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La Grèce et les Diafoirus de l’Union européenne

La Grèce et les Diafoirus de l’Union européenne
Selon l’économiste Pierre Khalfa, le remède apporté par l’Europe à la crise financière grecque va immanquablement aboutir à une  » catastrophe économique et sociale « 





Grèce : un accord historique pour tourner la page « , titrait Le Monde du 23  juin. La lecture de l’article indique pourtant que, loin d’être tournée, cette page, parmi les plus noires de ce pays qui en a pourtant connu un certain nombre, va continuer à être écrite par les mêmes protagonistes. La Grèce a été quasiment détruite par les plans d’austérité successifs que les institutions et les gouvernements européens lui ont imposés. Cette saignée censée guérir le malade a abouti à une catastrophe économique et sociale.

Depuis 2010, le PIB du pays a diminué d’un tiers, 35  % de sa population vit aujourd’hui sous le seuil de pauvreté, et la baisse massive du niveau de vie s’est accompagnée d’un désastre sanitaire qui voit des pans entiers de la population privés de tout soin médical.

Non seulement l’accord conclu le 21  juin ne permettra pas de sortir de cette situation, mais il risque fort de l’aggraver. Tout d’abord, -remarquons qu’à la différence des autres plans imposés à la Grèce, qui étaient limités dans le temps, -celui-ci court jusqu’en  2069, puisque les remboursements auprès du Mécanisme européen de stabilité (MES) ne seront théoriquement terminés qu’à cette échéance.

Pire, le pays doit dégager un surplus primaire (excédent budgétaire avant paiement des intérêts de la dette) de 3,5  % du PIB jusqu’en  2022 et de 2,2  % pendant les trente-sept années suivantes. S’il a été un peu repoussé dans le temps, le remboursement de la dette grecque reste le seul objectif des institutions européennes. Pour tenir ces engagements, la Grèce s’est condamnée à être asphyxiée par une austérité permanente qui ne peut que l’enfoncer encore plus dans un marasme économique dont la population continuera à payer le prix fort.

Va-t-elle au moins récupérer à ce prix son indépendance politique ? Pas immédiatement en tout cas, car jusqu’en  2022, la Grèce devra -subir un audit de ses comptes publics quatre fois par an. Autant dire que le pays reste sous tutelle. Il le sera d’autant plus qu’il va être livré en pâture aux marchés financiers, sur lesquels, en effet, il va maintenant devoir se financer.

scénario catastrophique

Au vu de la tempête qu’a subie récemment l’Italie, qui a vu ses taux d’intérêt s’envoler, avec des répercussions sur l’Espagne et le Por-tugal, on ne voit pas comment la Grèce pourrait se financer, si ce n’est à des taux exorbitants. Le risque d’un nouveau scénario catastrophe ne peut être exclu, même si l’accord prévoit que le pays pourrait bénéficier d’un filet de sécurité de 15  milliards d’euros pour faire face à ses prochaines échéances.

L’arrivée de Syriza au gouvernement avait représenté l’espoir que le pays serait capable de sortir de la spirale infernale dans laquelle les institutions et les gouvernements européens l’avaient enfermé.

Face à l’étranglement financier du pays consciemment organisé par la Banque centrale européenne (BCE) et l’Eurogroupe, Alexis Tsipras a refusé de les affronter et n’a pas pris les mesures unilatérales qui lui auraient permis de desserrer l’étau. Il a choisi de capituler, espérant pouvoir négocier au mieux l’avenir de son pays.

Alors qu’un plan de reconstruction et d’investissements massifs était nécessaire, la Grèce est condamnée aujourd’hui au mieux à péricliter, au pire à continuer à s’enfoncer dans la pauvreté et le dénuement. Une leçon pour toute la gauche européenne.

Pierre Khalfa

L’Eurogroupe maintient la Grèce sous le joug de la dette illégitime

L’Eurogroupe maintient la Grèce sous le joug de la dette illégitime

24 juin par Anouk Renaud CADTM


Ce vendredi 22 juin 2018, l’Eurogroupe (la réunion des ministres des finances de la zone euro et de la BCE), accompagné du FMI, a annoncé en grande pompe, après une nuit de négociations, un nouvel accord concernant la Grèce. Un accord « historique » [1] qui sonnerait le glas de la crise grecque. On lit ainsi dans tous les médias qu’ « une page se tourne pour la Grèce », que « la parenthèse de l’austérité est refermée », « que la crise grecque s’achève » et que « le problème de la dette grecque est désormais derrière nous »… [2]

À en croire les déclarations des membres de l’Eurogroupe et les médias dominants, non seulement cet accord permettrait à la Grèce de sortir la tête de l’eau mais, en plus, ses clauses sortiraient de l’ordinaire de l’Eurogroupe qui s’est résigné à faire un véritable « geste ».

Pourtant, à y regarder de plus près, cet accord s’inscrit tout à fait dans la lignée des précédents et des politiques imposées à la Grèce jusqu’à aujourd’hui. C’est-à-dire préserver les intérêts des créanciers au détriment du peuple grec.

Déboursement de la dernière tranche du 3e plan d’aide pour rembourser la dette

Pour bénéficier de cette dernière tranche, Tsipras s’est engagé à mettre en œuvre pas moins de 88 mesures néolibérales et anti-populaires supplémentaires

Comme depuis le début des « plans de sauvetage », l’Eurogroupe ne délivre l’argent des prêts que par tranches, afin de garantir la mise en place des contreparties austéritaires. Selon le principe désormais inhérent à toute intervention des institutions financières européenne et internationale : « pas d’austérité, pas d’aide ». Ici, pour bénéficier de cette dernière tranche, Tsipras s’est engagé à mettre en œuvre pas moins de 88 mesures néolibérales et anti-populaires supplémentaires. D’ailleurs, alors que l’Eurogroupe fanfaronnait la prétendue sortie de crise de la Grèce, les syndicats grecs manifestaient dans les rues d’Athènes contre le licenciement immédiat de 12000 travailleurs contractuels dans les hôpitaux et les établissements de santé.

À quoi va servir cette somme prêtée dans le cadre du 3e accord de prêt ? Exactement à la même chose que l’argent des précédents plans « d’aide » : à payer la dette publique. L’Eurogroupe précise d’ailleurs que parmi les 15 milliards d’euros de cette dernière tranche, 5,5 seront versés sur un compte spécifique dédié au service de la dette. Les 9,5 restants seront versés sur un autre compte spécial dédié à constituer des réserves de liquidités, pouvant être utilisés si besoin… pour le futur service de la dette. Les dirigeants européens affirment que ces réserves permettent de gagner la confiance des marchés financiers et bénéficier d’un taux de financement soutenable. En réalité, il s’agit de donner la garantie aux futurs créanciers privés de se voir remboursés. Rien de bien surprenant, puisque le leitmotiv des Institutions depuis le début de la crise grecque a été de tout faire pour que la Grèce continue à rembourser sa dette au bénéfice d’abord des établissements financiers privés.

À noter également que sur l’enveloppe initiale du 3e plan de « sauvetage » de 86 milliards d’euros, 25 ne seront pas déboursés à la Grèce. Les montants des prêts prévus et annoncés en 2010 et 2012 n’ont pas non plus été versés dans leur intégralité, sans que cela n’émeuve éditorialistes ou politiciens.

Un excédent budgétaire de 3,5 % : la cage de fer de l’austérité

Avec cet accord, la Grèce est tenue de dégager un excédent budgétaire [3] de 3,5 % jusqu’en 2022, puis ensuite de respecter les critères européens, soit une moyenne de 2,2% entre 2023 et 2060. Mais aujourd’hui les pays qui parviennent réellement à de tels résultats se comptent sur les doigts de la main. En effet, ces critères ne sont pas faits pour être respectés, mais précisément pour servir de repoussoir à des choix politiques, qui n’iraient pas dans le sens d’une réduction massive des dépenses publiques. Imposer à la Grèce un tel objectif revient –sous couvert de chiffres, de critère rationnel – à la condamner à une politique de compression permanente des dépenses sociales et d’investissement public. Car si la Grèce parvient aujourd’hui à dégager des excédents budgétaires significatifs c’est précisément parce que les missions de l’État sont de plus en plus écornées et que ses obligations à l’égard de la population sont de moins en moins respectées.

La rétrocession des bénéfices engrangés sur le dos de la Grèce

La Grèce ne pourra pas disposer comme elle souhaite de l’argent des rétrocessions, qui pourtant lui est dû

L’Eurogroupe s’engage enfin à rétrocéder à la Grèce les profits réalisés abusivement via les opérations de rachats de titres menées par la BCE et les banques centrales de l’eurozone. Pour rappel, rien qu’entre 2012 et 2016, la BCE a réalisé 7,8 milliards d’euros de bénéfices grâce aux titres grecs [4]. En novembre 2012, l’Eurogroupe s’était engagé à rendre à la Grèce ces profits odieux. Car c’est bien les États membres de l’UE qui en bénéficient in fineaprès redistribution de la BCE. Mais ces rétrocessions avaient été gelées suite à l’arrivée du gouvernement Syriza I. Toutefois, l’engagement de l’Eurogroupe à reprendre les rétrocessions ne doit pas faire illusion pour autant.

Premièrement, la rétrocession des bénéfices ne reprendra qu’à partir de 2018. C’est-à-dire seulement à partir des bénéfices perçus en 2017. Quid des bénéfices perçus par les États membres en 2015 et 2016 ? Ils ne seront jamais rendus à la Grèce. Par exemple, concernant la France, cela représente 758,1 millions d’euros, qui resteront dans les caisses de l’État français [5].

Deuxièmement, ces rétrocessions demeurent encore et toujours conditionnées. En effet, les créanciers se gardent ce moyen de pression si le gouvernement grec venait à remettre en cause les réformes d’austérité. Déjà en novembre 2012, l’engagement de l’Eurogroupe de rétrocéder les profits réalisés était conditionné à l’application de l’austérité [6].

Enfin, et à l’instar des premières rétrocessions réalisées en 2013 sur un compte spécial dédié au remboursement de la dette, la Grèce ne pourra pas disposer comme elle le souhaite de cet argent, qui pourtant lui est dû. En effet, en disant que cet argent sera utilisé pour réduire les besoins de financements bruts, l’Eurogroupe ne dit pas autre chose qu’il sera consacré au service de la dette.

Bien entendu, cet Eurogroupe ne s’épanche pas sur les profits colossaux réalisés par les créanciers sur le dos de la Grèce. Depuis 2010, le FMI a engrangé environ 5 milliards d’euros de bénéfices via les prêts faits à la Grèce [7]. L ’Allemagne, tenante d’une ligne dure au sein de l’Eurogroupe, a malgré tout bien profité de la crise grecque avec 2,9 milliards d’euros perçus [8].

Des mesures d’allègement cosmétiques

C’est un point présenté comme central dans l’accord passé avec la Grèce. Finalement, une période de grâce (sans paiement des intérêts et du capital) de 10 ans est accordée sur les créances du MES et du FESF et la maturité de ces mêmes créances est repoussée de 10 ans. La Grèce devrait ainsi commencer à les rembourser non pas en 2022 mais 2032.

