Publié: Jeudi, 12 Janvier 2017 17:06 Écrit par EReNSEP European Research Network on Social and Economic Policy
L’Europe est entrée dans une phase critique . L’Union économique et monétaire (UEM) un manifeste et irrévocable échoué, les économies de la périphérie subissent une crise sévère, et les économies du centre stagnent. La monnaie unique est un instrument du capitalisme allemand pour un instaurer une politique économique mercantiliste au moyen du dumping des salaires, et pour le dicter – avec le soutien des autres économies du centre de l’UEM – des réformes structurelles qui provoquent la stagnation économique , La pauvreté et le chômage. Les grandes entreprises et les promoteurs du néolibéralisme se servent de la crise pour intensifier leur offensive contre les conquêtes sociales et démocratiques du XX e siècle. La capitulation de Syriza en Grèce a montré que l’UEM comme l’Union européenne (UE) constituant des obstacles majeurs à toute tentative de modifier l’ordre du jour néolibéral qui domine en Europe. L’austérité, le néolibéralisme, les actions commerciales de libre échange, les unions au mépris des institutions européennes pour les droits fondamentaux et la démocratie ont conduit à une crise de légitimité sans précédent de l’UE.
Prenons pour exemple les résultats des trois derniers référendums liés à l’enjeux européens. En Grèce, le 5 juillet 2015, une décision de rejeter les conditions attachées au troisième mémorandum proposé par la Commission européenne, le Fonds monétaire international et la Banque centrale européenne. Au Royaume-Uni, le 23 juin 2016, la majorité a choisi de quitter l’Union européenne, exigeant ainsi de facto la réversibilité du processus d’intégration européenne. En Italie, lors du référendum du 4 décembre 2016, une grande majorité a rejeté une réforme constitutionnelle antidémocratique et favorable aux marchés financiers en dépit de l’appui déclaré et unanime des institutions européennes à la réforme, forçant le premier ministre pro-UE , Matteo Renzi, à démissionner. Le rejet des institutions européennes n’a pas encore été aussi manifeste au sein des pays membres de l’UE.
La colère et l’indignation ne cessent de monter chez les travailleurs en Europe. Malheureusement, c’est à ce jour la xénophobie croissante, l’extrême droite et même le fascisme qui en bénéficient. La gauche européenne paie le prix de son soutien malavisé à l’UEM, ainsi que le tabou de la rupture avec le cadre de gouvernance de l’UE et avec le mode d’intégration néolibérale des pays membres. Si nous ne voulons pas que le futur de l’Europe soit dominé par le néolibéralisme et l’extrême droite, il faut nous libérer – aux niveaux locaux, nationaux et internationaux – de la cage d’acier des politiques et des traités imposés par Les institutions européennes.
Que devrait faire la gauche?
Sur la base des propositions discutées lors de la deuxième conférence internationale du réseau ERENSEP 1 , et dans le prolongement du dernier Sommet international pour un Plan B en Europe 2 ,
- La priorité principale est de mettre fin à l’austérité et de créer des emplois de qualité. Ce devrait être le cœur de la politique économique de la gauche. Cependant, nous ne sommes pas convaincus de notre capacité à atteindre les objectifs que nous attendons d’une stratégie concrète, permettant de régler les déséquilibres majeurs entre les économies des pays européens et d’ouvrir ainsi la possibilité d’une transformation écologique et démocratique L’industrie et de l’agriculture. Nous ne pourrons pas répondre aux besoins sociaux des peuples d’Europe et faire face aux défis environnementaux du continent si nous ne disposons pas d’une stratégie telle, claire et réaliste. Il importe en priorité de mettre en œuvre un programme d’investissement public massif afin de stimuler la demande et de reprendre le pouvoir aux grandes entreprises et aux banques. C’est ainsi que nous pourrons reconstruire et élargir les services publics et la protection sociale.
- Les politiques économiques radicales requièrent la souveraineté monétaire. Le carcan des traités européens et des directives et mécanismes de l’UEM a été construit en vue d’ensemble toute autre stratégie que celle de l’austérité et de la libéralisation économique. Pour en finir avec l’austérité, il est nécessaire de reprendre le contrôle démocratique de la création monétaire et des banques. Tout gouvernement de gauche en Europe doit commencer par désobéir à Traités européens et se préparer à une confrontation durable avec les autorités européennes, en mettant en œuvre une stratégie économique cohérente pour gérer ce conflit. La gauche doit se préparer à créer des monnaies, et elle ne doit pas avoir peur d’annuler la dette publique. Ce qui est politiquement légitime et nécessaire d’un point de vue économique. Elle proposera la nationalisation et la socialisation des banques pour reprendre le contrôle démocratique de l’économie. La gauche doit également proposer un nouveau cadre pour contrôler les flux de capitaux en Europe et réguler les taux de change ainsi que les excédents et les déficits commerciaux entre pays européens. Ces mesures sont tout à fait réalisables et la gauche doit défendre avec confiance. L’essentiel est d’élaborer une stratégie de fin d’action avec l’austérité et de renforcer la solidarité entre les mouvements sociaux des différents pays. Si nous ne sommes pas prêts à mettre en œuvre ces mesures, sur la base des réalités nationales et avec le soutien d’une alliance des forces de la gauche des différents pays, nous ne pourrons pas libérer de l’austérité et du néolibéralisme.
