Publications par catégorie

Archives de catégorie

Le contre-G7 du 19 au 26 août

Toutes les informations sur le Contre-G7 (Hendaye-Irun 19-26 août)

lundi 24 juin 2019, par Attac France   Campagne > Contre le G7 et son monde

Du 24 au 26 août, Macron accueillera le G7 à Biarritz. Fervents adeptes du système néolibéral, mettant à sac notre planète et faisant souffrir les peuples de leurs politiques austéritaires et pro-business, les sept pays parmi les plus riches du monde et la Commission européenne se réunissent cette année sur le thème des inégalités.

Pour accéder au communiqué initial des organisations membres de la plateforme Alternatives G7, cliquez ici

Contre le G7, pour un autre monde !

Le cynisme de ces pyromanes de la planète n’a donc pas de limite. Dans la lignée des contre-sommets qui ont forgé le mouvement altermondialiste, la réponse citoyenne s’annonce importante encore, cette année au Pays basque, terre de résistances. Pour y défendre sa volonté d’un monde plus juste et désirable, Attac y participe pleinement, aux côtés de nombreuses associations, syndicats et citoyen·ne·s et vous y donne bien sûr rendez-vous. Ensemble, éteignons les sept brasiers du capitalisme !

Voici le programme du contre-sommet qui mêlera actions, réflexions et débats, pour élaborer ensemble la stratégie et les alternatives qui doivent dessiner le monde que nous voulons et pour le crier haut et fort dans les rues du monde entier. Plus de 90 organisations du Pays Basque, de France et d’Europe sont déjà sur le pont !

  • 19-20 Août : Montage du Village d’Accueil des participants-es à Hendaye.
  • 21, 22, 23 Août : Contre-Sommet (Centre-ville de Hendaye et Centre de congrès du FICOBA à Irun).
  • 24 Août : Manifestation !
  • 25 Août : Actions et rassemblements pacifiques sur 7 places autour de la zone d’exclusion du G7.

Nous avons besoin d’une mobilisation forte sur le camp, c’est aussi un objectif de réussite de ce contre-G7 ! Il y aura des repas à prix libre, un bar, des sanitaires, des animations le soir… Venez camper et inscrivez-vous ici, ça nous permettra de gérer au mieux les besoins : https://playout916495.typeform.com/to/w38HFr

Voici les liens permettant d’accéder aux sites et informations logistiques du Contre-G7 :

Programme des 3 Jours du Contre-Sommet

21, 22, 23 Aout 2019

Nous sommes en train d’élaborer le programme des 3 jours de forums/débats/coordinations qui sont déjà prévus, autour de 7 thèmes principaux. Voici en avant-première, ceux qui sont d’ores et déjà programmés. Beaucoup d’autres suivront dans les jours qui viennent ! Et s’y ajoutent de nombreux ateliers organisés par les mouvements basques.

1. Pour un autre monde, sortons du capitalisme et de la dictature des multinationales

  • Stop à l’impunité des multinationales
  • Dette publique
  • Justice fiscale et gilets jaunes
  • Lutte contre la privatisation des Aéroports de Paris, pour les services publics et les biens communs
  • Campagne Stop TAFTA/CETA

2. Contre la destruction de notre planète, protégeons la terre, défendons le vivant :

  • Justice environnementale et marche climat
  • Souveraineté alimentaire
  • Désinvestir des énergies fossiles pour ouvrir l’horizon d’un avenir soutenable

3. Pour un monde radicalement féministe, à bas le patriarcat :

  • Femmes en lutte contre les inégalités sociales et économiques
  • Le féminisme en réponse à la crise écologique et sociale
  • La grève féministe, outil de combat
    (l’essentiel des conférences et ateliers sur ce thème se tiendront le 22 août)

4. Respectons la diversité et la liberté des peuples, pour un monde décolonial et sans discriminations

  • Processus de paix au pays Basque

5. Pour une démocratie sociale et les mêmes droits pour toutes et tous, à bas l’autoritarisme

  • Conférence sur la répression
  • Atelier/débats sur la spéculation foncière
  • Tribunal du Service Public
  • Gratuité des transports publics

6. Pour un monde juste et basé sur la solidarité entre les peuples, à bas les guerres et l’impérialisme

  • Crise dans la mondialisation/Nouvel autoritarisme/Militarisation

7. Personne n’est illégal sur cette planète, abolition des frontières pour les êtres humains

  • Liberté de circulation et d’installation
  • Quelles stratégies face aux politiques migratoires pour les mouvements sociaux au niveau européen ?

Les Informations logistiques

S’y rendre :

Le camp du contre-sommet se situera à côté du centre Pierre et Vacances,
Le Domaine de Bordaberry, Route De La Corniche, Lieu Dit Bordaberry, 64122 Urrugne.

En train
  • Depuis Paris-Montparnasse : 1 train toute les 2 heures env. de 7h47 jusqu’à 17h47 (Trajet : 4h40).
  • Depuis Toulouse : 1 train toute les 2 heures env. de 6h30 jusqu’à 16h45 (Trajet : 5h20).
  • Depuis Bordeaux : 1 train chaque heure env. de 5h20 jusqu’à 20h02 (Trajet : 2h40)
  • Depuis Marseille : 1 train chaque heure env. de 5h14 jusqu’à 14h57 (Trajet : 9h00)
En co-voiturage ou en bus :

Rejoignez l’événement « Contre-G7 » sur le site de covoiturage Mobicoop.

  • Depuis Paris : https://urlz.fr/9YAl
  • Depuis Bordeaux : http://k6.re/yF55L
  • Depuis Marseille : http://k6.re/wi6_i
  • Depuis la Gare de Hendaye : Prendre la navette 20 en direction de Ciboure-Saint-Jean de Luz.
  • Stopper à l’arrêt Abadia, puis prendre la navette 6 jusqu’au terminus Hendaye-Haïçabia. Marcher 100m sur la route de la corniche, avec la mer à votre gauche. Prendre ensuite la première route à droite pour rentrer dans le domaine de la Bordaberry.
Y loger :

Deux possibilités s’offrent à vous pour loger pendant le contre-sommet :
1. En hôtel ou dans la mesure du possible en hébergement militant

  • Hôtel de la Gare-La Palombe Bleue, 1 r Déportes, 64700 HENDAYE
    993 m de Hendaye – Tél : 05 59 20 81 90
  • Le Santiago, 15 r Santiago, 64700 HENDAYE
    885 m de Hendaye – Tél : 05 59 20 00 94
  • Txingudi Hotel, 36 bd Gén Leclerc, 64700 HENDAYE
    925 m de Hendaye – Tél : 05 59 20 00 26
  • Hôtel Valencia, 29 bd Mer, 64700 HENDAYE
    1,8 km de Hendaye – Tél : 05 59 20 01 62
  • Hôtel Lafon, 99 bd Mer, 64700 HENDAYE
    1,5 km de Hendaye – Tél : 05 59 20 04 67
  • Hôtel/Restaurant Ibaïa, 76 av Mimosas, 64700 HENDAYE
    1,4 km de Hendaye – Tél : 05 59 48 88 88
  • Hôtel Restaurant Bergeret-Sport
    4 r Clématites, 64700 HENDAYE – Tél : 05 59 20 00 78
  • Hôtel Villa Goxoa, 32 av Magnolias, 64700 HENDAYE
    Tél : 05 59 20 32 43
  • Résidence Orhoitza, 1 r Oliviers, Vacances Bleues Résidences, 64700 HENDAYE
    1,4 km de Hendaye – Tél : 05 59 48 80 00
  • Hôtel Restaurant Campanile, 102 rte Béhobie, 64700 HENDAYE
    Tél : 05 59 48 06 48
  • Hôtel Restaurant Ibaïa, Pont de Sokoburu 76 av Mimosas, 64700 HENDAYE
    Tél : 05 59 48 88 88
  • Hôtel Uhainak, 3 bd Mer, 64700 HENDAYE
    Tél : 05 59 20 33 63
  • Les Jardins de Bakéa, Quart Bourg, 64700 BIRIATOU
    3,9 km de Hendaye – Tél : 05 59 20 02 01
  • Mer & Golf Résidence Soko, Eder, Route Kattalin Aguirre, 64500 CIBOURE
    7,8 km de Hendaye – Tél : 05 59 51 72 00

Si vous ne trouvez pas de place en hôtel ou hébergement militant, veuillez nous contacter à hebergementg7@attac.org et nous essayerons dans la mesure de nos moyens de vous aider.