Là encore, il n’y a pas de quoi crier à la nouveauté ou la générosité. Comme à l’accoutumée dans les processus d’allègement de dette, menés par les créanciers, il s’agit juste de donner un peu d’air au débiteur pour ne pas qu’il se noie totalement (ici, que la Grèce retourne sur les marchés) mais qu’il continue à rembourser ses créanciers. Et bien entendu, s’il est encore nécessaire de le préciser, cet « allègement » est conditionné à l’adoption de nouvelles mesures austéritaires.

La Grèce s’est endettée pour sauver les banques européennes et rembourse aujourd’hui cette dette illégitime, au prix de la vie de sa population

Le problème de la dette n’étant pas pris à sa racine, la question de l’insoutenabilité de celle-ci, qui s’élève aujourd’hui à 180 % du PIBva revenir plus vite que l’Eurogroupe veut le faire croire. Même le FMI reste sceptique : « Mais sur le long terme, nous avons des réserves [quant à la soutenabilité de la dette grecque] » [9]. Plus grave peut-être, le remboursement de cette dette n’est jamais mis en cause mais considéré comme allant de soi. Alors qu’il est notoire que la dette remboursée aujourd’hui par la Grèce est illégitime, odieuse et illégale, comme l’a étayé la Commission pour la vérité sur la dette grecque [10] mise sur pied en avril 2015 par l’ancienne présidente du parlement grec.

La Grèce s’est endettée pour sauver les banques européennes et rembourse aujourd’hui cette dette illégitime, au prix de la vie de sa population. Savoir qu’on lui laisse jusqu’à 2032 plutôt que 2022 pour rembourser cet argent doit lui faire une belle jambe.

Une mise sous tutelle qui ne dit plus son nom

Avec cet accord, les partenaires du « quartet » (BCE, Commission européenne, FMI et MES) conservent leurs quartiers à Athènes. Bien qu’on ne parle plus de « revues » durant lesquelles les hauts fonctionnaires de ces institutions venaient évaluer et réécrire les décisions du gouvernement grec, le mécanisme subsiste.

Désormais, un audit des comptes de la Grèce aura lieu tous les trimestres par le quartet et si la Grèce venait à ne pas appliquer ou à remettre en cause certaines mesures prises lors des différents mémoranda, une partie des mesures d’allègement pourra être suspendue. À titre d’exemple, la poursuite du programme de privatisation reste fondamentale pour les créanciers. Ce programme inclut notamment la vente d’une participation majoritaire dans l’entreprise publique de gaz à partir de novembre prochain [11], après la fin officielle du programme européen. L’Eurogroupe se réserve le droit de redéfinir, plafonner et différer les paiements d’intérêts au FESF autant qu’il le jugera nécessaire. Les mesures dites d’allègement, aussi insignifiantes soient-elles, pourront ainsi s’avérer très vite caduques.

L’ingérence des Institutions européennes dans les affaires grecques est loin d’être terminée. En témoignent, les déclarations de l’Eurogroupe (soutenues par Tsipras lui-même) souhaitant faire annuler la condamnation d’Andreas Georgiou. Ancien directeur d’ELSTAT, l’institution des statistiques grecques, ce dernier s’est vu condamné par la justice grecque à deux ans de prison avec sursis pour avoir falsifié délibérément les chiffres de la dette publique grecque en 2010 [12].

Cet accord n’a rien d’exceptionnel et n’arrange rien du tout. Il permet juste aux créanciers d’organiser le maintien de la Grèce sous leur joug, sans procéder à un 4e plan de « sauvetage » à proprement parlé, qui aurait été difficile à justifier auprès des opinions publiques européennes et de la population grecque. Une fois de plus, l’Eurogroupe repeint la cage dans laquelle la Grèce est enfermée via sa dette publique. Le peuple grec n’a plus d’autre choix que d’en faire sauter les barreaux.

Pour en savoir plus sur la crise grecque, les plans de sauvetage, la destination de cet argent, les mesures d’austérité imposées, les créanciers de la Grèce => voir la série vidéo « À qui profite la dette grecque ? ».

Merci à Éva Betavatzi, Yvette Krolikowski et Éric Toussaint pour leurs relectures avisées.

Notes

[1Le commissaire européen Moscovici a déclaré : « La crise grecque s’achève ici, cette nuit. Nous sommes finalement arrivés au bout de ce chemin qui a été si long et si difficile. C’est un moment historique ». Cité par AFP, « Après huit ans, la crise de la dette grecque « s’achève » », 22 juin 2018.

[2Déclaration du ministre français Bruno Lemaire sur la dette grecque. Cité par Cécile Ducourtieux, « Grèce : les Européens s’accordent au forceps sur la sortie du plan d’aide », Le Monde, 22 juin 2018
Voir parmi tant d’autres : AFP, « Après huit ans, la crise de la dette grecque « s’achève » », 22 juin 2018 / Sophie Leroy, « Grèce : une page se tourne, c’est la fin de la crise », L’Echo, 22 juin 2018

[3Un excédent budgétaire c’est quand, service de la dette exclu, un État parvient à avoir plus de recettes que de dépenses.

[4BCE, « Letter from the ECB President to Mr Nikolaos Chountis (Q2064), MEP, on the Greek adjustement programme », octobre 2017.

Pour en savoir plus sur ses opérations de rachats et bénéfices réalisés, voir Eric Toussaint, « Les profits odieux de la BCE sur le dos du peuple grec », CADTM, octobre 2017.

[7Soit environ 4 milliards de droits de tirages spéciaux, l’unité de compte du FMI. Voir : International Monetary Fund, « Greece : transactions with the Fund from May 1984 to May 2018 ».

[9Cité par AFP, « Après huit ans, la crise de la dette grecque « s’achève » », 22 juin 2018.

[10Commission pour la vérité sur la dette grecque, « Rapport préliminaire », CADTM, juin 2015.



Grèce réduction de dette en trompe l’oeil

Grèce: une annonce de réduction de dette en trompe l’œil

Eric Toussaint interviewé par Marie Brette de TV5 Monde

Eric Toussaint, que pensez-vous de l’accord signé par les ministres de la zone euro ? La Grèce est-elle sortie de la crise ? 

E.T. : Il n’y a pas de sortie de crise du tout. Et par ailleurs au niveau de la zone euro, on ne peut pas dire que la situation soit particulièrement brillante non plus du point de vue des dirigeants européens. C’est une annonce de réduction de dette en trompe l’œil puisqu’il n’y a pas de réduction du stock de la dette et qu’il s’agit simplement de reporter de dix ans le début de certains remboursements, notamment ceux dus aux partenaires européens de la Grèce. Les montants à rembourser au Fonds monétaire international, à la Banque centrale européenne et aux créanciers privés, sont très importants et ils ne sont pas reportés dans le temps.  Ils ont lieu en permanence. Le FMI a fait 5 milliards d’euros de bénéfices sur le dos de la Grèce depuis 2010 et la BCE a quant à elle fait au moins 8 milliards de gains sur les titres grecs. En fait, le fond de l’accord, c’est qu’en prolongeant le calendrier de remboursement, on offre une récompense de consolation au gouvernement d’Alexis Tsipras qui a appliqué depuis trois ans les dizaines de réformes exigées par les créanciers. Après trois ans de politique d’austérité aussi dure, il fallait permettre à Tsipras de dire à la population grecque que l’austérité poursuivie finissait par donner un résultat. Mais les politiques antisociales imposées par les créanciers (FMI, BCE, Mécanisme européen de stabilité) seront renforcées.  Les dirigeants européens avec cet accord du 22 juin ont voulu indiquer aux fonds d’investissement privés qu’ils pouvaient acheter des titres grecs à nouveau après le mois d’août car des garanties publiques étaient offertes.

 « La Grèce est une victime expiatoire des politiques appliquées dans l’Union européenne »

Dans quel état économique est la Grèce ? 

E.T. : Elle est dans un état lamentable. La chute du PIB par rapport à 2009-2010 est de près de 30%.  Du point de vue des indicateurs macro-économiques, la Grèce est en mauvais état. 350 000 jeunes hautement qualifiés sont partis vers l’Allemagne, la France et d’autres pays du nord de l’Europe. La Grèce sera en évolution démographique négative, mis à part l’apport des réfugiés que le pays accueille qui ont permis en 2017 de maintenir l’équilibre. Désormais, on va passer à une décroissance de la population grecque. Le taux de chômage chez les jeunes atteint environ 40%. Selon les chiffres d’Eurostat, 47% des ménages grecs sont en défaut de paiement sur l’un de leurs crédits et le taux de défaut sur les crédits dans les banques est également à plus de 46,5%. Que ce soit concernant l’emploi, le système financier et la production, la situation est extrêmement mauvaise et elle est le résultat des politiques imposées à la Grèce. Le pays est une victime expiatoire des politiques appliquées dans l’Union européenne. Laquelle a voulu montrer aux autres peuples de la zone euro que s’ils voulaient mettre au gouvernement une force porteuse de changement radical à gauche et en rupture avec l’austérité, il leur en coûterait très cher !

Qu’aurait-il fallu faire ? 

En 2010, il aurait fallu résoudre la crise bancaire au lieu de maintenir à flot des banques privées qui avaient pris des risques énormes. Au lieu d’injecter des dizaines de milliards d’euros dans la recapitalisation de ces banques, il aura fallu les assainir et les transférer au secteur public. Il y a quatre banques en Grèce qui contrôlent 85% du marché bancaire grec. Il aurait fallu imposer aux banques allemandes et françaises, qui avaient prêté massivement au secteur privé grec, d’assumer leurs crédits risqués au lieu de créer une troïka qui a prêté de l’argent public à la Grèce afin qu’elle rembourse ces grandes banques. Politiquement, quand le peuple grec a choisi en 2015 de soutenir une coalition qui proposait des changements importants en matière de justice sociale, il aurait fallu permettre à ce peuple de pratiquer la démocratie. Or la volonté démocratique a été systématiquement combattue par les autorités européennes, qui ont été satisfaites de la capitulation de Tsipras à l’été 2015, lors de la signature du troisième mémorandum qui a approfondi la crise grecque.

Aurait-il fallu effacer la dette grecque ? 

E.T. : Bien sûr. Cela se pratique couramment. Quand la Pologne a quitté le pacte de Varsovie au début des années 90, ses créanciers occidentaux, lui ont octroyé 50% de réduction de dette. Quand l’Egype participait à la même époque à la première guerre du Golfe, on a aussi annulé 50% de la dette. En Irak, après l’invasion américaine en mars 2003, on a octroyé 80% de réduction de dette. Donc des réductions de dette importantes, ça se réalise de manière répétée depuis des décennies. Et cela aurait été tout à fait nécessaire de le faire dans le cas de la Grèce. Il aurait fallu bien sûr procéder, avec la participation des citoyens et des citoyennes, à un audit des dettes pour déterminer les responsables, du côté grec et du côté des prêteurs. Il faut rappeler qu’en pourcentage du PIB, la Grèce est en 3ème ou 4ème position dans la liste des pays qui dépensent le plus en armes au niveau de la planète ! Et quels sont les principaux fournisseurs d’armes de la Grèce ? L’Allemagne, la France et les Etats-Unis ! Lors du premier mémorandum de 2010, l’un des postes budgétaires qui n’a pas été réduit : c’était le remboursement des commandes militaires. Et cela continue. Début 2018, Alexis Tsipras a rencontré Donald Trump et a annoncé pour 1,6 milliard d’euros d’achats d’armes aux Etats-Unis.

