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Rescapés débarqués en Italie

Réunis sur le navire de l’ONG allemande, les quelque 350 rescapés du Sea Watch 4 et du Louise Michel pourront débarquer au port de Palerme en Sicile après une période de quarantaine en raison de la pandémie de Covid-19, a-t-on appris auprès d’une porte-parole.

Onze jours après son tout premier sauvetage, le Sea Watch 4 de l’ONG allemande éponyme a été autorisé, mardi 1er septembre, à débarquer ses 353 rescapés présents à bord au port de Palerme en Sicile. Covid oblige, tous – y compris l’équipage – devront d’abord passer par une quarantaine de deux semaines sur un bateau amarré à quai et mis à disposition par les autorités italiennes.

« Nous sommes très soulagés car la situation à bord se détériorait de jour en jour. Tout le monde était épuisé à commencer par l’équipage, mais aussi les rescapés qui sont vraiment poussés dans leurs retranchements pour tenir le coup », commente une porte-parole de Sea-Watch, jointe par InfoMigrants.

L’objectif est désormais de retourner en mer « aussi vite que possible », poursuit-elle. « Mais nous craignons que le navire ne soit immobilisé comme le Sea Watch 3 ou l’Ocean Viking. Cela serait un vrai désastre pour nous, d’autant plus que nous faisons en sorte de respecter toutes les instructions et les mesures sanitaires imposées par les autorités. »

Parmi les rescapés, plus de 200 ont été secourus par le Sea Watch 4 entre les 22 et 24 août. Les 150 autres ont été récupérés lors de deux sauvetages la semaine dernière effectués par le Louise Michel, un nouveau navire humanitaire affrété grâce à l’aide du célèbre graffeur britannique Banksy.

Surpeuplé de rescapés entassés dans de mauvaises conditions, le Louise Michel avait rapidement lancé un appel de détresse pour la prise en charge des migrants, déplorant même un mort à bord. Le Sea Watch 4 a alors proposé d’accueillir les rescapés du Louise Michel. Peu avant ce transfert, les garde-côtes italiens avaient également évacué 49 passagers particulièrement fragiles pour les emmener à Lampedusa.

  Selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), plus de 20 000 migrants ont perdu la vie en Méditerranée depuis 2014. Les départs depuis les côtes libyennes n’ont jamais été aussi nombreux : pour la seule période du 24 au 31 août, 650 personnes sont arrivées en Italie et plus de 400 ont été interceptées et ramenées en Libye par les garde-côtes. Au moins 359 personnes sont par ailleurs décédées ou ont été portées disparues cette année après avoir emprunté la route de la Méditerranée centrale.

https://www.infomigrants.net/fr/post/26981/les-rescapes-du-sea-watch-4-et-du-louise-michel-autorises-a-debarquer-en-italie

La Grèce, la Turquie et la stratégie du chaos

Par Dimitris Konstantakopoulos

De nombreuses forces dans le monde entier sont maintenant conscientes du risque d’une guerre contre l’Iran au Moyen-Orient. De ce fait, une guerre contre l’Iran, bien qu’elle reste un scénario à forte probabilité, a moins de chances d’éclater que d’autres conflits, qui attirent moins l’attention, mais dont les conséquences potentielles sont tout aussi ou même plus importantes. L’un d’entre eux est le conflit gréco-turc. Une guerre entre la Grèce et la Turquie conduirait très probablement à des destructions importantes des deux pays, ne laissant aucun vainqueur et produisant d’énormes conséquences géopolitiques, non seulement pour la Méditerranée orientale, mais aussi pour l’UE, la Russie, la Chine et l’OTAN.

Récemment, nous avons eu un exemple clair du potentiel déstabilisant du conflit gréco-turc avec la montée des tensions en Méditerranée orientale, mais aussi lorsque le secrétaire d’État et principal néocon pro-Israël Mike Pompeo est intervenu dans le conflit pour faire sauter le moratoire gréco-turc, négocié par la chancelière Merkel.

Par ailleurs, si une guerre contre l’Iran correspond aux besoins « locaux » des extrémistes du néocon (Pompeo, Netanyahu, Thiel, groupe Bannon ayant une influence déterminante sur Trump), leur programme n’est pas local. Ils doivent faire entrer le monde entier, par un chaos généralisé, dans une situation de « guerre mondiale au ralenti », de « faible intensité ».  Ils en ont besoin car sinon ils ne peuvent pas battre, par une attaque frontale, la Russie, la Chine ou même des rivaux de classe inférieure.  Ils ont absolument besoin de chaos, de guerre et de confusion parce que c’est la seule façon pour eux de rester au pouvoir. Ils se sentent obligés de faire tout ce qu’ils peuvent maintenant, alors que Trump, leur instrument dans la plupart des cas, reste à la Maison Blanche et que Netanyahu est toujours au pouvoir.

Le modèle Kissinger

Certains observateurs comparent déjà la hauteur des tensions qui se développent dans la région avec celle de la crise gréco-turque de 1974, provoquée par le secrétaire Henry Kissinger (l’ancêtre des Néocons actuels) dans le but de détruire la République de Chypre (située près des côtes israéliennes, dans une des positions les plus stratégiques de la Méditerranée) et son indépendance.

Pour imposer sa politique téméraire et risquée à une administration américaine réticente et organiser à la fois le coup d’État à Chypre et l’invasion turque de l’île qui s’ensuivit, Kissinger, qui avait déjà concentré entre ses mains les pouvoirs de secrétaire d’État, de conseiller à la sécurité nationale et de chef du Comité des Quarante, a profité du vide du pouvoir à Washington, car le président Nixon, gravement attaqué à cause du Watergate, ne pouvait guère exercer de contrôle sur la politique étrangère. Une situation comparable prévaut maintenant à Washington, alors que tous les esprits sont concentrés sur la prochaine élection présidentielle. Non seulement l’administration américaine mais aussi l’establishment occidental en général sont profondément divisés, une situation qui peut faciliter l’action de forces ayant en leur sein un agenda radical caché.

Nous avons récemment eu l’occasion de voir comment les deux tendances opposées de l’establishment occidental s’affrontent indirectement, lorsque la chancelière Merkel a négocié un moratoire entre la Grèce et la Turquie, pour voir le secrétaire Pompeo (un néoconservateur de premier plan) intervenir deux jours plus tard pour rendre possible un accord gréco-égyptien sur la délimitation des zones maritimes qui a été négocié pendant 15 ans, un accord pour lequel ni les États-Unis ni Pompeo lui-même n’avaient montré d’intérêt auparavant. L’accord était pleinement conforme aux dispositions du droit international de la mer et même le gouvernement grec a été critiqué à l’intérieur du pays pour sa trop grande mollesse dans la défense des intérêts nationaux grecs. Mais M. Erdogan a considéré qu’il s’agissait d’une provocation, dans le style trop maximaliste habituel des réactions turques, et le moratoire de Merkel s’est effondré. S’agit-il d’un jeu entre la Grèce et la Turquie, ou d’un jeu entre Merkel et Pompeo ? Nous rappelons à nos lecteurs qu’il n’y a pas eu une seule guerre, crise ou même un seul accord de paix gréco-turc au cours du siècle dernier qui ait été finalement planifié à Athènes ou à Ankara. Tous ont été planifiés de l’extérieur de la région, mais exécutés par des Grecs et des Turcs.

