Vers la socialisation du secteur bancaire

France : Faire cesser le scandale des frais bancaires et aller vers la socialisation du secteur bancaire

22 août par Eric Toussaint , Isabelle Mauzat , Bernard Dantec , Véronique Danet , Alexis Corbière

Le vendredi 21 août à 16h15 avait lieu la conférence des AMFiS2020 (université d’été de la France Insoumise) « Faire cesser le scandale des frais bancaires et progresser dans la création d’un pôle public bancaire » avec :

Éric Toussaint (porte-parole international du Comité pour l’abolition des dettes illégitimes)
Isabelle Mauzat (ex-présidente des prud’hommes de Cergy),
Bernard Dantec (CGT banques-assurances),
Véronique Danet (groupe banques LFI)
Alexis Corbière (député LFI)

Source https://www.cadtm.org/France-Faire-cesser-le-scandale-des-frais-bancaires-et-aller-vers-la

Restrictions du droit de manifester

Grèce. Le gouvernement Mitsotákis associe l’extension des contre-réformes néolibérales à une attaque directe aux droits démocratiques
Manifestation à Athènes le 9 juillet 2020 contre la loi visant le droit à manifester

Par Katerina Sergidou

Depuis l’arrivée de la crise économique de 2008-2009, peut-être aucune autre ville d’Europe n’a connu autant de manifestations et d’attaques policières qu’Athènes. Le peuple grec, la gauche dans toutes ses variantes et les mouvements sociaux se sont battus avec acharnement. Ils ont encerclé le parlement. Ils ont défendu leurs maisons contre les banques cherchant à les exproprier sous le prétexte de retard dans le paiement des intérêts hypothécaires. Ils ont manifesté contre les atteintes à la législation du travail, au droit de grève. Ils se sont mobilisés contre les mémorandums de la troïka (FMI, BCE et Commission européenne) et la politique des créanciers faisant de la Grèce une sorte de protectorat. Ils se sont battus contre la privatisation des ressources: des terres à l’eau, en passant par l’électricité. Ils ont proclamé un OXI (NON) lors du référendum de juillet 2015, même si ce non et devenu un OUI, sous la bannière du gouvernement d’Alexis Tsipras. Grèves, manifestations, protestations, célébrations, occupations: les rues d’Athènes et d’autres villes, d’une manière ou d’une autre, ont été très «indisciplinées» au cours des 12 dernières années, surtout durant la période allant de la révolte des jeunes en 2008 jusqu’au référendum de juillet 2015.

Nous rappelons qu’entre 2012 et 2014, le pays a connu 40 journées de mobilisations et grèves dites générales. Bien que les coups portés au peuple grec aient été très durs depuis l’arrivée au gouvernement, le 9 juillet 2019, de Kyriákos Mitsotákis – à la tête du parti conservateur de la Nouvelle Démocratie – il était clair que, peu à peu, les manifestations et actions de résistance allaient se multiplier.

Face aux conséquences socio-économiques très profondes de la pandémie de Covid-19, les premières manifestations de «colère sociale» – malgré toutes les difficultés inhérentes au poids du chômage et de la précarité dans la vie quotidienne et aux politiques répressives (en fin mai 2020, des travailleurs du secteur touristique, paralysé par le confinement, ont été fortement réprimés par la police lors d’une manifestation) – se constituaient comme des éléments nécessaires à une possible nouvelle phase des luttes sociales et politiques.

La réponse du pouvoir à cet environnement instable réside dans la quasi-interdiction des manifestations. Le gouvernement de droite et son ministre Michalis Chrisoxoidis (anciennement membre du PASOK) ont proposé une loi qui restreint sérieusement le droit de manifester. Le Parlement grec a approuvé le projet de loi le jeudi 9 juillet 2020, avec le soutien de 187 députés (Nouvelle Démocratie, KINAL (ex-Pasok) et l’ultra-droite), alors que 101 ont voté contre (Syriza, KKE, MERA25-Varoufakis). Bien que Syriza ait exprimé une opposition parlementaire au cours des derniers jours, la direction de Syriza ne voulait pas s’engager à organiser une riposte des secteurs de la société. L’essentiel du poids d’une réplique à cette expression renouvelée d’une politique autoritaire a reposé sur les épaules d’un secteur syndical et de la gauche radicale, même s’ils n’ont pas accès aux médias.

La loi permet aux autorités de limiter et de déterminer les itinéraires des manifestations. Un des piliers de cette contre-réforme est de pouvoir interdire les manifestations qui, selon la définition des autorités, peuvent entraver la circulation ou limiter l’activité commerciale dans les villes. La loi prévoit une nouvelle figure socio-juridique, celle de «l’organisateur» de la manifestation. Il sera contraint de collaborer avec la police pour garantir le caractère pacifique de la manifestation et, au final, il sera responsable de tout dommage survenu. En outre, toute manifestation non approuvée sera considérée comme un crime et, à ce titre, des mesures seront prises contre les organisateurs désignés par les forces de police. La loi prévoit également des peines de prison pour les organisateurs des manifestations en cas de «troubles», même si ces derniers sont le fait de groupes n’ayant aucun lien avec la manifestation.

Alors que le parlement votait sur «la loi de la dictature», comme la qualifie le mouvement dans les rues d’Athènes, le jeudi 9 juillet, la police a dispersé avec des gaz lacrymogènes ceux qui protestaient contre la nouvelle loi. Les policiers, sur des motos, ont frappé des manifestant·e·s et ont arrêté des nombreuses personnes.