2. Dans le « camp »

Nous disposerons de plusieurs grands espaces répartis dans le camp où vous pourrez poser vos tentes et matériels de campings et d’un parking pour vos véhicules (nous sommes en train de déterminer son emplacement). Nous essayerons aussi de fournir, dans la mesure de nos moyens, des espaces de couchages en dur pour ceux ou celles qui en auraient le plus besoin.

Dans la mesure du possible selon les places disponibles sur le campement lors de votre arrivée, un point de ralliement a été déterminé pour regrouper les ami·e·s d’Attac (avec notamment Droit au logement, Solidaires ou encore la Confédération Paysanne, etc…) dans la deuxième partie du campement comme indiqué dans l’image ci-dessous en rouge à droite :
Cliquez sur l’image pour voir l’image en grand.

Des modules de douches et de toilettes sèches seront disposés dans tout le camp. Par ailleurs, nous fournirons des repas (végétariens) à prix libres pour toutes et tous. Des associations et fermiers locaux proposeront aussi des repas variés.

Plusieurs bars seront ouverts en soirée, notamment dans l’espace concert. Durant les trois jours de forums du Contre-Sommet (21, 22, 23 Août) les activités/concerts/débats/ateliers seront répartis entre « le village des alternatives » dans le centre d’Hendaye, le FICOBA à Irun de l’autre côté du fleuve et sur le camp lui-même. Des navettes régulières permettront de rejoindre le village des alternatives, le FICOBA et le camp.

Virage à droite en Grèce

Virage à droite en Grèce

13 août par Stathis Kouvelakis , Eva Betavatzi , Emilie Chaudet , Tiago Moreira Ramalho  

Ce samedi 10 août, Eva Betavatzi, membre du CADTM Belgique était l’invitée de l’émission Le Magazine du Weekend sur France Culture, présentée par Emilie Chaudet, au côté de Stathis Kouvelakis, philosophe et politologue, et Tiago Moreira Ramalho, doctorant en sciences politiques, pour discuter de la Grèce après Tsipras.

http://www.cadtm.org/Podcast-Virage-a-droite-en-Grece

 Kyriakos Mitsotakis, premier ministre grec entré en fonction il y a un peu plus d’un mois, se présente comme le « sauveur » de la classe moyenne en promettant une réduction d’impôts, la libéralisation de l’économie et la négociation d’une réduction des exigences des créanciers vis-à-vis de l’excédent budgétaire primaire de 3,5% que le précédent gouvernement avait promis d’atteindre lors du dernier accord sur la dette publique grecque, signé en 2018. Pourtant dès le début de son mandat, Mário Centeno, président de l’Eurogroupe, et Klaus Regling, directeur général du MES (Mécanisme européen de stabilité financière), avaient prévenu Mitsotakis qu’aucune exigence ne serait revue à la baisse et que la Grèce devait se tenir à l’accord signé. Les promesses du nouveau premier ministre grec ne sont donc pas prêtes d’être tenues. Mais la Grèce, qui connaît une crise économique et humanitaire depuis 10 ans, a vu nombre de ses dirigeants ne pas tenir leurs promesses.

Tsipras avait quant à lui promis de mettre fin au cercle infernal de l’austérité pour finalement capituler en juillet 2015 plongeant la Grèce et toute la gauche européenne dans une profonde déception. Mitsotakis lui se trouve dans une situation avantageuse puisqu’il n’a plus à discuter de la dette, ni des mémoranda. Les médias dominants et la plupart des partis politiques, en ceux compris Syriza, ont assez menti sur le dernier accord pour qu’il apparaisse comme une « victoire » alors qu’il n’est en réalité que l’étalement de la crise et la tutelle de la Grèce par l’UE sur de longues années. Le pays ne pourra donc pas échapper à l’austérité qui lui est imposée ni à la surveillance de ses créanciers si le dernier accord signé par Tsipras en 2018 est respecté. C’est ainsi que les électrices et électeurs, déçu·e·s des gouvernements successifs de droite ou dits de « gauche », ont revu leurs exigences à la baisse et sont allé·e·s aux urnes au début du mois de juillet sans grande conviction. Le fort taux d’abstention aux élections (42%) et les évolutions au sein du parti Syriza (la moitié des eurodéputé·e·s élu·e·s un peu plus tôt la même année viennent de partis de droite) en attestent.

La victoire de Nouvelle Démocratie ne présage rien de bon, au contraire. Mitsotakis veut instaurer un gouvernement autoritaire en concentrant des pouvoirs sur son poste (il a placé sous son contrôle personnel et par simple décret ERT (la radiotélévision publique grecque), l’Agence de Presse nationale et les services secrets du pays), en annonçant l’embauche de plus de 2000 policiers, en multipliant les attaques contre des squats de réfugié·e·s (à Exarcheia notamment), etc… L’asile universitaire, qui n’est autre que l’interdiction d’entrer sur les lieux universitaires par les forces de l’ordre sans l’accord du recteur, a été une des premières cibles du gouvernement Mitsotakis. Son annulation constitue un acte très fort pour celles et ceux qui se souviennent de l’attaque contre l’école polytechnique d’Athènes en 1973 par l’armée contre des étudiant·e·s, évènement extrêmement important puisqu’il a marqué le début de la fin de la dictature des colonels. Mitsotakis et son gouvernement de droite, dont certains membres hauts placés sont issus de l’extrême droite, ont déjà profité de la crise grecque pour toucher aux symboles les plus forts de la démocratie et porter atteinte au peu d’espace démocratique qui subsistait encore en Grèce.

Lettre ouverte des employés de l’hôpital de Rhodes

« Lettre ouverte des employés : Voici la situation catastrophique de l’hôpital de Rhodes

L’hôpital de Rhodes a fait l’actualité récemment à plusieurs reprises pour sa dotation en personnel médical et pour la situation de la clinique pédiatrique. Bien sûr ce n’est pas la première fois. Ces problèmes ne sont pas non plus uniques.

La vérité est que la situation à l’hôpital de Rhodes est bien pire. Sa sous-utilisation est le problème principal. Les pénuries de personnel infirmier médical et paramédical sont telles qu’elles créent des situations dangereuses pour le personnel hospitalier et les patients.

Nous sommes incapables d’obtenir nos congés, notre salaire et les emplois proportionnés à la charge de travail à laquelle nous devons faire face. Par exemple, deux infirmières de la clinique traitent jusqu’à 35 patients lorsque l’OMS nomme une infirmière pour 3,5 patients. En réanimation, cela devrait correspondre à une infirmière par patient. Aujourd’hui, il y en a deux pour un maximum de six patients.
Surtout en été, période de repos ailleurs, réservée aux travailleurs, aux travailleurs des hôpitaux et des autres travailleurs de l’île, nous devons faire face à l’énorme augmentation du volume de travail due au trafic touristique et la surpopulation. Toute personne raisonnable comprend que cela a des conséquences sur la santé du personnel hospitalier et sur le niveau des services hospitaliers fournis aux patients et à leurs proches.

Cependant, à la pénurie de personnel, il faut également ajouter des machines obsolètes et sans assistance. Anciennes machines radiologiques, unités de dialyse, fours de stérilisation, chariots, lave-vaisselle et blanchisseries, carences en consommables, nécessaires à notre travail, dont nous manquons souvent. Nous avons des lacunes dans les cardiographes et les pompes à transfusion. Carences dans les réactifs utilisés dans des tests plus spécifiques.

Le bâtiment lui-même est insoutenable. En hiver, nous avons froid, en été, la chaleur est insupportable pour les patients et les travailleurs. Dans les sèche-linge de l’hôpital, vous ne pouvez même pas respirer en été. Les services techniques sont complètement dégradés depuis des années. Tous les travaux effectués ont été sous-traités. Désormais, le financement des hôpitaux ayant été considérablement réduit, l’hôpital de Rhodes est incapable de gérer les tâches les plus simples, telles que la peinture du bâtiment.

La liste de ces carences mentionnée ci-dessus, bien que incomplète, pour un hôpital situé sur une île aussi vaste et surpeuplée et si éloignée du continent pose un gros problème. Les habitants de Rhodes doivent recourir soit à des laboratoires privés pour des problèmes mineurs et à payer des examens et traitements onéreux, soit aux hôpitaux d’Athènes pour parler de problèmes plus graves, tels que des interventions chirurgicales difficiles, qui peuvent coûter vraiment une fortune.

