par Santé en lutte , Grec.que.s solidaires de Belgique
Une fois encore, le peuple grec est en première ligne.En Grèce, comme en Belgique, les soins de santé sont mis sous pression par la pandémie.
En Grèce, comme en Belgique, les soins intensifs sont saturés.
Plus que jamais, des milliers de personnes qui n’ont pas les moyens de payer le prix fort pour être soignées sont priées d’attendre pour recevoir leurs soins. Sont contraintes de subir un service à la chaîne, parfois même en dehors des unités de soin appropriées, parfois même dans des ambulances bloquées sur les parkings d’urgences débordées.
En Grèce, comme en Belgique, la dégradation de la qualité et de la sécurité des soins découle directement de la pénurie de matériel mais surtout de la pénurie de travailleuses et travailleurs dans les hôpitaux non-marchands et les autres institutions de soins. Les conditions de travail qui leur sont imposées constituent pour elles et eux une violence institutionnelle qui, par conséquent, est également subie par les patient·e·s. Les travailleurs et travailleuses s’épuisent, quittent leurs métiers voire leur pays et certain·e·s y laissent même parfois la vie. Et c’est la santé de tout le monde qui en paie le prix.
En Grèce, comme en Belgique, le covid a illustré de manière brutale que dans une société capitaliste, le coût financier aura toujours plus de poids que le coût humain. L’État compte les sous, le personnel du soin compte les morts.
Toutefois, le peuple grec est en première ligne. En Belgique, le gouvernement lance encore quelques cacahuètes sous la pression sociale. Il fait grand cas de la concrétisation d’engagements financiers déjà pris avant la crise du Covid, accorde quelques prêts aux hôpitaux et quelques primes dérisoires et inégalement réparties. En Grèce, il ne s’en donne même pas la peine. Au contraire, le fait que l’avant-projet de budget 2021 présenté par le gouvernement de Mitsotakis prévoie une réduction des dépenses de 600 millions d’euros pour les hôpitaux et les soins de santé démontre avec quelle aisance le pouvoir crache à la figure de la population.
Pire encore, au besoin criant de soin, le gouvernement grec répond par un déchaînement de violence inouï en atteste la création d’une police universitaire pour un budget de 20 millions par an sur 5 ans, l’augmentation des dépenses militaires de 5,5 milliards ainsi que le financement des médias dominants pour plusieurs dizaines de millions pour soi-disant leurs campagnes Covid, alors qu’il s’agit là de renforcer la propagande gouvernementale et faire taire les scandales autoritaires.
Si l’autoritarisme et la répression policière prennent en Belgique, en France et à d’autres endroits un tournant plus qu’inquiétant, le peuple grec ne connaît que trop bien cette expression violente du pouvoir qui semble, aujourd’hui, atteindre son paroxysme et être devenue la seule réponse du gouvernement d’Athènes à la crise sanitaire et sociale. Le peuple grec est aujourd’hui, devant les autres peuples d’Europe, en première ligne face à la prise de pouvoir du fascisme.
Bien entendu, cela ne sort pas de nulle part car le peuple grec était déjà en première ligne depuis des années et aujourd’hui encore, face aux politiques qui ont rendu possible cette accession au pouvoir. Ces politiques se sont bien entendu les politiques d’austérité et les privatisations massives, imposées depuis plus de dix ans par le FMI, les institutions européennes et les pays du centre de l’Europe, dont la Belgique. Ce véritable acharnement, imposé au prétexte d’une dette directement issue des jeux financiers des banques françaises, allemandes, néerlandaises et belges, a créé une détresse sociale gigantesque.
Déjà bien avant la crise sanitaire actuelle qui n’a fait qu’empirer les choses, le système de santé grec était dans un état de délabrement avancé. Depuis 2010, les mesures d’austérité imposées à la Grèce par ses créanciers ont méthodiquement démantelé son système de santé non-marchand. Une analyse de Noëlle Burgi, publiée en 2018 décrit ce démantèlement par ces mots : « Au rythme dicté par la Troïka, les gouvernements grecs ont taillé dans les dépenses de santé « avec des couteaux de boucher », selon l’expression d’un ancien ministre de la Santé, Andreas Loverdos, et cela, au moment même où les conditions de vie, fortement dégradées sous l’effet de l »austérité, se répercutaient sur la santé de la population. Pour reconfigurer le secteur, des recettes « clé en main » de la Banque mondiale et du FMI ont été plaquées sur le système public de santé grec dans l’intention prioritaire de réduire les coûts, d’extraire des ressources et de réorienter les comportements vers la consommation d’assurances et de services privés. [1] »
Aujourd’hui, en Grèce, le gouvernement a annulé 80 % des opérations chirurgicales dites « non-essentielles » pour pousser les patient.e.s vers le secteur privé. Il a réquisitionné des médecins du secteur privé sans considérer une seule seconde engager du personnel dans le secteur public. Le gouvernement grec montre par tous les moyens, en pleine crise sanitaire, qu’il veut détruire le système de santé public.
Cette destruction généralisée de la protection sociale, cette dégradation des conditions de vie par plus de libéralisme ce sont celles qu’on nous impose aujourd’hui en Belgique, tout comme ces recettes « clés en main » pour le secteur de la santé : Tarification à l’acte, privatisations des services et sous-traitance, report des coûts sur les patient·e·s et explosion de la charge administrative et informatique portée par les soignant·e·s.
Il s’agit là du modèle social voulu par les détenteurs de capitaux et porté par les gouvernements partout en Europe. Le peuple est seulement en première ligne.
L’austérité est à combattre, et c’est ce que tentent de faire les médecins et le personnel des hôpitaux et centres de soins publics en Grèce. Mais le gouvernement ne laisse place à aucune critique ni dans les médias ni sur le terrain. Il y a quelques semaines, Katarahias, un médecin délégué syndical a été menacé de licenciement pour avoir critiqué les politiques de santé du gouvernement. D’autres médecins qui osent parler publiquement de la situation catastrophique dans les hôpitaux se font aussi poursuivre par l’État devant la justice. La répression se fait sentir partout : dans les hôpitaux, dans les médias et dans la rue.
Si le peuple grec est, depuis trop longtemps, aux premières loges de cette colonisation par le capital, il marche aussi à l’avant de la contestation sociale en Europe. Les mobilisations massives, les luttes de terrain, l’autodéfense contre les violences policières et fascistes et l’expression de formes magnifiques de solidarité et de soin basées sur l’autogestion nous inspirent et embrasent notre détermination à mener ces luttes de concert.
Aujourd’hui, La santé en lutte se tient à vos côtés et manifeste sa totale solidarité dans votre combat et ce, d’autant plus qu’il est aussi le nôtre. Nous serons également dans la rue avec vous le 29 mai pour manifester, ici à Bruxelles, à Athènes et partout en Europe et au-delà. Pour une société où l’argent public sert à la santé de la population, pas à sa répression.
Merci.
Notes
[1] N. Burgi, « Grèce : Le démantèlement méthodique et tragique des institutions de santé publique », IRES, 2018
Source https://www.cadtm.org/De-l-argent-pour-la-sante-pas-pour-la-police