Les journées de protestation du 7 au 9 juillet ont occupé plusieurs rues de la capitale et de 40 villes grecques. On estime que plus de 10’000 manifestants pacifiques ont défilé dans le centre d’Athènes. Les mobilisations contre la loi ont été appelées par les syndicats, par le Comité pour la liberté de manifester (composé des forces de la gauche radicale sauf le Parti communiste), le Parti communiste (KKE), d’autres partis d’opposition et des associations d’étudiant·e·s. Le Comité pour la liberté de manifester est au cœur de ces protestations. Depuis plusieurs jours, il appelle à de nouvelles actions pour défendre les manifestants arrêtés.

La lutte pour défendre nos droits démocratiques sera longue. Annuler, dans la réalité concrète, l’application de cette loi constituera une épreuve qui va se répéter. En réalité, le gouvernement revient de plus en plus à des méthodes de la dictature bien qu’il tente de présenter un visage plus libéral. Le régime craint que la société – ou des secteurs de cette dernière – exprime sous diverses formes le rejet des conséquences des décisions inspirées par le processus de contre-révolution néolibérale. Le gouvernement s’attaque à l’attachement populaire aux droits démocratiques. Il affirme que si les salarié·e·s des hôpitaux – qui ont ironiquement applaudi le gouvernement fin juin et qui durent face faire à la police – veulent faire grève, ils doivent lui en demander la permission. Il affirme que si des millions de personnes descendent dans la rue pour manifester contre les coupes budgétaires, au même titre où ils l’ont fait de 2012 à 2014, ils doivent nommer officiellement «un organisateur responsable». Il proclame que si nous, féministes, voulons organiser une manifestation devant les tribunaux pour défendre la mémoire de nos sœurs assassinées, comme dans le cas d’Eleni Topaloudi (violée, torturée et assassinée en novembre 2018 sur l’île de Rhodes), nous devons demander la permission. Il nous dit que si les habitants de Volos veulent défendre l’eau de leur terre contre la privatisation – entre autres comme ils l’ont fait le 13 juin, malgré la répression policière qui a fait un mort le jour suivant – ils doivent demander la permission de manifester.

Dans les mois à venir, il est crucial d’élargir la coalition qui défend les droits démocratiques au sens large, la liberté et la «démobilisation» d’une police qui renoue toujours plus avec sa tradition répressive. Il est dès lors important de gagner de plus en plus de couches de la société à agir pour dans ce but; ce qui implique une jonction concrète entre les besoins et les droits sociaux qui en découlent et la défense des droits démocratiques. (15 juillet 2020; traduction-édition rédaction A l’Encontre)

Katerina Sergidou, militante du DEA, membre de l’Assemblée 8M, Athènes et chercheuse en anthropologie sociale à l’Université Panteion

Source http://alencontre.org/europe/grece/grece-le-gouvernement-mitsotakis-associe-lextension-des-contre-reformes-neoliberales-a-une-attaque-directe-aux-droits-democratiques.html

Grèce : les migrants du camp de Malakasa dans l’impasse

Dans le camp de Malakasa situé près d’Athènes, les migrants ont tout le mal du monde à entamer une procédure de demande d’asile. Un Gambien arrivé au mois de mars a accepté de raconter par SMS sa situation à InfoMigrants.

Robert* n’a que 33 ans mais sa vie semble à l’arrêt. Depuis six mois, le Gambien vit dans le camp de Malakasa près d’Athènes. Peu après son arrivée, le camp a été placé en quarantaine après qu’une personne y a été testée positive au coronavirus.

Malakasa est divisé en deux nouvelles sections. Robert se trouve à Malakasa 2, un terrain militaire qui longe Malakasa 1. Les deux sites sont officiellement gérés par les autorités grecques, avec le soutien de l’OIM, l’Organisation internationale pour les migrations.

Les migrants vivent dans des conteneurs et dans des tentes sous lesquelles il fait actuellement très chaud. Robert craint que ces tentes n’offrent pas suffisamment de protection en hiver. « La Croix-Rouge fait de son mieux pour assurer des soins médicaux… Les autorités nous ont donné des masques et du savon. Mais la nourriture est très mauvaise, à tel point que l’on ne prend que ce qu’ils nous donnent les dimanches et les mercredis », a-t-il confié à InfoMigrants.

« Le mercredi c’est du poulet et du riz. Autrement, c’est des haricots tous les jours, alors les gens ne les prennent pas. On a faim la plupart du temps. »

« Nous leur avons demandé de nous donner l’argent, on peut se faire à manger nous-mêmes. Reste que nous n’avons pas de cuisine et ils nous empêchent de cuisiner parce que nous sommes sur un terrain militaire. Au début, l’OIM était responsable de la nourriture et c’était beaucoup mieux. Le gouvernement a coupé les dépenses, alors l’OIM a décidé de ne plus payer de nourriture avec l’argent que le gouvernement dépense chaque jour par migrant. C’était dix euros, puis ils ont réduit à cinq euros. »

Prises de rendez-vous par Skype 

Le principal défi pour les migrants de Malakasa est de pouvoir s’enregistrer. Quand Robert a contacté InfoMigrants, il a expliqué que les autorités avaient informé le camp que chacun devait s’occuper lui-même de son rendez-vous pour informer le service d’asile grec (GAS) de sa volonté de faire une demande d’asile.

Pour cela, il fallait passer un appel avec son smartphone via l’application de vidéoconférence Skype.