Envoi de faux signaux

Une autre méthode utilisée systématiquement par la Grande-Bretagne et les États-Unis depuis 1955 consiste à envoyer de faux signaux à Athènes et Nicosie afin de les pousser à des actions qui justifieraient la réaction turque souhaitée, et donc d’exacerber la crise. En mars 1974, le dictateur grec (CIA et Gladio imposés) Ioannides a dit au célèbre armateur grec Onassis « Les Américains m’ont dit : sortez le prêtre (l’archevêque Makarios, alors président chypriote) et vous aurez Chypre », selon un associé d’Onassis à l’époque. En visite à Chypre en mai 1974, Kissinger lui-même a dit à Makarios « Monseigneur, vous êtes un trop grand chef pour un si petit endroit » (alors que les plans pour le tuer étaient déjà en place). Cette remarque a probablement encouragé Makarios à se montrer plus courageux avec la junte d’Athènes, ce qui a précipité le coup d’État et la tentative d’assassinat (ratée) contre lui.

(Makarios a rencontré Gromyko à Chypre, probablement pour s’assurer qu’il n’aurait pas de surprises de la part de Moscou, Nikita Khrouchtchev étant intervenu en 1964 pour empêcher une autre invasion turque prévue).

Dans le passé, de faux signaux ont été envoyés principalement à la partie grecque du conflit, la politique étrangère turque étant calibrée pour servir les intérêts américains, britanniques et israéliens. Aujourd’hui, la situation dans la région a changé, de sorte que de faux signaux peuvent être envoyés non seulement à Athènes et Nicosie, mais aussi à Ankara.

Il est très difficile d’interpréter, par exemple, la grande appréciation et le soutien que M. Trump exprime à l’égard de M. Erdogan. M. Trump est le président américain qui a fait plus pour les faucons israéliens que tous les présidents américains (pro-israéliens par ailleurs) dans l’histoire, et M. Netanyahu lui-même a reconnu à plusieurs reprises sa contribution et a qualifié la relation spéciale entre lui et le président américain d’opportunité historique pour son pays, qui ne se présente qu’une fois sur plusieurs décennies. Mais comment expliquer que M. Trump se présente comme le meilleur ami de M. Nétanyahou et de M. Erdogan ? Est-il possible qu’Israël et les États-Unis souhaitent une position dominante de la Turquie en général et de la Turquie d’Erdogan en particulier dans la Méditerranée ?

Quoi qu’il en soit, les élites politiques et militaires grecques et chypriotes croient (ou du moins prétendent croire) qu’elles bénéficient d’un fort soutien de la part d’Israël, et M. Erdogan pourrait être tenté de croire qu’il bénéficie également du fort soutien de M. Trump. Tous les êtres humains (et les hommes politiques partagent après tout aussi un minimum de caractéristiques humaines) ont tendance à croire plus facilement ce qui correspond à leurs besoins, et non les vérités qui peuvent être difficiles et douloureuses. Les conséquences de ces perceptions peuvent avoir des conséquences graves, dans cette situation particulière encourageant les deux parties au conflit à s’affirmer davantage.

EastMed et l' »alliance » grecque – israélienne

Le projet de gazoduc EastMed (Israël – Chypre – Grèce – Italie) ainsi que la fanfaronnade sur une « alliance » gréco-chypriote-turque ont également joué un rôle énorme dans la perception des deux parties au conflit et ont ainsi contribué à pousser Erdogan à passer d’une politique assez prudente envers la Grèce pendant de nombreuses années à l’adoption de l’approche traditionnelle trop maximaliste des gouvernements antérieurs, pré-AKP. Cela a été encore plus facile, car au cœur de l’idéologie nationale turque se trouve le traumatisme de l’expédition grecque de 1921 en Asie Mineure. Cette expédition a été provoquée par les encouragements britanniques et français à Athènes afin d’empêcher Kemal d’obtenir le pétrole de Mossoul. Mais lorsque les Britanniques et les Français ont atteint leur but, ils n’ont rien fait pour empêcher l’extinction de l’énorme présence grecque en Asie Mineure, depuis des temps immémoriaux, car la priorité de Londres et de Paris était désormais d’empêcher la Turquie de toute nouvelle alliance avec l’URSS et aussi de donner une des côtes aux Turcs, pour que les Grecs n’aient pas le « monopole » du contrôle de la mer Égée, qui est la continuation du détroit.

 Il est bien sûr aberrant de comparer la situation actuelle à celle qui prévalait en 1921-22 ; mais les clichés nationaux sont très difficiles à faire disparaître et continuent d’avoir une influence longtemps après que les conditions qu’ils ont créées se sont éteintes. La Turquie craint une sorte d' »encerclement » par l’Occident, la Grèce et Israël, bien que cela ne soit guère possible, et cela contribue à ce qu’Ankara développe ses réactions habituelles, trop maximalistes et assez primitives. Aujourd’hui, la diplomatie turque a tout mis à l’ordre du jour. Ils ont signé un accord avec la Libye qui ne reconnaît aucun droit, même sur les grandes îles grecques comme la Crète ou Rhodes. Si l’on suit cette logique, la Grande-Bretagne, les Philippines, la Nouvelle-Zélande ou l’Indonésie, par exemple, ne devraient avoir aucun droit sur les mers qui leur sont adjacentes. Ankara demande la démilitarisation des îles orientales de la mer Égée et conteste la souveraineté grecque sur certaines des îles de la mer Égée qui sont grecques depuis longtemps. Ces positions rendent un accord impossible, ce qui nous rapproche d’un conflit. Si un gouvernement grec décide de succomber à de telles exigences, il tombera en quelques heures. Imaginez maintenant par exemple l’effondrement du système de gouvernement grec alors que deux forces aériennes et navales très puissantes s’affrontent en Méditerranée orientale, et vous aurez un aperçu du potentiel de situations extrêmement dangereuses et incontrôlables qui pourraient survenir

L’ironie et aussi la tragédie de la situation consistent dans le fait que ni l’oléoduc EastMed ni une « alliance » gréco-chypriote-israélienne n’existent en réalité !  Aucun hydrocarbure suffisant pour financer le coût énorme du pipeline le plus difficile techniquement au monde n’a été découvert. L’Italie, l’acheteur théorique du gaz à transférer par le gazoduc, n’a pas signé les accords correspondants. Israël a écarté toute idée de sécurisation du gazoduc. Les prix des combustibles fossiles sont écrasants pour des raisons systémiques et l’Europe fait l’autruche, mettant en danger la viabilité de nombreux pays du Moyen-Orient (http://www.defenddemocracy.press/there-is-a-historic-change-taking-place-in-the-middle-east-the-decline-in-power-of-the-oil-states/). Lorsque j’ai demandé à un fonctionnaire du gouvernement grec pourquoi il continuait à travailler sur ce projet, il m’a répondu qu’il savait aussi que l’oléoduc ne semblait pas viable, mais qu’ils continuaient à travailler pour « maintenir en vie l’alliance gréco-israélienne ». En réalité, une telle « alliance » n’existe pas.  Le mot « alliance » est utilisé en Grèce et à Chypre, pas en Israël, et est utilisé pour justifier, en termes nationaux (alliance contre la Turquie), à une opinion publique plutôt réticente pourquoi Athènes et Nicosie suivent une politique pro-israélienne contraire à leur tradition.

