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Premières notes sur les élections en Grèce

Premières notes sur les élections en Grèce par Stathis Kouvelakis

Il faut être clair : c’est un désastre encore pire que ce à quoi s’attendaient les plus pessimistes.

D’abord, the big picture: Syriza est sévèrement sanctionné, Tsipras a annoncé des élections anticipées pour la fin juin, pour limiter autant que possible les dégâts. La com’ maniée jusqu’à la nausée par le gouvernement et ses médias et les « mesures sociales » sentant bon les « petits cadeaux » préélectoraux n’y auront donc pas changé grand-chose : l’électorat a sanctionné une équipe qui a appliqué sans faillir pendant près de quatre ans un troisième mémorandum austéritaire.

Les propos tenus ce matin par Nikos Filis, figure de proue de l’actuelle direction de Syriza et ancien ministre de l’éducation, sont, en ce sens, tout à fait éloquents :

« la première raison [de la défaite] est l’application des mémorandums. Peut-être étaient-ils moins douloureux que les précédents, et Syriza a essayé de trouver des pistes en faveurs de nos concitoyens plus faibles, mais il a finalement appliqué les mémorandums dans une direction néolibérale. Le compromis douloureux a entraîné d’autres compromis. Aucun parti n’a pu échapper au sort auquel le condamne [la mise en œuvre] des Mémorandums. La Nouvelle Démocratie s’y est perdue et s’est reconstruite, le PASOK s’est effondré ».

1. Ces élections de juin seront une promenade pour la Nouvelle démocratie (ND, droite), sur le point sans doute d’avoir une majorité absolue. L’écart entre Syriza et ND est plus important qu’attendu (presque 10%, un record pour les normes des scrutins des dernières décennies), il est amplifié par les revers de Syriza dans les municipalités et les régions. Le désaveu de Tsipras et de son gouvernement sont nets.

Par ailleurs, une analyse plus fine montre que l’électorat de Syriza de 2019 a peu de rapports avec celui de 2015. Certes, dépourvu de tout adversaire crédible sur la partie gauche (au sens large) du spectre politique, il ne s’effondre pas- c’est la différence avec le PASOK de 2010. Il continue de faire des scores significatifs tant au niveau national que dans certains quartiers populaires, où il est toutefois talonné, et, le plus souvent, dépassé, par la droite. Mais le profil « qualitatif » de cette base électorale n’est pas le même qu’auparavant. Un coup d’œil sur les choix effectués par les électeurs de Syriza parmi les candidats de la liste pour le parlement européen est instructif à cet égard.

Sur les six sièges d’eurodéputés obtenus par Syriza, sièges répartis en fonction des votes préférentiels (chaque électeur peut cocher jusqu’à quatre noms parmi les candidats d’une liste), la candidate-élue arrivée en 2e position, Elena Kountoura, vient du parti nationalo-souverainiste de Panos Kammenos (partenaire gouvernemental de Syriza jusqu’à la validation de l’accord avec la Macédoine), et porte a un discours clairement nationaliste et xénophobe. Le 5e élu, Alexis Georgoulis, est un comédien connu pour ses rôles de « jeune-premier » dans des séries télévisées qui a d’abord envisagé d’être candidat de la Nouvelle Démocratie. Le 6e élu enfin, Petros Kokkalis, est certes le petit-fils du « docteur Kokkalis », médecin et ministre dans le gouvernement rebelle de l’Armée Démocratique pendant la guerre civile (et par la suite réfugié en Allemagne de l’Est), mais il est surtout le fils et héritier de l’oligarque Sokratis Kokkalis, qui a fait fortune dans les télécommunications dans les années 1980 profitant de ses liens avec Andréas Papandréou.

L’électorat actuel de Syriza ressemble de plus en plus à la clientèle « désidélogisée » d’un parti au pouvoir qu’à celui d’un parti de gauche. Il est par ailleurs évident qu’il hérite en partie du PASOK « social-libéral » des années 2000 : dans les quatre seules circonscriptions dans le pays où Syriza arrive en tête, trois sont les ex-bastions les plus emblématiques du PASOK : deux en Crète et une dans le nord-ouest du Péloponnèse, autour de Patras, berceau de la famille Papandréou.

2. Un nouveau parti d’extrême-droite émerge, la « Solution Grecque », porté par les rassemblements nationalistes sur la Macédoine et l’usure d’Aube Dorée. Il fait d’excellents scores dans le nord de la Grèce (là où ces rassemblements ont été les plus significatifs), et quasiment jeu égal au niveau national avec Aube Dorée (4,1 et 4,8 respectivement). Il est possible que l’extrême-droite grecque ait trouvé un visage plus « présentable » que celui des criminels d’Aube Dorée, et qu’elle soit en mesure de réaliser de nouvelles percées dans l’avenir. Un autre indicateur inquiétant du potentiel de l’extrême-droite se trouve dans le score qu’Aube Dorée aurait réalisé parmi les primo-votant, autour de 13% selon un sondage sortie des urnes.

3. Le KKE se maintient tout juste par rapport aux résultats de 2015 (5,5%) mais perd des voix par rapport au score des européennes de 2014 (6,1%). Ses scores aux scrutins régionaux indiquent également une baisse sensible par rapport au scrutin de 2014, de l’ordre de 20% des suffrages. Le KKE est un parti dont l’influence s’érode lentement mais sûrement.

4. La surprise des élections est le succès inattendu de Varoufakis (3%, sans doute un élu au parlement européen, mais cela reste à confirmer lorsque le décompte des voix sera achevé). Zoé Kostantopoulou sauve également les meubles d’une certaine façon (1,6%), tout en étant loin du seuil exigé pour obtenir des élus (3%). L’examen des résultats de ces deux formations montre un électorat diffus, relativement homogène, avec des scores un peu plus importants que la moyenne dans les grandes villes, sans pointes mais sans « déserts ». En gros, un vote diffus de sympathie, basé sur la présence médiatique et la visibilité des personnalités qui dirigent ces formations, qui reflète l’absence d’implantation en termes d’organisation.

L’élection, si elle se confirme, de Sofia Sakorafa sur la liste Varoufakis, eurodéputée sortante, initialement élue en tant que Syriza, n’est pas une mauvaise nouvelle, son nom reste lié dans la mémoire collective aux mobilisations contre les Mémorandums des années 2010-2012. C’est une belle prise assurément pour Varoufakis, la seule pour l’instant, mais il est probable qu’à partir de maintenant il soit en mesure d’attirer une partie importante des « déçus de Syriza », surtout au niveau de « cadres », de « personnalités » etc. Il semble par ailleurs que sa liste ait fait de bons scores parmi la jeunesse (très certainement la jeunesse diplômée des classes moyennes) : selon un sondage sortie des urnes parmi les primo-votants, son score serait autour de 4,5%, soit davantage que le KKE, donné à 3,7% dans cette tranche d’âge alors qu’il dispose d’une vraie organisation de jeunesse.

5. Le succès de Varoufakis, et le score relativement honorable de Kostantopoulou ne rendent que plus cuisantes les défaites d’Unité Populaire et d’Antarsya, de la première encore davantage que de la seconde, et cela dans un scrutin où la pression du vote utile joue nettement moins que dans les scrutins nationaux. Cette défaite va peser lourd car il s’agit des deux seules forces à disposer de réseaux militants, contrairement à Varoufakis et Kostantopoulou qui n’existent que sur les plateaux médiatiques.

Antarsya fait un score très faible (0,66%) mais comparable en fin de compte à celui des précédents scrutins, européens ou nationaux (tous entre 0,85% et 0,64% entre 2014 et 2015). Son principal échec est aux élections municipales à Athènes, où deux listes se sont présentées, le SEK (section grecque de l’IST dirigée par le SWP britannique) ayant fait bande à part. Les deux ont obtenu des élus mais l’électorat de 2014 (autour de 2%) s’est scindé en deux, et un capital acquis par des années de travail militant a été dilapidé.

6. Unité Populaire (UP) obtient un résultat humiliant (0,58%), surtout si on le compare à celui des législatives de septembre 2015 (2,9%), seul point de comparaison possible pour cette formation. Il y a une dimension de rejet personnel de Lafazanis, mais aussi de la politique menée par son courant, et un échec collectif du projet d’UP en tant que tel.

Plusieurs facteurs ont ici joué, je ne peux que les lister brièvement.

Il y a d’abord un problème de direction, même s’il est toujours réducteur, et en partie injuste, de limiter la question à cela. Il faut dire néanmoins que Lafazanis est perçu comme particulièrement usé et discrédité non seulement à cause de son évident échec à s’opposer efficacement à la capitulation de l’été 2015 mais aussi pour les dérives de la dernière période, illustrées par un flirt appuyé avec le nationalisme (sur la question de la Macédoine en particulier) et une apparition sur une chaîne télé d’extrême-droite (qui a déclenché une tempête interne dans UP). A noter que Zoé Kostantopoulou a été encore plus loin dans cette direction (elle a appelé à participer aux rassemblements nationalistes, ce qu’UP s’est abstenue de faire), mais elle ne s’adresse pas au même électorat. Il est toutefois incontestable que ces prises de position ont considérablement fragilisé UP, endommagé davantage encore sa cohérence interne et son image morale auprès des secteurs de la gauche militante et anticapitaliste.

Par ailleurs, la monopolisation de la présence médiatique et publique d’UP par la personne de Lafazanis passait de plus en plus mal après du public, toutes les tentatives de promouvoir des visages nouveaux s’étant heurté au refus de son courant.

Le courant Lafazanis, majoritaire dans les instances d’UP (suite à un congrès marqué par des manœuvres malsaines), s’est montré peu soucieux de construire UP comme une « maison commune » pour l’ensemble de ses composantes, ce qui s’est révélé d’autant plus dommageable qu’il est composé de cadres vieillissants, issus de la scission de 1991 du KKE et véhiculant une culture marquée par un esprit bureaucratique et peu ouvert aux sensibilités (et aux pratiques) des mouvements sociaux. Il en est résulté une hémorragie militante continue d’UP, en particulier après son congrès fondateur de juin 2016, qui avait mobilisé environ 5000 militants, un effectif considérable dans les conditions de l’après-2015.

UP et ses militants ont certes été présents dans toutes les mobilisations de la dernière période (comme les militants d’Antarsya) mais, il faut bien dire que ces mobilisations ont été de faible ampleur et très fragmentées. De plus, les militants d’UP ont eu tendance à délaisser le travail de terrain et à le remplacer par des actions symboliques, ou des micro-actions d’agit-prop, menées sous leur drapeau, notamment dans le mouvement contre les saisies des logements. Le courant Lafazanis s’est particulièrement illustré dans ce type de pratiques.

7. Enfin, last but not least, tant UP qu’Antarsya ont gravement sous-estimé la nécessité de présenter des propositions alternatives crédibles et travaillées, pensant que la seule dénonciation du gouvernement Syriza et l’appel à la sortie de l’euro et de l’UE pouvaient suffire. Dans une situation de démoralisation, où règne le There Is No Alternative, ce discours paraît comme un exercice de rhétorique et ne convainc personne. L’absence de véritable projet de ce côté a permis plus particulièrement à Varoufakis d’apparaître comme porteur d’un message « innovant » et « sexy », jouant habilement sur la carte d’une opposition modérée et « euro-compatible » à Tsipras et Syriza.

8. Dernier élément qui confirme le double échec des formations de la gauche anticapitaliste : leurs listes aux élections régionales ont réalisé des scores certes faibles (en général entre 1,5% et 2%, avec parfois des pointes à 3% pour UP, ou des listes soutenues par UP) mais sensiblement supérieurs à leurs scores aux européennes, parvenant souvent à obtenir des élus dans les conseils régionaux. Il en est de même pour des listes aux élections municipales, là où elles correspondent à un véritable travail et à une implantation militante au niveau local. Cet écart indique bien l’incapacité (à mon sens irréversible) tant d’Antarsya que, davantage encore d’UP (seule nouvelle force dans la gauche radicale à partir de l’été 2015) de structurer au niveau national une force politique viable.

L’avenir paraît d’autant plus compromis que, sur le plan électoral, Varoufakis semble en mesure de s’imposer dans cet espace « intermédiaire », à gauche de Syriza mais « avec modération », et sans doute ouvert à des rapprochements lorsque Syriza passera dans l’opposition, et que, d’autre part, seul le KKE continue à maintenir une base militante et une crédibilité électorale dans la gauche radicale – mais en s’enferrant dans un sectarisme pathologique qui le condamne un lent (et, à mon sens, là aussi irréversible) processus de déclin.

Le travail de reconstruction se déroulera à l’évidence dans le temps long tout en appelant d’urgence à l’invention de nouvelles voies.

 Paris, le 27 mai 2019.

Source http://www.contretemps.eu/elections-europeennes-2019-grece/

Secteur primaire ! La rubrique de Panagiotis Grigoriou

Panagiotis Grigoriou est Ethnologue et historien, chroniqueur, analyste, initiateur d’un concept de tourisme alternatif et solidaire en Grèce. Le regard de l’historien et de l’anthropologue sur l’actualité et le vécu de la crise grecque.

Secteur primaire !

Le pays réel, ses légumes et fruits, ses animaux. Sa saison également. Les premiers touristes sont de la fête, celle du Printemps bien entendu, si possible en plein Péloponnèse. Ils ont déjà cette chance des espaces qui ne sont pas encore surinvestis comme en plein été. D’ailleurs, les Grecs se préparent autant pour fêter Pâques, le 28 avril pour les Orthodoxes, que pour la saison touristique officielle à partir du mois de mai. Pour le reste, il y a la prétendue animation politique qui bat tant de records dans les verbiages, activité offshore pour des élections alors… dématérialisées.

Touristes à vélo. Péloponnèse, avril 2019

Le vieux Péloponnèse peu fréquenté est ainsi placide, à l’intérieur les rocades sont vides, les habitants roulent bien moins depuis des années déjà, les villages de l’intérieur surtout, ils ses sont peu à peu vidés. Ceux que l’on voit aussi arriver triomphalement, appartiennent-ils à la tribu des retraités de l’autre monde occidental, ceux de la vieille Europe dont les retraites ne suffisent plus pour demeurer par exemple mais de manière confortable, en France, en Italie, en Belgique, au Royaume Uni, ou en Allemagne.

Pour ceux qui ne vivent pas durant toute l’année en Grèce, c’est le moment où ils entreprennent cette nouvelle transhumance vers le grand Sud des Hellènes. Souvent, ils y arrivent même en voiture car ils ont suffisamment d’objets et articles à porter jusqu’à leurs résidences achetées en Grèce, comme ils ont surtout tout le temps libre devant eux. Sur place ce sont les retrouvailles avec leurs compatriotes, mais aussi avec les Grecs du coin. L’estivage des retraités est alors vécu comme le premier signe avant-coureur de l’été, autant que l’arrivée des premiers touristes sporadiques du Printemps.

Parmi ces retraités, il faut aussi compter les propriétaires de voiliers, car c’est aussi le moment de leur mise à l’eau après les travaux d’entretien et l’hivernage annuel. Bernard, installé en Grèce depuis deux ans avec sa retraite en est heureux. Il est revenu aussi pour la mise à l’eau de son voilier et il attend sa fille, son mari et leurs enfants depuis la Côte d’Azur pour les vacances de Pâques. “Ici c’est formidable. J’ai acheté une maison sur la montagne il y a deux ans lorsque les prix étaient au plus bas avec la crise grecque. J’ai une vue imprenable sur la baie, puis, les Grecs sont accueillants et la vie moins chère qu’en France. Surtout que ma retraite est largement insuffisante pour poursuivre sur la Côte d’Azur, et pour y mouiller le voilier, n’en parlons pas. C’est dix fois le prix grec, travaux d’entretien compris.”

Péloponnèse et ses moutons. Avril 2019
Péloponnèse et ses baies. Avril 2019
Péloponnèse et… sa désertification. Avril 2019

Le Péloponnèse mythique, ses moutons et… ses abandons anciens comme récents. Les médias historiques répètent sans cesse “que le tourisme est l’industrie lourde de la Grèce et alors la seule”, sauf que depuis peu, d’autres… perspectives se profilent, entre la mer Égée, la mer Libyenne au sud de Crète, ainsi que la mer Ionienne. Sur la radio 90.1 FM et en zone du soir, le journaliste Lámbros Kalarrýtis interrogeait par téléphone un spécialiste du secteur pétrolier.

“Les gisements trouvés sont immenses, à la fois en gaz qu’en pétrole, les profondeurs varient certes et les emplois directs et indirects seront de l’ordre de 100.000 personnes. Les géants du secteur sont là, américains, français, italiens notamment, ainsi que quelques compagnies grecques. Plusieurs milliards de dollars sont déjà investis pour prospecter, et, étant donné les caractéristiques techniques, les bénéfices nets pourront être partagés moitié-moitié, entre les sociétés explicatrices et l’État grec. Voilà pour la véritable industrie lourde du pays”, 90.1 FM, le 11 avril 2019.

Nous serons… ainsi sauvés. Mais comme le pays est hypothéqué autant que les revenus et biens actuels et futurs de l’État grec durant 99 ans, on comprendra que le plan Troïka, initié en 2010 mais préparé de longue date, ainsi que tutélisation dans pratiquement tous les domaines et finalement la colonisation ouverte du pays ne sont pas sans rapport avec cette autre réalité des hydrocarbures dont l’existence était suffisamment connue depuis plusieurs années déjà. Et qui dit hydrocarbures, dit également situation géopolitique souvent houleuse, sans oublier que cette réalité est encore synonyme de guerres et de conflits.

Au pays de la carte postale, le petit peuple sera pourtant et à notre sens encore… rétréci, la presse évoque cette semaine le cas qui n’est pas isolé, d’une vielle femme alors âgée de 85 ans, laquelle se retrouve traînée devant les tribunaux pour avoir vendu sans autorisation quatre kilos de légumes et des herbes ramassées au village, presse de la semaine. Et en ville, les livreurs en moto ont bien suivi leur mouvement du 11 avril en défilant sur leurs motos, presse grecque du 11 avril. Pourtant, un des leurs tombait au même moment, mortellement blessé par une voiture alors qu’il livrait cafés et sandwichs dans un cartier de la capital, presse du 11 avril. Pays de la carte postale et désormais du pétrole, à Athènes, les plus paupérisés proposent aux passants de leurs journaux dits de rue… au boulevard de la méta-modernité.

Au pays de la carte postale. Athènes, avril 2019
La vielle femme que l’on traîne devant les tribunaux. Presse grecque, avril 2019
La manifestation des livreurs en moto. Athènes, le 11 avril, presse grecque
En vendant les journaux de rue. Athènes, avril 2019

En attendant le pétrole et le gaz, le Service archéologique a finalement accordé à la société chinoise COSCO que de construire trois hôtels dans le port du Pirée, dont un sous forme de pagode, du bruit donc pour rien il y a une semaine avec les réserves des archéologues tant médiatisées. Ou sinon… un pétard mouillé à quelques semaines seulement des élections dites européennes et aussi régionales et municipales, presse grecque de la semaine. En attendant toujours le pétrole, le gouvernement finance décidément le festival du goût à Athènes comme ailleurs. La vie continuera avec ou même sans goût, des lycéens étrangers visitent alors émerveillés le pays et sa capitale, place Sýntagma leurs enseignants présentent ainsi rapidement les lieux, tandis qu’au pays réel des légumes et des fruits il y a parfois ces belles traces des marchands de primeurs qui ne sont plus depuis un moment déjà.

Cependant, et sans attendre, ni le pétrole, ni les élections, le fils du ministre délégué à la Recherche Kóstas Fotákis, vient d’être le boursier parmi les premiers boursiers par un organisme que son père vient tout juste d’avoir mis sur pied, presse grecque du 12 avril. Le pétrole, le gaz… et le népotisme, industries alors bien lourdes du pays, tourisme bien entendu compris.

Ensuite, il y aura la prétendue activité politique et ses records dans les verbiages en vue des élections… dématérialisées. Les médias en rajoutent sur les affaires des scandales en cours, les Syrizístes insistent sur l’affaire des présumées commissions occultes de Novartis au bénéfice des politiques tels que les anciens ministres de la Santé du PASOK et de la Nouvelle démocratie, affaire pourtant en partie classée sans suite et pour une autre parti, des non-politiques vont être convoquées par la Justice “pour des explications”, d’après les medias. Comme il y a aussi l’affaire dite Petsítis, et ses valises présumées emplies lorsqu’il faisait le présumé “entremetteur entre les oligarques d’Athènes et le bureau politique de Tsípras”, d’après ce qui se dit déjà à Athènes.

Le gouvernement SYRIZA de 2019, finance d’ailleurs dans la foulée le nouveau film de Kóstas Gavrás, tourné en ce moment à Athènes. Son sujet porte sur les six premiers mois du gouvernement SYRIZA de 2015, d’après aussi les récits et autres mémoires du très suffisant Yanis Varoufákis, ministre des Finances d’alors, “un film de propagande Syrizo-compatible” entend-on dire ici ou là, presse grecque de la semaine. Notons que le successeur de Varoufákis, Tsakalótos, il s’est d’ailleurs encore fait huer à Thessalonique cette semaine aux cris de “Traître tu as vendu la Macédoine grecque”, et comme à chaque déplacement des officiels SYRIZA, c’est sous cordon policier compris, presse grecque de la semaine. D’après les médias du 12 avril, Tsakalótos rencontrera enfin Christine Lagarde du FMI dans la journée, mais à New York, c’est sans doute plus calme pour lui qu’à Thessalonique.

Festival du goût. Athènes, avril 2019
Tsakalótos à Thessalonique. Presse grecque, avril 2019
Lycéens étrangers à Sýntagma. Athènes, avril 2019

Le pays, ses légumes, ses touristes… “son” Ambassadeur, notamment celui des États-Unis, Geoffrey Pyatt lequel félicite bien souvent Tsípras pour sa politique Macédonienne. “Malheureusement, l’ambassadeur américain à Athènes, un homme certes intelligent et bienveillant, lequel se comporte-t-il par contre comme un applaudisseur de M. Tsípras, générant ainsi toutes les conditions d’un prochain avenir alors difficile pour les relations gréco-américaines, cette fois, pour les Grecs proches de la droite.”

“Il est difficile d’interpréter ce comportement ambigu de l’ambassadeur, autrement que motivé par une forme de récompense pratique, rien que pour les services que M. Tsípras offre-t-il alors à Geoffrey Pyatt. Et ce n’est pas la première fois que l’ambassadeur agit il faut dire de la sorte. Et il le fait en soutien à Tsípras, à chaque fois que M. Tsípras traverse alors une période difficile en matière de politique étrangère et nationale. Cela interfère bien entendu dans la politique intérieure du pays et c’est en violation flagrante du principe établi et reconnu internationalement depuis des siècles, principalement à partir des traités de Westphalie, à savoir, la non-ingérence aux affaires internes d’un autre pays. Il serait peut-être temps que de muter Monsieur Pyatt ailleurs”, et c’est le directeur du principal quotidien des Gréco-américains, “Ethnikos Kirikas”, qui s’exprime de la sorte. Le texte republié par la presse grecque cette semaine, avec aussi la réponse officielle de l’Ambassade des États-Unis, argumentant en somme “que ce n’est pas de la politique personnelle de l’Ambassadeur mais des États-Unis, et qu’il s’agit de toute manière des intérêts communs des deux pays”, presse grecque du 12 avril.

