Des politiques criminelles mettent le feu en Grèce, en Turquie et à Chypre

Nous publions ci-dessous la déclaration publique de la campagne Kasma birak / Μας σκάβουν τον λάκκο à propos des incendies de forêt qui brûlent actuellement certaines parties de la Grèce, de la Turquie et qui ont ravagé une partie de l’île de Chypre. La campagne Kasma birak / Μας σκάβουν τον λάκκο a été initiée par 68 organisations environnementales et sociales des 3 pays, pour lutter contre les extractions et le bellicisme.

Nous avons besoin de camions, de pompiers et d’avions, de solidarité, pas de plus de matériel militaire.

Depuis le début du mois de juillet, à Chypre, en Grèce et en Turquie, des incendies catastrophiques ont brûlé des milliers de kilomètres carrés de zones forestières et des régions entières. À ce jour, le bilan est de 4 morts à Chypre, 8 morts en Turquie, 1 mort en Grèce et des milliers de blessés et de personnes déplacées dans les trois pays, sur 547 kilomètres carrés en Turquie, des centaines de milliers en Grèce et plus de 55 kilomètres carrés à Chypre ; et les incendies se poursuivent.

Les températures élevées dans la région, dues à la crise climatique, créent des conditions où il est très facile pour un incendie de se déclencher. Cependant, ce n’est pas la raison pour laquelle les incendies se propagent. Les gouvernements devraient être prêts à faire face à toute éventualité, mais ils ne le sont pas.

Les coupes budgétaires de ces dernières années dans les services de lutte contre les incendies dans les trois pays ont laissé les rares pompiers sans les ressources nécessaires pour faire face aux incendies d’été, même ordinaires.

Le cas le plus typique est celui de la Turquie où, bien qu’il y ait 8 avions de lutte contre les incendies, aucun d’entre eux n’est actuellement actif et prêt à voler en raison du manque d’entretien adéquat, de protection et… de personnel !

En Grèce, les incendies ont été répandus sur un front de plusieurs dizaines de kilomètres, détruit d’immenses zones forestières et pénétré dans des zones résidentielles alors que le vent n’était au départ que très faible. Des dizaines d’avions anti-incendie ont été cloués au sol à cause de dommages. Dans l’ensemble, le corps des pompiers dépend principalement de dons privés pour renouveler sa flotte, tandis que son épuisement massif pendant la période des mémorandums est « rafistolé » par des travailleurs contractuels, sans qu’aucun recrutement permanent réel n’ait été effectué.

À Chypre, bien que le gouvernement affirme que les dépenses aient augmenté de 42 %, les forces mobilisées étaient trop faibles pour l’ampleur de l’incendie qui a éclaté début juillet, tant en véhicules qu’en personnel, et les deux avions de pompiers que le gouvernement avait promis d’acheter depuis 2016 n’ont pas été achetés.
Jeu d’impressions avec l’entraide, mais en pratique rien.

Ces derniers jours, la Grèce et la Turquie ont joué à un jeu d’impressions concernant l’aide qu’elles enverraient, n’enverraient pas, demandée ou non, l’une à l’autre. La République de Chypre a refusé de recevoir l’aide de la partie nord de Chypre et a laissé brûler des zones entières jusqu’à ce que l’aide arrive de Grèce, d’Israël et d’Italie. Le nationalisme des classes dirigeantes coûte à nos forêts, à nos maisons et à la vie des gens et des animaux.

La demande dans les trois pays est commune : Investir dans la lutte contre les incendies et dans la prévention, pas dans la police et l’armée !

Recep Tayyip Erdogan possède 13 avions privés. La Turquie, qui produisait jusqu’à récemment des véhicules de pompiers, produit désormais des drones militaires. En Grèce, au lieu d’équiper les pompiers ces derniers mois, le gouvernement n’a cessé d’acheter de nouveaux véhicules pour la police, sans parler des milliards dépensés en Rafales français (avions militaires) pour protéger l’extrcation du gaz. Et Chypre a acquis ces dernières années ses premières « arroseuses », investissant ainsi dans la suppression des mouvements plutôt que dans la lutte contre les incendies !

Dans les trois pays, des milliers de citoyen.ne.s ont vu leurs biens détruits, des milliers ont été abandonné.e.s dans les rues, des milliers d’animaux ont été brûlés vifs. Des dizaines de milliers d’hectares de forêts précieuses ont été perdus.

Nous sommes solidaires aux victimes des incendies dans ces trois pays.
Dans les trois pays, l’ennemi est commun : ce sont les politiques néolibérales et le nationalisme, ainsi que l’armement militaire pour défendre les intérêts des capitalistes/multinationales, même si cela signifie laisser brûler nos forêts et nos villages.

Nous exigeons un renforcement immédiat de la prévention, et le renforcement des services d’incendie et des services forestiers, et non de la police et de l’armée !
Aide mutuelle et solidarité ! Dans la lutte contre la catastrophe, il n’y a pas de place pour le nationalisme et les jeux diplomatiques.

De l’argent pour soutenir ceux qui ont perdu leur logement et des allocations pour les aides à restaurer leurs maisons.

Protection des zones forestières brûlées. Pas d’activité d’investissement et d’expansion résidentielle dans les zones brûlées.

Nous nous battons pour une société où l’environnement et les vies, humaines et animales, passent avant les profits.

Source :

In English https://net.xekinima.org/criminal-policies-burning…/
Ελληνικά https://www.facebook.com/100768871983172/posts/209916164401775/?sfnsn=mo

Source https://www.cadtm.org/Des-politiques-criminelles-mettent-le-feu-en-Grece-en-Turquie-et-a-Chypre

Grèce Données sur la détention des migrants

La détention des immigrants au premier semestre 2021 : Privation systématique de liberté et inaccessibilité des voies de recours.

Les données officielles pour le premier semestre 2021 publiées par la police hellénique en réponse aux questions parlementaires démontrent que les autorités grecques continuent de détenir systématiquement les demandeurs d’asile et les migrants en situation irrégulière. Ces chiffres révèlent une violation grave du devoir de l’État de ne recourir à la privation de liberté qu’en dernier ressort, lorsque la nécessité et la proportionnalité l’exigent.

Les chiffres en un coup d’œil

9 575 ordres de détention ont été émis
4 % des décisions d’expulsion ont été suivies d’un ordre de détention.
Moins d’un ordre de détention sur dix a été contesté devant les tribunaux.
Le contrôle judiciaire automatique n’a annulé que 7 des 2 091 ordres de détention.
Sur les 2 392 personnes placées dans des centres de pré-renvoi, 1 109 ont été détenues pendant plus de six mois.
Il n’y avait que 10 médecins pour 2 392 détenus dans 7 centres de pré-expulsion.
Les centres de pré-expulsion de Xanthi et Fylakio n’avaient pas d’interprètes, et Paranesti et Kos n’en avaient qu’un chacun.
Il n’y avait que 9 psychologues pour le nombre total de détenus dans les centres de pré-renvoi et un seul psychiatre à Tavros.
Les visiteurs médicaux n’étaient déployés qu’à Amygdaleza et Corinthe.

Recours systématique à la détention

Au cours des six premiers mois de 2021, la police hellénique a émis un total de 9 575 ordres de détention en vertu de la législation sur l’immigration et l’asile. Parmi ceux-ci, 7 247 ont été émis dans le cadre de procédures de retour en vertu de la loi L 3907/2011, 1 980 dans le cadre de procédures d’expulsion en vertu de la loi L 3386/2005 et 348 dans le cadre de la procédure d’asile.
Logo FlourishA Visualisation des données Flourish

Les statistiques révèlent que les autorités grecques ont largement recours à la privation de liberté dans le but de procéder à l’éloignement. L’utilisation de la détention est palpable dans les procédures dites d’expulsion menées en vertu de la loi 3386/2005, en dérogation aux garanties de la Directive Retour. Les décisions d’expulsion ont été suivies d’une détention dans 99,4 % des cas.

Des recours inaccessibles contre la détention

Le droit grec prévoit la possibilité de contester la détention par le biais d' »objections » devant le tribunal administratif compétent. La prolongation de l’asile et de la détention avant éloignement est également soumise à un contrôle judiciaire d’office par ce même tribunal.

Moins d’une personne sur dix a demandé un recours contre sa détention au cours du premier semestre de l’année. Sur les 9 575 ordres de détention, seuls 828 (8,6 %) ont été contestés devant les tribunaux administratifs par le biais de la procédure d’objection. Le RSA a documenté une série d’obstacles à l’accès à la procédure d’objection, en particulier le fait que les personnes ne sont pas informées des raisons de leur détention dans une langue qu’elles comprennent et de l’accès à l’assistance juridique. L’ordre de détention émis par les autorités de police est rédigé en grec et l’interprétation ainsi que les informations sur le droit de contester cette décision ne sont souvent pas fournies. De son côté, l’obligation de fournir une assistance juridique n’est pas assurée par l’État dans la pratique.