Au mieux, il y a une coopération renforcée. Une grande partie de cette coopération implique des concessions unilatérales de la Grèce à Israël. L’élite politique grecque, y compris SYRIZA, est plus que jamais dépendante des États-Unis et d’Israël pour sa politique étrangère et de défense, et de l’Allemagne pour sa politique économique. Mais, étant donné le passé de la Turquie, il est impossible qu’elle n’abrite pas aussi d’énormes forces influencées par les Américains et les Israéliens, malgré les ouvertures d’Erdogan à la Russie, à la Chine et à l’Iran. Instinctivement, nous dirions qu’on a plus de chances de les trouver dans les tendances panislamistes et dans les nationalistes extrêmes et primitifs.  Ces tendances sont le genre d’opposant que l’Occident et Israël préfèrent avoir.

Mais si l’oléoduc EastMed n’a pas beaucoup de substance et l' »alliance gréco-israélienne » peu de contenu, du moins un contenu susceptible de constituer une menace sérieuse pour la Turquie, ils sont tous deux très efficaces pour réveiller le nationalisme turc et contribuent grandement à accroître le niveau d’hostilité entre la Grèce et la Turquie.

Quant aux hydrocarbures dans la zone entre la Grèce, Chypre et la Turquie, il y a plus de discussions et de rumeurs que de gisements avérés. En tout cas, un accord entre les pays est nécessaire pour les exploiter. Toute idée d’exploitation unilatérale et arbitraire provoquera une guerre, d’une manière ou d’une autre, et le coût de cette guerre sera la destruction des deux pays.

Aucune victoire grecque ou turque possible

En effet, il existe entre la Grèce et la Turquie ce que l’on peut appeler un « équilibre de la terreur » conventionnel, car les deux pays possèdent deux forces armées très puissantes dotées d’armes extrêmement destructrices. Même si l’un des États décide de lancer une frappe « préventive » par surprise, il sera impossible de détruire la capacité de l’autre à contre-attaquer, même avec un faible pourcentage de sa force restante, ce qui entraînera des coûts inacceptables pour l’autre État. Les institutions politiques et militaires grecques et turques ne seront pas en mesure de faire face à une catastrophe militaire. Une contre-attaque sera donc le scénario le plus probable. La population des deux pays et leur activité économique sont concentrées dans quatre grands centres urbains (Athènes, Salonique, Istanbul, Izmir). Elles sont bien défendues, mais aucune défense n’est capable d’arrêter tous les avions et les missiles d’un adversaire déterminé à attaquer sans en contrer le coût (comme il l’aura déjà subi). Même dans le scénario improbable où Athènes ou Ankara tentent de contenir leurs forces armées, il est peu probable qu’elles y parviennent dans les conditions que nous décrivons.

Existe-t-il des forces dans l’establishment mondial pour promouvoir un tel scénario de guerre ? Nous ne pouvons pas donner de réponse. Mais une façon de l’explorer est d’examiner ce qui pourrait se produire à la suite d’un tel conflit ou, pour être plus précis, ce qui peut être perçu aujourd’hui comme le résultat possible d’un conflit, car « la guerre est le père de tout », et les résultats finaux peuvent être très différents des intentions : lorsque les Américains ont organisé le coup d’État à Kiev, ils ne s’attendaient pas à ce que l’armée russe arrive en Syrie !

Bien sûr, nous devons garder à l’esprit que si quelqu’un profite d’un « crime », ce n’est pas une preuve qu’il l’a commis !

Dans notre prochain article, nous examinerons les principales conséquences régionales et internationales d’un conflit majeur entre la Grèce et la Turquie.

Source http://www.defenddemocracy.press/greece-turkey-and-the-chaos-strategy/

Traduit avec www.DeepL.com/Translator (version gratuite)

Vers la socialisation du secteur bancaire

France : Faire cesser le scandale des frais bancaires et aller vers la socialisation du secteur bancaire

22 août par Eric Toussaint , Isabelle Mauzat , Bernard Dantec , Véronique Danet , Alexis Corbière

Le vendredi 21 août à 16h15 avait lieu la conférence des AMFiS2020 (université d’été de la France Insoumise) « Faire cesser le scandale des frais bancaires et progresser dans la création d’un pôle public bancaire » avec :

Éric Toussaint (porte-parole international du Comité pour l’abolition des dettes illégitimes)
Isabelle Mauzat (ex-présidente des prud’hommes de Cergy),
Bernard Dantec (CGT banques-assurances),
Véronique Danet (groupe banques LFI)
Alexis Corbière (député LFI)

Source https://www.cadtm.org/France-Faire-cesser-le-scandale-des-frais-bancaires-et-aller-vers-la

Restrictions du droit de manifester

Grèce. Le gouvernement Mitsotákis associe l’extension des contre-réformes néolibérales à une attaque directe aux droits démocratiques
Manifestation à Athènes le 9 juillet 2020 contre la loi visant le droit à manifester

Par Katerina Sergidou

Depuis l’arrivée de la crise économique de 2008-2009, peut-être aucune autre ville d’Europe n’a connu autant de manifestations et d’attaques policières qu’Athènes. Le peuple grec, la gauche dans toutes ses variantes et les mouvements sociaux se sont battus avec acharnement. Ils ont encerclé le parlement. Ils ont défendu leurs maisons contre les banques cherchant à les exproprier sous le prétexte de retard dans le paiement des intérêts hypothécaires. Ils ont manifesté contre les atteintes à la législation du travail, au droit de grève. Ils se sont mobilisés contre les mémorandums de la troïka (FMI, BCE et Commission européenne) et la politique des créanciers faisant de la Grèce une sorte de protectorat. Ils se sont battus contre la privatisation des ressources: des terres à l’eau, en passant par l’électricité. Ils ont proclamé un OXI (NON) lors du référendum de juillet 2015, même si ce non et devenu un OUI, sous la bannière du gouvernement d’Alexis Tsipras. Grèves, manifestations, protestations, célébrations, occupations: les rues d’Athènes et d’autres villes, d’une manière ou d’une autre, ont été très «indisciplinées» au cours des 12 dernières années, surtout durant la période allant de la révolte des jeunes en 2008 jusqu’au référendum de juillet 2015.