La veille, voilà un autre quotidien qui s’interroge sur le “silence complet made in USA” des Syrizístes et de leur gouvernement au sujet de l’arrestation du fondateur de WikiLeaks Julian Assange, étant donné que par le passé, pas si lointain, des figures politiques et médiatiques SYRIZA avaient-elles même organisé des journées de soutien à Julian Assange, presse grecque du 11 avril. Étranges coïncidences calendaires et journalistiques en tout cas. “Démocratie” offshore, et personnel politique alors… dématérialisé !

Marchands de primeurs qui ne sont plus. Péloponnèse, avril 2019
Touristes à Athènes. Avril 2019

Le pays réel, ses légumes et fruits, ses tavernes et leurs animaux. Pays réel et pays en… concentré avant l’été où alors tout se dilate.

Comme l’écrivait en bien d’autres temps certes (Homme Londres, 5 juin 1932), le grand poète Yórgos Seféris:

“Il est temps que je parte. Je connais un pin qui se penche sur la mer. À midi, il offre au corps fatigué une ombre mesurée comme notre vie, et le soir, à travers ses aiguilles, le vent entonne un chant étrange comme des âmes qui auraient aboli la mort à l’instant de redevenir peau et lèvres. Une fois, j’ai veillé toute la nuit sous cet arbre. À l’aube, j’étais neuf comme si je venais d’être taillé dans la carrière. Si seulement l’on pouvait vivre ainsi ! Peu importe”.

Le pays réel, ses tavernes et leurs animaux. Péloponnèse, avril 2019

* Photo de couverture: Le pays réel, ses légumes et fruits, ses animaux. Péloponnèse, avril 2019

Chronique des Humbles La rubrique de Panagiotis Grigoriou

Panagiotis Grigoriou est Ethnologue et historien, chroniqueur, analyste, initiateur d’un concept de tourisme alternatif et solidaire en Grèce. Le regard de l’historien et de l’anthropologue sur l’actualité et le vécu de la crise grecque.

Chronique des Humbles

Pays sous la tempête, bateaux de nouveau arrimés au Pirée, avions qui ne se posent pas en Crète. Tempête donc. Sur terre grecque enclose, tout le métaplasme incarné du monde politique s’agite devant les élections alors multiples et variées cette année, histoire de brasser de l’air pour recracher du néant. Ensuite, ceux d’en bas, les humbles, et déjà “bioconservateurs” d’après certains transhumanistes et misanthropes, survivent comme ils le peuvent. Ainsi femmes et hommes n’étant plus encadrés, soutenus, comme ils l’étaient dans leur petite patrie où tout le monde se connaissait de père en fils. Parfois, ils ont même tout juste de la chance, comme hier ma cousine Evanthía au village thessalien.

Grèce rurale. Années 2010

Evanthía revenait de son travail en partie de nuit, à la boulangerie du village. Elle y gagne 12€ par jour, travaillant entre 4h et 8h du matin, bien entendu c’est du travail informel. Son mari, Pétros s’occupe des maigres champs appartenant encore à la famille, il bricole de la mécanique pour les gens du voisinage, comme il peut être occupé très occasionnellement dans l’année en tant que chauffeur routier conduisant les camions des chantiers. Ceci, lorsqu’il y a du travail. Le couple garde aussi les deux enfants de leur fille et de son mari, histoire de leur permettre d’aller travailler un peu. La famille ainsi élargie occupe une seule maison, chauffée au bois, et ils n’ont gardé qu’un seul vieux véhicule pour tous, et assuré, plus le scooter.

Evanthía utilise donc le scooter de la famille, pour lequel elle n’a ni permis et encore moins l’assurance. Plus de la moitié des habitants au village roulent ainsi, surtout pour un deuxième véhicule ou scooter, ils ont à peine de quoi mettre un peu d’essence au réservoir et c’est tout. Evanthía n’a pas fait attention hier matin, son scooter a été fauché par la camionnette que le voisin Nikos venait tout juste de démarrer pour se rendre à ses champs. Evanthía, d’abord secourue par le médecin de campagne et le pharmacien du village, elle a été transférée à l’hôpital du chef-lieu, puis opérée d’urgence. Fractures aux pieds, ses jours ne sont pas en danger, la famille est soulagée, Nikos, leur voisin et ami l’est autant.

L’à peu près encore possible dans les campagnes ne demandera par des comptes à Evanthía, Nikos s’arrangera avec la famille, ceux de la Police locale fermeront les yeux devant la paupérisation qui les entoure et qui les concerne même, le système de Santé accepte encore pour l’instant que de soigner Evanthía dans l’urgence, sachant qu’elle n’est plus de la tribu des rescapés patentés de l’Assurance Maladie. Ailleurs, et surtout en milieu urbain, le régime antisocial, celui du génocide alors lent montre pourtant déjà toutes ses dents.

Retraité et vendeur… informel. Athènes, années dites de crise
Retraités et manifestants. Athènes, mars 2019 (presse grecque)
Retraités et manifestants. Athènes, mars 2019 (presse grecque)

Lorsque la criminalité explose un peu partout et que certains candidats des politiciens se vantent même d’avoir été condamnés pour escroquerie (voir ici mon billet du 23 mars au sujet du cas de Myrsíni Loḯzou), voilà que cette semaine, la Police interpelle Suzana Iliádou, femme âgée de 90 ans laquelle vend ses tricots sur le marché hebdomadaire dans son quartier de Thessalonique. Elle a été gardée au Commissariat durant près de 12 heures d’après le reportage, un policier l’a même sommé non sans ironie pour sa main tremblotante durant… la séance de l’empreinte digitale et de l’apposition sur un support de son doigt préalablement encré.

La scène filmée a été néanmoins été diffusée par les médias, et ce fut le scandale en Grèce. Les voisins de la vielle dame, désormais choquée et apeurée s’en chargent pour vendre ses tricots sitôt sur le marché hebdomadaire, tandis que la ridicule Ministre SYRIZA Papakósta (des Apostats, issue de la Nouvelle Démocratie), elle déclare que “l’amende infligée à la vielle dame s’élevant à 200€ est justifiée sauf qu’elle sera gelée”, presse grecque de la semaine. Entre-temps à Athènes, des retraités manifestent devant le Parlement pour la 125ème fois depuis le début de la dite crise en 2010, de la dignité certes mais alors totalement symbolique.

Temps supposés nouveaux, des quartiers d’Athènes se transformant en zones interdites pour les habitants sous l’emprise du dictat Airbnb, paupérisation à peine cachée par les terrasses des bistrots ou sinon à Tríkala, ville de Thessalie, cette image de la camera sur Internet d’un centre-ville plutôt déserté en temps normal dans la journée. D’après les statistiques et les reportages de la semaine, les revenus déclarés des Grecs poursuivent alors une chute continue, ceux des Indépendants atteignent même 26% comparés à ceux de 2015, presse grecque du moment.

Paupérisation. Athènes, années dites de crise
Athènes, quartier placé sous… l’emprise Airbnb. Mars 2019
Centre-ville de Tríkala déserté. Camera Internet, mars 2019

En règle générale la Grèce du pays réel est en train de s’appauvrir, et en même temps, le fait de se maintenir pour de nombreux foyers, ne tient qu’aux quelques revenus de plus, notamment informels. On claque alors les dents jusqu’au bout, d’après une enquête récente, seulement 0,7% de la population grecque adulte ayant entre 35 et 44 ans, a les dents sont en bonne santé, presse grecque, mars 2019. Sauve qui peut… alors canines comprise ! Au même moment, et d’après une enquête de OCDE citée cette semaine par la presse grecque, les Grecs considèrent que leurs impôts ne leur reviennent pas sous forme d’un État aux services dignes de ce nom, et ceci pour plus de 82% d’entre eux. Ils s’illustrent même en tête du tableau des mécontents, devant les Israéliens, les Mexicains et les Chiliens (les Français sont en milieu du classement avec… seulement 57% de mécontents).

Merveilleuse époque brisée… et autant empreinte de l’instinct de la casse. Une boutique à Athènes propose-t-elle à ses clients que de se défouler en cassant tant d’objets divers et variés, vaisselle, téléviseurs, téléphones entre autres. Ailleurs, ce sont les affiches mêmes vieillies qui promettent la lune, vantant tout le mérite des… “Prophètes”, surtout lorsqu’ils sont venus depuis les Antipodes bien entendu.

Antiquité on dirait Tardive. Une bonne partie des pays de la dite Union européenne et de leur état actuel, vus de 2019, apparaissent comme la répétition générale des premières années de la crise grecque. Une des pires ignominies de l’histoire contemporaine de la Grèce aura été certainement l’abominable chantage à la prétendue lutte contre la Troïka, exercé par les Syrizístes et par ceux du parti ANEL, les acquis visiblement de toutes les caisses globalistes. Époque des illusions. On se souviendra des politiciens d’alors et de toujours, on se souviendra même de ces illuminés improvisés et inconnus Place Sýntagma à Athènes, prêcher autant dans le vide. Seul on dirait… notre Hermès de Greek Crisis, dit parfois le Trismégiste n’a pas l’air de s’en inquiéter vraiment maintenant que tout devient alors plus clair.

Payer pour alors casser. Athènes, mars 2019
Nul n’est prophète dans son pays. Affiche de 2017, Athènes, mars 2019
Hermès de Greek Crisis. Athènes, mars 2019

Sur terre enclose, tout ce métaplasme incarné du monde politique s’agite encore devant les élections alors multiples et variées cette année, histoire de brasser de l’air pour recracher du néant. Temps et autant histoire dans un sens parallèle dont il est question chez André-Jean Festugière, comme nous l’avons déjà évoqué à travers ce blog, notamment à travers les pages de son “Épicure et ses dieux”, datant certes de 1946. Il renvoi dans son œuvre à cette (autre) mutation, entre l’époque des cités démocratiques (surtout Athènes) de la période classique, et celle des Empires, Macédonien d’abord, Hellénistiques ensuite et enfin Romain.

“L’homme, avec sa conscience propre et ses besoins spirituels, ne débordait pas le citoyen: il trouvait tout son épanouissement dans ses fonctions de citoyen. Comment ne pas s’apercevoir que, du jour où la cité grecque tombe du rang d’État autonome à celui de simple municipalité dans un État plus vaste (Empire), elle perd son âme? Elle reste un habitat, un cadre matériel: elle n’est plus un idéal. Il ne vaut plus la peine de vivre et de mourir pour elle. L’homme dès lors, n’a plus de support moral et spirituel. Beaucoup, à partir du IIIe siècle, s’expatrient, vont chercher travail et exploits dans les armées des Diadoques ou dans les colonies que ceux-ci ont fondées.”

“Bientôt, à Alexandrie d’Égypte, à Antioche de Syrie, à Séleucie sur le Tigre, à Éphèse, se créent des villes relativement énormes pour l’Antiquité (2 à 300.000 habitants) ; l’homme n’est plus encadré, soutenu, comme il l’était dans sa petite patrie où tout le monde se connaissait de père en fils. Il devient un numéro, comme l’homme moderne, par exemple à Londres ou à Paris. Il est seul, et il fait l’apprentissage de sa solitude. Comme va-t-il réagir ?” (André-Jean Festugière, “Épicure et ses dieux”, 1946).

Grecs et leurs Icônes. Thessalonique, fête nationale du 25 mars, presse grecque
Monsieur le Premier ministre… Thessalonique, fête nationale du 25 mars, presse grecque
Monsieur le Premier ministre… Thessalonique, fête nationale du 25 mars, presse grecque

Les peuples n’ont peut-être pas dir leur dernier mot. D’où d’ailleurs toute cette urgence. Durant leur fête nationale du 25 mars, les Grecs ont-ils encore brandi les Icônes de leur Christianisme Orthodoxe ainsi que leur drapeau. Ils ont également brandi certains messages, ces dernies, directement adressés au personnage politique indescriptible et alors maudit, incarné par la marionnette Aléxis Tsípras, acquis comme on sait parmi les acquis visiblement de toutes les caisses globalistes dont de celles de George Soros “lequel financerait SYRIZA et aussi la Nouvelle Démocratie” d’après certains journalistes, radio 90.1 FM, zone matinale du 29 mars 2019.

“Monsieur le Premier ministre. Vous m’avez traité d’ultra de l’extrême-droite, de populiste, de décérébré, d’idiot. Alors je vous renvoie ces qualificatifs dans la gueule.”

La trace digitale de Suzana Iliádou, femme âgée de 90 ans laquelle vendait ses tricots sur le marché hebdomadaire dans son quartier de Thessalonique ayant été visiblement jugée concluante… le pays peut alors “se réformer” davantage. Demain on ouvrira le champagne en compagnie des candidates bimboïdes aux pseudo-élections européennes SYRIZA et des autres partis dits politiques. On ouvrira accessoirement même les urnes pour alors compter l’incommensurable.

Sans la moindre surcharge cognitive… mais néanmoins partiellement alité car fatigué pour cause de pharyngite insistante, l’ethnologue de ce blog autant appauvri… ne manquera pas que de vous tenir informés, depuis ce pays sous la tempête, des bateaux qui ne seront plus arrimés au Pirée ou des avions qui se poseront enfin en Crète.

Chronique des humbles, comme d’ailleurs nouvelles de ma cousine Evanthía du village, elle va mieux ce soir et surtout, elle n’est pas seule, pour ne jamais faire ainsi l’apprentissage de sa solitude. Pharyngite… soutenue, sous le regard du jeune Hermès et de la très respectée Mimi de Greek Crisis.

Mimi de Greek Crisis. Athènes, mars 2019
* Photo de couverture: Illuminé improvisé. Place Sýntagma à Athènes années de crise

Les limites de l’âme La rubrique de Panagiotis Grigoriou

Panagiotis Grigoriou est Ethnologue et historien, chroniqueur, analyste, initiateur d’un concept de tourisme alternatif et solidaire en Grèce. Le regard de l’historien et de l’anthropologue sur l’actualité et le vécu de la crise grecque.

Les limites de l’âme

Printemps enfin. Week-end prolongé pour cause de Carnaval et de Lundi Pur, moment inaugural du carême orthodoxe en ce 11 mars. Il est de tradition en Grèce de déguster les plats de la mer comme on aime les nommer. Surtout, c’est la première échappée alors massive pour les habitants des grandes villes. Les Athéniens quittent la ville par milliers, la classe moyenne ramenée à 30% de la population ne se laissera pas abattre… sans fête. Enfin, remâcher sur la politique c’est que du temps perdu parfois aux yeux des Grecs. Ce qui compte cette semaine, c’est reprendre goût aux choses, à certaines choses en tout cas. Le pays réel de promenoir en promenoir, unique Printemps du peuple.

Printemps. Athènes, mars 2019

Athènes accueille déjà ses touristes de l’avant-saison comme si de rien n’était. Pourtant c’est le moment, c’est l’heure où il devient possible de prendre toute la mesure de notre… Antiquité Tardive. L’affaiblissement du pays, son affaissement multiple, moral, social, économique et culturel, conduisant tout droit… vers la menace de sa diminution territoriale par la guerre sournoise et asymétrique, toujours en cours, telle est en tout cas l’idée la plus rependue depuis 2015 et pour cause.

L’inquiétude du “petit peuple” est toujours grande. Sa colère l’est aussi. Encore faut-il sans cesse revisiter le sens et la portée de cette rage, et autant impotence généralisées, devant le déferlement des événements internes comme externes au pays. Nouvelle Antiquité… tardive, mais on s’y habitue coûte que coûte, la rage est avalée à défaut d’être vomie, raison de plus pour si possible pour reprendre goût aux choses

La marionnette Tsípras s’accroche à son pseudo-pouvoir et finalement à son gagne-pain quotidien, sauf que de nombreux signaux clignotent ici ou là, pour indiquer que son progiciel arriverait bientôt à terme et qu’il sera remplacé par la marionnette Mitsotákis. Les Puissances, à savoir Berlin, Bruxelles, la Goldman Sachs, ainsi que José Manuel Barroso, insistent ouvertement pour que des élections législatives anticipées soient “décidées” entre mars et juin d’après la presse de la semaine. Bonne blague. Le rôle tragique (et obscur) pour lequel Tsípras aurait été préparé par les “élites” mondialisatrices, au demeurant bien avant l’arrivée au pouvoir de SYRIZA, semble ainsi s’accomplir entre 2015 et 2019. Nous y sommes, la période de Carnaval en plus.

Les Athéniens quittent la ville. Gare routière le 8 mars 2019 (presse grecque)
C’est l’heure où il devient possible. Athènes, mars 2019
Prendre toute la mesure… Hermès de Greek Crisis, Athènes, mars 2019

Je dirais au risque de la répétition, qu’il y aurait un parallèle à oser… entre notre “euro-historicité” et une certaine forme revisitée de… l’Antiquité tardive. Une période comme on sait cruciale et qui intéresse au plus haut point les historiens ayant d’abord vu en elle un temps de décadence, mais autant une période charnière entre Antiquité et le dit Moyen Âge. Oui, Moyen Âge techno féodal en vue, et nous rentrerions ainsi dans la nuit sans dieux, ni étoiles.

La marionnette Tsípras s’accroche pourtant à son pseudo-pouvoir et finalement à son gagne-pain quotidien, et voilà que ceux du “gouvernement” se déclarent désormais agacés par ces dessins de presse publiés depuis peu, au sujet précisément du personnage cynique, immoral et perfide d’Aléxis Tsípras. Arkas, caricaturiste célèbre en Grèce, vient d’inaugurer une série de dessins intitulée… “Années d’enfance d’un Premier ministre”, tandis que d’autres dessinateurs de presse vont jusqu’à faire de Tsípras le nouveau Néron. Il faut admettre que les mentalités très actuelles sont nettement de leur côté.

Tsípras, le voilà qui s’entoure des complices habituels, Tsiprettes comprises notamment lors de la journée du 8 mars. Tsípras dont la plupart des ministres et élus se il faut dire font copieusement huer en Macédoine grecque après l’accord Macédonien imposé par Berlin, Bruxelles et l’OTAN, et que les Grecs n’en veulent pas à près de 80%, Tsípras enfin, dont le gouvernement use et abuse des arrestations et interpellations dites “préventives” et en dehors de tout cadre juridique avant toute apparition Syrizíste et officielle, surtout en Grèce du Nord. Du jamais vu depuis le temps des Colonels, sans oublier le nouveau redécoupage des circonscriptions à quelques mois ou semaines des élections législatives, les entorses légalisées ainsi imposées au non-cumul des mandas pour que certains Apostats, élus et ministres issus du parti ANEL (ayant quitté le gouvernement il y a peu) puissent figurer désormais sur les listes SYRIZA, aux élections dites “européennes” comprises.

Antiquité tardive (et alors finale ?) dans un sens. Époque charnière, suffisamment perceptible par exemple depuis Athènes. Où en sommes-nous ?

Tsípras et les.. Tsiprettes. Athènes, le 8 mai (photo Eurokinissi)
Arkas, ‘Années d’enfance d’un Premier ministre’. Athènes, mars 2019
Tsípras en Néron. Quotidien ‘Kathimeriní’, le 5 mars
Arrestations préventives. Quotidien ‘Kathimeriní’ du 5 mars

Dans la vraie vie on discute aux cafés et les sujets dits de société ne manquent pas. Il y a ainsi le cas de Nikos Georgiádis, ancien député Nouvelle Démocratie et conseiller de Mitsotákis il n’y a pas encore si longtemps. Nikos Georgiádis vient d’être condamné (détention avec sursis) pour crime sexuel commis sur mineur, presse grecque du 26 février. Le criminel Georgiádis se rendait ainsi en Moldavie et moyennant 75€ chaque fois, il “achetait la compagnie sexuelle de garçons mineurs de plus de 15 ans, et il n’a pas été interpelé en Moldavie car il y faisait usage de son vrai passeport diplomatique”, d’après le reportage depuis la salle d’audience.

Comme le remarque donc une bonne partie de la presse, il n’a pas été condamné pour pédophilie et il n’a pas été incarcéré non plus. “Le problème n’est pas Georgiádis et sa petite personne. Le problème c’est ce ramassis d’individus qui… de droit divin se croient tout permis, tout comme de pouvoir tout justifier, et lorsque cela leur devient alors injustifiable, de se lancer dans l’attaque et même d’exiger des comptes aux autres.”

“Individus issus de bonnes familles, diplômés d’écoles privées et de collèges onéreux, cadres supérieurs avant même leur service militaire, gens autoproclamés excellents, cosmopolites qui ‘enseignent’ aux mortels ordinaires le besoin d’être pauvres, sauf qu’ils vivent eux, dans l’opulence. Nikos Georgiádis est l’un d’entre eux. Ainsi, la solidarité provocante de la Nouvelle Démocratie et de certains médias proches, envers Nikos Georgiádis s’appuie-t-elle très exactement sur ce même postulat. ‘Ceux de l’élite’ ont bien entendu le droit de faire ce qu’ils veulent et de ne jamais payer la note. Si par malheur ils sont pris la main dans le sac, nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour les faire passer comme victimes ou à défaut, comme simples témoins”, presse grecque du 3 mars 2019.

Hiver finissant. Athènes, février 2019
Au café. Athènes, années dites de crise 2010-2019
Dystopie littéraire à Paris. Février 2019

Criminels, déviants et malades mentaux, souvent au pouvoir, et aussi secrets de polichinelle, en Grèce comme ailleurs. Il va de soi que l’alcoolisme de Jean-Claude Juncker ou de Nikos Anastasiádis, Président de la République de Chypre, ainsi que “le présumé traitement en psychotropes dont bénéficierait Aléxis Tsípras” (journaliste Trángas, radio 90.1 FM, février et mars 2019), ne seraient que les broutilles visibles de l’iceberg. Oui, pendant que ceux des… “classes dangereuses” fument alors des clopes et roulent au diesel, les “élites” auront complètement et depuis longtemps déjanté, sauf que le presque silence médiatique doit les couvrir, voire même, les défendre contre toute logique et contre toute morale.

Visiblement, et comme l’avait suggéré en bien d’autres circonstances un grand écrivain français en 1945, “quand on s’occupe trop de son peuple, on finit toujours par injurier en lui l’humanité entière, on lui prête tout le mal qu’on pense des hommes”. Nous voilà en 2019, et la déviance au pouvoir rêve de transhumanisme, autant que de la disparition physique des classes laborieuses désormais sans travail, en passant par le post sexualisme et sa recherche de l’élimination volontaire du genre dans l’espèce humaine.

Au Carnaval de Patras cette année, la dite élite est représentée sous une forme teratomorphique, dévorant les sociétés, les droits des citoyens et des travailleurs, l’économie réelle, disloquant par la même occasion nations et patries. Et c’est ce même obscurantisme à la Sóros et à la Tsípras, lequel sur l’île de Lesbos pourtant habitée par une population à 100% grecque et chrétienne, n’autorise plus que d’ériger la Croix sur une plage comme toujours depuis que Lesbos a été libérée du joug ottoman en 1912, officiellement “pour ne pas alors heurter la sensibilité des migrants”, lesquels arrivent comme on sait de manière programmée et organisée et autant tragique par la mer et par la… grâce des dieux des élites, celles qui comme on sait, elles ont détruit un maximum de pays dans un minimum de temps.