L’appel ne peut se faire uniquement à certaines heures avec un identifiant Skype. Ce créneau horaire disponible dépend de la langue que parle la personne et selon le lieu où elle se trouve, que ce soit Thessalonique, Athènes ou en Crète. (Sur les autres îles grecques, la procédure est différente)

« Cela a empêché beaucoup de personnes de faire leur demande d’asile. Les jours et les créneaux horaires prévus n’étaient pas suffisants. Par exemple, les migrants parlant le français et l’anglais ne peuvent appeler que les mercredis de 8 à 9 heures du matin. Se frayer un chemin pour déposer une demande d’asile est difficile ».

« C’est très frustrant. Seule une poignée de personnes savent comment se servir d’internet. Il y ici a beaucoup de gens vulnérables qui ont besoin d’être protégés. J’ai déjà tenté trois fois de prendre un rendez-vous sur Skype mais la ligne est toujours occupée. Je vais encore devoir essayer mercredi prochain. »

Pour trouver de l’aide et des information concernant l’enregistrement : https://www.mobileinfoteam.org/skype

C’était en juillet. Depuis, trois mercredis supplémentaires sont passés et Robert n’a toujours pas réussi à joindre quelqu’un. Fin juillet, il n’avait toujours pas rempli un seul document en lien avec la procédure d’asile. Alors le sentiment de frustration s’empare de plus en plus du camp et les migrants demandent une réaction de l’OIM.

« Quand j’ai demandé à l’avocate de l’OIM, elle a dit que le gouvernement était encore supposé faire quelque chose concernant notre cas et qu’il fallait laisser les gens prendre leur rendez-vous via Skype. Si les autorités nous aidaient à faire nos demandes, nous pourrions trouver du travail. Mais en attendant, nous sommes ici à attendre, sans aucune annonce des autorités. »

« En tant qu’organisation d’aide aux migrants, qu’a fait l’OIM pour persuader le ministère de la migration d’envoyer une équipe à Malakasa pour accélérer nos procédures d’asile ? Ça devient frustrant. Ça fait presque six mois que nous sommes ici. Rien n’a été fait et il y a des personnes vulnérables qui ont besoin d’assistance. »

InfoMigrants a soumis les questions de Robert à l’OIM. Voici la réponse d’un porte-parole de l’agence onusienne datant du 24 juillet :

« Il y a quelques mois, le gouvernement grec a voté une loi dont le but était entre autres d’accélérer les procédures d’asile. Selon de récentes annonces du ministère de la Migration et de l’Asile, le nombre de demandes d’asile traitées a augmenté en 2020 comparé à 2019. A cause du grand nombre de demandes en suspens, des délais persistent, mais des avancées pour accélérer les procédures ont été réalisés. »

Sur recommandation de l’OIM, nous avons posé la même question au service d’asile grec, mais nous n’avons pas reçu de réponse à ce jour, jeudi 13 août 2020.

Concernant le système de pré-enregistrement via Skype, le porte-parole de l’OIM nous a redirigés vers un système d’enregistrement en ligne lancé par le GAS en avril. L’application est disponible en anglais et en grec et l’OIM dit mettre à disposition du Wi-Fi et un soutien juridique dans les camps. Néanmoins, avant de soumettre son dossier en ligne, il faut être pré-enregistré et disposer d’un numéro d’identifiant, ce qui veut dire qu’il est toujours nécessaire de prendre un rendez-vous via Skype.

Nous avons aussi demandé à l’OIM de réagir aux craintes concernant le manque de nourriture à Malakasa 1 et 2. Le porte-parole a confirmé que c’est bien l’armée grecque qui s’occupe de la distribution de repas dans la section Malakasa 2, tout en ajoutant :

« A Malakasa 1, le nombre de demandeurs d’asile non enregistrés et de réfugiés a considérablement augmenté ces dernières semaines. L’OIM fait de son mieux pour aider un maximum de familles vulnérables qui vivent dans des tentes improvisées. L’OIM distribue plus de 700 paniers de nourriture par semaine et coordonne d’autres distributions avec des organisations bénévoles. »

* Son prénom a été modifié

Traduction : Marco Wolter

Source https://www.infomigrants.net/fr/post/26757/grece-les-migrants-du-camp-de-malakasa-dans-l-impasse?fbclid=IwAR1yy6o5vqAKFhfHCuYxP5SpvrAJe-EYsCOIcRn79Cn_6Xm6812-YcK1Ba8

Interview d’Olivier Delorme sur le conflit Grèce-Turquie

Olivier Delorme: « Des frégates turques violent tranquillement tous les jours l’espace maritime grec »

23 août 2020 :  En duplex de Grèce, l’historien et essayiste Olivier Delorme spécialiste de la Grèce et des Balkans qui vit lui-même sur une petite île grecque décrypte le conflit entre la Grèce et la Turquie qui ne cesse d’empirer au fil des jours et nous en donne une analyse bien différente de ce que l’on entend en France. Passionnant !

A 12m40

Les retraités attendent les paiements

Par ROULA SALOUROU

La Cour des comptes, la plus haute juridiction fiscale de Grèce, devrait finalement donner son feu vert en septembre pour le remboursement de quelque 1,4 milliard d’euros de réductions des pensions que les tribunaux ont jugées anticonstitutionnelles.

Cet argent concerne les réductions des pensions qui ont été effectuées en 2012, lorsque le deuxième mémorandum a été signé entre la Grèce et ses créanciers – la Commission européenne, la Banque centrale européenne et le Fonds monétaire international.

Trois ans plus tard, le Conseil d’État, la plus haute juridiction administrative grecque, a déclaré ces réductions anticonstitutionnelles.