Cependant, cette situation n’est pas tombée soudainement du ciel. Ce n’est pas non plus quelque chose que nous devrions considérer comme acquis et accepter qu’il ne peut en être autrement. C’est un choix politique conscient que les gouvernements ont fait au fil du temps, sans exception. Les chiffres eux-mêmes le prouvent.

Le financement dans les hôpitaux publics, dont on doit dire qu’il n’a jamais totalement répondu aux besoins, a baissé de 30% de 2013 à 2019. Cette année, qui est censée être la première année sans mémorandums, comme l’a dit le gouvernement précédent, la baisse s’est poursuivie, 65 millions de moins étant alloués aux hôpitaux publics ….

Les grandes entreprises du secteur de la santé, qui réalisent d’énormes profits, exigent qu’elles obtiennent une plus grande part du gâteau.

C’est l’objectif des directives de l’Union européenne sur la santé, les directives des gouvernements que le suivant complète toujours là où le précédent s’est arrêté. Le contenu de base de cette politique, quelle que soit la fréquence à laquelle elle est exprimée et mise en œuvre, est d’une part de fournir un espace vital pour le développement des entreprises dans le secteur de la santé et d’autre part d’économiser des fonds du budget de l’État, qui pourraient être alloués. pour la santé, mais finissent par subventionner des groupes d’investisseurs, pour servir des emprunts publics, etc. Il ne leur reste pas d’argent pour répondre aux besoins de la population à concurrence de 55 milliards d’euros Alors que le budget de l’Etat tire ses recettes des impôts, les grandes entreprises paient moins de 3 milliards (!), Le reste est à la charge de la population.

Surtout sur l’île de Rhodes, cette énorme contradiction se voit à l’«œil nu». Chaque année, des unités hôtelières modernes et gigantesques sont construites, coûtant des millions d’euros, dont beaucoup sont subventionnées de différentes manières. Mais rien pour la santé publique de l’île, ainsi que d’autres infrastructures liées aux besoins populaires créant des risques inutiles pour la vie humaine.

Dans ce contexte, le syndicat des employés de l’hôpital général de Rhodes estime qu’il est nécessaire que le peuple rhodésien lutte pour la santé publique, à la hauteur de nos besoins modernes. À cet égard, il poursuivra avec un travail plus systématique l’effort qui a commencé à soulever les problèmes de l’hôpital, département par département. Nous poursuivons nos revendications:
• pour un financement généreux des hôpitaux
• Fourniture d’équipements modernes
• contrats permanents, recrutement de personnel médical et paramédical permanent en fonction des besoins modernes de l’île
• Fournir gratuitement des services de santé de qualité à tous, sans conditions à tous les habitants de la Rhodésie.

Nous appelons toutes les parties prenantes de l’île à prendre position publiquement sur la question des soins de santé sur l’île. Nous nous adressons principalement aux syndicats des secteurs public et privé, au Centre des travailleurs de Rhodes, mais également aux associations sportives et culturelles, aux autorités municipales et à la région, aux partis politiques qui ont demandé notre vote lors des élections précédentes. »

source ; iskra.gr Ανοιχτή επιστολή εργαζομένων: Ιδού τα χάλια του Νοσοκομείου της Ρόδου

France : Le recours à la violence de l’Etat

“L’État a recours à des répertoires de violence qui montent en intensité jusqu’à ce qu’il ait réussi à écraser ou discipliner ce qui gêne les classes dominantes” 

Le corps du jeune Steve récemment retrouvé dans la Loire, Zineb Redouane morte après le tir d’une grenade lacrymogène, 24 gilets jaunes éborgnés et cinq mains arrachées, des supporters algériens matés pendant la Coupe d’Afrique des nations (CAN) jusqu’à en perdre un oeil, des militants écolos gazés … non non, on n’est pas à Hong-Kong ou dans l’abominable Russie, mais bien en France, ce qu’ont d’ailleurs parfois tendance à oublier certains de nos médias mainstreams préférés. Depuis le mouvement insurrectionnel des gilets jaunes, notre police, en roue libre, se lâche complètement : elle cogne, éborgne et provoque, protégée par le gouvernement, et se fait la garante du maintien de l’ordre économique, social et politique en France. A un point tel que même la presse étrangère tendance conservatrice comme le quotidien britannique The Independent pointe du doigt le “maintien de l’ordre” à la française. Comme nous le rappelle la marche organisée à Beaumont-sur-Oise il y a maintenant plus d’une semaine en hommage à Adama Traoré et à d’autres victimes de brutalités policières, cette répression systémique en toute impunité existe depuis très longtemps dans les quartiers populaires. Avec le sociologue Mathieu Rigouste, auteur du livre La domination policière, une violence industrielle en 2014 aux éditions La Fabrique, nous avons souhaité en savoir plus et y voir un peu plus clair sur notre État policier, dans un contexte d’une ampleur telle que l’expression “tout le monde déteste la police” n’aura jamais été aussi pertinente. 

Peux-tu te présenter et expliquer d’où tu parles ? Qu’est ce qui t’a amené à effectuer des recherches indépendantes sur la police française ?

Chercheur indépendant en sciences sociales, je travaille sur la construction du système sécuritaire et de ce que font les institutions policières et militaires françaises. Au départ, je travaillais sur leurs actions en Afrique puis dans les quartiers populaires. J’ai par la suite élargi mes recherches à l’ensemble des classes populaires. Cela m’intéresse de fabriquer des outils pour permettre aux luttes sociales de s’armer elles-mêmes. Cela doit avoir un lien avec le fait d’avoir grandi en quartier populaire et de s’être construit face à la multiplicité des violences d’Etat et en observant, au quotidien, le système des oppressions et des injustices.

Entretiens-tu des rapports plutôt conflictuels avec la police d’une manière générale ?

J’ai grandi en banlieue parisienne, je ne suis jamais sorti de la précarité mais j’ai une gueule et un nom considérés comme blancs par le système raciste. Dans ces quartiers, si tu traînes dehors, tu subis le contrôle policier aussi mais ce n’est jamais la même violence selon que tu sois considéré comme blanc ou non. Si t’as une capuche et que tu traînes avec des Noirs et des Arabes, tu es traité pareil, jusqu’à ce qu’ils découvrent ou reconnaissent ta gueule ou ton nom. Leur regard change et leur comportement aussi. J’ai vu fonctionner la configuration raciste et systémique de la violence d’Etat au quotidien.

D’un autre côté, je participe à différentes luttes sociales qui ont toutes en commun de subir des pratiques de contrôle, de surveillance et de répression de plus en plus féroces. Je me suis fait tabasser à l’intérieur du commissariat central de Toulouse en 2013, des flics m’ont mis la tête dans les murs, menotté, puis m’ont laissé étalé par terre dans le couloir des gardes à vue, au vu et au su de tous les fonctionnaires en poste cette nuit-là. On ne saura jamais s’ils m’ont tabassé en tant que militant ou parce qu’ils m’ont attrapé dans un quartier populaire où ils ont l’habitude d’aller chasser. Il y a peut-être eu un mélange de tout cela. Cette histoire n’a pas l’air de déranger l’institution judiciaire, justement parce que, comme mes travaux le montrent, c’est le travail normal de la police de distribuer la férocité des classes dominantes. C’est ce que le pouvoir attend d’elle.

Pourquoi le mouvement social des gilets jaunes est-il autant réprimé selon toi ? Est-ce du jamais vu ?

Ce mouvement social est, de base, du jamais vu, de part sa composition sociale et son intensité, sa durée, etc. Des gens ont l’air d’oublier que, depuis le début, c’est un mouvement investi et porté par les différentes strates des classes populaires, des habitant.e.s des quartiers populaires sont présent.e.s et impliqué.e.s, depuis l’origine, et selon les endroits, assez massivement et en première ligne. A Paris et à Toulouse, de décembre 2018 à aujourd’hui, j’ai vu des cortèges propulsés par toutes ces colères associées. C’est un mouvement qui s’est donné des formes ingouvernables et incontrôlables, qui a conçu des capacités d’auto-défense, de contre-attaque, et qui a mis en place des formes de démocratie directe. Il a également critiqué de manière de plus en plus radicale le pouvoir et la société et commencé à imaginer d’autres formes de vie sociale.