« La Grèce est en 3ème ou 4ème position dans la liste des pays qui dépensent le plus en armes. (…) Début 2018, Alexis Tsipras a rencontré Donald Trump et a annoncé pour 1,6 milliard d’euros d’achats d’armes aux Etats-Unis.  » 

Source: https://information.tv5monde.com/info/la-grece-est-une-victime-expiatoire-des-politiques-appliquees-dans-l-union-europeenne-245317


Eric Toussaint
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L’Europe propose à la Grèce un plan de sortie irréaliste

L’Europe propose à la Grèce un plan de sortie irréaliste

Par martine orange Mediapart

Les ministres des finances de la zone euro pensent en avoir fini avec la Grèce. Mais le plan de sortie proposé à Athènes ne fait que gagner du temps, en assurant les premières échéances : il laisse le pays écrasé par une montagne de dettes, sans possibilité de relancer une économie exsangue, et aux mains des marchés financiers.

La dernière réunion de l’Eurogroupe du 21 juin, prévue pour entériner le plan de sortie de la Grèce, n’a pas failli à la tradition. Comme lors des précédents débats, le sujet a donné lieu à une foire d’empoigne entre les ministres des finances de la zone euro, opposant les tenants d’une ligne dure et ceux qui se voulaient plus conciliants. Au milieu de la nuit, un accord a finalement pu être annoncé, au grand soulagement de tous les participants.

Dix ans après le début de la crise, les ministres des finances ont l’impression d’en avoir fini avec la Grèce. Après de multiples plans de sauvetage, d’ajustement, de rigueur, d’austérité, Athènes est censé, à partir du 21 août, pouvoir avancer seul, sans l’assistance de l’Europe, en se finançant par elle-même sur les marchés.

Officiellement, la période du plan de sauvetage, négocié dans des conditions dramatiques en juillet 2015, est en train de se refermer. « C’est un moment exceptionnel. La crise grecque s’achève ici ce soir au Luxembourg », insistait Pierre Moscovici, commissaire européen de l’économie, qui va même, sur son blog, jusqu’à évoquer « la fin de l’Odyssée » d’Ulysse. « La Grèce est en train de tourner la page. Nous avons tous construit un ensemble de mesures pour quitter le programme avec confiance », soulignait le ministre grec des finances, Euclid Tsakalotos, en se félicitant que son pays soit traité comme l’Irlande et le Portugal à leur sortie du plan d’aide européen et ne soit pas placé en résidence surveillée, avec visites périodiques de la Troïka, comme certains membres européens le souhaitaient.

Mais au-delà de cette faveur consentie au gouvernement grec, rien ne change. Ce plan de sortie européen ressemble à tous les précédents concernant Athènes : irréaliste. Une nouvelle fois, les responsables européens se sont contentés d’acheter du temps, en espérant qu’une solution magique finira par être trouvée. Car l’Europe ne répond pas à la question fondamentale : la soutenabilité de la situation financière grecque. La dette du pays, toujours plus lourde, est insupportable sur le long terme. Elle atteint désormais 180 % du PIB.

Depuis des années, l’Europe est inflexible sur le sujet. En dépit de toutes les études, tous les avertissements appelant à une nécessaire restructuration de la dette, les responsables européens ont refusé à nouveau tout effacement de l’endettement grec. Leur seule concession a été de la repousser dans le temps. Selon l’accord annoncé, les Européens acceptent de différer le remboursement des 96 milliards de prêts qu’ils ont consentis à Athènes, soit environ 40 % du total, pendant dix ans. Les premiers remboursements n’interviendront qu’en 2033 au lieu de 2023.

De plus, les échéances – la maturité – des émissions obligataires vont être allongées de dix ans. Le remboursement par la Grèce de l’intégralité des dettes contractées auprès du mécanisme européen de stabilité (MES) courra jusqu’à 2069. Dans son communiqué, les responsables européens promettent de réexaminer la situation de la dette grecque et de procéder à d’éventuels effacements, à partir de 2032. Autant dire aux calendes grecques.

Même si les termes ne sont guère généreux, ce compromis a été obtenu dans la douleur. Selon un scénario bien connu, les Allemands et les pays du nord de l’Europe se sont opposés à tout aménagement qui pourrait les amener à payer pour la Grèce. Jusque-là, la crise grecque n’a pas été une mauvaise affaire pour les Européens. De l’aveu même de Mario Draghi, la Banque centrale européenne a réalisé 7,8 milliards de plus-values sur les titres grecs entre 2012 et fin 2016. La Bundesbank à elle seule a totalisé 2,9 milliards d’euros de gains grâce à la Grèce. Dans le cadre de l’accord du 21 juin, la BCE se propose de reverser les gains obtenus au gouvernement grec, au rythme d’un milliard par an. Pourquoi ne pas reverser la totalité tout de suite ? Mystère. Sans doute pour ne pas donner un sentiment de facilité au gouvernement d’Alexis Tsipras.

Mais les Européens savent qu’il faut malgré tout faire quelques gestes pour donner un peu de crédibilité au dispositif arrêté. Pour accompagner la Grèce dans les premiers temps, ils ont prévu un coussin financier de sécurité, au cas où l’accès aux marchés financiers serait rendu difficile. Là encore, le montant des sommes pouvant être alloué a donné lieu à d’âpres discussions, Berlin voulant le limiter à 11 milliards d’euros, quand d’autres voulaient le porter à 20 milliards. Selon la bonne méthode européenne, un compromis a été élaboré autour de la somme de 15 milliards d’euros.

 © Cour européenne des comptes © Cour européenne des comptes

Ce qui semble être une mesure d’accompagnement généreuse n’est en fait qu’une décision de précaution technique. Comme l’a relevé la cour européenne des comptes, la Grèce doit, dès sa sortie, faire face à un mur financier quasiment infranchissable. « En 2019, les besoins bruts de financement s’élèveront à 21 milliards d’euros en principal et en intérêts », écrit-elle. Ces paiements sont essentiellement dus à des créanciers privés.La Grèce, qui n’a pas eu accès aux marchés financiers pendant près d’une décennie, est incapable de faire face à de tels remboursements, surtout s’il lui faut emprunter à 3 % ou 4 % au lieu de 1 %. Comme lors des plans précédents, l’aide avancée par l’Europe semble donc destinée à assurer le paiement des premières échéances, afin d’éviter le défaut, de sauver les créanciers, à commencer par ses banques, en laissant des miettes à la Grèce .

Comme à chaque fois, cette aide est accordée sous conditions. Selon les termes fixés par l’Europe, le gouvernement grec doit s’engager à réaliser un surplus budgétaire (avant paiement des intérêts de la dette) d’au moins 3,5 % du PIB jusqu’en 2022 et de 2,2 % du PIB en moyenne pendant les 37 années suivantes. Avec ces critères, l’Europe impose une politique d’austérité et de réformes structurelles toujours plus régressive et récessive.

Une économie en cage

« Aucun pays n’est capable de maintenir sur le moyen terme de tels excédents budgétaires », ont prévenu à plusieurs reprises les économistes du FMI. À leur côté, de nombreux économistes jugent ces exigences contre-productives et asphyxiantes. Ces analyses ont été balayées par l’Eurogroupe. Tout aménagement ne pourrait être, selon eux, qu’une incitation au laxisme. Et ils attendent des marchés financiers qu’ils incitent en permanence la Grèce à la vertu.

Un peu à la manière du commissaire allemand au budget, Günther Oettinger, qui avait souligné que « les marchés allaient apprendre aux Italiens à bien voter », le directeur général du MES, Klaus Regling, résume cet état d’esprit : « Si le gouvernement grec ne met pas en place les réformes dures nécessaires, la confiance des investisseurs sera plombée et les marchés se vengeront », a-t-il déjà prévenu.

Mais ces mesures adoptées par l’Eurogroupe sont-elles vraiment de nature à inspirer confiance aux marchés financiers ? Dès la sortie de la réunion, la directrice du FMI, Christine Lagarde, n’a pu s’empêcher de faire part de « réserves » sur les aménagements accordés par les Européens. La situation d’endettement de la Grèce sur le long terme lui paraît toujours aussi problématique.

Rien dans le plan européen ne permet de desserrer l’étau financier dans lequel se retrouve la Grèce. Le pays risque de se voir maintenu en cage, interdit pendant des années de tout projet de relance, ou même de soutien économique.

Or c’est d’un plan de reconstruction que le pays a besoin. Les 2,3 % de croissance affichés au premier trimestre de 2018 n’effacent pas les 30 % de chute de PIB en quelques années. Non seulement la saignée qui a été imposée à la Grèce – du jamais vu dans le monde occidental – a précipité la population dans le chômage, mais elle a détruit ou affaibli durablement un outil productif qui était déjà réduit. Le rebond noté depuis quelques trimestres est essentiellement le fait du tourisme. Mais l’économie grecque est dans son ensemble dans l’incapacité de répondre au moindre sursaut, faute d’investissements.

La Grèce se retrouve condamnée à voir son économie évoluer comme un soufflé, redescendant à peine monté, car ne pouvant s’appuyer sur aucun relais de croissance durable. D’autant qu’à côté d’un État à qui l’Europe interdit tout endettement autre que pour repayer ses dettes, les banques ne peuvent prendre la suite.

Le système bancaire est dans un état de délabrement avancé. La BCE qui a apporté son aide à tout le système bancaire européen, en achetant à tour des bras des obligations d’État ou des obligations d’entreprises depuis des mois, a exclu les banques grecques de ce système de refinancement. Résultat : les bilans des banques grecques, plombés par des créances douteuses ou impayées pour 40 à 50 % des encours, n’ont pas connu un début de restructuration. Selon une estimation de la Banque centrale européenne, les principales banques grecques ont au moins besoin de 15 milliards d’euros de recapitalisation dans les prochains mois.

Pas plus qu’elle ne lui apporte un soutien dans l’accueil des migrants, l’Europe s’apprête à abandonner la Grèce, avec ses problèmes économiques et financiers essentiels, sans lui fournir un début de solution ou de financement. Même en respectant toutes les mesures européennes, l’accès de l’État grec, de ses banques et de ses entreprises aux marchés financiers est tout sauf garanti, ou à des prix prohibitifs. Tant nombre d’investisseurs doutent de la légende européenne sur le redressement grec.

