Gérard Duménil, directeur de recherche au CNRS dans Politis
Quelques mois d’efforts suffiraient pour alléger la dette du pays.
La Grèce ne redressera pas sa situation par des mesures d’austérité qui accroîtraient le surplus de son budget calculé sans tenir compte des intérêts payés sur la dette publique. La raison est bien connue. Dans une situation de récession majeure, l’État devrait, à l’inverse, dépenser plus que ce qu’il prélève par l’impôt afin d’augmenter les débouchés des entreprises. Le gouvernement grec doit payer actuellement des taux d’intérêt de 18 % pour s’endetter à échéance de dix ans (contre moins de 2 % aux États-Unis). Qui soutiendrait ces taux ? La Grèce ne paiera pas sa dette en privatisant ses entreprises publiques. Lutter contre l’évasion fiscale est un programme auquel on ne peut qu’applaudir, mais il ne rapportera pas les sommes nécessaires.
La solution de la crise grecque suppose la collaboration des autorités européennes. Mais ni les commissions, ni l’Eurogroupe, ni la Banque centrale européenne (BCE) ne sont bienveillants. Seule la menace politique serait susceptible de les faire fléchir. Je terminais ma chronique précédente (politis n°1340) en affirmant qu’il fallait dire à Syriza : « Rendez-vous à Bruxelles » car l’élection d’un gouvernement de gauche radicale dans un pays comme la Grèce est insuffisante pour menacer les grands équilibres politiques européens. Pourtant, la grande montée des vraies gauches ne se produit pas ou si peu, comme en témoignent les récentes élections françaises. L’échec de Syriza ne pourrait d’ailleurs que décourager les rêveurs. Pourquoi donc changer de cap sans avoir tout obtenu au préalable, ou même, tout simplement, pourquoi les autorités européennes changeraient-elles le moins du monde, ce qui pourrait créer un précédent ? La Grèce fait jouer la menace d’accords avec la Russie et la Chine, mais elle n’est pas une pièce maîtresse de l’échiquier européen.
Un petit pays en effet. Mais l’argument souligne aussi que le coût du sauvetage de la Grèce serait bien léger. En 2014, la dette publique du pays s’élevait à 318 milliards d’euros, contre 2 038 pour la France et 2 155 pour l’Allemagne (Ameco Database Gross Debt). Entre 2009 et 2014, la dette du gouvernement allemand s’est accrue de 377 milliards d’euros, soit plus que le total de la dette grecque actuelle. Certes, quelques centaines de milliards ne sont pas une baliverne. Pourtant, au mois de janvier 2015, la BCE a décidé de racheter massivement des titres publics et privés (« Dans le cadre de ce programme étendu, les achats mensuels de titres des secteurs public et privé se monteront à 60 milliards d’euros », a déclaré Mario Draghi). Pourquoi ne pas commencer par des titres grecs ? Quelques mois d’efforts suffiraient pour alléger radicalement la dette de ce pays. Les institutions financières détentrices de ces créances sur l’État grec se verraient soulagées, ce qui les encouragerait à prêter aux entreprises ou aux ménages. Et comme ces créances seraient finalement honorées, on pourrait même exiger que les prêteurs annulent l’augmentation de leurs créances résultant des intérêts que la Grèce ne pouvait pas payer et qui furent financés par de nouveaux crédits à des taux usuraires. Si la BCE ne veut pas sauver la Grèce, c’est qu’elle ne le veut pas. On s’en doutait.