Panagiotis Grigoriou est Ethnologue et historien, chroniqueur, analyste, initiateur d’un concept de tourisme alternatif et solidaire en Grèce. Le regard de l’historien et de l’anthropologue sur l’actualité et le vécu de la crise grecque.
Exposition colonisée
Les apparences dominent pendant que l’été grec se termine. Tout y est, touristes, travailleurs paupérisés, et alors bandits… aux règlements de compte mortels en pleine rue à l’heure du deuxième café. Athènes, ville… vivante au quotidien. Les politiques, Tsípras et Mitsotákis en tête quant à eux depuis Thessalonique à l’occasion de sa foire commerciale, auront comme d’habitude promis.la lune, jamais pleine. Le mensonge gouverne, automne des feuilles mortes.
Retour des îles. Le Pirée, septembre 2018 |
Les vacanciers athéniens sont de retour, la grogne aussi. Le pays s’apprête à affronter l’automne… en réalité celui de sa destinée, et Tsípras se rend à Thessalonique pour le grand discours politicien annuel d’une portée supposée économique, “le premier discours du genre depuis huit ans, où c’est le gouvernement grec qui fixe les règles en matière d’économie et non pas la Troïka”. Foutaises et canulars.
La ruine des retraités. Presse grecque, septembre 2018 |
Tsípras a annoncé des allégements supposés de l’imposition et autres mesures similaires et d’ailleurs applicables… dans la durée, c’est-à-dire sur une période de quatre à cinq ans. Ensuite, et pour faire passer la pilule de l’énième baisse du montant des retraites tout en prétendant le contraire, le… dernier Premier ministre de la… “Gauche radicale” a aussitôt voulu rajouter “que comme cette baisse concerne essentiellement les retraités âgés de 70 ans et plus, le problème n’est que temporaire car naturellement, ces pensions versées cesseront d’être au fil du temps”, (radio 90,1 FM, zone matinale du 11/09). Autrement-dit, nos vieux disparaîtront… si possible rapidement d’après le vœu implicite de la marionnette Tsípras. Inutile de dire combien cette déclaration a été aussitôt remarquée à travers le beau pays vieillissant.
Ce prétendu report de la baisse programmée du montant des retraites intervenant dès janvier 2019, pour tout dire opposé aux engagements de Tsípras vis-à-vis du carcan européiste, est déjà mis en cause. Aussitôt, d’entrée de jeu, il a été fortement critiqué, rien que par cette mise à garde de Jean-Claude Juncker en personne: “Les mesures votées doivent être appliquées à la lettre”, quotidien Kathimeriní du 13 septembre .
Je suis torturée. Sur une surface à Athènes, septembre 2018 |
En attendant, et sur le terrain…grec des expérimentations métahistoriques de notre bien piètre nouveau siècle, Aléxis Tsípras, dans une posture visiblement satisfaite a fait si bonne figure aux côtés de l’Ambassadeur des États-Unis Geoffrey Pyatt , signe aussi des temps géopolitiques qui sont… disons les nôtres. Il faut préciser que le grand pays est l’invité d’honneur à Thessalonique cette année… plus affinités géopolitiques… si “gentiment” imposées. Rappelons aussi que rarement auparavant la Grèce n’avait affirmé une telle aspiration envers l’OTAN, sauf durant la funeste Junte des Colonels, signe aussi des temps on va dire.
On comprendra certes… que Les États-Unis envisagent une nouvelle expansion militaire en Grèce alors sans précédant, au beau milieu des tensions avec la Turquie, ce que la presse américaine évoque autant en ce moment à l’instar de Wall Street Journal cette semaine . La géopolitique, encore la géopolitique.
Le pays grouille alors d’espions et d’agents étrangers ou… compatriotes de toute sorte comme de toute obédience. Déjà les médias publics, voire les médias tout court propagent des “fake news” à répétition, des analystes se présentant sous le masque du patriote ou de l’internationaliste sclérosé travaillent en réalité pour le compte des services des puissances étrangères, comme d’ailleurs et d’abord le gouvernent Tsípras, l’opposition de Mitsotákis, voire, l’essentiel névralgique me semble-t-il de l’État grec profond, sans oublier le système de la partitocratie pseudo parlementaire actuelle.