Le taux de succès des objections contre la détention devant les tribunaux administratifs au cours du premier semestre de l’année était de 52,8% :
Logo FlourishA Visualisation des données Flourish

En revanche, le contrôle judiciaire d’office de la prolongation de l’asile et de la détention avant éloignement par ces mêmes tribunaux a continué de déboucher sur l’approbation des ordres de détention, avec seulement 7 décisions sur 2 091 s’opposant à la poursuite de la détention :
Logo de FlourishA Visualisation des données de Flourish

Les statistiques ci-dessus démontrent des disparités palpables dans le fonctionnement des mécanismes de contrôle judiciaire disponibles. Alors que plus de la moitié des ordres de détention portés devant les tribunaux par le biais d’objections ont été jugés illégaux, pas plus de 0,3% des ordres de détention faisant l’objet d’un contrôle automatique ont été annulés. Ces chiffres soulignent une fois de plus le besoin urgent d’une aide juridique adéquate pour garantir un contrôle équitable et efficace de la détention.

Conditions de détention

À la fin du mois de juin 2021, 2 392 personnes se trouvaient encore dans des centres de pré-renvoi. Parmi elles, 46% sont en détention depuis plus de six mois :
Logo FlourishA Visualisation des données Flourish

De graves lacunes persistent dans la fourniture de soins de santé et de soutien aux personnes détenues dans les centres de pré-renvoi. Le nombre déjà limité de personnel médical déployé dans l’ensemble des centres de pré-renvoi a chuté de 37 à la fin de 2020 à 34 à la fin du premier semestre de 2021 :
Logo FlourishA Visualisation des données Flourish

Le nombre d’interprètes reste également très faible. Fin juin 2021, il n’y avait aucun interprète à Xanthi et Fylakio, un seul interprète à Paranesti et Kos et seulement deux interprètes à Amygdaleza, Tavros et Corinthe.

Enfin, les autorités grecques continuent d’imposer la détention des immigrants dans les commissariats de police, en dépit des critiques sévères et constantes des organismes internationaux. À la fin du mois de juin 2021, 601 personnes étaient détenues dans des postes de police.

Pour plus d’informations :

   RSA, Administrative detention : a human rights ‘black hole’, 22 juin 2021.
RSA, Maintien de la détention malgré des lacunes flagrantes dans la couverture santé des RPC au milieu d’une pandémie, 14 janvier 2021.
RSA & Fondation PRO ASYL, Soumission dans SD c. Grèce, octobre 2020.

Source https://rsaegean.org/en/detention-stats-first-half-2021/

Le trafic d’êtres humains en Grèce : une course sans fin

Le trafic d’êtres humains en Grèce : une course sans fin (Part 1)

Par Marie Vansteenkiste

Avant toute chose, il existe une différence entre la traite et le trafic d’êtres humains. Même si ces deux termes sont proches, il existe une importante différence entre les deux. La traite, elle, se dirige plus vers un côté économique. C’est une exploitation d’individus à des fins lucratives. L’exploitation porte sur la mendicité, le travail ou services dans des conditions contraires à la dignité humaine, le prélèvement d’organes ou de matériel corporel humain et le fait commettre un crime ou un délit contre son gré.

C’est malheureusement la forme d’esclavage d’aujourd’hui. L’exploitation peut également être sexuelle, prostitution mais pas seulement. Les exploiteurs de main d’œuvre pas cher et illégale dans le bâtiment, hôtel, restaurants, cafés ou encore le travail domestique et de plus en plus fréquent.

Quant au trafic des êtres humains, celui-ci se définit par le fait de faire passer illégalement une frontière à des individus pour des fins lucratives.

Du cas par cas

Sur les 193 pays recensés sur la planète, 137 connaissent un esclavage dit moderne. En Grèce, le trafic humain commence sous vos yeux sans que vous en ayez la moindre idée. Les vendeurs de roses, de bracelets, des enfants qui jouent de la musique devant vous, tout commence là. Mi-juin à Thessalonique, la police a arrêté un couple bulgare et un complice. Ce trio a été accusé de traite d’êtres humains, d’exposition et d’exploitation de mineurs en danger.

Ce sont en général des mineurs ou des très jeunes enfants qui mendient ou aident à la mendicité toute la journée sans avoir un suivi scolaire, et qui rapportent de l’argent aux parents en fin de journée. Des enfants qui passent leurs nuits sur les trottoirs, « vivant une vie qui n’est pas conforme à leur activité de mendiants » explique le communiqué de presse de la police. Ce sont les plus marginalisés et les plus fragiles de la société qui se retrouvent dans ce genre de trafic. Les chiffres officiels évoquent 1000 à 2000 femmes et enfants victimes de ce trafic chaque année.

Ces estimations sont largement inférieures à celles des organisations non gouvernementales grecques, reprises par Amnesty International, qui font état de milliers de victimes non reconnues. Amnesty International cite l’exemple caractéristique de l’année 2000, où 90 000 personnes auraient transité par le territoire grec dans le cadre de ce trafic.

Pour le cas des femmes, c’est généralement dans le domaine de la prostitution qu’elles sont « employées ». Toutes ses victimes ne sont donc pas protégées et ne peuvent pas l’être puisque ce sont elles-mêmes qui sont poursuivies pour prostitution illégale et absence de visa ou de carte de séjour. Ces femmes sont souvent emprisonnées avant d’être reconduites à la frontière, toujours sans aucun droit.

Les victimes ne sont pas considérées comme des êtres humains et le manque de considération envers elles empêche la police d’investigation d’intervenir et de mettre un terme à cela. Selon les ONG, sur le millier d’arrestations annoncées par la police ces quatre dernières années, seuls dix ou quinze cas ont fait l’objet d’une enquête judiciaire.

Plus grand trafic au monde, gentiment puni

Un trafic qui pèse plus de 32 milliards de dollars, mais qui n’est que très peu puni par la loi. Les répressions de la traite des êtres humains sont punies de sept ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende, sans circonstances aggravantes. Pas de quoi effrayer les trafiquants. Avec les circonstances, la peine peut tripler, s’il est question de criminalité ou délinquance organisée.

Pas de quoi effrayer les trafiquants. Même si des peines nationales existent, de nombreux traités internationaux sont également mis en place afin d’éviter tout trafic d’humains confondus. Tel que

–      La Convention complémentaire des Nations unies relative à l’abolition de l’esclavage, de la traite des esclaves et des institutions et pratiques analogues à l’esclavage.

–      La Convention des Nations unies sur l’élimination de toutes les formes de discriminations à l’égard des femmes demande à toutes les parties de supprimer toutes les formes de trafic des femmes et l’exploitation de la prostitution des femmes.

Chacun des pays qui ont signé ces conventions intègrent petit à petit des engagements dans leur législation nationale, mais malgré cela les chiffres de trafic ne cessent d’augmenter. Depuis le passage d’une « législation mondiale contre le trafic des personnes, le protocole additionnel à la Convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée, visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants » a été adopté par l’Assemblée générale de l’ONU en l’an 2000.

Le trafic des êtres humains n’est plus reconnu comme un problème primordial international. La lutte contre le trafic implique une énorme coopération et demande de la coordination aux niveaux national et international entre les ONG. La coordination est le fruit des bons résultats pour ce genre de trafic.  Malheureusement aujourd’hui, la corruption détient encore un rôle trop important pour mettre un terme au trafic.

Pour la première fois en deux décennies, le nombre d’enfants mis au travail a augmenté – pour atteindre 160 millions dans le monde, soit une augmentation de 8,4 millions en quatre ans – tandis que des millions d’autres sont menacés par la pandémie de COVID-19, selon un nouveau rapport des Nations Unies

Le rapport, intitulé Child Labour : Global estimates 2020, trends and the road forward, publié par l’Organisation internationale du travail (OIT) et le Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF), exhorte les gouvernements et les banques internationales de développement, a déclaré la directrice générale de l’UNICEF Henrietta Fore, « à donner la priorité aux investissements dans des programmes qui peuvent sortir les enfants de la main-d’œuvre et les ramener à l’école »

Source https://lepetitjournal.com/athenes/le-trafic-detres-humains-en-grece-une-course-sans-fin-part-1-317767

Le trafic d’êtres humains en Grèce : une course sans fin (Part 2)

Par Marie Vansteenkiste

Publié juste avant la Journée mondiale contre le travail des enfants, le 12 juin, le rapport avertit que les progrès réalisés pour mettre fin au travail des enfants ont marqué le pas pour la première fois en 20 ans, inversant la tendance à la baisse qui avait vu le nombre d’enfants mis au travail diminuer de 94 millions entre 2000 et 2016.

Le rapport souligne, aussi, une augmentation significative du nombre d’enfants âgés de 5 à 11 ans qui travaillent, soit un peu plus de la moitié du total mondial.
Et ceux âgés de 5 à 17 ans effectuant un travail dangereux, susceptible de nuire à leur santé, leur sécurité ou leur bien-être moral, a augmenté de 6,5 millions depuis 2016, pour atteindre 79 millions.
« Ces nouvelles estimations sont un signal d’alarme. Nous ne pouvons pas rester sans rien faire alors qu’une nouvelle génération d’enfants est mise en danger », a déclaré le Directeur général de l’OIT, Guy Ryder.

L’impact du COVID

En Afrique subsaharienne, la croissance démographique, les crises récurrentes, l’extrême pauvreté et l’inadéquation des mesures de protection sociale ont conduit à ce que 16,6 millions d’enfants supplémentaires travaillent au cours des quatre dernières années, selon le rapport.