Nous rappelons qu’entre 2012 et 2014, le pays a connu 40 journées de mobilisations et grèves dites générales. Bien que les coups portés au peuple grec aient été très durs depuis l’arrivée au gouvernement, le 9 juillet 2019, de Kyriákos Mitsotákis – à la tête du parti conservateur de la Nouvelle Démocratie – il était clair que, peu à peu, les manifestations et actions de résistance allaient se multiplier.

Face aux conséquences socio-économiques très profondes de la pandémie de Covid-19, les premières manifestations de «colère sociale» – malgré toutes les difficultés inhérentes au poids du chômage et de la précarité dans la vie quotidienne et aux politiques répressives (en fin mai 2020, des travailleurs du secteur touristique, paralysé par le confinement, ont été fortement réprimés par la police lors d’une manifestation) – se constituaient comme des éléments nécessaires à une possible nouvelle phase des luttes sociales et politiques.

La réponse du pouvoir à cet environnement instable réside dans la quasi-interdiction des manifestations. Le gouvernement de droite et son ministre Michalis Chrisoxoidis (anciennement membre du PASOK) ont proposé une loi qui restreint sérieusement le droit de manifester. Le Parlement grec a approuvé le projet de loi le jeudi 9 juillet 2020, avec le soutien de 187 députés (Nouvelle Démocratie, KINAL (ex-Pasok) et l’ultra-droite), alors que 101 ont voté contre (Syriza, KKE, MERA25-Varoufakis). Bien que Syriza ait exprimé une opposition parlementaire au cours des derniers jours, la direction de Syriza ne voulait pas s’engager à organiser une riposte des secteurs de la société. L’essentiel du poids d’une réplique à cette expression renouvelée d’une politique autoritaire a reposé sur les épaules d’un secteur syndical et de la gauche radicale, même s’ils n’ont pas accès aux médias.

La loi permet aux autorités de limiter et de déterminer les itinéraires des manifestations. Un des piliers de cette contre-réforme est de pouvoir interdire les manifestations qui, selon la définition des autorités, peuvent entraver la circulation ou limiter l’activité commerciale dans les villes. La loi prévoit une nouvelle figure socio-juridique, celle de «l’organisateur» de la manifestation. Il sera contraint de collaborer avec la police pour garantir le caractère pacifique de la manifestation et, au final, il sera responsable de tout dommage survenu. En outre, toute manifestation non approuvée sera considérée comme un crime et, à ce titre, des mesures seront prises contre les organisateurs désignés par les forces de police. La loi prévoit également des peines de prison pour les organisateurs des manifestations en cas de «troubles», même si ces derniers sont le fait de groupes n’ayant aucun lien avec la manifestation.

Alors que le parlement votait sur «la loi de la dictature», comme la qualifie le mouvement dans les rues d’Athènes, le jeudi 9 juillet, la police a dispersé avec des gaz lacrymogènes ceux qui protestaient contre la nouvelle loi. Les policiers, sur des motos, ont frappé des manifestant·e·s et ont arrêté des nombreuses personnes.

Les journées de protestation du 7 au 9 juillet ont occupé plusieurs rues de la capitale et de 40 villes grecques. On estime que plus de 10’000 manifestants pacifiques ont défilé dans le centre d’Athènes. Les mobilisations contre la loi ont été appelées par les syndicats, par le Comité pour la liberté de manifester (composé des forces de la gauche radicale sauf le Parti communiste), le Parti communiste (KKE), d’autres partis d’opposition et des associations d’étudiant·e·s. Le Comité pour la liberté de manifester est au cœur de ces protestations. Depuis plusieurs jours, il appelle à de nouvelles actions pour défendre les manifestants arrêtés.

La lutte pour défendre nos droits démocratiques sera longue. Annuler, dans la réalité concrète, l’application de cette loi constituera une épreuve qui va se répéter. En réalité, le gouvernement revient de plus en plus à des méthodes de la dictature bien qu’il tente de présenter un visage plus libéral. Le régime craint que la société – ou des secteurs de cette dernière – exprime sous diverses formes le rejet des conséquences des décisions inspirées par le processus de contre-révolution néolibérale. Le gouvernement s’attaque à l’attachement populaire aux droits démocratiques. Il affirme que si les salarié·e·s des hôpitaux – qui ont ironiquement applaudi le gouvernement fin juin et qui durent face faire à la police – veulent faire grève, ils doivent lui en demander la permission. Il affirme que si des millions de personnes descendent dans la rue pour manifester contre les coupes budgétaires, au même titre où ils l’ont fait de 2012 à 2014, ils doivent nommer officiellement «un organisateur responsable». Il proclame que si nous, féministes, voulons organiser une manifestation devant les tribunaux pour défendre la mémoire de nos sœurs assassinées, comme dans le cas d’Eleni Topaloudi (violée, torturée et assassinée en novembre 2018 sur l’île de Rhodes), nous devons demander la permission. Il nous dit que si les habitants de Volos veulent défendre l’eau de leur terre contre la privatisation – entre autres comme ils l’ont fait le 13 juin, malgré la répression policière qui a fait un mort le jour suivant – ils doivent demander la permission de manifester.

Dans les mois à venir, il est crucial d’élargir la coalition qui défend les droits démocratiques au sens large, la liberté et la «démobilisation» d’une police qui renoue toujours plus avec sa tradition répressive. Il est dès lors important de gagner de plus en plus de couches de la société à agir pour dans ce but; ce qui implique une jonction concrète entre les besoins et les droits sociaux qui en découlent et la défense des droits démocratiques. (15 juillet 2020; traduction-édition rédaction A l’Encontre)

Katerina Sergidou, militante du DEA, membre de l’Assemblée 8M, Athènes et chercheuse en anthropologie sociale à l’Université Panteion

Source http://alencontre.org/europe/grece/grece-le-gouvernement-mitsotakis-associe-lextension-des-contre-reformes-neoliberales-a-une-attaque-directe-aux-droits-democratiques.html

Grèce : les migrants du camp de Malakasa dans l’impasse

Dans le camp de Malakasa situé près d’Athènes, les migrants ont tout le mal du monde à entamer une procédure de demande d’asile. Un Gambien arrivé au mois de mars a accepté de raconter par SMS sa situation à InfoMigrants.

Robert* n’a que 33 ans mais sa vie semble à l’arrêt. Depuis six mois, le Gambien vit dans le camp de Malakasa près d’Athènes. Peu après son arrivée, le camp a été placé en quarantaine après qu’une personne y a été testée positive au coronavirus.

