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SOS Méditerranée : soulagé mais en colère

180 rescapés débarqués cette nuit après 11 jours d’attente insupportable

Les 180 rescapés qui se trouvaient à bord de l’Ocean Viking ont enfin pu débarquer la nuit dernière à Porto Empedocle, en Sicile, après 11 jours d’une attente inutile qui a mis des vies en danger. Ils se trouvent désormais en quarantaine à bord du Moby Zazà, un ferry affrété par les autorités italiennes. Retour sur ces événements et sur 11 jours d’attente insupportable.

Quatre sauvetages, aucune réponse positive pour un port sûr

  • 22 juin – l’Ocean Viking quitte Marseille après une préparation rigoureuse pour opérer en temps de COVID-19 avec une nouvelle équipe médicale à bord.
  • 25 juin – Deux embarcations en détresse avec respectivement 51 et 67 personnes à leur bord sont secourues par les équipes de SOS MEDITERRANEE dans les eaux internationales en zones de recherche et de sauvetage maltaise et italienne.
  • 26 juin – Une première demande d’assignation d’un port de débarquement « sans délai » – comme le prévoit le droit maritime international – est adressée aux autorités maritimes compétentes. Il y aura sept demandes au total par la suite et seules deux réponses, négatives, seront reçues par nos équipes.
  • 27 juin – Pendant ce temps, les départs de Libye continuent. L’Ocean Viking est alerté d’une embarcation en détresse et la cherche durant 12 heures. L’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM) annoncera finalement que les garde-côtes libyens l’ont interceptée : 93 personnes ont été ramenées de force en Libye, dont une femme ayant accouché à bord du canot. Six personnes auraient perdu la vie.
  • 29 juin – La tension monte à bord. Certains rescapés menacent de se jeter à l’eau . Un rescapé – mis en isolement depuis son sauvetage en raison d’une forte fièvre – est évacué par voie maritime vers l’Italie car son état de santé se dégrade. Les analyses faites en Italie indiqueront un résultat négatif au test COVID-19.
  • 30 juin – L’Ocean Viking porte secours à deux autres embarcations en péril, portant à 180 le nombre de rescapés à son bord. La première, un bateau en bois où prennent place 47 personnes particulièrement déshydratées et affaiblies, dérive depuis environ cinq jours sous un soleil de plomb. Puis dans la nuit, 16 personnes perdues en mer depuis trois jours sont secourues d’une minuscule barque en fibre de verre.

L’anxiété et le désespoir gagnent le navire

  • 1er juillet – Pour la cinquième fois depuis le 25 juin, nos équipes à bord de l’Ocean Viking sollicitent un lieu sûr de débarquement. Selon le droit maritime, un sauvetage prend fin lorsque les rescapés débarquent en lieu sûr. Certains patientent sur le navire depuis déjà sept jours.
  • 2 juillet – Deux rescapés désespérés sautent par-dessus bord. Les marins-sauveteurs les ramènent sains et saufs. Cinq autres rescapés évoquent des intentions de suicide. « Non seulement le manque de capacité de recherche et de sauvetage pour sauver des vies en mer est toujours criant, mais l’Union européenne ne parvient pas à assurer la sécurité des quelques personnes qui ont été secourues par un navire humanitaire qui tente de combler le vide en matière de recherche et de sauvetage. » déclare Frédéric Penard, directeur des opérations de SOS MEDITERRANEE dans une déclaration publiée le matin même.
  • 3 juillet – A bord, la situation se dégrade rapidement. Un homme passe à l’acte en tentant de se pendre. Deux rescapés entament une grève de la faim. Des bagarres, une agitation anormale et des menaces sont signalées. La sécurité des rescapés et de l’équipage n’étant plus garantie, l’Ocean Viking décrète l’état d’urgence à bord.  L’évacuation médicale immédiate de 44 rescapés en état de détresse psychologique aiguë est demandée. SOS MEDITERRANEE publie une nouvelle déclaration.
  • 4 juillet – Les autorités maritimes italiennes dépêchent une équipe médicale constituée d’un psychiatre et d’un médiateur culturel pour évaluer la situation à bord. Ils concluent à un important « inconfort psychologique et à une situation quasi incontrôlable » à bord mais aucune solution de débarquement n’est proposée. « Y’a-t-il quelqu’un en Europe qui entend notre appel et le prend au sérieux ? […] Faut-il attendre que quelqu’un meure pour être autorisé à débarquer ?” questionne Frédéric Penard dans une nouvelle déclaration.
  • 5 juillet – A la demande des autorités maritimes italiennes, huit membres du personnel  médical italien se rendent à bord pour mener un dépistage de la COVID-19 auprès des rescapés. Ils s’entretiennent aussi avec l’équipe médicale de SOS MEDITERRANEE qui leur explique avoir contrôlé la température des occupants du navire et leur taux d’oxygénation dans le sang deux fois par jour en plus des protocoles Covid mis en place à bord.  En parallèle, l’Ocean Viking reçoit enfin instruction de la part des autorités italiennes de se rendre à Porto Empedocle, en Sicile, après sept demandes pour un port sûr « sans délai ». A bord, le soulagement est manifeste.
  • 6 juillet – Alors ancré à l’extérieur du port de la petite ville sicilienne dans l’attente de directives précises, l’Ocean Viking reçoit instruction de la capitainerie de Porto Empedocle d’accoster et de s’amarrer à côté du Moby Zazà, le ferry de Moby lines affrété par l’Italie pour isoler les personnes secourues durant plusieurs jours dans le cadre des mesures de prévention de la COVID-19. Vers 23h40, le premier rescapé pose le pied sur le sol italien et est escorté vers le Moby Zazà.
  • 7 juillet. Vers 3h15 du matin, soit trois heures et demie après le début du débarquement, les 180 rescapés de l’Ocean Viking sont tous à bord du Moby Zazà et, selon la presse italienne, entament leur isolement préventif qui devrait durer 14 jours. Les médias italiens ont cependant annoncé que les résultats des tests Covid-19 réalisés par une équipe médicale à bord de l’Ocean Viking se sont avérés négatifs. L’Ocean Viking n’a reçu aucune information de la part des autorités à ce sujet, mais a reçu l’instruction de commencer une quarantaine pour l’équipage à bord. Les équipes de l’Ocean Viking devront à nouveau attendre au moins 14 jours au mouillage au large de Porto Empedocle avant de repartir sauver des vies en mer Méditerranée.

Le retard inutile de ce débarquement a mis des vies en danger. Au cours des derniers jours, l’Union européenne a gardé le silence : aucune initiative visant à relancer l’accord de Malte pour la relocalisation des rescapés n’a été annoncée. Il n’y a eu aucun signe de solidarité avec les États côtiers de la part des autres États membres. Une fois de plus, l’Union Européenne ne s’est pas montrée à la hauteur de la situation dramatique en Méditerranée et des valeurs d’humanité et de solidarité qui l’ont fondée. Depuis plusieurs années, nous demandons un système de débarquement coordonné, solidaire et pérenne en Méditerranée, car c’est précisément ce type de système qui aurait évité la séquence dramatique que nous venons de traverser.

Crédit photo : Flavio Gasperini / SOS MEDITERRANEE

Source https://www.sosmediterranee.fr/

Violences policières contre des réfugiés

Déferlement de violences policières contre des réfugiés et de solidaires à la place Victoria à Athènes

Des scènes de brutalités policières contre des réfugiés et des immigrants, principalement des mères de jeunes enfants se sont déroulées  samedi soir. Nouvelle  opération policière ce dimanche.

EL.AS  (Police hellénique) a montré son visage dur encore une fois ce week-end contre des familles de réfugiés et de migrants qui ont trouvé un abri temporaire à la place Victoria,principalement en raison de la  décision du gouvernement d’évincer  massivement de leur logement des réfugiés à la fin  des programmes d’hébergement. Samedi vers minuit, les forces de MAT (les CRS grecs) ont fait irruption à la place Victoria, menaçant d’embarquer les personnes rassemblées au centre de détention fermé d’Amygdaleza, soi-disant pour  leur propre sécurité et pour la protection de la santé publique.

Lorsque les réfugiés et les migrants ont refusé, la police a attaqué la foule et a commencé à traîner violemment les gens vers les fourgons. Selon nos informations, ils ont d’abord emmené des enfants mineurs en les transportant vers les voitures de police, afin d’obliger leurs mères de  suivre. Les vidéos, qui ont enregistré  lors de l’attaque, montrent de nombreuses femmes hurlant.

vidéos https://www.facebook.com/100051141831444/videos/pcb.140704300977630/140703910977669/

https://www.facebook.com/100051141831444/videos/pcb.140704300977630/140704197644307

Des dizaines de soutiens se sont également précipités sur les lieux pour protester contre les violences policières. Cependant, après la fin de l’opération, les forces du MAT ne semblaient pas en avoir assez de la violence et soudain, les lumières éteintes dans plusieurs rues, elles ont attaqué les solidaires et les réfugiés restés sur place. En conséquence, plusieurs personnes qui n’ont pas réussi à s’échapper par les rues étroites ont été attrapées. La police a procédé à l’arrestation de 22 personnes, dont un grièvement blessé, qui ont été transférées au poste de police de Kypseli (quartier d’Athènes). Quatre personnes parmi les interpellées ont été placées  en arrestation.

Malgré les vidéos qui attestent la brutalité de la police,   la police prétend que des groupes solidaires  ont attaqué les forces de l’ordre sans bâtons ni pierres, mais …à mains nues. Une nouvelle opération policière a été menée  cet après-midi sur la place Victoria et, selon les informations, les personnes interpellées  ont été transférés à la structure d’accueil Schistou à Pérama, en Attique. Le nouvel incident de brutalité policière survient quelques heures seulement après les images de honte d’Exarcheia, où, vendredi soir, les forces de police ont frappé sans discrimination des personnes pendant des heures dans le quartier, et les policiers ont même fait irruption dans des magasins de divertissement, causant des dégâts considérables.

Source https://www.efsyn.gr/ellada/dikaiomata/250792_orgio-astynomikis-bias-stin-plateia-biktorias

Endiguer le virus du libre-échange

A Bruxelles comme à Paris, endiguer le virus du libre-échange

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La pandémie a révélé des fragilités sanitaires et industrielles, même dans les pays les plus riches. Mais les promesses de relocalisation pour un contrôle des activités «stratégiques» semblent déjà enterrées.

Tribune. En pleine pandémie de Covid-19, il ne manquait aucun dirigeant politique pour promettre à l’opinion publique qu’à la mondialisation incontrôlée succéderait un processus de relocalisation des activités jugées «stratégiques». «Déléguer notre alimentation, notre protection, notre capacité à soigner à d’autres est une folie», avait ainsi affirmé Emmanuel Macron dès le 12 mars. «Nous devons en reprendre le contrôle», ajoutait-il solennellement, comme pour marquer une volonté de tourner la page. Quelques semaines plus tard, c’est à se demander si la «relocalisation» n’est déjà plus qu’une promesse enterrée.

Fin avril, la Commission européenne annonçait un nouvel accord de commerce et d’investissement avec le Mexique visant à faciliter l’importation de produits agricoles et d’énergies fossiles en Europe, et à ouvrir les marchés publics locaux mexicains aux multinationales européennes qui, en retour, seraient protégées par un nouveau mécanisme de règlements des différends investisseurs-Etats pourtant si décriés. Comme pour entériner cette orientation, le commissaire européen au Commerce, Phil Hogan, déclarait quelques jours plus tard «avoir besoin de davantage d’accords de libre-échange». Une orientation que ses équipes, même en télétravail, ont mise en œuvre avec zèle : en plus de l’accord avec le Mexique, des négociations ont été organisées avec la Nouvelle-Zélande et l’Australie, visant notamment à importer toujours plus de viande.