À la sortie de l’Eurogroupe, le président de la Banque centrale européenne, Mario Draghi, semblait lui-même assez dubitatif, saluant surtout sur le fait que « les ministres des finances étaient prêts à envisager d’autres mesures de protection, dans le cas où des scénarios économiques adverses se matérialiseraient ».

Même s’ils n’en parlent pas, ce qui s’est passé sur le marché italien fin mai est dans de nombreux esprits. La brève déroute financière sur les marchés obligataires, à la suite de l’imbroglio politique italien, a montré qu’il fallait peu de choses pour que la crise de l’euro se ranime. En quelques heures, toute la liquidité qui existait sur le marché italien s’est volatilisée, entraînant une hausse rapide des taux italiens mais aussi espagnols ou portugais.

Cette fois-là, la Grèce a été épargnée car elle était sous régime de protection. Mais si un incident identique ou plus grave se reproduit dans les mois à venir – ce qui ne peut être exclu compte tenu de la décomposition rapide du consensus européen –, les marchés pourraient bien se venger, comme le prédit le directeur du Mécanisme européen de stabilité (MES). La Grèce risque d’être la première visée, non pas en raison de ses erreurs mais parce qu’elle est le maillon faible  d’une zone euro déséquilibrée dont vont se servir les marchés financiers, comme ils l’ont fait en 2010.

Contrairement aux espoirs des responsables européens, ils n’en ont pas encore fini avec la Grèce. Ils pourraient même retrouver le dossier beaucoup plus vite que prévu.

 

Centre de santé Elleniko menacé d’expulsion

Grèce. L’immobilier de luxe chasse un dispensaire social

Vendredi, 15 Juin, 2018 Rosa Moussaoui l’Humanité

Le centre de santé solidaire d’Elleniko, fondé en 2011, a reçu un avis d’expulsion. Il doit quitter les terrains de l’ancien aéroport, cédés au milliardaire Latsis.

L’ultimatum est sans appel. Soignants et patients doivent déguerpir avant le 30 juin. Installé sur les terrains de l’ancien aéroport d’Athènes, le dispensaire social d’Elleniko est prié d’évacuer les lieux par la société chargée de liquider le foncier. Sans proposition alternative d’hébergement. Fondé en 2011 par le cardiologue Giorgos Vichas, ce lieu a pourtant fait la preuve de son utilité publique, dans la longue nuit austéritaire qui s’est abattue sur la Grèce. De la médecine générale à l’oncologie, plus de 90 praticiens bénévoles y dispensent gratuitement des soins aux patients de toute la région Attique privés de couverture sociale après la perte de leur emploi. « Au mois d’août 2011, j’ai assisté à un concert de Mikis Theodorakis, notre grand compositeur. Il a fait un discours passionné et il a dit, entre autres, ce que je pensais depuis un bon moment, que les médecins devaient entreprendre quelque chose pour aider les gens ayant perdu leur assurance-maladie. Cela m’a beaucoup perturbé, raconte le Dr Vichas. Le concert a eu lieu ici, sur le terrain de l’ancien aéroport. Alors, j’ai eu une idée : il y avait tous ces locaux vides et j’ai pensé qu’on pourrait établir un centre de santé libre dans un de ces bâtiments. Le maire était prêt à nous aider. Il nous a prêté ce bâtiment tout en prenant en charge les frais d’électricité et d’eau. »

Depuis, ce centre de santé, ouvert tous les jours de 16 heures à 20 heures sans jamais désemplir, a rendu possibles 64 000 consultations médicales. Les malades peuvent aussi s’y procurer des médicaments collectés par des réseaux de solidarité. L’expérience d’Elleniko a essaimé dans toute la Grèce, qui compte aujourd’hui une cinquantaine de structures de santé de ce type, organisées sur le mode de l’autogestion démocratique et de l’indépendance économique et politique. Pour ceux qui offrent leur temps pour les faire vivre, médecins, dentistes, infirmiers, pharmaciens, psychologues, il s’agit de faire face à l’urgence, tout en revendiquant le rétablissement d’une couverture sociale pour tous.

L’oligarque s’est porté acquéreur d’une vaste friche de 620 hectares

Si le dispensaire social d’Elleniko doit aujourd’hui faire place nette, c’est que les terrains de l’ancien aéroport ont été privatisés. Comme les ports d’Athènes et de Thessalonique, les quinze aéroports régionaux, la Compagnie des eaux d’Athènes, l’opérateur ferroviaire Trainose et tant d’autres actifs de l’État grec, ces terrains font partie des biens publics soldés sur ordre des créanciers d’Athènes. Ils sont aujourd’hui livrés à la spéculation immobilière. Le bénéficiaire de cette opération ? Lamda Development, une filiale du groupe tentaculaire sur lequel règne le milliardaire grec Spiros Latsis (banque, immobilier, pétrole, construction navale). Allié à un consortium d’investisseurs chinois et émiratis, cet oligarque s’est porté acquéreur, à prix cassés, de cette vaste friche de 620 hectares en bord de mer, qu’il destine à l’immobilier de luxe. Montant de la transaction : 915 millions d’euros. Les travaux d’aménagement des réseaux d’eau et d’électricité restent, bien sûr, à la charge de l’État. On parle même d’une autoroute qui pourrait relier le futur complexe immobilier au nouvel aéroport. L’affaire est belle. Sa négociation a été facilitée par une certaine Evangelia Tsitsogiannopoulou, experte en spéculation immobilière, qui a occupé, d’avril 2015 à mai 2017, les fonctions de directrice exécutive du Taiped, le fonds chargé de liquider les biens publics grecs. Elle en est toujours, aujourd’hui, administratrice. Il se trouve qu’elle a fait ses premières armes dans le monde des affaires… chez Lamda Development. Les Grecs ont une expression très imagée pour décrire ces arrangements entre amis : ils parlent des « intérêts enchevêtrés » que cultive l’oligarchie. Spiro Latsis en est familier : il se trouve au cœur d’autres transactions litigieuses liées à l’acquisition de biens publics. En 2015, dans un rapport de 200 pages, le parquet anticorruption concluait à la sous-estimation de la valeur raisonnable de 28 bâtiments publics cédés à deux établissements financiers, Ethniki Pangaia et Eurobank Property, filiale de la banque grecque Eurobank, propriété de Latsis. Montant du préjudice pour l’État grec : 580 millions d’euros. L’enquête avait abouti à la mise en examen de six experts et membres du conseil d’administration du Taiped pour « abus criminel de biens sociaux ». Tous ont finalement été relaxés sous pression de Bruxelles, qui conditionnait le versement à Athènes d’une tranche de prêt de 7,5 milliards d’euros à la levée des poursuites. « Des marges de manœuvre satisfaisantes devraient être garanties à tous les experts européens qui aident la Grèce à redresser son économie », avait alors justifié le porte-parole de la Commission européenne, Margaritis Schinas.

Le dispensaire social n’est pas la seule structure d’intérêt public menacée par l’obscure privatisation des terrains d’Elleniko. Ceux-ci accueillent aussi les locaux de la municipalité, des écoles, des clubs sportifs. Opposés à ce bradage comme au bétonnage de leurs 3,5 kilomètres de côte appréciés des promeneurs, les riverains ont multiplié les recours jusqu’au Conseil d’État, qui a finalement donné, en février, son feu vert à la transaction. Un appel de soutien au centre de santé d’Elleniko circule ces jours-ci en Grèce et bien au-delà de ses frontières. Ses signataires soulignent son « immense contribution sociale et humanitaire » et sa valeur d’« exemple novateur de gestion communautaire des biens publics et de l’espace urbain ». Aux antipodes des arrangements entre « experts européens » et gros affairistes pour braquer tous les biens communs, ils appellent à soutenir la lutte du dispensaire social d’Elleniko « pour continuer sur la voie de la solidarité, de la dignité, du respect et de l’humanisme ».

La prison des peuples européens

La prison des peuples européens . Par Costas Lapavitsas

Mardi, 29 mai 2018

Le coup d’État

Le refus du président italien Sergio Mattarella d’accepter le schéma gouvernemental proposé par le Mouvement Cinq Étoiles et la Ligue constitue très clairement un coup d’État politique. Ce détournement donné comme tel de la volonté du peuple et de la démocratie ne s’est pas produit en Italie depuis la chute de Mussolini en 1943.

Tout aussi surprenante s’avère l’argumentation de Mattarella. Mon rôle, a-t-il déclaré, est de protéger les intérêts du pays, ce qui signifie ne pas mettre en danger, sous quelle que forme que ce soit, son appartenance à l’euro. Les Italiens peuvent bien avoir le gouvernement qu’ils veulent, pourvu qu’il accepte l’UEM.

Le fait que de source officielle on reconnaisse de manière absolument cynique que l’euro est une prison pour les peuples européens reste sans objet. Mattarella a rencontré un soutien sans faille auprès de l’establishment italien mais également auprès des puissantes forces de l’UE. En premier lieu le président Macron, celui-là même qui doit apporter le grand changement démocratique en Europe, a rendu publiquement hommage à sa « responsabilité ».

L’échec de l’Italie dans l’UEM

Il ne fait aucun doute que la participation de l’Italie à l’UEM s’est révélée désastreuse pour son économie. Le pays n’a encore pas retrouvé le niveau de son PIB de 2007, lorsque la crise mondiale a éclaté, et son taux de croissance est absolument anémique.

La raison principale en est l’austérité constante exigée par l’UEM, avec les coupes dans les dépenses publiques et la fiscalité qui ont durement frappé la demande intérieure et l’activité économique. Il s’agit d’une situation désastreuse pour un grand nombre de PME qui dépendent du marché intérieur. C’est une situation également désastreuse pour les salariés car les salaires sont le plus souvent orientés à la baisse quand le chômage reste élevé, poussant ainsi la jeunesse italienne à émigrer. Il s’agit, enfin, d’une situation désastreuse pour l’État car, outre que les services publics se voient sans cesse limités et les infrastructures se trouvent dans un état d’usure sans précédent, la dette publique a dépassé 130% du PIB, conséquence logique de l’absence de croissance.

Mais tout n’est pas négatif pour tout le monde. La réduction de la demande intérieure restreint les importations, tandis que parallèlement la pression salariale vers le bas a bénéficié à l’industrie d’exportation. L’Italie est le seul pays d’Europe doté d’un grand complexe industriel pouvant concurrencer l’Allemagne. La politique que lui a imposée l’UE a réussi à créer de légers excédents pour le commerce extérieur ces dernières années. Mais il n’existe aucune certitude que la hausse des exportations conduise à une accélération de la croissance dans la mesure où l’économie intérieure connaît une réduction constante.

Les finances absurdes et les signes de la rupture

Les économistes de bonne foi ne peuvent qu’être d’accord sur le fait que l’Italie a besoin d’une stimulation directe de sa demande intérieure, par une levée de l’austérité et une diminution de la fiscalité, de façon à redonner du souffle à son économie. C’est exactement ce qu’a proposé le programme économique du gouvernement Cinq Étoiles-Ligue. Mais le problème est que le durcissement institutionnel de l’austérité dans l’UE ces dernières années exige précisément l’inverse. En d’autres termes, un pays comme l’Italie avec une dette publique supérieure à 130% devra réaliser un excédent de 1,5% du PIB, et donc accroître l’austérité.