Malakasa est divisé en deux nouvelles sections. Robert se trouve à Malakasa 2, un terrain militaire qui longe Malakasa 1. Les deux sites sont officiellement gérés par les autorités grecques, avec le soutien de l’OIM, l’Organisation internationale pour les migrations.

Les migrants vivent dans des conteneurs et dans des tentes sous lesquelles il fait actuellement très chaud. Robert craint que ces tentes n’offrent pas suffisamment de protection en hiver. « La Croix-Rouge fait de son mieux pour assurer des soins médicaux… Les autorités nous ont donné des masques et du savon. Mais la nourriture est très mauvaise, à tel point que l’on ne prend que ce qu’ils nous donnent les dimanches et les mercredis », a-t-il confié à InfoMigrants.

« Le mercredi c’est du poulet et du riz. Autrement, c’est des haricots tous les jours, alors les gens ne les prennent pas. On a faim la plupart du temps. »

« Nous leur avons demandé de nous donner l’argent, on peut se faire à manger nous-mêmes. Reste que nous n’avons pas de cuisine et ils nous empêchent de cuisiner parce que nous sommes sur un terrain militaire. Au début, l’OIM était responsable de la nourriture et c’était beaucoup mieux. Le gouvernement a coupé les dépenses, alors l’OIM a décidé de ne plus payer de nourriture avec l’argent que le gouvernement dépense chaque jour par migrant. C’était dix euros, puis ils ont réduit à cinq euros. »

Prises de rendez-vous par Skype 

Le principal défi pour les migrants de Malakasa est de pouvoir s’enregistrer. Quand Robert a contacté InfoMigrants, il a expliqué que les autorités avaient informé le camp que chacun devait s’occuper lui-même de son rendez-vous pour informer le service d’asile grec (GAS) de sa volonté de faire une demande d’asile.

Pour cela, il fallait passer un appel avec son smartphone via l’application de vidéoconférence Skype.

L’appel ne peut se faire uniquement à certaines heures avec un identifiant Skype. Ce créneau horaire disponible dépend de la langue que parle la personne et selon le lieu où elle se trouve, que ce soit Thessalonique, Athènes ou en Crète. (Sur les autres îles grecques, la procédure est différente)

« Cela a empêché beaucoup de personnes de faire leur demande d’asile. Les jours et les créneaux horaires prévus n’étaient pas suffisants. Par exemple, les migrants parlant le français et l’anglais ne peuvent appeler que les mercredis de 8 à 9 heures du matin. Se frayer un chemin pour déposer une demande d’asile est difficile ».

« C’est très frustrant. Seule une poignée de personnes savent comment se servir d’internet. Il y ici a beaucoup de gens vulnérables qui ont besoin d’être protégés. J’ai déjà tenté trois fois de prendre un rendez-vous sur Skype mais la ligne est toujours occupée. Je vais encore devoir essayer mercredi prochain. »

Pour trouver de l’aide et des information concernant l’enregistrement : https://www.mobileinfoteam.org/skype

C’était en juillet. Depuis, trois mercredis supplémentaires sont passés et Robert n’a toujours pas réussi à joindre quelqu’un. Fin juillet, il n’avait toujours pas rempli un seul document en lien avec la procédure d’asile. Alors le sentiment de frustration s’empare de plus en plus du camp et les migrants demandent une réaction de l’OIM.

« Quand j’ai demandé à l’avocate de l’OIM, elle a dit que le gouvernement était encore supposé faire quelque chose concernant notre cas et qu’il fallait laisser les gens prendre leur rendez-vous via Skype. Si les autorités nous aidaient à faire nos demandes, nous pourrions trouver du travail. Mais en attendant, nous sommes ici à attendre, sans aucune annonce des autorités. »

« En tant qu’organisation d’aide aux migrants, qu’a fait l’OIM pour persuader le ministère de la migration d’envoyer une équipe à Malakasa pour accélérer nos procédures d’asile ? Ça devient frustrant. Ça fait presque six mois que nous sommes ici. Rien n’a été fait et il y a des personnes vulnérables qui ont besoin d’assistance. »

InfoMigrants a soumis les questions de Robert à l’OIM. Voici la réponse d’un porte-parole de l’agence onusienne datant du 24 juillet :

« Il y a quelques mois, le gouvernement grec a voté une loi dont le but était entre autres d’accélérer les procédures d’asile. Selon de récentes annonces du ministère de la Migration et de l’Asile, le nombre de demandes d’asile traitées a augmenté en 2020 comparé à 2019. A cause du grand nombre de demandes en suspens, des délais persistent, mais des avancées pour accélérer les procédures ont été réalisés. »

Sur recommandation de l’OIM, nous avons posé la même question au service d’asile grec, mais nous n’avons pas reçu de réponse à ce jour, jeudi 13 août 2020.

Concernant le système de pré-enregistrement via Skype, le porte-parole de l’OIM nous a redirigés vers un système d’enregistrement en ligne lancé par le GAS en avril. L’application est disponible en anglais et en grec et l’OIM dit mettre à disposition du Wi-Fi et un soutien juridique dans les camps. Néanmoins, avant de soumettre son dossier en ligne, il faut être pré-enregistré et disposer d’un numéro d’identifiant, ce qui veut dire qu’il est toujours nécessaire de prendre un rendez-vous via Skype.

Nous avons aussi demandé à l’OIM de réagir aux craintes concernant le manque de nourriture à Malakasa 1 et 2. Le porte-parole a confirmé que c’est bien l’armée grecque qui s’occupe de la distribution de repas dans la section Malakasa 2, tout en ajoutant :

« A Malakasa 1, le nombre de demandeurs d’asile non enregistrés et de réfugiés a considérablement augmenté ces dernières semaines. L’OIM fait de son mieux pour aider un maximum de familles vulnérables qui vivent dans des tentes improvisées. L’OIM distribue plus de 700 paniers de nourriture par semaine et coordonne d’autres distributions avec des organisations bénévoles. »

* Son prénom a été modifié

Traduction : Marco Wolter

Source https://www.infomigrants.net/fr/post/26757/grece-les-migrants-du-camp-de-malakasa-dans-l-impasse?fbclid=IwAR1yy6o5vqAKFhfHCuYxP5SpvrAJe-EYsCOIcRn79Cn_6Xm6812-YcK1Ba8

Interview d’Olivier Delorme sur le conflit Grèce-Turquie

Olivier Delorme: « Des frégates turques violent tranquillement tous les jours l’espace maritime grec »

23 août 2020 :  En duplex de Grèce, l’historien et essayiste Olivier Delorme spécialiste de la Grèce et des Balkans qui vit lui-même sur une petite île grecque décrypte le conflit entre la Grèce et la Turquie qui ne cesse d’empirer au fil des jours et nous en donne une analyse bien différente de ce que l’on entend en France. Passionnant !

