Le risque d’esclavage moderne en Europe

Le risque d’esclavage moderne est au plus haut en Europe, selon une étude par Cécile Andrzejewski sur Médiapart

Le risque d’esclavage moderne augmente dans l’Union européenne. C’est le constat d’une étude publiée par une société d’analyse de risque américaine. En cause, la vulnérabilité des migrants qui arrivent sur les côtes européennes et leur exploitation par des trafiquants.

De toutes les régions du monde, c’est l’Union européenne qui a enregistré la plus forte hausse de recours à l’esclavage moderne en 2017. D’après une étude parue le 10 août, le risque d’esclavage moderne concernerait désormais 20 pays de l’Union européenne. « Il a augmenté dans les trois quarts des 28 pays membres de l’UE l’année dernière », affirme cette enquête publiée par l’agence Verisk Maplecroft, principale société américaine d’analyse de risques.

Définissant l’esclavage moderne comme « un terme parapluie recouvrant l’esclavage, la servitude, la traite des personnes et le travail forcé ou obligatoire », l’index publié par l’organisation compare la situation de 198 pays.

L’index de l’esclavage moderne en 2017. En orange
                les pays où les risques augmentent, en rouge les cinq
                pires pays de l’UE © Verisk Maplecroft L’index de l’esclavage moderne en 2017. En orange les pays où les risques augmentent, en rouge les cinq pires pays de l’UE © Verisk Maplecroft

La hausse constatée en Europe serait due à l’arrivée de plus de 100 000 migrants, « dont la plupart sont extrêmement vulnérables face au risque d’exploitation », insiste la Fondation Thomson Reuters. Selon les chiffres de l’Organisation internationale pour les migrations, sur près de 115 000 migrants et réfugiés arrivés en Europe par la mer en 2017, plus de 80 % ont accosté en Italie. Et si les entrées en Grèce ont diminué à la suite de l’accord de 2016 entre l’UE et la Turquie, le pays accueille toujours un nombre important de migrants et reste donc une destination clé pour le trafic d’êtres humains. L’étude de Verisk Mapecroft révèle que la présence de ces personnes vulnérables participe à l’augmentation de l’esclavage dans de nombreux secteurs de la région, et notamment l’agriculture, la construction et les services.

« La crise des migrants a augmenté le risque d’esclavage dans les chaînes d’approvisionnement des entreprises en Europe, a commenté Sam Haynes, analyste spécialiste des droits de l’homme pour l’organisation. Lorsqu’elles évaluent leurs fournisseurs et leurs produits, les sociétés ne doivent plus seulement faire attention aux points d’approvisionnement dans les économies émergentes. » L’étude pointe notamment la Roumanie, la Grèce, l’Italie, Chypre et la Bulgarie comme les pays avec le plus grand taux de travail forcé de l’UE. « Tous sont des points d’entrée pour les migrants dans la région. »

Alexandra Channer, analyste chez Verisk Maplecroft, a également réagi auprès de CNN : « Les migrants sont déjà vulnérables lorsqu’ils se lancent dans leur traversée – ils fuient généralement des pays violents ou dans une extrême pauvreté. La plupart du temps, ils sont entre les mains de passeurs et sont ensuite rapidement piégés entre celles de trafiquants. Il est probable qu’avant même de pénétrer sur leur lieu de travail, ils sont déjà dans des conditions d’esclavage moderne. »

Le Guardian explique que la plus forte hausse du risque d’esclavage concerne la Roumanie, seul pays de l’UE classé comme « à haut risque ». La Turquie est également devenue un État à « haut risque ». « L’afflux de centaines de milliers de Syriens fuyant la guerre, combiné avec le système de permis de travail restrictif de la Turquie, a conduit des milliers de réfugiés à devenir une main-d’œuvre informelle. Le gouvernement, qui se concentre sur la répression politique, ne donne pas la priorité aux violations du droit du travail, ce qui augmente les risques. Au cours de la dernière année, plusieurs grandes marques des usines textiles turques ont été associées au travail des enfants et à l’esclavage. »

L’agence Verisk Maplecroft travaille à partir d’informations en sources ouvertes et de renseignements obtenus auprès du Département d’État américain et d’ONG comme Human Rights Watch ou Amnesty International. Cependant, Alexandra Channer reconnaît que l’accès aux preuves peut être compliqué. « L’énorme problème, pour quiconque essaie d’évaluer le risque d’esclavage moderne, est que cela constitue une activité criminelle. C’est caché, bien qu’il s’agisse d’un business de milliards de dollars. »

En tête de ce triste classement des pays extrêmement exposés à l’esclavage moderne : la Corée du Nord, la Syrie, le Soudan du Sud, le Yémen, la République démocratique du Congo, le Soudan, l’Iran, la Libye, l’Érythrée et le Turkménistan.

rédaction

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