Sur ce sujet, je crois que l’État ajuste le niveau de violence précisément, rationnellement et techniquement, face à ce qu’il considère comme menaçant pour lui. Quand il est face à des manifestations auto-encadrées par des bureaucraties syndicales qui ont complètement pacifié et rendue inoffensive la prise de la rue, il n’y a pas besoin d’user de la violence. Dès que l’Etat est confronté à des formes de lutte qu’il n’arrive pas à maîtriser ou à soumettre, il a recours à des répertoires de violence qui montent en intensité jusqu’à ce qu’il ait réussi à écrasé ou discipliner ce qui gêne les classes dominantes.

“’Il y a une utilisation de pratiques militaro-policières dans les quartiers populaires, mais les institutions expérimentent en fait partout leur déploiement : aux frontières, dans les prisons, dans les stades, au sein des gilets jaunes, même dans les quartiers chics.”

La police s’en prend de plus en plus à des personnes non racisées, au moins depuis les manifestations contre la loi travail en 2016. Depuis le mouvement des gilets jaunes, on a le sentiment que ces problématiques sortent enfin des quartiers populaires. Penses-tu qu’il y ait une prise de conscience générale sur l’état de notre police ? 

Cela a obligé les gens qui niaient les faits dénoncés par les luttes contre les violences d’Etat à constater le fonctionnement et la production de la violence policière. Mais il y a eu aussi automatiquement des réactions des strates privilégiées des classes populaires et des classes moyennes blanches afin de rendre inoffensive cette critique systémique. Ils ont fait émerger un nouveau discours, affirmant que les violences policières sont expérimentées dans les quartiers pour ensuite être appliquées à la “vraie population” ou aux “vrais mouvements sociaux”. Or, la vie dans les quartiers populaires est traversée de mouvements sociaux, tout le temps. Il y a certes une utilisation de pratiques militaro-policières dans les quartiers populaires – c’est en partie l’objet de mon travail – mais les institutions expérimentent en fait partout leur déploiement. Tous les terrains d’exercice des forces de l’ordre servent à faire des retours d’expérience pour restructurer le pouvoir sécuritaire : aux frontières, dans les prisons, dans les quartiers populaires, dans les stades, au sein des gilets jaunes, même dans les quartiers chics. 

Le discours qui consiste à dire que les violences policières sont passées des quartiers au « reste de la population » est très problématique. Il y a une différence fondamentale entre le système de violences d’Etat déployé dans les quartiers populaires et contre le mouvement des gilets jaunes par exemple. Dans les quartiers, c’est un système quotidien, local, permanent, avec de nombreux dispositifs : quadrillage du quartier, surveillance et contrôle du quotidien, humiliations, chantages et provocations répétitives, parechocages [plaquer quelqu’un contre un pare-choc], étranglements, tirs à balles réelles, mises à mort, etc. Il y a effectivement des dispositifs qui ont été transférés d’un champ vers l’autre, comme l’utilisation du LBD (lanceur de balle de défense) en tir tendu ciblé haut du torse ou visage, qui existe de façon industrielle dans les quartiers populaires et qui a été employée contre le mouvement des gilets jaunes. Même chose pour le gazage systématique ou l’emploi des grenades de désencerclement pour mutiler… on retrouve ces dispositifs contre les supporters, dans les contre-sommets internationaux, contre certaines mobilisations comme les luttes des migrant.e.s, etc.

Comment interprètes-tu le comportement des policiers envers les supporters d’origine algérienne, issus majoritairement des quartiers populaires, lors de la CAN ? Beaucoup ont, par exemple, écopé de grosses amendes, et l’un d’eux a eu un œil éborgné. 

Bien entendu, le traitement policier de supporters considérés comme algériens n’est pas le même que lorsqu’il s’agit d’encadrer la victoire de la France en Coupe du monde. Le racisme d’Etat structure le pouvoir policier, depuis les état-majors politiques jusque dans les gestes des agents sur le terrain. Il y a eu une préparation idéologique intense dans les médias dominants. On a semé l’idée que des hordes sauvages allaient tout brûler pour mieux légitimer un schéma répressif conçu pour taper fort. La représentation de ceux qu’on a prévu d’écraser comme des corps à la fois barbares et sacrifiables est une technique fondamentale dans l’histoire des sociétés impérialistes.

« Aussi incroyable que cela puisse sembler, la police française a le droit d’utiliser des substances qui brûlent les yeux, la bouche et les poumons de leur population civile, que les traités internationaux interdisent en revanche aux militaires », nous explique The Independent. Comment est-ce possible ?

Les journalistes de The Independent ont une mauvaise analyse de ce qu’est l’Etat et semblent mal connaître l’histoire de l’impérialisme français. Les Etats ne respectent que les lois qu’ils veulent et la base d’une loi, c’est que ceux qui la produisent n’aient pas à s’y soumettre. Ce qu’on appelle la « raison d’Etat » permet aux classes dominantes, dans ou en dehors du droit, de justifier, selon les époques, l’emploi de la torture, l’esclavage, la colonisation, le commerce des armes, l’enfermement, le génocide… La société impérialiste française s’est constituée en déployant des fictions universalistes pour mieux répandre le carnage, le pillage et l’oppression partout autour de la planète. La capacité de ces armes à asphyxier, mutiler et terroriser, c’est exactement ce pourquoi le ministère de l’intérieur dépense des millions d’euros. Je crois que tous les Etats menacés d’être renversés par les classes dominées en viennent tôt ou tard à employer la coercition de masse puis des violences extrêmes et finalement la guerre contre le peuple, s’ils ne sont pas destitués avant par ce peuple.

“Il y a une impunité policière réelle, programmée par les hiérarchies politiques et mise en œuvre par l’institution judiciaire.”

Après un long silence, les grands médias français ont essentiellement mis la focale sur l’usage des LBD. Pour quelles raisons ? 

A partir du moment où cela a commencé à toucher les corps de personnes plus proches de la classe des journalistes, on a commencé à parler des « violences policières » dans les médias dominants. D’autre part, le rapport de force établi par les luttes des gilets jaunes ont forcé les directions de rédaction à évoquer le sujet. Puis lorsqu’un média a vu que ça buzzait, les autres se sont jetés dessus. La thématique « violences policières » est devenu une marchandise en soi.

Mais se pose aussi la question de comment les médias dominants vont se servir du sujet. Avoir réussi à faire surgir le terme « violences policières » dans les médias mainstream, c’est une véritable victoire obtenue par la lutte, mais il faut voir comment le sujet est traité. Et ce qu’on observe évidemment, c’est que les institutions le recodent pour servir les intérêts et les objectifs de leurs états-majors. La « violence policière » est alors décrite comme accidentelle, résiduelle, elle serait le fruit d’un dysfonctionnement, une anomalie, alors qu’elle est la norme. Et on la replie sur le seul sujet du LBD. L’étape suivante a été, pour une partie de la gauche institutionnelle, de proposer l’interdiction du LBD seulement dans ce qu’ils appellent les « mouvements sociaux », donc d’en conserver l’emploi dans les quartiers populaires, les lieux d’enfermement et aux frontières

Tu évoques l’expression “violence policière”, mais la police détient le monopole de la violence légitime. L’expression est-elle donc si pertinente ?

En fait, la thèse du sociologue Max Weber, c’est que l’État revendique le monopole de la violence légitime, justement parce qu’il n’en dispose jamais complètement. Les classes dominées ne se laissent jamais gouverner sans résistances et sont indisciplinées. La police est une institution chargée d’employer la coercition pour maintenir l’ordre social, économique et politique. Elle est violente par principe. Si on te crie « Police ! » dans la rue, ton corps se raidit. Le seul mot de « police » fait violence. L’idée même de pouvoir être contrôlé est un régime de pouvoir particulièrement violent. Perso, quand je dis “violence policière”, c’est pour qualifier ce type de violence d’État, la distinguer de violences judiciaires, militaires… mais pas pour faire comme s’il pouvait exister une police non-violente.

Qu’est-ce qui légitime la manière de se comporter de la police, sa violence exercée avec un tel sentiment d’impunité : le ministère de l’intérieur, la justice ou l’administration ?