A 12m40

Les retraités attendent les paiements

Par ROULA SALOUROU

La Cour des comptes, la plus haute juridiction fiscale de Grèce, devrait finalement donner son feu vert en septembre pour le remboursement de quelque 1,4 milliard d’euros de réductions des pensions que les tribunaux ont jugées anticonstitutionnelles.

Cet argent concerne les réductions des pensions qui ont été effectuées en 2012, lorsque le deuxième mémorandum a été signé entre la Grèce et ses créanciers – la Commission européenne, la Banque centrale européenne et le Fonds monétaire international.

Trois ans plus tard, le Conseil d’État, la plus haute juridiction administrative grecque, a déclaré ces réductions anticonstitutionnelles.

La législation a limité le remboursement des réductions des pensions couvrant la période allant de juin 2015, date de la décision de la cour, à mai 2016, date à laquelle une nouvelle législation a consacré les réductions d’une manière qui a rendu impossible une contestation juridique. Et le remboursement ne concerne que les pensions principales, et non les pensions auxiliaires versées par des fonds sectoriels ou même des fonds propres aux employeurs qui ont été investis.

Dans un premier temps, le gouvernement versera 900 millions d’euros aux retraités du secteur privé. La Cour des comptes doit encore se prononcer sur le remboursement de 500 millions d’euros aux fonctionnaires retraités. Mais cet arrêt, qui doit être suivi d’un vote parlementaire autorisant la dépense, devrait intervenir prochainement.

Le nombre total de bénéficiaires des secteurs privé et public est estimé à 1 million, de sorte qu’aucun retraité ne verra son patrimoine augmenter de manière significative. Mais comme le gouvernement avait auparavant promis que tout le monde serait payé à l’automne, en une seule fois, et qu’il a justifié cela en invoquant la crise économique provoquée par la pandémie, cela semblait être une bonne injection.

Seul le gouvernement a maintenant des doutes : Il veut toujours verser l’argent en 2020, mais très probablement en deux versements, l’un d’ici la fin septembre et l’autre d’ici la fin de l’année.

Tous les retraités remboursés renoncent, de par la loi, à toute demande de remboursement partiel des réductions des pensions auxiliaires, également effectuées en 2012, ou des soi-disant « 13e et 14e salaires », d’un mois entier de salaire comme prime de Noël et des primes bimensuelles accordées autour des vacances de Pâques et d’été.

Les coupes dans ces deux catégories ont été jugées inconstitutionnelles. Cette disposition ne s’applique pas à ceux qui ont déjà contesté juridiquement les réductions.

Source https://www.ekathimerini.com/256028/article/ekathimerini/news/pensioners-await-payments

Expulsions de demandeurs d’asile

Expulsions de demandeurs d’asile : la Grèce « a profité du Covid pour durcir sa politique migratoire »

Par Julia Dumont

Dans une récente enquête, le New York Times affirme que la Grèce a expulsé illégalement plus de 1 000 demandeurs d’asile hors des frontières européennes au cours des derniers mois. Interrogé par InfoMigrants, Matthieu Tardis, chercheur au Centre migrations et citoyennetés de l’IFRI, ne se dit pas particulièrement surpris par ces faits.

L’enquête publiée par le New York Times vendredi 14 août confirme les témoignages recueillis ces derniers mois par InfoMigrants sur des refoulements d’embarcations de migrants par des garde-côtes grecs en mer Égée.

Le quotidien américain a pu interroger plusieurs personnes ayant été victimes de ces refoulements illégaux alors même que certains se trouvaient déjà sur le sol grec. C’est le cas d’une demandeuse d’asile syrienne qui affirme avoir été interpellée fin juillet dans le centre de détention de Rhodes, en compagnie de 22 autres personnes, dont 2 bébés. Elle explique qu’ils ont été abandonnés en mer sur une embarcation de fortune sans moteur et secourus par les garde-côtes turcs.

Selon cette enquête, des migrants ont également été contraints de monter dans des canots de sauvetage percés et laissés à la dérive à la frontière entre les eaux turques et grecques, tandis que d’autres ont été laissés à la dérive dans leurs propres embarcations après que des fonctionnaires grecs ont débranché leurs moteurs.

Le New York Times a également recueilli le témoignage de Amjad Naim. Cet étudiant palestinien de 24 ans a raconté au quotidien qu’en mai dernier, alors qu’il approchait des côtes de Samos avec un groupe de 30 personnes, leur embarcation a été interceptée par des garde-côtes grecs. Ces derniers ont transféré les migrants à bord de deux petits canots gonflables, incapables de supporter le poids d’une quinzaine de personnes, puis les ont tractés en direction de la Turquie.

Selon des experts, interrogés par le New York Times, ces pratiques illégales auraient pris de l’ampleur durant la période de confinement en Europe liée à la pandémie de coronavirus.

Le Premier grec Kyriakos Mitsotakis a catégoriquement réfuté les accusations formulées dans le quotidien et a affirmé qu’il s’agissait de « désinformation » orchestrée par la Turquie. « La Grèce est un pays qui respecte l’État de droit, nous avons accordé l’asile à des dizaines de milliers de personnes », a-t-il déclaré mercredi soir à la chaîne américaine CNN.

Matthieu Tardis, chercheur au Centre migrations et citoyennetés de l’IFRI (Institut français des relations internationales) a répondu aux questions d’InfoMigrants sur ces refoulements.

InfoMigrants : Que disent les lois européennes et grecques sur ces refoulements ?

Matthieu Tardis : Les refoulements, au sens juridique du terme, qui concernent les réfugiés et les demandeurs d’asile, sont interdits en droit international selon la Convention de Genève de 1951, et aussi en droit européen selon la Convention européenne des droits de l’Homme. Ils le sont encore plus dans les conditions décrites dans l’enquête du New York Times. Toute personne qui souhaite une protection en Europe doit pouvoir en faire la demande.

Est-ce la première fois que la Grèce adopte ce genre de pratiques ?

Non, j’ai le souvenir, dans les années 2000, d’un rapport de l’association allemande Pro Asyl sur des pratiques similaires de refoulements de bateaux qui arrivaient en mer Égée et des cas de mauvais traitements, y compris de la part de personnes dont on ne savait pas si elles étaient des officiers grecs parce qu’elles étaient masquées. Donc, [les faits rapportés par le New York Times] ne m’étonnent qu’à moitié.

C’est ce rapport-là qui avait contribué à lancer un débat au niveau du Parlement européen sur la suspension des renvois Dublin vers la Grèce parce qu’il n’y avait pas de bonnes conditions d’accueil des demandeurs d’asile dans le pays. Dans un arrêt de 2011, la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) avait décidé qu’on ne pouvait plus renvoyer les demandeurs d’asile en Grèce. Cela a duré jusqu’en 2016-2017.

La CEDH pourrait certainement condamner la Grèce pour ces pratiques de ‘push-backs’ démontrées par le New York Times.

