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Le coronavirus en Grèce

Quelques articles traduits de versions en anglais :

COVID-19 Ouvre la voie à la détention massive de migrants  
19 mars 2020 Camp de réfugiés de Moria, mars 2020

Depuis son élection sur une plate-forme anti-immigrants, le parti grec au pouvoir, la Nouvelle Démocratie, a publiquement fait pression pour la création de centres de détention fermés pour les migrants qui entrent dans le pays en provenance de Turquie, avec l’intention de les expulser éventuellement vers la Turquie ou leur pays d’origine.
Après des mois d’obstacles, notamment l’opposition des groupes de défense des droits de l’homme, des communautés locales et des gouvernements des îles de la mer Égée à la construction de ces structures fermées, les récentes mesures prises apparemment pour contrôler la propagation de COVID-19 ouvrent la voie à la détention massive de migrants à Lesvos.

Dans les camps de réfugiés de Kara Tepe et de Moria, les autorités ont annoncé que la circulation à l’extérieur du camp sera limitée à 100 personnes par heure, entre 7h et 19h, et qu’un seul individu par famille est autorisé à quitter les camps à la fois. Étant donné que la population totale des camps est de plus de 20 000 personnes, seule une personne sur vingt pourra quitter le camp chaque jour.

Le camp de Kara Tepe, qui accueille depuis quatre ans des familles – dont de nombreuses personnes vulnérables, des enfants et des réfugiés reconnus – a fermé ses portes, et les gardes qui y travaillent appliquent les mesures susmentionnées depuis la nuit dernière. Ceux qui sont autorisés à sortir sont informés qu’ils ne sont autorisés que pour aller au supermarché d’à côté, Lidl, et à la pharmacie. Entre 19 heures et 7 heures du matin, personne n’est autorisé à entrer ou à sortir du camp.

Depuis ce matin, la police a également bloqué les principales routes qui mènent au camp de réfugiés de Moria. Il semble qu’il n’y ait aucun moyen de faire respecter l’ordre ci-dessus, qui est diffusé par un haut-parleur : la police a empêché la plupart des gens de quitter le camp, mais en a laissé d’autres passer. Des bus publics continuent de circuler pour emmener les personnes de Mytilène au camp de Moria, mais le service du camp de Moria vers la ville a été soit supprimé, soit fortement réduit à partir d’aujourd’hui.

À Lesvos, pour ceux qui se trouvent en dehors des camps de réfugiés, les mesures appliquées pour empêcher la propagation de COVID-19 sont les mêmes que celles mises en œuvre dans toute la Grèce : les rassemblements récréatifs en salle impliquant 10 personnes ou plus sont fortement déconseillés, et il est vivement recommandé aux citoyens de rester chez eux pour éviter tout contact avec des personnes extérieures à leur cercle familial immédiat. La circulation des personnes n’a cependant pas été restreinte comme pour les résidents des camps de Moria et de Kara Tepe.

DES PLANS DE PRÉVENTION INADÉQUATS POUR PRÉVENIR OU TRAITER L’ÉPIDÉMIE

En attendant, les plans de traitement d’une éventuelle épidémie de COVID-19 dans les camps sont minimes. Bien que des renforts de police aient été envoyés au camp de Moria ce matin, aucune équipe médicale supplémentaire n’a été amenée. Selon un médecin, depuis le début de cette semaine, les personnels médicaux créent des lignes séparées pour les personnes qui ont de la fièvre et celles qui cherchent d’autres soins médicaux, et donnent simplement l’ancien paracétamol (à bout de bras, mais sans autres mesures de protection) et leur conseillent de retourner dans leurs tentes et de rester isolés pendant deux semaines. Bien entendu, l’isolement est impossible dans les camps de KaraTepe et de Moria, car les individus partagent normalement leur espace de vie avec 5, 10, 20 autres personnes. En outre, le mauvais temps de ces dernières semaines signifie que les personnes vulnérables et malades peuvent être isolées dans des tentes fragiles dans le froid et lors de fortes pluies d’orage – sans aucun endroit sûr, sec ou chaud pour récupérer. L’île de Lesvos ne compte qu’un seul cas confirmé de COVID-19 (qui ne s’est produit dans aucun des deux camps) ; cependant, seuls les cas les plus graves sont envoyés pour être testés, de sorte que le nombre réel pourrait être beaucoup plus élevé.

La majorité des migrants arrivés après le 1er mars, suite à la suspension par le gouvernement grec du droit de demander l’asile, continuent d’être détenus dans des conditions insalubres sans accès à des soins médicaux adéquats. Le manque d’eau courante, l’exiguïté des espaces de vie dans les tentes ou les bus publics, et l’insuffisance – ou l’absence totale – d’installations d’hygiène rendent les mesures de précaution de base impossibles. Cependant, plus de 450 détenus qui étaient auparavant détenus dans le port de Mytiline ont maintenant été transférés dans un camp fermé sur le continent ; demain, il est prévu de transférer 189 autres nouveaux arrivants dans des structures fermées ailleurs en Grèce. Cela démontre que l’État a la capacité de transférer un grand nombre de personnes – et pourrait donc intervenir pour soustraire les plus vulnérables aux risques graves des camps de Moria et de Kara Tepe – mais le facteur décisif reste de savoir si ces relocalisations correspondent au programme politique du gouvernement. À l’heure actuelle, le confinement continue de primer sur les soins.

L’isolement des deux camps semble aujourd’hui être un effort pour maintenir la population migrante à l’écart du reste de la population de l’île. Une épidémie serait impossible à contrôler aujourd’hui, et le système de santé déjà mis à rude épreuve serait incapable de réagir. Il serait fallacieux de suggérer que l’isolement des camps vise à protéger la population migrante, car les résidents ne disposent d’aucune autre mesure pour se protéger, notamment l’accès à l’eau, au savon et la capacité à s’isoler. Au lieu de les protéger, il abandonne ces personnes aux réalités d’une crise sanitaire longtemps négligée qui sera affectée par une pandémie mondiale. Si des mesures rapides ne sont pas prises pour évacuer les personnes les plus vulnérables et préparer la fourniture de soins de santé d’urgence à cette population, la Grèce signe la condamnation à mort de centaines de personnes potentiellement vulnérables vivant dans ces camps.

La Turquie va fermer ses frontières terrestres avec la Grèce et la Bulgarie en raison du coronavirus Par Nick Kampouris – 18 mars 2020

La chaîne publique turque TRT Haber a déclaré mercredi après-midi que les frontières terrestres du pays avec la Grèce et la Bulgarie seront fermées en raison de la pandémie de coronavirus.

Ainsi, les frontières de la Turquie avec l’Union européenne resteront fermées à l’entrée et à la sortie des personnes ; cependant, les échanges commerciaux habituels qui se déroulent entre ces pays ne devraient pas être interrompus.

On ne sait pas encore combien de temps les frontières resteront fermées.

Plus tard dans la journée de mercredi, le ministère de l’intérieur du pays a publié une déclaration confirmant la fermeture des frontières.

Il reste à voir si cela affectera les tensions frontalières à Evros en raison des milliers de migrants qui tentent d’entrer en Grèce depuis fin février

Source https://greece.greekreporter.com/2020/03/18/turkey-to-close-land-borders-with-greece-bulgaria-due-to-coronavirus/

La Grèce interdit les rassemblements de plus de 10 personnes à l’extérieur et à l’intérieur, inflige des amendes aux contrevenants et impose des restrictions supplémentaires

La Grèce interdit les rassemblements de plus de 10 personnes et imposera des amendes administratives à chaque personne dépassant le maximum, a annoncé mercredi après-midi le chef de la protection civile, Nikos Hardalias. Le porte-parole du gouvernement, Stelios Petsas, a précisé que l’interdiction concerne les rassemblements non seulement à l’extérieur mais aussi à l’intérieur. « il ne peut pas y avoir une telle interdiction et 10 à 15 personnes se rassemblent dans une maison », a-t-il déclaré en soulignant que « c’est la promiscuité qu’il faut éviter pour contenir la propagation du virus ».

Dans le même temps, le chef de la protection civile a annoncé qu’il recommandait également des « restrictions » pour les personnes devant sortir.

« Les rassemblements publics de 10 personnes ou plus sont fortement déconseillés », ceux qui enfreignent l’interdiction se verront infliger une amende de 1 000 euros par personne.