La législation a limité le remboursement des réductions des pensions couvrant la période allant de juin 2015, date de la décision de la cour, à mai 2016, date à laquelle une nouvelle législation a consacré les réductions d’une manière qui a rendu impossible une contestation juridique. Et le remboursement ne concerne que les pensions principales, et non les pensions auxiliaires versées par des fonds sectoriels ou même des fonds propres aux employeurs qui ont été investis.

Dans un premier temps, le gouvernement versera 900 millions d’euros aux retraités du secteur privé. La Cour des comptes doit encore se prononcer sur le remboursement de 500 millions d’euros aux fonctionnaires retraités. Mais cet arrêt, qui doit être suivi d’un vote parlementaire autorisant la dépense, devrait intervenir prochainement.

Le nombre total de bénéficiaires des secteurs privé et public est estimé à 1 million, de sorte qu’aucun retraité ne verra son patrimoine augmenter de manière significative. Mais comme le gouvernement avait auparavant promis que tout le monde serait payé à l’automne, en une seule fois, et qu’il a justifié cela en invoquant la crise économique provoquée par la pandémie, cela semblait être une bonne injection.

Seul le gouvernement a maintenant des doutes : Il veut toujours verser l’argent en 2020, mais très probablement en deux versements, l’un d’ici la fin septembre et l’autre d’ici la fin de l’année.

Tous les retraités remboursés renoncent, de par la loi, à toute demande de remboursement partiel des réductions des pensions auxiliaires, également effectuées en 2012, ou des soi-disant « 13e et 14e salaires », d’un mois entier de salaire comme prime de Noël et des primes bimensuelles accordées autour des vacances de Pâques et d’été.

Les coupes dans ces deux catégories ont été jugées inconstitutionnelles. Cette disposition ne s’applique pas à ceux qui ont déjà contesté juridiquement les réductions.

Source https://www.ekathimerini.com/256028/article/ekathimerini/news/pensioners-await-payments

Expulsions de demandeurs d’asile

Expulsions de demandeurs d’asile : la Grèce « a profité du Covid pour durcir sa politique migratoire »

Par Julia Dumont

Dans une récente enquête, le New York Times affirme que la Grèce a expulsé illégalement plus de 1 000 demandeurs d’asile hors des frontières européennes au cours des derniers mois. Interrogé par InfoMigrants, Matthieu Tardis, chercheur au Centre migrations et citoyennetés de l’IFRI, ne se dit pas particulièrement surpris par ces faits.

L’enquête publiée par le New York Times vendredi 14 août confirme les témoignages recueillis ces derniers mois par InfoMigrants sur des refoulements d’embarcations de migrants par des garde-côtes grecs en mer Égée.

Le quotidien américain a pu interroger plusieurs personnes ayant été victimes de ces refoulements illégaux alors même que certains se trouvaient déjà sur le sol grec. C’est le cas d’une demandeuse d’asile syrienne qui affirme avoir été interpellée fin juillet dans le centre de détention de Rhodes, en compagnie de 22 autres personnes, dont 2 bébés. Elle explique qu’ils ont été abandonnés en mer sur une embarcation de fortune sans moteur et secourus par les garde-côtes turcs.

Selon cette enquête, des migrants ont également été contraints de monter dans des canots de sauvetage percés et laissés à la dérive à la frontière entre les eaux turques et grecques, tandis que d’autres ont été laissés à la dérive dans leurs propres embarcations après que des fonctionnaires grecs ont débranché leurs moteurs.

Le New York Times a également recueilli le témoignage de Amjad Naim. Cet étudiant palestinien de 24 ans a raconté au quotidien qu’en mai dernier, alors qu’il approchait des côtes de Samos avec un groupe de 30 personnes, leur embarcation a été interceptée par des garde-côtes grecs. Ces derniers ont transféré les migrants à bord de deux petits canots gonflables, incapables de supporter le poids d’une quinzaine de personnes, puis les ont tractés en direction de la Turquie.

Selon des experts, interrogés par le New York Times, ces pratiques illégales auraient pris de l’ampleur durant la période de confinement en Europe liée à la pandémie de coronavirus.

Le Premier grec Kyriakos Mitsotakis a catégoriquement réfuté les accusations formulées dans le quotidien et a affirmé qu’il s’agissait de « désinformation » orchestrée par la Turquie. « La Grèce est un pays qui respecte l’État de droit, nous avons accordé l’asile à des dizaines de milliers de personnes », a-t-il déclaré mercredi soir à la chaîne américaine CNN.

Matthieu Tardis, chercheur au Centre migrations et citoyennetés de l’IFRI (Institut français des relations internationales) a répondu aux questions d’InfoMigrants sur ces refoulements.

InfoMigrants : Que disent les lois européennes et grecques sur ces refoulements ?

Matthieu Tardis : Les refoulements, au sens juridique du terme, qui concernent les réfugiés et les demandeurs d’asile, sont interdits en droit international selon la Convention de Genève de 1951, et aussi en droit européen selon la Convention européenne des droits de l’Homme. Ils le sont encore plus dans les conditions décrites dans l’enquête du New York Times. Toute personne qui souhaite une protection en Europe doit pouvoir en faire la demande.

Est-ce la première fois que la Grèce adopte ce genre de pratiques ?

Non, j’ai le souvenir, dans les années 2000, d’un rapport de l’association allemande Pro Asyl sur des pratiques similaires de refoulements de bateaux qui arrivaient en mer Égée et des cas de mauvais traitements, y compris de la part de personnes dont on ne savait pas si elles étaient des officiers grecs parce qu’elles étaient masquées. Donc, [les faits rapportés par le New York Times] ne m’étonnent qu’à moitié.