Le COVID-19 met en péril les progrès réalisés dans les régions Asie et Pacifique, et Amérique latine et Caraïbes.
Le rapport prévient qu’à l’échelle mondiale, neuf millions d’enfants supplémentaires risquent d’être poussés vers le travail des enfants d’ici à la fin de 2022 en raison de la pandémie, chiffre qui pourrait atteindre 46 millions sans accès à une couverture de protection sociale essentielle.

Les chocs économiques supplémentaires et les fermetures d’écoles provoqués par le COVID-19 signifient que les enfants déjà obligés ou forcés de travailler, peuvent travailler plus longtemps ou dans des conditions plus difficiles, tandis que les pertes d’emplois et de revenus parmi les familles vulnérables peuvent pousser beaucoup plus d’enfants vers les pires formes de travail.

Inverser la tendance

Pour inverser la tendance à la hausse, l’OIT et l’UNICEF appellent à une protection sociale adéquate, y compris des allocations familiales universelles ; à une augmentation des dépenses pour une éducation de qualité et le retour de tous les enfants à l’école, y compris ceux qui ont été forcés de quitter l’école avant COVID-19 ; et à des investissements dans les systèmes de protection de l’enfance, les services publics ruraux et les moyens de subsistance.

Dans le cadre de l’Année internationale pour l’élimination du travail des enfants, le partenariat mondial Alliance 8.7, dont l’UNICEF et l’OIT sont partenaires, encourage les Etats membres, les organisations régionales et internationales et d’autres acteurs à redoubler d’efforts dans la lutte mondiale contre le travail des enfants en prenant des engagements d’action concrets.

Trafic d’êtres humains en Grèce

La traite des êtres humains en Grèce est devenue au fil des ans le crime le plus important du pays, et ce pour de nombreuses raisons. Tout d’abord, les données relatives à la traite ont considérablement augmenté grâce à la normalisation de la collecte et de la communication des données. En outre, la Grèce possède le 11e plus long littoral au monde, ce qui la rend populaire auprès des groupes criminels organisés.

La côte bordée de nombreuses régions d’Europe, d’Asie et d’Afrique constitue un lieu de transit et de destination approprié. En 2018, l’organisation A21 a estimé qu’il y avait 89 000 victimes de la traite des êtres humains en Grèce et que plus de la moitié étaient des victimes du commerce du sexe.

La majorité des trafiquants en Grèce sont grecs. Pendant ce temps, la plupart des victimes du trafic sexuel sont des femmes et des enfants, et les victimes du travail sont des hommes et des enfants. Les victimes de la traite en Grèce sont le plus souvent des migrants et des demandeurs d’asile qui dépendent de la contrebande et du travail forcé.

La traite des êtres humains est illégale et punissable aux niveaux étatique, fédéral et international. La réponse de la Grèce à la traite des êtres humains se classe actuellement au niveau 2.

Selon le Département d’État américain, un pays qui se classe dans la catégorie 2 ne respecte pas les normes minimales de lutte contre la traite des êtres humains. Le Département d’État américain a demandé, il y a déjà plusieurs mois à la Grèce d’appliquer au plus vite les recommandations qui leur ont été faites, afin de stopper ce trafic.

Malgré cela et les aides financières le gouvernement Grec ne satisfait toujours pas aux normes minimales pour l’élimination de la traite des êtres humains.  La Grèce est donc restée au niveau 2.

Après une deuxième mise en garde, la Grèce a commencé à faire des efforts avec l’unité de lutte contre la traite en déployant de solides efforts d’investigation, tels que des inspections conjointes avec les inspecteurs du travail et les travailleurs sociaux.

Le gouvernement a aussi officiellement lancé un mécanisme national d’orientation multidisciplinaire doté de procédures opérationnelles standard et de directives écrites appropriées. Le bureau du rapporteur national sur la traite des êtres humains a mené des efforts de lutte contre la traite à l’échelle du gouvernement, notamment un projet visant à éliminer le travail forcé dans les chaînes d’approvisionnement du gouvernement local.

Cependant, le gouvernement n’a pas respecté les normes minimales dans plusieurs domaines clés. La lenteur des procédures de filtrage et la surpopulation des installations, notamment des camps de migrants et de réfugiés et des abris pour mineurs non accompagnés, ont exacerbé les vulnérabilités et ont parfois conduit à une nouvelle victimisation des survivants.

En outre, le gouvernement n’a pas déployé d’efforts proactifs pour identifier le travail forcé et les enfants non accompagnés, et certaines autorités ont officieusement renvoyé de force certains migrants et demandeurs d’asile en Turquie, décourageant fortement les victimes de s’identifier ou de coopérer. L’aide spécialisée aux victimes restait inadéquate ou inaccessible, et les procédures judiciaires durent souvent de deux à six ans, ce qui entrave la coopération des victimes et des témoins clés, et entraîne l’acquittement des trafiquants présumés.

Profil de la traite inhumaine

Au cours des cinq dernières années, les trafiquants d’êtres humains exploitent des victimes nationales et étrangères en Grèce, et les trafiquants exploitent des victimes de Grèce à l’étranger. Les trafiquants opérant en Grèce sont principalement des Grecs et d’autres Européens de l’Ouest et de l’Est, mais certains sont également originaires d’Asie centrale.

Les trafiquants soumettent des femmes et des enfants d’Europe de l’Est et du Sud, d’Asie centrale et du Sud, de Chine, de Géorgie, du Nigeria et de Russie à la traite sexuelle dans des maisons closes non autorisées, dans la rue, dans des clubs de strip-tease, dans des salons de massage et dans des hôtels.

Les victimes du travail forcé en Grèce sont principalement des enfants et des hommes originaires d’Europe de l’Est, d’Asie du Sud et d’Afrique. Les travailleurs migrants du Bangladesh, du Pakistan et de l’Afghanistan sont susceptibles d’être soumis à la servitude pour dettes, notamment dans le secteur agricole.

Les enfants roms marginalisés d’Albanie, de Bulgarie et de Roumanie sont contraints de vendre des marchandises dans la rue, de mendier ou de commettre de petits vols. L’augmentation du nombre d’enfants migrants non accompagnés en Grèce a augmenté le nombre d’enfants susceptibles d’être exploités. Les enfants non accompagnés, principalement originaires d’Afghanistan, pratiquent le sexe de survie et sont vulnérables au trafic.

Les femmes réfugiées et migrantes, en particulier celles qui vivent dans les CIR des îles, sont très vulnérables à la traite. Belgrade joue le rôle d’un carrefour entre plusieurs axes (aussi bien pour les prostituées que pour les migrants clandestins), d’Europe orientale vers le nord de l’Italie par les pays de l’ancienne Yougoslavie (où interviennent des trafiquants bosniaques, croates et slovènes), de Turquie vers l’Europe centrale par la route des Balkans, enfin d’Europe orientale vers le sud de l’Italie par les ports monténégrins ou albanais.

Source https://lepetitjournal.com/athenes/le-trafic-detres-humains-en-grece-une-course-sans-fin-part-2-317770

Les incendies en Grèce, révélateurs de la crise sociale que vit le pays

La Grèce vit une situation climatique calamiteuse. Les chaleurs intenses et record favorisent le développement de nombreux feux de forêt et le pays ne parvient pas à satisfaire la consommation électrique du fait de l’usage immodéré des climatiseurs. L’impuissance de l’État est aussi montrée du doigt.

.

C’est la pire canicule en trente ans. Depuis quelques jours en Grèce, les températures atteignent des records dépassant les 40 °C dans le Péloponnèse, à Athènes ou dans les îles. L’Institut de météorologie grec a qualifié ce phénomène d’historique.

Pour se rafraîchir, les Grecs font tourner ventilateurs et climatiseurs, ce qui entraîne de fortes surcharges sur le réseau électrique, souvent vétuste. L’électricité a été coupée plusieurs heures sur l’île de Rhodes et des câbles électriques ont été endommagés dans la région de l’Attique, en raison de la chaleur.

Lundi 2 août, le Premier ministre, Kyriákos Mitsotákis, a demandé à ce que les habitants fassent des efforts pour limiter leur consommation aux heures de pointe, surtout le soir, entre 18 et 23 heures. Il a également conseillé de régler le climatiseur à 26 °C maximum, d’éteindre les chauffe-eau électriques et les lumières.

« Le réseau électrique grec est totalement vétuste, car l’État n’a plus d’argent »

Des petits gestes qui ne font que cacher l’impuissance et l’absence d’anticipation du gouvernement, comme l’explique Lydia Papandréou, une Franco-Grecque dont la famille vit dans le village de Piges, dans le Péloponnèse. « Le réseau électrique grec est totalement vétuste, car l’État n’a plus d’argent. Et c’est très compliqué pour les personnes les plus fragiles de vivre sans climatisation avec des températures de 40 °C », explique-t-elle à Reporterre.

Les 10,7 millions de Grecs ne sont pas les seuls à devoir faire des efforts : les touristes sont aussi invités à limiter leur consommation. « Le réseau électrique du pays est sous pression en raison de la très forte demande puisque nous sommes au pic de la saison touristique et que nous avons plus de 2-3 millions de visiteurs supplémentaires en ce moment dans notre pays, nous demandons aux consommateurs de ne pas gaspiller de l’énergie qui n’est pas nécessaire », a déclaré le ministre de l’Environnement et de l’Énergie, Kostas Skrekas.