De plus, la Commission n’a toujours pas abandonné l’idée d’amadouer Donald Trump avec des concessions en matière alimentaire et sanitaire. Alors que la pandémie de coronavirus révèle au grand jour les fragilités économiques, sociales et sanitaires engendrées par la mondialisation néolibérale et productiviste, la Commission veut en sauver le principe, en insérant toujours plus d’entreprises, activités et emplois dans les chaînes d’approvisionnement mondiales. Le tout alors que le droit international du commerce et de l’investissement réduit le pouvoir de réguler des autorités publiques et protège les intérêts des investisseurs.

A Bruxelles, le mot «relocalisation» est d’ailleurs déjà banni des discussions. Il a été supplanté par le terme «autonomie stratégique», que la Commission affuble désormais de l’adjectif «ouverte» («open strategic autonomy») pour indiquer qu’il n’est pas envisagé de remettre en cause le principe de la libéralisation des marchés et de l’ouverture de l’Union européenne aux investissements étrangers. Il n’est plus question, si cela n’a jamais été réellement envisagé, de relocaliser massivement l’activité économique. Ce n’est pas, en tout cas, le sujet prioritaire du processus de révision de la politique commerciale que Phil Hogan a affirmé vouloir mener d’ici à la fin de l’année 2020, d’autant qu’il souhaite l’aval de l’UE pour sa candidature au poste de directeur général de l’OMC.

Après, comme avant la pandémie, la Commission veut décourager les restrictions aux échanges par une ouverture continuelle des marchés afin de sécuriser l’accès aux matières premières, garantir aux multinationales européennes leur mainmise sur les chaînes d’approvisionnement à des coûts aussi faibles que possible, et les aider à conquérir de nouveaux marchés. Et à Paris ? Presque personne ne s’est ému de la finalisation de l’accord avec le Mexique, ou des progrès des négociations avec l’Australie et la Nouvelle-Zélande. Emmanuel Macron n’a toujours pas cherché à construire d’alliance au sein du Conseil européen pour s’opposer à la finalisation et à la ratification de nouveaux accords de commerce. Puisque les Parlements autrichien, wallon et néerlandais ont voté des résolutions contre l’accord de commerce avec le Mercosur, une telle minorité de blocage serait bienvenue pour mettre fin à cet accord jugé climaticide mais qui reste une des priorités de la présidence allemande de l’UE, débutant le 1er juillet, et qui serait, selon Phil Hogan, sur les rails pour être soumis à ratification dès le mois d’octobre. Alors que près de 90 % des personnes interrogées souhaitent qu’un maximum de filières de production disséminées à travers la planète soient désormais relocalisées, nous appelons les pouvoirs publics à tirer les enseignements de la pandémie de Covid-19.

Relocaliser, c’est remettre les pieds sur terre. Relocaliser, c’est tourner la page d’une politique commerciale qui fait du dumping social, fiscal et écologique un horizon indépassable. Relocaliser, c’est ne plus faire de l’emploi et de la planète les variables d’ajustement de la rentabilité économique et financière. Relocaliser, c’est se doter d’une approche globale en matière de droits des travailleurs pour qu’ici comme ailleurs, celles et ceux qui travaillent ne deviennent les victimes des relocalisations. Relocaliser, c’est aussi faire décroître les flux de capitaux et de marchandises et la place des secteurs toxiques pour la biosphère afin de protéger et promouvoir les activités essentielles qui nous protègent et nous nourrissent. C’est enfin substituer à la logique du «produire plus, toujours plus vite, moins cher et n’importe où, avec moins de travail et moins de contraintes environnementales» celle du «produire mieux, via des emplois de qualité, des processus de production préservant la planète, des circuits courts, pour satisfaire les besoins essentiels des populations».

C’est possible. Pour cela, il faut commencer par ne plus chercher à approfondir cette insoutenable mondialisation néolibérale et productiviste. Le Ceta avec le Canada, l’accord avec le Mercosur, celui avec le Mexique, les APE (accords de partenariat économique) avec les pays ACP (Afrique, Caraïbes et Pacifique) et les négociations en cours doivent être conjointement abandonnés. Les accords déjà conclus doivent être remis à plat. Puisque l’opinion publique a basculé et que la Commission européenne et les gouvernements semblent déjà se résigner, est-ce que les parlementaires et les élus locaux, pour certains nouvellement élus, sont prêts à mener bataille pour stopper ces accords ?

Déverrouiller les conditions de possibilité d’une politique écologique et solidaire, voilà ce qui devrait guider l’action de celles et ceux qui ne veulent pas que le jour d’après ne soit qu’un éternel recommencement, en pire, du jour d’avant. Pour relocaliser, c’est maintenant qu’il faut agir.

Signataires : Maxime Combes Attac France Philippe Martinez CGT Nicolas Girod Confédération paysanne Arnaud Schwartz France Nature Environnement Benoit Teste FSU Nadine Lauverjat et François Veillerette Générations futures Jean-François Julliard Greenpeace Malik Salemkour LDH Khaled Gaiji les Amis de la Terre France Murielle Guilbert Solidaires Sabine Rosset Bloom Cecilia Rinaudo Notre affaire à tous Nayla Ajaltouni Collectif Ethique sur l’étiquette, Magali Fricaudet Aitec Michel Maric Snesup-FSU Gilliane Le Gallic Alofa Tuvalu Pierre Khalfa Fondation Copernic Régis Essono CADTM France Bertrand de Kermel Comité Pauvreté et Politique Fabien Cohen France Amérique latine (FAL) Jean-Louis Marolleau Réseau Foi Justice Afrique Europe antenne France Andrée Desvaux Réseau Roosevelt-IDF Nabil Berbour SumOfUs Olivier Dubuquoy ZEA

5e prolongation du confinement des camps de migrants en Grèce

Cinquième prolongation du confinement des camps de migrants en Grèce

La Grèce a annoncé, samedi, une nouvelle prolongation des mesures de confinement dans les camps de migrants du pays, alors que le reste de la population grecque est déconfinée depuis le 4 mai.

Le ministère grec des migrations a annoncé, samedi 4 juillet, une cinquième prolongation des mesures de confinement en vigueur dans les camps de migrants du pays depuis le 21 mars. Jusqu’au 19 juillet, les exilés ne peuvent sortir de l’enceinte de leur camp qu’entre 7h et 21h, par petit groupe de moins de 10 et dans la limite de 150 personnes par heure. Le reste de la population grecque, en revanche, est déconfinée depuis plus de deux mois.

Officiellement, le gouvernement grec justifie ces mesures, comme les quatre précédentes, par la nécessité de limiter les risques de contamination au Covid-19. Mais la Grèce a été peu touchée (moins de 200 morts) et plusieurs ONG de défense des droits de l’Homme y voient une excuse pour contrôler et limiter les déplacements des migrants.

« Ces mesures de confinement que l’on peut qualifier de discriminatoires deviennent de plus en plus difficiles à vivre, d’autant plus que le gouvernement grec est en train de rouvrir le pays au tourisme mais il continue de garder les réfugiés enfermés », soulignait déjà fin juin, Stephan Oberreit, chef de mission en Grèce pour Médecins sans frontières (MSF), interrogé par InfoMigrants.

Au sein des camps, l’incompréhension et les frustrations grandissent. « Je n’ai aucune idée de ce qui motive le gouvernement à [étendre le confinement]. Peut-être veut-il en faire des camps fermés ? Mais pourquoi ? », s’interroge Hamoudi, un demandeur d’asile somalien du camp de Vial sur l’île de Chios, rencontré par l’AFP. Le jeune homme de 24 ans affirme que les règles de distanciation sociales ne peuvent être respectées dans les camps surpeuplés et insalubres.

C’est aussi ce qu’à constaté Stephan Obrreit de MSF : « Il est, par exemple, totalement impossible pour un migrant qui présenterait de la fièvre de s’isoler des autres, il n’y a pas la place. Dans certaines zones du camp de Moria (sur l’île de Lesbos, NDLR), à la fin mars, on ne comptait qu’un seul robinet d’eau accessible pour 1 300 personnes. À la fin avril, on dénombrait 210 personnes par toilette et plus de 630 par douche. »

Peu de malades du Covid dans les camps de migrants

Pour autant, à l’image du reste du pays, peu de cas de contamination ont été rapportés au sein des camps et aucun décès lié au coronavirus n’y a été recensé. Pourtant, plus de 32 000 demandeurs d’asile s’entassent dans les camps des îles de la mer Égée ne disposant que d’une capacité d’accueil de 5 400 places.

Tentant de désamorcer les tensions avec les communautés locales, le gouvernement a fait transférer des milliers de migrants vers le continent pendant que les premiers touristes de la saison estivale arrivent. « Ils essaient de rendre les réfugiés aussi invisibles que possible pour que les touristes aient envie de revenir », a estimé Jenny Kalipozi, habitante de l’île de Chios et bénévole de longue date au camp de Vial.

Néanmoins, ces transferts de migrants vers le continent avaient déjà commencé à l’automne dernier. Et les premiers cas de contamination au coronavirus dans des camps de migrants se sont déclarés sur le continent, à Ritsona, au nord d’Athènes, fin mars. Quelques cas ont également été dénombrés à Lesbos, mi-mai, sans provoquer de contagion de masse.

MSF n’est pas rassuré pour autant, notamment car, selon Stephan Oberreit, les migrants qui continuent d’affluer actuellement sont mal pris en charge : « Il n’y a pas suffisamment de tests de dépistage pour tout le monde, pas de circuits de quarantaine où les gens potentiellement infectés ne seraient pas mélangés aux autres, etc. On est donc très inquiets car on ne sait pas à quel point les nouveaux arrivants peuvent apporter le virus à Moria. On aimerait que le système soit plus efficace et que les tests soient systématiques avant l’entrée dans le camp. »

Source https://www.infomigrants.net/fr/post/25833/cinquieme-prolongation-du-confinement-des-camps-de-migrants-en-grece

Le nouveau système d’asile grec conçu pour expulser, et non protéger,

Le nouveau système d’asile grec conçu pour expulser, et non protéger, avertit le Conseil grec pour les réfugiés et Oxfam

Publié : 1er juillet 2020

Le nouveau système d’asile grec est conçu pour expulser les personnes plutôt que de leur offrir sécurité et protection, ont averti aujourd’hui le Conseil grec pour les réfugiés (GCR) et Oxfam. Cela signifie que les personnes qui ont fui la violence et la persécution ont peu de chances de bénéficier d’une procédure d’asile équitable, et même les familles avec enfants sont régulièrement détenues dans des conditions inhumaines.

Dans le rapport publié aujourd’hui ( https://www.oxfam.org/en/research/diminished-derogated-denied-how-right-asylum-greece-undermined-lack-eu-responsibility ), les organisations montrent comment la loi d’asile grecque réformée, qui est entrée en vigueur le 1er janvier 2020 et a été modifiée en mai, expose les personnes à l’abus et à l’exploitation. Cette situation est encore aggravée par les conditions de vie inhumaines dans les camps de réfugiés en Grèce, où les gens risquent maintenant de subir une crise sanitaire dévastatrice si COVID-19 devait arriver dans les camps.

Evelien van Roemburg, responsable de la campagne de migration d’Oxfam en Europe, a déclaré

« La nouvelle loi grecque est une attaque flagrante contre l’engagement humanitaire de l’Europe à protéger les personnes qui fuient les conflits et les persécutions. L’Union européenne est complice de ces abus, car depuis des années, elle utilise la Grèce comme terrain d’essai pour de nouvelles politiques migratoires. Nous sommes extrêmement préoccupés par le fait que l’UE va maintenant utiliser le système d’asile grec comme modèle pour la prochaine réforme de l’asile en Europe ».