S’agissant des finances, on danse sur un volcan, ou peu importe l’image qu’on pourrait employer. Et ce sont justement ces finances absurdes qui dominent dans l’UE et l’UEM qu’on présente aux entreprises internationales comme une politique « sérieuse » et « responsable » par opposition aux « stupidités » des « populistes ». Ce sont ces finances qu’a été chargé de mettre en œuvre M. Carlo Cottarelli, celui sur lequel s’est porté le choix de Mattarella après le coup d’État, nouveau Premier ministre par intérim bénéficiant d’une longue expérience au FMI (pouvait-il en être autrement ?).

Le choix de Mattarella suscitera certainement des réactions et s’ensuivront de fortes turbulences politiques dans les mois à venir, très probablement avec des élections à la clé. Une situation que les marchés financiers internationaux ont bien comprise de sorte que le spread des obligations italiennes à dix ans a immédiatement explosé à 1,83%. Les signes de la crise ont commencé à devenir évidents, notamment si l’on tient compte de la difficile situation des banques italiennes qui détiennent de gros volumes de prêts improductifs, tandis que le pays est complètement en panne depuis environ deux décennies.

Pour la zone euro, le danger est évidemment immense. En pratique, aucune structure n’a changé en mieux ces dernières années. La situation s’est stabilisée après l’application d’une austérité sévère, de privatisations et d’une déréglementation des marchés, mais plus particulièrement à travers la production d’argent bon marché par la BCE de M. Draghi. Les contradictions fondamentales de l’union monétaire, qui proviennent de la domination du capital allemand, restent cependant inchangées. L’UEM pourrait difficilement survivre après une crise italienne généralisée.

La rupture

Pour les peuples européens, dans la prison de l’euro, les choses ont désormais commencé à se rapprocher des conditions de survie. Il est évident qu’aucune réforme dans le sens d’une amélioration pour les intérêts populaires ne peut voir le jour. La seule perspective réaliste qui s’offre est celle de la rupture.

Mais la rupture n’est pas encore quelque chose de facile, même en Italie. Comme je l’ai déjà mentionné, le grand capital industriel d’exportation en Italie, qui est concentré au Nord, est rentable et s’est adapté à l’UEM. Il ne veut pas du danger politique et social de la rupture. La masse des PME, d’un autre côté, est impitoyablement frappée et réagit. Le travail salarié et les couches populaires défavorisées, enfin, font face à une pression constante, mais ne réagissent pas de manière coordonnée.

Le pays tout entier est en train d’étouffer, sans qu’apparaissent clairement les forces de classe permettant de résoudre le problème.

L’apathie sociale se reflète dans le chaos politique. La Ligue est une formation d’extrême droite ayant des caractéristiques fascistes dans laquelle personne ne peut placer la moindre confiance. Le Mouvement Cinq Étoiles est un patchwork de protestations sans pouvoir ni structure. Le parti de droite de Berlusconi se définit par son absence de fiabilité et son insolvabilité. Mais la tragédie concerne le Parti Démocrate, le principal héritier de la grande gauche italienne, que le malheureux Matteo Renzi a transformé en terminus européiste craintif de l’establishment italien. Pour le moment aucun leadership politique fort pouvant réellement créer la rupture en faveur des couches laborieuses et populaires ne transparaît.

Et dans notre pays ?

Enfin, concernant la Grèce, son peuple a toujours laissé une marge pour la rupture, comme l’a montré de manière éclatante l’été 2015. Son principal adversaire n’était pas Wolfgang Schäuble. C’était l’establishment grec, qui a fait alliance avec les créanciers et a œuvré contre vents et marées pour que le pays reste dans l’euro à tout prix. La raison était évidente. La rupture serait ce qu’il peut advenir de plus dangereux pour les mécanismes de classe qui dominent la situation grecque.

Les couches laborieuses et populaires n’avaient pas la force de s’organiser de manière indépendante pour imposer leurs propres intérêts. Elles ont demandé du soutien auprès du système politique, ont cherché quel leadership pourrait gérer la rupture. Le tort immense qu’a fait et continue de faire Syriza, c’est qu’il a fermé les yeux sur la rupture et a transigé pleinement avec l’ordre établi du pays, humiliant la volonté populaire.

Dans cette situation d’essoufflement qu’affronte aujourd’hui la Grèce, il est bon de nous rappeler qu’aucune condition de stabilité sociale et politique n’existe ni n’est envisageable dans la prison de l’euro. Quoi que puissent en penser les propriétaires et les occupants, la perspective de la rupture est et sera présente parce qu’elle porte la promesse de la croissance économique, de la renaissance sociale, de la démocratie et de la souveraineté populaire. L’Italie a beaucoup à nous apprendre concernant la voie que notre pays devra suivre.

Traduction : Vanessa de Pizzol

Costas Lapavistas est professeur d’économie à l’École des études orientales et africaines de l’Université de Londres. Élu député de Syriza en janvier 2015, il a fait partie du groupe de députés et de militants qui ont quitté le parti en septembre 2015 pour créer le nouveau parti Unité Populaire (Laiki Enotita), après l’acceptation par le Premier ministre Tsipras du 3ème Mémorandum imposé par l’Eurogroupe, en dépit du « Non » massif des électeurs lors du référendum de juillet 2015.

Source https://unitepopulaire-fr.org/2018/06/17/la-prison-des-peuples-europeens-costas-lapavitsas/

Casinos vs santé La rubrique de Panagiotis Grigoriou

Panagiotis  Grigoriou est Ethnologue et historien, chroniqueur, analyste, initiateur d’un concept de tourisme alternatif  et solidaire en Grèce. Le regard de l’historien et de l’anthropologue sur l’actualité et le vécu de la crise grecque.

Casinos vs santé

Ciel gris, admirables orages ce week-end sur la Grèce. À Athènes, la lourdeur est autant politique, entre le mémorandum 4bis adopté cette semaine, et en prime, cette parodie d’accord présumé sur l’affaire dite macédonienne, imposée par les États-Unis, l’Otan, Bruxelles et Berlin à la marionnette Tsípras, et voila que toute la Grèce se rebiffe. Nous y reviendrons. Cependant, un autre événement a eu lieu cette semaine et il a été malheureusement ignoré des… grands médias. Une conférence de presse exceptionnelle avait été tenue par les responsables du Centre Médical Solidaire et Métropolitain d’Ellinikón jeudi 14 juin, émotion alors et aussi espoir, le blog “Greek Crisis” y était invité.

Ceux d’Ellinikón à Bruxelles en 2015 (presse grecque)

Au beau milieu de cette Grèce du chaos ordonnancé, le Centre Médical Solidaire et Métropolitain d’Ellinikón vient de recevoir il y a peu, “sa” lettre d’expulsion. La société Ellinikón S.A. ayant “acquis” l’ensemble du site de l’ancien aéroport sous la “gouvernance” Tsípras, tout doit… entrer visiblement dans le nouvel ordre des choses et des affaires, l’ultimatum adressé aux médecins bénévoles, ainsi qu’à l’ensemble des solidaires du centre Médical avait été fixé pour la fin du mois de ce juin 2018. Les… investisseurs ne doivent plus attendre, c’est bien banal.

Le cardiologue Yórgos Vichas, co-initiateur du Centre, a expliqué lors de la conférence de presse que dans un premier temps, le gouvernement est resté indifférent et muet devant le scandale de son expulsion, de même que l’Ordre des médecins d’Athènes comme d’ailleurs, à l’exception notable de l’Ordre des dentistes du Pirée. Solidarité disons soluble. Yórgos Vichas a également insisté sur le fait que le Centre Médical Solidaire et Métropolitain d’Ellinikón ne quittera pas les lieux, tant qu’une véritable solution de délocalisation ne soit trouvée, proposée et débattue.

“Ceci est d’ailleurs une obligation de la Politeía, autrement-dit du gouvernement, et cela sous ces seules conditions alors posées par nous: Que notre Centre Médical Solidaire puisse poursuivre dans sa mission sans la moindre modification ni interférence dans son mode de fonctionnement. N’oublions pas que notre centre rempli une mission d’intérêt public, nous accueillons entre 700 et 1000 patients par mois, et notre action est pour tout dire connue et reconnue jusqu’à l’étranger. Cette semaine, une manifestation de soutien à notre Centre a eu lieu devant les représentations diplomatiques grecques à Bruxelles, et ce n’est qu’un début dans les réactions.”, Yórgos Vichas durant la conférence de presse (le 14 juin 2018).

Chaos, Athènes, années dites de crise
Ambulance… Grèce, années dites de crise (presse grecque)
“Les médecins grecs émigrent en Allemagne” (presse grecque, 2014)

“Nous venons d’apprendre que Panos Skourlétis, Ministre (SYRIZA) de l’Intérieur vient d’intervenir cette semaine à l’Assemblée en faveur de notre Centre et ceci, après plus de deux semaines de silence. Que s’est-il alors passé ? D’après nos informations, il y aurait eu un mail de la Troïka (‘Institutions’), exigeant du gouvernement que de ne pas expulser notre structure avant de trouver une solution définitive et durable.”

“Cette issue, vraisemblablement positive avait été entre autres, le résultat de nombreuses pressions internationales, faisant suite à toute cette formidable chaîne de solidarité qui nous entoure et qui nous encourage depuis les autres pays en Europe et même ailleurs.” Un peu ‘off the record’, les bénévoles du Centre Médical Solidaire et Métropolitain d’Ellinikón ont encore indiqué que comme la… formule bien trouvée, laquelle avait été lancée ces derniers jours à Bruxelles fut: “Casinos vs Santé”, et que comme cette formule a été jugée visiblement préjudiciable pour l’image de marque des… investisseurs, alors, la Troïka aurait finalement jugé bon d’intervenir pour indiquer au gouvernement grec que le Centre Médical Solidaire devait rester en place faute de solution de relocalisation.

Non à l’expulsion du Centre. Ellinikón, 14 juin 2018
Yórgos Vichas lors de la conférence de presse du 14 juin

Ceux du Centre, ont à l’occasion rappelé que leur bel exemple si réussi aux dires et aux yeux de tous, est autant un cas d’école, car le fonctionnement s’opère sans aucune hiérarchie entre les bénévoles, et que cette structure libre n’a pas d’existence juridique officielle.

“Notre grande force, c’est celle des citoyens ; et nous pratiquons à la fois la solidarité, la dénonciation des responsabilités, et la résistance. C’est pour cette raison que notre Centre n’a pas voulu recevoir le Prix qui lui a été décerné par le Parlement européen en 2015… Les bourreaux ne peuvent pas en même temps nous récompenser pour nos actions”, conférence de presse du 14 juin 2018.