La Grèce est un pays très touristique, qui avait accueilli 34 millions de visiteurs en 2019 avant la crise du Covid-19. Un secteur qui représente 18 % du produit intérieur brut (PIB) et qui emploie plus de 900 000 personnes. Mais, face à cette canicule, les autorités ont dû se résoudre à fermer l’après-midi tous les sites archéologiques en plein air jusqu’au vendredi 6 août, notamment la célèbre Acropole d’Athènes.

« Cela fait dix ans qu’on est en crise et que l’État n’investit plus »

Cette vague de chaleur exceptionnelle a entraîné de nombreux feux dans toutes les provinces, d’Athènes à Patras, en passant par Rhodes et le Péloponnèse. « Nous ne parlons plus de changement climatique, mais d’une menace climatique », a déclaré le vice-ministre de la Protection civile et de la Gestion des crises, Nikos Hardalias, à la chaîne de télévision Star.

Pour Lydia Papandréou, le changement climatique n’est pas le seul responsable. « Tous les ans, c’est la même rengaine durant l’été. C’est facile de mettre l’absence d’investissement des autorités sur le dos du changement climatique. Cela fait dix ans qu’on est en crise et que l’État n’investit plus, car le Fonds monétaire international (FMI) passe en premier. Résultat, il n’y aucun désherbage et on ne remplit plus les bornes incendies. Il ne faut pas s’étonner que les feux partent aussi vite. »

« Les incendies incontrôlés sont une autre expression du fossé qui se creuse au sein de la société grecque. »

Elle met en avant deux problèmes : tout d’abord l’exode rural, qui vide les campagnes et laisse les champs à l’abandon, sans entretien et donc très exposés aux incendies. Mais aussi l’appétit des promoteurs immobiliers. « En Grèce, on ne peut pas construire sur une forêt, sauf si celle-ci a brûlé. Les promoteurs se sont fait une spécialité d’incendier certaines zones, notamment dans la banlieue d’Athènes », assure-t-elle.

Elle rappelle le terrible incendie qui a ravagé en 2018 le quartier de Mati, en périphérie de la capitale, où plus d’une centaine de personnes avaient trouvé la mort, piégées dans leur maison ou leur voiture. La justice avait d’ailleurs lancé des poursuites pénales pour « incendie et homicide par négligence » à l’encontre de seize personnes, dont des élus locaux et des responsables des pompiers. Dans ce quartier, beaucoup d’habitations étaient construites illégalement sur des terrains où la forêt avait déjà été brûlée pour de la spéculation immobilière, comme l’expliquait Le Monde.

Dans un entretien donné au journal allemand Der Spiegel, l’historien spécialiste des feux Stephen J. Pyne a confirmé que de nombreux incendies en Grèce étaient d’origine humaine, bien qu’accentués par la sécheresse. Il estime qu’avec la crise financière, les services de pompiers ont été démantelés et affaiblis et ne sont plus assez puissants pour faire efficacement face aux grands incendies. « Les incendies incontrôlés sont une autre expression du fossé qui se creuse au sein de la société grecque. »

Grèce : deux ans d’ultra-libéralisme et de répression généralisée

Avec le gouvernement d’une droite revancharde et ultra-libérale, aucun secteur n’est épargné par des attaques, ce qui donne lieu à des mobilisations jusqu’ici dispersées.

En revenant au pouvoir après les élections de juillet 2019 et en refermant ce qu’elle traitait de « parenthèse du gouvernement Syriza », la droite de Kyriakos Mitsotakis, héritier d’une famille de politiciens de la grande bourgeoisie conservatrice, n’avait pas caché ses appétits : reprendre en mains tous les postes de pouvoir, empêcher tout retour au gouvernement de la gauche, même timidement réformiste, et réprimer toute contestation sociale au nom d’un dogme « loi et ordre » fleurant bon l’ancienne dictature des colonels (1967–74). De fait, parmi les « hommes forts » du gouvernement figurent au moins deux vestiges de l’extrême droite, les ministres Georgiadis (Développement) et Voridis (Intérieur), qui cherchent à peine à cacher leurs convictions fascisantes. Mais surtout, ce qui caractérise ce gouvernement à faire pâlir d’envie un Orban, c’est une politique économique ultra-libérale à la chilienne de Pinochet, avec comme particularités, en dehors d’un anachronisme profond qui reflète l’absence de projet politique, son incompétence, sa nullité culturelle et son recours permanent à une propagande reposant sur ses liens avec les affairistes et les armateurs propriétaires des grands médias du pays. Il n’empêche : face à cette situation rappelant parfois la période de la guerre civile (par exemple, les mesures de fin de l’asile et de création d’un corps de policiers dans les facs sont inspirées de Kostas Plevris, vieil idéologue en chef des nazis grecs), les mobilisations et les résistances continuent depuis deux ans et malgré la pandémie ! Mais ce qui fait tenir une droite aussi agressive et nulle, ce sont en dernier lieu deux facteurs connus ailleurs : la crise du mouvement syndical et l’absence de perspectives d’alternative crédible à gauche.

Privatisations et surexploitation

Tsipras avait en son temps annoncé la fin des mémorandums de la troïka (Commission et Banque européennes, FMI), mais pour la plus grande partie de la population peu de choses ont changé, et la politique d’appauvrissement populaire s’accentue, comme on le voit avec le feu vert donné à la vente des domiciles de personnes endettées. Malgré les grands discours sur les investissements, le chômage continue à flamber : de 18,4 en décembre 2018 à 15,8 % deux ans plus tard, avec 34,2 % chez les 15-24 ans et 22,9 % chez les 25-34 ans. Les organisations patronales viennent de refuser (une nouvelle fois !) d’augmenter le SMIC, que Syriza avait porté modestement de 586 à 650 euros (558 net), la Grèce étant dernière pour le SMIC dans l’Union européenne. Soulignons que le coût de la vie dans les grandes villes n’est pas très éloigné de celui de la France…

Et quand Mitsotakis parle investissements, ses perspectives ne peuvent qu’approfondir la crise : d’une part parce que dans ses priorités figurent des choix contestables même du point de vue de la bourgeoisie. Ainsi la fuite en avant pour le tourisme, et cela alors que les conséquences d’une ouverture touristique à plein tube en 2020 se sont traduites dès septembre par une montée en flèche des victimes (moins de 100 morts en juin 2020, plus de 12 000 désormais). Cette insistance sur le tourisme se fonde sur un chiffre aujourd’hui contesté : estimé comme composant plus de 30 % du PIB, il en représenterait plutôt 6 à 7 %. Cette priorité erronée au tourisme masque d’autant moins la politique de désindustrialisation du pays, comme avec la fermeture de centrales au lignite, évidemment très polluantes, mais sans aucun plan sérieux d’emplois pour les travailleurs/euses.

Et de manière générale, le seul credo économique de ce gouvernement, ce sont les cadeaux au privé et les privatisations, étendant de manière délirante une politique que Syriza n’avait pas remise en cause de 2015 à 2019 : projet de privatiser la société nationale de l’eau, participation réduite à la compagnie des pétroles de Grèce pour en faire cadeau au groupe Latsis, projet de privatisation du système de gestion des retraites complémentaires, menaces de gestion privée sur un système de santé public qui malgré tous les coups reçus depuis 10 ans, a montré sa capacité à empêcher la catastrophe grâce au dévouement de ses personnels (pendant que le privé pouvait continuer de faire son beurre en maintenant ses fructueuses opérations!), des musées nationaux passant à un statut semi-privé… On pourrait multiplier les exemples, sans oublier les incroyables cadeaux faits par Mitsotakis aux médias à sa solde, en offrant sous couvert d’information publique sur le Covid des millions à des médias de droite parfois extrêmes ou inexistants, pendant que les médias de gauche avaient droit à des miettes ou à rien ! Le démantèlement accéléré du service public et l’État au service immédiat du patronat, voilà la ligne catastrophique de cette droite ultra-libérale.

Ce qui est en jeu ces dernières semaines, c’est une attaque d’ampleur contre ce qui reste de droit du travail : le ministre Hadjizakis, spécialiste des mauvais coups contre les travailleurs/euses, va déposer un projet de loi portant et sur le temps de travail et sur les droits syndicaux. Objectif du gouvernement : casser la « contrainte » de la journée limitée à 8 heures de travail, la porter à 10 heures, dans le cadre d’un calcul de temps de travail flexible, étendant le dimanche comme jour normal de travail à de nombreux secteurs, augmentant en même temps la limite des heures sup (de 120 annuelles maxi à 150), poussant à des compensations non pas en rémunération mais en repos (pour aller cueillir les olives, a osé dire le ministre…), alors qu’un sondage montre que 73 % des travailleurs/euses veulent être rémunérés, 11 % préférant un repos. Une évidence : un enfer de surexploitation se dessine pour les travailleurs/euses, pousséEs à signer des « conventions individuelles » plutôt que relever de conventions collectives… Mais pour les aider à « choisir », le projet comporte un pan antisyndical effarant : procédures bureaucratiques pour enregistrer les sections syndicales, vote électronique de la grève avec 50 % + 1 d’avis favorables, sinon la grève serait illégale, interdiction des piquets de grève, diminution des représentantEs du personnel protégéEs… On le voit, le patronat l’a rêvé, Mitsotakis lui offre : casser totalement le droit du travail, et cela alors que l’urgence sociale serait évidemment de créer des postes pour lutter contre le chômage, 50 % des chômeurs/euses étant de longue durée.