L’analyse des organisations a révélé que de nombreuses personnes particulièrement vulnérables, telles que les enfants, les femmes enceintes et les personnes handicapées, ont été détenues à leur arrivée dans les hotspots des îles, sans accès suffisant aux soins ou à la protection nécessaires. Le système d’asile rend également extrêmement difficile pour les demandeurs d’asile de présenter correctement au service d’asile grec les raisons qui les poussent à fuir leur pays d’origine, comme les conflits ou les persécutions.

« Si la Grèce a le droit souverain de gérer ses frontières, elle doit protéger le principe fondamental du non-refoulement. L’UE et la Grèce ont fait le choix politique de mettre en danger la vie et l’avenir des personnes qu’il est de leur responsabilité de protéger », a ajouté M. van Roemburg.

Dans le centre européen de Moria, sur l’île grecque de Lesbos, les gens sont entassés dans un camp, qui est actuellement six fois plus grand que sa capacité d’accueil. Ils n’ont pas suffisamment accès aux soins de santé de base, à des toilettes propres ou à des installations pour se laver les mains, et la surpopulation rend impossible la distanciation sociale – qui est essentielle pour empêcher la propagation du coronavirus.

Les témoignages recueillis par le Conseil grec pour les réfugiés exposent ces conditions de vie pénibles en Moria. Rawan* d’Afghanistan est venue en Grèce avec ses deux enfants mineurs pour chercher la sécurité en Europe. Mère célibataire avec des enfants et survivante de violences sexistes, elle a besoin d’un soutien et de soins particuliers. Au lieu de cela, elle a été forcée de vivre pendant six mois dans une tente de camping, dans la zone de déversement du camp de Moria, où même les installations de base comme les toilettes ne sont pas toujours accessibles.

« La situation à Moria était effrayante. Pendant la pandémie, tout le monde avait peur que si le virus nous atteint, ils creusent un charnier pour nous enterrer. Ils ne nous ont donné que deux masques et du savon. Mais comment sommes-nous censés nous laver les mains sans eau ? Dans la chaîne alimentaire, il y avait tellement de monde que nous ne pouvions pas garder nos distances. Nous n’étions pas protégés », dit Rawan.

La loi réformée interdit effectivement à de nombreuses personnes qui n’ont pas de soutien juridique de faire appel d’un rejet de demande d’asile. Les délais ont été considérablement raccourcis et, dans de nombreux cas, ils expirent avant que les personnes ne soient informées de la décision. Les demandeurs d’asile ne peuvent faire appel que par l’intermédiaire d’un avocat, mais à Lesbos, il n’y a qu’un seul avocat financé par l’État.

Spyros-Vlad Oikonomou, responsable de la défense des droits au GCR, a déclaré :

« Lorsque les autorités grecques rejettent une demande d’asile, cela ne signifie pas nécessairement que les personnes n’ont pas besoin d’une protection internationale. C’est souvent une conséquence de la procédure d’asile accélérée appliquée dans le cadre des procédures à la frontière. Les délais courts augmentent la possibilité d’erreurs. En outre, les personnes n’ont ni le temps ni l’environnement adéquat pour préparer leur entretien d’asile, au cours duquel elles peuvent parler des horreurs qu’elles ont fuies.

« Cela met la vie des gens en danger : les personnes rejetées risquent d’être immédiatement détenues pour être expulsées vers la Turquie ou leur pays d’origine.

« Le gouvernement grec doit rétablir un système d’asile équitable, qui respecte pleinement les droits de l’homme. La Commission européenne doit examiner les pratiques de la Grèce en matière d’asile et évaluer leur conformité avec le droit européen ».

Alors que les autorités se prononcent parfois en quelques jours sur les demandes d’asile des personnes arrivées en 2020, celles qui sont arrivées en 2019 doivent attendre des mois, voire des années, pour que leur premier entretien ait lieu. Pendant cette période, la plupart d’entre elles ne sont pas autorisées à quitter les camps inhumains parrainés par l’UE sur les îles grecques.

Pour de nombreuses personnes déjà traumatisées, les conditions de vie dans des endroits comme la Moria les exposent à de nouveaux dangers. Au cours des derniers mois, pendant la fermeture du COVID-19, on a constaté une augmentation inquiétante des cas de harcèlement sexuel et des rapports de viols, ainsi que des violences domestiques dans le camp.

Barlin*, une réfugiée somalienne, a décrit le manque de protection des femmes célibataires : « Les hommes les menaçaient, elles prenaient leurs portables, elles venaient dans leurs tentes, elles n’avaient aucun soutien ou protection pour utiliser les toilettes et les salles de bain pendant la nuit, elles devaient se défendre, car il n’y avait ni police ni sécurité ».

Oxfam et le GCR demandent au gouvernement grec et à l’UE de revoir immédiatement la nouvelle loi grecque sur l’asile et de donner à toute personne demandant l’asile en Grèce l’accès à une procédure d’asile équitable et efficace. Ils appellent également les Etats membres de l’UE à respecter le principe de solidarité qui sous-tend le tissu même de l’UE, et à partager avec la Grèce la responsabilité de la protection des réfugiés et des demandeurs d’asile.

Notes aux rédacteurs

* Tous les noms des demandeurs d’asile ont été changés pour protéger leur identité.
– Des porte-parole sont disponibles à Athènes, Lesbos et Bruxelles pour des entretiens en grec et en anglais.
– Barlin*, le réfugié somalien cité ci-dessus, est également disponible pour des entretiens sur la situation en Moria.
– Lisez le rapport complet ( https://www.oxfam.org/en/research/diminished-derogated-denied-how-right-asylum-greece-undermined-lack-eu-responsibility ).
– Le gouvernement grec a également suspendu illégalement les demandes d’asile pour le mois de mars ( cf. https://www.oxfam.org/en/press-releases/new-greek-law-reneges-right-asylum ).
– Les autorités grecques sont tenues d’offrir un soutien juridique aux personnes qui demandent l’asile dans la phase d’appel. Cette mesure vise à garantir que toute erreur commise en première instance puisse être corrigée et que les personnes ayant droit à une protection internationale ne soient pas renvoyées dans des endroits potentiellement dangereux. Toutefois, le nombre d’avocats financés par l’État est très limité et, en 2019, seuls 33 % des appels ont bénéficié du programme d’aide juridique financé par l’État. La majorité des personnes sont dirigées vers des avocats financés par des ONG, mais les ONG ont une capacité limitée et la restriction des déplacements dans les camps empêche également les personnes de trouver facilement un avocat auprès d’une ONG.
– La Commission européenne publiera bientôt un nouveau pacte sur les migrations et l’asile, qui définira les orientations de l’UE et des États membres pour réformer le système d’asile européen et les politiques migratoires de l’Union. Le nouveau pacte suggérera très probablement d’utiliser davantage d’aide au développement pour freiner les migrations, et il risque de perpétuer la catastrophe humanitaire qui se déroule en Grèce depuis quelques années.

Pour nous contacter

Florian Oel | attaché de presse de l’UE | florian.oel@oxfam.org| bureau +32 2 234 1115 | portable +32 473 56 22 60

Cass Hebron | assistant médias UE |cass.hebron@oxfam.org| bureau +32 2 234 1115

Danae Leivada | Responsable de la communication – Conseil grec pour les réfugiés | d.leivada@gcr.gr| office : +30 210 3800 990

Source https://www.oxfam.org/en/press-releases/greeces-new-asylum-system-designed-deport-not-protect-warn-greek-council-refugees

L’Océan Viking en état d’urgence

Nous vous informons que ce vendredi 3 juillet l’Ocean Viking a été déclaré en état d’urgence : la situation à bord s’étant détériorée au point que la sécurité des 180 rescapés – dont 25 mineurs et une femme enceinte – et de l’équipage ne peut plus être garantie. Un débarquement immédiat est requis.

Cette étape inédite dans l’histoire de SOS MEDITERRANEE a été provoquée par la détérioration rapide de l’état psychique de certains rescapés à bord.

A 12h33, ce jour, une évacuation médicale a été sollicitée par l’équipage pour un groupe de 44 personnes dans un état de détresse psychologique aigüe, manifestant l’intention de porter atteinte à leur intégrité physique ou à celle d’autres personnes à bord, y compris des membres d’équipage. Pour l’instant, cette demande est restée sans réponse.

Hier, deux hommes ont sauté par-dessus bord de l’Ocean Viking avant d’être secourus en mer par nos marins-sauveteurs. Tôt ce matin, un homme est passé à l’acte en tentant de se pendre alors qu’au même moment deux autres personnes désespérées ont entamé une grève de la faim. Des bagarres ont également éclaté sur le pont et nous dénombrons six tentatives de suicide en moins de 24h.

Outre la détresse psychologique aigüe de certains rescapés, les conditions météorologiques se détériorent ce qui constitue une menace supplémentaire pour la vie des personnes qui pourraient se jeter à la mer depuis l’Ocean Viking afin d’atteindre les côtes à la nage.

Cette situation d’urgence est la conséquence directe d’un blocage long et inutile en mer et de l’absence d’une solution de débarquement dans un lieu sûr.

Le droit maritime est clair : un sauvetage n’est finalisé que lorsque les rescapés ont atteint un lieu sûr, et celui-ci doit être désigné par les autorités maritimes compétentes. La première demande d’un lieu sûr où débarquer les rescapés a été envoyée il y a une semaine aux autorités maritimes italiennes et maltaises. Cette requête a été réitérée à six reprises mais seules des réponses négatives nous ont été adressées. Aucune indication de solution n’a été proposée.

Nous répétons notre appel aux autorités compétentes et à l’ensemble des Etats membres de l’Union européenne, de se mobiliser urgemment et de se coordonner pour offrir une solution aux 180 rescapés à bord de l’Ocean Viking. Leur sécurité et celle de notre équipage en dépend.

Merci d’être à nos côtés,


L’équipe de SOS MEDITERRANEE
#TousSauveteurs

https://sosmediterranee.org/

L’Océan Viking repart en méditerranée

A l’heure où nous vous écrivons, l’Ocean Viking fait route vers la Méditerranée centrale pour porter secours aux personnes en détresse en mer.

Durant ces dernières semaines et suite à la fin de notre partenariat médical avec Médecins Sans Frontières, nous avons dû nous réorganiser afin de poursuivre notre mission.

Nous avons donc recruté une équipe médicale de quatre professionnelles de santé : un médecin, deux infirmières et une sage-femme. Trois d’entre elles ont déjà travaillé sur l’Ocean Viking ou l’Aquarius et connaissent les conditions particulières dans lesquelles nous intervenons. Elles ont aidé à la préparation du navire et à la mise en place des protocoles spécifiques liés à la prévention du Covid-19.

L’équipe médicale veille à l’état de santé général des rescapés à bord, du sauvetage au débarquement dans un lieu sûr.

Après des mois passés en Libye, puis des heures voire des jours en mer, ces rescapés sont dans un état de santé physique et psychologique nécessitant souvent une prise en charge médicale immédiate. Certains présentent des traces de torture, des blessures par balle ou souffrent de déshydratation. Parmi les femmes, beaucoup ont subi des violences sexuelles ; certaines sont enceintes et ont besoin de soins spécifiques, tout comme les mineurs, présents en grand nombre.

En moyenne 550 consultations médicales par mois ont été effectuées à bord de l’Ocean Viking durant les six premiers mois en mer. SOS MEDITERRANEE gèrera également l’approvisionnement des médicaments et des consommables pour la clinique située sur le pont arrière du navire.