C’est ce rapport-là qui avait contribué à lancer un débat au niveau du Parlement européen sur la suspension des renvois Dublin vers la Grèce parce qu’il n’y avait pas de bonnes conditions d’accueil des demandeurs d’asile dans le pays. Dans un arrêt de 2011, la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) avait décidé qu’on ne pouvait plus renvoyer les demandeurs d’asile en Grèce. Cela a duré jusqu’en 2016-2017.

La CEDH pourrait certainement condamner la Grèce pour ces pratiques de ‘push-backs’ démontrées par le New York Times.

Le gouvernement conservateur du Premier ministre Kyriakos Mitsotakis affiche volontiers sa fermeté vis-à-vis des demandeurs d’asile. Est-ce que ces refoulements font partie d’une stratégie politique ?

Ce que l’on voit aujourd’hui est lié au gouvernement actuel qui est pratiquement populiste. Beaucoup des politiques coercitives mises en œuvre contre les migrants sont en réalité destinées à l’opinion publique.

Le gouvernement grec a profité de la pandémie pour durcir sa politique migratoire. Aujourd’hui, la question de l’état de droit en Europe se pose vraiment. Les contre-pouvoirs sont affaiblis parce qu’il y a une prééminence de l’idée que pour la survie de l’Europe, il faut arrêter l’immigration dite irrégulière, que tout est permis pour cela. C’est la même chose en Italie.

Il est sans doute aussi temps de faire le bilan de l’investissement financier européen pour l’accueil des réfugiés en Grèce. La Grèce a reçu des centaines de millions d’euros ainsi que de l’aide humanitaire, sans parler des milliers de bénévoles d’associations internationales. Qu’est-ce qu’il reste de tout cela ? Pas grand chose j’ai l’impression.

Source https://www.infomigrants.net/fr/post/26723/expulsions-de-demandeurs-d-asile-la-grece-a-profite-du-covid-pour-durcir-sa-politique-migratoire

Comment expliquer l’escalade en méditerranée orientale

Sur France Culture, Marc Pierini, ancien ambassadeur en Turquie, et Thierry Bros, professeur associé à Sciences Po, invités de Chloë Cambreling, décryptent les enjeux géopolitiques et énergétiques en Méditerranée Orientale.

En dépit des appels à la désescalade lancés en particulier par l’Union européenne, la Turquie a annoncé le 16 août 2020 qu’elle allait prolonger ses recherches de gisements gaziers en Méditerranée orientale. Un navire de forage déployé au large de Chypre depuis plusieurs mois mènera des recherches au sud-ouest de l’île jusqu’au 15 septembre, tandis que le navire turc de recherche sismique déployé la semaine dernière entre Chypre et la Crète est escorté par des bâtiments de guerre et doit poursuivre ses opérations jusqu’au 23 août. Il est donc ici question de gaz, mais aussi de vieux contentieux réactivés sur la délimitation des eaux territoriales et des zones économiques exclusives. Il est question de géostratégie, de politique intérieure, d’influence régionale, le tout dans une zone instable : sans doute ce qui fait dire à l’Union européenne que la situation est « préoccupante« .

Aujourd’hui chercheur au centre Carnegie de Bruxelles, ancien ambassadeur de l’Union européenne en Turquie, Marc Pierini nous apporte des éclairages sur cette situation, avec également Thierry Bros, professeur à Sciences Po, spécialiste des problématiques énergétiques à la Direction générale de l’énergie et du climat.

https://www.franceculture.fr/emissions/linvitee-des-matins/comment-expliquer-lescalade-en-mediterranee-orientale?fbclid=IwAR3FM2CoH3XQBbnKafs_wXvsIw2FlJ65CFm_DcR3qMIKOlvAO1J35-eAz6M

Tensions Athènes-Ankara

Tensions Athènes-Ankara : « L’UE porte une écrasante responsabilité dans la montée de l’impérialisme turc » par Olivier Delorme Romancier et essayiste installé en Grèce, membre la commission réflexion de République Souveraine (RS)

Alors que les relations entre Athènes et Ankara se sont à nouveau détériorées, sur fond d’ambitions gazières, Olivier Delorme revient sur l’évolution des tensions entre les deux pays.

En 1975, à l’issue d’une première crise provoquée par des activités de prospection turques dans les eaux du plateau continental grec, les Premiers ministres Karamanlis et Demirel avaient convenu de recourir à l’arbitrage de la Cour de justice internationale de La Haye pour régler ce différend. Et depuis, tous les Premiers ministres grecs, jusqu’à Kyriakos Mitsotakis dans son allocution du 12 août, ont appelé à cette solution, également recommandée par le Conseil de sécurité de l’ONU, la jurisprudence de la Cour laissant présager l’attribution à la Turquie deux ou trois couloirs entre des îles orientales grecques afin que sa Zone économique exclusive (ZEE) soit d’une superficie équivalente à ce qu’elle serait sans ces îles.

Mais, sous la pression de son vice-Premier ministre Türkes, chef de la milice fascistoïde des Loups gris et fondateur du MHP, Parti d’action nationaliste aujourd’hui allié d’Erdogan, Demirel renia cet engagement. Et depuis, Ankara réclame une négociation bilatérale sur la base de sa souveraineté économique sur toute la moitié orientale de l’Égée, niant ainsi le droit des îles, internationalement reconnu, à une ZEE propre : négation dont résulte l’actuelle tentative de coup de force au large de Kastellorizo.