Camion dont un pneu a déjanté. Athènes, mars 2019
La Croix à Lesbos. Presse grecque, février 2019
Peuples et droits dévorés. Carnaval de Patras, mars 2019 (presse grecque)

Notons que le Transhumanisme c’est le dernier rejeton des Lumières, après le Capitalisme et le Socialisme, en passant par la bien fausse idée du prétendu Progrès. Nous songeons ainsi à Cornelius Castoriádis, pour qui, “dans l’histoire, nous l’avons vu, la seule constante est un progrès dans les moyens de la puissance – de la production et de la destruction, et la lutte entre ceux qui possèdent cette puissance (…) Et malgré ce que croyait Kant, malgré ce qu’on a cru en Occident entre le XVIIe et le XXe siècle, l’Aufklärung, les Lumières ne sont pas un point de passage obligé pour l’humanité toute entière, nous n’avons pas affaire à une tendance immanente de l’histoire humaine”, Cornelius Castoriádis, “Thucydide, la force et le droit” (enseignements des années 1984-1985).

Cornelius Castoriádis, lui et son esprit si vif ; Cornelius Castoriádis et autant tout le symbole de l’olivier sur sa tombe, et bien entendu Héraclite. “Les limites de l’âme tu ne les découvriras pas, même si tu parcours tout le chemin, tellement son logos est profond.” Cornelius parti en 1997 n’aura pas eu le temps d’apercevoir toute cette accélération bien actuelle dans le faux progrès. Mon ami Lákis qui fut l’ami de Cornelius me disait que Castoriádis aurait été profondément outré de notre époque, et il l’était suffisamment déjà de la sienne.

Finance, crises, austérité, géopolitique, guerre alors totale mais hybride, sont de notre temps. L’expérience grecque ainsi que l’analyse qui est celle de ce pauvre blog depuis ses débuts en 2011, c’est que l’austérité (euphémisme en toute évidence qui cache une réalité bien plus apocalyptique), la prise du contrôle total du pays (et des pays) par la finance et les forces hétéronomes et étrangères, des institutions, des mentalités (mécanique sociale), l’annulation (dans les faits) de la Constitution, la marionnettisation surpassant le ridicule de la classe politique (en réalité apolitique), la fin des droits sociaux, la mise en cause de l’histoire, de la culture et des frontières même du pays par “sa propre” classe politique, ce n’est qu’une palier dans cette guerre asymétrique que les pays, nations et sociétés subissent… au risque de disparaître même complètement… en succombant, à défaut de résister.

La sépulture de Cornelius Castoriádis. Paris, mars 2019
Héraclite chez Cornelius Castoriádis. Paris, mars 2019
L’expérience… grecque. Années de crise, 2010-2019

Et lorsque cette mainmise sur les ressources, sur les cultures, sur les populations, sur les mentalités atteint le niveau visé (par certains pays supposés grands et pas la dite élite mondialisatrice pour qui les petits gens ne sont que “de la vermine”, c’est bien connu), eh bien, il ne restera que le chaos provoqué, comme provoquant. Plus évidemment la guerre tout court… faite par d’autres moyens.

Les Grecs l’ont si bien compris qu’ils ne manifesteront plus jamais nous semble-t-il, à l’appel des partis de gauche ou des syndicats. Désormais et en tout cas pour l’instant, ce sont les questions identitaires, celles liées à l’ultime existence ainsi acculée, qui véhiculent, véhiculeront et canaliseront l’immense douleur des années troïkannes, ce que les grands rassemblements motivés par la question Macédonienne ont déjà prouvé, à Thessalonique à Athènes et partout ailleurs en Grèce.

Tout est chamboulé en même temps et tout se mélange dans les réactions. On se souviendra par exemple que sous le règne de Théodose la fiscalité se durcit encore, provoquant des révoltes et que les revenus de la “res privata” furent dévolus aux immenses besoins de l’État. On se souviendra autant de la dégradation du statut du citoyen, allant jusqu’à son abolition de fait et le rapprochement entre le statut d’emploi forcé des ouvriers et la condition d’esclaves, alors qu’ils étaient en théorie des citoyens. En fin de compte, je dirais que le monde de l’Antiquité tardive… expérimenta aussi un autre temps… d’asymétrie, et cela (autant) jusqu’au bout !

Sur Internet enfin, des clichés circulent depuis la Hongrie sous Orban, et on y découvre ces photos en grand, dénonçant la politique subversive de Soros et de Juncker. Europe alors plurielle, et sur les murs d’un bistrot en mer Égée, on préfère y accrocher ces traces encore palpables de la période italienne des îles du Dodécanèse. Les anciens s’en souviennent toujours, et c’était surtout le temps de leur enfance.

De la politique de Soros et de Juncker. Hongrie 2019, Internet grec et européen
Athènes au quotidien. Mars 2019
Mémoire italienne. Dodécanèse, années 2010-2019

Pourtant, la dimension sociale, voire celle de classe elle y est, et alors entière. La directrice locale d’un établissement appartenant à une enseigne grecque de supermarché, a récemment adressé un courrier à “ses” employés, courrier dont le contenu a pu être divulgué aussitôt dans la presse. “Vous devriez sourire aux clients car même ceux qui parmi vous gagnent 300€ par mois, ils doivent se rendre compte des réalités: 300€ c’est 300% de plus… que zéro”, presse grecque du 5 mars 2019. Bien entendu, devant le scandale et l’indignation provoqués depuis, cette directrice… présentée comme étant particulièrement locale, elle a été licenciée en pur marketing alors d’urgence, presse grecque du 8 mars. C’est bien connu, les fusibles ne sont pas eternels, contrairement aux inégalités, aux injustices et aux autres rapports de force.

Temps anciens et temps nouveaux… visiblement entremêlés. La presse s’en occupe à sa manière, lorsqu’elle ne s’attarde pas sur les belles prises des caïques de l’Égée, ou sur les repas de fête chez les moines du Mont-Athos, justement pour ne pas remâcher sur la politique. Temps dont il est question chez André-Jean Festugière, et notamment à travers les pages de son “Épicure et ses dieux”, datant certes de 1946. Il renvoi dans son œuvre à cette (autre) mutation, entre l’époque des cités démocratiques (surtout Athènes) de la période classique, et celle des Empires, Macédonien d’abord, Hellénistiques ensuite et enfin Romain. Un choc… ayant fini par être bien gobé chez le commun des mortels.

“L’homme, avec sa conscience propre et ses besoins spirituels, ne débordait pas le citoyen: il trouvait tout son épanouissement dans ses fonctions de citoyen. Comment ne pas s’apercevoir que, du jour où la cité grecque tombe du rang d’État autonome à celui de simple municipalité dans un État plus vaste (Empire), elle perd son âme? Elle reste un habitat, un cadre matériel: elle n’est plus un idéal. Il ne vaut plus la peine de vivre et de mourir pour elle. L’homme dès lors, n’a plus de support moral et spirituel. Beaucoup, à partir du IIIe siècle, s’expatrient, vont chercher travail et exploits dans les armées des Diadoques ou dans les colonies que ceux-ci ont fondées. Bientôt, à Alexandrie d’Égypte, à Antioche de Syrie, à Séleucie sur le Tigre, à Éphèse, se créent des villes relativement énormes pour l’Antiquité (2 à 300.000 habitants) ; l’homme n’est plus encadré, soutenu, comme il l’était dans sa petite patrie où tout le monde se connaissait de père en fils. Il devient un numéro, comme l’homme moderne, par exemple à Londres ou à Paris. Il est seul, et il fait l’apprentissage de sa solitude. Comme va-t-il réagir ?” (André-Jean Festugière, “Épicure et ses dieux”, 1946).

Caïque et sa belle prise. Presse grecque, mars 2019
Repas de fête au Mont-Athos. Presse grecque, mars 2019

Le pays, désormais simple colonie dans un État plus vaste, l’Empire européiste, perd son âme, jusqu’à la preuve du contraire. Au final, il reste certes un habitat, un cadre matériel, plus Airbnb bien entendu. Ce pays des citoyens n’est plus un idéal et l’homme n’est plus encadré, soutenu, comme il l’était dans sa petite patrie.

Il devient un numéro, comme l’homme moderne… en week-end prolongé pour cause de Carnaval, surtout au moment de la première échappée alors massive pour les habitants des grandes villes en ce Printemps 2019. Enfin, remâcher sur la politique c’est que du temps perdu paraît-il actuellement. Ce qui compte cette semaine c’est reprendre goût aux choses, à certaines choses en tout cas. Le pays réel, de promenoir en promenoir en cet unique et peut-être inique… Printemps du peuple.

Il y a certes de quoi parfois être las de la politique. Comme l’avait suggéré au sujet du politique mais en bien d’autres circonstances un grand écrivain français, “dans cette sphère, ce que nous appelons la sottise humaine éclate avec une satisfaction monstrueuse.”

Pas d’échappée donc cette année pour Greek Crisis en ce week-end prolongé. Frugalité obligatoire, pourtant digne, en ce moment inaugural du carême orthodoxe. Livres et alors relectures. C’est d’ailleurs le moment, c’est l’heure où il devient possible de prendre toute la mesure de notre… Antiquité Tardive, ainsi que dans un sens, toute la mesure des limites de l’âme.

En compagnie bien entendu de Mimi et du jeune Hermès, dit parfois le Trismégiste.

Hermès de Greek Crisis… le Trismégiste. Athènes, mars 2019

Samos: la honte de l’Europe

« Ici à Samos c’est la honte de l’Europe » Thomas Jacobi et Marie Verdier, envoyés spéciaux à Samos ,

Les habitants se sentent abandonnés et réclament la fermeture du hotspot créé dans le sillage de l’accord UE-Turquie et de la fermeture des frontières en mars 2016.

« Is this love, is this love… » La chanson de Bob Marley envahit la taverne Joy. Ses promesses d’amour, et « de vivre ensemble avec un toit juste au-dessus de nos têtes », bercent la baie de l’île grecque de Samos. Le soleil de février s’est enfin gaiement manifesté, après des semaines de pluies diluviennes, et les façades à flanc de montagne se laissent volontiers caresser. La patrie de Pythagore et d’Épicure en mer Égée semble tout entière jouir de ce moment de félicité.

Placardée sur la porte vitrée, une affiche crie pourtant « Stop au crime ». Michalis Mitsos, le patron de la taverne et président de l’union des restaurateurs vient de bonne grâce s’attabler pour raconter combien la vie paisible de Samos a été profondément chamboulée depuis que, dans le sillage de l’accord conclu entre l’Union européenne et la Turquie, en mars 2016, les milliers d’exilés d’Afrique et du Moyen-Orient se retrouvent piégés sur l’île, transformée en prison à ciel ouvert, à quelques encablures des côtes turques. « Les autorités cachent ce qui se passe. Il faut le dénoncer à toute l’Europe », espère-t-il.

Sur les hauteurs de Samos (1), quelque 4 000 demandeurs d’asile croupissent dans des conditions « abjectes » selon le Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR) qui avait pressé les autorités grecques à prendre des mesures d’urgence avant l’hiver. Depuis lors, rien n’a changé. Et les 7 000 habitants se sentent abandonnés de la Grèce et de l’Europe. « Nous ne sommes pas racistes. Nous avons secouru les Syriens quand ils arrivaient par milliers en 2015. Aujourd’hui il faut que les migrants soient mieux logés sur le continent et que les Samiotes soient soulagés », revendique Michalis Mitsos.

« J’ai peur de faire pipi la nuit »

En haut de la jungle de Samos, Amadou est notre première rencontre. Le jeune homme élancé, de Guinée, s’affaire à ramasser des pierres pour tenter de mieux tenir les bâches de son campement. Il faut avoir le pied agile pour ne pas glisser sur la pente boueuse et ne pas déraper sur la mer de détritus. Amadou a, lui, des savates en plastique. « On était mieux traités dans les prisons turques, au moins avait-on un toit, un matelas, du chauffage, à manger. » Après sept tentatives et six passages par la case prison en Turquie, Amadou a fini par s’échouer à Samos le 24 octobre 2018, avant de s’enfoncer dans l’hiver, le corps saisi par le froid et tétanisé par l’effroi dès la tombée du jour. « J’ai peur. J’ai peur de faire pipi la nuit. »

Manos Logothetis, que tout le monde connaît sous le nom de « docteur Manos », l’unique médecin à officier dans le camp, expliquera plus tard que, la nuit, « les hommes font pipi dans des bouteilles », et que « des femmes se mettent des couches » pour ne pas sortir de leurs tentes, à cause du noir, du froid, des bêtes, de la violence, de la drogue. Stratégies de survie pour ces rescapés qui ont bravé l’hiver sous de petites tentes de camping accrochées aux terrains pentus, battues par le vent et la pluie, sans électricité, avec des points d’eau et une vingtaine de toilettes bien trop loin dans le camp.

Cela fait si longtemps que les hangars en tôle et les conteneurs installés pour 640 personnes sur l’ancien camp militaire encerclé de clôtures grillagées ne peuvent plus abriter les nouveaux arrivants… Seules de rares familles sont logées dans les 49 appartements loués sur l’île. Alors, à mesure que la jungle s’étend, « ceux qui arrivent installent leurs tentes sur les endroits qui étaient jusqu’alors les toilettes sauvages dans les bois », précise docteur Manos.

« J’ai tant de soucis dans ma tête, elle va exploser »

Avec Amadou, nous nous réfugions sous une bâche estampillée « UNHCR », petit point de ralliement entre quatre tentes où convergent une douzaine de ses compagnons. À la lueur d’une lampe solaire récemment distribuée par une ONG, nous écoutons les récits, feignant d’ignorer la ronde des rats tout autour.

Ils croyaient avoir laissé derrière eux leurs souffrances. Guinéens, Camerounais, Congolais, etc., tous sont là depuis trois, six, neuf mois. L’attente, le désœuvrement, les lieux avilissants détruisent les esprits les plus aguerris. « J’ai tant de soucis dans ma tête, elle va exploser. Quand la tête ne va pas, le corps ne va pas non plus. » En aparté, Amadou confie être homosexuel et avoir fui pour échapper aux châtiments de son père imam. « Ici c’est une vraie prison, mais je vais trouver la force de m’en sortir », se persuade-t-il.

Le lendemain Hugo, ingénieur de 37 ans, racontera que Sassou-Nguesso, le président du Congo-Brazzaville, l’a contraint à l’exil. « Ses milices ont organisé une chasse à l’homme contre les partisans de Mokoko », l’opposant emprisonné pour vingt ans pour « atteinte à la sécurité de l’État ».

« Ça peut être très nuisible de raconter ce qui s’est passé »

Les femmes confinées dans un maigre espace voisin restent silencieuses. Parole aux hommes. Néné confiera plus tard, comme d’autres, avoir voulu échapper à un mariage forcé. La jeune Guinéenne n’en dira guère plus sur cette « histoire douloureuse ».

« Ça peut être très nuisible de raconter ce qui s’est passé, les personnes revivent ce qu’elles ont vécu par la parole. Or nous sommes totalement démunis pour les soutenir, il n’y a qu’un psychologue dans le camp, l’absence de prise en charge de la santé mentale est un grand souci », déplore Bogdan Andrei, la véritable âme de l’île. Venu de Roumanie début 2016, il a fondé sur place l’ONG Samos volonteers. Les bénévoles aussi, venus de divers pays, « vivent des moments émotionnels difficiles », ajoute-t-il. Alors l’ONG a instauré une règle d’or : « se focaliser à fond sur le présent ».

C’est exactement ce que fait Néné au centre Alpha, le refuge ouvert par Samos volonteers dans la ville en contrebas du camp. Elle est l’une des rares femmes à s’immiscer dans la foule des hommes venus se réchauffer, boire un thé, jouer aux dames ou aux échecs, et recharger leur téléphone. Néné est si assidue aux cours de grec, et si résolue, qu’Annie, l’enseignante française retraitée en Grèce, lui a confié les premiers cours sur l’alphabet grec.

« Sans Alpha, on deviendrait fou »

« On vient se relaxer l’esprit, sans Alpha, il y aurait beaucoup de dégâts, on deviendrait fou ». John, 34 ans, vient de Béni, ce lieu de toutes les tragédies dans le Nord-Kivu, dans l’est de la République démocratique du Congo. Béni où l’on tue, l’on viole et où sévit le virus Ebola. John est recherché, ses sœurs ont été égorgées, sa femme se cache au pays. « Jusqu’à quand va-t-on nous torturer ? On devient malade de l’intérieur. On veut juste vivre dans la dignité. Ici, à Samos, c’est la honte de l’Europe. » John supplie : « Quand tu ne peux pas aider quelqu’un, donne-lui la liberté pour qu’il puisse se prendre en charge ». Il extirpe de sa poche ses documents, et lit, effaré, la date de sa convocation pour sa demande d’asile : le 22 juillet… 2020, à 15 heures très précisément.

Le centre d’enregistrement et d’identification des demandeurs d’asile ne devait pourtant être qu’un camp de transit pour des séjours de moins d’un mois. Le HCR confirme que les personnes récemment arrivées se voient dorénavant attribuer des dates d’entretien jusqu’en 2021. « Dans tous les pays les procédures d’asile sont longues », souligne-t-on à l’EASO, le bureau européen d’appui en matière d’asile venu en renfort des services grecs. « Mais à Samos, à cause des problèmes de sécurité, nous ne menons plus d’interviews le soir, cela limite le nombre d’entretiens à quatre ou cinq par jour », ajoute notre interlocuteur.

La colère couve

Alors, sous la bâche, dans la jungle, la colère couve. Wadi, Camerounais de 58 ans à la barbe grisonnante, dit « le doyen » ou « papa », tente de jouer son rôle de vieux sage et de dissuader les plus jeunes, déterminés à mettre le feu au camp. « Ici on est comme au Togo, menotté, maltraité, dénonce Souleymane. À cause du froid et des souris, tu ne peux pas dormir. Le matin, le midi, le soir, tu dois faire deux à trois heures de queue, subir les bagarres, pour la distribution de repas que tu ne peux même pas manger tellement c’est mauvais. »

« Le commissaire de police, la directrice du camp avaient promis des améliorations, rien n’a changé ! », rugit son voisin, évoquant les propos tenus au lendemain de deux jours de marche pacifique des exilés brandissant des pancartes « Freedom » dans les rues de Samos, fin janvier. « Si on met le feu c’est pour qu’ils soient obligés de nous transférer sur le continent », veut-il croire. Ce sont finalement les poubelles qui ont flambé, le 7 février au petit jour. Résultat : sept personnes arrêtées et poursuivies pour incendie volontaire, trois maintenues en détention et encore plus de colère et de désespoir.

« Je voudrais avoir le VIH, peut-être qu’alors on s’occuperait de moi… »

Dans le brouhaha d’un attroupement qui s’est formé aux abords du camp, une voix lâche : « Je voudrais avoir le VIH, peut-être qu’alors on s’occuperait de moi… » « Les gens se cherchent des maladies, ils sont prêts à tout pour être vulnérables, rapporte le docteur Manos. De fait, ils le sont tous, à moi d’identifier les plus vulnérables des vulnérables au regard de la loi. » Ce statut conférant en théorie une priorité pour le transfert sur le continent. (2) « Mais il y a des maladies que nous ne pouvons pas diagnostiquer ici, admet le médecin. Et parmi les victimes, il y a aussi des bourreaux qui se cachent, l’exercice est difficile. »

Et où se situe le seuil de gravité ? À l’autre bout du camp, dans le quartier moyen-oriental, Mohammed, le jeune Afghan qui travaillait à l’ambassade des États-Unis à Kaboul se le demande encore après six mois sur l’île. Sa jeune épouse, qui était étudiante en dentaire, est « très, très perturbée mentalement ». « Elle parle toute la journée dans le vide. »

Et Mohammad ? « Je ne peux plus maîtriser mon comportement », avoue le professeur d’anglais et de mathématiques couché sous la tente achetée 100 € à des Syriens partis à Athènes. Ses papiers médicaux mentionnent « troubles psychotiques ». Il cherche désespérément des photos sur son téléphone pour attester de son drame : « J’ai perdu ma famille dans une tuerie à Kameshli, au nord de la Syrie, perpétrée par des milices kurdes. » Mohammad partage sa couche avec Salah et Ahmed. Ahmed entend peu, parle difficilement. Les deux frères ont fui la guerre à Idlib après qu’Ahmed a eu la mâchoire arrachée par un éclat de bombe.

Cela fait deux mois que tous les trois sont prioritaires pour une levée de restriction géographique devant leur permettre de quitter Samos…

La visite dans l’enceinte du camp est minutée

Et toujours les rats, même en plein jour. La tente voisine est désertée. « Ce sont des mineurs qui vivent là », pointe Mohammad. Ils profitent des premiers beaux jours sur l’île. Une centaine d’entre eux vit dans la jungle. Car l’espace « mineurs non accompagnés » dans le camp implose : cent autres sont entassés dans les sept conteneurs délabrés prévus pour 56 personnes.

Et une pièce aux côtés des services de police est réservée aux quatorze adolescentes. On ne voit pas comment, même en se serrant les unes contre les autres, elles peuvent dormir dans ce réduit. Interdit d’y pénétrer. La visite dans l’enceinte du camp est minutée, fermement encadrée. Pas question de jeter un œil au travers d’une vitre cassée, de soulever une couverture qui fait office de porte ou d’admirer la crèche, le tout petit havre réservé à une vingtaine d’enfants, quand tant d’autres jouent dans les flaques et les déchets. « Les mineurs isolés rêvent tous de partir vite, mais dans les faits, ils restent en moyenne trois à six mois sur l’île, parfois même un an », reconnaît Alexandra Katsou, l’assistante sociale qui en a la charge.

« On ne peut pas faire face. Le personnel est insuffisant. Mille personnes ne sont pas encore enregistrées par les services de l’asile », reconnaît la directrice du camp Maria-Dimitra Nioutsikou. La jeune femme au regard d’acier exerce son métier « avec beaucoup de patience et de sang froid ». Elle n’est « pas affectée », et n’a pas à se préoccuper des milliers de tentes « sur des espaces privés à l’extérieur du camp ». C’est « pour calmer le jeu » face aux tensions grandissantes que le bureau chargé de donner des rendez-vous a été fermé pendant deux semaines en février. Et les ONG n’ont pas le droit de pénétrer dans le camp, « parce qu’elles ne sont pas accréditées auprès du ministère des migrations ».

« Il y avait la volonté de ne pas améliorer les conditions de vie indignes »

Peu habituée à cet ostracisme, Médecins sans frontières en garde un souvenir cuisant. Avant de quitter l’île au printemps 2018, l’ONG s’était proposée de réparer les toilettes, les douches, les vitres cassées, le système électrique, etc. « Tout a été refusé », s’indigne encore Clément Perrin, le responsable de mission d’alors. « Nous étions dans une logique d’urgence, mais à cause de l’obsession de l’appel d’air, il y avait clairement la volonté de ne pas améliorer les conditions de vie indignes », se souvient-il.

La seule tolérance accordée à Samos volonteers consiste à venir récupérer du linge sale. Dans la petite laverie de l’ONG, la seule de l’île, les machines tournent en continu. Le duo Emma l’Anglaise et Nima l’Iranien, affectés à la tâche, lèvent à peine le nez : « On fait 55 sacs par jour. À ce rythme il nous faut trois à quatre mois pour faire le tour du camp. » C’est peu, mais ô combien précieux.

Avocats sans frontières France (ASF) a vite compris l’écueil dès son arrivée à Samos, début 2019, pour offrir une assistance juridique aux demandeurs d’asile. « Seule l’avocate grecque qui travaille avec nous est autorisée à collecter, au compte-goutte, des informations sur les dossiers auprès des services de l’asile, déplore la coordinatrice Domitille Nicolet. Pourtant, les besoins sont immenses. » Et ASF craint de devoir quitter cette île oubliée, l’ONG n’ayant obtenu des financements que jusqu’à fin mars.