Tout cela a un coût que nous devons prendre en charge seuls désormais.

Pour continuer, nous avons encore besoin de vous ! Aidez-nous à poursuivre notre mission à bord de notre « navire ambulance ».

Ensemble, sauvons des vies en mer.
Merci d’être à nos côtés,

L’équipe de SOS MEDITERRANEE
#NavireAmbulance

https://don.sosmediterranee.org

Grèce loi contre l’école publique votée

En Grèce, la loi contre l’école publique a été votée, mais le combat continue par A. Sartzekis

Il y avait peu de suspens : la majorité de droite du Parlement grec a voté jeudi 11 juin la loi réactionnaire sur l’école, confirmant s’il en était besoin la dangerosité d’un gouvernement dont la seule ligne est de casser les services publics pour mieux les offrir au privé, de préférence d’ailleurs aux petits copains, comme en témoigne ces derniers temps une série de scandales dont un seul, en d’autres temps, aurait suffi à faire tomber un tel gouvernement !

On évoque ici1 les deux axes de l’offensive de la droite contre l’école publique et ses personnels. D’abord un dispositif effarant tendant à imposer une caméra dans les salles de classes, pour continuer à offrir les cours aux élèves absents, et cela au nom de l’égalité des chances évidemment, on connaît le refrain depuis que Blanquer en France joue le marxiste en évoquant les enfants décrocheurs des quartiers de banlieue ! Sans tomber dans le panneau, malgré des illusions à gauche sur de prétendus bienfaits de l’enseignement à distance, les enseignantEs et de nombreux élèves ont exigé le retrait de ce dispositif, et l’ultra conservatrice ministre de l’Éducation, Niki Kerameos, s’est ainsi vue surnommer Caméraos dans les manifs. La colère a été si forte que des reculs ont été opérés, en paroles en tout cas : caractère facultatif de ce dispositif, qui ne serait proposé que dans certaines conditions particulières, pas de caméra mais des appareils légers… Ces reculs ont été obtenus par le mouvement : 91% des enseignantEs se disent opposés à l’enregistrement et la diffusion des cours, pour 81% l’objectif est le contrôle des enseignantEs, et 62% estiment que cette mesure est au service d’intérêts privés ! Il n’empêche que le dispositif, adopté comme amendement dans le cadre d’une loi sans aucun rapport, existe désormais, et vu le style « orbanesque » de la droite au pouvoir, il constitue une menace pour les libertés pédagogiques mais aussi pour les droits démocratiques face à l’utilisation des données : lors des « cours à distance », des données d’enseignantEs ont été communiquées à une société privée par un service du ministère…

Sélection sociale et contrôle permanent 

Les libertés pédagogiques sont plus globalement attaquées dans le second axe de l’offensive, une loi concoctée pendant le confinement mais, comme le disent les enseignantEs : aucune surprise, Kerameos avait annoncé la couleur, très sombre dès l’été dernier. Rappelons ses caractéristiques, très violentes : très forte aggravation de la sélection sociale, avec pour but de limiter l’accès à l’université, pousser les élèves du technique vers de courtes formations privées, mise en place d’une concurrence entre établissements, avec pour objectif à terme la fermeture d’un certain nombre de ceux-ci (d’où l’intérêt de « cours à distance »), avec la menace, pour les dizaines de milliers de professeurEs suppléants, de ne plus retrouver de postes dans un proche avenir.

Un dispositif clé est celui de l’évaluation des enseignants et des établissements, mesure que la bourgeoisie grecque tente d’imposer depuis des années, butant à chaque fois sur la résistance des personnels. Et, symbole de la réalité parfaitement réactionnaire du capitalisme sous Koulis (surnom du Premier ministre, membre d’une famille de politiciens très à droite et fonctionnant de manière dangereusement clanesque), contrôle non seulement des enseignantEs mais aussi des élèves, d’une part par la mise en place d’un bachotage permanent (examens à toutes les classes du collège) mais aussi par une mention du comportement qui figurera sur l’Apolytirion, équivalent du bac) : belle illustration des fameuses « compétences » dont on nous rebat les oreilles depuis si longtemps en France, on a droit en Grèce aussi aux discours fumeux sur la prétendue modernité de ce qui est bien sûr une exigence du patronat, le SEV, équivalent du Medef !

Le patronat aux anges

Le patronat a ainsi obtenu ce qu’il veut depuis longtemps : une école aux ordres (et sans esprit critique, avec par exemple la disparition de la sociologie remplacée par le latin pour l’examen d’entrée à l’université), mais aussi lui permettant de s’en mettre plein les poches, par les faveurs qu’obtiennent les établissements privés – l’association des propriétaires d’écoles privées est la seule structure à avoir approuvé le projet de loi, le syndicat des enseignantEs du privé participant pleinement, lui, aux mobilisations contre Kerameos. Mais d’autres secteurs du privé se frottent les mains : ainsi les vampiresques « frontistiria », cours du soir existant depuis très longtemps et préparant les élèves à devenir (de plus en plus tôt) de véritables « bêtes à examens », vu le bachotage croissant exigé en Grèce.

Et la loi ouvre aussi la porte à une mise en cause de l’article 16 de la Constitution, qui garantit la gratuité des études : seraient désormais permis des cours de langues étrangères pour les premières années universitaires, avec inscription payante. Signe de l’esprit strictement boutiquier de la droite de Mitsotakis, Kerameos et lui se sont rués dès le vote de la loi sur quelques universités américaines (les deux ministres ne connaissant qu’elles, puisqu’ils n’ont évidemment pas fait leurs études dans une fac publique grecque) pour lancer ce dispositif, et cela alors qu’un tel dispositif, gratuit pour les étudiantEs, existe dans le cadre de l’Union européenne…

Échec de la mobilisation ?

Quand on voit tout ce que comporte la loi, on est tenté de parler de grande victoire de la droite, et donc d’échec de la mobilisation. Mais, heureusement, les choses sont plus complexes. On l’a dit : Kerameos a profité du confinement pour déposer son texte de loi, concocté sans aucune négociation (mais bien sûr, « à la Blanquer », présenté comme fruit d’une large concertation). Le but était, on s’en doute, d’éviter toute mobilisation, d’autant que la tendance dirigeant actuellement le syndicat (unique) du secondaire, OLME, est liée à la droite gouvernementale. Or, même en plein confinement, la mobilisation s’est largement développée, avec manifs à l’appel d’OLME, DOE (syndicat du primaire), OIELE (enseignants du privé), des parents d’élèves, et aussi de lycéenEs et étudiantEs. On a parlé sur ce site des grandes manifs du 13 mai dans le pays2. Depuis, d’autres manifs ont eu lieu, à l’appel des mêmes organisations et, à chaque fois, on a pu voir dans les rues d’Athènes entre 6000 et 8000 manifestantEs, avec également le 9 mai une grève de 24 heures dans le secondaire (mais débrayage seulement dans le primaire). Vu les circonstances, on ne peut donc parler que de mobilisations réussies, d’autant qu’elles étaient en général assez combatives ! Les quelques reculs de Kerameos (sur les caméras, sur une limite d’âge pour entrer au lycée technique…) ont bien été obtenus par la force du mouvement, à laquelle le gouvernement ne semblait pas s’attendre.

Stratégies syndicales  

Le problème est donc ailleurs, et il est double : d’abord, vu la période, le mouvement n’a pas réussi à s’élargir, une grève prolongée semblant peu crédible en cette phase difficile et, du coup, on a eu plutôt une répétition de manifs certes larges, mais pas d’une ampleur à faire céder la droite. Et ce qui a aussi visiblement manqué, c’est une cohésion d’ensemble pouvant faire progresser la conviction qu’il était possible d’empêcher que la loi soit votée. Du côté des directions syndicales réformistes (voire liées è la droite), on n’a fait ni plus ni moins que lors d’autres mobilisations, appelant jusqu’au bout à des manifs (le vote de la loi ayant été repoussé du 10 au 11 juin, elles ont même appelé à débrayer le 11 pour être de nouveau devant le Parlement, comme la veille) : le minimum d’une direction syndicale nationale, sans avoir à trahir ouvertement le mouvement comme l’avaient fait en 2013 tous les courants de OLME, de la droite à Syriza, sauf la gauche radicale. Du côté du courant syndical du KKE (Parti communiste), PAME, l’objectif semble avoir été d’apparaître avec de nombreux drapeaux, comme une force qui compte, mais sans volonté de pousser au-delà. Idem d’ailleurs pour les JC animant un des pôles jeunes, combatif, mais sans perspective. Du côté des courants de la gauche radicale et révolutionnaire, en dehors de l’éparpillement « classique », on a pu voir comme tendance forte la dénonciation des directions syndicales, celles des « majorités syndicales gouvernementales-patronales de DOE et OLME »3, l’objectif étant pour certains des initiatives autonomes des syndicats de base : « Il est nécessaire de construire un nouveau rassemblement combatif de syndicats qui mette en avant les problèmes immédiats des travailleurs et leurs revendications et qui  les relie solidement à une autre voie sur laquelle le pays doit s’engager, dans l’intérêt des travailleurs et travailleuses »4. Or, quelle que soit la profondeur de la crise du syndicalisme en Grèce, la priorité doit-elle être celle-ci, qui par ailleurs ressemble furieusement à celle de PAME promue par le très sectaire KKE, ou plutôt celle, d’ailleurs partagée et pratiquée par beaucoup lors du mouvement, de faire vivre à la base les structures syndicales de DOE et OLME, sachant que c’est leur force qui a amené les directions nationales à appeler aux manifestations… qui n’auraient pas pu avoir lieu sans ces appels nationaux ?

L’enjeu de la mobilisation de la jeunesse 

C’est là un débat très important pour le proche avenir des luttes en Grèce ! Mais d’ores et déjà, on ne peut qu’être d’accord avec Argyris Papathanasiou, membre de la tendance radicale (Paremvasis, Kinisis, Syspirosis) dans DOE, interrogé dans Prin du 14 juin : « Dès aujourd’hui, le mouvement de l’Éducation combat pour l’abrogation de cette loi, comme à de nombreuses reprises dans le passé il a réussi à annuler dans les faits des lois qui avaient été votées ». Et parmi les priorités : bloquer les transferts d’élèves pour empêcher l’augmentation du nombre d’élèves par classe et assurer le maintien du nombre de postes ; arriver à faire annuler l’auto-évaluation des établissements ; sans oublier l’augmentation des salaires, du nombre de postes titulaires.

Mais ce qui sera décisif pour les mois à venir, ce sera une participation massive de la jeunesse scolarisée, la principale victime de la loi Kerameos qui ne leur offre comme seule perspective que soumission et chômage. Présente dans les manifs avec des cortèges encore limités en nombre, présente aussi dans les récentes manifs antiracistes, sa mobilisation pour refuser un avenir toujours plus sombre et son lien aux mobilisations enseignantes sont déterminants pour renvoyer Mme Caméraos et le gouvernement dans les coulisses des très mauvais scénarios.

  • 1. Lire « Contre l’œil de Big brother dans les salles de classe en Grèce », 17 mai 2020) : https://npa2009.org/actualite/internatio…
  • 2. Idem.
  • 3. Prin, journal de NAR (Courant nouvelle gauche), 7 juin.
  • 4. Extrait de l’appel à une manifestation à Athènes le 23 juin par des syndicats de base du public et du privé, traduit de Prin, 14 juin.

Source https://npa2009.org/actualite/international/en-grece-la-loi-contre-lecole-publique-ete-votee-mais-le-combat-continue

Vers une Grèce sans Grecs ! 

