“Le traitement de choc administré à la France par Macron rappelle celui infligé à la Grèce” par Georges Nurdin
Plusieurs années après la potion amère infligée par la Troïka à la Grèce, le pays va mal. Or, un traitement similaire est administré à la France, dénonce notre chroniqueur Georges Nurdin, économiste, consultant international essayiste et écrivain.
A la Grecque. Cela évoque de nombreuses combinaisons : les champignons, les yaourts, et bien d’autres choses encore, mais aussi – plus récemment – l’économie. C’est cette dernière perspective qui nous intéresse car, en effet il existe de plus en plus de ressemblances entre le “traitement de choc” administré à la Grèce suite à la crise de 2008 (crise, rappelons-le, qu’elle n’a pas provoquée mais qui lui a été infligée de l’extérieur) et celui qui est en train d’être appliqué à la France du “Nouveau Monde”.
En quoi a consisté la “cure grecque” qui a été administré au pays, de force par Docteur Europe et Professeur FMI, et Maestro Banque Centrale : la fameuse Troïka (le vocable utilisé évoque la nostalgie des temps soviétiques, celui du gosplan et soviet suprême, un comble pour l’Europe… si démocratique) ? Cela tient en six points : sabrer dans les pensions et les retraites de tous – la pénurie universelle -, sabrer dans les indemnités de chômage et dans les minima sociaux, sabrer dans les dépenses dites “sociales” – y compris la santé et l’éducation -, “flexibiliser” le travail (c’est à dire en éliminant quasiment toute protection du salarié et en généralisant les contrats précaires), réduire drastiquement la fonction publique et le service public… et vendre les bijoux de famille (privatiser les infrastructures appartenant à L’Etat, tels que les aéroports, les ports, les trains, etc…). Cela ne vous rappelle rien ?…
Et comment va la Grèce depuis ? Car la thérapie “à la grecque” a servi de laboratoire, de test in vivo à une thérapie “progressiste” de choc en Europe. Chypre ayant quant à elle servi de laboratoire pour la confiscation des avoirs et des comptes courants des particuliers par les banques, toujours dans le cadre de l’UE… La question est intéressante, car on peut se faire une idée par simple homothétie de ce qui peut ou va se passer chez nous, suivant le principe que les mêmes causes produisent les mêmes effets.
Et bien, la Grèce ne va… pas bien… mais pas bien du tout. La pauvreté s’étend désormais à un tiers de la population, le taux de chômage des jeunes se situe à plus de 40 % et le coefficient de Gini est passé de 0,32 à 0,37 depuis 2008, ce qui veut dire que les pauvres sont devenus beaucoup plus pauvres et que les “premiers de cordées” sont devenus plus riches… : la “redistribution” via le fameux “ruissellement” n’a, bien entendu, pas fonctionné… ou plutôt si, mais en sens inverse. Les talents se sont expatriés, les classes moyennes sont exsangues, laminées, et surtout, sans perspectives, vides d’espoir et d’avenir. Et c’est peut-être cela le plus grave et le plus inquiétant.
Le PIB se situe à en retrait de 20% par rapport à son niveau de 2008 et d’après les économistes du Financial Times, qui ne sont pas réputés pour être des tendres, il ne le retrouvera (dans le scénario dit le plus favorable) qu’en… 2040. Et encore, peut-être, si tout va bien. En clair il faudra sacrifier, a minima, deux générations sur l’autel du dogme monétaire, l’actuelle et la suivante pour espérer revenir, peut-être, dans le meilleur des cas, au point de départ.
C’est donc, avec la cure à la grecque, une certaine vision du “progrès” qui est … en marche… Mais cela a-t-il un sens de l’appliquer, avec brutalité en plus, à un pays comme la France ? La réponse est clairement : non ! La situation ne le justifie pas, les fondamentaux économiques, financiers, sociaux et sociétaux non plus. Alors pourquoi l’appliquer ?
D’ abord parce qu’il faut rentrer, de toute urgence, donc de force et avec violence, dans les “critères” de Bruxelles et de Maastricht. C’est qu’on ne transige jamais avec l’idéologie et le dogme. Car l’Économique, enfin, une interprétation très limitée, extrêmement régressive, dépassée et punitive de l’Économie, domine le “projet” européen actuel. Ensuite l’Hubris, cette pulsion d’orgueil et de démesure qui fait que l’on se prend pour Dieu, Zeus, ou… Jupiter, si bien décrite et honnie par les Grecs Anciens, est un facteur sinon déclenchant du moins aggravant. Terriblement aggravant dans les circonstances actuelles… L’ Hubris n’est pas le courage et encore moins l’audace. C’est en fait tout son contraire.
Mais, il faut reconnaître que, malgré leurs protestations et leurs souffrances, les violences faites aux Grecs et aux Chypriotes sont “passées”, et – inutile de le préciser – avec la “bénédiction” de Bruxelles. Et, bien sûr, cela est de nature à faire tâche… d’huile. Quant à savoir si cette huile sera mise dans les engrenages ou sur le feu… Réponse dans les prochains mois.
Georges Nurdin, économiste, consultant international essayiste et écrivain (Les multinational émergentes, International Corporate Governance, Le temps des turbulences, Wanamatcha !).