“Le site de l’ancien aéroport n’est pas à vendre”, luttes des années 2011-2017
La… zone euro. Presse grecque, années dites de crise
Sur un certain Tsípras. Place de la Constitution, 2016 (presse grecque)

Il a été également évoqué que depuis ses débuts en 2011, près de 70.000 patients se sont adressés au Centre Médical Solidaire et Métropolitain d’Ellinikón, et 7.000 d’entre eux ont été suivis et pris en charge de manière constante. Actuellement, près de 9.000 boîtes de médicaments sont administrées par le centre chaque mois, tandis qu’en moyenne 30.000 autres boîtes sont offertes chaque mois par le Centre d’Ellinikón à d’autres structures qui en font la demande suivant leurs besoins urgents.

L’action du Centre, ce sont aussi près de 4.900 examens médicaux (imagerie et laboratoire) effectués par ses soins, ainsi que 128 interventions chirurgicales urgentes que certaines structures privées ont voulu prendre entièrement et gratuitement en charge au bénéfice des patients suivis à Ellinikón.

“Nos actions sont à la fois larges et ciblées”, a voulu préciser Yorgos Vichas. “Nous avons été à l’origine de 48 pièces de théâtre, comme nous sommes à l’origine de nombreuses structures informelles de solidarité et d’échange de services entre chômeurs. Au départ, nous avions même instauré une ‘banque de temps’, sauf que très rapidement elle n’a plus été nécessaire. Les échanges se font alors spontanément, suivant les besoin et voilà que la nécessité de compter a aussitôt disparu.”

Manifestantes. Athènes, temps de crise
“Après la crise ?” MuCEM, Marseille, 2014

“Notons que parmi les structures qui nous ont sollicités pour recevoir les médicaments de notre part, on compte certains hôpitaux publics et parfois militaires, les autres Centres de Santé solidaires bien entendu, l’Église, l’administration pénitentiaire, les Centres d’accueil pour refugiés et migrants, les dispensaires publics surtout ceux des îles, Médecins du Monde, d’autres ONG et enfin, certains établissements scolaires publics.”

“Notre mission publique est ainsi complémentaire à celle du système de Santé, surtout lorsque ce dernier ne peut plus remplir son rôle ni ses missions, d’où d’ailleurs cet oxymore alors de taille: L’État fait appel à nous en reconnaissant notre rôle et en même temps ce même État… organise et met en exécution la fermeture brutale de notre Centre.”

Lorsque j’ai co-organisé en 2014 MuCEM à Marseille cette émouvante semaine riche en débats et en manifestations sous le titre “Après la crise ?”, Yórgos Vichas avait été parmi les nôtres dès le départ. Comme il y a déjà quatre ans, ses actes rejoignent les paroles, et son verbe est toujours aussi aiguisé.

“Nous exposons la situation de la Santé en Grèce sous la Troïka, nous dénonçons cette politique à travers l’Europe et le monde, nous considérons que cette politique introduite et planifiée par l’Union Européenne, par le FMI, par la BCE et par les gouvernements grecs est une forme de génocide. D’ailleurs, j’ai eu l’occasion d’en débattre de manière très constructive avec certains juristes internationaux lors d’un conférence en Suisse il y a quelques mois, sur cette dimension juridique de l’affaire grecque”, précise-t-il Yórgos Vichas (conférence de presse du 14 juin à Athènes).

Malade d’une tumeur ? Athènes, mai 2018
Vieux café. Athènes, 2018

Et nous avons bu ensuite toute notre tasse des impressions du jour dans un vieux café d’Athènes, sous le regard des retraités, tout comme sous celui des animaux adespotes (sans maître) des lieux. Nous savons que depuis… le fait si bien accompli de la dite crise, les retraités couverts certes par la Sécurité Sociale grecque, représentent désormais près de la moitié des patients qui trouvent… refuge au Centre Médical Solidaire et Métropolitain d’Ellinikón.

“Ils viennent vers nous car leur semblant de retraite (souvent de moins de 400€ par mois) ne leur permet pas de couvrir les frais de participation pour ce qui tient des médicaments prescrits. Dans la même logique, nous recevons de plus en plus ceux qui ne sont ni retraités, ni actifs, personnes alors âgées entre 55 et 60 ans, génération dont la détresse est alors évidente”, précisent-ils les responsables du Centre d’Ellinikón.

Dans le même ordre d’idées, la “gouvernance” SYRIZA se met désormais à octroyer depuis quelques mois, des aides allant de 100 à 300 euros par mois, à une petite fraction des larges paupérisés du pays, après les avoir dépouillés de leurs biens, tout comme, après les avoir privés de travail. Les conditions d’octroi de ce type d’aide sont draconiennes, notamment, les tristes… élus ne doivent pas posséder grand-chose en immobilier ou autre type de bien.

Sous entendu: Bradez vos biens car vous ne retrouverez plus de travail et encore moins la moindre manière d’entreprendre… d’en bas. Ainsi, le système d’assistanat globalisant fera de vous des assistés, qui plus est, chroniquement dépressifs, dépendants, et historiquement inoffensifs pour les globalisateurs. Le tout, avec l’aimable participation de la sous-traitance clientéliste de SYRIZA, comme autant des autres partis politiques participant à la mascarade pseudo-démocratique actuelle, et pour tout dire, très exactement payés pour. C’est décidément pour cette raison que la législation SYRIZA/Troïka du moment se soucie alors davantage des casinos que de la santé publique.

Trière sacrée, céramique antique, Athènes, 2018
Notre poète Elytis. Années 1990
Dormir en paix. Athènes, mai 2018

Il est ainsi loin le temps des Trières sacrées des Anciens, de même que celui de notre poète Elytis pour qui, la poésie commence là où la mort n’a pas le dernier mot. br />
Elytis s’est d’ailleurs longtemps posé la question d’Hölderlin “à quoi bon des poètes dans ces temps si sombres?”. Oui, à quoi bon des poètes et des bénévoles, à l’image de ceux Centre Médical Solidaire et Métropolitain d’Ellinikón ? Peut-être, parce que la poésie commence là où la mort n’a pas le dernier mot.

Sous le regard des animaux adespotes. Athènes, mai 2018

mais aussi pour un voyage éthique, pour voir la Grèce autrement “De l’image à l’imaginaire: La Grèce, au-delà… des idées reçues !”   http://greece-terra-incognita.com/

Mort subite La chronique de Panagiotis Grigoriou

Panagiotis  Grigoriou est Ethnologue et historien, chroniqueur, analyste, initiateur d’un concept de tourisme alternatif  et solidaire en Grèce. Le regard de l’historien et de l’anthropologue sur l’actualité et le vécu de la crise grecque.

Dans cette rubrique il revient sur la situation de la clinique sociale Elliniko menacée d’expulsion et le désengagement du gouvernement actuel avec cette photo terrible   » Ellinikón n’est pas à vendre… avec Alexis Tsípras en 2014 « .

Mort subite

La Terre finira par incarner sa seule histoire des minerais et des roches, à défaut de celle de l’humanité. Énième été grec sous le nouveau régime troïkanisé depuis 2010, essor paraît-il en ce moment du tourisme, exactement sous le soleil, mais surtout en ce juin 2018… la mort subite programmée pour la Clinique Sociale et Métropolitaine d’Ellinikón. Mort autant subite que programmée après celle de la gauche, le tout, sous le cynisme intéressé du bouffon Alexis Tsípras et de sa bande. Les masques sont tombées depuis déjà longtemps.

“Urne”. Athènes, 2018

Le Centre ou Clinique Sociale et Métropolitaine d’Ellinikón, a été fondé en décembre 2011 d’après l’initiative du médecin cardiologue Yórgos Vichas, pratiquement au même moment que ce blog “Greek Crisis”. Deux besoins urgents… devenus chroniques, ceci, à travers comme vous le savez tant de chroniques consacrées à l’irracontable. (Je voudrais d’ailleurs d’emblée et à cette occasion, solliciter toute l’indulgence des lectrices/lecteurs et ami(e)s de “Greek Crisis” car votre blog n’ayant pas encore pu résoudre toutes ses difficultés techniques (comme au demeurant celles liées à sa subsistance plus chroniques que jamais), il espère toutefois pouvoir revenir à son rythme plus régulier dans ses publications d’ici une, à deux semaines).

Été… oblige, c’est à travers son communiqué en ce début de juin 2018, que la Clinique alerte ceux qui peuvent et qui veulent encore être alertés de l’ultime menace pesant ainsi sur son existence, faisant très exactement suite à la “vente” (en réalité il a été offert aux promoteurs) du site de l’ancien aéroport d’Ellinikón. Nous relayons ainsi à l’instar d’autres sites, le communiqué publié par la Clinique Sociale Métropolitaine d’Ellinikón traduit en français, d’après le texte original sur son site. “Nous disons NON et ne céderons pas sans lutte! Le 31 mai 2018, Ellinikón S.A., une agence quasi-gouvernementale, nous a adressé un avis d’expulsion. La Clinique Sociale Métropolitaine d’Ellinikón devra quitter les lieux le 30 juin 2018 au plus tard, afin qu’Ellinikón S.A. puisse transférer la propriété des terrains à ses acquéreurs formels d’après les obligations signées par les parties concernées.”

Les masques tombent. Athènes, juin 2018
Temps des luttes. Ellinikón en 2014 (presse grecque)
Alexis Tsípras dévorant… la gauche. Presse grecque, 2014

“La copie de l’avis d’expulsion avait été envoyée au Ministre aux Finances, M. Tsakalotós, au Ministre d’État M. Flabouraris, au Secrétaire Générale Coordonnateur Gouvernementale M. Papayannakos et à d’autres ministres et PDG de la Société de Privatisation des biens publics grecs (TAIPED).”

“À ce jour, on ne nous a pas proposé de solution ou d’alternative pour relocaliser notre Centre. On attend qu’on ramasse nos affaires et qu’on s’en aille avant le 30 juin. On nous a ordonné de fermer nos portes et d’arrêter immédiatement notre intense activité au bénéfice de la communauté.”

“Depuis décembre 2011 nous avons traité 7.366 patients et réalisé 64.025 consultations. Nous sommes pionniers dans le domaine du recyclage de médicaments dans notre pays et grâce aux médicaments que nous avons rassemblés, plusieurs centaines d’organisations et d’agences de toute la Grèce ont ainsi sollicité et reçu de l’aide de notre part. En plus de les dispenser à nos propres patients, nous avons envoyé médicaments et matériel, non seulement à d’autres cliniques sociales mais aussi à des hôpitaux du secteur public, aux services sociaux et aux organisations qui soignent des personnes handicapées, aux crèches, aux centres de réfugiés comme à bien d’autres entités.”

Le sens de notre époque. Presse grecque 2015
Tsípras et les siens. Athènes, 2016 (presse grecque)
Le sens de notre époque. Presse grecque 2015

“La liste est très longue, car tous ceux qui s’adressaient à nous trouvaient toujours les portes grandes ouvertes ainsi qu’une assistance immédiate de la part des volontaires de notre Centre et de tous ceux qui nous aident à fonctionner. Des milliers de personnes et d’organismes ont donné des médicaments, du matériel et des fournitures, ainsi que leur travail, tant en Grèce que depuis l’étranger.”