Exhortant les gens à rester chez eux et à éviter tout contact avec des personnes extérieures à leur famille immédiate, Hardalias a annoncé une nouvelle série de restrictions de mouvement

Le trafic hors domicile ne devrait être limité au minimum que pour des raisons très spécifiques et dans la mesure nécessaire pour répondre aux seuls besoins vitaux.

Source https://www.keeptalkinggreece.com/2020/03/18/coronavirus-greece-ban-gatherings-of-more-than-   

« La violation des mesures de lutte contre les coronavirus est un crime », déclare la Cour suprême de Grèce »     

La violation des mesures imposées par les autorités sanitaires grecques pour contenir la propagation du coronavirus doit être traitée comme un crime et poursuivie, a déclaré la Cour suprême jeudi. La peine peut aller jusqu’à la prison à vie si la violation des mesures entraîne la mort.

Dans une note envoyée aux bureaux du procureur, le procureur de la Cour suprême a cité l’article 285 du code pénal, qui prévoit des peines sévères pour les personnes violant les règlements destinés à prévenir la propagation de maladies dangereuses.

Le procureur a exhorté les autorités judiciaires à « intervenir » dans le cas où un individu se comporterait d’une manière qui « met en danger des droits fondamentaux protégés par la loi comme le droit à la vie et au bien-être physique ».

Les peines vont de 3 ans d’emprisonnement et d’amendes à la prison à vie si la mort est causée.

Le mémo de la Cour suprême intervient après que le maire de Pyrgos, dans le Péloponnèse, ait dénoncé le fait que les personnes diagnostiquées avec un coronavirus et ayant reçu l’ordre de « vivre en isolement » défiaient les ordres et sortaient dans les cafés et au marché.

Source https://www.keeptalkinggreece.com/2020/03/12/greece-violating-coronavirus-measures-punishment/

 L’héritage de l’accord toxique UE-Turquie : Quatre ans plus tard

Déclaration UE-Turquie : « Stop The Toxic Deal » 18 mars 2020

Au cours de l’année écoulée, les îles de la mer Égée du Nord ont vécu de manière dramatique les derniers moments et les conséquences possibles de l’accord toxique entre l’UE et la Turquie. Environ 41 500 personnes se retrouvent aujourd’hui entassées dans des abris informels à l’intérieur, à l’extérieur et autour des cinq centres d’accueil et d’identification des îles de la mer Égée. Après plusieurs mois de protestations, les habitants ont affronté avec intensité pendant des jours la police anti-émeute contre la construction de nouveaux centres – un événement totalement nouveau dans l’histoire contemporaine des îles.

Il s’en est suivi des manipulations de la Turquie qui ont encouragé le franchissement des frontières par des milliers de réfugiés et intensifié le climat de pression insupportable pour les insulaires. Des groupes d’extrême droite soutenus par des néo-nazis du reste de l’Europe ont pris le contrôle, battu et terrorisé les citoyens, ceux qui soutenaient les réfugiés et le personnel des ONG. La peur fait désormais partie de la vie quotidienne.

« L’UE est coresponsable du fait que l’atmosphère sur les îles a changé. Au lieu de soutenir Lesvos et les autres îles, l’UE tolère que le gouvernement grec ait durci sa politique d’asile. Les réfugiés veulent se rendre en Europe. Mais l’Europe nous a laissés seuls, et cautionne la violation des droits de ces réfugiés, qui  sont devenus des ennemis. Et ce faisant, l’Europe accepte que notre société, ici en Grèce mais aussi dans d’autres pays européens, se radicalise par la xénophobie et le racisme ».

Le besoin impératif d’une approche politique fondamentalement différente de celle qui existe gagne du terrain parmi les sociétés locales en colère et épuisées. Mais vers quelle direction ?

Il est clair qu’avant les élections, le nouveau gouvernement a instrumentalisé la question des réfugiés comme quelque chose qui peut être résolu relativement facilement puisque, en tant que futur gouvernement, il mettra en œuvre des politiques généralisées de dissuasion, de durcissement et de découragement (en ce qui concerne les frontières, les conditions d’accueil, le cadre juridique et les procédures). Cependant, la question n’a pas été résolue et nous connaissons aujourd’hui une double impasse. D’une part, la Turquie négocie le prochain accord en utilisant comme monnaie d’échange les réfugiés et les migrants résidant temporairement sur son territoire. D’autre part, la Grèce a accepté le rôle de gardienne des frontières de l’UE et applique des mesures de plus en plus militaires et répressives aux frontières, transformant les îles en zones militaires à haut risque.

L’accord toxique UE-Turquie a été initialement présenté comme une réponse d’urgence et on a fait la propagande qu’avec sa mise en œuvre les morts en mer seraient réduites.

En réalité, l’accord UE-Turquie a utilisé la peur comme un outil qui a stimulé le racisme et la xénophobie, a créé une zone où les droits de l’homme ne s’appliquent pas et a donné de l’argent et de l’influence à la Turquie. Erdogan utilisant cette influence qui lui a été donnée, fait aujourd’hui pression sur l’UE afin d’éloigner les réfugiés de l’Europe. C’est en soi cynique, et bien plus encore si l’on pense au rôle de la Turquie dans le conflit syrien et les opérations militaires qui ont conduit de nombreuses personnes à chercher une protection. Ou si l’on pense que l’accord exigeait que la Turquie soit considérée comme un pays tiers sûr alors que, surtout après l’échec du coup d’État, elle a violé les droits de l’homme fondamentaux à l’intérieur de son territoire.

Nous avons constamment affirmé au cours des quatre dernières années que l’héritage de l’accord UE-Turquie, actuellement non fonctionnel et toxique, nous laisse avec :

Un manque de confiance significatif des citoyens dans les décisions du gouvernement et un virage profond vers un conservatisme à caractère xénophobe dans les sociétés locales, épuisées après quatre années de pression continue des conséquences établies de l’accord toxique. Les résultats d’une recherche menée en février 2020 montrent que les îles de la mer Égée orientale sont passées d’îles de solidarité et d’humanité à des zones où la question des réfugiés semble être le problème le plus important pour la population locale dans un pourcentage de 79 % . Ce pourcentage est plus du double par rapport aux autres sujets. La conviction que la situation générale dans les îles évolue dans la mauvaise direction a reçu 81 % des réponses. 90 % ont répondu que les îles ont été affectées négativement par la gestion de la question des réfugiés. 91 % ont répondu que l’UE avait une contribution négative. 87 % ont répondu la même chose au sujet du gouvernement grec ; 70 % pour les Nations Unies et 77 % pour les ONG.

Source https://rsaegean.org/en/the-inheritance-of-the-toxic-eu-turkey-deal-four-years-later/

Un nuage néo-fasciste plane au-dessus des frontières entre la Grèce et la Turquie

Chronologie de la situation aux frontières 12 mars par Eva Betavatzi Militante au CADTM Bruxelles

 

L’école One happy family accueillant des personnes migrantes à Lesbos. L’incendie a été provoqué par un groupe néo-fasciste.

 

L’Europe vit une période sombre, la situation aux frontières entre la Grèce et la Turquie en atteste. Les discours se multiplient et l’heure est à la confusion. Chacun.e apporte « son soutien » à l’une ou l’autre partie « victime », tantôt de la dictature d’Erdogan, tantôt d’une prétendue « invasion » de personnes migrantes, tantôt d’une folie humaine déjà installée depuis bien trop longtemps. Une folie humaine qui est restée dans l’ombre des préoccupations grâce à un gros chèque que l’Union européenne s’est accordée à verser à Erdogan. Six milliards d’euros, c’est le montant reçu par la Turquie à la suite de l’accord signé entre son État et l’UE en 2016. Six milliards d’euros, c’est le prix que l’Europe de « l’Union » a payé pour son incapacité à exprimer son refus « d’accueillir » des personnes en exil. Des personnes qui fuient les nombreuses guerres et conflits qui sévissent dans leur pays, résultat de l’impérialisme des puissants (Trump, Assad, Poutine pour ne nommer que quelques-uns des grands responsables de ces tragédies). Six milliards d’euros c’est bien plus que ce que l’UE n’aurait accepté de rembourser à la Grèce sur les intérêts de sa dette. Dépenser pour refouler des personnes extrêmement vulnérables, oui, annuler la dette illégitime de la Grèce pour éviter le massacre social, non. On ne peut plus clairement résumer les politiques de l’UE.