Le gouvernement conservateur du Premier ministre Kyriakos Mitsotakis affiche volontiers sa fermeté vis-à-vis des demandeurs d’asile. Est-ce que ces refoulements font partie d’une stratégie politique ?

Ce que l’on voit aujourd’hui est lié au gouvernement actuel qui est pratiquement populiste. Beaucoup des politiques coercitives mises en œuvre contre les migrants sont en réalité destinées à l’opinion publique.

Le gouvernement grec a profité de la pandémie pour durcir sa politique migratoire. Aujourd’hui, la question de l’état de droit en Europe se pose vraiment. Les contre-pouvoirs sont affaiblis parce qu’il y a une prééminence de l’idée que pour la survie de l’Europe, il faut arrêter l’immigration dite irrégulière, que tout est permis pour cela. C’est la même chose en Italie.

Il est sans doute aussi temps de faire le bilan de l’investissement financier européen pour l’accueil des réfugiés en Grèce. La Grèce a reçu des centaines de millions d’euros ainsi que de l’aide humanitaire, sans parler des milliers de bénévoles d’associations internationales. Qu’est-ce qu’il reste de tout cela ? Pas grand chose j’ai l’impression.

Source https://www.infomigrants.net/fr/post/26723/expulsions-de-demandeurs-d-asile-la-grece-a-profite-du-covid-pour-durcir-sa-politique-migratoire

Comment expliquer l’escalade en méditerranée orientale

Sur France Culture, Marc Pierini, ancien ambassadeur en Turquie, et Thierry Bros, professeur associé à Sciences Po, invités de Chloë Cambreling, décryptent les enjeux géopolitiques et énergétiques en Méditerranée Orientale.

En dépit des appels à la désescalade lancés en particulier par l’Union européenne, la Turquie a annoncé le 16 août 2020 qu’elle allait prolonger ses recherches de gisements gaziers en Méditerranée orientale. Un navire de forage déployé au large de Chypre depuis plusieurs mois mènera des recherches au sud-ouest de l’île jusqu’au 15 septembre, tandis que le navire turc de recherche sismique déployé la semaine dernière entre Chypre et la Crète est escorté par des bâtiments de guerre et doit poursuivre ses opérations jusqu’au 23 août. Il est donc ici question de gaz, mais aussi de vieux contentieux réactivés sur la délimitation des eaux territoriales et des zones économiques exclusives. Il est question de géostratégie, de politique intérieure, d’influence régionale, le tout dans une zone instable : sans doute ce qui fait dire à l’Union européenne que la situation est « préoccupante« .

Aujourd’hui chercheur au centre Carnegie de Bruxelles, ancien ambassadeur de l’Union européenne en Turquie, Marc Pierini nous apporte des éclairages sur cette situation, avec également Thierry Bros, professeur à Sciences Po, spécialiste des problématiques énergétiques à la Direction générale de l’énergie et du climat.

https://www.franceculture.fr/emissions/linvitee-des-matins/comment-expliquer-lescalade-en-mediterranee-orientale?fbclid=IwAR3FM2CoH3XQBbnKafs_wXvsIw2FlJ65CFm_DcR3qMIKOlvAO1J35-eAz6M

Tensions Athènes-Ankara

Tensions Athènes-Ankara : « L’UE porte une écrasante responsabilité dans la montée de l’impérialisme turc » par Olivier Delorme Romancier et essayiste installé en Grèce, membre la commission réflexion de République Souveraine (RS)

Alors que les relations entre Athènes et Ankara se sont à nouveau détériorées, sur fond d’ambitions gazières, Olivier Delorme revient sur l’évolution des tensions entre les deux pays.

En 1975, à l’issue d’une première crise provoquée par des activités de prospection turques dans les eaux du plateau continental grec, les Premiers ministres Karamanlis et Demirel avaient convenu de recourir à l’arbitrage de la Cour de justice internationale de La Haye pour régler ce différend. Et depuis, tous les Premiers ministres grecs, jusqu’à Kyriakos Mitsotakis dans son allocution du 12 août, ont appelé à cette solution, également recommandée par le Conseil de sécurité de l’ONU, la jurisprudence de la Cour laissant présager l’attribution à la Turquie deux ou trois couloirs entre des îles orientales grecques afin que sa Zone économique exclusive (ZEE) soit d’une superficie équivalente à ce qu’elle serait sans ces îles.

Mais, sous la pression de son vice-Premier ministre Türkes, chef de la milice fascistoïde des Loups gris et fondateur du MHP, Parti d’action nationaliste aujourd’hui allié d’Erdogan, Demirel renia cet engagement. Et depuis, Ankara réclame une négociation bilatérale sur la base de sa souveraineté économique sur toute la moitié orientale de l’Égée, niant ainsi le droit des îles, internationalement reconnu, à une ZEE propre : négation dont résulte l’actuelle tentative de coup de force au large de Kastellorizo.

La responsabilité européenne

Car, malgré un mémorandum gréco-turc de 1976 gelant les prospections jusqu’au règlement du différend, cette crise n’est que la dernière d’une longue série, toutes déclenchées par la Turquie lorsqu’un gouvernement se trouvait en difficulté intérieure – comme l’est celui d’Erdogan aujourd’hui.

En 1995, le Premier ministre turc se fit même donner par l’Assemblée nationale une autorisation permanente de déclarer la guerre à la Grèce si celle-ci procédait à l’extension à 12 milles de ses eaux territoriales prévue par la convention internationale de Montego Bay – bien que la Grèce se fût engagée à ne pas y procéder unilatéralement et que la Turquie, non signataire de cette convention, l’ait fait en mer Noire comme en Méditerranée. Dans les années 1990, la Turquie adopta de surcroît la « doctrine des zones grises » qui, par une interprétation insoutenable des traités de 1923 et 1947 fixant ses frontières, la conduit à revendiquer une centaine d’îlots grecs. Et récemment, le concept de « Patrie bleue » sert à étendre ses prétentions de manière quasi illimitée.

Rarement aveuglement géostratégique aura été aussi complet !

Or, dans la montée de cet impérialisme, l’Union européenne porte une écrasante responsabilité. Pourquoi lors des marchandages budgétaires a-t-on contraint la Grèce à lever son veto à la candidature de la Turquie sans exiger de celle-ci qu’elle accepte l’arbitrage de la Cour de La Haye ? Pourquoi les milliards d’euros du contribuable européen déversés sur la Turquie au titre de la pré-adhésion, de la réalisation de l’union douanière puis du chantage aux migrants n’ont-ils jamais eu pour contrepartie la cessation des continuelles violations de l’espace aérien grec et l’évacuation de 37 % du territoire de la République de Chypre, membre de l’UE, occupés et colonisés depuis 1974 ? Pourquoi l’UE a-t-elle imposé qu’une partie des fonds européens destinés à Chypre finance l’État fantoche qu’y a proclamé Ankara ?

