 restants seront versés sur un autre compte spécial dédié à constituer des réserves de liquidités, pouvant être utilisés si besoin… pour le futur service de la dette. Les dirigeants européens affirment que ces réserves permettent de gagner la confiance des marchés financiers et bénéficier d’un taux de financement soutenable. En réalité, il s’agit de donner la garantie aux futurs créanciers privés de se voir remboursés. Rien de bien surprenant, puisque le leitmotiv des Institutions depuis le début de la crise grecque a été de tout faire pour que la Grèce continue à rembourser sa dette au bénéfice d’abord des établissements financiers privés.

À noter également que sur l’enveloppe initiale du 3e plan de « sauvetage » de 86 milliards d’euros, 25 ne seront pas déboursés à la Grèce. Les montants des prêts prévus et annoncés en 2010 et 2012 n’ont pas non plus été versés dans leur intégralité, sans que cela n’émeuve éditorialistes ou politiciens.

Un excédent budgétaire de 3,5 % : la cage de fer de l’austérité

Avec cet accord, la Grèce est tenue de dégager un excédent budgétaire [3] de 3,5 % jusqu’en 2022, puis ensuite de respecter les critères européens, soit une moyenne de 2,2% entre 2023 et 2060. Mais aujourd’hui les pays qui parviennent réellement à de tels résultats se comptent sur les doigts de la main. En effet, ces critères ne sont pas faits pour être respectés, mais précisément pour servir de repoussoir à des choix politiques, qui n’iraient pas dans le sens d’une réduction massive des dépenses publiques. Imposer à la Grèce un tel objectif revient –sous couvert de chiffres, de critère rationnel – à la condamner à une politique de compression permanente des dépenses sociales et d’investissement public. Car si la Grèce parvient aujourd’hui à dégager des excédents budgétaires significatifs c’est précisément parce que les missions de l’État sont de plus en plus écornées et que ses obligations à l’égard de la population sont de moins en moins respectées.

La rétrocession des bénéfices engrangés sur le dos de la Grèce

La Grèce ne pourra pas disposer comme elle souhaite de l’argent des rétrocessions, qui pourtant lui est dû

L’Eurogroupe s’engage enfin à rétrocéder à la Grèce les profits réalisés abusivement via les opérations de rachats de titres menées par la BCE et les banques centrales de l’eurozone. Pour rappel, rien qu’entre 2012 et 2016, la BCE a réalisé 7,8 milliards d’euros de bénéfices grâce aux titres grecs [4]. En novembre 2012, l’Eurogroupe s’était engagé à rendre à la Grèce ces profits odieux. Car c’est bien les États membres de l’UE qui en bénéficient in fineaprès redistribution de la BCE. Mais ces rétrocessions avaient été gelées suite à l’arrivée du gouvernement Syriza I. Toutefois, l’engagement de l’Eurogroupe à reprendre les rétrocessions ne doit pas faire illusion pour autant.

Premièrement, la rétrocession des bénéfices ne reprendra qu’à partir de 2018. C’est-à-dire seulement à partir des bénéfices perçus en 2017. Quid des bénéfices perçus par les États membres en 2015 et 2016 ? Ils ne seront jamais rendus à la Grèce. Par exemple, concernant la France, cela représente 758,1 millions d’euros, qui resteront dans les caisses de l’État français [5].

Deuxièmement, ces rétrocessions demeurent encore et toujours conditionnées. En effet, les créanciers se gardent ce moyen de pression si le gouvernement grec venait à remettre en cause les réformes d’austérité. Déjà en novembre 2012, l’engagement de l’Eurogroupe de rétrocéder les profits réalisés était conditionné à l’application de l’austérité [6].

Enfin, et à l’instar des premières rétrocessions réalisées en 2013 sur un compte spécial dédié au remboursement de la dette, la Grèce ne pourra pas disposer comme elle le souhaite de cet argent, qui pourtant lui est dû. En effet, en disant que cet argent sera utilisé pour réduire les besoins de financements bruts, l’Eurogroupe ne dit pas autre chose qu’il sera consacré au service de la dette.