- Ces politiques économiques radicales sont également inséparables de l’exigence de souveraineté populaire et de démocratie. Les institutions de l’Union européenne n’ont jamais été démocratiques ni au service des peuples européens. Elles font partie d’une machine politique conçue pour mettre en œuvre un ordre économique favorable aux entreprises transnationales, à la privatisation systématique des services publics et des autres biens publics et à l’érosion de la protection sociale. Le régime néolibéral de libre échange promu par l’Union européenne rendre toute forme de souveraineté populaire impossible. Il est nécessaire de rompre avec les accords de libre échange et les traités qui ont été imposés aux pays membres de l’UE. Affronter les institutions de l’UEM et refuser d’appliquer les directives néolibérales et les Traités européens constitutifs des moyens nécessaires pour mettre en œuvre des politiques économiques progressistes et régir le contrôle démocratique de l’économie. Ces mesures sont également indispensables pour développer la forme nouvelle de la coopération en matière de politique sociale, la solidarité internationale, la démocratie et la soutenabilité environnementale. Nous devons soutenir le processus constitutionnel des régimes politiques authentiquement démocratiques. Nous devons également encourager l’auto-organisation et la mobilisation.
Les nuages s’amoncellent au-dessus de l’Europe. Mais, si la gauche retrouve du courage politique, il est encore temps pour elle de reprendre la direction des évènements. La gauche doit renouveler et affiner ses propositions économiques, sociales et politiques. Elle doit se souvenir qu’elle tire sa force de la défense de la démocratie, de la souveraineté populaire, des intérêts des travailleurs et des travailleurs et des opprimés. Et elle doit se préparer à une rupture radicale avec le carcan néolibéral imposé par les Traités de l’Union européenne et par l’Union économique et monétaire.
- La deuxième conférence internationale du réseau EReNSEP, intitulée «La France et l’Europe après le Brexit», s’est tenue à Paris les 2 et 3 décembre 2016 (voir ici)
- Voir ici le «Communiqué pour un Plan B permanent en Europe» après le troisième Sommet international pour un Plan B en Europe les 19 et 20 novembre 2016 à Copenhague. Le Sommet du Plan B aura lieu à Rome les 11 et 12 mars 2017.
Les signataires
Josep Maria Antentas (Professeur de sociologie à l’Université autonome de Barcelone, Espagne)
Jeanne Chevalier (Parti de gauche, Secrétaire nationale à l’économie, France)
Eric Coquerel (Parti de Gauche, Coordinateur politique, France)
Alexis Cukier (Ensemble !, Equipe d’animation nationale, France)
Fabio De Masi (Député européen, Die Linke, Allemagne)
Sergi Cutillas (Chercheur en économie au Centre de recherche Ekona, membre de la Plateforme pour un audit citoyen de la dette, Espagne)
Cédric Durand (Maître de conférences en économie, Université Paris XIII, France)
Guillaume Etiévant (Parti de gauche, ancien Secrétaire national à l’économie, France)
Stefano Fassina (Député au Parlement italien, Sinistra Italiana, Italie)
Heiner Flassbeck (Professeur honoraire d’économie et de sciences politiques à l’Université de Hambourg, Allemagne)
Constantinos Gavrielides (Conseiller régional et membre de la Commission économique de la région de l’Ouest, Grèce)
Marlène Grangé (Ensemble !, France)
Sabina Issehnane (Maître de conférences en économie, Université de Rennes 2, France)
Costas Lapavitsas (Professeur d’économie à l’Université de Londres, ancien député Syriza, Grèce)
Moreno Pasquinelli (Programma 101, Italie)
Jean-François Pellissier (Ensemble !, Porte-parole, France)
Laura Raim (Journaliste indépendante, France)
Patrick Saurin (BPCE Sud, Porte-parole, CADTM, France)
Eric Toussaint (CADTM, Porte-parole du réseau international, Belgique)
Aurélie Trouvé (Maître de conférences en économie, Agrosup Dijon, France)
Miguel Urbán (Député européen, Podemos, Espagne)
Christophe Ventura (Chercheur en relations internationales, membre du Chapitre 2, France)
Frédéric Viale (Docteur en droit, membre du Chapitre 2, France)
Sébastien Villemot (Economiste à l’OFCE, France)
Grigoris Zarotiadis (Professeur associé à l’Ecole d’Economie et des Sciences Politiques de l’Université Aristote de Thessalonique, Grèce)
Vous trouverez en ligne les vidéos de la conférence « La France et l’Europe après le Brexit ».