Il y a une impunité réelle, programmée par les hiérarchies politiques et mise en œuvre par l’institution judiciaire. Mais toute l’idéologie policière est construite sur une posture victimaire selon laquelle les flics seraient maltraités par l’État. Dans l’ère sécuritaire, cette posture leur permet de réclamer sans cesse plus de moyens, d’argent, d’armes et d’impunité, tout en dissimulant leur statut de milices privilégiées par l’État.

L’interpellation des lycéens de Mantes-la-Jolie le 6 décembre 2018 a finalement donné lieu à un classement sans suite de l’IGPN (Inspection générale de la police nationale). Pour Steve, leur enquête “n’établit aucun lien entre l’intervention de la police et les chutes de personnes dont Steve, dans la Loire.” Mais à quoi sert l’IGPN ?

L’IGPN et les services internes de la police ne travaillent pas à lutter contre les violences policières, qui sont le produit du travail policier pour lequel l’État dépense beaucoup d’argent. Ces structures travaillent à encadrer et discipliner le corps policier pour qu’il produise ce qu’on attend de lui. Comme la violence fait structurellement partie de ce travail, la plupart du temps, ces structures récompensent les policiers impliqués dans des affaires de violences. Ils obtiennent les mutations attendues, des avancements de carrière… Ces institutions sont elles-mêmes composées et dirigées par des policiers qui renforcent encore l’esprit de corps très puissant dans ce milieu.

C’est plutôt l’institution judiciaire qui pourrait théoriquement contrôler ces pratiques policières. Mais pour les mêmes raisons, elle les valide la plupart du temps, chaque fois que ces pratiques n’entrent pas en contradiction avec les intérêts du pouvoir et des classes dominantes. Quand on rend un non-lieu sur l’affaire des lycéens, on valide des pratiques d’humiliations et de punition collectives – dont on connaît pour certaines la généalogie coloniale et militaire. Pour tous les policiers de France, il est désormais autorisé de faire ces choses-là, c’est validé. Pour Steve, c’est “homicide involontaire” qui a été retenu, ce qui revient à construire sa mort comme un accident, un dysfonctionnement. Alors que la socio-histoire de la police montre justement que ce sont des pratiques rationnellement et techniquement organisées par l’État qui produisent toutes ces violences.

Plusieurs figures des gilets jaunes ont été arrêtées lors du 14 juillet, et il y a eu des milliers d’arrestations préventives pendant tout le mouvement des gilets jaunes. Cela illustre t-il la symbiose parfaite entre les pouvoirs policier et judiciaire ?

La chaîne de commandement théorique part du politique, passe par le judiciaire et aboutit au policier. Mais chacun de ces champs dispose aussi d’une autonomie relative et dans l’ère sécuritaire, le pouvoir policier tend de plus en plus à vouloir ordonner les pouvoirs judiciaires et politiques. Je ne crois pas qu’il y ait une symbiose parfaite mais plutôt une collaboration constante entre des institutions dont les fractions dirigeantes peuvent aussi s’opposer et se concurrencer. D’autre part, il y a toujours une différence majeure entre le mythe de la séparation des pouvoirs et le fonctionnement réel du champ judiciaro-politique.

Sur l’affaire de Jérôme Rodriguez [figure des gilets jaunes qui a perdu un oeil lors d’une manifestation], il peut sembler évident qu’une fraction politique demande à une fraction judiciaire de se saisir du dossier pour criminaliser le personnage. Mais au fond, il n’y a même pas vraiment besoin de demander. Les agents des pouvoirs politiques, judiciaires et policières appartiennent à une même classe sociale. Il y a de nombreuses situations dans lesquelles ils n’ont même pas besoin de se coordonner, dans la mesure où ils pensent de la même manière et ont des intérêts convergents. Et là, de toute évidence, ils pensent qu’ils peuvent en finir avec le mouvement de cette façon.

“Une société capitaliste sans police, cela n’existe pas. Une société égalitaire n’a pas besoin de police.

Le corps de Steve vient d’être retrouvé dans la Loire et l’enquête sur Zineb Redouane n’avance pas. Dans les deux cas, de nombreuses zones d’ombre demeurent. Avons-nous affaire ici à des mensonges d’État ?

Oui, mais je cherche en vain des contextes dans lesquels l’État dirait la vérité au « peuple », disons une vérité appuyée sur de l’enquête sincère, honnête et rigoureuse qui servirait à rendre la justice sociale… Il semble que dans l’ère néolibérale-sécuritaire, le prince n’a plus le temps de faire semblant. Mais à chaque époque, les politiques publiques sont structurées par des fictions et des discours mystificateurs. De la politique énergétique à la politique étrangère, dans les domaines économiques, juridiques ou militaires, en fait dans tous les domaines, l’État ment, ça fait partie de sa mission auprès des classes dominantes. Il n’est sans doute pas possible de gouverner une société inégalitaire sans produire des imaginaires chargés de légitimer les injustices. Les classes dominantes racontent ce qu’elles veulent aux classes dominées, c’est la base. L’idéologie dominante, c’est l’idéologie des dominants et donc l’idéologie de leur domination, expliquait Marx.

Est-ce que, selon toi, une police juste, garante de la sécurité des citoyens, serait possible en France et pourrait trouver grâce à tes yeux ? Comme la police de proximité, supprimée par Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’intérieur du gouvernement Jean-Pierre Raffarin, en 2003, par exemple ?

Il y a dans l’histoire beaucoup d’exemples de « polices de proximité ». Ce sont des dispositifs d’occupation des territoires populaires, de contrôle local et intime des classes pauvres. C’est encore une fiction de croire que ce serait la gentille police avec qui on joue au foot. Ces polices ont pour objectif de pénétrer la vie quotidienne de tout le monde dans un quartier. Ces dispositifs servent à alimenter les tribunaux en comparution immédiate, et donc les prisons et le néo-servage carcéral. Historiquement, la police émerge avec l’esclavage, le capitalisme et le colonialisme. Ce sont des systèmes qui se sont construits et ont toujours fonctionné ensemble. Une société capitaliste sans police, cela n’est pas possible parce que les misérables ne se laissent pas faire. Et une société égalitaire n’a pas besoin de police. Peut-être que dans une société d’émancipation, on peut admettre des manières de faire respecter les règles que les habitant.e.s se sont donné.e.s eux-mêmes, mais ce n’est, justement, plus une police.

Interview réalisé par Selim Derkaoui

https://www.frustrationlarevue.fr/letat-a-recours-a-des-repertoires-de-violence-qui-montent-en-intensite-jusqua-ce-quil-ait-reussi-a-ecraser-ou-discipliner-ce-qui-gene-les-classes-dominantes/?fbclid=IwAR0x03LYBOHZncGE2rIil2BKW1gPIa88L_FxHdh6Sr3MTI4q9dE2WIEMWh8

Grèce Résistance à la frénésie pétrolière

En Grèce, face à la frénésie pétrolière, la résistance s’organise

6 juillet 2019 / Andrea Fuori et Raphaël Goument (Reporterre)

Depuis 2014, 72 % des eaux et 13 % des terres de la Grèce sont destinées à la recherche et l’exploitation des hydrocarbures, bien souvent à l’insu des populations locales. Mais, avec l’aide d’associations environnementales, la résistance s’organise, notamment dans l’Épire.

  • Région de Ioannina (Grèce), reportage

« C’est impossible que ça arrive pour de vrai. Non, je ne peux pas imaginer qu’il n’y ait plus d’arbres ici. Si les travaux se font vraiment, s’ils commencent à sortir du pétrole de la terre, nous les bloquerons. Nous n’avons pas le choix. » Costas, prof de maths à la retraite, nous dit ça tout en déchargeant d’énormes sacs d’engrais et de terre de sa voiture. Et, comme chaque jour, pose la même question à sa fille, qui gère le commerce : « Et les ouvriers de la prospection, on a eu des nouvelles aujourd’hui ? » Son visage est doux, son front cuivré luit sous le soleil. « Non rien. Je crois qu’ils ont été aperçus ce matin vers Zagori [un village voisin d’une trentaine de kilomètres], mais le maire est venu protester en personne, les ouvriers ont tout replié et sont partis. »

Costas, prof de maths à la retraite : « Tout le monde a peur de ce changement, pas juste nous, les retraités. »