Une catastrophe démographique : Vers une Grèce sans Grecs !  Par Dimitris Konstantakopoulos

Troisième de trois articles

En Grèce, les retraités meurent plus vite, l’espérance de vie et l’état de santé général de la population diminuent. Pour la première fois depuis la fin de la guerre civile (1949), les gens réfléchissent à deux fois avant de faire émigrer des enfants, des jeunes Grecs instruits, privant ainsi le pays du capital humain nécessaire. Les Grecs paient pour former certains des meilleurs médecins d’Europe, qui vont ensuite travailler dans les hôpitaux allemands. La population totale de la Grèce diminue en termes absolus et le pourcentage de Grecs d’origine et de conscience au sein de la population est également en baisse.

Une population qui vieillit, matériellement démunie, qui se sent moralement trahie, dans un désespoir et une insécurité totale, sans aucun droit ni aucune protection, vit aujourd’hui en Grèce !

Même si les méthodes sont différentes, ce qui arrive aux Grecs présente quelques analogies avec ce que les Romains auraient fait aux Juifs en l’an 60.

Il est également assez étonnant que les résultats des politiques de la Troïka soient assez similaires, même si les méthodes sont très différentes, aux plans d’Hitler pour la Grèce, tels que décrits par Winston Churchill dans ses mémoires. Le projet d’Hitler était de transformer la Grèce en une zone de vacances pour les Ariens et de transporter les Grecs au Moyen-Orient.

L’establishment occidental, et pas seulement les Allemands, a toujours été profondément divisé dans son attitude envers les Grecs et la Grèce, reflétant d’une certaine façon aussi sa division entre son aile plus démocratique et son aile plus totalitaire (cette querelle se reflète d’une certaine façon dans la façon différente dont Oxford et Cambridge voient la démocratie grecque antique et l’empire romain).

Il y a toujours eu une forte attitude philhellénique, mais aussi une forte attitude de « haine des Grecs » (comme celle du Premier ministre britannique Disraeli) en Occident. Quant à Samuel Huntington, l’idéologue de la « guerre des civilisations », il classe essentiellement les Grecs parmi les « nations ennemies » au même titre que les Russes. Les chrétiens orthodoxes sont pour lui le deuxième pire ennemi après les nations islamiques.
Coup d’Etat

L’ensemble du programme constituait une violation flagrante des principes fondamentaux de l’ordre constitutionnel grec (qui fait partie du droit européen), des principes fondamentaux sur lesquels l’Union européenne a été fondée et des dispositions clés du droit international.

Selon certains spécialistes, les dispositions de ce programme clairement néocolonial n’ont d’équivalent dans aucun des programmes du FMI appliqués dans les pays du tiers monde. (Pour une analyse approfondie des questions juridiques et même de « changement de régime », le lecteur peut consulter le discours de l’un des plus grands spécialistes européens du droit constitutionnel, le professeur Kasimatis, ici)

Ce programme a été appliqué contre la volonté directe des citoyens grecs, qu’ils ont exprimée de façon claire la seule fois où ils ont eu l’occasion de l’exprimer, lors du référendum de 2015.

Afin d’imposer ce programme, les principales puissances et institutions européennes, le FMI et les hommes politiques grecs qui ont collaboré avec eux, ont utilisé des méthodes de fraude, de chantage, de pression politique et économique, toutes inacceptables en général et au sein d’une Union soi-disant démocratique d’États, de peuples et de nations égaux, en particulier. Tous les accords signés par les gouvernements grecs pour appliquer le programme de sauvetage ont été le résultat de la coercition et de la violation des principes fondamentaux de l’ordre démocratique national et international.

L’imposition du programme grec était un coup d’État, mais un coup d’État au sens de Carl Schmitt, qui visait à établir un nouveau régime, d’abord en Grèce, puis dans toute l’Europe.

Les institutions démocratiques ne sont plus qu’une simple forme en Grèce, car le programme a en fait aboli les principes de la souveraineté populaire, nationale et étatique, du moins en matière de politique économique, la capacité de la société grecque à se reproduire et les bases économiques de la démocratie parlementaire. En effet, il a transformé la Grèce d’un État-nation capitaliste européen habituel et d’une démocratie parlementaire en une nouvelle forme de colonie, une colonie de la dette de la finance internationale gérée par le biais des institutions européennes et du FMI. Au cours de l’été 2015, les créanciers ont proposé au gouvernement grec un nouveau programme de plusieurs milliers de pages en anglais. Le programme a été traduit par des programmes de traduction automatique en grec en deux jours et a été voté en loi en deux jours supplémentaires. La même procédure a été suivie au printemps 2006.

C’est exactement ce qui fait de l’expérience grecque une opération d’importance fondamentale pour la transformation du régime social et politique occidental, représentant une coupure nette avec les principes de Souveraineté Populaire et Nationale, sur lesquels les régimes occidentaux étaient basés, au moins en théorie, après la Révolution française.

Tout cela ne peut guère être considéré comme une « coïncidence » ou un accident. Les architectes du traité de Maastricht semblent avoir pris en compte un tel scénario et la manière de l’utiliser, lorsqu’ils ont introduit dans le traité des clauses interdisant la solidarité de l’Union envers ses membres. Goldman Sachs a également joué un rôle essentiel depuis le tout début jusqu’à la création du problème de la bulle de la dette grecque, avec ses swaps grecs.

Source https://uwidata.com/11398-a-demographic-catastrophe-towards-a-greece-without-greeks/

2eme article Le programme grec de « renflouement » : un échec colossal Par Dimitris Konstantakopoulos

Si nous jugeons le programme grec non pas sur la base de nos propres critères, mais sur la base des objectifs qu’il s’est fixé et de ses prévisions, nous pouvons dire sans risque qu’il s’agit d’un échec gigantesque, de loin le plus important dans l’histoire des principales institutions économiques occidentales, comme le FMI, l’UE et la BCE.

À l’avenir, tout manuel d’économie dans le monde commencera par un chapitre intitulé « Le programme de sauvetage grec » : Ce que les économistes ne doivent faire dans aucun pays ».

Le programme grec a été lancé, soi-disant, pour aider la Grèce à faire face à une situation où les « marchés » (la finance internationale) refusaient de lui prêter, sa dette énorme étant considérée comme insoutenable.

En 2010, lorsque le programme a été lancé, la dette souveraine grecque représentait 129 % du PIB. Aujourd’hui, elle est supérieure à 185%. (Après le Coronavirus, elle sera probablement de plus de 200%).

Le programme de sauvetage n’a pas seulement échoué à résoudre le problème de la dette souveraine, il a ajouté à cela le problème tout aussi important d’une énorme dette privée, créée à la suite des mesures de la troïka (BCE, UE, FMI). En 2010, les prêts non remboursés aux banques étaient insignifiants. Aujourd’hui, près de la moitié des prêts ne le sont pas.

En 2010, les banques grecques avaient environ 220-240 milliards d’euros de dépôts. Aujourd’hui, elles ne sont plus grecques et disposent de la moitié de cette somme.

En 2010, la Grèce était dans une position beaucoup plus puissante vis-à-vis de ses prêteurs, qui étaient des banques et des fonds privés. Sa dette était réglementée par la loi grecque et son parlement national. Les litiges liés à la dette étaient du ressort des tribunaux grecs. La dette grecque était libellée en monnaie nationale grecque, donc si la Grèce quittait la zone euro, la dette serait sous-évaluée autant que la nouvelle monnaie nationale grecque introduite.

Maintenant que la dette est détenue par les États et les institutions internationales et régie par le droit colonial britannique, tous les biens publics grecs sont devenus une hypothèque au service de la dette, sa protection constitutionnelle étant levée. Les litiges liés à la dette sont du ressort des tribunaux étrangers et elle est libellée en euros.

La restructuration de la dette grecque (PSI, 2011-12), a été la première dans l’histoire entreprise contre les intérêts du pays débiteur ! Elle a modifié le statut juridique de la dette, tout en réduisant les réserves des fonds de pension, des hôpitaux, des universités, etc.

Le pays a connu une récession trois fois plus importante que ce que le FMI et l’UE avaient prévu, sans parler des prévisions du ministre grec des finances de l’époque qui parlait déjà de croissance d’ici 2012. C’est pourquoi nous avons déclaré que ce programme était un échec colossal, même selon ses propres termes.

Le FMI, les gouvernements européens, l’UE et la BCE utilisent les services de certains des meilleurs économistes du monde. Comment a-t-il été possible de faire une « erreur » aussi énorme ? Si c’était vraiment une erreur, pourquoi ne l’ont-ils pas corrigée et pourquoi ne l’ont-ils pas encore fait ?

C’est ce qui nous donne le droit de nous demander si ce programme était une erreur ou, plutôt, et dès le début, un programme destiné à atteindre un tel résultat. Le représentant du FMI en Grèce, le Danois Paul Thomsen, une sorte de tueur à gages économique et une personnalité sadique comme la plupart des personnes qui traitaient avec la Grèce au nom des organisations internationales, a révélé les objectifs cachés du programme lorsqu’il a déclaré que les salaires grecs devaient se situer quelque part entre les Portugais et les Bulgares.

Maintenant que la dette est détenue par les États et les institutions internationales et régie par le droit colonial britannique, tous les biens publics grecs sont devenus une hypothèque au service de la dette, sa protection constitutionnelle étant levée. Les litiges liés à la dette sont du ressort des tribunaux étrangers et elle est libellée en euros.

La restructuration de la dette grecque (PSI, 2011-12), a été la première dans l’histoire entreprise contre les intérêts du pays débiteur ! Elle a modifié le statut juridique de la dette, tout en réduisant les réserves des fonds de pension, des hôpitaux, des universités, etc.

Le pays a connu une récession trois fois plus importante que ce que le FMI et l’UE avaient prévu, sans parler des prévisions du ministre grec des finances de l’époque qui parlait déjà de croissance d’ici 2012. C’est pourquoi nous avons déclaré que ce programme était un échec colossal, même selon ses propres termes.

Le FMI, les gouvernements européens, l’UE et la BCE utilisent les services de certains des meilleurs économistes du monde. Comment a-t-il été possible de faire une « erreur » aussi énorme ? Si c’était vraiment une erreur, pourquoi ne l’ont-ils pas corrigée et pourquoi ne l’ont-ils pas encore fait ?

C’est ce qui nous donne le droit de nous demander si ce programme était une erreur ou, plutôt, et dès le début, un programme destiné à atteindre un tel résultat. Le représentant du FMI en Grèce, le Danois Paul Thomsen, une sorte de tueur à gages économique et une personnalité sadique comme la plupart des personnes qui traitaient avec la Grèce au nom des organisations internationales, a révélé les objectifs cachés du programme lorsqu’il a déclaré que les salaires grecs devaient se situer quelque part entre les Portugais et les Bulgares.

En déclarant cela, il a révélé par inadvertance la philosophie des dirigeants de l’UE aujourd’hui. Ils ne comprennent pas l’UE comme une organisation qui contribue à l’amélioration du niveau de vie. Ils comprennent l’UE comme une institution qui abaisse le niveau de vie et les droits sociaux de ses membres.

Nous voulons rappeler à nos lecteurs que ce programme n’a pas été imposé à la Grèce uniquement par l’Allemagne et l’UE. Pour que son imposition devienne possible, Berlin a dû conclure une alliance tacite avec des banques internationales pour attaquer la Grèce et créer les conditions justifiant le programme. Le programme a également été approuvé par le FMI, au mépris de ses propres règles et principes. Une telle chose ne pouvait pas se produire si la finance internationale et l’administration américaine ne le voulaient pas. Sans parler du rôle des banques américaines comme Goldman Sachs dans la création, tout d’abord, de la bulle de la dette grecque et ensuite dans son explosion.