L’éducation, exemple d’une offensive généralisée

Avec ce gouvernement d’une droite revancharde, signe de la panique qui avait saisi la bourgeoisie grecque en janvier 2015 avec la victoire de Syriza, et ayant pour seul souci les cadeaux aux copains patrons, aucun secteur n’est épargné, ce qui donne lieu à des mobilisations très diverses. On comprend bien sûr que l’enjeu dans la période à venir sera leur centralisation. Entre autres exemples de secteurs très différents mais attaqués frontalement, prenons celui de l’éducation, avec à la tête du ministère une réactionnaire affichée, exemple du lien profond de l’ultra-libéralisme osant se prétendre moderniste avec les conceptions les plus rétrogrades.

Son objectif est double : supprimer tout enseignement critique – celui de la sociologie au lycée a été remplacé par des cours de religion… – et réprimer toute tentative contestataire – d’où l’incroyable article de loi de création d’un corps de 1 000 policiers implantés dans les facs ! – et de l’autre côté, passer à une étape supérieure de la sélection sociale, avec une loi taillée sur mesure pour faire fermer des sections ou de petits centres universitaires et favoriser la création de « facs » privées, que la Constitution interdit ! D’ores et déjà, malgré une opposition quasi unanime, ses mesures visent à empêcher environ 25 000 lycéenNEs de Terminale d’entrer en fac, les poussant soit à chercher un emploi (précaire) soit à payer s’ils le peuvent une fortune pour engraisser une de ces boites privées autorisées désormais à délivrer un diplôme professionnel. La ministre Kerameos, rivalisant avec Blanquer pour le titre de ministre de l’Éducation le plus haïssable, ne s’arrête pas là : tentatives d’imposer une « évaluation » des enseignantEs dans le cadre d’un projet aboutissant à la casse de leur statut, cours universitaires payants pour des étudiants étrangers, premier pas vers des universités publiques payantes, le tout se déroulant pendant la fermeture quasi totale des facs depuis plus d’un an pour se mettre à l’abri des mobilisations…

On pourrait citer bien sûr d’autres secteurs : l’environnement, avec les alléchantes propositions à des entreprises du « capitalisme vert » d’installer partout des éoliennes, malgré les réactions de la population, et tout en niant toute préoccupation écologique dans bien des domaines (achat de vieux bus mal recyclés à Salonique, maintien et extension des centres d’incinération d’ordures…). Mais aussi l’environnement archéologique, avec une incroyable bétonisation de l’Acropole pour favoriser les visites de groupes ou l’arrachage de magnifiques vestiges byzantins pour soi-disant accélérer la construction d’une station de métro à Salonique, malgré les protestations de masse et même celles venues de l’étranger.

Au service de la casse : propagande et répression

Si en France, Macron, c’est Jupiter, en Grèce, Mitsotakis, c’est Moïse, comme le nomment sans rire ses partisans ! La flagornerie est d’autant plus ridicule que le personnage et tout son entourage, après avoir multiplié les promesses électorales, font preuve d’une réelle incompétence à défendre une grosse partie de leurs électeurs : les couches moyennes, qui risquent en outre de sortir étrillées de la période des confinements Covid. Malgré un impressionnant matraquage quotidien de la presse et des médias aux ordres – quand on pense que la télé publique avait été brutalement fermée par la droite en 2013 (mais rouverte sous Syriza) pour cause d’esprit critique ! – la déception se fait jour à travers les sondages, même si la Nouvelle Démocratie (le parti de Mitsotakis) reste en tête des intentions de vote.

Alors, à défaut de pouvoir changer de politique économique, la droite grecque, malgré des défections, se concentre sur ses fondamentaux : répression et nationalisme, avec tout ce que cela suppose. La répression, elle est à l’œuvre au quotidien, contre la jeunesse en particulier, et elle a culminé en mars quand les flics (la droite a recréé des unités de voltigeurs) se sont déchaînés dans la banlieue de Nea Smyrni contre 10 000 manifestantEs protestant contre leurs violences. Des cas de tortures ont été dénoncés, mettant ouvertement en lumière les pratiques d’une police dont une bonne partie votait pour les nazis d’Aube dorée : même un pope orthodoxe a dénoncé les violences qu’il a subies, disant comprendre désormais ce qu’il lisait sans y croire ! Ce climat inquiétant de répression est évidemment encouragé par la couverture que la droite offre toujours aux fascistes de tout poil : ceux de son gouvernement et de ses équipes (nombreux cas), mais aussi aux nazis d’Aube dorée (un de leurs chefs est toujours en fuite, alors qu’il était censé être surveillé de près…).

Autre volet : le nationalisme, avec bien sûr le climat de tension entretenu avec la Turquie d’Erdogan. Pourtant, malgré la propagande et la période odieuse de la chasse aux réfugiéEs et leurs soutiens dans l’hiver 2020, orchestrée par le gouvernement et l’extrême droite grecque et européenne, les sondages attestent qu’une écrasante majorité des populations grecque et turque affirme n’avoir aucun problème avec le voisin, ajoutant que les problèmes sont créés par les gouvernements. Ces sentiments demandent évidemment à être confortés par des initiatives solidaires communes (qui existent), d’autant que Mitsotakis, en dehors des préparatifs guerriers (2,5 milliards d’euros pour l’achat de Rafale !), incite en permanence au racisme en faisant passer les réfugiéEs pour de dangereux envahisseurs lancés par la Turquie contre la Grèce. Le résultat est terrifiant pour les réfugiéEs : d’une part, des camps de plus en plus fermés (murs en béton, avec au passage des cadeaux pour des sociétés de construction…), de l’autre, une politique de refoulement vers la Turquie, interdite mais à laquelle l’UE coopère en dépit de ses critiques officielle…

De nombreuses mobilisations, un début de recherche de perspectives politiques

On le voit : cette droite sans aucun principe éthique fonce, pour détruire au plus vite ce qui reste d’acquis sociaux mais aussi pour faire le plus de bonnes affaires, et la situation est très inquiétante… mais ce n’est pas cela qui décourage toute résistance ! Dès l’été 2019, Mitsotakis a dû affronter les mobilisations étudiantes. Mais le moment décisif a été l’automne dernier, avec le fantastique rassemblement antifasciste le jour du verdict des assassins d’Aube dorée, exemple de ce que peut une mobilisation déterminée dans un cadre prenant un caractère unitaire. De là, une détermination massive à se mobiliser malgré les mesures de confinement : un véritable mouvement contre l’étouffement des droits démocratiques, d’innombrables manifestations étudiantes contre la loi Kerameos-Chryssochoïdis (ce dernier est le Darmanin grec) cassant l’université et le droit aux études, avec en particulier des manifs puissantes à Salonique, mobilisation qui continue aussi pour l’ouverture immédiate des facs.

Et bien sûr, l’enjeu actuel c’est de faire reculer le gouvernement sur sa loi « temps de travail ». Le 6 mai a eu lieu une mobilisation nationale assez réussie et désormais, toutes les semaines, des actions ou des manifs contre ce projet de loi ont lieu, avec le soutien de toute la gauche (en ordre dispersé…) et même du PASOK (désormais intitulé Kinal). Une grève devait avoir lieu le 3 juin mais la confédération syndicale du privé GSEE ayant appelé à la grève nationale le 10 juin, celle du 3 a été reportée au 10. Décision contradictoire : d’un côté, cela élargit l’appel lancé pour le 3 par ADEDY (la Fédération du secteur public), PAME (courant syndical du KKE, le PC grec), les syndicats de base liés à la gauche radicale et anticapitaliste, diverses unions locales… Mais d’un autre, cela repousse la mobilisation, urgente puisque le projet de loi va être déposé, et certains pensent que ce report est dû au fait que le 3 avait été lancé par les syndicats de base… Ce détail renvoie aux deux problèmes sur lesquels on reviendra dans un article ultérieur : d’une part, la crise profonde du syndicalisme en Grèce, mais aussi, en lien partiel avec cela, le « confinement » des organisations de la gauche réformiste et anticapitaliste sur elles-mêmes, malgré quelques perspectives qui semblent s’ouvrir pour relancer une perspective de gauche internationaliste et anticapitaliste : ainsi la procédure de fusion entamée entre Synantissi et Anametrissi, deux orgas surtout de jeunes, provenant de Syriza et Antarsya. À suivre !

Athènes, le 4 juin 2021

Source https://nouveaupartianticapitaliste.org/actualite/international/grece-deux-ans-dultra-liberalisme-et-de-repression-generalisee

Dévaste des politiques d’ajustement structurel

par Stathis Kouvelakis

La Grèce est un petit pays, mais qui, étant donné sa position géographique, politique et économique, est un avant-poste de l’espace européen, donc aussi sa frontière. Saisir la Grèce comme avant-poste et frontière signifie la comprendre comme un lieu de délimitation et de contact permanent entre l’« Europe », ainsi que l’Union européenne (UE), et son extérieur, ou plutôt son Autre, à savoir ce par rapport à quoi, voire même ce contre quoi, elle se définit et se construit [1].