Bien entendu, cet Eurogroupe ne s’épanche pas sur les profits colossaux réalisés par les créanciers sur le dos de la Grèce. Depuis 2010, le FMI a engrangé environ 5 milliards d’euros de bénéfices via les prêts faits à la Grèce [7]. L ’Allemagne, tenante d’une ligne dure au sein de l’Eurogroupe, a malgré tout bien profité de la crise grecque avec 2,9 milliards d’euros perçus [8].

Des mesures d’allègement cosmétiques

C’est un point présenté comme central dans l’accord passé avec la Grèce. Finalement, une période de grâce (sans paiement des intérêts et du capital) de 10 ans est accordée sur les créances du MES et du FESF et la maturité de ces mêmes créances est repoussée de 10 ans. La Grèce devrait ainsi commencer à les rembourser non pas en 2022 mais 2032.

Là encore, il n’y a pas de quoi crier à la nouveauté ou la générosité. Comme à l’accoutumée dans les processus d’allègement de dette, menés par les créanciers, il s’agit juste de donner un peu d’air au débiteur pour ne pas qu’il se noie totalement (ici, que la Grèce retourne sur les marchés) mais qu’il continue à rembourser ses créanciers. Et bien entendu, s’il est encore nécessaire de le préciser, cet « allègement » est conditionné à l’adoption de nouvelles mesures austéritaires.

La Grèce s’est endettée pour sauver les banques européennes et rembourse aujourd’hui cette dette illégitime, au prix de la vie de sa population

Le problème de la dette n’étant pas pris à sa racine, la question de l’insoutenabilité de celle-ci, qui s’élève aujourd’hui à 180 % du PIBva revenir plus vite que l’Eurogroupe veut le faire croire. Même le FMI reste sceptique : « Mais sur le long terme, nous avons des réserves [quant à la soutenabilité de la dette grecque] » [9]. Plus grave peut-être, le remboursement de cette dette n’est jamais mis en cause mais considéré comme allant de soi. Alors qu’il est notoire que la dette remboursée aujourd’hui par la Grèce est illégitime, odieuse et illégale, comme l’a étayé la Commission pour la vérité sur la dette grecque [10] mise sur pied en avril 2015 par l’ancienne présidente du parlement grec.

La Grèce s’est endettée pour sauver les banques européennes et rembourse aujourd’hui cette dette illégitime, au prix de la vie de sa population. Savoir qu’on lui laisse jusqu’à 2032 plutôt que 2022 pour rembourser cet argent doit lui faire une belle jambe.

Une mise sous tutelle qui ne dit plus son nom

Avec cet accord, les partenaires du « quartet » (BCE, Commission européenne, FMI et MES) conservent leurs quartiers à Athènes. Bien qu’on ne parle plus de « revues » durant lesquelles les hauts fonctionnaires de ces institutions venaient évaluer et réécrire les décisions du gouvernement grec, le mécanisme subsiste.

Désormais, un audit des comptes de la Grèce aura lieu tous les trimestres par le quartet et si la Grèce venait à ne pas appliquer ou à remettre en cause certaines mesures prises lors des différents mémoranda, une partie des mesures d’allègement pourra être suspendue. À titre d’exemple, la poursuite du programme de privatisation reste fondamentale pour les créanciers. Ce programme inclut notamment la vente d’une participation majoritaire dans l’entreprise publique de gaz à partir de novembre prochain [11], après la fin officielle du programme européen. L’Eurogroupe se réserve le droit de redéfinir, plafonner et différer les paiements d’intérêts au FESF autant qu’il le jugera nécessaire. Les mesures dites d’allègement, aussi insignifiantes soient-elles, pourront ainsi s’avérer très vite caduques.

L’ingérence des Institutions européennes dans les affaires grecques est loin d’être terminée. En témoignent, les déclarations de l’Eurogroupe (soutenues par Tsipras lui-même) souhaitant faire annuler la condamnation d’Andreas Georgiou. Ancien directeur d’ELSTAT, l’institution des statistiques grecques, ce dernier s’est vu condamné par la justice grecque à deux ans de prison avec sursis pour avoir falsifié délibérément les chiffres de la dette publique grecque en 2010 [12].

Cet accord n’a rien d’exceptionnel et n’arrange rien du tout. Il permet juste aux créanciers d’organiser le maintien de la Grèce sous leur joug, sans procéder à un 4e plan de « sauvetage » à proprement parlé, qui aurait été difficile à justifier auprès des opinions publiques européennes et de la population grecque. Une fois de plus, l’Eurogroupe repeint la cage dans laquelle la Grèce est enfermée via sa dette publique. Le peuple grec n’a plus d’autre choix que d’en faire sauter les barreaux.