Le résultat de la crise a été la destruction de la Grèce, le capital politique de l’Allemagne et l’affaiblissement de l’Europe au nom des banques internationales et des États-Unis. (La même chose s’est produite, soit dit en passant, lors de la crise yougoslave des années 90, lorsque la politique agressive et impérialiste de l’Allemagne, de l’Autriche et du Vatican a largement contribué à la désintégration sanglante des Balkans occidentaux, pour ensuite réhabiliter le rôle des États-Unis et de l’OTAN dans les affaires européennes et détruire définitivement toute condition préalable à une politique étrangère et de défense européenne commune).

Source https://uwidata.com/11219-the-greek-program-a-colossal-failure/

1er article Comment la finance internationale et l’Allemagne ont détruit la Grèce pour créer une UE totalitaire https://www.grece-austerite.ovh/finance-internationale-et-ue-autoritaire/

https://uwidata.com/11140-how-international-finance-and-germany-destroyed-greece-to-create-a-totalitarian-eu/

Le capitalisme néolibéral ne s’autodétruira pas

Covid-19 et crise économique : le capitalisme néolibéral ne s’autodétruira pas par

Le choc du coronavirus a ébranlé les places boursières partout dans le monde et imposé la nécessité de plans de sauvetage massifs de la part des États. Mais, comme le montre ici l’économiste Costas Lapavitsas, les mesures pour faire face à la crise risquent d’ouvrir la voie à un capitalisme contrôlé de manière autoritaire, soucieux de ménager les intérêts des grandes entreprises tout en transférant les coûts vers le reste d’entre nous.

Cet article est le premier d’une série en cours de parution en anglais dans Jacobin et en catalan dans Catarsi, dans le cadre d’une recherche en cours du réseau European Research on Social and Economic Policy.

***

La situation d’urgence sanitaire liée au COVID-19 s’est rapidement transformée en une crise située au cœur même de l’économie mondiale, crise qui constitue également une menace pour les pays en développement de la périphérie. Elle a modifié l’équilibre entre État et marché, révélant une fois encore la vacuité de l’idéologie néolibérale. Cette crise économique jette une lumière crue sur le capitalisme contemporain et ses implications sont susceptibles d’aller bien au-delà des dommages causés aux systèmes de santé publique.

Les racines de la crise descendent d’ailleurs plus en profondeur dans le fonctionnement pathologique du capitalisme financiarisé et globalisé au cours des dix dernières années. La grande crise de 2007-2009 a mis un terme à « l’âge d’or » de la finance au cours des deux décennies précédentes, et les années qui suivirent furent marquées par une croissance faible au centre même de l’économie mondiale : rentabilité faible, croissance de la productivité ralentie, dynamisme de l’investissement au point mort. Le secteur de la finance rencontrait lui-aussi des difficultés, avec une rentabilité en recul, dépourvue du dynamisme extraordinaire de la décennie antérieure. Si la crise historiquement sans précédent de 2007-2009 fut le moment limite de la financiarisation, la crise tout aussi inédite du coronavirus en cristallise la détérioration.

Bien entendu, le déclenchement de la crise a directement à voir avec l’attitude des États-nations face à l’épidémie. Après avoir ignoré l’urgence médicale dans un premier temps, plusieurs États sont passés d’un seul coup au confinement frénétique de pays et de régions entières, avec restrictions sur les déplacements, fermetures des écoles et des universités, et ainsi de suite. Le choc a été dur pour des économies du centre déjà affaiblies, entre effondrement général de la demande, désorganisation de la chaîne logistique, chute de la production, licenciements de millions de travailleurs et perte de recettes des entreprises. D’où le plongeon sans précédent des principaux marchés boursiers et la panique qui s’est emparée des marchés monétaires.

On croirait assister à une résurgence de la peste noire du XIVe siècle, induisant une réaction similaire de la part des sociétés du XXIe siècle, entre peur incontrôlable et isolement des communautés. Mais la peste décima un tiers de la population d’une Europe alors constituée de monarchies féodales pauvres et arriérées. Le coronavirus, lui, présente un taux de mortalité faible dans des États capitalistes avancés au développement technologique sans égal. Le débat entre épidémiologistes n’a pas tardé à faire rage pour savoir si les mesures de confinement général étaient une réponse adéquate et soutenable, ou si les États auraient dû au contraire privilégier une campagne intensive de test des populations.

Les choix épidémiologiques ne relèvent pas de la compétence des chercheurs en économie politique. Il ne paraît toutefois pas faire de doute que les réactions de certains États et l’effondrement de l’activité économique qui en a résulté sont indissociables de la nature fondamentalement viciée du capitalisme néolibéral financiarisé. Un système économique basé sur la concurrence et la recherche du profit coûte que coûte, l’une et l’autre garanties par de puissants États, s’est montré incapable de faire face de manière sereine et efficace à un choc de santé publique d’une sévérité jamais observée jusqu’ici.

Plusieurs pays avancés manquent des infrastructures de santé de base pour prendre en charge les personnes tombées gravement malades, et sont aussi insuffisamment équipés pour tester les populations à grande échelle et protéger les personnes les plus exposées à la contamination. Le confinement et l’isolement général de secteurs entiers de la société peuvent, en outre, avoir des conséquences particulièrement graves pour les salariés comme pour les plus pauvres, les plus fragiles et les milieux les plus marginalisés. Les répercussions mentales et psychologiques seront également dévastatrices. L’organisation sociale du capitalisme contemporain s’est avérée dysfonctionnelle ne serait-ce qu’au niveau de la réponse logistique elle-même.

Mais tout aussi frappantes ont été les mesures adoptées par les États les plus puissants eux-mêmes lorsqu’il est devenu impossible d’ignorer l’ampleur de l’effondrement économique en cours. En mars, les banques centrales des États-Unis, de l’UE et du Japon ont entrepris une injection massive de liquidités et ont ramené les taux intérêts à zéro pour cent, tentant ainsi de stabiliser les marchés boursiers et de pallier la pénurie de liquidités. La Réserve fédérale américaine, par exemple, a annoncé qu’elle rachèterait des volumes illimités d’obligations souveraines et se mit même à émettre des obligations d’entreprises. Au même moment, les gouvernements des États-Unis, de l’UE et d’ailleurs, prévoyaient des politiques de relance massives prenant la forme de garanties d’emprunts et de crédit pour les entreprises, de compléments de revenus pour les travailleurs en difficulté, de reports du paiement des impôts et de la sécurité sociale, d’ajournements de règlements de dettes, et ainsi de suite.

Le gouvernement Trump, prenant une initiative extraordinaire, a annoncé qu’il entendait verser 1200 dollars par adulte, ou 2400 dollars par couple, accompagnés de versements supplémentaires pour les enfants, commençant par les familles les plus pauvres. Cette dépense faisait partie d’un arsenal de mesures pouvant dépasser les deux mille milliards de dollars, soit environ 10 pour cent du PIB des États-Unis, auxquels s’ajoutaient pour 500 milliards de prêts aux entreprises en difficulté, 150 milliards pour les hôpitaux et les personnels des services de santé, et 370 milliards de prêts et des subventions aux petites et moyennes entreprises.

De manière tout aussi extraordinaire, le gouvernement conservateur britannique a déclaré son intention de se muer, de facto, en employeur en dernière instance en versant jusqu’à 80 pour cent des salaires des travailleurs dès lors que leur entreprises les comptaient toujours parmi leurs effectifs. Ces paiements pouvaient atteindre un maximum de 2500 livres sterling par mois, soit, une somme légèrement supérieure au revenu médian. Sur sa lancée, le gouvernement britannique a nationalisé également le transport ferroviaire pour une durée de six mois et envisagé jusqu’à la nationalisation des compagnies aériennes.

Quelques jours plus tôt seulement, même des universitaires de gauche auraient considéré de telles mesures trop radicales. Les truismes de l’idéologie néolibérale des quatre dernières décennies ont été rapidement battus en brèche et l’État a émergé comme régulateur de l’économie, exerçant un pouvoir gigantesque. A gauche, beaucoup n’eurent aucun problème pour se satisfaire d’une telle intervention de l’État, pensant qu’elle signalait un « retour du keynésianisme » en sonnant le glas du néolibéralisme. Une telle conclusion paraît toutefois bien précipitée.

D’une part, l’État-nation a toujours été au cœur du capitalisme néolibéral, garantissant la domination de classe de l’ensemble du bloc entrepreneurial et financier par des interventions sélectives à divers moments-clé. D’autre part, ces interventions étaient accompagnées de mesures nettement autoritaires en enfermant les gens chez eux et en confinant des métropoles gigantesques. L’État a également montré l’étendue de ses pouvoirs de surveillance sur la société à travers la collecte de gros volumes de données numériques. Par exemple, en Israël, le gouvernement de droite a donné son feu vert au pistage des téléphones portables par les forces de sécurité afin d’informer par sms les gens qui, sans le savoir, avaient été en contact avec des patients confirmés Covid-19. Non seulement nous savons où vous êtes, mais nous connaissons mieux que vous les personnes que vous avez rencontrées.

Cet autoritarisme est pleinement conforme à l’idéologie néolibérale dominante des quatre dernières décennies. L’intervention étatique va de pair avec la fragmentation de la société au moment où les gens sont confinés chez eux et le maintien de la distance sociale devient entièrement affaire de « responsabilité individuelle ». Dans le même temps, un grand nombre de gens sont encore requis d’aller travailler en utilisant les transports publics tandis que les droits du travail sont détruits, en particulier dans un contexte d’augmentation soudaine des licenciements hors des procédures existantes et où le télétravail abolit toutes les limites de la semaine de travail.

Il est donc difficile de prévoir le chemin que prendra le capitalisme global au gré du choc induit par le coronavirus, et alors que nous vivons encore avec les effets de long-terme de la grande crise de 2007-2009. Le pouvoir colossal de l’État et sa capacité d’intervention tant sur le plan économique que social pourrait conduire, par exemple, à une forme plus autoritaire de capitalisme contrôlé dans lequel les intérêts des élites entrepreneuriales et financières seraient tout puissants. Ceci impose aux socialistes d’évaluer soigneusement et de manière critique l’attitude des États face à la crise du coronavirus.

Où en est-on ? Le point sur la crise

La première chose à faire est de procéder à un simple rappel analytique du déroulé de la crise jusqu’ici. Les crises sont toujours des évènements historiques profondément concrets qui permettent d’observer le développement institutionnel du capitalisme. Les principales étapes de la crise du coronavirus peuvent être glanées au gré d’un ensemble de publications (parfois rapidement dépassées) produites par des organisations multilatérales, la presse, etc. Ainsi :

1. Le COVID-19 est apparu en Chine à la fin de l’année 2019, mais la réaction initiale de l’État chinois a été d’une lenteur que l’on peut peut-être attribuer au manque de connaissance quant à la gravité du danger posé par le virus. D’autres États, cependant, ont été lents à réagir même après le déclenchement complet de l’épidémie en Chine. Au début du mois de mars 2020, par exemple, les cas confirmés au Royaume-Uni se limitaient encore à des nombres à deux chiffres. Pourtant, malgré l’expérience chinoise dont il aurait pu tirer quelque enseignement, le gouvernement du Royaume-Uni n’a pratiquement rien fait.

2. Le gouvernement chinois en est venu à confiner d’immenses régions du pays, et d’autres États lui ont emboîté le pas : confinement, restrictions sur les déplacements de centaines de millions de personnes. La demande dans les secteurs du tourisme, du transport aérien, de l’hôtellerie, de la restauration et les bars, s’est totalement effondrée. Dans les secteurs de l’alimentation, de l’habillement, des articles ménagers, entre autres, le demande a été également très affectée, même si le niveau d’incidence reste encore à clarifier. L’incertitude induite par le recul de la consommation a eu des répercussions négatives sur les prévisions d’investissements mais là encore, il est trop tôt pour être en mesure d’en apprécier les effets dans leur globalité.