La responsabilité européenne

Car, malgré un mémorandum gréco-turc de 1976 gelant les prospections jusqu’au règlement du différend, cette crise n’est que la dernière d’une longue série, toutes déclenchées par la Turquie lorsqu’un gouvernement se trouvait en difficulté intérieure – comme l’est celui d’Erdogan aujourd’hui.

En 1995, le Premier ministre turc se fit même donner par l’Assemblée nationale une autorisation permanente de déclarer la guerre à la Grèce si celle-ci procédait à l’extension à 12 milles de ses eaux territoriales prévue par la convention internationale de Montego Bay – bien que la Grèce se fût engagée à ne pas y procéder unilatéralement et que la Turquie, non signataire de cette convention, l’ait fait en mer Noire comme en Méditerranée. Dans les années 1990, la Turquie adopta de surcroît la « doctrine des zones grises » qui, par une interprétation insoutenable des traités de 1923 et 1947 fixant ses frontières, la conduit à revendiquer une centaine d’îlots grecs. Et récemment, le concept de « Patrie bleue » sert à étendre ses prétentions de manière quasi illimitée.

Rarement aveuglement géostratégique aura été aussi complet !

Or, dans la montée de cet impérialisme, l’Union européenne porte une écrasante responsabilité. Pourquoi lors des marchandages budgétaires a-t-on contraint la Grèce à lever son veto à la candidature de la Turquie sans exiger de celle-ci qu’elle accepte l’arbitrage de la Cour de La Haye ? Pourquoi les milliards d’euros du contribuable européen déversés sur la Turquie au titre de la pré-adhésion, de la réalisation de l’union douanière puis du chantage aux migrants n’ont-ils jamais eu pour contrepartie la cessation des continuelles violations de l’espace aérien grec et l’évacuation de 37 % du territoire de la République de Chypre, membre de l’UE, occupés et colonisés depuis 1974 ? Pourquoi l’UE a-t-elle imposé qu’une partie des fonds européens destinés à Chypre finance l’État fantoche qu’y a proclamé Ankara ?

Pire, cet argent a permis la consolidation du pouvoir d’Erdogan en finançant, via des commissions sur les marchés publics, le système de charité islamiste du parti AKP. Et l’UE refuse toujours de mettre fin à la sinistre comédie des négociations d’adhésion de ce pays dont le régime ne tient plus que par la répression, la censure et la fraude électorale. Alors que, depuis dix ans, elle impose à la Grèce une ravageuse déflation, qui a notamment provoqué l’exil de 500.000 Grecs, affaiblissant ce pays de 10,7 millions d’habitants face à l’impérialisme d’un voisin de 82 millions à l’armée notablement plus puissante – au moins sur le papier. Rarement aveuglement géostratégique aura été aussi complet !

Lorsque le parti islamiste AKP arrive au pouvoir en 2002, son mot d’ordre est : zéro problème avec les voisins ; la Turquie est aujourd’hui en conflit plus ou moins larvé avec tous. Elle a soutenu Daesh, blanchi l’argent de son pétrole, tiré dans le dos des Kurdes. Elle a recyclé en supplétifs ce qui reste des terroristes de Daesh et Al Qaïda pour les disséminer en Libye, dans le Caucase où l’Azerbaïdjan, poussé par Ankara, ranime la guerre contre l’Arménie – probablement aussi parmi les migrants (peu aujourd’hui sont des réfugiés) qu’elle a lancés à l’assaut des îles ou de la frontière terrestre grecques.

Cette Turquie finance également la réislamisation sur un mode radical des minorités musulmanes des Balkans, tandis que l’AKP et le MHP ont pris le contrôle, via les consulats turcs et l’exportation d’imams, d’une importante partie des communautés turques d’Europe occidentale et endoctrinent leurs enfants dans une idéologie mêlant islamisme et néo-ottomanisme, dont la Grèce est une des cibles privilégiées et la réislamisation de Sainte-Sophie le symbole.

Quant aux relations turco-américaines, autrefois si étroites, elles ne cessent de se dégrader

Mais Erdogan a été stoppé en Syrie par la Russie, sa prétention à un leadership sunnite indispose Riyad, et le parlement égyptien vient d’autoriser l’envoi de troupes pour bloquer une éventuelle offensive turque vers les champs pétroliers libyens contrôlés par le maréchal Haftar. Quant à la base turque d’Al Watiya en Libye, elle a été bombardée, peut-être par les Émiratis et avec le soutien logistique de la France, dont une frégate contrôlant l’embargo international des armes à destination de la Libye, que viole la Turquie, a été menacée par une frégate turque.

En décembre 2019, Ankara a en outre signé, en échange de son aide militaire au gouvernement qui ne contrôlait plus que Tripoli, un mémorandum dessinant des ZEE turque et libyenne dont le tracé, absurde au regard du droit international en application duquel aucune contiguïté n’est possible entre elles, viole les droits de la Grèce, de Chypre et de l’Égypte, tout en étant contraire aux intérêts d’Israël et de la France. Car, si cet accord entrait en vigueur, le gazoduc qui transportera vers l’Italie le gaz de l’important gisement – où Total a obtenu des concessions – situé entre Chypre et Israël devrait, au lieu de passer directement de la ZEE de Chypre à celle de la Grèce, traverser celle d’une Turquie qui prétend aussi s’approprier la part de Chypre dans ce gisement.