« Arrivés sur l’île, les Syriens embrassaient le sol »

« Tout est allé de mal en pis depuis l’accord UE-Turquie. Avant il y avait des soutiens locaux, la mairie coordonnait l’action des bénévoles et réceptionnait les dons. » Bogdan Andrei a vu ensuite « les ONG partir, la municipalité se désinvestir et l’argent européen ne pas arriver jusqu’aux bénéficiaires ».

« La mairie n’est pas habilitée pour gérer la crise migratoire. L’État veut tout contrôler. L’hébergement et la nourriture sont du ressort du ministère de la défense qui n’est pas compétent », maugrée le maire, Michalis Angelopoulos, qui veut « une solution viable » et craint que l’activité touristique – 73 % du PIB de l’île – ne soit affectée, même si, pour l’heure, elle a crû de 10 % l’an dernier.

Devenue « hotspot », Samos ne s’en est pas remise. Les retraités Giorgos et Rena Fragkoulis se souviennent avec émotion de cette année 2015, quand ils sortaient leur bateau la nuit pour aller secourir les Syriens échoués sur les plages et les côtes rocheuses, juste en contrebas de leur maison à Kerveli, à l’extrême Est de l’île. « Ils arrivaient terrorisés, tailladaient leur zodiac pour qu’ils ne puissent pas être renvoyés. Ils se couchaient d’épuisement. Ils embrassaient le sol. » À l’époque les habitants avaient tous dans leur voiture de l’eau, des biscuits et des vêtements.

Au cas où. Puis les arrivants poursuivaient leur chemin, ils prenaient le bateau pour Athènes. « Les frontières étaient ouvertes. Il n’y avait pas de hotspot. » Aujourd’hui, Frontex est à la manette. « C’est interdit d’aider les réfugiés. » Rena et Giorgos ont longtemps gardé un sac de voyage récupéré dans la mer avec dedans « des photos, des papiers, des diplômes, le résumé le plus précieux d’une vie » en espérant pouvoir un jour le restituer à son propriétaire. Mais des voisins ont fini par leur faire peur. Et s’ils étaient complices d’un trafiquant ? « On a jeté le sac. »

« L’empathie s’érode, nous n’en pouvons plus »

Maintenant tout a changé. Sur l’île une naissance sur trois est étrangère. Rena et Giorgos ont une liste de récrimination longue comme le bras : « Les réfugiés sont partout. Ils envahissent les terrains de sport. Il y a des queues à la poste, l’hôpital est débordé. Les habitants ont peur. Ils ne laissent plus leurs enfants sortir seuls, ils ferment leurs maisons et n’accrochent plus leur linge dehors. » Philippe Leclerc, représentant du HCR en Grèce en convient : « La population est révoltée, on met de l’huile sur le feu. »

Au bord de la baie, il n’y a plus guère que les réfugiés qui déambulent et font de maigres emplettes avec les 90 € mensuels alloués par tête par le HCR. Il fait si beau en cette journée de février que Samos volonteers a délocalisé son cours d’anglais sur les bancs au bord de l’eau. Mais Ghaïssane (3), 36 ans, onze mois de Samos, a le regard hagard. « Ici nous n’avons qu’une chose : du temps. » Dans un anglais hésitant, il vante son « très beau pays, très cultivé, l’Iran, s’il n’y avait pas son gouvernement », et veut témoigner de « sa terrible vie à Samos » dans un long texte en farsi qu’il nous tend.

Alors pour Rena et Giorgos, il est temps de dire stop au hotspot, stop au projet de deuxième hotspot plus loin dans la montagne. « Les réfugiés et les habitants veulent la même chose, qu’ils poursuivent leur chemin ! » Ils étaient 3 000 réunis sur la grand-place au bord de la baie, le 7 février, plusieurs popes aux premières loges, avant de se disperser dans une ambiance bon enfant. C’était « la plus grande mobilisation qu’ait jamais connue Samos ! », s’exclame Michalis Mitsos, le patron de Joy. Pour le métropolite Eusebios, il est clair que « l’empathie s’érode. Nous n’en pouvons plus. »


75 000 demandeurs d’asile en Grèce

► En Grèce

En 2015, 860 000 migrants sont arrivés, 799 ont péri en mer.

En 2018, ils n’étaient plus que 32 500 et 174 morts. La Grèce est devenue le 3e pays de l’UE en nombre de demande d’asiles.

En 2019, près de 5 000 sont arrivés depuis janvier. 75 000 sont présents sur le sol grec, dont 3 700 mineurs non accompagnés.

Le HCR gère 27 000 places en appartement et distribue des cartes de cash (90 € par tête, 50 € de plus par membre d’une famille) à 65 000 bénéficiaires. Il prévoit de transférer ses compétences à l’État grec d’ici à 2020 et de se retirer du pays.

► À Samos

L’île compte 33 000 habitants, la ville de Samos 7 000 habitants et 4 000 demandeurs d’asile.

25 % sont Afghans, 18 % Congolais de RDC, 13 % Irakiens, 10 % Syriens et 10 % Camerounais.

53 % d’hommes, 22 % de femmes et 25 % d’enfants, les trois quarts ayant moins de 12 ans.

Depuis janvier, 479 ont été transférés sur le continent en Grèce, et 834 sont arrivés de Turquie.


Enquêtes sur l’usage des fonds européens

Sur la période 2014-2020, l’Union européenne a accordé 1,4 milliard d’euros à la Grèce en dotations de base et financements d’urgence pour l’accueil des migrants, les procédures d’asile et la sécurité des frontières. 579 millions d’euros ont déjà été versés, 70 % au titre des fonds d’urgence. Sans compter l’aide en matériel et le renfort de 700 agents Frontex et de 200 experts de l’asile.

Or dès mars 2017, l’ONG Solidarity now s’est inquiétée du fait que l’argent versé n’ait pas permis d’améliorer les conditions de vie désastreuses des demandeurs d’asile. Dans une pétition adressée au parlement européen, elle demandait qu’une enquête soit menée sur la mauvaise gestion et d’éventuels détournements de ces fonds par l’État grec, notamment les ministères des migrations et de la défense.

En décembre 2017, l’Office européen de lutte anti-fraude (Olaf) a ouvert une enquête. En octobre 2018, c’était au tour de la Cour suprême grecque d’ordonner une enquête sur d’éventuels abus dans la gestion des fonds européens.


L’accord UE-Turquie de mars 2016

Il prévoyait des mesures pour tarir les flux migratoires :

– surveillance des frontières maritimes et terrestres par la Turquie

– renvoi vers la Turquie des migrants en situation irrégulière arrivés sur les îles grecques ne demandant pas l’asile ou déboutés de leur demande

– réinstallation d’un Syrien de Turquie vers l’UE pour chaque Syrien renvoyé en Turquie

– accélération du versement des 3 milliards d’euros d’aide à la Turquie pour la gestion des réfugiés, + 3 autres milliards si les engagements sont respectés.

D’avril 2016 à janvier 2019, 1 825 migrants ont été renvoyés vers la Turquie.

En 2018, 16 042 personnes ont été réinstallées depuis la Turquie, près de la moitié en Allemagne et aux États-Unis.

La relocalisation

22 000 ont été relocalisés depuis la Grèce dans un autre État de l’UE jusqu’à l’arrêt du dispositif d’urgence de relocalisation en novembre 2017.

Procédure Dublin

En 2018, les États européens ont durci leurs positions. Ils ont réclamé le renvoi en Grèce de 8 190 demandeurs d’asile. La Grèce en a accepté 307.

Thomas Jacobi et Marie Verdier, envoyés spéciaux à Samos

(1) Samos est à la fois le nom de l’île et de sa capitale

(2) L’agence sanitaire Keelpno promet à nouveau pour le printemps le renfort de quatre médecins. Pour avoir des candidats, les salaires mensuels ont été portés de 1 100 € à 3 000 €.

(3) Prénom changé.

 

 

 

Annulation dette allemande de 1953 et celle de la Grèce ?

Pourquoi l’annulation de la dette allemande de 1953 n’est pas reproductible pour la Grèce et les Pays en développement 26 février par Eric Toussaint

L’Allemagne a bénéficié à partir du 27 février 1953 d’une annulation de la plus grande partie de sa dette. Depuis cette annulation, qui a permis à l’économie de ce pays de reconquérir la place de principale puissance économique du continent européen, aucun autre pays n’a bénéficié d’un traitement aussi favorable. Il est très important de connaître le pourquoi et le comment de cette annulation de dette. Résumé de manière très concise : les grandes puissances créancières de l’Allemagne occidentale voulaient que l’économie de celle-ci soit réellement relancée et qu’elle constitue un élément stable et central dans la lutte entre le bloc atlantique et le bloc de l’Est.

Une comparaison entre le traitement accordé à l’Allemagne occidentale d’après-guerre et celui imposé aux Pays en développement ou à la Grèce d’aujourd’hui est révélateur de la politique du deux poids deux mesures pratiquée systématiquement par les grandes puissances.

L’allègement radical de la dette de la République fédérale d’Allemagne (RFA) et sa reconstruction rapide après la seconde guerre mondiale ont été rendus possibles grâce à la volonté politique des puissances créancières occidentales qui avaient remporté la seconde guerre mondiale, c’est-à-dire les États-Unis et leurs principaux alliés occidentaux, la Grande-Bretagne et la France. En octobre 1950, ces trois puissances alliées élaborent un projet dans lequel le gouvernement fédéral allemand reconnaît l’existence des dettes des périodes précédant et suivant la guerre. Les alliés y joignent une déclaration dans laquelle ils énoncent : « les trois pays sont d’accord que le plan prévoit un règlement adéquat des exigences avec l’Allemagne dont l’effet final ne doit pas déséquilibrer la situation financière de l’économie allemande via des répercussions indésirables ni affecter excessivement les réserves potentielles de devises. Les trois pays sont convaincus que le gouvernement fédéral allemand partage leur position et que la restauration de la solvabilité allemande est assortie d’un règlement adéquat de la dette allemande qui assure à tous les participants une négociation juste en prenant en compte les problèmes économiques de l’Allemagne » [1].

Il faut savoir que l’Allemagne nazie a suspendu le paiement de sa dette extérieure à partir de 1933 et n’a jamais repris les paiements, ce qui ne l’a pas empêché de recevoir un soutien financier et de faire des affaires avec de grandes entreprises privées des États-Unis – comme Ford, qui a financé le lancement de la Volkswagen (la voiture du peuple imaginée par le régime hitlérien), General Motors qui possédait la firme Opel, General Electric associée à AEG et IBM qui est accusée d’avoir « fourni la technologie » ayant aidé « à la persécution, à la souffrance et au génocide », avant et pendant la Seconde Guerre mondiale [2].

La dette réclamée à l’Allemagne concernant la période d’avant-guerre s’élevait à 22,6 milliards de marks, si on comptabilise les intérêts.

Une importante réduction des dettes contractées avant et après la guerre par l’Allemagne à des conditions exceptionnelles

La dette contractée dans l’après-guerre (1945-1952) était estimée à 16,2 milliards. Lors d’un accord conclu à Londres le 27 février 1953 [3], ces montants ont été ramenés à 7,5 milliards de marks pour la première et à 7 milliards de marks pour la seconde [4]. En pourcentage, cela représente une réduction de 62,6 %.

Les montants cités plus haut ne prennent pas en compte les dettes liées à la politique d’agression et de destruction menée par l’Allemagne nazie durant la deuxième guerre mondiale, ni les réparations que les pays victimes de cette agression sont en droit de réclamer. Ces dettes de guerre ont été mises de côté, ce qui a constitué un énorme cadeau supplémentaire pour l’Allemagne de l’Ouest.

De surcroît, l’accord établissait la possibilité de suspendre les paiements pour en renégocier les conditions au cas où surviendrait un changement substantiel limitant la disponibilité des ressources [5].

Les Alliés créanciers vont faire des concessions très importantes aux autorités et aux entreprises allemandes

Pour s’assurer de la bonne relance de l’économie de l’Allemagne occidentale et que ce pays constituera un élément stable et central dans le bloc atlantique face au bloc de l’Est, les Alliés créanciers vont faire des concessions très importantes aux autorités et aux entreprises allemandes endettées qui vont bien au-delà d’une réduction de dette. Les grosses entreprises industrielles allemandes comme AEG, Siemens, IG Farben (AGFA, BASF, Bayer et Hoechst), Krupp, Volkswagen, BMW, Opel, Mercedes Benz et également des sociétés financières de tout premier plan comme Deutsche Bank, Commerzbank, la société d’assurance Allianz ont été protégées et renforcées, bien qu’elles aient joué un rôle de premier plan dans le soutien au régime nazi et qu’elles aient été les complices du génocide des peuples juif et tsigane. Le pouvoir du grand capital allemand est sorti intact de la seconde guerre mondiale grâce au soutien des gouvernements des grandes puissances occidentales.

Le pouvoir du grand capital allemand est sorti intact de la seconde guerre mondiale grâce au soutien des grandes puissances occidentales.

En ce qui concerne le problème de la dette qui pouvait être réclamée à l’Allemagne, les alliés partent du principe que l’économie du pays doit être en capacité de rembourser, tout en maintenant un niveau de croissance élevé et une amélioration des conditions de vie de la population. Pour que l’Allemagne puisse rembourser sans s’appauvrir, il faut qu’elle bénéficie d’une très forte annulation de dette. Mais cela ne suffit pas. Comme l’histoire l’a montré, il faut que le pays retrouve une véritable marge de manœuvre et d’autonomie. Pour cela, les créanciers acceptent primo que l’Allemagne rembourse dans sa monnaie nationale, le deutsche mark, une partie importante de la dette qui lui est réclamée. Á la marge, elle rembourse en devises fortes (dollar, franc suisse, livre sterling…).

Secundo, alors qu’au début des années 1950, le pays a encore une balance commerciale négative (la valeur des importations dépassant celle des exportations), les puissances créancières acceptent que l’Allemagne réduise ses importations : elle peut produire elle-même des biens qu’elle faisait auparavant venir de l’étranger. En permettant à l’Allemagne de substituer à ses importations des biens de sa propre production, les créanciers acceptent donc de réduire leurs exportations vers ce pays. Or, 41 % des importations allemandes venaient de Grande-Bretagne, de France et des États-Unis pour la période 1950-51. Si on ajoute à ce chiffre la part des importations en provenance des autres pays créanciers participant à la conférence (Belgique, Hollande, Suède et Suisse), le chiffre total s’élève même à 66 %.

En cas de litige avec les créanciers, les tribunaux allemands sont compétents

Tertio, les créanciers autorisent l’Allemagne à vendre ses produits à l’étranger, ils stimulent même ses exportations afin de dégager une balance commerciale positive. Ces différents éléments sont consignés dans la déclaration mentionnée plus haut : « La capacité de l’Allemagne à payer ses débiteurs privés et publics ne signifie pas uniquement la capacité de réaliser régulièrement les paiements en marks allemands sans conséquences inflationnistes, mais aussi que l’économie du pays puisse couvrir ses dettes en tenant compte de son actuelle balance des paiements. L’établissement de la capacité de paiement de l’Allemagne demande de faire face à certains problèmes qui sont : 1. la future capacité productive de l’Allemagne avec une considération particulière pour la capacité productive de biens exportables et la capacité de substitution d’importations ; 2. la possibilité de la vente des marchandises allemandes à l’étranger ; 3. les conditions de commerce futures probables ; 4. les mesures fiscales et économiques internes qui seraient nécessaires pour assurer un superavit pour les exportations. » [6]

En outre, en cas de litige avec les créanciers, en général, les tribunaux allemands sont compétents. Il est dit explicitement que, dans certains cas, « les tribunaux allemands pourront refuser d’exécuter […] la décision d’un tribunal étranger ou d’une instance arbitrale. » C’est le cas, lorsque « l’exécution de la décision serait contraire à l’ordre public » (p. 12 de l’Accord de Londres).

Le service de la dette est fixé en fonction de la capacité de paiement de l’économie allemande

Autre élément très important : le service de la dette est fixé en fonction de la capacité de paiement de l’économie allemande, en tenant compte de l’avancée de la reconstruction du pays et de ses revenus d’exportation. Ainsi, la relation entre service de la dette et revenus d’exportations ne doit pas dépasser 5 %. Cela veut dire que l’Allemagne occidentale ne doit pas consacrer plus d’un vingtième de ses revenus d’exportation au paiement de sa dette. Dans la pratique, l’Allemagne ne consacrera jamais plus de 4,2 % de ses revenus d’exportation au paiement de la dette (ce montant est atteint en 1959). De toute façon, dans la mesure où une grande partie des dettes allemandes était remboursée en deutsche marks, la banque centrale allemande pouvait émettre de la monnaie, en d’autres mots : monétiser la dette.

Une mesure exceptionnelle est également décidée : on applique une réduction drastique des taux d’intérêts, qui oscillent entre 0 et 5 %.

L’accord conclu à Londres renvoie à plus tard le règlement des réparations et des dettes de guerre

Une faveur d’une valeur économique énorme est offerte par les puissances occidentales à l’Allemagne de l’Ouest : l’article 5 de l’accord conclu à Londres renvoie à plus tard le règlement des réparations et des dettes de guerre (tant celles de la première que de la deuxième guerre mondiale) que pourraient réclamer à la RFA les pays occupés, annexés ou agressés.

Enfin, il faut prendre en compte les dons en dollars des États-Unis à l’Allemagne occidentale : 1,17 milliard de dollars dans le cadre du Plan Marshall entre le 3 avril 1948 au 30 juin 1952 (soit environ 12,5 milliards de dollars de 2019) auxquels s’ajoutent au moins 200 millions de dollars (environ de 2 milliards de dollars de 2019) entre 1954 et 1961 principalement via l’agence internationale de développement des États-Unis (USAID).

Grâce à ces conditions exceptionnelles, l’Allemagne occidentale se redresse économiquement très rapidement et finit par absorber l’Allemagne de l’Est au début des années 1990. Elle est aujourd’hui de loin l’économie la plus forte d’Europe.

Quelques éléments de comparaison

L’Allemagne est autorisée à ne pas consacrer plus de 5 % de ses revenus d’exportation au paiement de la dette

Le résultat d’une première comparaison entre l’Allemagne occidentale d’après-guerre et les Pays en développement est éclairant. L’Allemagne, bien que meurtrie par la guerre, était économiquement plus forte que la plupart des PED actuels. Pourtant, on lui a concédé en 1953 ce qu’on refuse aux PED.

Part des revenus d’exportation consacrés au remboursement de la dette

L’Allemagne est autorisée à ne pas consacrer plus de 5 % de ses revenus d’exportation au paiement de la dette.

En 2017, les PED ont dû consacrer en moyenne 14 % de leurs revenus d’exportation au paiement de la dette

En 2017, les pays en développement ont dû consacrer en moyenne 14 % de leurs revenus d’exportation au paiement de la dette [7]. Pour les pays d’Amérique latine et de la Caraïbe, ce chiffre a atteint 23,5 % en 2017. Quelques exemples de pays incluant des PED et des économies européennes périphériques : en 2017, ce chiffre atteignait 13 % pour l’Angola, 36 % pour le Brésil, 15 % pour la Bosnie, 21 % pour la Bulgarie, 41,6 % pour la Colombie, 17 % pour la Côte d’Ivoire, 21 % pour l’Ethiopie, 28,6 % pour le Guatemala, 34 % pour l’Indonésie, 70 % pour le Liban, 14 % pour le Mexique, 20 % pour le Nicaragua, 22,8 % pour le Pakistan, 21 % pour le Pérou, 22 % pour la Roumanie et la Serbie, 17 % pour la Tunisie, 40 % pour la Turquie.

Taux d’intérêt sur la dette extérieure

Dans le cas de l’accord de 1953 concernant l’Allemagne, le taux d’intérêt oscille entre 0 et 5 %.

En revanche, dans le cas des PED, les taux d’intérêt ont été beaucoup plus élevés. Une grande majorité des contrats prévoient des taux variables à la hausse.

Pour les PED, une grande majorité des contrats prévoient des taux d’intérêt beaucoup plus élevés et variables à la hausse

Entre 1980 et 2000, pour l’ensemble des PED, le taux d’intérêt moyen a oscillé entre 4,8 et 9,1 % (entre 5,7 et 11,4 % dans le cas de l’Amérique latine et de la Caraïbe et même entre 6,6 et 11,9 % dans le cas du Brésil, entre 1980 et 2004). Ensuite, le taux d’intérêt a été historiquement bas pendant la période 2004 à 2015. Mais la situation a commencé à se dégrader depuis 2016-2017 car le taux d’intérêt croissant fixé par la FED (le taux directeur de la FED est passé de 0,25 % en 2015 à 2,25 % en novembre 2018) et les cadeaux fiscaux faits aux grandes entreprises étatsuniennes par Donald Trump entraînent un rapatriement de capitaux vers les États-Unis. Par ailleurs, les prix des matières premières ont eu une tendance à baisser ce qui diminue les revenus des pays en développement exportateurs de biens primaires et rend plus difficile le remboursement de la dette car celui-ci s’effectue principalement en dollars ou en d’autres monnaies fortes. En 2018, une nouvelle crise de la dette a touché directement des pays comme l’Argentine, le Venezuela, la Turquie, l’Indonésie, le Nigéria, le Mozambique, … De plus en plus de pays en développement doivent accepter des taux d’intérêt supérieurs à 7 %, voire à 10 %, pour pouvoir emprunter en 2019.

Monnaie dans laquelle la dette extérieure est remboursée

L’Allemagne était autorisée à rembourser une partie de sa dette avec sa monnaie nationale.

Aucun pays en développement n’est autorisé à faire de même sauf exception et pour des montants dérisoires. Tous les grands pays endettés doivent réaliser la totalité de leurs remboursements en devises fortes (dollar, euro, yens, franc suisse, livre sterling).

Clause de révision du contrat

Les créanciers ont le droit de réclamer des PED le paiement anticipé des sommes dues dans le futur

Dans le cas de l’Allemagne, l’accord établit la possibilité de suspendre les paiements pour en renégocier les conditions si survient un changement substantiel limitant la disponibilité des ressources.

Dans le cas des contrats de prêts avec les PED, les créanciers imposent qu’il n’y ait pas de clause de ce type. Pire, en cas de difficulté des PED, les créanciers ont le droit de réclamer le paiement anticipé des sommes dues dans le futur.

Politique de substitution d’importation

Dans l’accord sur la dette allemande, il est explicitement prévu que le pays puisse produire sur place ce qu’il importait auparavant.

Par contre, la Banque mondiale, le FMI et les grandes puissances imposent aux PED de renoncer à produire sur place ce qu’ils pourraient importer.

Dons en devises (en cash)

L’Allemagne, pourtant à l’origine de la deuxième guerre mondiale, a bénéficié de dons importants en devises dans le cadre du Plan Marshall et près celui-ci.

Les PED dans leur ensemble, à qui les pays riches ont promis assistance et coopération, reçoivent une aumône sous forme de dons en devises. Alors que collectivement, ils remboursent plus de 500 milliards de dollars par an, ils reçoivent en cash nettement moins que 100 milliards de dollars.