3. Le confinement et les restrictions sur les déplacements des travailleurs ont gravement perturber les chaînes logistiques, d’abord en Chine qui fournit une grande part des facteurs production dans le monde, puis dans d’autres régions d’Asie, en Europe et aux États-Unis. Conjugué à l’affaiblissement de la demande, on a alors assisté à une contraction de la production.

4. La production en chute libre, la contraction de la demande et l’incertitude grandissante, ont anéanti le chiffre d’affaire des entreprises. Une cascade de dépôts de bilans a commencé à se profiler. Les emplois de millions de travailleurs étaient désormais menacés, en particulier dans le secteur des services, et des millions de personnes ont été licenciées au cours du mois de mars. Le recul de l’emploi a pesé sur la consommation, fragilisant un peu plus encore la production. Avec la baisse des recettes, les entreprises ont été de moins en moins en mesure de rembourser leurs dettes, le crédit commercial a disparu et à la mi-mars, les liquidités (autrement dit, l’argent sonnant et trébuchant) étaient devenues une denrée rare. Le problème du crédit a pris une dimension centrale dans la crise, pesant toujours plus sur la production et les rendements.

5. La situation en Chine permet de se faire une idée du potentiel de dévastation économique. Selon les statistiques nationales, la valeur ajoutée dans la production en janvier et en février baissa de 13,5 pour cent par rapport à la même période en 2019 (la baisse est de 15,7 pour cent pour le secteur manufacturier). En outre, les investissements, les exportations et les importations ont chuté respectivement de 24,5, 15,9 et 2,4 %. Rien qu’à elle seule, la contraction chinoise aurait eu des conséquences majeures pour l’économie mondiale. Mais avec le confinement en cours dans de nombreux autres pays, les répercussions seront d’autant plus considérables, notamment dans des secteurs tel le transport aérien ou le tourisme.

6. Pour les travailleur/ses, le contrecoup sera dévastateur. Les plus exposés seront toutes celles et ceux qui ont été rendus vulnérables par les politiques néolibérales, comme par exemple, les personnes en contrats précaires, dans l’emploi informel et dans l’auto-emploi. On pense également aux travailleurs criblés de dettes (ou sans épargne) dont l’accès aux minima sociaux et aux services publics est limité. Les femmes seront probablement plus touchées encore non seulement du fait de leur surreprésentation dans ces catégories de travailleurs mais aussi en conséquence du surcroît d’activités de soin liées aux difficultés de santé, ou à la fermeture des écoles, entre autres.

7. Les conditions globales se sont aggravées avec l’effondrement gigantesque du marché boursier déclenché par la crise. Des années durant, l’inflation de l’activité des principales places boursières dans le monde avait été démesurée et le risque d’une crise sévère était visible dès 2018. Le choc du coronavirus a entraîné une chute spectaculaire de plus d’un tiers sur la période février-mars. On a assisté alors à une restriction dramatique des liquidités qui se traduisit, à la mi-mars, par une crise du marché monétaire aux États-Unis, centre de la finance mondiale. Le choc s’était mué en une véritable crise capitaliste.

8. Avec les marchés mondiaux saisis par la peur, le flux de capital entre les pays, et notamment entre le centre et la périphérie de l’économie mondiale, s’est trouvé également affecté. Les données disponibles n’autorisent pas de conclusion définitive, mais il y a des raisons d’envisager la possibilité d’un « arrêt brutal » qui mettrait les pays en développement dans l’incapacité de payer leurs importations et le service de la dette, ouvrant alors la perspective d’une crise monétaire. Au milieu de cette agitation, une guerre des prix entre producteurs de pétrole a entraîné une baisse d’environ 50 % du prix du Brent entre la fin février et la fin mars. Cette chute vertigineuse est venue directement menacer la viabilité de toute une série de producteurs partout dans le monde, dont le secteur industriel de la fracturation hydraulique Nord-américain.

Cet enchaînement de phénomènes de crise ne prend son sens qu’au regard de l’héritage laissé par la grande crise de 2007-2009. A la suite de cette crise, le capitalisme financiarisé perdit son dynamisme dans les pays du centre, tout en se maintenant, cependant, dans des formes subordonnées au sein des pays en développement. Basées sur les données de la Banque mondiale, nos estimations suggèrent que les taux de croissance moyens au cours des années 2010-2019 étaient les plus faibles depuis quarante ans : 1,4 pour cent au Japon, 1,8 dans l’Union européenne, 2,5 pour les États-Unis, et 8,5 pour la Chine (dont la croissance a connu un ralentissement important dans la deuxième moitié de la décennie). Ces taux révèlent l’épuisement des forces motrices de l’accumulation capitaliste en particulier au cours de la dernière décennie. Par conséquent, afin de mieux comprendre les racines plus profondes de la crise, il suffit de tenir compte de certains aspects clés de la trajectoire de l’économie des États-Unis, elle-même située au cœur de la mondialisation et de la financiarisation.

Une accumulation ralentie

Pour se faire une idée synthétique de la trajectoire du capitalisme américain, le plus simple est d’observer le taux de profit des entreprises non-financières (cf. figure. 1)

Fig. 1 – Taux de profit des entreprises non-financière, États-unis, 1980–2018

La courbe du taux de profit était fortement cyclique et globalement alignée sur les fluctuations de l’économie états-unienne. Après la grande crise de 2007-2009, le taux de profit ne se rétablit que très partiellement, plafonnant en 2014 avant de décliner à nouveau. Manifestement, le choc du coronavirus est venu percuter une économie américaine déjà affaiblie et une accumulation de profit montrant des signes d’épuisement. Cette faiblesse sous-jacente se manifeste d’autres manières encore, après 2007-2009 : croissance de la productivité du travail limitée à un pour cent, stagnation de l’investissement à un niveau faible d’environ 18 pour cent du PIB, et contraction du stock de capital.

La comparaison avec la Chine, deuxième plus grande économie mondiale, est instructive. Après la crise de 2007-2009, le taux de profit moyen, en Chine, augmenta pendant plusieurs années avant de baisser en 2014. Là encore, cette faiblesse sous-jacente s’illustre de diverses façons même si l’économie chinoise resta sensiblement plus forte que celle des États-Unis. Ainsi, l’après 2007-2009 fut marqué par une augmentation de la productivité du travail de 7-8 pour cent par an, une stabilisation de l’investissement à 45 pour cent du PIB et une baisse rapide de l’utilisation des capacités industrielles. Le coronavirus est venu percuter l’économie chinoise dans l’une de ses périodes les moins fastes depuis les débuts de la transformation capitaliste.

La comparaison avec l’Union européenne dans sa globalité, plus grande que la Chine mais plus petite que les États-Unis, permet de préciser encore les choses. Après 2007-2009, la croissance de la productivité fut pire qu’aux États-Unis, en particulier pour les États de l’Union économique et monétaire européenne (UEM) dont les principaux pays restaient sous la barre de un pour cent par an (la Pologne, qui ne fait pas partie de l’UEM, se distingua du reste avec une croissance de la productivité supérieure à trois pour cent). L’augmentation de la production industrielle fut significative en Allemagne, malgré une croissance de la productivité au ralenti, dès lors que les capitalistes pouvaient continuer de tirer profit de l’avantage concurrentiel que leur procurait une longue période de régression des salaires. En 2019, cependant, son recul signala la faiblesse sous-jacente de l’économie allemande.

L’Union européenne, plombée par le cadre austéritaire de l’Euro, resta stagnante au cours de la décennie écoulée. Au cours de cette même période, un nouveau complexe industriel commença à voir le jour à l’Est de l’Europe, comme en Pologne, étroitement en lien avec l’industrie allemande. La part du travail dans le PIB stagna tandis que le capital défendait ses intérêts, excepté en Allemagne où la croissance des salaires fut notable pour la première fois depuis des décennies. En l’absence de croissance soutenue de la productivité, la compétitivité allemande déclina. Au bout du compte, le coronavirus s’est abattu sur une Europe en période de grande faiblesse économique.

Les racines de la crise économique occasionnée par le coronavirus sont à chercher dans le ralentissement de l’accumulation capitaliste de la période précédente et dont les signaux sont évidents aux États-Unis, en Chine et dans l’Union européenne. Les effets de la crise sur ces économies seront en outre très contrastés du fait de leurs structures différentes. La Chine est devenue l’atelier du monde, avec une valeur ajoutée du secteur de la production industrielle correspondant à près de 30 pour cent du PIB, chiffre qui pour les États-Unis dépasse à peine les 10 pour cent. La valeur ajoutée des services a augmenté de manière significative en Chine où l’économie a gagné en maturité, mais reste encore seulement à 50 pour cent du PIB, tandis qu’aux États-Unis, elle dépasse les 75 pour cent. Dès lors que l’épreuve du confinement pèse de manière disproportionnée sur les services, il faut s’attendre à ce que les États-Unis soient plus affectés encore que la Chine, au moins pour commencer.

Il en va de même, dans l’ensemble, pour l’Union européenne dont l’économie est largement basée sur les services, en particulier dans les pays de la périphérie méridionale tels que l’Espagne, le Portugal, ou la Grèce dont le secteur industriel est peu développé et la dépendance vis-à-vis du secteur du tourisme, forte. Le choc sera probablement plus fort encore pour l’Italie, dont l’économie est stagnante depuis deux décennies et jamais très loin de la cessation de paiement depuis 2010. Les dirigeants de l’UE ont raison de voir dans la crise du coronavirus une menace existentielle. D’où l’intervention massive de la Banque centrale européenne (BCE), mais aussi, les initiatives de plusieurs États-nations dont les dépenses face à la crise ont, en pratique, levé la cage de l’austérité dans laquelle l’Europe est enfermée.

Les labeurs de la finance

On prendra la mesure de la faiblesse du capitalisme financiarisé aux États-Unis en observant le taux de profit des banques commerciales américaines, dans la figure 2.

Fig. 2. Taux de profit des banques commerciales (rendement des capitaux propres), États-Unis, 1980-2018

Source : auteur ; données FDIC.

La rentabilité des banques commerciales américaines, pivots du système financier, atteignit des pics historiques du début des années 1990 jusqu’à la veille de la crise de 2007-2009, durant ce qui fut « l’âge d’or » de la financiarisation aux États-Unis. Deux facteurs expliquent les profits exceptionnels des banques : leur capacité à maintenir un écart substantiel entre les taux d’intérêts sur les emprunts et les taux d’intérêts sur les dépôts, et le fait d’être en mesure d’engranger d’amples honoraires et commissions au titre d’intermédiaires dans les transactions financières entre les entreprises, les ménages et d’autres entreprises financières. Après 2007-2009, la rentabilité des banques ne pouvait plus atteindre de tels pics. Cela tenait à la fois au fait que la Réserve fédérale abaissa les taux d’intérêts à zéro pour cent, comprimant alors les écarts entre intérêts d’emprunts et de dépôts, et que les honoraires et les commissions diminuèrent avec la baisse du volume des transactions financières. La rentabilité des banques connut un bref rebond en 2018, mais qui principalement n’était dû qu’à la légère hausse des taux d’intérêts par la Réserve fédérale en 2017-2018.