Pour en savoir plus sur la crise grecque, les plans de sauvetage, la destination de cet argent, les mesures d’austérité imposées, les créanciers de la Grèce => voir la série vidéo « À qui profite la dette grecque ? ».

Merci à Éva Betavatzi, Yvette Krolikowski et Éric Toussaint pour leurs relectures avisées.

Notes

[1Le commissaire européen Moscovici a déclaré : « La crise grecque s’achève ici, cette nuit. Nous sommes finalement arrivés au bout de ce chemin qui a été si long et si difficile. C’est un moment historique ». Cité par AFP, « Après huit ans, la crise de la dette grecque « s’achève » », 22 juin 2018.

[2Déclaration du ministre français Bruno Lemaire sur la dette grecque. Cité par Cécile Ducourtieux, « Grèce : les Européens s’accordent au forceps sur la sortie du plan d’aide », Le Monde, 22 juin 2018
Voir parmi tant d’autres : AFP, « Après huit ans, la crise de la dette grecque « s’achève » », 22 juin 2018 / Sophie Leroy, « Grèce : une page se tourne, c’est la fin de la crise », L’Echo, 22 juin 2018

[3Un excédent budgétaire c’est quand, service de la dette exclu, un État parvient à avoir plus de recettes que de dépenses.

[4BCE, « Letter from the ECB President to Mr Nikolaos Chountis (Q2064), MEP, on the Greek adjustement programme », octobre 2017.

Pour en savoir plus sur ses opérations de rachats et bénéfices réalisés, voir Eric Toussaint, « Les profits odieux de la BCE sur le dos du peuple grec », CADTM, octobre 2017.

[7Soit environ 4 milliards de droits de tirages spéciaux, l’unité de compte du FMI. Voir : International Monetary Fund, « Greece : transactions with the Fund from May 1984 to May 2018 ».

[9Cité par AFP, « Après huit ans, la crise de la dette grecque « s’achève » », 22 juin 2018.

[10Commission pour la vérité sur la dette grecque, « Rapport préliminaire », CADTM, juin 2015.



Grèce réduction de dette en trompe l’oeil

Grèce: une annonce de réduction de dette en trompe l’œil

Eric Toussaint interviewé par Marie Brette de TV5 Monde

Eric Toussaint, que pensez-vous de l’accord signé par les ministres de la zone euro ? La Grèce est-elle sortie de la crise ? 

E.T. : Il n’y a pas de sortie de crise du tout. Et par ailleurs au niveau de la zone euro, on ne peut pas dire que la situation soit particulièrement brillante non plus du point de vue des dirigeants européens. C’est une annonce de réduction de dette en trompe l’œil puisqu’il n’y a pas de réduction du stock de la dette et qu’il s’agit simplement de reporter de dix ans le début de certains remboursements, notamment ceux dus aux partenaires européens de la Grèce. Les montants à rembourser au Fonds monétaire international, à la Banque centrale européenne et aux créanciers privés, sont très importants et ils ne sont pas reportés dans le temps.  Ils ont lieu en permanence. Le FMI a fait 5 milliards d’euros de bénéfices sur le dos de la Grèce depuis 2010 et la BCE a quant à elle fait au moins 8 milliards de gains sur les titres grecs. En fait, le fond de l’accord, c’est qu’en prolongeant le calendrier de remboursement, on offre une récompense de consolation au gouvernement d’Alexis Tsipras qui a appliqué depuis trois ans les dizaines de réformes exigées par les créanciers. Après trois ans de politique d’austérité aussi dure, il fallait permettre à Tsipras de dire à la population grecque que l’austérité poursuivie finissait par donner un résultat. Mais les politiques antisociales imposées par les créanciers (FMI, BCE, Mécanisme européen de stabilité) seront renforcées.  Les dirigeants européens avec cet accord du 22 juin ont voulu indiquer aux fonds d’investissement privés qu’ils pouvaient acheter des titres grecs à nouveau après le mois d’août car des garanties publiques étaient offertes.

 « La Grèce est une victime expiatoire des politiques appliquées dans l’Union européenne »

Dans quel état économique est la Grèce ? 