Difficile d’imaginer que leur village, Zitsa, petit bourg d’environ quatre-cents habitants perdu dans un massif montagneux de l’Épire, soit au cœur des appétits de grands groupes pétroliers. Et pourtant, le sous-sol de cette région du nord-ouest de la Grèce, la plus pauvre du pays, pourrait regorger d’hydrocarbures (pétrole, gaz et gaz de schiste). Tout comme un gros tiers du pays, à la fois dans les terres et en milieu marin. « Le gouvernement a ouvert tout l’ouest du pays aux compagnies pétrolières, il y en a pour des années, nous en sommes encore aux toutes premières phases », se désole Takis Grigoriou, chargé de mission chez Greenpeace Grèce. L’ONG, après un engagement historique contre l’extraction du lignite, a décidé de placer le pétrole au cœur de ses activités fin 2017. « C’est devenu clair qu’il fallait s’en soucier, que ça devenait un enjeu majeur. »

Vingt « blocs » ont été délimités comme on coupe un gâteau, le long de la côte occidentale, des Balkans à la Crète

L’hypothèse de présence d’hydrocarbures dans les sous-sols de l’Épire n’est pas nouvelle. L’armée italienne fut la première à y mener des recherches durant la Seconde Guerre mondiale, avant qu’Athènes ne reprenne le flambeau dans les années 1960, puis 1980. Mais le paysage, difficile et escarpé, avait rendu les prospections infructueuses. Les récentes innovations technologiques, notamment le traitement des données sismiques, ont rebattu les cartes. La seule concession de Ioannina, qui couvre une partie de l’Épire, promet ainsi aujourd’hui de produire entre 3.000 et 10.000 barils par jour.

 

Zitsa, bourg de 400 habitants, en Épire, dans le nord-ouest de la Grèce.

À en croire les déclarations en 2014 d’Antonis Samaras, alors Premier ministre (droite) : en 30 ans, pas moins de 150 milliards d’euros d’entrées fiscales pourraient bénéficier à la Grèce. Une manne pour un État qui peine toujours, neuf ans plus tard, à sortir son économie du marasme dans lequel l’a plongée la crise de la dette publique, qui lui a fait perdre près du tiers de son produit intérieur brut (PIB).La suite est connue : 20 « blocs » ont été délimités comme on coupe un gâteau, le long de la côte occidentale, des Balkans à la Crète. Les sites en mer couvrent au total 58.000 km2, soit 72 % des eaux grecques. À terre, 17.000 km2 sont concernés, soit 13 % du territoire. Tous les blocs ont été attribués ou sont en cours d’attribution sous la forme de concessions de 25 ans. Au rendez-vous, deux compagnies nationales : Hellenic Petroleum et Energean. Mais aussi des grandes compagnies occidentales : Total, ExxonMobil, Repsol ou encore Edison, une filiale d’EDF.

Carte des « blocs » attribués et en voie d’attribution.

Pour l’instant, au cœur des massifs épirotes, ni forage ni puits de pétrole, seulement la chaleur et les nuées de papillons. Pour apercevoir les travaux préparatoires, une seule solution : suivre les pistes. Costas, le vieux prof de maths, ne se fait pas prier. Petrus, son vieux copain, un ancien boulanger à Athènes, insiste pour nous accompagner. Il faut s’éloigner du village, quitter la route et ralentir l’allure sur les chemins rocailleux, s’enfoncer à pied dans le maquis escarpé, traverser les forêts de noyers et de châtaigniers. « Peu de gens viennent jusqu’ici. » La zone est reculée, à peine parcourue par les chasseurs, qui y traquent lièvres et sangliers. Difficile de comprendre comment les ouvriers peuvent l’atteindre.

Petrus, l’ami de Costas. Boulanger à la retraite, il est lui aussi revenu couler ses vieux jours dans les montagnes de l’Épire.

Soudain, le vrombissement d’un hélicoptère se répand dans le ciel. À basse altitude, il hélitreuille des caisses volumineuses. « C’est comme ça qu’ils transportent leur matériel et tous leurs outils, certaines zones ne sont même pas accessibles par la route », précise Costas, visage tourné vers les cimes. Lorsqu’on lui demande comment il peut être sûr qu’il s’agit bien d’ouvriers de la compagnie pétrolière, il rit jaune. « Pourquoi y aurait-il un hélicoptère ici autrement ? » Son copain rigole à son tour.

Un des hélicoptères utilisés pour déplacer outils et matériel dans le maquis de Zitsa, une zone escarpée et difficile d’accès.

Après un bon moment à crapahuter, le vieux professeur s’immobilise. Il pointe du doigt un petit ruban jaune qui flotte au vent, noué à la branche d’un arbuste. « C’est comme ça qu’ils balisent leurs chemins jusqu’aux zones où ils font leurs explosions. » Effectivement, tous les 20 mètres, un ruban conduit à un autre. À la fin du jeu de piste, des trouées artificielles autour desquelles la végétation a été arrachée. Au milieu, des sacs de sable couvrent les orifices qui ont servi à introduire des explosifs dans le sol. Depuis un an, des milliers de ces trouées clairsèment la région.

Des sacs de sables ont été déposés à l’endroit ou les explosifs ont été utilisés.

« D’ici un an, ils auront fini les tests sismiques, ensuite ce sera le moment des premiers forages » 

Les habitants des dizaines de hameaux dispersés dans le massif de l’Épire semblent parfois à peine au courant du destin qui a été négocié pour eux, à des centaines de kilomètres de là, à Athènes. C’est le cas de Stavros, originaire de Kalahori, patelin d’une quarantaine d’âmes. « J’ai découvert ce projet seulement fin 2016, en tombant sur un reportage sur Alpha [une télévision privée] qui vantait les aspects positifs de l’exploitation pétrolière de Prinos [l’ancienne et unique exploitation grecque, dans l’est du pays, exploitée depuis le début des années 1970]. La seconde partie du reportage, c’était mon village ! Tu imagines ? Il montrait les traces de pétrole qui remontent à la surface, près de la rivière. » Personne alors, dans les communautés locales, ne se soucie réellement du problème. C’est seulement l’année suivante, avec l’arrivée des premiers ouvriers et le lancement des recherches à l’automne 2017, que les locaux prennent conscience de la situation, sans n’avoir jamais vu l’esquisse d’une consultation publique.

Les massifs montagneux proches de Zitsa.

La région abrite pourtant un des blocs à l’agenda le plus avancé. Le Parlement grec a ratifié le lancement des opérations dans la zone en octobre 2014. 4.187 km2 sont concernés, faisant craindre un désastre écologique d’ampleur. Pas moins de 20 espaces naturels protégés pourraient être touchés, rien que pour ce bloc. Deux autres sites, cette fois dans le Péloponnèse, inquiètent aussi les ONG : Katocolo (cinq millions de barils espérés) et le golfe de Patras (200 millions de barils espérés). « L’extraction pétrolière est un danger imminent. D’ici un an, ils auront fini les tests sismiques, ensuite ce sera le moment des premiers forages », dit Takis, de Greenpeace.

Vassiliki, 65 ans, née à Zitsa, où elle ouvert une boulangerie en 1992. Avec l’exploitation pétrolière, « il y aura du travail seulement pour quelques-uns et pour quelques temps, ça ne changera rien au problème du chômage dans notre village ».

Aucun des partis politiques représentés à la Vouli (le Parlement grec) ne semble désireux de remettre en question cette frénésie pétrolière. Ni même la formation de gauche radicale Syriza, au pouvoir depuis 2015, qui s’était pourtant fait élire avec un programme ne laissant guère de place à l’extractivisme. « C’est une trahison inacceptable, ils étaient contre. Une trahison qui aura des conséquences désastreuses sur l’économie locale et l’environnement ! » dit Dimitris Ibrahim, engagé avec WWF. Et d’ajouter : « Les seuls qui nous soutiennent, c’est le MeRA25 et Varoufakis [le Front réaliste européen de la désobéissance, formation fondée en 2018 par l’ancien ministre des Finances du premier gouvernement Tsipras]. » Après avoir approché les 3 % aux élections européennes, la jeune formation pourrait espérer faire son entrée à la Vouli lors des élections anticipées le 7 juillet prochain.