C’est alors un jeu de rôle dans l’ultime tragédie grecque ou sinon, divine comédie au pays… de l‘exposition colonisée. Le tout, sous une mer Égée fort agitée.et au beau milieu, votre blog Greek Crisis qui lutte pour sa survie, et autant pour en extraire à partir de tout ce magma le sens encore possible de l’histoire comme celui de la vérité à travers les vagues. La maritimité… comme stade final de la politique !
Aléxis Tsípras et Geoffry Pyatt à Thessalonique. Presse grecque, septembre 2018 |
Aléxis Tsípras à Thessalonique. Presse grecque, septembre 2018 |
Drapeau et quotidien. Grec. Athènes, septembre 2018 |
En dehors des pupitres officiels, les Grecs, de droite comme de gauche étaient nombreux à manifester contre la présence de Tsípras à Thessalonique, d’abord les organisations culturelles de la région grecque de Macédoine ont fait savoir combien l’accord signé entre Tsípras et les voisins Slavomacédoniens est inacceptable pour une large majorité en Grèce, et ensuite il y a eu ceux des gauches grecques aux manifestants, toujours dispersés défilant contre l’austérité, et donnant l’illusion de résister sans plus convaincre personne il faut dire. Leur temps historique en Grèce n’est plus et accessoirement… SYRIZA est passé par là.
Et pour ce qui est de l’accord macédonien de Tsípras, tout le monde sait qu’il a été précipité, non pas pour arriver à une solution durable et réellement souhaitable par les deux peuples, mais pour que l’OTAN puisse s’étendre à la Macédoine slave le plus rapidement possible, histoire de contrer l’influence de la Russie dans les Balkans, aux suites géopolitiques relevant de l’habituelle chirurgie plastique des grandes puissances sur les frontières et surtout sur les peuples, car c’est de nouveau dans l’air du temps dans tous les Balkans il faut dire.
Pendant ce temps, et en préparant le référendum du 30 septembre chez nos voisins Slaves, sauf que les Grecs ne seront pas consultés sur ce même accord, les officiels de l’OTAN, ceux de la Présidence autrichienne de l’UE, ainsi qu’Angela Merkel visitent Skopje et interviennent ouvertement en faveur du OUI auprès des Slavomacédoniens lesquels sont d’ailleurs menacés de ne plus espérer intégrer un jour l’OTAN et l’UE en cas de victoire du NON, ceci explique subséquemment cela.
Et comme attendu en Macédoine grecque, les manifestants de Thessalonique ont été très violemment accueillis par les forces de l’ordre, épaulées il faut dire par le FBI et la CIA quant à la surveillance des lieux. Les dits “débordements” des CRS grecs, ont même obligé le gouvernement à ordonner une enquête sur le comportement de certains policiers, presse grecque de la semaine .
Manifestants et CSR. Thessalonique, septembre 2018 |
Moine et CSR. Thessalonique, septembre 2018. Presse grecque |
Futur supposé. Athènes, septembre 2018 |
Plus au sud, la capitale du pays devenu territoire fait davantage dans les apparences que Thessalonique pendant que l’été bien grec alors se termine. Tout y est, la Garde républicaine Evzone devant le “Parlement” et le Monument du… pauvre Soldat inconnu forcement de jadis. En Attique, les chômeurs pêchent à la ligne près du Temple de Poséidon au Cap Sounion, et au centre d’Athènes on y découvre toute la nouveauté du “Mur de la bonté”. Histoire d’y accrocher de l’aide pour nos semblables, voilà, pour les instantanés de ce beau septembre grec.
Sous les apparences de cette normalité, au pays réel métamorphosé à jamais, les représentants de la Troïka, rendront alors visite aux valais locaux quatre fois par an au lieu de trois sous la Troïka officielle, et les dits marchés, décideront du financement de la colonie de la dette, en lieu et place des structures du dit mécanisme européen.