  Sommaire
  • Janvier 2020 – le gouvernement grec annonce ses premières intentions
  • Début février 2020 – montée des attaques néo-fascistes
  • Fin février 2020 – des affrontements proches d’un début de pré-guerre civile
  • Mars 2020 – les violences politiques et physiques conduisent à la mort de personnes (…)
  • La question migratoire est loin d’être le seul enjeu

Nulle question de « place disponible à l’accueil », nulle question « d’origine », que ces personnes migrantes viennent de Syrie, de Palestine, d’Irak, d’Afghanistan ou d’ailleurs peu importe, il s’agit de créer une Europe de l’investissement vide de sens et pleine d’argent, vide de gens et pleine de morts.

Les mots ne sont pas encore assez durs et la colère est légitime.

La Grèce est devenue aujourd’hui un territoire de toutes les batailles. Des personnes tentent de sauver ce qu’il reste de notre humanité, en sauvant des vies aux larges des côtes grecques et turques tandis que d’autres se lancent dans une croisade contre l’« étranger » et ses « allié.e.s ». La police anti-émeute grecque (MAT), chargée de canons à eau, de grenades assourdissantes et de gaz lacrymogènes, avait été envoyée par bateaux par ordre du gouvernement à la fin février sur les îles de la mer Egée contre la population locale en colère d’apprendre la réquisition par le gouvernement de leurs petites propriétés (terrains) pour la construction de nouveaux centres fermés. Ce même gouvernement avait annoncé quelques jours plus tôt son plan en trois points : construire de nouveaux centres fermés pour 20.000 demandeurs et demandeuses d’asile (alors que les camps comptent au total plus de 40.000 personnes aujourd’hui), renforcer les frontières physiques, refuser presque automatiquement les potentielles nouvelles demandes d’asile. S’en sont suivies des images de guerre civile – des affrontements violents ont éclatés entre la population et les autorités locales et la police de l’État – qui laissaient présager le pire.

Photo issue d’une vidéo qui a été mise en circulation par une militante sur les réseaux sociaux

 

Les partis néo-fascistes d’Europe n’ont pas manqué d’y voir une opportunité à leur propagande raciste et hypocrite. Le 10 mars dernier, le parti flamand Vlaams Belang organisait un rassemblement devant l’ambassade de Turquie à Bruxelles pour soutenir les grec.que.s qui « résistent avec vigueur » au « déboulement » des milliers de personnes migrantes envoyées par le « dictateur turc Erdogan ». Il se vantait d’être le seul parti « solidaire au peuple grec » ! Ce discours écœurant a été lu sur les réseaux sociaux par au moins des centaines de sympathisant.e.s dont des grec.que.s qui remerciaient le Vlaams Belang de son soutien au pays ! À l’heure où le peuple grec luttait pour sa survie contre les mesures d’austérité imposées par la Troïka, le Vlaams Belang tenait un discours radicalement opposé.

Les clarifications qui suivent ne sont certainement pas adressées aux sympathisant.e.s de ce parti fasciste, mais elles nous ont semblé utiles car l’heure est à la confusion et au choc. Les déclarations officielles des États se contredisent et les médias relaient leur propagande au service du pouvoir qu’ils défendent. La confusion est également créée de toute pièce par l’assemblage de mots tels que « invasion », « attaque programmée », « protection des frontières », et en criminalisant les principales victimes de cette situation dramatique, les personnes migrantes. La liste des évènements cités plus bas n’est pas exhaustive et ne prétend pas l’être, elle reprend dans les grandes lignes ce qu’il se passe en Grèce depuis le début de l’année. Le silence médiatique en Europe occidentale est aberrant.

 Janvier 2020 – le gouvernement grec annonce ses premières intentions

La Grèce veut ériger une frontière flottante sur la mer pour limiter l’arrivée des personnes migrantes. Le 29 janvier, le Ministère de la Défense lance un appel d’offre (notez bien la marchandisation de la crise) pour installer un mur flottant en mer Égée pour un budget estimé à 500.000 euros. Ce montant est tout aussi ridicule que l’étendue du projet (voir carte plus bas). Il s’agit bien d’annoncer la couleur : la crise sera privatisée et bénéficiera à certains entrepreneurs.

Sur cette photo, vous pouvez voir la taille réelle d’un barrage de 2 700 mètres par rapport à l’île de Lesbos”, écrit Chios News. Crédit : Google Maps / ChiosNews.com [1]

 Début février 2020 – montée des attaques néo-fascistes

Aube Dorée s’attaque aux ONG et aux personnes migrantes sur les îles du Nord-Est de la mer Égée. Un groupe de jeunes cagoulés armés de bâtons entrent de force de maison en maison pour vérifier la présence de personnes migrantes ou solidaires. Une maison abandonnée, souvent occupée par des demandeurs et demandeuses d’asile, est incendiée le 4 février. Heureusement les trois occupant.e.s ont pu partir à temps.

Des étudiant.e.s de Lesbos organisent une manifestation antifasciste dans le chef-lieu de l’île et sont ensuite attaqué.e.s dans un café par des personnes portant des casques et armées de battes.

Le 10 février, le porte-parole du gouvernement Stelios Petsas annonce la publication d’une loi autorisant le ministère de l’immigration et de l’asile à réquisitionner des propriétés et des terrains « pour des raisons d’intérêt public et de gestion de crise », le but étant de construire de nouveaux centres fermés à Lesbos, Chios, Samos, Leros et Kos d’ici l’été. Les autorités locales de Lesbos et Chios réagissent en voulant d’abord imposer des contre-mesures puis en coupant le dialogue avec Athènes.

 Fin février 2020 – des affrontements proches d’un début de pré-guerre civile

Le 24 février, des affrontements entre la police anti-émeute et les habitant.e.s et autorités locales de Chios et Lesbos éclatent et durent plusieurs jours. Gaz lacrymogènes et grenades explosives sont tirés par la police anti-émeute alors que les résident.e.s des îles lancent des pierres et parfois des cocktails molotovs. Beaucoup de personnes âgées se trouvent parmi elleux, femmes et hommes, ainsi que des popes (prêtres orthodoxe grecs).

La colère des habitant.e.s s’exprime pour plusieurs raisons. D’un côté, iels refusent l’expropriation de leurs terrains pour la construction de nouveaux centres fermés. Ensuite iels sont opposé.e.s à la construction de nouveaux centres, les centres existants étant déjà insalubres, surpeuplés, inhumains même, rien de surprenant à s’y opposer. Mais là encore il y a différentes réalités, certain.e.s s’opposent à l’accueil des personnes migrantes tout court, alors que d’autres s’opposent aux centres fermés comme solution d’accueil et demande à ce que les frontières ouvrent et que chacun.e puisse aller où iel veut. Enfin, certain.e.s dénoncent le fait que le gouvernement leur impose la « charge » de l’accueil et refuse de mieux la répartir sur l’ensemble du territoire. Ce que l’Union européenne fait à la Grèce, le gouvernement grec le fait à l’intérieur du pays : repousser les migrant.e.s aux frontières. Les habitant.e.s de Chios, Lesbos, Samos, Leros et Kos se sentent abandonné.e.s par le pouvoir central. Il y a aussi le fait que les économies de ces îles sont largement basées sur le tourisme et que les habitant.e.s craignent une baisse d’attractivité touristique. Pour toutes ces raisons il serait absolument erroné de penser que les habitant.e.s qui affrontent la police anti-émeute envoyée par le gouvernement central soient racistes et qu’iels agissent de la sorte pour cette seule raison, si elle en est une.

Stelios Petsas, le porte-parole du gouvernement, tente une réponse aux accusations des habitant.e.s des îles du Nord-est de la mer Égée qui dénoncent l’autoritarisme du gouvernement central et son refus de construire des centres fermés pour personnes migrantes à l’intérieur du territoire de la Grèce continentale en prétendant que le gouvernement grec serait contraint de planifier ces centres sur des îles à cause des dangers du coronavirus.

