Grèce : les migrants du camp de Malakasa dans l’impasse

Dans le camp de Malakasa situé près d’Athènes, les migrants ont tout le mal du monde à entamer une procédure de demande d’asile. Un Gambien arrivé au mois de mars a accepté de raconter par SMS sa situation à InfoMigrants.

Robert* n’a que 33 ans mais sa vie semble à l’arrêt. Depuis six mois, le Gambien vit dans le camp de Malakasa près d’Athènes. Peu après son arrivée, le camp a été placé en quarantaine après qu’une personne y a été testée positive au coronavirus.

Malakasa est divisé en deux nouvelles sections. Robert se trouve à Malakasa 2, un terrain militaire qui longe Malakasa 1. Les deux sites sont officiellement gérés par les autorités grecques, avec le soutien de l’OIM, l’Organisation internationale pour les migrations.

Les migrants vivent dans des conteneurs et dans des tentes sous lesquelles il fait actuellement très chaud. Robert craint que ces tentes n’offrent pas suffisamment de protection en hiver. « La Croix-Rouge fait de son mieux pour assurer des soins médicaux… Les autorités nous ont donné des masques et du savon. Mais la nourriture est très mauvaise, à tel point que l’on ne prend que ce qu’ils nous donnent les dimanches et les mercredis », a-t-il confié à InfoMigrants.

« Le mercredi c’est du poulet et du riz. Autrement, c’est des haricots tous les jours, alors les gens ne les prennent pas. On a faim la plupart du temps. »

« Nous leur avons demandé de nous donner l’argent, on peut se faire à manger nous-mêmes. Reste que nous n’avons pas de cuisine et ils nous empêchent de cuisiner parce que nous sommes sur un terrain militaire. Au début, l’OIM était responsable de la nourriture et c’était beaucoup mieux. Le gouvernement a coupé les dépenses, alors l’OIM a décidé de ne plus payer de nourriture avec l’argent que le gouvernement dépense chaque jour par migrant. C’était dix euros, puis ils ont réduit à cinq euros. »

Prises de rendez-vous par Skype 

Le principal défi pour les migrants de Malakasa est de pouvoir s’enregistrer. Quand Robert a contacté InfoMigrants, il a expliqué que les autorités avaient informé le camp que chacun devait s’occuper lui-même de son rendez-vous pour informer le service d’asile grec (GAS) de sa volonté de faire une demande d’asile.

Pour cela, il fallait passer un appel avec son smartphone via l’application de vidéoconférence Skype.

L’appel ne peut se faire uniquement à certaines heures avec un identifiant Skype. Ce créneau horaire disponible dépend de la langue que parle la personne et selon le lieu où elle se trouve, que ce soit Thessalonique, Athènes ou en Crète. (Sur les autres îles grecques, la procédure est différente)

« Cela a empêché beaucoup de personnes de faire leur demande d’asile. Les jours et les créneaux horaires prévus n’étaient pas suffisants. Par exemple, les migrants parlant le français et l’anglais ne peuvent appeler que les mercredis de 8 à 9 heures du matin. Se frayer un chemin pour déposer une demande d’asile est difficile ».

« C’est très frustrant. Seule une poignée de personnes savent comment se servir d’internet. Il y ici a beaucoup de gens vulnérables qui ont besoin d’être protégés. J’ai déjà tenté trois fois de prendre un rendez-vous sur Skype mais la ligne est toujours occupée. Je vais encore devoir essayer mercredi prochain. »

Pour trouver de l’aide et des information concernant l’enregistrement : https://www.mobileinfoteam.org/skype

C’était en juillet. Depuis, trois mercredis supplémentaires sont passés et Robert n’a toujours pas réussi à joindre quelqu’un. Fin juillet, il n’avait toujours pas rempli un seul document en lien avec la procédure d’asile. Alors le sentiment de frustration s’empare de plus en plus du camp et les migrants demandent une réaction de l’OIM.

« Quand j’ai demandé à l’avocate de l’OIM, elle a dit que le gouvernement était encore supposé faire quelque chose concernant notre cas et qu’il fallait laisser les gens prendre leur rendez-vous via Skype. Si les autorités nous aidaient à faire nos demandes, nous pourrions trouver du travail. Mais en attendant, nous sommes ici à attendre, sans aucune annonce des autorités. »

« En tant qu’organisation d’aide aux migrants, qu’a fait l’OIM pour persuader le ministère de la migration d’envoyer une équipe à Malakasa pour accélérer nos procédures d’asile ? Ça devient frustrant. Ça fait presque six mois que nous sommes ici. Rien n’a été fait et il y a des personnes vulnérables qui ont besoin d’assistance. »

InfoMigrants a soumis les questions de Robert à l’OIM. Voici la réponse d’un porte-parole de l’agence onusienne datant du 24 juillet :

« Il y a quelques mois, le gouvernement grec a voté une loi dont le but était entre autres d’accélérer les procédures d’asile. Selon de récentes annonces du ministère de la Migration et de l’Asile, le nombre de demandes d’asile traitées a augmenté en 2020 comparé à 2019. A cause du grand nombre de demandes en suspens, des délais persistent, mais des avancées pour accélérer les procédures ont été réalisés. »

Sur recommandation de l’OIM, nous avons posé la même question au service d’asile grec, mais nous n’avons pas reçu de réponse à ce jour, jeudi 13 août 2020.

Concernant le système de pré-enregistrement via Skype, le porte-parole de l’OIM nous a redirigés vers un système d’enregistrement en ligne lancé par le GAS en avril. L’application est disponible en anglais et en grec et l’OIM dit mettre à disposition du Wi-Fi et un soutien juridique dans les camps. Néanmoins, avant de soumettre son dossier en ligne, il faut être pré-enregistré et disposer d’un numéro d’identifiant, ce qui veut dire qu’il est toujours nécessaire de prendre un rendez-vous via Skype.

Nous avons aussi demandé à l’OIM de réagir aux craintes concernant le manque de nourriture à Malakasa 1 et 2. Le porte-parole a confirmé que c’est bien l’armée grecque qui s’occupe de la distribution de repas dans la section Malakasa 2, tout en ajoutant :

« A Malakasa 1, le nombre de demandeurs d’asile non enregistrés et de réfugiés a considérablement augmenté ces dernières semaines. L’OIM fait de son mieux pour aider un maximum de familles vulnérables qui vivent dans des tentes improvisées. L’OIM distribue plus de 700 paniers de nourriture par semaine et coordonne d’autres distributions avec des organisations bénévoles. »

* Son prénom a été modifié

Traduction : Marco Wolter

Source https://www.infomigrants.net/fr/post/26757/grece-les-migrants-du-camp-de-malakasa-dans-l-impasse?fbclid=IwAR1yy6o5vqAKFhfHCuYxP5SpvrAJe-EYsCOIcRn79Cn_6Xm6812-YcK1Ba8

rédaction

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