Les créanciers s’attachent à maintenir les PED dans un endettement structurel de manière à en tirer un revenu permanent maximal

Incontestablement, le refus d’accorder aux PED endettés le même type de concessions qu’à l’Allemagne indique que les créanciers n’ont pas pour objectif le désendettement de ces pays. Bien au contraire, ces créanciers s’attachent à maintenir les PED dans un endettement structurel de manière à en tirer un revenu permanent maximal à travers le paiement des intérêts de leur dette, à leur imposer des politiques conformes aux intérêts des prêteurs et à s’assurer de la loyauté de ces pays au sein des institutions internationales.

Allemagne 1953 / Grèce 2010-2019

Si nous risquons une comparaison entre le traitement auquel la Grèce est soumise et celui qui a été réservé à l’Allemagne après la seconde guerre mondiale, les différences et l’injustice sont frappantes. En voici une liste non-exhaustive en 11 points :

1.- Entre 2010 et 2019, la dette en pourcentage du PIB grec n’a cessé d’augmenter, elle est passée d’environ 110 % à 180 %

La Grèce se voit imposer des privatisations au bénéfice des investisseurs étrangers

2.- Les conditions sociales et économiques qui sont assorties à l’intervention de la Troïka depuis 2010 ne favorisent en rien la relance de l’économie grecque alors que l’Allemagne a bénéficié de mesures qui ont contribué largement à relancer son économie. Le produit intérieur brut de la Grèce a chuté d’environ 30 % entre 2010 et 2016 en conséquence des mémorandums qui lui ont été imposés. En comparaison la croissance du PIB de l’Allemagne occidentale a été phénoménale entre 1953 et 1960.

3.- La Grèce se voit imposer des privatisations au bénéfice des investisseurs étrangers principalement alors qu’à l’inverse l’Allemagne était encouragée à renforcer son contrôle sur les secteurs économiques stratégiques, avec un secteur public en pleine croissance et de grandes entreprises privées qui restaient sous le contrôle stratégique du capital allemand.

4.- Les dettes bilatérales de la Grèce (vis-à-vis des pays qui ont participé au plan imposé par la Troïka) n’ont pas été réduites alors que les dettes bilatérales de l’Allemagne (à commencer par celles contractées à l’égard des pays que le Troisième Reich avait agressés, envahis voire annexés) étaient réduites de 60 % ou plus.

5. – La Grèce doit rembourser en euros alors qu’elle est en déficit commercial (donc en manque d’euros) avec ses partenaires européens (notamment l’Allemagne et la France), alors que l’Allemagne remboursait l’essentiel de ses dettes en deutsche marks fortement dévalués.

Le fait de rembourser une partie importante de sa dette en deutsche marks permettait à l’Allemagne de vendre plus facilement ses marchandises à l’étranger. Prenons l’exemple des importantes dettes de l’Allemagne à l’égard de la Belgique et de la France après la seconde guerre mondiale : l’Allemagne était autorisée à les rembourser en deutsche marks. Or que pouvait faire la Belgique et la France avec ces deutsche marks sinon les dépenser en achetant des produits fabriqués en Allemagne, ce qui a contribué à refaire de l’Allemagne une grande puissance exportatrice.

6. – La banque centrale grecque ne peut pas prêter de l’argent au gouvernement grec alors que la Banque centrale allemande (Bundesbank) prêtait aux autorités de l’Allemagne occidentale et faisait fonctionner (certes modérément) la planche à billets.

7. – L’Allemagne était autorisée à ne pas consacrer plus de 5 % de ses revenus d’exportation au paiement de la dette alors qu’aucune limite n’est fixée dans le cas actuel de la Grèce.

Les juridictions du Luxembourg et du Royaume-Uni sont compétentes pour les titres de la dette grecque

8. – Les nouveaux titres de la dette grecque qui remplacent depuis 2012 les anciens dus aux banques ne sont plus de la compétence des tribunaux grecs, ce sont les juridictions du Luxembourg et du Royaume-Uni qui sont compétentes (et on sait combien celles-ci sont favorables aux créanciers privés) alors que les tribunaux de l’Allemagne (cette ancienne puissance agressive et envahissante) étaient compétents.

9. – En matière de remboursement de la dette extérieure, les tribunaux allemands pouvaient refuser d’exécuter des sentences des tribunaux étrangers ou des tribunaux arbitraux au cas où leur application menaçait l’ordre public. En Grèce, la Troïka refuse que des tribunaux puissent invoquer l’ordre public pour suspendre le remboursement de la dette. Or, les énormes protestations sociales et la montée des forces néo-nazies sont directement la conséquence des mesures dictées par la Troïka et par le remboursement de la dette. Pourtant, malgré les protestations de Bruxelles, du FMI et des « marchés financiers » que cela provoquerait, les autorités grecques pourraient parfaitement invoquer l’état de nécessité et l’ordre public pour suspendre le paiement de la dette et abroger les mesures antisociales imposées par la Troïka.

10.- Dans le cas de l’Allemagne, l’accord établit la possibilité de suspendre les paiements pour en renégocier les conditions si survient un changement substantiel limitant la disponibilité des ressources. Rien de tel n’est prévu pour la Grèce.

L’Allemagne a reçu des dons considérables dans le cadre du Plan Marshall.

11. – Dans l’accord sur la dette allemande, il est explicitement prévu que le pays puisse produire sur place ce qu’il importait auparavant afin d’atteindre un superavit commercial et de renforcer ses producteurs locaux. Or la philosophie des accords imposés à la Grèce et les règles de l’Union européenne interdisent aux autorités grecques d’aider, de subventionner et de protéger ses producteurs locaux, que ce soit dans l’agriculture, l’industrie ou les services, face à leurs concurrents des autres pays de l’UE (qui sont les principaux partenaires commerciaux de la Grèce).

On pourrait ajouter que l’Allemagne, après la seconde guerre mondiale, a reçu des dons dans une proportion considérable, notamment, comme on l’a vu plus haut, dans le cadre du Plan Marshall.

Les mensonges concernant l’aide à la Grèce

Hans-Werner Sinn [8], un des économistes influents en Allemagne, conseiller du gouvernement d’Angela Merkel, n’hésitait pas en 2012 à mentir en affirmant : « La Grèce a bénéficié d’une aide extérieure de 460 milliards d’euros au travers de diverses dispositions. L’aide apportée jusqu’ici à la Grèce représente donc l’équivalent de 214 % de son PIB, soit environ dix fois plus que ce dont l’Allemagne a bénéficié grâce au plan Marshall. Berlin a apporté environ un quart de l’aide fournie à la Grèce, soit 115 milliards d’euros, ce qui représente au moins dix plans Marshall ou deux fois et demi un Accord de Londres. » [9]

Tout ce calcul est faux. La Grèce n’a pas du tout reçu un tel montant de financement et ce qu’elle a reçu ne peut pas être sérieusement considéré comme de l’aide, au contraire.

L’Allemagne n’a payé à la Grèce que le soixantième de ce qu’elle lui doit en réparation pour les dévastations de l’occupation

Hans-Werner Sinn met de manière scandaleuse sur le même pied l’Allemagne au sortir de la seconde guerre mondiale que les dirigeants nazis avaient provoquée et la Grèce des années 2000. En outre, il fait l’impasse sur les sommes réclamées à juste titre par la Grèce à l’Allemagne suite aux dommages subis pendant l’occupation nazie [10] ainsi que l’emprunt forcé que l’Allemagne nazie a imposé à la Grèce. Selon la commission du parlement grec qui a travaillé sur ces questions en 2015, la dette de l’Allemagne à l’égard de la Grèce s’élève à plus de 270 milliards d’euros [11]. Comme l’écrit le site A l’encontre sur la base des travaux de Karl Heinz Roth, historien du pillage de l’Europe occupée par l’Allemagne nazie [12] : « L’Allemagne n’a payé à la Grèce que la soixantième partie (soit 1,67 %) de ce qu’elle lui doit comme réparation des dévastations de l’occupation entre 1941 et 1944. ». [13]

1. Les plans d’« aide » à la Grèce ont servi les intérêts des banques privées, pas ceux du peuple grec

Les plans d’« aide » mis en place depuis mai 2010 ont d’abord servi à protéger les intérêts des banques privées des pays les plus forts de la zone euro, principalement les grandes banques allemandes et françaises, qui avaient augmenté énormément leurs prêts tant au secteur privé qu’aux pouvoirs publics grecs au cours des années 2000. Les prêts accordés à la Grèce par la Troïka depuis 2010 ont servi à rembourser les banques privées occidentales et à leur permettre de se dégager en limitant au minimum leurs pertes.

2. Les prêts accordés à la Grèce rapportent de l’argent… hors de Grèce !

Les prêts accordés à la Grèce sous la houlette de la Troïka rapportent des intérêts conséquents aux prêteurs. Les différents pays qui participent à ces prêts ont gagné de l’argent sur le dos du peuple grec. Quand le premier plan de prêt de 110 milliards d’euros a été adopté, Christine Lagarde, alors ministre des finances de la France [14], a fait observer publiquement que la France prêtait à la Grèce à un taux de 5 % alors qu’elle empruntait elle-même à un taux nettement inférieur.

La situation était tellement scandaleuse (un taux élevé a aussi été appliqué à l’Irlande à partir de novembre 2010 et au Portugal à partir du mai 2011) que les gouvernements prêteurs et la Commission européenne ont décidé en juillet 2011 que le taux exigé de la Grèce devait être réduit [15].

Les bénéfices tirés par la France du sauvetage de la Grèce représentent une arnaque à plus de 3 milliards d’euros !Sous les protestations du gouvernement grec et face au profond mécontentement populaire qui s’est exprimé par de fortes mobilisations sociales en Grèce, les pays prêteurs ont fini par décider de ristourner à la Grèce une partie des revenus qu’ils tirent des crédits octroyés à Athènes [16]. Mais il faut préciser que les revenus sont ristournés au compte-gouttes et une partie importante d’entre eux ne seront jamais rendus. Pascal Franchet et Anouk Renaud, du CADTM, ont calculé les bénéfices tirés par la France du soi-disant Sauvetage de la Grèce. Ils considèrent qu’il s’agit d’une arnaque à plus de 3 milliards d’euros !

De mon côté, j’ai dénoncé les profits odieux que fait la BCE sur le dos du peuple grec.

3. La crise de la zone euro a fait baisser le coût de la dette pour l’Allemagne et les autres pays forts

Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Les pays qui dominent la zone euro tirent profit du malheur de ceux de la périphérie (Grèce, Portugal, Irlande, Espagne, pays de l’ex bloc de l’Est membres de l’UE). L’aggravation de la crise de la zone euro, due à la politique menée par ses dirigeants et non à cause de phénomènes extérieurs, entraîne un déplacement des capitaux de la Périphérie vers le Centre. L’Allemagne, la France, les Pays-Bas, la Finlande, le Luxembourg, l’Autriche et la Belgique en bénéficient grâce à une réduction très forte du coût du financement de leurs dettes.

Le 1er janvier 2010, avant que n’éclatent la crise grecque et celle de la zone euro, l’Allemagne devait garantir un taux d’intérêt de 3,4 % pour émettre des bons à 10 ans alors que le 23 mai 2012, le taux à 10 ans était passé à 1,4 %. Cela correspond à une diminution de 60 % du coût du financement [17]. Selon le quotidien financier français Les Échos, « un calcul approximatif montre que les économies générées grâce à la baisse des taux du coût de financement depuis 3 ans s’élèvent à 63 milliards d’euros » [18]. Somme à comparer aux 15 milliards (sur 110 répartis entre les différents créanciers) effectivement prêtés (avec intérêt – voir plus haut) par l’Allemagne entre mai 2010 et décembre 2011 à la Grèce dans le cadre de sa contribution au premier plan d’« aide » de la Troïka.

La Grèce permet à l’Allemagne et aux pays forts de la zone euro d’épargner des sommes considérables

Nous avons évoqué les taux à 10 ans et à 6 ans payés par l’Allemagne pour emprunter. Si on prend le taux à 2 ans, l’Allemagne a émis des titres de cette maturité le 23 mai 2012 à un taux d’intérêt nul [19]. Début 2012, l’Allemagne a emprunté à 6 mois la somme de 3,9 milliards d’euros à un taux d’intérêt négatif. A ce propos, Le Soir écrivait le 23 mai 2012 : « les investisseurs vont recevoir au terme de ces six mois un tout petit peu moins (0,0112 %) que ce qu’ils ont prêté » [20].

S’il y avait une once de vérité de vérité dans le flot de mensonges à propos de la Grèce (du Portugal, de l’Espagne…), on pourrait lire que la Grèce permet à l’Allemagne et aux autres pays forts de la zone euro d’épargner des sommes considérables. La liste des avantages tirés par l’Allemagne et les autres pays du Centre doit être complétée par les éléments suivants.

4. Programme de privatisation dont bénéficient les entreprises privées des pays du Centre

Les politiques d’austérité imposées à la Grèce contiennent un vaste programme de privatisations [21] dont les grands groupes économiques, notamment allemands et français, tirent profit car les biens publics sont vendus à des prix bradés.

5. Les sacrifices imposés aux travailleurs permettent de contenir une poussée revendicative dans les pays du Centre

Les reculs sociaux infligés aux travailleurs grecs (mais aussi portugais, irlandais, espagnols…) mettent sur la défensive les travailleurs d’Allemagne, des Pays-Bas, d’Autriche, de France, de Belgique… Leurs directions syndicales craignent de monter au combat. Elles se demandent comment revendiquer des augmentations salariales si dans un pays comme la Grèce, membre de la zone euro, on diminue le salaire minimum légal de 20 % ou plus. Du côté des directions syndicales des pays nordiques (Finlande notamment), on constate même avec consternation qu’elles considèrent qu’il y a du bon dans le TSCG et les politiques d’austérité car ils sont censés renforcer la saine gestion du budget des États.

Un accord du type de celui de Londres de 1953 ne pourra être obtenu que suite à des batailles

En octobre 2014, j’ai été interviewé par un important quotidien grec Le Journal des Rédacteurs concernant l’accord de Londres de 1953. Le journaliste m’a posé la question suivante : « Alexis Tsipras appelle à une conférence internationale pour l’annulation de la dette des pays du Sud de l’Europe touchés par la crise, similaire à celle qui a eu lieu pour l’Allemagne en 1953 et par laquelle 22 pays, dont la Grèce, ont annulé une grande partie de la dette allemande. Est-ce que cette perspective est réaliste aujourd’hui ?  »

Il faut désobéir aux créanciers qui réclament une dette illégitime et imposent des politiques violant les droits humains fondamentaux

Je lui ai donné cette réponse : « C’est une proposition légitime. Il est clair que la Grèce n’a provoqué aucun conflit en Europe, à la différence de l’Allemagne nazie. Les citoyens de Grèce ont un argument très fort pour dire qu’une grande partie de la dette grecque est illégale ou illégitime et doit être supprimée, comme la dette allemande a été annulée en 1953. Je ne pense toutefois pas que SYRIZA et d’autres forces politiques en Europe parviendront à convaincre les institutions de l’UE et les gouvernements des pays les plus puissants à s’asseoir à une table afin de reproduire ce qui a été fait avec la dette allemande en 1953. Il s’agit donc d’une demande légitime (…) mais vous ne pourrez pas convaincre les gouvernements des principales économies européennes et les institutions de l’UE de le faire. Mon conseil est le suivant : la dernière décennie nous a montré qu’on peut arriver à des solutions équitables en appliquant des actes souverains unilatéraux. Il faut désobéir aux créanciers qui réclament le paiement d’une dette illégitime et imposent des politiques qui violent les droits humains fondamentaux, lesquels incluent les droits économiques et sociaux des populations. Je pense que la Grèce a de solides arguments pour agir et pour former un gouvernement qui serait soutenu par les citoyens et qui explorerait les possibilités dans ce sens. Un tel gouvernement populaire et de gauche pourrait organiser un comité d’audit de la dette avec une large participation citoyenne, qui permettrait de déterminer quelle partie de la dette est illégale et odieuse, suspendrait unilatéralement les paiements et répudierait ensuite la dette identifiée comme illégitime, odieuse et/ou illégale. »

Comme on le sait, Alexis Tsipras a choisi de mettre en pratique une autre orientation qui a abouti au désastre.

Conclusion :

Ne nous berçons pas d’illusions, les raisons qui ont poussé les puissances occidentales à traiter l’Allemagne de l’Ouest comme elles l’ont fait après la seconde guerre mondiale ne sont pas de mise dans le cas de la Grèce ou d’autres pays endettés.

La réalisation de processus citoyens d’audit de la dette jouera un rôle décisif dans cette bataille contre la dette et l’austérité

Pour maintenir leur pouvoir de domination à l’égard des pays endettés, ou tout au moins la capacité de leur imposer des politiques conformes aux intérêts des créanciers, les grandes puissances et les institutions financières internationales ne sont pas du tout disposées à annuler leurs dettes et à permettre un véritable développement économique.

Pour obtenir une véritable solution au drame de la dette et de l’austérité, il faudra encore de puissantes mobilisations sociales dans les pays endettés afin que des gouvernements aient le courage d’affronter les créanciers en leur imposant des annulations unilatérales de dettes. La réalisation de processus citoyen d’audit de la dette jouera un rôle positif décisif dans cette bataille.

Notes

[1Deutsche Auslandsschulden, 1951, p. 7 et suivantes, in Philipp Hersel, « El acuerdo de Londres de 1953 (III) », https://www.lainsignia.org/2003/enero/econ_005.htm consulté le 24 février 2019

[3Texte intégral en français de l’Accord de Londres du 27 février 1953 en bas de cette page. Ont signé l’accord le 27 février 1953 : La République fédérale d’Allemagne, les États-Unis d’Amérique, la Belgique, le Canada, Ceylan, le Danemark, l’Espagne, la France, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, la Grèce, l’Irlande, le Liechtenstein, le Luxembourg, la Norvège, le Pakistan, la Suède, la Suisse, l’Union d’Afrique du Sud et la Yougoslavie.

[41 US dollar valait à l’époque 4,2 marks. La dette de l’Allemagne occidentale après réduction (soit 14,5 milliards de marks) équivalait donc à 3,45 milliards de dollars.

[5Les créanciers refusent toujours d’inscrire ce type de clause dans les contrats à l’égard des pays en développement ou des pays comme la Grèce, le Portugal, l’Irlande, l’Europe centrale et orientale…

[6Auslandsschulden, 1951, p. 64 et suivantes in Philip Hersel, El acuerdo de Londres (IV), 8 de enero de 2003, https://www.lainsignia.org/2003/enero/econ_005.htm consulté le 24 février 2019

[8Une biographie utile est publiée par wikipedia en anglais : http://en.wikipedia.org/wiki/Hans-Werner_Sinn

[12Voir note biographique en français : https://fr.wikipedia.org/wiki/Karl_Heinz_Roth et en allemand : http://de.wikipedia.org/wiki/Karl_Heinz_Roth

[13Voir également l’interview que j’ai donnée à l’hebdomadaire Marianne : http://www.cadtm.org/Le-27-fevrier-1953-les-allies

[14Christine Lagarde est devenue directrice générale du FMI en juillet 2011.

[15Voir Council of the European Union, Statement by the Heads of State or Government of the Euro area and EU Institutions, Bruxelles, 21 Juillet 2011, point 3, http://europa.eu/rapid/pressReleasesAction.do?reference=DOC/11/5&format=HTML&aged=1&language=EN&guiLanguage=de.

[16Voir European Commission, Directorate General Economic and Financial Affairs, “The Second Economic Adjustment Programme for Greece”, Mars 2012, table 18, p. 45, “Interest rates and interest payments charged to Greece” by the euro area Member States”, http://ec.europa.eu/economy_finance/publications/occasional_paper/2012/op94_en.htm

[17Financial Times, “Investors rush for the safety of German Bunds”, 24 Mai 2012, p. 29

[18Les Échos, Isabelle Couet, « L’aide à la Grèce ne coûte rien à l’Allemagne », 21 juin 2012. La journaliste précise : « Les taux à 6 ans –ceux qui correspondent à la maturité moyenne de la dette allemande- sont en effet passés de 2,6 % en 2009 à 0,95 % en 2012. »

[19Le Soir, Dominique Berns et Pierre Henri Thomas, « L’Allemagne se finance à 0 % », 23 mai 2012, p. 21

[20Idem.

Sur la question Macédonienne

Après l’accord de Prespa : réflexions sur la question dite « macédonienne »  Le blog de Emmanuel Kosadinos sur Médiapart

L’accord de Prespa a été ratifié le 25/01 par le Parlement grec à courte majorité. L’opinion publique grecque et les manifestations de rue contestent sa légitimité. L’opposition a déclaré qu’elle n’avait pas l’intention de respecter l’accord à la lettre, notamment pour l’intégration de la «Macédoine du Nord» à l’UE. L’avenir géopolitique des Balkans est loin d’être apaisé après cette ratification.

Liminaire

Au départ ce texte était destiné à des ami-e-s françai-se-s qui se sont intéressés à la question, aux moments des mobilisations en Grèce contre la signature de l’accord de Prespa et de sa ratification. L’accord a été finalement ratifié par le Parlement grec (le 25/01/19), dans des conditions qui ne garantissent pas pleinement sa légitimité ni son application de bonne foi. Je tente ici d’apporter des clarifications sur le signifiant « Macédoine » dont «l’ambiguïté» crée «la duplicité du sujet» qui le porte, selon la formule du psychanalyste français Jacques Lacan.

Ayant vécu en France la totalité de ma vie active, Français par naturalisation, je ne prétends pas traduire le sentiment du peuple grec sans risque de le trahir. L’émergence  d’un sentiment populaire est un processus partiellement opaque, à la fois d’identification et de division, de rassemblement et de clivage. Ni je prétends épuiser les aspects géopolitiques de la question, nécessaires néanmoins à évoquer. Par ce texte je réponds aux questions les plus fréquentes des camarades françai-se-s.

Pourquoi cette question, subsidiaire en apparence, suscite autant d’émotion et de mobilisation en Grèce aujourd’hui, alors que des questions relatives aux conditions de vie du peuple grec et à son avenir dans l’Europe ne mobilisent pas autant ?

Aujourd’hui en Grèce les « corps intermédiaires » (partis, syndicats, médias, intelligentsia) sont discrédités et peinent à se faire les porteurs légitimes de revendications populaires. Ce phénomène, présent de nos jours dans plusieurs pays et notamment en France, est plus accentué en Grèce, à cause de la trahison du parti SYRIZA au pouvoir, transformé en quelques mois de porte-parole des revendications populaires en pilier et moteur des politiques néolibérales antisociales.

Encore, il est difficile aujourd’hui de proposer en Grèce la grève comme moyen pour défendre les conditions de vie et les droits des travailleu-se-rs. Le chômage supérieur à 20% et la grande précarité de l’emploi (60% de contrats) sont des freins puissants à toute mobilisation ouvrière.

Ainsi, l’apparition des questions «nationales» dans un débat public qui reflète, de manière plus ou moins biaisée, les risques géopolitiques réels qui pèsent sur le pays, permet la poursuite d’une discussion politique dans la société et offre un terrain pour exprimer des critiques face au gouvernement et à ses alliés et de mettre en scène sur la place publique une contestation massive, sans pour autant exposer les contestataires aux risques liés aux luttes ouvrières.