Pendant ce temps, les violences policières ne font qu’accroître la colère de la population locale, qui a organisé une grève générale les 25 et 26 février soutenue par une grande majorité d’habitant.e.s. La forêt de Diavolorema située sur l’île de Chios prend feu à cause de fusées éclairantes lancées par la police selon des témoignages de personnes se trouvant sur place. Six autres incendies sont déclarés sur les îles de Chios et Lesvos.

Le même jour à Chios, des policiers anti-émeutes sont « victimes » d’une attaque dans leur hôtel par des groupes de personnes. Six policiers sont blessés, 12 personnes arrêtées. À Lesbos, la situation est loin d’être calme, 46 policiers blessés et menacés par des groupes armés de fusils selon le quotidien Ethnos et divers quotidiens locaux. Une centaine de véhicules auraient été détruits par la police selon le quotidien ERT.

Pendant ce temps, des bulldozers envoyés eux aussi par le gouvernement grec tentent de commencer le terrassement pour l’installation des nouveaux centres fermés mais sont bloqués par des groupes d’habitant.e.s qui s’opposent à la construction de ces nouveaux centres.

Les syndicats de police finissent par demander que les forces déployées sur Lesbos et Chios soient évacuées. C’est à partir de jeudi 27 février que les policiers et tout l’attirail qui les accompagnait, machines et autres équipements, commencent à quitter les îles, embarqués par des ferrys en service spécial.

En Grèce continentale, la tension monte, notamment à Evros, à la frontière dite terrestre entre la Grèce et la Turquie. Des personnes en grand nombre tentent de passer la frontière ayant entendu qu’elles seraient ouvertes. Des familles, enfants, femmes et hommes se retrouvent finalement coincées dans la zone tampon, ni turque, ni grecque, et sont attaquées par les forces de police grecques qui n’hésitent pas à envoyer entre autres des gaz lacrymogènes sur la foule. Des habitants de la région viennent en renfort contre « l’arrivée » de personnes en plein exil, épuisées et sans autre alternative, certains à l’aide de leurs tracteurs ou autres outils.

Au même moment, des navires de Frontex, des gardes-côtes grecs et des hélicoptères des forces armées augmentent leurs patrouilles pour arrêter des personnes migrantes.

Le 29 février, 17 personnes migrantes sont arrêtées pour avoir tenté de traverser le frontière qui sépare la Turquie et la Grèce, et sont condamnées à trois ans et demi de prison alors que cela est illégal. Des dizaines d’autres arrestations ont lieu le même jour et plus tard.

Les porte-paroles grec et turc font des déclarations à tour de rôle. Omer Celik, le porte-parole du gouvernement turc accuse l’Europe de ne pas avoir respecté l’accord signé en 2016, tandis que le Ministre turc des affaires étrangères met en lien la situation à Idlib (frontière turco-syrienne) avec l’arrivée de personnes migrantes en Grèce. Il est assez évident que la Turquie dispose d’un levier important pour faire du chantage à l’Union européenne.

Charles Michel, président du Conseil européen, s’exprime quant à lui en faveur du renforcement des frontières de l’UE, faisant référence aux frontières grecques et bulgares. Merkel se prononce positivement à la demande d’Erdogan de recevoir plus d’argent de la part de l’UE mais de nombreux dirigeants européens n’y sont pas favorables. La question de comment répondre aux pressions d’Erdogan et de son gouvernement ne font pas l’unanimité en Europe.

 Mars 2020 – les violences politiques et physiques conduisent à la mort de personnes migrantes

Le ton monte entre les gouvernements grecs et turcs. Stelios Petsas accuse la Turquie de « trafiquant » et prononce un discours qui alimente la haine nationaliste et xénophobe, déjà bien installée. C’est sur ce ton que le gouvernement grec annonce le renforcement de ses interventions aux frontières et sa décision de suspendre l’asile pendant une période d’un mois (ou d’un an selon les sources), ce qui est interdit en vertu du droit d’asile international. L’article 78.3 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne est invoqué pour justifier cette décision.

Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, exprime son soutien total à la Grèce et à la Bulgarie et remercie la Grèce d’être « le bouclier de l’Europe en ces temps difficiles ». Elle assume donc de laisser mourir – voire de tuer activement – de nombreuses personnes (tout en alimentant les raisons de leur migration par ailleurs), et utilise un langage guerrier pour des hommes, femmes et enfants en exil. Elle promet 350 millions d’euros à la Grèce alors que la chancelière allemande Angela Merkel décide finalement de donner 32 millions d’euros à la Turquie pour « empêcher les migrations incontrôlées » (sic). Un hélicoptère et 20 policiers allemands sont également envoyés en Grèce pour renforcer Frontex. La présidente de la Commission européenne finit par demander à la Turquie de repousser les personnes migrantes loin de la frontière grecque. On ne peut passer à côté de l’hypocrisie qui caractérise les discours des dirigeants européens pour « résoudre » cette grave crise de l’accueil puisque leurs choix montrent au contraire qu’il n’est pas question de résoudre quoi que ce soit. Cette « crise » ne sera pas « résolue » de sitôt.

L’ONU quant à elle se contente de rappeler que la Grèce n’a pas le droit de refuser une demande d’asile.

Il y a pire, ce 2 mars, l’armée grecque a fait usage de vraies munitions le long de la rivière d’Evros. Des attaques violentes sont perpétrées par des milices – encouragées par cette violence d’État raciste – contre des bateaux de personnes migrantes, elles sont repoussées et mises en danger, tandis que des journalistes et des personnes solidaires sont attaquées. Des centres d’accueil désertés par les ONG, sont brûlés par des fascistes grecs et étrangers. En effet des groupes fascistes allemands et autrichiens tentent de se faire passer pour des reporters, mais sont vite démasqués par la population locale qui n’a pas manqué d’exprimer son mécontentement radical à leur présence. Le mouvement « Identitäre Bewegung Deutschland » était notamment présent.

Le même jour, un petit garçon est retrouvé mort au large de Lesbos après le naufrage de l’embarcation où il se trouvait. Le bateau aurait été renversé par les personnes à bord pour déclencher une opération de sauvetage selon les garde-côtes grecs. Les garde-côtes prétendent ce qu’ils veulent, il n’en reste pas moins qu’il est de la responsabilité des gouvernements grec et européens de protéger ces personnes vulnérables plutôt que de les inciter à prendre le risque de se noyer pour être secourues.

Les demandeurs et demandeuses d’asile à Moria se retrouvent dans des conditions toujours plus sordides.

Muhammad Al Arab, 22 ans, réfugié syrien, est tué par le feu à la frontière terrestre avec la Turquie. Le groupe d’investigation Forensic Architecture, connu notamment pour ses très sérieuses enquêtes sur les morts de Pavlos Fyssas et Zak Kostopoulos, démontre que Muhammad Al-Arab est touché par une balle provenant des forces de l’ordre grec. Ce qui est immédiatement démenti par le porte-parole du gouvernement dénonçant qu’il s’agit d’une propagande turque. Quelques médias internationaux reprennent l’information mais les médias locaux ont tous opté pour le silence.

Et puis, il y a quelques jours, on apprend le décès tragique de Muhammad Gulzar, deuxième victime des gardes-frontières grecs. Il a été tué à la frontière d’Evros, atteint lui aussi par une balle des autorités grecques.

De leur côté, 75 ONG appellent les dirigeants de l’UE à réagir face à la situation. En attendant, des personnes continuent de se noyer dans la mer Égée, des corps sont retrouvés déshydratés, gelés et/ou méconnaissables, alors que d’autres meurent dans les camps de la honte de l’UE et dans les prisons européennes hors de l’Europe.

Le 2 mars encore, des garde-côtes grecs sont filmés alors qu’ils tiraient sur des bateaux transportant des personnes migrantes. Le lendemain, plusieurs ONG annoncent la suspension de leurs activités en réaction aux nombreuses attaques fascistes dont elles sont victimes.

Quelques jours plus tard, des mobilisations importantes sont organisées à Athènes et dans d’autres villes grecques contre la montée de la xénophobie et de la haine. L’ouverture des frontières et la solidarité avec les réfugiés étaient leurs principales revendications.