Car en dépit des mensonges de Tsípras, comme d’ailleurs du germanochrome Mitsotákis à la tête du parti de la Nouvelle Démocratie, la période supposée révolue de la Troïka laisse derrière elle, plus de 700 lois mémorandaires, près de 60 000 décisions gouvernementales allant dans le même sens unique et inique, plus de 300.000 décrets-lois et autres décisions ministérielles toujours en vigueur. Le tout, sous les signatures des gouvernements du mémorandum depuis 2010, SYRIZA compris.
La Grèce subira comme prévu l’entier suivi du programme amélioré de surveillance accrue… post-mémorandum, et cette réalité va durer durant de nombreuses décennies, sous les… auspices des visiteurs réguliers depuis les conclaves des Institutions. Sous le mémorandum… éternel, la surveillance durera ainsi au moins jusqu’au remboursement des 153 milliards.sur les 203 milliards d’euros que le pays de Zeus a comme on dit empruntés auprès du supposé mécanisme de sauvetage européen. D’après les calculs les plus optimistes, ce nouvel exploit hellénique arrivera à son terme seulement vers 2060. Retour vers le futur !
Garde Evzone. Athènes, septembre 2018 |
Garde Evzone. Athènes, septembre 2018 |
Pêche à la ligne. Cap Sounion, septembre 2018 |
Cap Sounion, septembre 2018 |
Après huit ans de lois austéritaires, et d’une fiscalité multipliée, après tant de dispositions antisyndicales sans oublier le coup de grâce porté sur le régime de la Sécurité Sociale, le bilan grec est… fort prometteur. Le pays a perdu près du 25% de son PIB, la population de la Grèce a diminué de plus de 700 000 personnes entre 2011 et 2017. Pour 48% de la population, soit 5,1 millions de personnes, c’est subsister dans la survie sous le seuil de pauvreté, et il y a 1,5 million de personnes vivant dans la pauvreté alors extrême, c’est-à-dire au-dessous des 182 euros par mois.
Ainsi, trois Grecs sur dix vivent dans une pauvreté extrême, et ils sont incapables de subvenir à leurs besoins de base tels que la nourriture ou le chauffage. Selon ELSTAT, l’Office des Statistiques du pays, 26,7% des enfants de moins de dix-sept ans sont même privés de biens matériels de base. Pour 40,5% des pensionnaires et après dix diminutions successives des montants des retraites, leur pension, n’excède pas les 500 euros en brut par mois. Pour 30,15% des travailleurs du pays, ou alors 613 119 personnes qui travaillent encore, leur “salaire” se situe entre 328€ en net par mois et 580€, le capitalisme réel… plus les Smartphones.
Devant le “Parlement”, les animaux adespotes des lieux sont les seuls à être toujours admirés par les passants et toujours citoyens supposés du pays, hors évidemment les nombreuses tribus de la clientèle des partis, plus clientélistes que jamais. La nouvelle Ministre de Grèce du Nord (régions de Macédoine et de Thrace), la très bimboïde Katerina Notopoúlou, a finalement admis lors d’un entretien qu’elle avait été embauchée comme… nettoyeuse de surface pour le compte de la Municipalité de Thessalonique et qu’elle a été aussitôt propulsée au service Tourisme de la mairie, “car telles sont les usages grecs en la matière”, entretien accordé à la télévision ERT. Voilà qu’une ministre admet l’illégalité de fait pour ce qui tient des débuts de sa si courte vie pseudo-professionnelle, en réalité de façade, avant d’être propulsée dans la gestion des affaires publiques par la clique à Tsípras, quotidien “Kathimeriní” du 13 septembre .