Les politiques oppressives de l’UE et de la Troïka imposées au peuple grec créent, sous différentes orientations idéologiques, la défiance générale vis-à-vis des «étrangers». Le champ de rassemblement créé autour des questions dites « nationales » est très vaste, incluant des forces anti-néolibérales démocratiques, ou issues du camp progressiste historique. Mais il comporte aussi en grande partie des forces apolitiques, conservatrices, nationalistes et des forces fascisantes. Ces dernières, après avoir perdu, suite au dévoilement du caractère criminel du parti «Aube Dorée», l’initiative de mouvement, récupèrent, sous prétexte de «défense des intérêts de la nation», un terrain propice à déployer leur propagande et la contenance nécessaire pour poursuivre des actions de provocation et de violence.

Dans tous les cas, le glissement actuel de la vie politique en Grèce favorise la création dans l’opinion publique de majorités éphémères et hétéroclites et déstabilise à court et moyen terme les institutions. Les répercussions politiques de la gestion et instrumentalisation par le gouvernement SYRIZA de la question dite «macédonienne» cristallisent la marche d’un tel processus.

Le débordement émotionnel suscité par cette question ne s’explique pas uniquement par les causes du présent. Pour se projeter dans la psychologie des Grecs, il faudrait penser à la guerre d’Algérie et à la propagation, jusqu’à nos jours, de ses ondes de choc affectives dans la vie publique de la France. Dans l’un cas comme dans l’autre, la sensitivité et le caractère excessif des réactions s’appuient sur les traces d’une mémoire collective, immédiate ou trans-générationnelle, chargée de représentations de violence et d’angoisse, et sur des récits véhiculant aussi bien des identifications héroïques que des questions honteuses, une subjectivation de l’histoire souvent menteuse.

Rassemblement massif à Athènes pour s'opposer à l'accord de Prespa et revendiquer l'hellénicité exclusive de la Macédoine Rassemblement massif à Athènes pour s’opposer à l’accord de Prespa et revendiquer l’hellénicité exclusive de la Macédoine
 Des éléments d’histoire susceptibles de diminuer (ou d’augmenter) la confusion

Le partage des territoires et des ressources du Sud des Balkans (question dite « macédonienne ») ont été à l’origine de plusieurs guerres meurtrières sur le territoire grec : 1903, 1912, 1913, 1922, 1941, 1946 ! 

À celles-ci il faut ajouter les conflits armés qui se sont déroulés sur le territoire de la Bulgarie et de l’ancienne Yougoslavie.

Dans la mémoire historique du peuple grec (mais aussi d’autres peuples de la région) sont  inscrites avec vivacité les atrocités commises par les partisans du «comité bulgare», organisation œuvrant pour le rattachement de toute la région à la Bulgarie, sous les auspices du gouvernement bulgare et de l’Église orthodoxe de Bulgarie qui, après avoir proclamé son indépendance (Exarchiat) de l’Église orthodoxe de Constantinople, agit en fer de lance du nationalisme bulgare. 

Le peuple de l’actuelle  «Macédoine du Nord» parle une langue très proche du bulgare, ainsi dans la perception de plusieurs Grecs contemporains il y a identification erronée des slavophones du Nord de la Grèce avec les  «komitadjis» bulgares, amalgame que l’enseignement de l’histoire dans les écoles grecques n’a pas réussi à dissiper. À l’époque des conflits balkaniques (1903-1913) la langue et identité distincte des slavophones du Sud des Balkans n’était pas reconnue comme telle. Une grande partie de cette population se définissait comme  «macédoniens orthodoxes» en opposition aux Bulgares  «schismatiques» et appelaient leur langue «patois local» (ndopia/ ντόπια).

Les atrocités du « comité bulgare » ont été perpétrées  contre des «orthodoxes» Grecs et slavophones, des musulmans, des roumains, bref de tous ceux qui ne partageaient pas la cause du rattachement à la Bulgarie. Pour que la confusion soit encore plus grande, plusieurs communautés ethniques de la région avaient leurs propres «comités» et donc tous les belligérants portaient tous le nom «komitadjis».

Groupe armé de "komitadjis" (1903-908) posant pour une carte postale d'époque Groupe armé de « komitadjis » (1903-908) posant pour une carte postale d’époque

Cette guerre (1903-1908) étant une guerre de groupes irréguliers dans un territoire d’une grande mixité, il n’était pas toujours possible de distinguer les alliés des ennemis (géométrie variable des alliances) et il a fallu parfois se remettre à Dieu pour «qu’il reconnaisse les siens» (!). Ainsi les récits de ce conflit varient beaucoup selon le point de vue du narrateur.

Drapeau de la "Commune de Krouchevo" de 1903. Y est inscrite la devise "la liberté ou la mort" Drapeau de la « Commune de Krouchevo » de 1903. Y est inscrite la devise « la liberté ou la mort »

Un épisode toutefois remarquable de cette époque, appartenant incontestablement à l’histoire du peuple de la «Macédoine du Nord», est celui de l’éphémère Commune de Krouchevo, en 1903, ville située dans la partie occidentale de la MdN. Cette expérience de fédéralisme républicain radical fut écrasée dans le sang, par les troupes ottomanes, au bout de dix jours. Elle avait accordé la gouvernance de la ville à des conseils représentatifs des différentes communautés ethniques qui la partageaient et fait partie de l’héritage historique du mouvement d’émancipation dans les Balkans.

Évidemment, l’histoire n’est pas un album d’images. Elle est surtout ce que les humains en font. Les conflits passés souvent se téléscopent avec les conflits actuels et futurs et façonnent l’interprétation du monde pour les personnes et les communautés qui y ont participé. Pour les Grecs, le dernier conflit armé où ils ont été impliqués fut le conflit à Chypre, en 1974. Même si Chypre ne fait pas partie des Balkans, mais plutôt du Moyen Orient, les enjeux et les acteurs géopolitiques sont partiellement communs, d’une manière ou d’une autre. Les personnes ayant vécu directement le conflit chypriote ont aujourd’hui 60-70 ans, leurs enfants 30-40.

Le drapeau arborant le soleil à douze branches, mais sur fond bleu, est brandi par des manifestants grecs qui revendiquent "l'hellénicité exclusive" de la Macédoine Le drapeau arborant le soleil à douze branches, mais sur fond bleu, est brandi par des manifestants grecs qui revendiquent « l’hellénicité exclusive » de la Macédoine

Y a-t-il une identité macédonienne ?

Depuis l’auto-proclamation de la «République de Macédoine» en tant qu’État indépendant cette question ne se pose qu’en termes de recherche scientifique rétrospective. Lorsqu’elle fut posée  en termes politiques, les réponses données ont dépendu des parties politiques respectives. Si l’histoire se lit au passé, elle s’écrit toujours au présent.

Je pars du principe que les identités collectives se créent chaque fois que des collectivités s’en réclament. Aujourd’hui la majorité slavophone (66%) des résidents de la «Macédoine du Nord» se réclament d’une identité macédonienne (« Makedonci »). La totalité des résidents de la région «Macédoine» du Nord de la Grèce s’en réclament aussi («Μακεδόνες») en lui accordant un contenu historique et culturel différent. Une partie des résidents du Sud-Est de la Bulgarie pourraient aussi se réclamer  «macédoniens ».

Il faudrait tour à tour relativiser et déconstruire les identifications partisanes, pour en construire d’autres permettant la coopération et le bien vivre ensemble, sans pour autant dénier aux collectivités distinctes de la région le droit de choisir une nomination les désignant et d’en faire usage pour développer leur potentiel économique et culturel.

La création d’une entité étatique sur la base d’un’ identité « macédonienne » pose toutefois la question sur une autre base. La  «République socialiste fédérée de Macédoine», instituée en 1945 après la libération des nazis en tant que partie constituante (avec les 5 autres Républiques) de la République socialiste fédérative de Yougoslavie, puis la  «République de Macédoine» née (après sa sortie par référendum de la Yougoslavie) en tant qu’État indépendant en 1991, sont des États fondés sur la reconnaissance d’une nationalité  «macédonienne» et l’officialisation d’une langue, pour la première fois de l’histoire.

Toutefois, l’identification de l’État à une nation  «macédonienne» n’a lieu qu’en 1989 (encore dans le cadre de la Yougoslavie) par amendement de la Constitution de la République fédérée, déniant aux minorités albanaise et turque le statut de co-fondatrices de la République. Cet amendement a d’ailleurs suscité des troubles sérieux de l’ordre public à l’intérieur. Mais, si la délimitation du périmètre interne de la nationalité pose des questions, celle de son périmètre externe suscite d’autres complications, se heurtant à la méfiance et l’hostilité des pays voisins (Grèce, Bulgarie, voire même Albanie) qui abritent des minorités apparentées et/ou incluent des territoires portant le nom de  «Macédoine». La mémoire des conflits régionaux du 20e siècle est la poudre et toute imprudence pourrait allumer la mèche.

En ce qui concerne la Grèce en particulier, le nom de la  «Macédoine» est associé à l’héritage hellénique de l’Antiquité, partie constituante de l’idéologie de l’État grec, depuis que celui-ci s’est créé au début du 19e siècle en se détachant de l’Empire ottoman par une révolution et une guerre d’indépendance sanglante qui dura 11 ans (1821-1832).

L’équilibre armé entre les 2 super-puissances (USA, URSS) a gelé ce type de tensions dans les Balkans. Pendant la période qui a suivi la fin de la deuxième guerre jusqu’à l’effondrement de l’Union Soviétique, même si les angoisses et frustrations se sont pérennisées, la survenue d’un nouveau conflit armé semblait improbable, chaque pays de la région, y compris la Yougoslavie non-alignée, bénéficiant de la protection potentielle d’une des deux grandes puissances. Il y a eu cependant aussi durant cette période des passes d’armes diplomatiques au sujet du nom de la Macédoine.

En même temps, des conflits beaucoup plus sérieux, aux nombreuses victimes humaines, sont survenus entre la Grèce et la Turquie, toutes les deux membres de l’OTAN.

Manifestation nationaliste en Macédoine du Nord. Le drapeau avec le soleil à douze branche, référence à un symbole du patrimoine archéologique grec, est brandi par les manifestants. Son utilisation est interdite en Macédoine du Nord après la signature de l'accord de Prespa Manifestation nationaliste en Macédoine du Nord. Le drapeau avec le soleil à douze branche, référence à un symbole du patrimoine archéologique grec, est brandi par les manifestants. Son utilisation est interdite en Macédoine du Nord après la signature de l’accord de Prespa

Y a-t-il une minorité « macédonienne » slavophone en Grèce aujourd’hui ?

Suite aux déplacements de populations qui ont accompagné les guerres de 1912, 1913 et 1922, la communauté slavophone de Grèce (hétérogène au départ) s’est beaucoup réduite. Les politiques d’assimilation forcée, appliquées entre 1913 et 1940 ont entravé et réprimé le droit d’expression dans la langue maternelle et mis en place des discriminations. Des politiques d’assimilation forcée ont également été appliquées, à large échelle, en Yougoslavie et Bulgarie royalistes.

En 1945, après la libération de la Yougoslavie, s’est constituée la « République socialiste fédérée de Macédoine » devenue foyer étatique du peuple slave du Sud-Ouest des Balkans. La nouvelle République fédérée est devenue terre d’accueil pour les macédo-slaves discriminés ou persécutés dans les pays frontaliers.

Pendant et après la guerre civile grecque, un grand nombre de slavophones a traversé la frontière pour s’installer en République yougoslave de Macédoine. Des familles ont été séparées. Les biens de celles et ceux qui, dans ce contexte, ont quitté la Grèce ont été expropriés. Qualifiés « d’allogènes » ces réfugiés n’ont jamais obtenu le droit de retour, sauf individuellement et à échelle limitée. Il est difficile de recenser leur nombre car, contrairement aux réfugiés communistes grecs accueillis dans d’autres pays de l’Europe de l’Est, les réfugiés macédo-slaves ont acquis la citoyenneté yougoslave. On estime toutefois leur nombre autour des 30.000.

Après-guerre, l’exode rural et l’émigration vers l’Occident ont davantage réduit la taille de cette communauté et accéléré, dans le premier cas, son assimilation à la société grecque.

Aujourd’hui le groupe slavophone le plus nombreux sur le territoire de la Grèce est celui des Pomaques, musulmans sunnites ou alévites, résidant de Thrace, à environ 300 km (et près de 4 heures de voiture) de la « Macédoine du Nord », totalement indifférents à la question de l’identité « macédonienne » telle qu’elle est posée par Skopje.

Des macédo-slaves (proches culturellement du peuple de « Macédoine du Nord ») il en existe cependant toujours en Grèce. Ils se concentrent dans le département de Florina et les autres départements frontaliers du nord-ouest de la Grèce. Une partie d’entre eux se réclame de l’identité culturelle (à distinguer de la nationalité) macédonienne slave. Lors des élections européennes de 2009 ce courant a présenté la liste « Arc-en-ciel » qui a obtenu 4.530 voix (0,09%), dont 2.594 (5,7%) dans les départements frontaliers. C’est bien peu pour légitimer une revendication d’auto-détermination. Il s’agit en général de personnes bilingues ou simplement hellénophones, socialement intégrées et subissant beaucoup moins de discriminations, depuis l’accès au pouvoir des socialistes du PASOK, en 1981.

Si l’autodétermination n’est point à l’ordre du jour de cette communauté, le respect de ses droits de minorité est une obligation de l’Etat grec qui découle de la « Convention-cadre pour la protection des minorités nationales » du Conseil d’Europe, de 1991.  Cette convention a été co-signée par la Grèce, mais jamais ratifiée par son Parlement. La France et la Turquie ne l’ont jamais signée. La libre utilisation et l’enseignement de la langue maternelle, le droit d’utiliser son nom et patronyme d’origine, le droit d’affichage de la langue locale ou régionale sur les inscriptions publiques sont inscrits dans cette Convention-cadre.

La mise en place de telles conventions internationales a pour but la protection des droits civiques, mais aussi de priver d’arguments toutes interventions d’un pays aux affaires internes d’un autre, sous prétexte de protection d’une minorité. Cette question est renvoyée aux obligations de chaque Etat face à ses citoyen-ne-s et à ses rapports avec la communauté internationale dans son ensemble. Les conventions multilatérales sur les droits individuels ou collectifs visent la stabilité et le maintien de la paix dans le monde.

On doit considérer aujourd’hui comme inacceptable toute influence de la diplomatie bilatérale entre Etats sur le statut des minorités nationales ou religieuses. C’est bien les jeux diplomatiques et les rapports de force entre Etats qui ont occasionné le déracinement forcé et le déplacement de millions de personnes lors du 20e siècle dans les Balkans, et de plusieurs autres millions dans le monde entier. Au détriment de l’égalité et de la laïcité, des conséquences de ces politiques subsistent encore, dans des pays balkaniques, notamment la Grèce. Il est du devoir de la Gauche radicale humaniste de lutter pour leur abolition.

Historiquement favorables aux droits de minorités, les communistes grecs ont souligné combien cela était important pour le maintien de la paix dans la région, citant souvent cet argument lors des procès qui leur ont été infligés dans les années 1930.

En France, malgré l’absence d’autorisation légale, les panneaux bilingues affichant la langue régionale existent maintenant depuis des décennies. Ils sont mis en place par décisions des autorités locales, départementales ou régionales.

Ce n’est pas le cas en Grèce, où les inscriptions bilingues, affichant une langue minoritaire non hellénique, font scandale, alors bien que tout visiteur de la Grèce constatera que toutes les inscriptions sont doubles, écrites  en alphabets grec et latin pour le confort des touristes occidentaux.

L’affichage d’un panneau en langue macédo-slave par « Arc-en-ciel » devant ses locaux à Florina a déclenché, en 1995, l’assaut et le saccage des locaux, par des nationalistes en plein jour. Cette affaire a finalement conduit, en 2005, à la condamnation de la Grèce par la CEDH.

La question de la communauté slavo-macédonienne grecque ne doit pas être posée en fonction de la diplomatie de Etats, ni d’identifications nationalistes. L’enjeu pour cette communauté et le peuple grec sont l’épanouissement économique et culturel, les droits civiques et la justice sociale pour tout-te-s.

Au-delà de ses spécificités culturelles et de son héritage historique, cette communauté partage, avec l’ensemble du peuple grec, les effets de la crise, ressentis avec une intensité particulière dans plusieurs zones périphériques, notamment du Nord de la Grèce. Le développement de la vie économique et culturelle locale, à travers la vie associative, les coopératives, l’économie sociale et solidaire, est la seule voie pour le bien vivre ensemble et la disparition des anciennes rancunes et hostilités. La contribution des autorités régionales et municipales devrait être substantielle pour la réalisation de ces objectifs.

Malheureusement, les réformes des collectivités territoriales, imposées d’en haut (notamment par l’UE et le FMI) et les restrictions drastiques de leurs budgets ont rendu ce travail mission impossible. Alors que, les privatisations, la réduction des services publics de proximité et l’imposition lourde des paysans, mis en place par le gouvernement Tsipras, accentue la souffrance économique et sociale de ces populations.

Macédo-slaves et communistes grecs: des liaisons dangereuses historiques et leurs conséquences à long terme

Aux débuts du 20e siècle, moment de naissance du mouvement ouvrier en Grèce, la Fédération socialiste juive de Thessalonique fut co-fondatrice, les guerres nationalistes de 1903-1922, et l’inclusion consécutive des provinces du Nord dans le territoire national de la Grèce, ont été perçus comme hostiles à la classe ouvrière et au vivre ensemble des communautés locales et dénoncés.

Cette position «internationaliste» s’est régulièrement exprimée pendant les premières années de l’histoire du Parti Communiste de Grèce (KKE) et a donné lieu lors du 3e Congrès de novembre 1924, en écho aux projets de révolution prolétarienne dans l’ensemble des Balkans de l’Internationale Communiste, à la déclaration en faveur «d’une Macédoine unifiée et indépendante».

Cette position ne prenait pas en compte les modifications de la démographie en Macédoine grecque, suite aux «échanges de populations», déplacements forcés suite aux accords avec la Turquie et la Bulgarie. On ne peut que déplorer et dénoncer ces politiques d’Etat de l’époque, mais elles ont cependant créé une réalité. La position de 1924 du PC a contribué à limiter son influence parmi les couches populaires, notamment rurales, de manière qu’elle soit longtemps restée bien en deçà du brillant résultat de 13%, obtenu lors de sa première participation (1920) aux élections générales.

Il a fallu attendre l’occupation nazie et la constitution du «Front de Libération Nationale – EAM» pour que l’influence du PC sur la vie politique grecque devienne déterminante. La position du PC (KKE) sur la question dite «macédonienne» fut le prétexte de la persécution de ses militants pendant des années et de l’instauration des lois anticommunistes entre les deux grandes guerres.

Cette position, qualifiée des décennies après par le Parti comme «erreur historique», s’est progressivement effacée pendant les années 1930. Elle a été remplacée, lors du 6e Congrès de 1935, par celle de «la lutte pour la défense des droits et le traitement équitable de toutes les minorités ethniques». À ce moment, le PC (KKE), appliquant la ligne de l’Internationale de « la plus large unité dans la lutte contre le fascisme », dite du «Front Populaire» s’orientait vers une possible alliance avec le Parti Libéral vénizéliste, bourgeois et nationaliste. Ce projet est resté sur le papier, n’empêchant pas l’installation en 1936 du régime fasciste de Métaxas, dit «régime du 4 août», qui redoubla d’intensité les persécutions des opposants, particulièrement des communistes, et les politiques discriminatoires à l’égard des minorités.

Pendant la deuxième guerre mondiale et l’occupation nazie de la Grèce (1941-1944), alors qu’en Grèce (comme en Yougoslavie) un ample mouvement de résistance, animé par le Parti Communiste et des forces démocratiques, libérait une grande partie des régions rurales, la question dite «macédonienne» fut effleurée par les directions des résistances communistes des Balkans (Grèce, Yougoslavie, Bulgarie) et les gouvernements des puissances alliées lors de certains pourparlers. Toutefois, l’option privilégiée de toutes parts (y compris de l’Union Soviétique) fut le respect des frontières des États, telles qu’elles étaient tracées avant 1940.

La question « macédonienne » est remise à l’ordre du jour pendant la 2e étape (1946-1949) de la guerre civile grecque. La stratégie de l’insurrection armée, menée par le PC (KKE) et l’Armée Républicaine de Grèce (DSE), changea deux fois le long de ce conflit. Au départ riposte défensive face aux persécutions («terreur blanche») que la Droite infligeait aux résistants, l’insurrection fut par la suite pensée comme moyen de pression sur le gouvernement d’Athènes, puis moyen pour constituer un territoire «libéré» susceptible de peser sur l’échiquier international.

Dans ce contexte précis, la question «macédonienne» s’afficha de nouveau comme paramètre. En effet, dès 1946, plusieurs combattants slavophones, subissant les mêmes persécutions que les résistants communistes grecs, avaient rejoint  l’Armée Républicaine.

Les populations slavophones de Grèce, surreprésentées dans les territoires contrôlés par l’insurrection, fournissaient à la fin de la guerre civile le quart de contingents de l’Armée Républicaine. Nombre de ces combattants se réclamaient d’une identité «slavo-macédonienne» et réclamaient pour la minorité l’autodétermination, ou son rattachement à la Yougoslavie socialiste. Pour converger avec ces aspirations, le Parti Communiste de Grèce s’est déclaré, par décision de la 5e plénière du Comité Central en 1949, favorable «au droit à l’autodétermination» sans pour autant cautionner ni même mentionner une quelconque sécession territoriale, comme il s’en est par la suite justifié.

L’intégration des combattants slavophones dans l’Armée Républicaine ne fut pas très simple. Leur transfert vers des théâtres d’opérations éloignés des terres d’origine, des discriminations pour l’accès aux grades et aux postes de commandement, les incitations à ne pas utiliser la langue maternelle, les différences culturelles et les divergences d’objectifs, installèrent du mécontentement et une certaine méfiance de part et d’autre. Dans un contexte de lutte armée de telles tensions peuvent prendre parfois des formes violentes.

À partir de 1948, le conflit entre les directions de l’URSS et de la Yougoslavie compliqua davantage la situation. Le Parti Communiste de Grèce s’étant aligné sur les positions de Moscou, l’ancien allié yougoslave devint un adversaire, ce qui précipita la défaite de l’Armée Républicaine et la fin de la guerre civile en Grèce, en 1949. Des slavophones soupçonnés de «titisme» connurent un mauvais sort. Pour faire diversion au «titisme», le Parti Communiste de Grèce encouragea, 5 mois avant la fin de la guerre civile, la création de «l’Organisation Communiste de la Macédoine de la mer Égée – KOEM», slavophone et anti-titiste, placée sous contrôle de la direction du KKE.

Paradoxalement, la décision de la 5e plénière sur «l’autodétermination» et la création de la KOEM ciblait la direction communiste yougoslave, qui avait elle-même institué une «République de Macédoine», établissant un peuple dans un territoire. Belgrade fut donc bien agacée par la manœuvre mais la direction communiste bulgare, non informée du sens de cette politique du KKE, le fut également.

Mais c’est surtout à Athènes (et chez ses alliés occidentaux) que cette décision fut violemment dénoncée, qualifiée de trahison et de complot «contre l’intégrité de la nation». Une position rapidement abandonnée par le Parti, non sans avoir provoqué de grands dégâts. Ainsi la classe politique bourgeoise de la Grèce, la Droite en particulier, se saisirent de l’occasion pour établir dans leur propagande l’équation suivante : «communistes = partisans  = slavophones = sécessionnistes = traîtres = bandits = Bulgares, etc.». Des échos de ce discours se font entendre encore aujourd’hui, notamment du côté de l’ultra-droite.