« Il y a toujours eu ici un sens très fort de la communauté, de l’attachement à la terre » 

Au cœur des maquis, les communautés épirotes se sont faites à l’idée qu’il fallait s’organiser sans rien attendre de personne. En 2017, Lila, une habitante de la région lance le premier groupe Facebook dédié au sujet. Deux ans plus tard, Save Epirus compte plus de 16.000 membres des quatre coins du pays. « Il n’y avait aucune information pour les habitants. On a créé ce groupe pour informer et aussi pour s’organiser. C’est compliqué de se croiser ici, il n’y a pas forcement beaucoup de contacts entre les communautés », explique Lila. Âgée de 44 ans aujourd’hui, elle a quitté Athènes en 2007 pour se lancer dans les chambres d’hôtes. Comme elle, les jeunes de la capitale ou de Thessalonique, la deuxième ville la plus peuplée du pays, sont nombreux à envisager de s’installer dans le massif de l’Épire, reprenant parfois des terres familiales. Sans compter les retraités, comme Costas ou Petrus, qui reviennent au village pour leurs vieux jours. « Il y a un réseau de la diaspora épirote en Grèce. Il y a toujours eu ici un sens très fort de la communauté, de l’attachement à la terre. Les jeunes reviennent tous passer l’été dans leur village », nous confirme Anastasis, un jeune étudiant investi dans l’opposition au projet à Ioannina, chef-lieu de l’Épire adossée au lac Pamvotis. « Cette région fait office de laboratoire pour les industries pétrolières : si le projet parvient à être accepté ici, alors ils pourront le faire partout », analyse le jeune homme.

Le lac Pamvotis, que borde Ioannina.

Dans les villes d’Athènes, de Thessalonique ou encore de Ioannina, les milieux militants et écologistes grecs se sont rapidement mobilisés. L’Alimura, centre social autogéré au cœur de la petite capitale régionale, accueille chaque semaine depuis février 2018 une assemblée ouverte. Jusqu’à 60 ou 70 personnes font parfois le déplacement, parfois de communes éloignées. Un rôle de relais essentiel, mais que Dimitris Ibrahim, de la WWF, veut nuancer : « Ils [les réseaux anarchistes et antiautoritaires grecs] sont très actifs, ils ont des réseaux très développés, mais ils ne touchent pas tout le monde, les Grecs ne s’y retrouvent pas forcement. »

Vassilis, 85 ans, né à Zitsa : « Je suis tout de même inquiet pour la pollution, est-ce qu’ils maitrisent vraiment ce qu’ils font ? »

Les petits villages semblent en tous cas mobiliser au-delà de leurs maquis. Les premières manifestations organisées à Ioannina ont fait le plein de soutiens. Plus de 2.000 personnes défilaient en mai 2018 dans le chef-lieu de l’Épire, qui ne compte que 65.000 habitants. Puis, à nouveau en juin 2019. Un exploit sans le soutien d’un parti politique. La manifestation organisée à Athènes, en février, n’a en revanche rassemblé que quelques centaines de personnes. « Ils doivent prendre conscience que ce problème nous concerne tous, il faut que tout le monde se rende compte et se mobilise », dit Lila.

« Tout le monde est d’accord pour travailler ensemble. On se structure peu à peu » 

Des réunions publiques et des assemblées se multiplient un peu partout sur les territoires concernés. L’idée émerge d’une grande coordination de toutes les assemblées contre les exploitations pétrolières de Grèce pour le mois de septembre. Un mouvement vu avec enthousiasme par les ONG. « Bien sûr que nous y participerons, si nous avons la chance d’être invités. Mais ce sont des mouvements citoyens, portés par des collectifs très divers, cela n’a rien à voir avec nos structures, notamment en matière d’organisation, il ne faut pas tout mélanger », dit le chargé de mission de la WWF.

L’Alimura, centre social de Ioannina, accueille chaque soir des discussions et des assemblées, notamment celle des opposants à l’extraction pétrolière.

Bien qu’elles tiennent à s’afficher en retrait, les organisations Greenpeace et WWF demeurent très actives et cherchent à faire décoller le mouvement. Samedi 22 juin, 13 délégations de dix différentes zones promises à l’exploitation d’hydrocarbures se sont ainsi rendues à bord du mythique Rainbow Warrior afin de tenter de coordonner les différents collectifs. « Je pense que c’était un succès, tout le monde est d’accord pour travailler ensemble. On se structure peu à peu. Maintenant, comment trouver des idées concrètes rapidement ? » résume Takis, chargé de mission de Greenpeace.Les deux organisations ont aussi essayé d’emmener la bataille sur le terrain juridique, sans guère de garantie de succès. Deux recours déposés par les ONG sont en cours d’examen par les plus hautes institutions du pays. L’un a été lancé en 2018 et concerne le bloc de Ioannina, l’autre, cette année, pour le bloc marin au sud-ouest de la Crète. À chaque fois, les organisations mettent en cause des infractions à la législation existante sur les études des conséquences environnementales. Les décisions sont attendues pour la rentrée. Ni le ministère grec de l’Environnement et de l’Énergie ni l’entreprise Repsol, qui gère les recherches dans le bloc de Ioannina, n’ont pas pour l’instant donné suite à nos sollicitations.

Frontex et maltraitance sur des migrants

L’agence Frontex accusée de tolérer des maltraitances sur des migrants

Sprays au poivre, traques avec des chiens… L’agence Frontex, responsable du contrôle des frontières extérieures de l’UE, est accusée d’avoir toléré des maltraitances commises sur des migrants par des fonctionnaires locaux et d’avoir elle-même violé les droits de l’homme lors d’expulsions

Frontex, l’agence chargée des frontières extérieures de l’UE, est accusée d’avoir toléré des maltraitances commises sur des migrants par des fonctionnaires locaux et d’avoir elle-même violé les droits de l’homme lors d’expulsions, selon plusieurs enquêtes publiées ces jours-ci par des médias européens.

Ces derniers reprochent à Frontex de laisser des gardes-frontières « en Bulgarie, en Hongrie et en Grèce » traquer les demandeurs d’asile avec des chiens, recourir à des sprays au poivre ou les refouler brutalement.

L’enquête a été menée conjointement par le site d’investigation allemand Correctiv, le quotidien britannique The Guardian et la chaîne allemande ARD, qui doit diffuser son reportage mardi. Ils disent s’appuyer sur « des centaines de documents internes à Frontex » qui ont été « classés sans suite ».

L’ARD a diffusé de premiers extraits sur son site ce lundi, à voir ici.

The Observer, édition dominicale du Guardian, a publié une première enquête le 4 août (en anglais).

L’enquête du site Correctiv est à lire ici en allemand.

Jointe par l’AFP, Frontex fait savoir qu’elle prendra « les mesures qui s’imposent », tout en précisant que « si l’agence peut suspendre un agent déployé par Frontex dans le cadre de ses opérations, elle n’a pas autorité sur le comportement des polices aux frontières locales ni le pouvoir de mener des enquêtes sur le territoire de l’UE ».La Commission européenne va « suivre » le travail de Frontex pour « voir si les faits rapportés sont exacts » et en tirer les conséquences « appropriées », a déclaré une porte-parole, Mina Andreeva, lors d’un point presse lundi midi au Berlaymont, à Bruxelles. « Toute forme de violence et de mauvais traitement contre les migrants et réfugiés est inacceptable », a poursuivi Mina Andreeva, assurant que l’exécutif européen « pren[ait] très au sérieux » ces accusations.

Source Rédaction Médiapart

Grèce Le projet de mine d’or de Skouries

« Enthousiasme chez Eldorado pour le « changement de climat » en Grèce

Selon un reportage de capital.gr, la prise de contrôle du gouvernement par Mitsotakis, associée à la hausse importante du prix de l’or et à l’achèvement du refinancement, ont créé un élan positif pour le groupe canadien.

Selon le directeur général de la société, le ministère de l’environnement a mis en place un comité mixte avec la société, le dialogue entre les deux parties étant positif.
« La décision de mettre en place un comité conjoint entre le ministère et l’entreprise témoigne d’une volonté de coopérer, d’une manière mutuellement acceptable. «Nous sommes déterminés à créer un investissement sûr, moderne et de classe mondiale en Grèce. Cela inclut l’application des meilleures technologies disponibles, telles que la méthode des résidus secs en tas à Skouries, qui réduit l’empreinte environnementale de 40%. Nos investissements créeront des emplois bien rémunérés pour les familles et les entreprises locales, conduiront à la responsabilité sociale des entreprises, paieront des taxes importantes et généreront des revenus d’exportation pour des générations. Le gouvernement partage ces objectifs avec nous « , a déclaré en particulier le chef de la division Eldorado Gold.