Á la vue des réactions vives de toutes parts, le gouvernement grec s’enfonce encore plus dans sa politique de haine en proposant que des camps fermés soient construits, non pas sur les 5 îles évoquées plus haut, mais sur des îles désertes. Cela renvoie aux pages les plus noires de l’histoire de la Grèce et notamment aux camps de concentration qui avaient été mis en place pour les résistant.e.s pendant et après la guerre civile et lors de la dictature des colonels.

Le 8 mars, « One happy family », une école pour personnes réfugiées et migrantes sans distinction, située à Lesbos, est incendiée par un groupe néo-fasciste. Elle se trouvait entre les camps de Kara Tepe et Moria. C’était un lieu où des repas étaient servis et où des cours de langue étaient donnés.

Depuis juillet 2019, les personnes demandeuses d’asile, ainsi que les enfants dont les parents sont en situation jugée « irrégulière » par l’État, n’ont plus accès au système de santé public. Malgré cela, le gouvernement a annoncé l’expulsion ce 13 mars du plus grand dispensaire social grec Helliniko qui a déjà soigné gratuitement et sans sélection des milliers de patient.e.s. L’expulsion est programmée pour permettre au promoteur Lambda Development d’exploiter ce terrain et d’y construire des tours. Nous nous opposons radicalement à cette expulsion. Jeudi 12 mars, un rassemblement devant le consulat grec à Bruxelles est prévu pour réclamer l’annulation de l’expulsion de ce dispensaire social.

Par ailleurs, le procès contre Aube Dorée devrait toucher à sa fin prochainement mais la procureure de la République, Adamantia Oikonomou, ne serait pas en faveur de reconnaître le parti néo-nazi comme une organisation criminelle. Si Aube Dorée échappe à cette accusation, ce serait extrêmement grave dans le contexte actuel car le parti bénéficierait d’un remboursement de quelques millions d’euros, de l’argent bloqué le temps du procès. Le retour du parti néo-nazi, dans le contexte actuel et avec tous ces moyens, pourrait être un coup fatal à ce qui reste de démocratie dans le pays.

 La question migratoire est loin d’être le seul enjeu

Il serait faux de voir derrière cette situation tragique l’unique retour en force des extrêmes droites et du fascisme en général. Cette crise en cache malheureusement bien d’autres : sociales, économiques et géostratégiques.

L’enseignement, la santé, le logement sont des droits fondamentaux dont une grande partie de la population grecque est toujours privées aujourd’hui – ainsi que leurs voisin.e.s turc.que.s. Les pensions, les salaires et les aides sociales (pour ce qu’il en reste) sont trop bas alors que le coût de la vie augmente. Le gouvernement grec profite de la situation aux frontières pour garder sous silence l’ampleur de la crise sociale et sa propre incapacité et son manque de volonté à la résoudre. Il décide de pointer du doigt les personnes migrantes comme tant de gouvernements le font ailleurs.

D’un autre côté, la Grèce veut relancer un accord militaire avec les USA et renforcer sa coopération avec la France pour s’assurer un soutien contre la Turquie qui, par son accord signé avec la Libye (qui ignore l’existence du territoire grec entre les deux pays), montre qu’elle n’en a que faire de ses frontières avec la Grèce et Chypre. Le gouvernement turc est en effet trop préoccupé de trouver un moyen de tirer profit du gaz naturel et des réserves de pétrole qui se trouvent dans les territoires maritimes chypriotes (dans la partie Sud) au même titre que les compagnies italiennes et françaises qui sont déjà là (ENI et Total entre autres).

Au travers des quelques éléments relatés dans cette brève chronologie apparaît au grand jour le rôle des gouvernements d’Erdogan et de Mitsotakis qui utilisent tous deux cette situation pour attiser la haine de l’étranger. Cela leur permet de créer un effet de choc. Il ne serait pas surprenant de voir après ça l’État grec exiger des mesures économiques encore plus catastrophiques pour la population. Il y a encore trop de résistances en Grèce, et les investisseurs en sont très probablement encore préoccupés. D’un autre côté c’est le rôle réel de l’Union européenne qui, nous l’espérons, est une nouvelle fois rendu plus apparent. En effet, ce sont les multinationales des pays centraux de l’Union qui profitent le plus de cette situation de crise continue (la preuve en est l‘exploitation du gaz naturel et l’achat de la plupart des aéroports de Grèce par des compagnies allemandes), alors que les dirigeants européens se contentent de prononcer des discours d’une mollesse et d’une hypocrisie sans pareil malgré les conséquences meurtrières.

Les personnes migrantes apparaissent elles comme des « pions » sur l’échiquier politique de tous ces dirigeants qui n’en ont que faire des vies humaines. Il s’agit d’installer un rapport de forces entre un pays faible qui n’a qu’un semblant d’appartenance à une Union qui ne cesse de l’ignorer, en réalité de le noyer, et une puissance mondiale, faible elle aussi mais pour d’autres raisons, qui profite du contexte de crise à ses frontières pour étendre son hégémonie. Les deux gouvernements, grec et turc, sont tous deux des gouvernements d’extrême droite. Nous nous opposons fermement à leurs lignes politiques qu’elles soient économiques, sociales, militaires ou géostratégiques. Ce que nous exigeons ce sont des frontières ouvertes, que les personnes migrantes passent sur le continent et que de là elles aillent où elles veulent ! Des milliers de vies humaines sont détruites à cause de rapports de pouvoir entre puissances impérialistes, mais aussi à cause d’une volonté de préserver à tout prix des rapports de domination et de hiérarchisation tant entre territoires qu’au sein même de nos sociétés. Il est plus que temps d’arrêter de se tromper d’ennemi. Il faut un cessez-le-feu durable, général et inconditionné car pendant ce temps, les massacres, bombardements et gazage de la population syrienne continuent. En attendant, le droit d’asile doit être respecté à tout prix avec des points d’accueil et de soins humains. Enfin, rappelons que le droit d’asile moderne est né du « plus jamais ça » après le génocide nazi.

Merci à Loïc Decamp, Jérémie Cravatte, Renaud Duterme et Gilles Grégoire pour leurs relectures et suggestions précieuses.


Quelques sources :

BCE et aéroport de Kastelli (Grèce)

La BCE se prend les pieds dans le tarmac !!! par Yannis Youlountas

Petite visite provocatrice à la Banque Centrale Européenne à Francfort, en bonne compagnie…

LA BCE SE PREND LES PIEDS DANS LE TARMAC !!! 😁😅🤣

Pourquoi sommes-nous allés là-bas, profitant de ma tournée de projections en Allemagne ? Tout simplement pour nous moquer de l’énorme maladresse de la BCE dans sa récente communication concernant le financement de l’aéroport de Kastelli en Crète. Une boulette qui complique les affaires des menteurs au pouvoir en Grèce.

Que s’est-il donc passé ? Alors que les gouvernements grecs successifs prétendaient depuis des années que le site de l’actuel aéroport d’Héraklion, idéalement placé en bord de mer, serait transformé en lieu de loisirs populaires, la BCE a permis de comprendre que c’était un énorme mensonge. En effet, la BCE a rappelé à l’État grec que son prêt de 180 millions d’euros, élément majeur du dossier de financement, était conditionné par l’hypothèque du vaste terrain en sa faveur. Autrement dit, la BCE s’apprête à faire, une fois de plus, du fric sur le dos de la Grèce.

Car la valeur réelle de ce site est bien supérieure à celle du prêt s’il s’agit d’y construire une riviera luxueuse comme c’est déjà le cas dans un projet analogue à Athènes (sur le site de l’ancien aéroport d’Ellenikon et des infrastructures olympiques à l’abandon).

Non seulement la Banque Centrale Européenne prête de l’argent pour un projet de nouvel aéroport en Crète totalement inutile et nuisible*, mais en plus c’est pour faire du business sur l’ancien site !

Côté autorités grecques, personne n’ose commenter la boulette de la BCE : pas question de reconnaître que la promesse d’un grand espace de loisirs populaire était complètement bidon. Un nouveau site qui devait, de surcroît, être conçu en lien étroit avec la population de la quatrième ville de Grèce.

Oui, mais voilà : le masque est tombé ! Il ne s’agissait que d’un mensonge de plus dans le but de faire avaler la couleuvre du nouvel aéroport.