Il en fallait beaucoup moins, en période de guerre froide, pour justifier des vagues successives de répression féroce et toutes sortes de discriminations. Elles furent dirigées contre les communistes bien entendu, les slavophones également, mais aussi contre les démocrates de Gauche, les militants pacifistes et quiconque pouvait être soupçonné d’être «un compagnon de route des communistes», concept-accordéon justifiant toutes sortes d’atteintes aux droits civiques et à la Démocratie.

La loi de bannissement du Parti Communiste (loi 509/47, abrogée en 1974) mentionnait le crime «de conspiration contre l’intégrité du territoire national», criminalisait les opinions politiques, prévoyait la peine de mort pour les délits politiques, instaurait la compétence des tribunaux militaires pour ces délits. Elle fut votée suite à la déclaration, lors du Congrès du PCF à Strasbourg, en 1947, du représentant du PC de Grèce que «suite à l’intransigeance des forces réactionnaires locales et internationales, la seule option disponible est la création d’une Grèce libérée avec son propre gouvernement», projet que l’Armée Républicaine a tenté, sans succès final, de mettre  en place. Mais, c’était la prise de position du KKE, en 1949, sur la question «macédonienne» (amalgame accessible au citoyen lambda) qui était a posteriori évoquée pour justifier ce «droit» d’exception et de terreur.

Aussi, un état d’urgence permanent s’appliquait en Grèce du Nord suite à l’instauration légale d’une «zone de surveillance renforcée» depuis la frontière nord jusqu’à 50 km en deçà. En tenant compte que la distance moyenne de la mer à la frontière nord, ainsi celle de Thessalonique, deuxième ville du pays à la frontière étant de 80 km, on voit bien l’étendue proportionnelle de cette  zone d’exception.

Ce statut exceptionnel pour une partie du territoire a été instauré en 1936 par le régime fasciste du «4 août» de Métaxas et a commencé à être abrogé, parcelle après parcelle, en 1974 après la chute de la dictature des colonels, pour disparaître complètement seulement en 1995 sous le gouvernement PASOK.

Dans cette zone la gendarmerie (instrument de répression politique et sociale, dissoute par premier gouvernement du PASOK en 1984) mais aussi des «milices citoyennes» auto-constituées exerçaient des pouvoirs de contrôle et de répression, au détriment des droits civiques comme on les conçoit dans une Démocratie. Cette ambiance, répressive et d’intolérance, favorisa la création en Grèce du Nord de groupuscules d’extrême droite, à vocation volontiers délictueuse, dont on peut voir les œuvres dans le film «Z» de Costa Gavras.

Les lacs de Prespa sont la frontière naturelle entre la Grèce, la MdN et l'Albanie. Ce paysage, d'une rare beauté, fut souvent le théâtre d'épisodes militaires Les lacs de Prespa sont la frontière naturelle entre la Grèce, la MdN et l’Albanie. Ce paysage, d’une rare beauté, fut souvent le théâtre d’épisodes militaires

 

Quel est l’enjeu et les conséquences du conflit autour du nom de la Macédoine, quel était l’enjeu de l’accord de Prespa ?

La Grèce, comme l’ensemble des membres de l’ONU, a reconnu la « Macédoine du Nord » comme Etat-membre. Le différend porte sur le nom sous lequel cet Etat figurerait dans les organismes internationaux. Quel que soit le nom porté, cet Etat entretient, depuis les «accords pour le rétablissement de la confiance» de 1995,  des relations avec la Grèce, y compris l’octroi de facilitations importantes pour le transit des marchandises et l’utilisation du port de Thessalonique. L’accord de 1995 a permis l’échange d’autorités diplomatiques (« bureaux diplomatiques ») même si ces délégations n’avaient pas jusqu’ici le statut d’ambassades ou de consulats.

Par ailleurs, la « Macédoine du Nord »  possède un consulat ou une ambassade dans 38 États étrangers et elle entretient des relations diplomatiques avec 167 États. Elle est membre de nombreuses organisations internationales, comme le Conseil de l’Europe, la Banque des règlements internationaux, le FAO, Interpol, l’Unesco ou encore l’Organisation internationale de la francophonie.

Dans un contexte géopolitique d’implosion de l’ancienne Yougoslavie, de montée des nationalismes et irrédentismes, des interventions militaires de l’OTAN en Yougoslavie, le refus de la Grèce, jusqu’au 25/01/2019 (jour de la ratification de l’accord de Prespa) de reconnaître à cet Etat la liberté de se nommer « République de Macédoine » avait pour cause la crainte des partis au gouvernement (Nouvelle Démocratie, PASOK) des retombées politiques intérieures qu’aurait l’acceptation du nom dont le pays voisin s’était doté dans sa Constitution, dont le texte comportait des formules à caractère irrédentiste. Ceci concernait surtout la référence faite à un « peuple macédonien vivant hors des frontières de l’Etat », énoncé pouvant servir d’appui pour des revendications territoriales au détriment des pays voisins (Grèce, Bulgarie, Albanie, Serbie).

Il existe, en effet, une diaspora  «macédonienne» importante mais elle est surtout présente hors des Balkans, en Australie en particulier, souvent acquise aux positions ultra-nationalistes. La présence dans le texte constitutionnel de la formulation «peuple national hors des frontières» pour qualifier les personnes émigrées (et leur descendance)  était très problématique. Imaginons la réaction de la France si un quelconque pays (État espagnol, Italie, Portugal, Pologne, Algérie, Tunisie, etc.) se revendiquait dans sa Constitution représentant et porte-parole légitime de ses citoyens émigrés et de leur descendance.

Une majorité de Grecs considère surtout que l’utilisation par l’État appelé aujourd’hui «Macédoine du Nord» de noms, insignes, références historiques appartenant à la Grèce antique est une usurpation d’identité, qui au-delà de leur hypothétique utilisation géopolitique, porte atteinte aux droits commerciaux de la Grèce en matière d’appellations d’origine, de tourisme et de culture.

Mon commentaire personnel est que le goût immodéré des dirigeants de la MdN, et de leurs sous-traitants commerciaux, pour le kitsch, nuit juste à notre culture et esthétique communes. Mais encore que, monuments bling-bling d’Alexandre, bâtiments publics de taille démesurée (pour lesquels on n’arrive pas à trouver les services publics à y loger) reproduisant de manière ratée le style de l’Antiquité, grandes fiestas pour célébrer la parenté (par Alexandre interposé) de l’État balkanique avec … l’Égypte pharaonique, sont aussi des atteintes à la décence, dans un pays où sévissent la pauvreté et le chômage.

La politique de sanctions imposées par la Grèce à son voisin pendant les années 1991-1995, culminant à un embargo d’un an et demi, imposé en dépit des règles de libre circulation, dont l’UE a été obligée de prendre acte. Les conséquences de l’embargo furent endossées davantage par le peuple que par l’oligarchie locale, mais elles ont contraint ses dirigeants de réduire la voilure de leurs ambitions et de signer l’accord « intérimaire » de 1995.

Ainsi la MdN (à l’époque ARYM) a accepté d’abroger les formulations irrédentistes de sa Constitution. La concession accordée, la plus visible, fut le changement du drapeau. Le premier drapeau de la République arborait, sur fond rouge, le soleil à douze branches, motif décoratif incrusté sur un coffret découvert dans une tombe ancienne, attribuée à la dynastie royale de la Macédoine antique, située près du village grec de Vergina, à plus de 200 km (et 3 heures de voiture) de la frontière. Le drapeau actuel porte un soleil doré à huit branches sur fond rouge mais le nouveau graphisme exclut tout amalgame visuel.

Le levier de pression utilisé par la Grèce sur de son voisin du Nord pour lui faire accepter de changer son nom « constitutionnel » fut de 1995 à 2018 le véto opposé à son adhésion à l’OTAN et à l’UE. Accessoirement ce fut un moyen de pression sur l’UE et l’OTAN, avéré toutefois d’efficacité négligeable.

Mentionnons que la MdN se porta plaignante contre la Grèce devant la Cour internationale de Justice en 2008 pour violation de l’accord de 1995, alléguant que la Grèce s’était opposée à son adhésion à l’OTAN, lors du sommet de Bucarest de la même année. La Cour, par son arrêté de 2011, donne raison à la MdN, l’effet de cette décision reste toutefois seulement déclaratif. Une simple lecture de l’arrêté de la Cour dévoile la faiblesse de l’accord de 1995 (susceptible à interprétation variable comme celui de 2018) pour parer à la mauvaise foi éventuelle des parties contractantes.

On apprend cependant que l’unique fois qu’une juridiction internationale a été saisie, c’était pour se prononcer sur ce qui se révèle le principal enjeu de la discorde : l’adhésion de la « Macédoine du Nord » à l’OTAN !

La principale conséquence du statu quo préalable à la signature de l’accord de Prespa serait donc le report de son adhésion à l’UE et à l’OTAN. S’agirait-il là d’un préjudice pour le peuple de la «Macédoine du Nord», pour la paix et la coopération dans la région ? Personnellement, je ne le crois pas.

Je ne crois pas que la future appartenance annoncée de ce pays à l’UE et à l’OTAN soit un facteur de stabilisation de sa politique interne et de son intégrité territoriale, ni une garantie de sa bienveillance vis-à-vis de se voisins. Le cas de la Turquie, membre de l’OTAN, démontre tout le contraire.

Je pense, au contraire, que la diminution du chômage en MdN (aujourd’hui proche de 22%) et la hausse des revenus des salarié-e-s (salaire net médian 403 €, salaire médian net corrigé 1205 €, des plus bas en Europe et dans les Balkans) garantiraient davantage la stabilité du pays et de la région (ce même constat s’appliquant pour les pays voisins),  pour répondre à l’argument mis en avant par les défenseurs de l’accord de Prespa. Car l’histoire et l’expérience récente démontrent que la montée des nationalismes et du risque de conflits armés accompagnent en général la précarisation et la paupérisation des classes populaires.

Si on observe l’écart entre les salaires nominatifs et le chiffre corrigé sur le coût de la vie en MdN, on peut assez facilement prévoir quel sera l’effet désastreux de l’adhésion du pays à l’UE, suite à l’augmentation des prix et la vague de privatisations que cette adhésion va engendrer. Des privatisations outrancières sont d’ailleurs en route depuis plusieurs années dans ce pays, comme dénonce la formation politique  «Levica» (La Gauche), issue de la convergence de plusieurs groupes de Gauche radicale, qui s’oppose fermement à l’adhésion à l’UE et à l’OTAN, et par conséquent adopte une position très critique face à l’accord de Prespa, et met le poids de sa campagne sur d’autres sujets que le nom du pays.

Les forces de Gauche radicale, de part et d’autre de la frontière, la Gauche radicale grecque et le parti macédonien « La Gauche » (Levica),  ont raison de voir derrière la signature de cet accord les manœuvres stratégiques des USA et de l’OTAN, dangereuses pour la paix régionale et mondiale dans le contexte géopolitique actuel.

La précipitation pour la conclusion d’un accord entre la Grèce et la « Macédoine du Nord » est manifeste, à la lecture des procédures prévues d’être mises en place dès maintenant. En fait, selon le secrétaire général de l’Alliance, la procédure de l’intégration de la MdN à l’OTAN devraient aboutir d’ici fin 2019. Connaissant que cette adhésion devrait préalablement obtenir sa ratification par les Parlements des 29 Etats-membres, on est en droit de s’interroger sur les motivations de cette hâte.

Il faut donc se rappeler que le retrait des USA de la Syrie, les rivalités avec la Russie et l’ambivalence de la Turquie créent le besoin pour les USA de revaloriser leur position dans les Balkans. La remise en question par Washington du « Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire » de 1987 a de quoi inquiéter les peuples des Balkans et de la Méditerranée Orientale. L’expansion de l’OTAN dans les Balkans n’est pas anodine mais pourrait s’intégrer dans un scénario militaire aux effets potentiellement désastreux.

Il faut aussi bien se rendre compte que l’adhésion de la MdN à l’OTAN sera une procédure à sens unique. Qui pourrait imaginer un possible retrait unilatéral de l’Alliance d’un pays de 2 millions d’habitants, quand bien même la majorité de ses électeurs le souhaiterait ? C’est le même piège qui s’est refermé sur le Monténégro (630.000 habitants) en 2017.

L’adhésion de la MdN à l’Union Européenne se fera par une procédure beaucoup plus longue et laborieuse. Ce n’est pas le véto grec qui a véritablement freiné cette adhésion, mais des décalages importants du pays par rapport à la « moyenne européenne », mis en avant par d’autres Etats-membres réticents à cette adhésion. Il ne s’agit pas pour l’Occident d’une urgence de la même nature, d’autant plus la pénétration du pays par les capitalistes occidentaux (y compris les capitalistes grecs) continuera à se faire tranquillement pendant toute la durée nécessaire des négociations avec l’UE.

En ce qui concerne l’apaisement entre les 2 pays, et plus largement entre les pays de la région, l’accord apporte peu de choses. Une bonne partie des rapports entre les 2 pays était déjà réglée par l’accord de 1995. Nous avons vu  que la bonne application de l’accord de 1995 était fonction des gouvernements élus et du climat politique dans chaque pays en général. Nous avons constaté l’impuissance de la Cour Internationale d’intervenir lorsque cet accord était transgressé par l’une ou l’autre partie. Ce même schéma vaudra pour l’accord de 2018 qui, hormis les dispositions qui ont trait au nom de la République voisine de la Grèce, est de structure similaire que celui de 1995.

L’accord sera donc bien ou mal appliqué en fonction du climat politique, déjà bien dégradé des deux côtés de la frontière à cause des frustrations et des exaltations nationalistes générés par son imposition « par en haut ». Mais encore, dans le voisinage géopolitique, l’agacement exprimé par la Bulgarie (membre de l’OTAN aussi) face à certains aspects de l’accord, renvoie aux vieilles querelles balkaniques et trouble la béatitude des défenseurs du traité de Prespa.

Vue de Skopje avec en arrière plan le drapeau officiel de la MdN et la statue d'Alexandre. L'accord de Prespa prévoit la suppression en MdN de monuments se référant au patrimoine historique de la Grèce. Vue de Skopje avec en arrière plan le drapeau officiel de la MdN et la statue d’Alexandre. L’accord de Prespa prévoit la suppression en MdN de monuments se référant au patrimoine historique de la Grèce.

Quelles sont les positions des partis de la Gauche Radicale grecque ?

Avant de continuer, délimitons d’abord cet espace politique. Pour moi SYRIZA, le parti au pouvoir en Grèce, doit en être exclu, et même son classement dans la Gauche est devenu très problématique depuis août 2015. Pilier et promoteur des politiques néolibérales, ce parti est depuis autant à Gauche que le PS français. En revanche, sont à classer dans la Gauche Radicale grecque les groupes et personnalités qui se sont séparés à ce moment de SYRIZA. Parmi ceux-là, la formation « Unité Populaire » est la force la plus importante. Dans la Gauche radicale grecque j’inclus l’actuel Parti Communiste de Grèce –KKE – le seul de la Gauche représenté au Parlement avec 5,55% de voix, l’Alliance Anticapitaliste « ANTARSYA » et quelques plus petits groupes d’extrême Gauche. Les libertaires/anarchistes ne se définissent pas comme « gauche radicale » mais je les inclus car on les retrouve parfois dans des mobilisations communes avec les autres courants.

Plusieurs thématiques, convergentes ou antithétiques déterminent les positions des forces de la Gauche Radicale grecque en matière de politique internationale : la défiance vis-à-vis de tous les gouvernements grecs en place depuis 2009 à ce jour, la défiance vis-à-vis des puissances occidentales et des organismes internationaux, l’antiaméricanisme et le sentiment anti-OTAN, la défiance face à toutes les puissances pour certains courants,  le passif de la gauche communiste et post-communiste au sujet de la question dite « macédonienne », le soutien aux luttes pour l’auto-détermination des peuples, l’internationalisme, la défiance face au nationalisme et l’extrême droite, l’antifascisme, l’antimilitarisme, etc.

Certaines thématiques qui accentuent la lutte contre les grandes puissances étrangères et pour l’indépendance nationale  pourraient être partagées par des secteurs conservateurs, voire réactionnaires, de la société. Souvent des pays voisins de la Grèce sont ciblés, à tort ou à raison, par la rhétorique « anti-impérialiste ». La continuité chronologique et logique de la dictature (soutenue par les USA) et la crise gréco-turque des années 1970 fournit la trame et le paradigme pour une telle association, parfois arbitraire. Les rhétoriques de vague dénonciation des « puissances étrangères » (faisant l’impasse sur le sens premier de « puissance = Etat » pourtant propre à la langue grecque) sont présentes dans les grands rassemblements nationalistes sur « l’hellénicité (exclusive) de la Macédoine ».

Celles et ceux qui dans leur discours ciblent précisément les USA et l’OTAN sont davantage les héritiers des luttes démocratiques, antifascistes et anti-impérialistes. Toutefois il existe un vif débat sur les rapports entre la classe dominante grecque et l’impérialisme des grands Etats, qui détermine le choix des alliés potentiels dans la lutte.

Les courants qui ciblent prioritairement l’extrême Droite autochtone et la xénophobie pourraient même parfois faire preuve de tolérance excessive face  au gouvernement social-libéral SYRIZA qui pourtant, en se rapprochant avec les USA, l’OTAN, l’Etat sioniste d’Israël et la dictature égyptienne, en cautionnant l’accord de refoulement des réfugiés vers la Turquie, n’est pas vraiment antifasciste.

Le Parti Communiste de Grèce (KKE) dénonce l’accord de Prespa, fomenté par l’OTAN, entérinant la soumission des Balkans aux USA, faisant courir des risques pour la paix dans la région. Se déclarant fidèle à l’internationalisme, le KKE défend une coopération des peuples des Balkans en dehors des alliances militaires. Il déclare que la question du nom de l’Etat voisin de la Grèce lui est indifférente.  Il dénonce le nationalisme et la xénophobie. Revenant sur les positions de 1924 et 1949, le KKE déclare « qu’il n’y a pas de minorité macédo-slave en Grèce » et dénonce même « Arc-en-Ciel » comme colporteur des plans des puissances impérialistes. Je dirai que, certes « Arc-en-Ciel » par son discours politique et ses alliances fait partie du bloc néo-libéral et pas de la Gauche, mais que cela ne justifie pas la négation de l’existence de la communauté que ce parti prétend représenter.

La formation « Unité Populaire »  (Laïki Enotita) dénonce aussi l’accord de Prespa, et notamment le projet d’expansion de l’OTAN dans les Balkans que cet accord vient servir. « Unité Populaire »  dénonce le nationalisme, la xénophobie et l’extrême Droite. « Unité Populaire » admet l’existence d’une minorité macédo-slave en Grèce mais s’oppose à tout irrédentisme. A l’intérieur d’UP, constituée comme un front commun d’autres organisations et de courants constitués, certaines positions varient selon le positionnement le long d’un spectre allant de « l’internationalisme ouvrier » au « front populaire patriotique».

Pour les partis et groupes de la Gauche Radicale grecque les questions posées sont de théorie politique mais aussi pratiques : quelle conduite à tenir face aux rassemblements nationalistes ?

Faut-il y participer, faut-il organiser des rassemblements séparés contre la politique étrangère de Tsipras, faut-il rester chez soi, organiser des contre-manifestations ?

Les réponses apportées varient en fonction des positions idéologiques mais aussi du poids numérique de chaque groupe et de ses possibles alliances. Il y a peu d’intérêt de citer tous les groupes mais notons que même les libertaires/anarchistes, qu’on placerait à l’extrême bout du spectre n’ont tous la même position face aux questions ci-dessus.

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Quel avenir après la ratification de l’accord de Prespa ?

L’accord de Prespa vient d’être ratifié (25/01/19) au Parlement grec à 153 voix contre 146 et une abstention, suite à des remaniements de la majorité gouvernementale obtenus par la cooptation de députés et l’éclatement de petits partis. Cette faible majorité, combinée à la désapprobation de l’opinion publique et les grandes manifestations de rue, apporte une légitimité insuffisante à l’accord.

De l’autre côté de la frontière la majorité parlementaire pour la ratification a été obtenue par des tambouilles du même acabit, ou pires, des accusations directes de rachat de voix de députés ayant été énoncées publiquement. Toujours dans le cadre de la « Macédoine du Nord », le référendum (déclaré non mandatoire par le gouvernement qui l’avait convoqué) a obtenu à peine 37% de participation, suite aux appels au boycott de l’opposition et du président de la République.

En Grèce, l’opposition de Droite (Nouvelle Démocratie) a déclaré, tout de suite après le résultat du vote parlementaire, qu’elle n’avait pas l’intention d’appliquer l’accord à la lettre, au cas de son éventuel futur accès au pouvoir, notamment en ce qui concernait la levée du véto sur l’intégration de la « Macédoine du Nord » à l’Union européenne. Il s’agit de la part du parti de Droite d’une pantalonnade gratuite. Comme nous avons analysé, l’urgence pour le bloc des puissances occidentales n’est pas l’intégration de la MdN à l’UE mais son adhésion à l’OTAN. Cela n’est pas remis en question par « Nouvelle Démocratie ». Le report de l’adhésion à l’UE pourrait même arranger lesdites puissances qui auraient ainsi plus temps pour privatiser et racheter complètement l’économie de la MdN. De même, le président des « Grecs Indépendants » (parti de Droite récemment sorti du gouvernement SYRIZA) en ciblant l’UE comme étant à la manœuvre de l’accord ment sciemment. Toute la classe politique grecque, de la Droite à SYRIZA, cautionne l’expansion de l’OTAN dans les Balkans, permis par cet accord. Il en est de même de la classe politique européenne, du gouvernement des Etats-Unis et de tous les médias et ONG qui convergent avec leurs objectifs.

La manière précipitée, avec laquelle cet accord a été préparé et mis en place, a soulevé des tollés de protestations et manifestations massives dans les deux pays concernés, Grèce et Macédoine du Nord, pour des bonnes et des mauvaises raisons. Ces mouvements sont les graines de futures difficultés pour l’application de l’accord. Ils semblent que les vieux démons des Balkans ont été chatouillés.

L’avenir géopolitique des Balkans est loin d’être réglé. Le présent n’est pas plus apaisé après la ratification de l’accord de Prespa.

Lire aussi :

« Tsipras acheté » La rubrique de Panagiotis Grigoriou

Panagiotis Grigoriou est Ethnologue et historien, chroniqueur, analyste, initiateur d’un concept de tourisme alternatif et solidaire en Grèce. Le regard de l’historien et de l’anthropologue sur l’actualité et le vécu de la crise grecque. Il évoque plus particulièrement l’accord macédonien.

« Tsipras acheté »

L’heure du bilan, on y est presque. Bilan provisoire, déjà lourd. Le grand rassemblement populaire du dimanche violemment dispersé, d’après un plan on dirait désuet mais qui se répète cependant sans cesse au gré… des besoins primaires de la caste des mondialisateurs et assimilés qui nous gouvernent. Le grand jeu de chaises musicales au “Parlement” est en cours afin de permettre la ratification de l’accord macédonien de Tsípras, les petits partis sont pulvérisés puisqu’ils n’ont plus suffisamment de députés pour former un groupe parlementaire. Peu importe, c’est leur rôle qui prend fin. Les soi-disant casseurs et les Aubedoriens qui n’ont pas été du reste auront de leur côté “travaillé” sur le terrain ; lorsque les politiciens lobbyistes auront parachevé leur forfait: faire régner la peur, l’amertume, voire l’impuissance. Bûches brulées, pays sur les braises.

