Réfugiés mais pas intégrés

La grande majorité des personnes ayant obtenu le statut de réfugié en Grèce ne parviennent pas à construire leur vie dans le pays. L’absence de politique d’intégration pousse les réfugiés à partir pour tenter leur chance dans un autre État de l’Union européenne, où ils déposent une nouvelle demande d’asile.

« J’ai obtenu le statut de réfugié mais je suis toujours bloqué dans le camp de Samos ». Comme Franck*, un père de famille congolais de 42 ans qui avait témoigné pour InfoMigrants début avril, de nombreux réfugiés ne parviennent pas à quitter les camps des îles de la mer Égée ou du continent. Bien que détenteurs d’une protection, leurs conditions de vie précaires perdurent et empêchent leur intégration dans le pays.

Selon Franck, « l’enfer commence quand on obtient le statut ». En Grèce, lorsqu’un demandeur d’asile devient réfugié, il a en théorie un mois pour trouver un hébergement par ses propres moyens et quitter le centre d’accueil ou le camp dans lequel il vit. Mais beaucoup n’ont d’autres choix que d’y rester, faute d’alternatives. « Comment puis-je avoir un logement sans argent ? En plus, personne ne me louera son appartement ici », croit savoir le père de famille, qui ne trouve pas de travail sur la petite île de Samos.

Ceux qui arrivent à rejoindre la Grèce continentale n’ont pas moins de difficultés à s’insérer dans la société. Loïc* en a fait l’amère expérience. Avec son statut de réfugié en poche, le jeune Congolais d’une vingtaine d’années a quitté le camp de Lesbos, à Moria, en septembre dernier pour tenter de s’installer dans la région d’Athènes. Mais la réalité l’a frappé de plein fouet : sans travail et donc sans revenus, Loïc arrivait péniblement à joindre les deux bouts. « On souffre en Grèce, il n’y a pas d’avenir pour nous », explique-t-il à InfoMigrants.

« Je recevais une aide d’une centaine d’euros chaque mois via le programme Helios mais après avoir payé le loyer et les factures, il ne me restait plus rien pour manger ». Loïc a essayé plusieurs fois de trouver un emploi mais la barrière de la langue et l’absence d’opportunités économiques dans un pays lourdement touché par la crise financière à freiner ses ambitions.

« Il n’y a pas de politique nationale d’intégration des réfugiés »

Helios, le programme d’intégration de l’Organisation internationale des migrations (OIM)débuté en juillet 2019, permet de bénéficier de cours de langue, d’une aide au logement ou encore d’une préparation à un emploi. Mais il est peu accessible, provisoire et en nombre limité. Helios ne profite qu’à une minorité de réfugiés. Actuellement, 8 158 réfugiés, dont 3 159 personnes en famille, bénéficient du programme Helios, selon les chiffres de l’OIM.

« Des programmes existent mais ils sont dérisoires et ne s’inscrivent pas dans une politique nationale d’intégration. En Grèce, on reçoit mais on n’intègre pas », analyse Lefteris Papagiannakis, chef de plaidoyer de l’ONG Solidarity now et ancien vice-maire d’Athènes en charge des réfugiés, joint par InfoMigrants.

La politique grecque en matière migratoire s’est durcie ces dernières années. Les autorités ont notamment réduit un peu plus les aides attribuées aux réfugiés. En 2019, sur décision du gouvernement, les réfugiés ayant obtenu leur statut depuis plus de six mois devaient quitter leur hébergement octroyé dans le cadre d’un programme de l’Union européenne (UE) réservé aux demandeurs d’asile uniquement. En 2020, ce délai a été de nouveau raccourci, passant à seulement un mois. Des centaines de personnes, chassées de leur logement, se sont donc retrouvées dans la rue.

Pour Lefteris Papagiannakis, le but de cette politique est de « se débarrasser des gens au plus vite ». « Le gouvernement veut rendre la vie des réfugiés la plus compliquée possible afin qu’ils rentrent chez eux ou qu’ils aillent dans un autre pays ».

Des milliers de réfugiés tentent de s’installer dans un autre pays de l’UE

Une stratégie qui semble fonctionner. Les réfugiés quittent en masse le territoire grec pour tenter de s’installer dans d’autres pays de l’UE. C’est le cas de Loïc, arrivé en France en début d’année, quelques mois seulement après avoir obtenu son statut de réfugié en Grèce. « J’ai préféré venir ici même si je dois redéposer l’asile. Je veux reprendre les études et c’est impossible là-bas de construire quoi que ce soit », dit l’ancien étudiant en médecine de Kinshasa.

Ce phénomène, appelé mouvement secondaire, inquiète les États membres. La France, l’Allemagne, la Belgique, le Luxembourg et les Pays-Bas ont envoyé une lettre le 1er juin à la Commission européenne pour demander que la Grèce récupère plus facilement ces réfugiés.

Selon le règlement Dublin, un réfugié statutaire ne peut pas redéposer un dossier d’asile dans un autre pays : les personnes venues de Grèce sont donc généralement déboutées.

Rien qu’en Allemagne « 17 000 personnes bénéficiant d’une protection internationale en Grèce ont déposé des demandes d’asile supplémentaires depuis juillet 2020 », indique la note, rédigée par les ministres de l’Intérieur de chaque pays. « Une infrastructure illégale a été mise en place et utilisée spécifiquement » pour permettre ces mouvements, affirment ces pays.

Certains États, comme l’Islande ou l’Allemagne, acceptent exceptionnellement les dossiers d’asile de seconde intention, considérant que la Grèce ne garantit pas un logement convenable et un niveau minimum de subsistance à ces réfugiés.

La Grèce se défend de se « débarrasser » de ses réfugiés, et assure respecter « pleinement ses obligations en matière de contrôle des frontières, d’enregistrement des arrivées irrégulières, d’accueil, de procédure d’asile et de programmes d’intégration », et ne pas être « responsable des flux secondaires ‘irréguliers' ».

*Les prénoms ont été modifiés.

Source https://www.infomigrants.net/fr/post/32869/en-grece-on-recoit-les-refugies-mais-on-ne-les-integre-pas

rédaction

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