Réactions grecques

Face à ces défis, la Grèce a resserré ses relations avec Israël, conclu avec l’Italie un accord sur leurs ZEE respectives en négociation depuis quarante ans, puis signé avec l’Égypte, le 6 août, un accord du même type relatif à l’espace qu’Ankara et Tripoli prétendaient se partager, tout en continuant à négocier pour la zone située plus à l’est. C’est en réponse à cet accord qu’Erdogan a ordonné l’entrée d’un navire de prospection et de sa flottille de guerre dans la ZEE grecque où le face-à-face avec la marine hellénique semble avoir provoqué, le 12 août, un incident qui aurait pu dégénérer, et où deux bâtiments de la marine française sont venus le lendemain participer à un exercice avec la flotte grecque.

Quant aux relations turco-américaines, autrefois si étroites, elles ne cessent de se dégrader, comme en témoignent l’exclusion de la Turquie du programme d’avions F35, le repli d’activités de la base OTAN d’Incirlik vers celle de Souda en Crète, ou la dévaluation de la livre turque (70 % en cinq ans, 25 % depuis janvier) auquel Washington ne peut guère être étranger. Aussi, dès le 10 août, le Département d’État a-t-il demandé à la Turquie de cesser immédiatement ses prospections dans la ZEE grecque et, à en croire la presse grecque, le président Trump aurait depuis refusé de répondre aux appels téléphoniques d’Erdogan. Ajoutons que l’économie turque est engluée dans une sévère récession depuis fin 2018 et que, pour ne pas l’aggraver, Erdogan interdit à sa Banque centrale, dont les réserves de change ne sont pas inépuisables, de défendre la monnaie et maîtriser une inflation de 10% par mois en relevant ses taux d’intérêt. Si bien que, comme tout pouvoir autoritaire dans une impasse, celui d’Erdogan cherche à mobiliser son opinion dans des aventures extérieures.

Il serait bien naïf dès lors d’imaginer que la chancelière Merkel ne s’aligne pas sur le despote d’Ankara

Comment dès lors ne pas approuver le ferme soutien du président de la République française à la Grèce et à Chypre ? Et comment s’étonner de l’interminable silence de l’UE – même si elle finit par accoucher de sanctions en trompe-l’œil ? 27 États qui n’ont ni la même histoire, ni les mêmes intérêts, ni la même vision du monde et de l’avenir ne feront jamais une puissance. Si la France prend position, c’est en tant qu’État, et non en vertu d’une souveraineté européenne qui n’existe que dans les fantasmes d’Emmanuel Macron. Quant à l’Allemagne, elle reste fidèle à une alliance germano-turque qui remonte à Guillaume II et que renforce le million d’électeurs allemands d’origine turque largement contrôlés par l’AKP et le MHP ; sans parler des 2,5 milliards de dollars (en 2019) d’excédent commercial que l’Allemagne retire de ses échanges avec la Turquie.

Il serait bien naïf dès lors d’imaginer que la chancelière Merkel ne s’aligne pas sur le despote d’Ankara et ne réclame pas avec lui une négociation bilatérale entre la Grèce et la Turquie plutôt que le respect du droit et l’arbitrage de la Cour internationale de justice prôné par l’ONU. Car, pour parler clairement, l’Allemagne prend aujourd’hui le parti de l’agresseur contre l’agressé.

Source https://www.marianne.net/debattons/billets/tensions-athenes-ankara-l-ue-porte-une-ecrasante-responsabilite-dans-la-montee-de?fbclid=IwAR279isJgS8gcIJdMotuNDf3Ka32Rf9Qa5G1Pu4ONMPaxg_kKuZ_e1uhjy4

Migrants repoussés vers la Turquie

Des soldats de l’armée allemande ont assuré que des embarcations se dirigeant vers la Grèce avaient été repoussées vers les eaux territoriales turques. Ils ont ainsi confirmé les accusations portées par différentes associations et ONG qui viennent en aide aux migrants.

L’information a fait surface lors d’une séance de questions au Parlement allemand. Le député Andrej Hunko, du parti de gauche Die Linke, cherchait à savoir si des navires allemands avaient observé la garde-côtière grecque ou des bateaux de l’opération de l’agence européenne de protection des frontières Frontex faire barrage à des embarcations de migrants.

Le député avait alors expliqué qu’il voulait avant tout savoir si des migrants étaient « repoussés vers les eaux turques ». En réponse, le gouvernement a affirmé que le 19 juin dernier, le navire allemand « Berlin », actuellement à la tête d’une force navale multinationale de l’OTAN, avait bien observé ce genre de refoulements.

Le « Berlin » a pour mission de surveiller la mer et de coordonner les opérations avec les pays riverains dans le cadre de son mandat au sein de Frontex. Le navire supervise aussi des centres de recherche et de sauvetage dans la région. « Le gouvernent allemand est en permanente communication avec le gouvernent grec et rappelle les règles édictée par le droit international », explique l’exécutif allemand.Selon des informations de l’agence de presse dpa, au moins trois cas d’embarcations repoussées vers les eaux turques auraient été documentées par les autorités allemandes.

Dans le même temps, alors que des allégations circulent sur les réseaux sociaux au sujet d’un incident au large de l’île de Lesbos, la garde-côtière grecque a répondu ne pas être au courant.

D’autres medias rapportent que des migrants seraient morts apès avoir été repoussés illégalement dans les eaux de la mer Égée, mais ces informations ne sont pas confirmées.