On obtient un éclairage supplémentaire sur la décennie post-2007-2009 en observant la trajectoire de la dette des États-Unis (Fig.3) répartie entre dette (i) des entreprises non-financières, (ii) des ménages, (iii) du gouvernement, et (iv) des entreprises financières domestiques, en proportion du PIB :

Fig. 3. Dette sectorielle aux États-Unis, en % du PIB

Source : auteur ; données Federal Reserve Bank of St Louis (FRED St Louis)

La dette privée américaine (en proportion du PIB) diminua après 2007-2009, contrairement à ce que l’avalanche de commentaires sur « l’explosion de la dette » a pu laisser entendre. Les dettes liées aux emprunts immobiliers furent nettement en recul suite aux coups portés aux ménages par la grande crise. On constata aussi une baisse de la dette du côté des entreprises financières domestiques, d’où, des possibilités moindre laissées aux banques de toucher honoraires et commissions. Inversement, la dette des entreprises non-financières commença à croître en 2015 et finit par dépasser les pics qu’elle avait atteint avant la grande crise. La montée de la dette des entreprises facilita la survie d’une multitude d’entreprises peu dynamiques à rentabilité faible et particulièrement vulnérables en cas de choc. En 2017, on estimait que ces « entreprises zombies » représentaient 12 pour cent de toutes les entreprises des quatorze économies développées. Reste à savoir comment la crise du coronavirus affectera leur capacité à rembourser leur dette, ce, compte tenu de ce que des intérêts à taux zéro font baisser les coûts de services de dettes.

Au cours de cette période, l’augmentation notoire, cependant, fut celle de la dette de l’État qui vit le gouvernement des États-Unis plus endetté qu’à n’importe quel autre moment de son histoire depuis la seconde guerre mondiale. La financiarisation qui suivit la grande crise, si tant est qu’elle ait montré un quelconque dynamisme, se mua en processus de décuplement d’un endettement d’État également lié à l’endettement des entreprises sur les marchés financiers ouverts, et parmi eux, le marché boursier. 

Le rôle de l’État et l’éclatement de la bulle spéculative

Suite à la grande crise, le gouvernement des États-Unis s’engagea dans la brèche et mobilisa ses ressources colossales pour la défense du capitalisme financiarisé et mondialisé. Surtout, il enregistra un large déficit sur l’ensemble de la décennie (mais en particulier en 2009-2012 et à nouveau en 2018-2019) soutenant ainsi la croissance du PIB tout en accroissant sa dette dans des proportions gigantesques. L’augmentation de la dette publique permit à la Réserve fédérale de soutenir un déferlement de création monétaire tout en maintenant les taux d’intérêts proches de zéro. La masse monétaire (M3) passa de 50 pour cent du PIB en 2007 à 70 pour cent en 2017-2019.

La faiblesse des taux d’intérêts et l’abondance des liquidités ont permis aux entreprises non-financières d’emprunter avantageusement sur des marchés ouverts et de pratiquer le jeu du « rachats d’actions », classique de la financiarisation, qui assure des profits élevés pour les actionnaires et rehausse le prix des actions. L’argent étant facilement disponible, d’autres opérateurs boursiers, et en particulier les fonds cotés en bourse (Exchange-Traded Funds, ETF) et les fonds spéculatifs (Hedge Funds), ont étendu leurs activités. On assista alors à une croissance progressive et soutenue du marché boursier avec un indice de Standard and Poor (S&P) passant de 735 à 3337 entre février 2009 et février 2020. Autrement dit, après 2007-2009, l’intervention de l’État américain en soutien au capitalisme financier contribua à la formation d’une bulle boursière elle-même déconnectée d’une situation sous-jacente marquée par la faiblesse de la rentabilité, des taux de croissance et de la productivité, entre autres.

Tout ceci permet de mieux comprendre le choc financier dû au coronavirus. Dès 2017-2018, il était clair que la bulle boursière ne pouvait pas durer du moment où la Réserve fédérale commença à relever les taux d’intérêts très progressivement au-dessus de zéro pour tenter de restaurer des conditions plus normales sur les marchés financiers. En décembre 2018, l’indice S&P redescendit brutalement à 2416 pendant une courte période, mais la Fed revint rapidement sur sa hausse des taux d’intérêts et la bulle reprit son cours. Pour des raisons déjà évoquées, cependant, le coup porté par le coronavirus est d’un tout autre ordre lorsque le marché boursier plonge à 2237 points le 23 mars 2020. Le S&P connut un rebond avec l’annonce d’une énorme intervention fiscale de la part du gouvernement Trump, dans un contexte de volatilité boursière forte et persistante, cependant.

Le plongeon du marché boursier révéla comment d’autres opérations spéculatives contribuaient à une forte détérioration des conditions sur les marchés financiers. La dégringolade des prix exerça une énorme pression sur les fonds cotés en bourse (ETF) et sur les fonds d’investissement alors contraints de se procurer de l’argent liquide pour honorer leurs engagements. On découvrit ainsi qu’une chaîne spéculative avait été mise en place afin de permettre à ces fonds d’emprunter sur le REPO (principal marché de liquidités entre institutions financières) en vendant des Treasury bills américains (titres à court terme) pour ensuite, avec cet argent, acheter des Treasury-bills sur les marchés à terme, tirant ainsi profit de différences de prix marginales. Les sommes concernées étaient gigantesques. Avec l’effondrement du cours des actions, les fonds vendirent leur T-bills de plus en plus précipitamment et au bout du compte, contribuèrent à la hausse des taux d’intérêts.

La Réserve fédérale dut ainsi faire face à une situation étrange de développement accéléré de la pénurie de liquidités et de montée des taux d’intérêts sur les marchés monétaires alors même que l’économie américaine avait été inondée de dollars pendant plus d’une décennie. L’absurdité capitaliste se sera rarement illustrée avec autant d’éclat. La Fed dut intervenir en urgence en promettant d’acquérir des volumes illimités d’obligations publiques et mêmes d’obligations privées, augmentant ainsi toujours plus la masse monétaire. Son intervention massive fut bientôt complétée par le paquet fiscal tout aussi massif du gouvernement des États-Unis. Une fois encore, l’État américain venait à la rescousse d’un capitalisme financiarisé en déroute.

A ce stade, il faut observer la différence entre les États-Unis et l’UE. La Commission, de manière tacite, a autorisé les États membres à ignorer le Pacte de stabilité et de croissance, tandis que de son côté, la BCE a abandonné ses règles d’acquisition d’obligations en espérant éviter un défaut de paiement italien qui précipiterait immédiatement une nouvelle crise de l’Euro. Ce sont des initiatives importantes qui ont permis aux États-nations de l’UE d’agir sans contraintes inutiles. Mais il n’y a pas eu d’intervention fiscale coordonnée de la part des institutions de l’UE ne serait-ce que lointainement comparable à celles conduites aux États-Unis ou même au Royaume-Uni.

Dans les faits, la crise a contraint l’UE à mettre en œuvre une politique économique qui contourne son propre règlement. Les États-nations sont passés à l’action jusqu’ici avec très peu de coopération ou de discipline partagée. Le problème ancien de conflits et de hiérarchie entre eux n’a pas disparu, raison pour laquelle les propositions d’émission de « coronabonds » de l’UE destinées à financer la dépense fiscale rencontrent une opposition déterminée. Si de l’argent doit être mis à la disposition d’États en difficulté, le Mécanisme européen de stabilité pourrait s’en charger en s’accompagnant de diverses conditions. Il n’y a là aucune comparaison possible avec la réponse apportée par l’État américain.

Et maintenant ?

La crise du coronavirus représente une étape critique du développement du capitalisme contemporain. Certes, cette crise n’est pas près de toucher à sa fin et on ne peut pas encore prendre la mesure de l’ensemble de ses effets sur les États-Unis, l’UE, la Chine, le Japon et les pays en développement. Mais il demeure certain qu’elle présente une menace de dépression massive de toute l’économie mondiale. L’urgence de santé publique et l’implication toujours plus grande de l’État en soutien d’un système en faillite, ont jeté une lumière crue sur les échecs systémiques de la financiarisation et de la mondialisation. Toutefois, le caractère de ses interventions ne laisse en rien imaginer une transformation au sommet de la hiérarchie politique et sociale qui se traduirait par des politiques tournées vers les intérêts de monde du travail.

La décision du gouvernement des États-Unis d’augmenter massivement son déficit (et donc son emprunt), avec, simultanément, l’accroissement de la masse monétaire disponible et l’abaissement des taux d’intérêts à zéro pour cent, est fondamentalement la même que celle prise après 2007-2009. Même si une dépression peut être évitée, les conséquences de moyen-terme sont aussi susceptibles de rester les mêmes dès lors que l’on ne se confronte pas au problème de la faiblesse sous-jacente de l’accumulation capitaliste. Mais on peut prévoir que la défense de l’ordre néolibéral stimule des contradictions politiques, compte tenu notamment des démonstrations faites du pouvoir d’intervention des États-nations dans l’économie. Ces contradictions seront particulièrement importantes au sein de l’UE où la réponse à la crise, en matière fiscale et d’urgence sanitaire est jusqu’ici venue des États-nations individuels plutôt que des institutions collectives.

Révélatrice impitoyable des faiblesses du capitalisme néolibéral, cette crise pose directement la question de la réorganisation démocratique tant de l’économie et de la société que des intérêts des travailleurs. Il est urgent de faire face au chaos de la mondialisation et de la financiarisation en mettant en avant des propositions concrètes radicales. Ce qui nécessite aussi des formes d’organisation capables de modifier l’équilibre social et politique en faveur des travailleurs.

La pandémie remet à l’ordre du jour la question vitale de la transformation sociale. Elle a illustré on ne peut plus clairement la nécessité impérative d’un système de santé publique organisé rationnellement et capable de répondre à des chocs épidémiques. Elle rappelle aussi le besoin urgent de solidarité, de l’action collective et de politiques publiques de soutien aux travailleurs et aux plus pauvres face aux épreuves du confinement, du chômage, de l’effondrement économique.

Plus généralement, elle est l’occasion de réaffirmer la nécessité historique de s’affronter à un système déclinant, prisonnier de ses propres absurdités. Incapable de sa propre transformation rationnelle, le capitalisme mondialisé et financiarisé continue de s’en remettre à des doses toujours plus fortes des mêmes palliatifs désastreux. De ce point de vue, la première priorité est la défense des droits démocratiques contre un État menaçant et la réaffirmation de la participation des travailleurs dans toute prise de décision. C’est le préalable à toute proposition d’alternative radicale, et notamment à toute mesure d’ampleur telle que l’élaboration de politiques industrielles destinées à remédier à la faiblesse de la production et à faciliter la transition verte ; visant à résoudre le problème des inégalités de revenus et de richesses, et à s’attaquer à la financiarisation par la création d’institutions financières publiques. La crise du coronavirus a déjà transformé les termes de la lutte politique et les socialistes doivent réagir sans attendre.

Traduit par Thierry Labica.

Cet article s’appuie sur certains des travaux de l’équipe de recherche mise sur pieds par le réseau EReNSEP-Ekona afin d’examiner les implications de plus long-terme de la crise actuelle. Remerciements à N. Águila et à T. Moraitis pour leurs calculs à partir des données du US Bureau of Economic Analysis (BEA). Merci à Y. Shi pour ses calculs à partir des données du registre annuel des statistiques nationales chinoises, de la Federal Reserve Bank of St Louis (FRED St.Louis) et de la Banque mondiale, et merci également à A. Medina Català, P. Cotarelo et S. Cutillas pour leurs calculs à partir des données de l’OCDE et de la BCE, et à Shehryar Qazi pour son aide dans la mise au jour de certains mécanismes spéculatifs des marchés monétaires aux États-Unis. Cet article est entièrement de la responsabilité de son auteur.

Source https://www.contretemps.eu/covid19-neoliberalisme-etatsunis-europe/

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