  Sommaire
  • La Grèce sous le régime de la Troïka, moment de vérité de l’UE
  • Vers un néocolonialisme interne
  • Conclusion

Néanmoins la Grèce est également une frontière interne de l’UE, une ligne de front dans la lutte de classes qui s’y mène, là encore avec une acuité et une violence toutes particulières depuis l’éclatement de la crise financière de 2008. La Grèce a servi, depuis maintenant dix ans, de laboratoire pour une forme particulièrement brutale de politiques d’austérité, dont la mise en œuvre s’est accompagnée d’un régime d’exception, qui organise la mise sous tutelle du pays par ses créanciers : l’UE et le FMI.

Il importe donc de voir que la frontière extérieure et la frontière intérieure sont indissociables l’une de l’autre et qu’elles peuvent même se toucher, prenant ainsi le contre-pied de ceux qui pensent que « ce genre de choses n’arrivent qu’aux autres » – sous-entendu aux « arriéré·es » – c’est-à-dire aux ex-colonisé·es – du Sud et aux vaincu·es de l’ancien camp socialiste.

 La Grèce sous le régime de la Troïka, moment de vérité de l’UE

Les institutions représentatives, à commencer par le parlement, sont réduites à un décorum, dépossédées de la capacité de suivre l’exécution d’un budget dont les lignes échappent de toute façon à leur contrôle

Quand on parle des politiques appliquées à la Grèce, on utilise souvent les mots de politiques d’austérité. Néanmoins, l’austérité est présente dans toute l’UE, en Grèce comme en France. Il y a pourtant une spécificité grecque, l’instauration d’un régime politique d’exception, inscrit dans les « mémorandums » (ou Memorandums of Understanding – ou MoUs en anglais).

Les mémorandums ne sont pas autre chose que la liste des conditions imposées par les créanciers (rassemblés au sein de la Troïka, comprenant l’UE, le FMI et la BCE) en contrepartie des emprunts accordés. Ils ont été votés à chaque reprise par le parlement grec selon des procédures expéditives et antidémocratiques.

La logique de ces mémorandums est similaire à celle des programmes d’ajustement structurel qui ont été auparavant appliqués dans les pays du Sud, sous les auspices du FMI. Leurs ingrédients de base sont invariants : limitation drastique de la dépense publique, dérégulation massive de l’économie, à commencer par celle du marché du travail, diminution drastique du « coût du travail », c’est-à-dire des salaires et des prestations sociales, privatisation de ce qui reste de ressources et d’entreprises publiques. La seule originalité c’est qu’ils s’appliquent pour la première fois à un pays européen « occidental », pas à la seconde périphérie issue du camp socialiste.

Le résultat, on le sait, est un désastre sans précédent, pire que celui provoqué par la Dernière Guerre mondiale. En sept ans, la Grèce a perdu plus d’un quart de son PIB, elle est descendue du 28e au 38e rang mondial dans le classement correspondant. Dernier élément à ajouter à ce terrible tableau : sa totale incapacité à régler la question de la dette publique de la Grèce [2].

D’un ratio de 120 % du PIB lorsque, en 2010, la Grèce a conclu le premier mémorandum, la dette publique s’élevait en 2017 à 180 % du PIB, et ce malgré un effacement partiel – par ailleurs plutôt avantageux pour la plupart des créanciers – survenu en 2012. Déclarée « hautement non-soutenable » par le FMI lui-même, elle est devenue le symbole de l’absence totale d’issue positive à la politique d’asservissement et de pillage ininterrompus menée durant ces années.

 Vers un néocolonialisme interne

La capitulation de Tsipras et de la majorité de son équipe en juillet 2015 a conduit à la signature d’un troisième mémorandum, qui représente un approfondissement qualitatif dans l’entreprise de destruction de la souveraineté nationale de l’État grec. En effet, ce troisième mémorandum prévoyait l’établissement d’un « secrétariat général aux recettes publiques », c’est-à-dire l’équivalent du service du Trésor public chargé de la collecte de l’impôt, qui devient une instance « indépendante », dont le responsable est nommé par le gouvernement seulement après avoir recueilli l’assentiment de la Troïka (UE, FMI, BCE).

Cette agence « indépendante » de collecte de l’impôt se voit accompagnée d’un « conseil fiscal » composé de cinq membres, dont la nomination doit de nouveau être approuvée par la Troïka, qui, au moindre soupçon de déviance par rapport aux objectifs d’excédents budgétaires, peut décider de coupes dans les dépenses publiques automatiquement exécutoires, à savoir sans nécessiter l’approbation du parlement. De surcroît, la totalité des biens de l’État grec sont placés sous séquestre afin d’être privatisés. En charge de l’opération se trouve encore un fond « indépendant », chargé de mener des privatisations du patrimoine public à hauteur de 50 milliards d’euros, un montant totalement inatteignable même en vendant jusqu’au dernier tapis de ministère.

Dépossédé de tout contrôle sur sa politique budgétaire et monétaire, l’État grec se voit désormais privé de tout levier d’action, y compris ceux qui concernent des attributions régaliennes telles que la collecte de l’impôt. Les institutions représentatives, à commencer par le parlement, sont réduites à un décorum, dépossédées de la capacité de suivre l’exécution d’un budget dont les lignes échappent de toute façon à leur contrôle. Cette destruction de la souveraineté étatique s’accompagne de la mise en place d’une variante particulièrement brutale d’« accumulation par dépossession », pour utiliser le concept de David Harvey [3], basée sur le bradage du patrimoine public et le saccage des ressources naturelles et de l’environnement dont bénéficient à la fois des fractions prédatrices de capitaux nationaux et étrangers. Pour le dire de façon abrupte, la Grèce se transforme en néocolonie, la fonction de son gouvernement national, quelle que soit sa couleur, ne différant de celle d’un administrateur colonial, le simulacre de négociations auxquels se livrent les deux parties à l’occasion de cette interminable série de réunions de l’Eurogroupe et de sommets européens ne servant qu’à maquiller superficiellement cet état de fait.

Le régime néocolonial doit ici être compris comme « colonialisme interne » à l’ensemble constitué par l’UE, cas avancé d’un régime de subordination issu des contradictions fondamentales qui traversent l’entreprise de « construction européenne », dont la bourgeoisie grecque est pleinement partie prenante.

 Conclusion

Ce que montre le cas de la Grèce, c’est que le régime d’exception mis en place à l’occasion de la crise de surendettement a instauré une nouvelle ligne de fracture, à l’intérieur même de cette aire qui, juste avant la crise, faisait partie de l’ensemble relativement homogène des pays de l’Europe de l’Ouest. La violence avec laquelle cette frontière interne, latente lors de la phase intérieure pendant laquelle la croissance économique a servi à masquer les disparités croissantes, a surgi lors de la crise, renvoie toutefois à un phénomène qui excède la simple dimension économique.

Ce régime d’exception a réussi à s’institutionnaliser et à se stabiliser en Grèce, donc à engendrer une forme de « normalité », ce qui est un succès d’autant plus remarquable que la faillite des politiques économiques mises en œuvre est patente. La clé de ce succès réside dans la capacité dont il a su faire preuve à passer le test de l’arrivée au pouvoir d’une force politique qui se présentait à l’origine comme un adversaire, et qui, par un processus alliant coercition (économique) et persuasion en est devenue un serviteur efficace. Cette expérience, unique dans sa radicalité, de transformisme politique exerce un effet dévastateur et durable sur les capacités de résistance des classes subalternes et obère, pour une période au moins, la possibilité de formation d’une contre-hégémonie des subalternes.

La destruction de l’UE telle qu’aujourd’hui construite, sur des principaux néolibéraux injustes, s’impose ainsi comme l’une des tâches les plus urgentes, les plus radicales, mais aussi les plus compliquées, du combat pour l’émancipation de notre temps.

Article extrait du magazine AVP – Les autres voix de la planète, « Dettes & migrations : Divisions internationales au service du capital » paru en mai 2021. Magazine disponible en consultation gratuite, à l’achat et en formule d’abonnement.

Extraits de l’article « La Grèce, la frontière, l’Europe » par Stathis Kouvelakis sélectionnés par Adrien Péroches – 2017

Notes

[1] Ce point est détaillé dans l’article d’Eva Betavatzi « Un nuage néo-fasciste plane au-dessus des frontières entre la Grèce et la Turquie » publié dans la présente revue.

[2] À propos de la dette grecque, voir les indispensables travaux de la Commission pour la vérité sur la dette grecque mise en place au printemps 2015 par Zoé Kostantopoulou, alors présidente du parlement grec, et dont les travaux ont été coordonnés par le porte-parole du CADTM, Éric Toussaint. Une synthèse est disponible sur le site du CADTM. Le rapport intégral est publié sous forme d’ouvrage : CADTM, La vérité sur la dette grecque, Les Liens qui libèrent, Paris, 2014.

[3] David Harvey, Le nouvel impérialisme, Les prairies ordinaires, Paris, 2010.
.