Pire, cet argent a permis la consolidation du pouvoir d’Erdogan en finançant, via des commissions sur les marchés publics, le système de charité islamiste du parti AKP. Et l’UE refuse toujours de mettre fin à la sinistre comédie des négociations d’adhésion de ce pays dont le régime ne tient plus que par la répression, la censure et la fraude électorale. Alors que, depuis dix ans, elle impose à la Grèce une ravageuse déflation, qui a notamment provoqué l’exil de 500.000 Grecs, affaiblissant ce pays de 10,7 millions d’habitants face à l’impérialisme d’un voisin de 82 millions à l’armée notablement plus puissante – au moins sur le papier. Rarement aveuglement géostratégique aura été aussi complet !

Lorsque le parti islamiste AKP arrive au pouvoir en 2002, son mot d’ordre est : zéro problème avec les voisins ; la Turquie est aujourd’hui en conflit plus ou moins larvé avec tous. Elle a soutenu Daesh, blanchi l’argent de son pétrole, tiré dans le dos des Kurdes. Elle a recyclé en supplétifs ce qui reste des terroristes de Daesh et Al Qaïda pour les disséminer en Libye, dans le Caucase où l’Azerbaïdjan, poussé par Ankara, ranime la guerre contre l’Arménie – probablement aussi parmi les migrants (peu aujourd’hui sont des réfugiés) qu’elle a lancés à l’assaut des îles ou de la frontière terrestre grecques.

Cette Turquie finance également la réislamisation sur un mode radical des minorités musulmanes des Balkans, tandis que l’AKP et le MHP ont pris le contrôle, via les consulats turcs et l’exportation d’imams, d’une importante partie des communautés turques d’Europe occidentale et endoctrinent leurs enfants dans une idéologie mêlant islamisme et néo-ottomanisme, dont la Grèce est une des cibles privilégiées et la réislamisation de Sainte-Sophie le symbole.

Quant aux relations turco-américaines, autrefois si étroites, elles ne cessent de se dégrader

Mais Erdogan a été stoppé en Syrie par la Russie, sa prétention à un leadership sunnite indispose Riyad, et le parlement égyptien vient d’autoriser l’envoi de troupes pour bloquer une éventuelle offensive turque vers les champs pétroliers libyens contrôlés par le maréchal Haftar. Quant à la base turque d’Al Watiya en Libye, elle a été bombardée, peut-être par les Émiratis et avec le soutien logistique de la France, dont une frégate contrôlant l’embargo international des armes à destination de la Libye, que viole la Turquie, a été menacée par une frégate turque.

En décembre 2019, Ankara a en outre signé, en échange de son aide militaire au gouvernement qui ne contrôlait plus que Tripoli, un mémorandum dessinant des ZEE turque et libyenne dont le tracé, absurde au regard du droit international en application duquel aucune contiguïté n’est possible entre elles, viole les droits de la Grèce, de Chypre et de l’Égypte, tout en étant contraire aux intérêts d’Israël et de la France. Car, si cet accord entrait en vigueur, le gazoduc qui transportera vers l’Italie le gaz de l’important gisement – où Total a obtenu des concessions – situé entre Chypre et Israël devrait, au lieu de passer directement de la ZEE de Chypre à celle de la Grèce, traverser celle d’une Turquie qui prétend aussi s’approprier la part de Chypre dans ce gisement.

Réactions grecques

Face à ces défis, la Grèce a resserré ses relations avec Israël, conclu avec l’Italie un accord sur leurs ZEE respectives en négociation depuis quarante ans, puis signé avec l’Égypte, le 6 août, un accord du même type relatif à l’espace qu’Ankara et Tripoli prétendaient se partager, tout en continuant à négocier pour la zone située plus à l’est. C’est en réponse à cet accord qu’Erdogan a ordonné l’entrée d’un navire de prospection et de sa flottille de guerre dans la ZEE grecque où le face-à-face avec la marine hellénique semble avoir provoqué, le 12 août, un incident qui aurait pu dégénérer, et où deux bâtiments de la marine française sont venus le lendemain participer à un exercice avec la flotte grecque.

Quant aux relations turco-américaines, autrefois si étroites, elles ne cessent de se dégrader, comme en témoignent l’exclusion de la Turquie du programme d’avions F35, le repli d’activités de la base OTAN d’Incirlik vers celle de Souda en Crète, ou la dévaluation de la livre turque (70 % en cinq ans, 25 % depuis janvier) auquel Washington ne peut guère être étranger. Aussi, dès le 10 août, le Département d’État a-t-il demandé à la Turquie de cesser immédiatement ses prospections dans la ZEE grecque et, à en croire la presse grecque, le président Trump aurait depuis refusé de répondre aux appels téléphoniques d’Erdogan. Ajoutons que l’économie turque est engluée dans une sévère récession depuis fin 2018 et que, pour ne pas l’aggraver, Erdogan interdit à sa Banque centrale, dont les réserves de change ne sont pas inépuisables, de défendre la monnaie et maîtriser une inflation de 10% par mois en relevant ses taux d’intérêt. Si bien que, comme tout pouvoir autoritaire dans une impasse, celui d’Erdogan cherche à mobiliser son opinion dans des aventures extérieures.

Il serait bien naïf dès lors d’imaginer que la chancelière Merkel ne s’aligne pas sur le despote d’Ankara

Comment dès lors ne pas approuver le ferme soutien du président de la République française à la Grèce et à Chypre ? Et comment s’étonner de l’interminable silence de l’UE – même si elle finit par accoucher de sanctions en trompe-l’œil ? 27 États qui n’ont ni la même histoire, ni les mêmes intérêts, ni la même vision du monde et de l’avenir ne feront jamais une puissance. Si la France prend position, c’est en tant qu’État, et non en vertu d’une souveraineté européenne qui n’existe que dans les fantasmes d’Emmanuel Macron. Quant à l’Allemagne, elle reste fidèle à une alliance germano-turque qui remonte à Guillaume II et que renforce le million d’électeurs allemands d’origine turque largement contrôlés par l’AKP et le MHP ; sans parler des 2,5 milliards de dollars (en 2019) d’excédent commercial que l’Allemagne retire de ses échanges avec la Turquie.

Il serait bien naïf dès lors d’imaginer que la chancelière Merkel ne s’aligne pas sur le despote d’Ankara et ne réclame pas avec lui une négociation bilatérale entre la Grèce et la Turquie plutôt que le respect du droit et l’arbitrage de la Cour internationale de justice prôné par l’ONU. Car, pour parler clairement, l’Allemagne prend aujourd’hui le parti de l’agresseur contre l’agressé.

Source https://www.marianne.net/debattons/billets/tensions-athenes-ankara-l-ue-porte-une-ecrasante-responsabilite-dans-la-montee-de?fbclid=IwAR279isJgS8gcIJdMotuNDf3Ka32Rf9Qa5G1Pu4ONMPaxg_kKuZ_e1uhjy4

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