Jour après jour, semaine après semaine, de plus en plus de gens commencent à comprendre la supercherie et l’énorme affaire de gros sous que dissimulait cette histoire. Malgré les affirmations du premier ministre Mitsotakis en visite à Kastelli le 8 février dernier, le nouvel aéroport est loin d’être fait. Diverses actions se poursuivent (action auprès de la Cour européenne des droits de l’homme, pression des archéologues, colère chez certains paysans et militants écologistes et anticapitalistes) ou se préparent.

Même si la situation est compliquée, rien n’est décidément terminé pour la deuxième vallée fertile de Crète. Et pour une fois, un grand merci à la BCE

Yannis Youlountas

* Projet et lutte à Kastelli en Crète présentés dans le film L’Amour et la Révolution, de la 43ème minute à la 50ème minute et de la 68ème à la 70ème minute :

Source http://blogyy.net/2020/02/18/la-bce-se-prend-les-pieds-dans-le-tarmac/

La Grèce renforce sa présence en Méditerranée pour contrer la Turquie

La Grèce s’engage depuis peu sur le terrain de la défense aux côtés de ses alliés français et américains en Méditerranée, espérant obtenir leur soutien face à la Turquie voisine et attirer leurs investissements.

Sur fond de tensions en Méditerranée orientale, le gouvernement conservateur a, en un seul mois, renforcé sa coopération stratégique avec Paris, relancé un accord militaire avec Washington et décidé de l’envoi de missiles Patriot en Arabie Saoudite. En outre, une frégate grecque participe depuis la semaine dernière à la mission du porte-avion français Charles-de-Gaulle dans l’est de la Méditerranée. L’objectif officiel de cette mission est d’appuyer les opérations antjihadistes en Syrie et en Irak, mais aussi d’assurer la stabilité dans la région.

Lors du vote récent au Parlement d’un accord de défense gréco-américain, le Premier ministre Kyriakos Mitsotakis s’est félicité du « renforcement de l’alliance stratégique avec les Etats-Unis », soulignant par ailleurs que la coopération militaire avec la France « n’a jamais été meilleure ».

Elle vient s’ajouter aux récentes démarches diplomatiques d’Athènes contre les accords controversés signés entre Ankara et le gouvernement libyen de Tripoli, qui redessinent les frontières maritimes en ignorant la présence des îles grecques. Dénoncés par l’UE, ces accords ont mis de nouveau à l’épreuve les relations gréco-turques, traditionnellement délicates. Outre la question du flux migratoire depuis les côtes turques vers les îles grecques, les deux voisins se heurtent de longue date sur des questions de souveraineté en mer Égée.

« La participation de la Grèce à la force européenne en Méditerranée est une nécessité sachant les provocations de la Turquie et ses tentatives de s’imposer dans cette zone en dépit du droit international », indique à l’AFP Kostantinos Filis, directeur de recherches à l’Institut grec des relations internationales.

La Grèce cherche à « renforcer sa capacité de dissuasion contre ceux qui ont éventuellement des visées » dans la zone, déclare le porte-parole du gouvernement Stelios Petsas.

La France « allié idéal »

Selon des diplomates, la France a encouragé la Grèce à être « plus autonome » et « à jouer un rôle plus actif dans les initiatives européennes de défense comme au Sahel », où est engagée la force française Barkhane. « La France est actuellement l’allié idéal pour la Grèce », qui veut tonifier son industrie de défense, observe Panayotis Tsakonas, professeur de droit international à l’Université d’Athènes et chercheur au centre grec de politique européenne, Eliamep. Cet expert rappelle que « les deux pays partagent la même position sur la situation en Méditerranée orientale ». Il évoque les intérêts des sociétés françaises impliquées dans les forages d’hydrocarbures au large de Chypre, allié principal de la Grèce.

La Turquie, qui occupe depuis 1974 la partie nord de l’île et conteste le droit de Nicosie d’exploiter les gisements en Méditerranée, a empêché ces forages à plusieurs reprises, au grand dam des Occidentaux. En négociation pour l’achat de deux frégates françaises Belharra, Athènes espère construire certaines parties de ces bâtiments dans ses chantiers navals. Les deux pays prévoient de signer un accord « stratégique » fin février.

« Pression » américaine

La nouvelle politique de défense d’Athènes provoque toutefois de vives critiques de l’opposition de gauche, qui taxe le gouvernement conservateur d’aventurisme.
« Vous entraînez le pays dans des aventures qui dépassent sa capacité et changent la politique étrangère suivie depuis des décennies », a fustigé l’ex-Premier ministre Alexis Tsipras.
Le déploiement de missiles Patriot en Arabie Saoudite « s’inscrit dans le cadre d’une initiative conjointe avec les Etats-Unis, la France et le Royaume-Uni » pour « assurer la sécurité des sites énergétiques cruciaux », a rétorqué le gouvernement. Mais l’analyste Konstantinos Filis voit dans cette décision « une pression américaine » et « le risque » d’une implication grecque dans la brûlante question iranienne.

Pour Athènes, qui cherche à doper son économie en souffrance après une décennie de crise économique et de coupes drastiques dans le budget de la défense, il s’agit aussi d’attirer de nouveaux investissements de ses partenaires. Selon le gouvernement grec, les Etats-Unis vont investir 12 millions d’euros dans la base aérienne à Larissa, dans le centre de la Grèce, et 6 millions d’euros sur la base américaine de Souda, en Crète. En contrepartie, Athènes va moderniser sa flotte d’avions de chasse américains F-16 et a exprimé son intérêt pour des drones et de F-35.

Source https://www.lorientlejour.com/article/1205730/la-grece-renforce-sa-presence-en-mediterranee-pour-contrer-la-turquie.html

Moria 35 audience le 3 février 2020

L’affaire des « Moria 35 » en appel : audience le 3 février 2020 à Lesbos

Lundi 3 février aura lieu le procès en appel de 32 exilés, jugés en première instance, en avril 2018 pour incendie volontaire, rébellion, dégradation des biens, tentative de violences ou de trouble à l’ordre public à la suite d’une manifestation pacifique par laquelle plusieurs centaines de personnes bloquées dans le « hotspot » de Moria, sur l’île de Lesbos, dénonçaient leurs conditions de vie indignes et inhumaines.

Sur 35 personnes poursuivies (les « Moria 35 »), 32 ont été reconnues coupables d’avoir blessé des fonctionnaires de police et condamnées à 26 mois de prison avec sursis par le tribunal de Chios (Grèce) après quatre jours d’une audience dont les membres de la délégation d’observateurs internationaux présents au procès avaient recensé, dans un rapport d’observation paru en juin 2018, les graves entorses au droit à un procès équitable : interprétariat lacunaire, manque d’impartialité des juges, temps limité accordé à la défense, mais surtout absence de preuves des faits reprochés.

Les 32 exilés ont fait appel de leur condamnation. L’audience d’appel aura lieu le 3 février prochain, soit près de 2 ans plus tard, cette fois-ci sur l’île de Lesbos où se sont passés les faits.

Le Gisti sera à nouveau présent à l’audience afin d’achever sa mission d’observation dans cette procédure criminelle visant des exilés.

Le 31 janvier 2020

Pour plus d’informations :

Source https://www.gisti.org/spip.php?article6306

La Grèce est-elle en train de devenir une colonie chinoise ?

Immobilier, énergies, banques, télécommunications… Depuis la crise économique, les investissements de l’empire du Milieu en terre hellène semblent sans limites.

Une réussite. À l’instant même où Xi Jinping pose le pied en terre hellène, le 10 novembre 2019, médias grecs et personnalités politiques se félicitent de ce moment historique. La seule présence du président de la République populaire de Chine ravit, excite et rassure les milieux diplomatiques et économiques. La première visite d’un président chinois en Grèce depuis onze ans constitue un symbole fort des liens entre les deux pays. Une semaine auparavant, c’est le Premier ministre grec Kyriakos Mitsotakis qui était en Chine à l’occasion du Forum économique de Shanghaï pour promouvoir son pays, répétant à l’envi que «la Grèce est ouverte pour le business». Le message est passé.

Seize accords bilatéraux ont été signés entre les deux pays à l’occasion de la visite de Xi Jinping à Athènes. L’implantation de la Banque de Chine, l’exportation de kiwis grecs ou l’investissement chinois dans les projets énergétiques viennent, entre autres, s’inscrire dans une dynamique croissante des relations économiques.