“Notre action a motivé la venue de nombreux journalistes de tous les coins de la planète qui nous ont visité, ainsi que des universitaires comme d’autres groupes qui souhaitaient établir des structures similaires à cette clinique gratuite que nous avons créé. Ils veulent tous savoir comment nous avons fait, comment nous travaillons. Notre Centre a aidé (et n’en doutez pas qu’il continuera à le faire) tous ceux qui ont besoin de nous, et ceci dans un esprit de solidarité et de respect de chaque être humain.”

“Hier même, au 31 mai, dans une Assemblée Générale convoquée d’urgence, nos volontaires ont décidé à ne pas céder sans lutte. Aucun de nous ne pourra plus regarder dans les yeux nos patients… si nous admettons la défaite sans résister.”

“Nous déclarons que nous ne quitterons pas les lieux et que nous résisterons à toute mesure prise pour nous empêcher l’accès jusqu’à ce qu’on trouve une alternative adéquate. Notre devoir primordial est, et sera toujours de soigner nos patients. Nous ne resterons pas les bras croisés pendant qu’on détruit devant nos yeux les fruits de sept ans de travail. Nous avons rassemblé des médicaments et du matériel médical d’une valeur de centaines de milliers d’euros. Ils ne doivent pas être réduits à devenir des déchets, mais ils doivent distribués aux patients pour rétablir ou pour améliorer leur santé. Le 14 juin nous donnerons une conférence de presse pour expliquer le fonctionnement de la clinique et la nécessité pour que notre œuvre puisse continuer.”

Ellinikón n’est pas à vendre… avec Alexis Tsípras en 2014 (presse grecque)
Notre si belle année… 2018 (presse grecque)
Le goût de la vie. Athènes, 2018
Sous un certain regard. Athènes, mai 2018

J’ai connu Yórgos Vichas en 2012 autour d’un verre de vin athénien, c’était du du temps de l’espoir encore politique, puis, c’est au MuCEM à Marseille, qu’il a été parmi nos invités parmi les plus attendus, lorsque j’ai co-organisé en 2014, une semaine consacrée à la dite “crise grecque”.

Mon ami Olivier Delorme, rapportait déjà en décembre 2016 et à son propos l’épisode suivant:

“Ce cardiologue a, dès les débuts de la crise, créé le Dispensaire social métropolitain d’Ellinikón (sur le site de l’ancien aéroport et base aérienne américaine d’Athènes, voué par le gouvernement SYRIZA à une très lucrative opération immobilière) qui, avec l’aide de médecins et de personnels de santé bénévoles, grâce à la solidarité (et, pour notre petite part, celle de mes étudiants retraités de l’Université interâges de Créteil et du Val de Marne qui m’apportent régulièrement leurs médicaments non utilisés…), soigne ceux (de plus en plus nombreux) qui, du fait des politiques coloniales germano-européennes relayées par tous les gouvernements grecs depuis 2010, ont perdu tout accès aux soins.”

“Lors de son intervention au MuCEM, Vichas raconta notamment comment le dispensaire accueillait (c’était en 2014) des diabétiques qui, faute d’insuline, étaient devenus aveugles, ou qu’on devait amputer, des cancéreux non pris en charge et dont les chances de survie étaient diminuées d’autant plus qu’ils l’étaient tardivement, etc. Voilà donc ce qu’écrit cet homme-là, aujourd’hui, à propos de Theodorakis et de Tsípras (la violence de la lettre du premier est d’autant plus significative qu’il est lié au second par des liens familiaux…).”

Míkis Theodorakis. Athènes, 2018 (presse grecque)

“À l’occasion de la lettre ouverte de Míkis à Tsípras, je me suis rappelé les moments que j’ai vécu avec Míkis en février 2012. Je vous raconte ici quelque chose qui n’est pas public, mais que j’ai vécu en première ligne et qui concerne Míkis et Tsípras.”

“Le 11 février 2012, une journée avant le vote à la Vouli (‘Parlement’) du 2ème mémorandum, nous sommes chez Míkis et nous faisons les plans pour la manifestation du jour suivant. Míkis et Glézos ont décidé de descendre à Sýntagma et de manifester avec les milliers de citoyens. Moi je devais les accompagner en tant que médecin, parce qu’ils savent tous les deux qu’ils vont être attaqués par la police. Dans les plans, il est prévu que Tsípras sorte du Parlement, devant le Soldat Inconnu, où il doit rencontrer Míkis et Glézos, puis tous les trois doivent manifester avec le peuple. L’entente entre Míkis et Tsípras se fait devant moi au téléphone. Míkis est enthousiaste !”

“Le 12 février 2012, nous sommes arrivés devant le Soldat Inconnu. Le peuple défile par centaines de milliers dans le centre d’Athènes. Police et MAT partout. Tsípras nulle part. Les MAT (CRS grecs) ne perdent pas de temps et ils jettent les premiers lacrymos sur Míkis et Glézos. Très vite Athènes est noyée sous les lacrymos. Tsípras n’est nulle part ! Après quelques heures nous rentrons au sein du Parlement avec Míkis. Accablé par les lacrymos, sur son fauteuil roulant, il crie dans l’Assemblée: ‘Assassins, aujourd’hui vous votez la mort de la Grèce’.”

Alexis Tsípras, presse grecque 2017
Le rêve des Grecs. Athènes, 2017
Monument à la mémoire des suicidés. Athènes, 2015

“C’est un des nombreux moments de cette journée où j’ai compris de quels métaux rares est forgé cet homme. Tsípras, visiblement informé que Míkis est entré dans la Vouli (‘Parlement’), sort de l’Assemblée et vient vers nous. Míkis (dans son fauteuil roulant, accablé physiquement mais avec un très bon moral et une âme d’adolescent): ‘Tu nous as vendus, on t’attendait, pourquoi tu n’es pas descendu ?’.”

“Tsípras (en costume, sans cravate, bien repassé) visiblement embarrassé, comme un gamin qu’on dispute, avec un sourire hors de propos: ‘Nous nous battons ici, Míkis’. Míkis: ‘Non Alexis, c’est dehors qu’ils se battent, le vrai combat se donne dehors à cet instant et ta place était là-bas, pas ici.’ Tsípras a bafouillé indistinctement et il s’est éloigné… Édifiant, n’est-ce pas ? Tellement édifiant ! Si nous avions su, alors, des choses comme celles-là, peut-être aurions-nous été moins dupes de l’imposture SYRIZA…”

“Comme le précise Marie-Laure Koutsaftis, Vichas répond à cette objection qu’il avait déjà raconté cet épisode sur le moment… Mais sans doute n’a-t-on pas trop voulu entendre, alors, ce genre de choses. Je me souviens de Vichas, au MUCEM, alors que l’échéance des législatives n’était pas encore fixée… Il était en effet très circonspect sur les perspectives de l’arrivée au pouvoir de SYRIZA… J’avais mis cela sur le compte de la fatigue face aux situations qu’il devait affronter, gérer… Il y avait probablement plus que cela et je n’ai pas trop voulu le voir. Plusieurs amis grecs m’avaient également mis en garde…” (blog d’Olivier Delorme, le 4 décembre 2016).

Éric Toussaint du Comité sur la dette grecque. Athènes, 2011
Monument du Soldat Inconnu. Athènes, 2018
Mémoire du… Citoyen Inconnu. Athènes, 2018

J’avais été approché par un Syriziste pour participer à un comité composé de scientifiques bénévoles entre 2014 et 2015. Ce Comité auquel Yórgos Vichas participerait également, aurait travaillé sur le thème des suicides en Grèce et plus amplement, sur celui de la mortalité directement causée par les politiques austéritaires, s’agissant en réalité d’une forme de génocide, pour reprendre la formule de Yórgos Vichas, génocide certes lent, et néanmoins nettement planifié par les tenants de l’européisme germano-compatible (entre autres).

Ce comité aurait plus exactement prolongé et complété l’excellent travail d’Éric Toussaint et de son Comité sur la dette grecque, rien que par le renforcement des données dans le but de plaider si possible un jour devant les instances internationales adéquates. Car comme le fait remarquer Éric Toussaint:

“Les dettes réclamées par la Troïka ont été contractées par ses gouvernements successifs pour mener des politiques contre les intérêts de sa population. Les gouvernements français et allemand notamment ont créé la Troïka pour prêter de l’argent à la Grèce à condition que celle-ci rembourse les intérêts aux banques privées de leurs pays respectifs et qu’elle privatise, réduise les salaires et les retraites, ferme des hôpitaux… En outre, les créanciers avaient tous les éléments pour savoir qu’ils dictaient des conditions allant à l’encontre des intérêts du peuple grec, et violant la Constitution du pays tout comme le droit international. On est presque face à une dette odieuse pure.”

La… vraie nature de l’UE (site Internet du Plan-B). Athènes, 2014-2018

Le Comité formé par Éric Toussaint a été dissous depuis le côté officiel grec et il même été littéralement expulsé par les Syrizistes de l’après juillet 2015. Et quant à notre autre Comité sur les suicides, d’ajournement en ajournement il n’a tout simplement jamais vu le jour. Depuis, j’ai été informé qu’au niveau de la Région Attique dirigé par l’opportuniste Rena Doúrou, “notre” Comité aurait été sciemment saboté depuis son propre cabinet, de même que par le surplus suffisant de SYRIZA… d’en haut.

Pour la petite histoire, le Syriziste avec qui le premier contact avait été pris dans ce but, a préféré la poursuite et la continuité de l’après 2015, et surtout son heure de gloire entre le népotisme et le clientélisme de son administration d’origine comme de sa… longue vie au sein de la “mafiaisation” alors galopante au parti de l’escroc Alexis Tsípras, lequel à mon humble avis, il aurait été “préparé” depuis bien longtemps pour ce à quoi il a été destiné finalement à servir.

Dans ce contexte, on peut alors comprendre aisément, combien cette mise à mort du Centre Social et Métropolitain d’Ellinikón constitue autant un acte de malveillance criminelle, politique et même symbolique, ainsi voulu et programmé par les marionnettes du milieu SYRIZA. Notons enfin, comme le remarque sur son blog mon ami Jean-François Aupetigendre, que le centre d’Ellinikón ne fonctionnant qu’avec des bénévoles, sans le moindre euro en caisse (c’est même une règle imposée par le docteur Vichas). Seuls les dons matériels et le temps offert sont acceptés. Justement, c’est aussi cette extraordinaire réussite de l’homme, de sa solidarité, de sa bienveillance qui a si profondément gêné, autant les Troïkans, que leurs marionnettes de la dernière gauche à Athènes comme ailleurs.

Représentations. Athènes, mai 2018
On nous regarde d’en haut. Athènes, mai 2018
La… casse d’en bas. Athènes, juin 2018

Dans Athènes, on nous regarde bien d’en haut parfois, sans trop y comprendre grand-chose dans l’attitude des humains. La nouvelle casse… d’en bas, réelle comme incarnée sous forme d’activité ludique, consiste à acquérir le droit de casser certains objets, suivant le tarif… affiché. Grand succès de la formule paraît-il auprès d’un public jeune.