Source http://www.cadtm.org/Devaste-des-politiques-d-ajustement-structurel?fbclid=IwAR3lEVawXAdz-a7q9taRhSgdQFxatEuO14MSkphxOY8CmT5gMJftKIYlY0s

Frontex déféré devant la Cour européenne

L’action légale introduite par Front-lex contre Frontex a été jugée recevable par la Cour Générale de l’UE

Pour la première fois en 17 ans d’existence, FRONTEX est déféré devant la Cour européenne pour violation des droits de l’homme pendant sa mission en Grèce. L’affaire expose la Grèce et le gouvernement Mitsotakis pour les refoulements systématiques des réfugiés en la mer Égée.

Le Tribunal de l’UE a jugé recevable un dossier déposé par une ONG néerlandaise au nom de deux demandeurs d’asile, qui se plaignent d’avoir été victimes de comportements brutaux à Lesbos. Le dépôt de l’action en justice devant la Cour est un camouflet pour  Frontex, dont le représentant, lors du dépôt de l’action en justice, avait déclaré qu’il s’agissait d’un « agenda activiste qui se prétend légal, afin de saper la détermination de l’UE » de protéger ses frontières ».

Source https://www.efsyn.gr/kosmos/eyropi/303601_istoriki-diki-kata-tis-frontex

Renvoi migrants en Turquie

Grèce : inquiétude de nombreux migrants après la nouvelle loi qui prévoit leur renvoi en Turquie

Le nouveau tour de vis des autorités grecques visant à renvoyer plus facilement les demandeurs d’asile vers la Turquie plonge des milliers de migrants dans une nouvelle période d’incertitude.

Dans le cadre d’une nouvelle loi adoptée début juin, tous les demandeurs d’asile originaires de Syrie, d’Afghanistan, de Somalie, du Pakistan et du Bangladesh arrivés depuis la Turquie sont susceptibles d’être renvoyés plus facilement vers ce pays qui est désormais considéré par Athènes comme un « pays tiers sûr » pour eux.

Depuis l’entrée en vigueur de cette nouvelle loi, environ deux tiers des demandes d’asile de personnes ayant rejoint la Grèce depuis la Turquie ont été rejetées dans les jours qui ont suivi leur arrivée.

>> À (re)lire : La Grèce déclare la Turquie « pays tiers sûr » pour les demandeurs d’asile de 5 pays dont la Syrie et l’Afghanistan

Selon A.B., une jeune demandeuse d’asile qui s’est exprimée lors d’une conférence de presse organisée récemment par des ONG grecques, la pression psychologique est devenue insoutenable. Elle vit dans un camp de migrants et craint désormais d’être expulsée vers la Turquie.

« Si vous voulez vraiment savoir comment cette nouvelle règle affecte les migrants, venez et vivez comme un migrant »

« Depuis que j’ai passé cet entretien concernant la Turquie, je ne dors plus et je fais des cauchemars. J’ai peur de la décision qu’ils vont prendre et je ne sais ni comment, ni quand ils vont nous annoncer leur décision. Cela a vraiment un impact sur la vie de tout ceux qui sont logés dans le camp. C’est très difficile de vivre dans une situation dans laquelle vous ne pouvez pas imaginer votre avenir ».

« C’est facile de faire des règles », dénonce A.B.. « Si vous voulez vraiment savoir comment cette nouvelle règle affecte les migrants, venez et vivez comme un migrant ne serait-ce qu’une journée et vous verrez ce que cela fait. »

>> À (re)lire : Frontière Turquie-Grèce : arsenal anti-migrants ultra-moderne le long du fleuve Evros

Pour les cinq nationalités concernées par la nouvelle loi, les autorités grecques ne tiennent désormais plus compte des raisons de fond pour lesquelles un demandeur d’asile a fui son pays d’origine lorsqu’il arrive par la Turquie. Un entretien, qui ne dure pas plus de quelques minutes, vise simplement à vérifier si la personne est exposée à des risques en Turquie.

Pourtant, l’année dernière encore, la quasi totalité des Somaliens demandant l’asile en Grèce avaient obtenu une protection, alors que pour les Afghans, ce taux de protection était de 66 %, note Alexandros Konstantinou du Conseil grec pour les réfugiés.

« Refoulement à tout prix »

Selon Mariana Tzeferakou, avocate de l’organisation Refugee Support Aegean, le véritable objectif est le « refoulement à tout prix ». Les raisons et la méthodologie du gouvernement grec restent, selon elle, un mystère.

D’après les ONG grecques de défense des droits des migrants, cette nouvelle loi s’inscrit dans une politique anti-réfugiés plus large, alors que les camps de migrants hyper surveillés sur les îles grecques ressemblent de plus en plus à des prisons à ciel ouvert et que de nouveaux lieux de détention voient le jour.

>> À (re)lire : En Grèce, la stratégie d’enfermement des migrants prend de l’ampleur

Dans le même temps, Athènes est régulièrement accusée de pratiquer des « pushbacks », ces refoulements forcés et illégaux de migrants en mer Égée. La semaine dernière encore, selon de nouvelles informations, des garde-côtes grecs, dont au moins un était armé d’une mitraillette, aurait forcé un canot pneumatique de migrants approchant l’île de Kos à retourner dans les eaux turques.

L’ONG Amnesty International a récemment décrit les refoulements vers la Turquie comme étant devenus « de facto » la politique frontalière de la Grèce. Le gouvernement grec continue de son côté de démentir ces allégations.

La Turquie, un pays sûr ?

Les ONG de défense des droits des migrants estiment également que la Turquie ne peut pas pas être considérée comme un pays sûr, au vu de son système d’asile et de ses conditions d’accueil pour les réfugiés.

La Turquie accueille près de 4 millions de réfugiés, notamment syriens. Crédit : Çiçek Tahaoğlu
La Turquie accueille près de 4 millions de réfugiés, notamment syriens. Crédit : Çiçek Tahaoğlu

Pour Mariana Tzeferakou, les demandeurs d’asile en Turquie risquent d’être renvoyés dans leur pays d’origine quels que soient les dangers auxquels ils y sont exposés.

Elle note par ailleurs qu’en Turquie, la pratique de détentions arbitraires et illégales, ainsi que les renvois forcés ne seraient un secret pour personne.

H.C., 35 ans, et qui se trouve en Grèce depuis cinq ans, ne peut qu’exprimer sa frustration. « Ils font de la politique avec les réfugiés. Je me vois comme une balle que la Grèce passe à la Turquie, que la Turquie passe à l’Iran et que l’Iran tire vers un autre pays. Tout le monde est fatigué de cette situation. »

La pandémie bloque le processus

Pour le moment, à cause des restrictions liées à la pandémie de coronavirus, les demandeurs d’asile déboutés dans le cadre de la nouvelle loi n’ont pas encore pu être renvoyés physiquement en Turquie. Ankara n’a en effet repris aucun demandeurs d’asile depuis que le pays a fermé ses frontières en mars 2020.

La pandémie renforce ainsi la situation de flottement, d’autant que la loi grecque stipule que si un pays tiers refuse de reprendre un demandeur d’asile, les autorités doivent réexaminer sa demande, mais cette fois sur le fond.

Pour l’instant, les autorités grecques semblent ignorer cette règle. Depuis plus d’un an, les demandeurs d’asile syriens se voient refuser l’accès à un examen sur le fond.

« Nous ne savons pas ce qui va se passer parce que […] des milliers de personnes seront concernées par cette nouvelle loi », affirme Alexandros Konstantinou du Conseil grec pour les réfugiés. « Les demandeurs d’asile déboutés n’auront accès ni aux allocations, ni au marché du travail et ils n’auront qu’un accès très limité au système de santé, ce qui est pourtant très important, notamment en pleine pandémie. »

Une aubaine pour les trafiquants

Le mois dernier, pas moins de 38 organisations ont écrit au gouvernement grec et aux institutions européennes pour les avertir que cette décision aurait de graves conséquences pour les migrants.

D’après Karl Kopp, qui gère les affaires européennes de l’ONG allemande Pro Asyl, la politique de la Grèce va seulement contribuer à enrichir les trafiquants et les passeurs. Il estime que ceux qui risquent d’être renvoyés en Turquie sont susceptibles de tenter de rejoindre l’Europe du nord ou de l’ouest « illégalement » via les Balkans. « Les passeurs vont faire davantage de profit, la souffrance et l’exploitation des migrants vont augmenter. »

Karl Kopp appelle ainsi l’Allemagne et les autres pays européens à faire pression sur la Grèce. « Il y a un silence assourdissant à Berlin et dans les autres capitales », critique-t-il.

Pour la demandeuse d’asile afghane A.B., il est également important de rompre le silence sur la décision grecque. « Nous ne pouvons pas applaudir d’une seule main », explique-t-elle. « Les réfugiés sont comme une main qui a besoin que l’autre main se rassemble pour pouvoir faire du bruit ».

Les initiales A.B. et H.C. ont été utilisées pour des raisons de sécurité et de confidentialité.

Source https://www.infomigrants.net/fr/post/33778/grece-inquietude-de-nombreux-migrants-apres-la-nouvelle-loi-qui-prevoit-leur-renvoi-en-turquie

Refus de soins aux non vaccinés ?

Lourdes amendes pour les maisons de soins et les établissements d’aide sociale qui accueillent des personnes non vaccinées dans le besoin

Le ministre grec de la Santé, Vassilis Kikilias, a averti mardi que tout le personnel des maisons de soins et des établissements d’aide sociale pour les personnes ayant des besoins particuliers devait être vacciné d’ici le 16 août et a menacé les établissements d’amendes pouvant aller jusqu’à 200 000 euros s’ils accueillent des personnes non vaccinées. La dernière partie crée un énorme problème social, que les grands médias du pays semblent avoir oublié de souligner.