E.T. : Elle est dans un état lamentable. La chute du PIB par rapport à 2009-2010 est de près de 30%.  Du point de vue des indicateurs macro-économiques, la Grèce est en mauvais état. 350 000 jeunes hautement qualifiés sont partis vers l’Allemagne, la France et d’autres pays du nord de l’Europe. La Grèce sera en évolution démographique négative, mis à part l’apport des réfugiés que le pays accueille qui ont permis en 2017 de maintenir l’équilibre. Désormais, on va passer à une décroissance de la population grecque. Le taux de chômage chez les jeunes atteint environ 40%. Selon les chiffres d’Eurostat, 47% des ménages grecs sont en défaut de paiement sur l’un de leurs crédits et le taux de défaut sur les crédits dans les banques est également à plus de 46,5%. Que ce soit concernant l’emploi, le système financier et la production, la situation est extrêmement mauvaise et elle est le résultat des politiques imposées à la Grèce. Le pays est une victime expiatoire des politiques appliquées dans l’Union européenne. Laquelle a voulu montrer aux autres peuples de la zone euro que s’ils voulaient mettre au gouvernement une force porteuse de changement radical à gauche et en rupture avec l’austérité, il leur en coûterait très cher !

Qu’aurait-il fallu faire ? 

En 2010, il aurait fallu résoudre la crise bancaire au lieu de maintenir à flot des banques privées qui avaient pris des risques énormes. Au lieu d’injecter des dizaines de milliards d’euros dans la recapitalisation de ces banques, il aura fallu les assainir et les transférer au secteur public. Il y a quatre banques en Grèce qui contrôlent 85% du marché bancaire grec. Il aurait fallu imposer aux banques allemandes et françaises, qui avaient prêté massivement au secteur privé grec, d’assumer leurs crédits risqués au lieu de créer une troïka qui a prêté de l’argent public à la Grèce afin qu’elle rembourse ces grandes banques. Politiquement, quand le peuple grec a choisi en 2015 de soutenir une coalition qui proposait des changements importants en matière de justice sociale, il aurait fallu permettre à ce peuple de pratiquer la démocratie. Or la volonté démocratique a été systématiquement combattue par les autorités européennes, qui ont été satisfaites de la capitulation de Tsipras à l’été 2015, lors de la signature du troisième mémorandum qui a approfondi la crise grecque.

Aurait-il fallu effacer la dette grecque ? 

E.T. : Bien sûr. Cela se pratique couramment. Quand la Pologne a quitté le pacte de Varsovie au début des années 90, ses créanciers occidentaux, lui ont octroyé 50% de réduction de dette. Quand l’Egype participait à la même époque à la première guerre du Golfe, on a aussi annulé 50% de la dette. En Irak, après l’invasion américaine en mars 2003, on a octroyé 80% de réduction de dette. Donc des réductions de dette importantes, ça se réalise de manière répétée depuis des décennies. Et cela aurait été tout à fait nécessaire de le faire dans le cas de la Grèce. Il aurait fallu bien sûr procéder, avec la participation des citoyens et des citoyennes, à un audit des dettes pour déterminer les responsables, du côté grec et du côté des prêteurs. Il faut rappeler qu’en pourcentage du PIB, la Grèce est en 3ème ou 4ème position dans la liste des pays qui dépensent le plus en armes au niveau de la planète ! Et quels sont les principaux fournisseurs d’armes de la Grèce ? L’Allemagne, la France et les Etats-Unis ! Lors du premier mémorandum de 2010, l’un des postes budgétaires qui n’a pas été réduit : c’était le remboursement des commandes militaires. Et cela continue. Début 2018, Alexis Tsipras a rencontré Donald Trump et a annoncé pour 1,6 milliard d’euros d’achats d’armes aux Etats-Unis.

« La Grèce est en 3ème ou 4ème position dans la liste des pays qui dépensent le plus en armes. (…) Début 2018, Alexis Tsipras a rencontré Donald Trump et a annoncé pour 1,6 milliard d’euros d’achats d’armes aux Etats-Unis.  » 

Source: https://information.tv5monde.com/info/la-grece-est-une-victime-expiatoire-des-politiques-appliquees-dans-l-union-europeenne-245317


Eric Toussaint
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