Celles-ci ont pris une nouvelle ampleur en 2009 quand la société chinoise Cosco (China Ocean Shipping Company) est entrée au capital du Pirée, premier port de Grèce et l’un des plus importants de Méditerranée. En 2016, la compagnie chinoise en devenait le principal gestionnaire après avoir racheté 51% du port, et en détiendra bientôt 67%. Une implantation croissante et stratégique «gagnant-gagnant» selon les acteurs économiques et politiques du pays.

«La Grèce tire profit de la matérialisation du rêve du président chinois, le Marco Polo du XXIe siècle», se réjouit Nicolas Vernicos, président de la Chambre internationale de commerce en Grèce. «Xi Jinping veut laisser un héritage avec les routes de la soie et la Grèce se trouve sur cette route. Nous sommes une porte d’entrée en Europe.»

Une position géographique favorable évidente pour la Grèce, passerelle naturelle entre l’Orient et l’Occident et première terre européenne pour les navires atteignant la Méditerranée depuis le canal de Suez. Idéal pour écouler de la marchandise sur le vieux continent. En 2018, les exportations chinoises en Europe ont atteint 395 milliards d’euros et rien ne semble indiquer une diminution de ces chiffres.

Des visas d’or

L’objectif est clair pour Cosco: faire du Pirée le premier port commercial en Europe. Au total, les investissements devraient s’élever à plus d’un milliard d’euros, permettant le développement du port et d’infrastructures alentours – centre commercial, marina, hôtels de luxe – au sein d’un ambitieux «Master Plan».

«Le management est meilleur, la productivité plus élevée. Les conséquences sont uniquement positives, personne ne se plaint en Grèce», assure Nicolas Vernicos, balayant d’un revers de main les réserves des riverains, les protestations des syndicats et les objections des archéologues quant à ce développement titanesque.

Pas question de critiquer les investissements chinois non plus dans les bureaux de V2 Development, l’une des principales agences immobilières de Grèce. Celle-ci connaît une croissance remarquable depuis le début du programme «Golden Visa», permettant aux citoyens non-européens de bénéficier d’un visa européen en échange d’un investissement dans l’immobilier à hauteur de 250000 euros. Mis en place en 2014, ces «visas d’or» ont permis de faire entrer des liquidités dans un pays en pleine crise économique et sociale.

«La Grèce a besoin d’argent frais. Qu’il vienne de l’antarctique ou des pingouins, peu importe», tranche Vaggelis Kteniadis, président de V2 Development. Pour l’heure, il vient principalement de Chine. Sur les 17767 permis accordés depuis 2014, 12318 l’ont été à des investisseurs chinois et à leurs familles, d’après les chiffres d’Entreprise Greece, agence gouvernementale en charge des investissements en Grèce. La Chine représente, de loin, le premier pays bénéficiaire de ce programme, devant la Turquie et la Russie.

Face au parlement grec, au cœur d’Athènes, les publicités invitant les investisseurs chinois à devenir propriétaires se sont multipliées. En version originale. «C’est insultant de devoir obtenir un visa pour voyager, estime Vaggelis Kteniadis. Avec ce programme, les gens peuvent ouvrir un business, développer les échanges commerciaux, employer des salariés», défend celui qui rêve de transformer la riviera athénienne en nouvelle Côté d’Azur.

Au risque de faire s’envoler le marché de l’immobilier. «La quantité des Golden visas accordés a considérablement augmenté le prix des loyers», analyse Polyxeni Ntavarinou. Chercheuse au sein du département Asie à l’Institut des relations économiques internationales, elle estime que «ça n’est pas une bonne chose. Dans certains quartiers, les locaux n’ont plus la possibilité de se loger». La transformation du parc immobilier s’accompagne d’une mise en location des biens sur des plateformes locatives courte-durée, faisant là encore grimper les prix. En octobre, la presse grecque révélait l’acquisition d’une centaine d’appartements au cœur d’Athènes par un seul propriétaire chinois, et c’est progressivement toute l’Attique qui se fait racheter.

Un cheval de Troie

Le domaine des énergies et des nouvelles technologies suscite également la convoitise de la Chine, prête à investir dans tous les secteurs de l’économie grecque. De quoi faire grincer des dents dans les capitales européennes, qui voient d’un mauvais œil l’omniprésence de l’empire du Milieu au sein de l’Union européenne.

En juin 2017, la Grèce posait son veto à un communiqué de l’Union européenne dénonçant les atteintes de la Chine aux droits de l’Homme, à l’occasion d’un Conseil de l’ONU. Un précédent qui avait particulièrement agacé et fait craindre une politique diplomatique grecque alignée sur les investissements chinois.

«L’Europe voit la Grèce comme un cheval de Troie chinois», estime Polyxeni Ntavarinou. Dans une période où l’unité européenne s’effrite, l’ouverture des capitaux grecs à la Chine «est mal perçue» selon la chercheuse. «La Grèce s’est sentie valorisée dans un moment où elle était considérée comme la brebis galeuse de l’Europe, où elle se pensait humiliée par ses partenaires européens. En investissant et en jouant sur une approche culturelle, d’une rencontre entre deux grandes civilisations, la Chine a permis à la Grèce de sentir importante. Elle l’a mise en valeur et donc en confiance.»

Alors qu’Emmanuel Macron s’inquiétait récemment, dans une interview à The Economist, de la souveraineté européenne en matière technologique et sécuritaire, la Grèce n’a pas fermé la porte à un accord avec Huawei pour le développement de la 5G dans le pays. «Ces investissements sont comme un don du ciel pour la Grèce, et ceux qui les critiquent en sont jaloux», insiste Nicolas Vernicos. «Pourquoi l’Afrique passe de colonie européenne à colonie chinoise? Parce que les Européens ne comprennent pas l’évolution du monde et se retirent», tente le président de la Chambre internationale de commerce.

Même son de cloche chez Vaggelis Kteniadis, particulièrement remonté: «Il ne faut pas oublier que nous sommes un pays ruiné, et que ces pays qui critiquent les investissements chinois sont les mêmes qui ont gagné des milliards sur notre dos pendant la crise.» En 2018, 589 millions des 4 milliards d’investissements étrangers directs en Grèce provenaient de Chine, faisant du pays asiatique un partenaire économique incontournable.

«Il est normal que l’Union européenne mette la pression car elle veut protéger ses intérêts. La Grèce doit réussir à trouver un équilibre», nuance George Tzogopoulos, chercheur à la Fondation hellénique pour la politique extérieure et européenne (Eliamep). «Ces investissements sont indispensables. Il ne faut pas exclure la Chine mais il faut coopérer avec elle à l’échelle européenne.»

Maintenir l’équilibre entre l’Union européenne et la Chine, mais également les États-Unis, allié historique et partenaire économique majeur, tel est le périlleux objectif de la Grèce, d’autant plus important que la rhétorique agressive et expansionniste du voisin turc attise les tensions en Méditerranée. Pour la souveraineté, on repassera. Mais dans un pays sous domination ottomane pendant quatre cents ans, dirigé par des rois allemand puis danois pendant un siècle, accueillant des bases américaines et soumis aux mémorandums européens, l’établissement chinois n’a finalement rien de surprenant.

Alexandros Kottis — 2 janvier 2020

Source http://www.slate.fr/story/185789/la-grece-est-elle-en-train-de-devenir-une-colonie-chinoise

Une frontière flottante pour stopper les migrants

La Grèce veut ériger une frontière flottante sur la mer pour limiter l’afflux de migrants Par Anne-Diandra Louarn 

Le ministère grec de la Défense a rendu public mercredi un appel d’offres pour faire installer un « système de protection flottant » en mer Égée. L’objectif : réduire les flux migratoires en provenance de la Turquie alors que la Grèce est redevenue en 2019 la première porte d’entrée des migrants en Europe.

C’est un appel d’offres surprenant qu’a diffusé, mercredi 29 janvier, le ministère grec de la Défense : une entreprise est actuellement recherchée pour procéder à l’installation d’un “système de protection flottant” en mer Égée. Cette frontière maritime qui pourra prendre la forme de « barrières » ou de « filets » doit servir « en cas d’urgence » à repousser les migrants en provenance de la Turquie voisine.