La Terre finira donc par incarner sa seule histoire des minerais, des roches… et des riches, à défaut de celle de l’humanité. Et surtout celle des animaux bien entendu, plus adespotes que jamais !

Animal adespote. Péloponnèse, mai 2018

* Photo de couverture: Fouilles de jadis dans les Cyclades

mais aussi pour un voyage éthique, pour voir la Grèce autrement “De l’image à l’imaginaire: La Grèce, au-delà… des idées reçues !”   http://greece-terra-incognita.com/

L’Italie d’abord La rubrique de Panagiotis Grigoriou

Panagiotis  Grigoriou est Ethnologue et historien, chroniqueur, analyste, initiateur d’un concept de tourisme alternatif  et solidaire en Grèce. Le regard de l’historien et de l’anthropologue sur l’actualité et le vécu de la crise grecque.

L’Italie d’abord !

Joli monde. Aux législatives du 4 mars dernier, les Italiens ont massivement voté en faveur de deux formations lesquelles sont porteuses d’un difficile message, espérons-le constructif en dépit des hésitations : Briser le carcan européiste, si cher à Jean-Claude Juncker lequel déclarait en 2015 : “il ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités européens déjà ratifiés”. Ce n’est pour l’instant certes qu’un message, cependant, ce qui frappe déjà les esprits tient du refus du président Mattarella de nommer Paolo Savona, 81 ans, eurosceptique déclaré, à la tête du ministère des Finances. Une fois de plus (et de trop ?) les masques tombent.

Manifestations d’antan. Athènes, années dites de crise

Nous ignorons très naturellement les suites de l’histoire, celles notamment des prochaines très probables élections en Italie ainsi provoquées par le Putsch permanent européiste pour dire les choses de leur vrai nom. Cependant, depuis Athènes, nous saisissons alors mieux qu’ailleurs, tout le sens inique de ce Putsch, initié par cette politique supposée et présentée comme étant soi-disant unique entre Berlin, Bruxelles et Paris entre autres. Lorsque par exemple Matteo Salvini, (chef du parti de la Ligue), en pleine ascension politique après les législatives du 4 mars, déclare que “les journaux et les politiciens allemands nous insultent: Italiens mendiants, fainéants, adeptes de l’évasion fiscale, pique-assiettes et ingrats. Et nous, on devrait choisir un ministre de l’Economie qui les satisfait ? Non merci ! Les Italiens d’abord”, il a raison, (propos enfin reproduits par les médias français).

Ces propos de Matteo Salvini rappellent ainsi ces déclarations, et autant situations très analogues au sujet de la Grèce, c’était en Janvier 2015. En cette lointaine époque… un certain Alexis Tsipras avait prétendu incarner réellement la Constitution du pays, autrement-dit, celle du peuple supposé souverain, ceci faisant face au diktat des institutions non-représentatives, voire, dépourvues de toute légalité en matière de Droit international, à l’instar de l’Eurogroupe, pour ne nommer que cette salle de torture du seul européisme réellement existant.

Depuis, et faisant comme on sait suite au référendum de juillet 2015, trahit par Tsipras et par sa bande d’escrocs de la coalition SYRIZA/ANEL, le petit pays a été piétiné jusqu’aux entrailles de sa dignité et ainsi vassalisé pour 99 ans, d’après la signature d’Alexis Tsipras, par les forces néo-colonisatrices européistes. Ce qui s’y applique en lieu et place de programme politique autonome, tient du génocide économique, culturel et en fin de compte démographique est toujours en cours en pleine hétéronomie.

Une fin… de l’histoire absolument planifiée, avec l’aimable participation de Tsipras, lequel à mon humble avis, tout comme à l’avis du plus grand nombre en Grèce, avait été de toute évidence… franchement “préparé” pour cette tâche, sans oublier non plus, cette “étrange” neutralisation plutôt volontaire, de l’essentiel des autres forces pseudo-politiques du pays. Joli monde !

Manifestations d’antan. Athènes, années dites de crise
Manifestante. Athènes, 2012
Cultures humaines. Fouilles dans les Cyclades

Nos amis d’Italie doivent retenir la triste leçon du cas grec pour ne pas tomber dans le même piège, quelle que soit d’ailleurs leur sensibilité politique première. N’oublions pas que le carcan européiste a placé un peu partout ses hommes et femmes marionnettes, dont ceux, occupant ces postes généralement sans pouvoir réel et encore moins légitime pour en plus outrepasser le cadre constitutionnel, à l’instar des présidents Mattarella en Italie et Pavlopoulos en Grèce. Au cas où le bon peuple “ d’en bas” fait “fausse route”, ces présidents seront toujours là, pour entraver au cas par cas, le fonctionnement encore subsistant et éventuel des institutions représentatives et démocratiques.

Les colporteurs du situationnisme européiste démâté, iront alors raconter au moyen de leurs medias que leurs contradicteurs, “tantôt de l’extrême-gauche, tantôt de l’extrême-droite incarnent alors les dangereux populismes du moment, dont la montée devrait être jugulée”. Tantôt les Tsiprosaures en 2015, tantôt ceux de la France Insoumise, en passant par la Ligue en Italie entre autres, la liste est bien longue.

Pourtant, le pire des extrémismes en Europe depuis les totalitarismes du Vingtième siècle, n’est autre que celui des institutions européistes méta-démocratiques et pratiquement soviétisées, pour ceux qui ne l’auraient pas encore compris. Ce n’est plus une question de gauche et de droite, en tout cas dans un premier temps, mais d’abord, de résistance comme de survie organisatrice d’un autre projet collectif, voire européen concerté à partir de zéro.

Comme le souligne Philippe Grasset, à travers son analyse sous le titre : “Du Parthénon au Colisée”, “l’Europe a le sens du symbole, ou bien est-ce l’Histoire qui choisit d’imposer aux piètres artisans de la déstructuration qu’ils sont tous les instruments et toutes les circonstances qu’il faut pour donner au symbole qui en émerge toute la force qui importe et ainsi les placer devant le spectacle des ruines qu’ils accumulent… Je l’avoue et je suis sûr que je n’étonnerai personne, je suis partisan du deuxième terme de cette alternative du symbole. Eux, les déconstructeurs qui entropisent comme s’ils étaient anthropophages, ils ne savent pas grand’chose, ni de l’art ni de la puissance du symbole ; quand on fait dans l’entropie, on reste sur sa faim et l’on finit par se manger soi-même… (…)”

Arrogance des ministrions Syrizistes. Athènes, janvier 2018
Garde Evzone Athènes, 2018
Médecins et manifestants. Athènes, années de la Troïka

“Ce qu’on veut faire avec l’Italie aujourd’hui, à peine selon une autre méthode, c’est ce qu’on fit avec la Grèce il y a trois ans. L’Histoire nous impose, avec sa Grâce sans retenue, un symbole qui court du Parthénon au Colisée, de Platon à Julien l’Apostat (…) Il résulte de ce préambule quasi-antique que l’Europe-UE parvient ainsi à mettre les deux berceaux de la civilisation dont elle se réclame dans la même crèche de son imposture.”, article daté du 28/05/2018.

Ceci-dit, tout le monde admettra que l’Italie n’a pas la petite taille démographique ou géopolitique de la Grèce, ce qui n’arrangera sans doute pas les affaires de l’élite allemande et germano compatible qui fait de l’institutionnalisme européiste une sorte de Conférence de Wannsee… alors permanente et sans cesse réactualisée. Jusqu’où ?

Ce qui reste à prouver, tient de la volonté et la persévérance des politiques en Italie, ainsi que du fait que cette même volonté de résistance et de changement constructifs, puisse être partagée par une partie du moins des élites économiques et industrielles de l’Italie, au-delà des prochaines élections législatives, probablement en Septembre. Car au contraire et en Grèce, l’ensemble de la dite élite politique, comme de celle supposée élite intellectuelle et autant économique, tout ce beau monde “ d’en haut”, a très délibérément préféré la mise à mort du pays réel, plutôt que de s’opposer au carcan infligé.

Devant le supposé Parlement. Athènes, mai 2018
Notre époque est hallucinante. Athènes, 2018
Réalités grecques. Athènes, 2018

Notre époque est ainsi largement hallucinante. La garde Evzone veille devant le supposé Parlement grec, et à Rome, c’est la garde d’honneur qui rappelle encore ce que l’Italie doit préserver de sa souveraineté et autant de son identité. En effet… “Les Italiens d’abord”, en somme, les peuples de cette Europe d’abord, où sinon c’est l’Européisme anthropophage qui détruira tout.

Ainsi, et à défaut d’une telle tabula rasa, le moindre retour à un minimum même de démocratie demeurera impossible. Car il n’y a pas de “Plan-B” possible. Dans le même ordre d’idées, la moindre supposée refonte des institutions et constitutions aux pays concernés, une… hypothétique 6ème République en France n’est que fausse route pour ne pas distinguer les évidences. Déjà, les citoyens devenus sujets européistes, devraient comprendre qu’il faut d’abord et définitivement boycotter les dites élections européennes, même si les formations politiques supposées critiques, de gauche comme d’ailleurs de droite iront encore faire campagne.

Un valet du système Karlo Kottareli du FMI devenu Président du Conseil en Italie contre la volonté du peuple Italien, rempli très exactement le rôle du banquier Papadémos, toujours non élu, et installé au poste de Premier ministre à Athènes par Berlin entre 2011 et 2012. C’est alors une période cruciale qui s’inaugure pour nos amis Italiens, lesquels doivent mieux comprendre désormais ce qui les attend, à défaut de réagir à temps.

“Non à l’euro”. Athènes, 2018
“Le cholera politique dehors. Quelle démocratie ?”. Athènes, 2018
Sous l’Acropole. Athènes, 2018

C’est-à-dire, réagir au-delà des fractures de type gauche/droite qui n’ont guère de sens devant le rouleau compresseur du totalitarisme européiste et bancocrate, réagir autant en fonction des seuls intérêts du peuple d’Italie, tout comme de sa survie alors souveraine. L’Histoire nous impose, avec sa Grâce sans retenue, un symbole qui court du Parthénon au Colisée, de Platon à Julien l’Apostat… et en même temps, les masques tombent.

Sous l’Acropole on commente l’actualité de cette Italie si proche sous un brin d’amertume et autant d’espoir. “Non, ils ne vont tout de même pas faire plier l’Italie…”.

Joli monde. Dans Athènes comme à Rome, c’est autant le moment des premiers chattons adespotes (sans maître) de l’année 2018, nos animaux si admirés et pour tout dire… mendiants, fainéants, pique-assiettes et ingrats. Les Italiens, les Grecs, les autres peuples… et les adespotes d’abord !

Chatton adespote et sa mère. Athènes, mai 2018
* Photo de couverture: Expression murale. Athènes, 2018

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