Publié par Cécile Ducourtieux, et Adéa Guillot au journal Le Monde
Une liste » assez proche de la réalité « , précise une source gouvernementale grecque, a fuité lundi dans la presse, évoquant une vingtaine de mesures chiffrées. La lutte contre le trafic de carburant ou de cigarettes pourrait ainsi rapporter 250 millions d’euros ; le contrôle des comptes ouverts à l’étranger par des Grecs pourrait, lui, rapatrier 725 millions, alors qu’un changement du code fiscal pourrait générer 300 millions. Le gouvernement propose de créer une structure de défaisance ( » bad bank « ) pour faire face à l’accumulation des créances douteuses des banques. Au total, le plan grec prévoit plus de 3 milliards d’euros de recettes nouvelles pour l’année 2015, un excédent primaire fixé à 1,5 % du PIB et une croissance à 1,4 %. » Cela ne semble pourtant toujours pas assez pour nos créanciers, se désole-t-on chez Syriza. Ils nous avaient parlé d’un Eurogroupe d’urgence cette semaine que nous ne voyions pas arriver. »
Sous asphyxie financière, Athènes attend impatiemment le déblocage anticipé d’une partie des 7 milliards d’euros encore disponibles dans le cadre de l’accord de prêt prolongé le 20 février. Le 9 avril, les Grecs doivent rembourser plus de 450 millions d’euros au FMI, et le 14 racheter pour 1,4 milliard d’euros de bons du Trésor, puis encore 1 milliard le 17 avril.
Si, pendant un temps, le principe de ce déblocage anticipé partiel semblait acquis, il serait aujourd’hui de nouveau compromis. » C’est une décision politique qui doit être prise par l’Eurogroupe « , précise au Monde le vice-président de la Commission en charge de l’euro, Valdis Dombrovskis. Et à en croire de nombreuses sources bruxelloises, l’Eurogroupe ne sera convoqué, au mieux, qu’après la fête de Pâques catholique (le 5 avril). » Il y aura bien un Euroworking Group – réunion des responsables des Trésors des 19 membres de la zone euro – « , mercredi 1er avril, mais il ne devrait s’agir que d’un point d’étape sur les négociations en cours, à en croire des sources bruxelloises.
Si, du côté des créanciers, les discussions sont jugées » constructives « , précise ainsi Margaritis Schinas, porte-parole de la Commission européenne –, la partie est donc loin d’être gagnée pour Tsipras. » On travaille dans un bon état d’esprit mais les échanges ne sont pas simples « , a reconnu le commissaire à l’économie, Pierre Moscovici, lors d’une audition au Parlement européen.
De fait, si les Européens sont prêts à des compromis, leur base de travail reste la liste de réformes à laquelle s’était engagé le précédent gouvernement grec de M. Samaras. » Comment exiger que nous négocions sur des engagements antérieurs à l’élection du 25 janvier qui nous a portés au pouvoir, alors que nous avons, depuis, signé l’accord du 20 février nous autorisant à proposer nos propres réformes du moment qu’elles sont budgétées « , critique-t-on côté grec. Pour le politologue Gérassimos Moschonas se cacherait là une » volonté de certains pays européens d’en finir au plus vite avec l’expérience d’un gouvernement de gauche radicale « . » La situation actuelle n’aurait pas dû exister. Nous aurions pu terminer le programme – le plan d’aide – avant, au mois de décembre 2014 « , lors de la dernière revue de la » troïka « , confie M. Dombrovskis.
A l’époque, en décembre, c’est le FMI qui, des créanciers, avait été le plus dur en affaires. Il avait refusé la conclusion de la revue, pointent deux sources européennes haut placées. La pierre d’achoppement à l’époque comme aujourd’hui ? Une réforme des retraites et une libéralisation plus poussée du marché du travail que continuent d’exiger les bailleurs de fonds du pays. » Ils insistent sur de nouvelles atteintes au droit du travail, mais c’est une ligne rouge pour nous « , affirme-t-on à Athènes. » Pas touche aux retraites, aux salaires et au droit du travail « , résume, sans ambiguïté, un membre du comité directeur de Syriza. Un langage commun, et c’est un progrès, existe désormais entre la Grèce et ses créanciers, mais les négociations atteignent désormais ces fameuses » lignes rouges » qui avaient déjà entraîné la fin du précédent gouvernement grec. Le blocage reste donc bien réel.