Dans le silence des mass-médias occidentaux, la révolte gronde en Grèce et la résistance s’amplifie. Après un mois de novembre très agité (cf. mes messages précédents) et des craintes de troubles qu’auraient fait remonter les services de renseignements grecs fin novembre, les manifestations et affrontements se poursuivent en ce mois de décembre 2016, avec en points d’orgue,
des émeutes dans plusieurs villes ce 6 décembre(1), plusieurs actions de sabotage et une nouvelle grève générale ce 8 décembre amplifiée par plus d’une semaine de grève totale du trafic maritime provoquant rapidement un début de blocage de l’économie ces derniers jours.
Autre désinformation : les dirigeants européens racontent partout que la Grèce va mieux, ce qui sous-entend que l’austérité est un remède efficace contre la crise économique et sociale. Ils évoquent à la fois une baisse du chômage et une hausse de la croissance, parmi les grandes nouvelles saluées par des éditocrates.
Baisse du chômage en Grèce ? La bonne blague ! Au contraire : le chômage de longue durée (plus d’un an), celui qui n’est pas indemnisé ni pris en compte, poursuit sa hausse vertigineuse et continue de faire d’innombrables victimes. En plus, des centaines de milliers de Grecs se sont exilés, dont une majorité de jeunes qui, par conséquent, ne pointent plus en Grèce. Pour finir, ceux qui parviennent à trouver du boulot sont payés encore plus mal qu’avant. Les salaires sont en chute libre et les contrats (quand il y en a) sont précaires. On se rapproche petit à petit des emplois journaliers d’autrefois, à une époque où les ouvriers ne savaient pas si on leur donnerait du travail le lendemain. C’est beau le libéralisme.
D’où la même remarque sur la croissance : oui, c’est vrai, sur le papier, La croissance revient en Grèce, mais à quel prix ? La destruction des conquis sociaux, une précarité violente, toujours plus de drames et de situations épouvantables, des anciennes maladies qui réapparaissent, des enfants en état de malnutrition, des retraités qui ont cotisé toute leur vie et qui peinent à se loger et à se nourrir. Une croissance au prix de nombreuses expulsions et saisies de maisons particulières contre lesquelles des collectifs résistent et vont jusqu’à bloquer les tribunaux(2). Une croissance dopée par la grande braderie du bien commun, puisque tout est à vendre en Grèce, et par les grands travaux inutiles et nuisibles : extractivisme, plages bétonnées, complexes hôteliers insensés(3), mutation agricole chimique et dévastatrice… Une croissance des grands portefeuilles, puisque les plus riches sont encore plus riches au détriment de tous les autres : humains, animaux, territoires. Une croissance ? Non, un pillage et une calamité.
Ces mensonges (sur les résultats de l’austérité) et ce silence (sur nos résistances) conduisent à faire croire que telle est la voie à suivre, en cas d’épreuve. Les dirigeants politiques qui, en France, ont cassé le code du travail et se préparent à faire pire, notamment contre la sécurité sociale(4), pourraient un jour se targuer : « L’austérité, il n’en faut pas trop, bien sûr, mais en remède de cheval, même dans une situation désespérée comme en Grèce, vous voyez bien que ça marche ! »
Faux. L’austérité, ça ne marche pas. Les experts qui nous administrent des saignées depuis des années, comme les médecins de Molière au XVIIe siècle, ne font que déplacer la richesse vers les mêmes mains, au détriment de toutes les autres.
Oui, je sais, Tsipras a osé déclaré le 15 décembre à Berlin : « La crise grecque appartient définitivement au passé »(5). Mais, allez vous encore le croire, un an et demi après sa capitulation ? Non, bien sûr, car vous savez ce qui s’est passé depuis le 13 juillet 2015 : une politique de collaboration insupportable. Tous ceux qui, en France, ont choisi de ne plus soutenir sa stratégie depuis lors et de prendre leurs distances ont bien fait. Le théâtre n’a que trop duré. Et nous le savons plus que jamais : en face, nos tyrans ne lâcheront rien, sinon quelques miettes de circonstances pour manipuler l’opinion, à grand renfort de mise en scène. Parallèlement, ils continueront à montrer du doigt des boucs-émissaires (insurgés, réfugiés, militants syndicaux, fonctionnaires…) pour essayer de détourner les regards de leurs agissements en faveur d’un pouvoir toujours plus autoritaire et d’un capitalisme encore plus violent.
Dans ce contexte de mobilisation et de convergence de luttes, nous faisons appel à vous, car l’année qui s’annonce va être cruciale.
Premièrement, nous organisons une
nouvelle collecte de fournitures à destination des initiatives solidaires autogérées en Grèce qui en ont besoin (celles que nous vous avons présentées dans nos films, pour la plupart). Autrement dit, il ne s’agit pas d’actions « pour » mais « avec » la population grecque en souffrance et « avec » les réfugiés, dont la majorité fuient la guerre en Syrie.
La liste des besoins, fixée avec nos camarades sur place, est ici.
Courage pour l’année à venir. Tenez bon et comptez sur nous pour résister simultanément à l’autre bout de l’Europe.
La lutte continue, en Grèce, en France et ailleurs, dans notre diversité qui fait notre richesse et notre force.
Solidairement,
Yannis Youlountas
(1) Des affrontements ont eu lieu ces derniers jours dans une dizaine de villes, notamment à Thessalonique et surtout à Athènes le 6 décembre :
(2) Lire à ce sujet, l’
interview de Filippos Filippides du comité « Vente aux enchères STOP » par Eva Betavatzi du CADTM.
(3) Par exemple, le site d’Hellinikon à Athènes (où de nombreuses initiatives autogérées sont implantées) : bientôt transformé en mini Quatar pour la haute bourgeoisie sur un immense terrain acheté pour moins du dixième de sa valeur. Voir la vidéo.
(4) Voir à ce sujet l’excellent film de Gilles Perret : La Sociale.
(5) Sources en langue française : Reuters, Rfi… Déclaration qui a évidemment provoqué un tollé en Grèce !
(6) Film Ne vivons plus comme des esclaves (2013) : gratuit en intégralité ici (n’hésitez pas à partager ou même profiter des fêtes pour le visionner en groupe et susciter la discussion).
(7) Film Je lutte donc je suis (2015, nouvelle version novembre 2016) : gratuit en version longue ici (n’hésitez pas à partager ou même profiter des fêtes pour le visionner en groupe et susciter la discussion).