Lors d’une conférence de presse avec d’autres ministres pour clarifier les mesures annoncées par le Premier ministre un jour plus tôt, M. Kikilias a déclaré, entre autres, que la première dose de la vaccination obligatoire pour le personnel de santé et administratif des maisons de soins publiques et privées et des établissements pour personnes handicapées et à besoins spéciaux devra avoir été administrée avant le 16 août 2021.

Dans le cas contraire, le personnel sera suspendu sans rémunération, a-t-il ajouté.

En outre, toute personne admise dans ces unités devra être entièrement vaccinée, a déclaré M. Kikilias, qui a menacé les établissements de lourdes amendes.

Des amendes de 50 000 euros seront infligées à ces établissements pour la première violation et atteindront 200 000 euros en cas de récidive.

Pour le personnel des établissements de santé publics et privés, le ministre a déclaré qu’ils devaient tous recevoir au moins la première dose de vaccin avant le 1er septembre.

Il a ajouté qu’une loi sera adoptée pour le remplacement de tous ceux qui ne seront pas vaccinés à cette date par des contrats temporaires rapides.

Un comité spécial sera mis en place pour déterminer si les travailleurs de la santé peuvent être exemptés pour des raisons de santé, a-t-il ajouté.

« Je recommande à tous ceux qui n’ont pas été vaccinés de se faire vacciner », a-t-il ajouté.

PS Quelle est la prochaine étape de ce régime dystopique visant les plus vulnérables ? Refuser les services de santé à ceux qui ne sont pas vaccinés ? Les maisons de soins et les établissements d’aide sociale mettront-ils à la porte les mamies, les papas et les personnes ayant des besoins particuliers parce qu’ils ne sont pas vaccinés ?

Source https://www.keeptalkinggreece.com/2021/07/13/greece-care-homes-welfare-facilities-unvaccinated-guests-fines/

Grèce Les autorités abusent de leur pouvoir

Grèce. Les autorités abusent de leur pouvoir, piétinant le droit de manifester

  • Amnesty International constate que les autorités grecques ont utilisé la pandémie de COVID-19 pour porter atteinte au droit de manifester
  • La police a recouru illégalement à la force, notamment en utilisant des canons à eau et des irritants chimiques, contre des manifestant·e·s pacifiques
  • Des porte-parole sont disponibles

Un nouveau rapport issu de recherches d’Amnesty International montre que les autorités grecques, sous prétexte de lutter contre la pandémie de COVID-19, ont recouru à des arrestations arbitraires, des interdictions générales, des amendes injustifiées et une force illégale pour limiter les manifestations pacifiques.

Ces cas déconcertants d’abus de pouvoir de la part de l’État sont intervenus à un moment où des personnes souhaitaient exprimer leurs préoccupations au sujet de problèmes importants, comme l’usage illégal de la force par la police, les violences liées au genre et les nombreuses difficultés rencontrées par le système grec de santé publique – affaibli par de nombreuses années de politique d’austérité – pendant la pandémie. Ce rapport porte essentiellement sur la réponse apportée par les autorités à plusieurs de ces manifestations entre novembre 2020 et mars 2021.

Les autorités grecques ont recouru à des méthodes révoltantes pour tenter d’intimider les militantes des droits des femmes, les syndicalistes, les membres de partis politiques, les avocats et avocates et d’autres personnes qui participaient ou appelaient à participer à des manifestations pacifiques en novembre et décembre 2020, alors que le pays entamait sa deuxième période de confinement. De nombreuses personnes ont été arrêtées arbitrairement, traitées comme des délinquants et condamnées à des amendes injustifiées, les autorités abusant de leur pouvoir de manière flagrante.
Kondylia Gogou, chercheuse sur la Grèce à Amnesty International

Les autorités grecques ont pour responsabilité de faciliter la tenue des manifestations pacifiques, comme Amnesty International l’a souligné en novembre 2020. L’imposition de restrictions au droit à la liberté de réunion pacifique pour enrayer la pandémie est autorisée, mais ces restrictions doivent remplir des critères stricts, répondre aux principes de nécessité et de proportionnalité et être évaluées au cas par cas. Les gouvernements n’ont pas carte blanche pour apporter des restrictions aux droits humains, même en période de pandémie.

« Les autorités grecques ont justifié les interdictions générales de manifester et d’autres violations des droits humains en invoquant le danger que représentait la pandémie de COVID-19. Paradoxalement, elles ont ensuite appliqué ces interdictions en plaçant des manifestantes et manifestants en détention dans des espaces clos, où le risque de transmission est beaucoup plus élevé. »

Les restrictions concernant les manifestations pacifiques ont également été inscrites dans la législation au cours des mois qui ont suivi la fin du premier confinement en Grèce. Des réformes législatives réglementant les manifestations ont été introduites en juillet et en septembre 2020, et permettent d’interdire les contre-manifestations et de disperser les rassemblements pacifiques si les personnes qui les organisent ne respectent pas l’obligation de déclaration. La législation sur l’emploi de systèmes de surveillance pendant les manifestations et l’application de ses dispositions suscitent également des inquiétudes, notamment quant à l’effet dissuasif que l’utilisation de caméras par la police peut avoir sur des manifestants et manifestantes pacifiques. Ces changements auront de profondes conséquences, qui vont perdurer bien au-delà de la pandémie.

Un recours illégal à la force lors des manifestations

Amnesty International a constaté que les autorités grecques, notamment en introduisant des interdictions générales et en dispersant les rassemblements pacifiques par un recours inutile et excessif à la force, avaient manqué à leur obligation de faciliter l’exercice du droit de manifester pacifiquement.

Maria* a évoqué les propos et traitements sexistes et abusifs auxquels des manifestantes ont été exposées lors d’une attaque de la police pendant une manifestation étudiante, à Ioannina, le 17 novembre 2020 : « Dès le début de l’attaque, j’ai entendu et [beaucoup] d’autres manifestantes aussi ont entendu [des propos tels que] “À terre, sale garce, parce que c’est ta place, et ne te relève pas”… »

Des personnes interrogées, ayant participé à diverses manifestations, ont indiqué que la police avait eu recours sans nécessité à des canons à eau et à des irritants chimiques contre des manifestant·e·s pacifiques. Certaines ont dit que des policiers leur avaient donné des coups de matraque sur la tête et avaient utilisé des grenades assourdissantes d’une manière susceptible de provoquer d’importantes lésions et d’entraîner des troubles auditifs.

De graves allégations de torture et d’autres mauvais traitements en garde à vue

Certaines des personnes interrogées par Amnesty International ont dit avoir été soumises, une fois en garde à vue, à des traitements assimilables à des actes de torture ou à d’autres formes de mauvais traitements.

Ainsi, Aris Papazacharoudakis, un manifestant de 21 ans, a dit avoir été torturé alors que la police l’interrogeait sur des affrontements et des blessures causées à un policier lors d’une manifestation contre les violences policières le 9 mars 2021 : « … (I)ls m’ont demandé de parler de l’endroit où ils m’ont arrêté [et] où mon collectif [politique] était hébergé […], et quand je ne répondais pas, ils redoublaient de coups […] Ils me jetaient de ma chaise, ils me soulevaient par les menottes et j’avais l’impression que mes épaules allaient se déboîter […] C’était un passage à tabac ininterrompu… »

Aube dorée

Des personnes qui avaient participé à une manifestation à Ioannina ont dit que des policiers antiémeute s’étaient présentés comme des membres d’Aube dorée, un parti d’extrême droite. En octobre 2020, une juridiction a rendu une décision historique, déclarant des cadres de ce parti coupables de direction d’une organisation criminelle.

Giorgos*, blessé en plusieurs endroits lors d’une manifestation étudiante à Ioannina le 17 novembre 2020, a témoigné : « … Des policiers ont dit : “Je fais partie d’Aube Dorée, tu es mort” […] À un moment, alors que j’étais tombé par terre […] avant que je ne me relève, ils ont lancé des grenades assourdissantes directement sur nous […] J’ai hurlé parce que la [grenade assourdissante] a explosé devant mes yeux et à côté de mon oreille gauche […] [Ils] m’ont jeté au sol et m’ont emmené à un endroit à distance des autres étudiants et des caméras, et cinq ou six policiers m’ont roué de coups […] ».

« Les autorités grecques doivent mettre fin à la répression pénale des réunions pacifiques et annuler toute amende infligée aux manifestants et manifestantes, avocats et avocates, militantes des droits des femmes et autres personnes pacifiques qui ont été arrêtées arbitrairement avant et pendant les manifestations de novembre et de décembre 2020. Toutes les charges retenues contre ces personnes pour de prétendues infractions à la réglementation en matière de santé publique doivent être abandonnées, et des enquêtes approfondies doivent être menées sans délai sur tous les cas de violations des droits humains recensés par Amnesty International », a déclaré Kondylia Gogou.

Source https://www.amnesty.org/fr/latest/news/2021/07/greece-authorities-abusing-power-to-trample-on-right-to-protest/

Translate »