Dispersion du rassemblement, photo de Kostís Ntantámis. Presse du 20 janvier

Des élus qui lâchent leurs petits partis pour se ranger derrière SYRIZA devenu de fait minoritaire si l’on considère que ses propres députés, voilà pour l’actualité des pantins engagées. Thanássis Papachristópoulos, élu du parti des Grecs Indépendants qui se dit certes dégouté et annonce sa démission… seulement après avoir d’abord voté en faveur de l’accord… étranges motivations se disent ainsi certains à Athènes. Et depuis dimanche, ces Images du rassemblement populaire et de son histoire immédiate, comme celles réalisées par le reporteur Kostís Ntantámis, pigiste pour l’agence Sputnik, il a été blessé au cours de la manifestation et transporté à l’hôpital, son équipement lui a été volé. D’après l’Union des photojournalistes de Grèce, l’attaque contre les journalistes photos lors de la manifestation à Athènes a été “préméditée”, ces derniers “étant les cibles des agresseurs”.

Autre agression violente, celle du reporteur et documentariste Thomas Jacobi correspondant de la Croix ; il est entre autres le réalisateur d’un film documentaire sur l’Aube dorée et d’après ses déclarations, il avait été reconnu par des Aubedoriens sur place. “On aurait dû mettre nos casques et masques de protection, se désole la journaliste Angélique Kouroúnis, en poste à Athènes” peut-on lire à travers le reportage.

Les organisateurs du rassemblement ont publié certaines photos des dits casseurs, et ce qu’il faut retenir déjà, c’est que la presse, surtout internationale elle aura encore une fois donné comme image dominante, celle des casseurs et des agresseurs néonazis ou pas, tous réels comme autant fabriqués, sauf que l’essentiel réside ailleurs. Répétons-le, l’accord que Tsípras et sa bande déjà politiquement mafieuse imposent de la sorte par ce Putsch, viole d’emblée la Constitution, autant que l’esprit et la lettre des supposées institutions du très présumé régime démocratique. Andréas Dimitrópoulos, universitaire constitutionnaliste à la faculté d’Athènes joint par les journalistes de la radio 90.1 FM mardi matin 22 janvier, a dressé toute la liste des violations, article par article.

Rassemblement à Sýntagma. Athènes, le 20 janvier 2019
Casseurs et assimilés vus près de Sýntagma. Athènes, le 20 janvier (presse grecque)
La dispersion du rassemblent. Athènes, 20 janvier (presse grecque)

Et quant au procédé utilisé, voilà que la composition du Parlement issu des élections de septembre 2015, pour ce qui est des partis et des équilibres, elle n’est plus, et à la radio… en ce même mardi matin, le journaliste Yórgos Trángas sur 90.1 FM évoque avec amertume: “ces possibles millions de dollars ou d’euros versés du côté d’Athènes par les Puissances et par les lobbys à la Soros, justement pour faire passer cet accord. Ainsi, Tsípras est trop pressé pour parachever le travail et cela se voit trop, peut-être, que les valises sont déjà arrivées. Kamménos se montre furieux mais il est sans doute trop tard pour lui.”

“Un soir j’étais invité chez Kamménos, du temps où il était encore Ministre de la Défense. Je lui pose alors directement la question: ‘Quand bon sang quitteras-tu ce gouvernement dont la politique est si manifestement contraire aux intérêts fondamentaux du pays, rien qu’à travers le dossier macédonien ?’ Réponse de Kamménos: ‘Lorsque les États-Unis et Israël me donneront le signal.’ Je ne peux pas en dire davantage tant que je me trouve sur le sol… mouvant grec, chers auditeurs.”

“Sauf que la trahison finira par même étrangler Tsípras. Certes, le système des Puissances essayera à faire renaître le bipartisme grec, entre SYRIZA/PASOK et la Nouvelle Démocratie, pourtant, ce plan ne fonctionnera pas. SYRIZA retournera pratiquement et à terme à ses pourcentages des années 2000, et alors, un grand parti et mouvement patriotique finira par naître et il accédera même au pouvoir. Il ne faut pas se leurrer, nos seuls alliés sont les alliés de la Deuxième Guerre mondiale, à savoir, les Américains et les Anglais, et nous devons les convaincre davantage, tandis que les Allemands ont été toujours des ennemis de la Grèce”, 90.1 FM, zone matinale du 21 janvier 2019.

Parmi mes amis, il y en a qui trouvent ces analyses publiques fort insupportables, étant donné que dans la mesure où elles peuvent être vraies, elles ne provoquent pas une réaction collective, disons saine et salvatrice. Des auditeurs de l’émission de Trángas lui adressent ainsi leurs messages très nombreux, exprimant en somme toute l’agonie ontologique et nationale alors lente et terrible:

“Nous sommes paralysés, eh bien… que fait-elle la Justice ? Et que fait-elle enfin notre Armée ? Ces crimes des politiciens finiront par faire de nous des assassins”, message d’une femme en colère lu en direct, radio 90.1 FM. Mon ami M. prend parfois ses distances et pour ce faire, il se retire pour quelques jours auprès les moines du Mont Athos. “C’est d’une autre vérité, c’est un monde réel, alors insoupçonnable depuis notre quotidien factice”, me dit-il, après m’avoir envoyé ses photos du Mont Athos que je publie ici avec son autorisation.

Athènes, le 20 janvier 2019
Animaux adespotes au Mont Athos. Janvier 2019

Et du côté de l’autre monde, le nôtre, le journaliste Trángas poursuit dans son élan durant cette matinée du 22 janvier 20919: “Tsípras est un agent de Soros, et il l’a d’ailleurs rencontré plusieurs fois via Varoufákis, Tsípras est autant la marionnette, le Premier ministre Quisling de Merkel, et quant à Soros, il a placé ses agents à la fois chez Tsípras que chez Mitsotákis. Du temps où Kamménos était au Ministère, il avait conçu sa propre agence de renseignements, espionnant Tsípras, SYRIZA et surtout Kotziás le très compatible Soros au Ministère des Affaires Étrangères démissionné depuis peu. Kotziás a fait de même depuis son Ministère à l’encontre de Kamménos, sauf que Kamménos en sait davantage sur les Syrizístes que ces derniers sur lui. Cela promet !” Info ou alors intox, et pourquoi donc de tels propos publiquement tenus n’éveillent pas, si ce n’est que la simple curiosité de la Justice ?

En effet, Kamménos a publiquement déclaré “que l’accord Macédonien n’a pas été imposé par les États-Unis, j’ai posé directement la question à ceux de l’administration Trump car je les connais et je suis un ami des États-Unis, non, pour que cet accord passe, c’est Merkel et l’Europe qui pressent. Et je dirais même que l’accord est même capable de dynamiter les accords de Yalta relatifs aux Balkans, et je vous le dis, cela va mal se terminer, peut-être dans un bain de sang”, médias grecs du 22 janvier 2019.

Les manifestants du dimanche dernier sont temporairement sans doute rentrés chez eux, par cars entiers débordant d’amertume humaine ils ont emprunté l’autoroute du Nord depuis Athènes, ou des navires appareillant à destination des îles. Cirque d’hiver à Athènes, et qui n’est hélas pas le dernier. Trángas, après avoir rappelé “que Tsípras a grandi au sein d’une famille de promoteurs immobiliers réalisant des affaires avec et par les Colonels et de ce fait il est un clone des Colonels sous l’épiderme de la gauche, pour ne pas évoquer en plus le cas des familles grecques enrichies sous l’Occupation et que les Allemands ont toujours aidé et protégé à Athènes, des années durant la bien longue incubation de la nouvelle Allemagne”, il estime “que ce Tsípras des deux à trois dernières années offre en plus l’image de l’expression du corps comme du visage, trahissent un homme mentalement atteint, autrement-dit, souffrant de troubles sévères.”

Aux antipodes du psychisme de Tsípras, nos manifestants du dimanche, ont très chaudement applaudi la chanteuse Aphroditi Manou, pour sa prise de position lors du rassemblement: “Aléxis Tsípras, te souviens-tu de ce juillet 2015 lorsque j’avais chanté pour toi et pour le ‘NON’ au référendum et voilà que tu me jettes tant de lacrymogènes maintenant. Te souviens-tu qu’après ton discours, tu t’es rendue dans ma loge pour boire un verre de ma bouteille d’eau? Je ne peux plus respirer Aléxis, arrêtez-les. Elytis, Gátsos, le grand Séféris, nos poètes et tant d’autres, Rítsos, Tsaroúchis, Fassianos, Míkis Theodorákis, Mános Hadjidákis, Mélina Merkoúri, Stávros Xarhakos et Yánnis Markopoulos, Nikos Gavriil Pentzikis, voilà les ‘vrais fautifs’. Car ils ont semé en nous cette graine, ils ont marqué notre vie de leur souffle et des valeurs qui sont alors les nôtres. Et voilà que l’on dit de nous… que nous sommes des ‘imbéciles et des nationalistes’, c’est à eux donc qu’il faut alors le dire. Nos racines sont profondes. Nous allons tenir. Si les politiciens pensaient faire confiance à nous au lieu de procéder à ces choix criminels, nous les aiderions alors pour trouver une autre solution, et de toute notre âme.” Voilà ce qui n’a pas été relevé par exemple par les médias internationaux, à part bien entendu que l’atmosphère est devenue étouffante à cause des gaz lacrymogènes et des casseurs et autres agresseurs… déjà des évidences.

Mont Athos. Janvier 2019
Par bateau. Port en Attique, janvier 2019

On jugerait en d’autres circonstances certains propos de Trángas de complotistes comme d’extrémistes. Mais c’était avant, bien avant, désormais, le puzzle se complète tout seul… et surtout il n’aura pas besoin de nous, sinon pour le défaire. Trángas ne dira certes pas toute la vérité, et il se déclare alors proche des Anglo-Saxons à chaque occasion, sauf qu’il n’est pas démenti, ni attaqué en Justice, et que son récit corrobore avec les numéros du cirque d’hiver politique qui est disons le nôtre, et qui ne nous divertira alors plus jamais.

De son côté, l’universitaire philosophe et théologien Chrístos Yannarás n’écrit pas autre chose à travers ses chroniques, celles que Kathimeriní publie, pourtant presse très autorisée, le style est différent mais et pourtant:

“Ils portent le titre de la ‘Gauche radicale’, pourtant, ils n’hésitent pas un seul instant à ‘lécher là exactement où ils ont craché durant des années’: Ils n’ont pas hésité à vendre les idéologies, les dogmes et les étendards révolutionnaires, à changer d’identité politique du jour au lendemain. Ils n’ont pas hésité à ignorer un référendum populaire qu’ils ont eux-mêmes provoqué comme à se transformer sans la moindre vergogne en valets des marchés financiers et de l’OTAN, comme autant, de se transformer en petits compères de Merkel. Et tout cette ridiculisation, uniquement pour le plaisir du pouvoir.”

“Dans le contexte actuel de la culture mondialisée et des impressions d’une réalité alors préfabriquée, l’Histoire n’est plus écrite par les épigones de Thucydide mais par ces ‘intellectuels organiques’, ces mandarins embauchés au service des marchés financiers et de l’OTAN. En Grèce, les mandarins locaux, manifestement et de manière alors flagrante, ils se passionnent pour la réélection de Tsípras lequel a été acheté de manière même ostentatoire, ou de celle de Kyriákos Mitsotákis manifestement insuffisant. De Fófi Genimatá du PASOK, de Stávros Theodorákis du parti de la Rivière, des Aubedoriens, voire autant, des staliniens incurables du PC, voilà ce qui complète ainsi la procession funéraire. Et dire que nous avons été gouvernés par de concitoyens au psychisme alors malade, c’était souvent vraisemblable. Aujourd’hui c’est alors flagrant”, quotidien “Kathimeriní” du 20 janvier 2019.

Un premier bilan du rassemblement au café. Athènes, le 20 janvier 2019

Dimítris Konstantakópoulos, il faut dire durant un autre temps conseiller à la Défense et aux Affaires étrangères pour SYRIZA, avant son accession au pouvoir, journaliste alors expérimenté et fin analyste des réalités grecques et géopolitiques de notre temps bien lourd, il adresse depuis son blog un appel désespéré à l’encontre de Tsípras:

“Je me suis rendu à la manifestation du dimanche, comme ce fut le cas l’année dernière. Je veux, à chaque fois que je le peux, voir de mes propres yeux et ainsi entendre ce que les gens ont à dire, leur parler et me faire ma propre opinion. Malgré les déclarations trompeuses et ridicules de la Police, le rassemblement était très massif et révélait ainsi toute l’inquiétude que suscite cette affaire pour une partie alors la plus importante du peuple grec. La présence massive de la jeunesse était même très impressionnante.”

“Je ne souhaite pas commenter les descriptions hideuses de la presse progouvernementale, rappelant les pires périodes du stalinisme grec et mondial. Les manifestants ayant participé au rassemblement, ils étaient pour la plupart les Grecs ordinaires. Rien de plus, rien de moins.”

“J’espère que le Premier ministre ainsi que les députés, comprendront enfin que la question de cet accord Macédonien n’appartient pas à la thématique ordinaire, courante, ceci parce qu’il touche à l’identité la plus profonde du peuple grec. Dès le début, lorsque cette question a été soulevée en janvier 2018, j’ai souligné qu’il ne peut être résolu que par un référendum. Quelle que soit l’opinion que l’on peut avoir sur cet Accord, il doit être soumis à référendum avant son éventuelle ratification, le soumettre alors au jugement du peuple grec, comme cela a également été réclamé par grand nombre de personnalités, parmi eux d’éminents représentants de notre culture, tels que Míkis Theodorákis, personnalités venant autant de la gauche que de la droite.”

“C’est la seule solution qui préservera la démocratie comme son fonctionnement à travers notre système politique, autant d’ailleurs que l’unité nationale du peuple grec et empêchera pour tout dire l’apparition de facteurs qui favorisent le Schisme, la division. Aucun Grec, démocrate et patriote ne veut voir dans notre pays une telle situation aux conséquences à chaque fois dévastatrices pour les Grecs, voire de Guerre civile, à chaque fois qu’elles sont apparues dans notre histoire”, Dimítris Konstantakópoulos sur son blog, le 21 janvier 2019.

La fin du rassemblement. Athènes, le 20 janvier 2019 (presse grecque)

Peine visiblement perdue et pourtant émouvante. Au soir du 22 janvier lorsque ceux des partis (supposés) de l’Opposition ont réclamé le texte final des amendements que ceux de Skopje auraient apporté à leur Constitution, histoire de dégager les articles ouvertement irrédentistes aux dépens des pays voisins, notamment la Grèce et la Bulgarie, sans quoi, l’Accord macédonien ne devait même pas être discuté au Parlement d’Athènes, Katroúgalos, ministrion délégué aux Affaires Étrangères et surtout étranges, a présenté la version en anglais, imprimée et téléchargée depuis le site Internet du Parlement de Skopje, en précisant que les changement n’y figurent pas parce qu’au pays voisin, on y ajoute seulement des Annexes à la fin du texte fondamental. Il a même promis sa traduction en grec en sollicitant toute la bonne science… des services de son ministère, presse grecque du 21 janvier 2019. Ahurissant.

Peine donc visiblement perdue. Comme pour les textes du mémorandum de la Troïka, les députés Syrizístes, et à l’époque aussi ceux de la nouvelle Démocratie et des autres partis aujourd’hui pulvérisés, ils ne l’auront même pas lu. Ainsi Tsípras et les siens, ils auraient été achetés comme le suggèrent des analystes si différents, à l’instar de Trángas ou de Yannáras, et on dirait que ces Syrizístes l’ont bien cherché et voulu. Cela se nomme un crime, et plus précisément celui de la haute trahison. Telle est en tout cas l’idée que les Grecs se partagent de plus en plus.

Dans les cafés, à travers les médias, dans la rue, des Grecs évoquent alors de plus en plus souvent les termes de l’article 120 de notre Constitution: “Le respect de la Constitution et des lois qui y sont conformes, ainsi que le dévouement à la Patrie et à la République constituent un devoir fondamental de tous les Hellènes. L’usurpation, de quelque manière que ce soit, de la souveraineté populaire et des pouvoirs qui en découlent est poursuivie dès le rétablissement du pouvoir légitime, à partir duquel commence à courir la prescription de ce crime. L’observation de la Constitution est confiée au patriotisme des Hellènes, qui ont le droit et le devoir de résister par tous les moyens à quiconque entreprendrait son abolition par la violence.” Histoire de se consoler ?

L’heure du bilan, on y est presque. Bilan provisoire, déjà lourd. Votre… blog observe alors médusé, et il participe comme il peut à la tragédie actuelle, c’est-à-dire, devant ce crime organisé d’en haut. Je remercie les lectrices/lecteurs et ami(e)s du blog pour leur soutien essentiel en ces terribles moments.

Merci. En Attique, janvier 2019

Ne l’oublions pas, la Grèce n’est qu’un exemple, hélas, il y en a bien d’autres. Ailleurs aussi, actualité oblige, la presse systémique évoque un “nouveau texte de coopération et d’intégration”. Les peuples intéressés en jugeront.
Bilan provisoire, déjà lourd, pauvres peuples. Bûches brulées, pays sur les braises

Votre… blog observe alors médusé. Mimi et Hermès de Greek Crisis, janvier 2019
* Photo de couverture: Au Mont Athos, janvier 2019

Grèce vote de confiance

En Grèce, Tsipras bricole une nouvelle majorité pour éviter des élections anticipées
Par Amélie Poinssot Mediapart
Avec 151 voix pour et 148 voix contre, le vote de confiance convoqué mercredi soir par le Premier ministre grec Alexis Tsipras lui a permis de sauver les meubles. Jusqu’à quand

 

Ce n’est pas le virage centriste de Syriza, ni son échec à sortir la Grèce des rails de l’austérité qui aura soudainement affaibli Tsipras. Mais une histoire vieille de trente ans qui touche aux démons nationalistes grecs : le nom d’un État frontalier de la péninsule hellène, connu en Europe sous le nom de Macédoine, et dont l’appellation officielle est en passe de devenir la République de Macédoine du Nord.

Depuis des mois, le gouvernement grec était engagé dans une négociation avec Skopje pour sortir de ce « conflit du nom » qui empoisonnait les relations entre les deux pays. En juin, ils avaient abouti à un accord qui a été validé, la semaine dernière, par le parlement macédonien.

Problème : la droite et le camp nationaliste grecs ont toujours refusé au voisin balkanique le nom de Macédoine, qui devait être réservé, selon eux, à la partie nordique de la Grèce, la région de Thessalonique. Officiellement, pour Athènes, le pays voisin portait le doux nom de « ΠΓΔΜ » – sigle dans l’alphabet hellénique pour « Ancienne République yougoslave de Macédoine ».

Du point de vue nationaliste grec, la Macédoine antique, terre d’Alexandre le Grand et de Philippe II, se limite aux frontières de la Grèce actuelle, bien que ce ne soit pas établi scientifiquement. Pour Skopje, l’enjeu n’est pas tant historique que diplomatique : tant que ce conflit du nom n’était pas résolu, ce petit État de quelque deux millions d’habitants ne pouvait pas rejoindre l’Otan, Athènes ayant mis son veto à l’adhésion d’un pays portant le nom de Macédoine.

Alexis Tsipras face au leader de l'opposition, pendant le débat précédant le vote de confiance au Parlement, le 16 janvier 2019 © Reuters Alexis Tsipras face au leader de l’opposition, pendant le débat précédant le vote de confiance au Parlement, le 16 janvier 2019 © Reuters

Le gouvernement Tsipras a voulu sortir de cette impasse. Las, c’était oublier qu’il gouvernait avec un partenaire quelque peu encombrant : le parti souverainiste des Grecs indépendants (Anel). Cette alliance bancale formée en 2015 avait permis jusque-là à Syriza, à défaut d’avoir la majorité absolue au parlement, de se maintenir au pouvoir avec une majorité de 155 députés sur 300 (145 Syriza, 6 Anel).

À l’automne, la coalition a cependant commencé à se craqueler. En octobre, le ministre des affaires étrangères Nikos Kotzias a démissionné sur fond de désaccord avec l’Anel. Et ce week-end, c’est le leader d’Anel lui-même, le ministre de la défense Panos Kammenos, qui a quitté l’exécutif, sonnant le glas de la coalition Syriza-Anel et provoquant la plus grande crise politique depuis les élections de septembre 2015.

Voulant éviter des législatives anticipées (le prochain scrutin doit se tenir en octobre), Tsipras s’est donc empressé de bricoler une nouvelle majorité et de se soumettre, mercredi soir, à un vote de confiance du Parlement après de longues heures de débat. Pari réussi, mais de justesse : 151 députés sur 300 ont voté en faveur de ce gouvernement affaibli. Parmi eux, cinq élus, en rupture avec leur groupe parlementaire, proviennent d’Anel et l’un vient de Potami (« Rivière »), petit parti libéral apparu sur l’échiquier politique en 2015. Autrement dit… la manœuvre ne change pas grand-chose sur le fond.

La décision du Premier ministre grec de s’en remettre à un vote des députés était risquée. Le thème de la Macédoine est très sensible en Grèce, et Tsipras n’a pas l’opinion publique avec lui sur ce sujet. À Thessalonique, plusieurs manifestations se sont tenues ces derniers mois pour s’opposer à l’accord avec Skopje, et la droite conservatrice de Nouvelle Démocratie a soufflé sur les braises pour préparer son retour au pouvoir. Le parti dirigé par l’héritier Kyriakos Mitsotakis a voté « non » d’un seul bloc au gouvernement Tsipras, tout comme les socialistes du PASOK qui cherchent désespérément à exister. Sans surprise, les seize députés néo-nazis d’Aube dorée ont également voté contre l’exécutif.Au-delà de la question du nom de la Macédoine, qui peut paraître absconse pour un observateur extérieur, la manœuvre de Tsipras augure en réalité de nouveaux développements qui vont probablement éloigner, une fois de plus, Syriza de sa gauche radicale d’origine. C’est du moins ce que l’on pouvait comprendre, entre les lignes, de l’intervention pendant les débats de Yannis Dragasakis, numéro 2 du gouvernement et principal acteur du virage social-démocrate de Syriza. « Le vote de confiance ne porte pas sur une majorité de circonstance dont l’objectif serait de rallonger la vie du gouvernement pour quelques mois, a-t-il dit. C’est au contraire le début d’une refondation générale du paysage politique qui vise une nouvelle majorité progressiste, un large partenariat qui va travailler à un programme pour l’avenir de la Grèce. »

Tsipras n’a pas dit autre chose en fermant la séance mercredi soir, posant les bases d’un « dilemme » entre, d’un côté, « le pôle progressiste avec pour noyau Syriza » et, de l’autre, une alliance entre Nouvelle Démocratie et Aube dorée. Rassembler l’ancienne gauche et le centre pour faire face aux droites nationalistes… Voilà un objectif qui ressemble fort au message d’Emmanuel Macron pour les élections européennes.

Source https://www.mediapart.fr/journal/international/170119/en-grece-tsipras-bricole-une-nouvelle-majorite-pour-eviter-des-elections-anticipees

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