Selon le texte de l’appel d’offres, le barrage – d’une “longueur de 2,7 kilomètres” et d’une hauteur de 1,10 mètre dont 50 cm au dessus du niveau de la mer – sera mis en place par les forces armées grecques. Il devrait être agrémenté de feux clignotants pour une meilleure visibilité. Le budget total comprenant conception et installation annoncé par le gouvernement est de 500 000 euros.

“Au-delà de l’efficacité douteuse de ce choix, comme ne pas reconnaître la dimension humanitaire de la tragédie des réfugiés et la transformer en un jeu du chat et de la souris, il est amusant de noter la taille de la barrière et de la relier aux affirmations du gouvernement selon lesquelles cela pourrait arrêter les flux de réfugiés”, note le site d’information Chios News qui a tracé cette potentielle frontière maritime sur une carte à bonne échelle pour comparer les 2,7 kilomètres avec la taille de l’île de Lesbos.

Sur cette photo vous pouvez voir la taille relle
                dun barrage de 2 700 mtres par rapport lle de Lesbos
                crit Chios News Crdit Google Maps ChiosNewscom
“Sur cette photo, vous pouvez voir la taille réelle d’un barrage de 2 700 mètres par rapport à l’île de Lesbos”, écrit Chios News. Crédit : Google Maps / ChiosNews.com

La question des migrants et des réfugiés est gérée par le ministère de l’Immigration qui a fait récemment sa réapparition après avoir été fusionné avec un autre cabinet pendant six mois. Devant l’ampleur des flux migratoires que connaît la Grèce depuis 2015, le ministère de la Défense et l’armée offrent un soutien logistique au ministère de l’Immigration et de l’Asile.
Mais la situation continue de se corser pour la Grèce qui est redevenue en 2019 la première porte d’entrée des migrants et des réfugiés en Europe. Actuellement, plus de 40 000 demandeurs d’asile s’entassent dans des camps insalubres sur des îles grecques de la mer Égée, alors que leur capacité n’est que de 6 200 personnes.

Le nouveau Premier ministre Kyriakos Mitsotakis, élu à l’été 2019, a fait de la lutte contre l’immigration clandestine l’une de ses priorités. Il a déjà notamment durci l’accès à la procédure de demande d’asile. Il compte également accélérer les rapatriements des personnes qui « n’ont pas besoin d’une protection internationale » ou des déboutés du droit d’asile, une mesure à laquelle s’opposent des ONG de défense des droits de l’Homme.

Source https://www.infomigrants.net/fr/post/22441/la-grece-veut-eriger-une-frontiere-flottante-sur-la-mer-pour-limiter-l-afflux-de-migrants?fbclid=IwAR222VN34-q3HvqeNk9Yfv_7NkV-N-fgZ_JcNnQLBiTe4z9tnBGz3vSeODw&ref=fb

France : Même choc qu’en Grèce sans passer par une demande de la troïka

“Le traitement de choc administré à la France par Macron rappelle celui infligé à la Grèce” par Georges Nurdin

Plusieurs années après la potion amère infligée par la Troïka à la Grèce, le pays va mal. Or, un traitement similaire est administré à la France, dénonce notre chroniqueur Georges Nurdin, économiste, consultant international essayiste et écrivain.

A la Grecque. Cela évoque de nombreuses combinaisons : les champignons, les yaourts, et bien d’autres choses encore, mais aussi – plus récemment – l’économie. C’est cette dernière perspective qui nous intéresse car, en effet il existe de plus en plus de ressemblances entre le “traitement de choc” administré à la Grèce suite à la crise de 2008 (crise, rappelons-le, qu’elle n’a pas provoquée mais qui lui a été infligée de l’extérieur) et celui qui est en train d’être appliqué à la France du “Nouveau Monde”.

En quoi a consisté la “cure grecque” qui a été administré au pays, de force par Docteur Europe et Professeur FMI, et Maestro Banque Centrale : la fameuse Troïka (le vocable utilisé évoque la nostalgie des temps soviétiques, celui du gosplan et soviet suprême, un comble pour l’Europe… si démocratique) ? Cela tient en six points : sabrer dans les pensions et les retraites de tous – la pénurie universelle -, sabrer dans les indemnités de chômage et dans les minima sociaux, sabrer dans les dépenses dites “sociales” – y compris la santé et l’éducation -, “flexibiliser” le travail (c’est à dire en éliminant quasiment toute protection du salarié et en généralisant les contrats précaires), réduire drastiquement la fonction publique et le service public… et vendre les bijoux de famille (privatiser les infrastructures appartenant à L’Etat, tels que les aéroports, les ports, les trains, etc…). Cela ne vous rappelle rien ?…

Et comment va la Grèce depuis ? Car la thérapie “à la grecque” a servi de laboratoire, de test in vivo à une thérapie “progressiste” de choc en Europe. Chypre ayant quant à elle servi de laboratoire pour la confiscation des avoirs et des comptes courants des particuliers par les banques, toujours dans le cadre de l’UE… La question est intéressante, car on peut se faire une idée par simple homothétie de ce qui peut ou va se passer chez nous, suivant le principe que les mêmes causes produisent les mêmes effets.

Et bien, la Grèce ne va… pas bien… mais pas bien du tout. La pauvreté s’étend désormais à un tiers de la population, le taux de chômage des jeunes se situe à plus de 40 % et le coefficient de Gini est passé de 0,32 à 0,37 depuis 2008, ce qui veut dire que les pauvres sont devenus beaucoup plus pauvres et que les “premiers de cordées” sont devenus plus riches… : la “redistribution” via le fameux “ruissellement” n’a, bien entendu, pas fonctionné… ou plutôt si, mais en sens inverse. Les talents se sont expatriés, les classes moyennes sont exsangues, laminées, et surtout, sans perspectives, vides d’espoir et d’avenir. Et c’est peut-être cela le plus grave et le plus inquiétant.

Le PIB se situe à en retrait de 20% par rapport à son niveau de 2008 et d’après les économistes du Financial Times, qui ne sont pas réputés pour être des tendres, il ne le retrouvera (dans le scénario dit le plus favorable) qu’en… 2040. Et encore, peut-être, si tout va bien. En clair il faudra sacrifier, a minima, deux générations sur l’autel du dogme monétaire, l’actuelle et la suivante pour espérer revenir, peut-être, dans le meilleur des cas, au point de départ.

C’est donc, avec la cure à la grecque, une certaine vision du “progrès” qui est … en marche… Mais cela a-t-il un sens de l’appliquer, avec brutalité en plus, à un pays comme la France ? La réponse est clairement : non ! La situation ne le justifie pas, les fondamentaux économiques, financiers, sociaux et sociétaux non plus. Alors pourquoi l’appliquer ?

D’ abord parce qu’il faut rentrer, de toute urgence, donc de force et avec violence, dans les “critères” de Bruxelles et de Maastricht. C’est qu’on ne transige jamais avec l’idéologie et le dogme. Car l’Économique, enfin, une interprétation très limitée, extrêmement régressive, dépassée et punitive de l’Économie, domine le “projet” européen actuel. Ensuite l’Hubris, cette pulsion d’orgueil et de démesure qui fait que l’on se prend pour Dieu, Zeus, ou… Jupiter, si bien décrite et honnie par les Grecs Anciens, est un facteur sinon déclenchant du moins aggravant. Terriblement aggravant dans les circonstances actuelles… L’ Hubris n’est pas le courage et encore moins l’audace. C’est en fait tout son contraire.

Mais, il faut reconnaître que, malgré leurs protestations et leurs souffrances, les violences faites aux Grecs et aux Chypriotes sont “passées”, et – inutile de le préciser – avec la “bénédiction” de Bruxelles. Et, bien sûr, cela est de nature à faire tâche… d’huile. Quant à savoir si cette huile sera mise dans les engrenages ou sur le feu… Réponse dans les prochains mois.

Georges Nurdin, économiste, consultant international essayiste et écrivain (Les multinational émergentes, International Corporate Governance, Le temps des turbulences, Wanamatcha !).

Source https://www.capital.fr/entreprises-marches/le-traitement-de-choc-administre-a-la-france-par-macron-rappelle-celui-inflige-a-la-grece-1356298?fbclid=IwAR3yoUx5y6Ih-T7J6_1dn-ScK_ccYH0YZGlOjO-TRpQHex-tw2AUNgwBOdY

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