Andrej Hunko a appelé l’Union européenne à « réagir immédiatement sur ces incidents désormais documentés par le gouvernement allemand ». Le député voudrait par ailleurs que l’agence Frontex suspende ses opérations alors que des soupçons pèsent sur le gouvernement grec qui fermerait les yeux lorsque des bateaux sont repoussés. Une inaction qui violerait la Convention européenne des droits de l’homme.

Traduction : Marco Wolter

Le bras de fer se durcit en Méditerranée orientale

Entre militarisation et visées expansionnistes, le bras de fer se durcit en Méditerranée orientale
La bataille pour les hydrocarbures qui se joue dans la Méditerranée orientale n’est qu’un prétexte pour une redéfinition du rapport de forces dans la région. Mais en militarisant la réponse, certains s’inquiètent qu’éclate un conflit ouvert.

Escalade. Le mot, plus que jamais, est de mise dans la Méditerranée orientale. Depuis ce lundi 10 août, la région est en proie à une montée des tensions, doublée d’une militarisation importante, sur fond de bataille pour les hydrocarbures et d’accords économiques entre les pays du pourtour méditerranéen. Tout a commencé quand le navire sismique turc Oruç Reis, escorté par une imposante armada de bâtiments militaires, a entrepris des recherches dans des eaux qu’exploitent la Grèce. Ce dernier a ensuite mis le cap à plusieurs reprises vers les eaux de l’île de Chypre, divisée entre une partie grecque et une autre turque depuis 1974, avant de retourner dans la zone hellénique. En réaction, les autorités grecques ont immédiatement déployé leur marine, leur aviation et appelé les réservistes des îles à la mobilisation.

Signe que les tensions inquiètent, le Premier ministre grec, Kyriakos Mitsotakis (Nouvelle Démocratie, droite conservatrice), s’est fendu d’une adresse à la nation ce mercredi, en fin d’après-midi. Il y a loué la « fierté nationale« , a signalé avoir « mis les forces armées en alerte » et « activer la diplomatie« .

C’est pourtant d’abord sur le plan militaire que la Grèce a obtenu un soutien. Il est venu de la France, qui a renforcé sa présence armée dans la région en envoyant deux avions de chasse Rafale et deux bâtiments de la Marine nationale (le porte-hélicoptères Tonnerre et la frégate La Fayette). Immédiatement, la Turquie a réagi par l’intermédiaire de son ministre des Affaires étrangères, accusant le Président Emmanuel Macron de « jouer les caïds« . Quant au Président turc Recep Tayep Erdogan, il a prévenu qu’une attaque contre l’Oruç Reis se payerait « au prix fort« … tout en laissant entendre qu’un incident s’était déjà produit – ce que signalent également différents sites proches de l’armée et des nationalistes grecs, comme ArmyVoice.

Face à cette escalade et au risque qu’un incident dégénère en conflit ouvert, l’Allemagne, qui détient actuellement la Présidence de l’UE, tente un effort de médiation. La chancelière Angela Merkel s’est ainsi entretenue jeudi avec le chef de l’Etat turc et le Premier ministre grec Kyriakos Mitsotakis. Elle a également appelé Paris, Athènes et Ankara à éviter « l’escalade« .

La France bombe le torse, l’Allemagne appelle au dialogue

Car dans le contexte de militarisation extrême, l’initiative française suscite des craintes. « Pour défendre les intérêts français en Méditerranée orientale comme en Afrique, Emmanuel Macron est prêt à militariser afin de dissuader le comportement agressif de la Turquie. Dans ce contexte, un conflit peut éclater« , explique ainsi Panayiotis Tsakonas, Professeur de relations internationales et chercheur au centre Eliamep. A ses yeux, « Angela Merkel cherche, au contraire, la désescalade et à appeler les deux parties au dialogue.« 

L’UE saura-t-elle donc trouver une voix pour répondre à la Turquie ? Les Ministres des Affaires étrangères de l’Union Européenne en débattent ce vendredi lors d’un conseil convoqué en urgence par Josep Borrel, le chef de la diplomatie de l’UE. Initialement, la question de la Biélorussie était à l’ordre du jour, sous la pression des Etats baltes et de la Pologne. Mais Athènes a insisté pour faire figurer au programme des discussions les tensions dans la Méditerranée orientale. « L’enjeu n’est pas bilatéral, mais européen et international« , souligne le chercheur.

Derrière la bataille pour les hydrocarbures, c’est une véritable redéfinition du rapport de forces qui se joue dans la Méditerranée orientale. Tout son pourtour est destabilisé : la Syrie est en guerre ; au Liban, le gouvernement a démissionné ; le conflit perdure entre Israël et Palestine. De nombreux accords ont été signés entre la Grèce, Chypre, le Liban, l’Italie et l’Egypte, pour l’exploitation des zones maritimes. De son côté, la Turquie a signé un accord considéré contraire au droit international avec la Libye. Mais elle est bien décidée à se positionner dans la région.

« La Turquie d’Erdogan repose sur le régime d’un seul homme. Il a le sentiment d’être exclu des évolutions dans la région. Il réagi donc. Il veut que la Turquie joue un rôle central, hégémonique« , explique ainsi le chercheur Panayiotis Tsakonas. Sia Anagnostopoulou, ex-ministre des affaires européennes grecque, désormais députée (Syriza, gauche), et professeure d’histoire à l’Université Panteion d’Athènes, ajoute : « Erdogan cherche à se constituer un empire maritime. Il militarise en outre toutes les questions. C’est un vrai problème dans une région de plus en plus déstabilisée.« 

Source https://www.marianne.net/monde/entre-militarisation-et-visees-expansionnistes-le-bras-de-fer-se-durcit-en-mediterranee

Translate »