Et toute la Grèce en rigole à défaut de réagir de manière efficace, novatrice et radicale face à la pègre qui nous gouverne . Rapidement, la jeune femme qui ne serait pas inconnue de la famille Pappás, famille comme on sait compère des Tsípras, elle a été nommée collaboratrice spéciale de Tsípras pour son bureau de Thessalonique et depuis peu… là voilà Ministre… Pauvre fille parvenue de la sorte. Admirable parcours, aux compétences avérées du clientélisme et du népotisme réellement existants. Mafia, et alors “garda e passa”
Devant le dit Parlement. Athènes, septembre 2018 |
Au Cap Sounion, septembre 2018 |
Sans-abri. Place de la Constitution. Athènes, septembre 2018 |
Le Mur de la bonté. Athènes, septembre 2018 |
En dehors du… Mur de la bonté, on peut encore se rabattre sur les sardines plutôt abordables, ou même pénétrer à la limite les mystères de certains restaurants très populaires, c’est-à-dire pas chers d’après l’acception du terme en grec moderne. Sans oublier bien entendu la posture toujours majestueuse des animaux adespotes d’Athènes et du pays réel.
Pendant ce temps, les acquéreurs des plages et des presqu’îles bradées par la Treuhand à la grecque, instituée pour sa version finale il faut dire sous Tsípras et qui contrôle et brade désormais l’ensemble des biens publics du pays pour une durée de 99 ans, financent des fouilles d’urgence pendant leurs travaux en cours. Maigre consolation il faut dire.
On vient même d’apprendre qu’outre les ports, les aéroports et les autres infrastructures, 10.119 parcs et autres biens immobiliers du domaine ex-public viennent d’être attribués à cette agence fiduciaire, pilotée comme on sait par les créanciers et autres rapaces internationaux, sous l’aimable patronage de la gestion métropolitaine du totalitarisme de l’UE, presse grecque de la semaine .
Animal adespote. Athènes, septembre 2018 |
Taverne populaire. Athènes, septembre 2018 |
Sardines… populaires. Athènes, septembre 2018 |
Fouilles d’urgence. Attique, septembre 2018 |
Les ferrys sont déjà revenus des îles bondés. Il pleut déjà un peu sur le Péloponnèse comme sur Athènes, l’automne est tout de même d’une beauté autre que l’été grec, admettons-le. Par ces temps qui changent… sans changer, les régions comme les municipalités du pays entreprennent de leurs travaux habituels avant les élections locales et régionales du mois de mai, programmées au même moment que les pseudo élections dites européennes qui n’ont jamais pu servir à autre chose qu’à légitimer le pouvoir impérial de Bruxelles.
Retour au Pirée. Septembre 2018 |
Travaux. Athènes, septembre 2018 |
Gastronomie simple. Athènes, septembre 2018 |
Certaines rumeurs et autant déclarations récentes, analysées par la presse mainstream indiqueraient que la date des élections législatives de même probablement avancée pour aboutir à un triple scrutin au mois de mai, quotidien Kathimeriní du 12 septembre . Sans trop d’importance en l’état actuel des choses et de notre régime structurellement et si cruellement méta-démocratique à notre avis.
Le virus du Nil occidental progresse car les services de l’État mafieux et partitocrate grec a cessé sous Tsípras toute campagne de prévention depuis 2016. L’Ordre des Médecins d’Athènes dans un communiqué récent, fustige cette gestion criminelle de la santé publique. Lorsque les Unités de soins intensifs déjà devenues si rares sont manifestement occupées par les patients souffrant du virus du Nil occidental c’est alors grave, sans oublier les dizaines de morts déjà, les régions touchées sont l’Attique, Athènes et aussi le Péloponnèse, quotidien Kathimeriní du 13 septembre . D’après Tsípras, les vieux peuvent doivent mourir, et apparemment tous les autres avec.
Votre blog poursuit ainsi sa lutte… surveillée, autant pour sa survie, sous le regard il faut dire de notre Mimi, vieillissante, amaigrie, et pour tout dire souffrante, du haut de ses quinze ans de félin et fier de l’être.
Automne des feuilles mortes.
Mimi de Greek Crisis. Athènes, septembre 2018 |