« Nous sommes vraiment enthousiasmés par le changement de climat », a déclaré George Burns dans son message.

Toutefois, il convient de rappeler que la société canadienne utilise des filiales à l’étranger depuis des années pour éviter toute imposition via les Pays-Bas et, par la suite, jusqu’aux îles de la Barbade. Cette pratique a été divulguée depuis 2014 avec les recherches de l’ONG néerlandaise SOMO, tandis que les documents de Paradise Papers ont confirmé que ces sociétés restaient actives, au moins jusqu’en 2016. »

source : thepressproject.gr

______________________________________________________

SOS Méditerranée 1er sauvetage en mer

Chers amis,

Hier, 85 personnes dont 5 femmes et 25 mineurs ont pu être mis en sécurité par nos équipes à bord de l’Ocean Viking. Le plus jeune a seulement un an. Cette nouvelle, nous souhaitons la partager avec vous, à terre, qui nous donnez les moyens d’agir là où des vies sont en danger.

Partie de Libye, l’embarcation a été signalée jeudi soir. Nos équipes à bord l’ont cherchée toute la nuit mais ce n’est qu’hier matin qu’elle a été trouvée grâce aux indications données par un avion portugais de l’opération Sophia.

Épuisés après plus de 48h à la dérive en mer, entassés sur une embarcation pneumatique qui commençait à se dégonfler, les 85 rescapés ont applaudi à l’approche de nos marins-sauveteurs.

A la suite de cette opération, nos équipes ont passé une partie de la soirée à rechercher une autre embarcation partie en même temps que la première aux dires des rescapés. Quelques heures plus tard, nous apprendrons que cette deuxième embarcation aurait été interceptée par les garde-côtes libyens et ramenée en Libye, au détriment du droit maritime et des conventions internationales.

Aujourd’hui, nos équipes restent en alerte à la recherche d’autres embarcations en détresse et prennent soin des 85 rescapés qui ont pu se laver, manger et recevoir les premiers soins à bord de l’Ocean Viking.

S’ils sont sains et saufs, c’est grâce à vous ! Sans votre soutien et celui de milliers de citoyens, nous ne serions pas en mer pour leur tendre la main.

Ce sauvetage, moins de 24h après notre arrivée en Méditerranée centrale, montre une nouvelle fois que notre mission est essentielle sur cet axe migratoire le plus mortel au monde.

Guidés par notre devoir d’humanité, nous continuons et pour cela, nous avons plus que jamais besoin de votre soutien !

http://www.sosmediterranee.fr/

L’histoire de Konstantína Koúneva

L’histoire de Konstantína Koúneva, militante syndicale défigurée fin décembre 2008 dans un quartier d’Athènes à la suite d’une attaque à l’acide, est traversée par l’histoire grecque de ces dix dernières années et la traverse en retour d’une façon oblique, singulière et sensible.

Travail, non féminin Publié le par dimitris alexakis sur Ou la vie sauvage

à Nádia, Vásso, Beáta, Sýlvia, Christína et Yánnis

« Cet événement m’a marquée à vie. Il a mutilé mon visage, mon corps et a fait de moi quelqu’un d’autre. Il a plongé ma famille dans la peine ; pour mon fils, il a marqué la fin de l’enfance. Mais je ne me suis pas arrêtée là, je n’ai pas été neutralisée, je vis en en portant les conséquences et j’avance. » [1]

L’histoire de Konstantína Koúneva, militante syndicale défigurée fin décembre 2008 dans un quartier d’Athènes à la suite d’une attaque à l’acide, est traversée par l’histoire grecque de ces dix dernières années et la traverse en retour d’une façon oblique, singulière et sensible.

Elle invite à repenser cette séquence de dix ans à partir de l’expérience de celles et ceux qui sont en apparence sans pouvoir et relègue au second plan le vocabulaire économique ou financier qui en a dominé la lecture.

Elle lie la question de la violence à celle du travail précaire. Malgré sa gravité, l’acte dont elle a été victime n’est pas un cas à part. Sous des formes multiples (insultes sexistes, racistes, chantage au licenciement, au non-renouvellement de la carte de séjour et à l’expulsion, pressions diffuses, menaces, passages à l’acte…), la violence est le mode par lequel les entrepreneurs du nettoyage ont cherché à imposer en Grèce une précarité proprement invivable.

La violence était présente avant le début officiel de la crise de la dette et a été chaque fois une réponse opposée à des pratiques de résistance — dans les secteurs du nettoyage, du bâtiment ou de l’agriculture saisonnière, sur des quais de métro, des chantiers ou dans les champs de fraises de la région d’Ilía, à l’ouest du Péloponnèse.

Elle jette un jour cru sur la collusion entre entreprises privées d’une part, services étatiques et personnes morales de droit public de l’autre : avant d’être portés par un « projet » politique, la flexibilité, la précarisation, le démantèlement du cadre législatif et des autorités de contrôle sont d’abord apparus sous une forme presque nue, sans oripeaux ou apparats idéologiques, et ne se sont développés que parce que certains, à l’intersection des secteurs privé et public, y trouvaient intérêt.

les mobilisations du prolétariat largement féminin et immigré auquel elle appartient ont joué un rôle essentiel dans la dynamique qui a porté la « gauche radicale » au pouvoir en janvier 2015

Elle invite à penser le contournement et l’évidement des garanties légales à partir des pratiques de sous-traitance et d’externalisation. L’expérience de Konstantína Koúneva, employée immigrée en Grèce dans le secteur du nettoyage, est solidaire de celle des couturières de Dacca, Bengladesh, qui peuvent apparaître comme des « travailleuses immigrées employées à domicile » : il s’agit toujours de découvrir ou de créer des zones de non-droit, d’externaliser la production là où un certain état du droit n’a pas ou n’a plus cours.

Elle rappelle que les mobilisations du prolétariat largement féminin et immigré auquel elle appartient ont joué un rôle essentiel dans la dynamique qui a porté la « gauche radicale » au pouvoir en janvier 2015 et signale que le courage et l’initiative politiques ont à des moments-clefs été le fait de celles et ceux qui étaient le plus vulnérables ; elle marque une autre dette.

Le parcours de Konstantína, passée en 2014 du terrain syndical à une action politique plus institutionnelle, éclaire aussi l’histoire de la gauche radicale grecque, marquée coup sur coup par le succès d’un référendum d’opposition aux plans d’austérité (5 juillet 2015) puis par la ratification de ces plans (13 juillet 2015). Elle invite ainsi à interroger, sous l’angle de la sous-traitance et du travail précaire, la stratégie et les actes du gouvernement d’Alèxis Tsípras dont le mandat, avec la tenue d’élections législatives anticipées, le 7 juillet 2019, arrive aujourd’hui à son terme.

« Tu n’es pas seule »

Autour de 2012, mon cousin, Yánnis, s’est trouvé à quelques pas d’elle dans un wagon de métro et l’a reconnue avec une sorte d’effroi et de respect silencieux ; le terme qu’il emploie pour décrire la rencontre, δέος, traduit le sentiment éprouvé face à ce qui relève du sacré. Sans l’avoir jamais vue, il a immédiatement mis un nom sur ce visage séparé des autres par ses lunettes noires et sa peau abîmée. Il l’a regardée descendre du train avec l’aide d’une femme plus âgée, se mêler à la foule sur le quai de Sýntagma et l’a suivie des yeux jusqu’à ce qu’elle disparaisse. Il était à deux doigts de lui parler ou de lui adresser un geste de sympathie mais est resté immobile. La femme qui, 4 ans auparavant, avait suscité un élan de solidarité sans pareil et cette silhouette anonyme étaient la même personne. Il s’est remémoré la phrase qui était apparue sur les murs et avait été criée par des dizaines d’inconnus sous les fenêtres de l’hôpital où elle a été conduite dans la nuit du 22 au 23 décembre : « Konstantína, tu n’es pas seule. »

En grec, le travail, η εργασία, est un mot féminin. Travail précaire se dit : επισφαλής εργασία, et le travail en alternance : εκ περιτροπής εργασία. Le mot μετανάστευση, « immigration », est féminin dans les deux langues. Le mot « enfant », lui, est du genre neutre, το παιδί.

Tous les mots qui concernent le visage sont neutres, eux aussi : το μάτι, l’œil, το στόμα, la bouche, το πρόσωπο, le visage, το δέρμα, la peau.

Le liquide qu’on lui a lancé au visage et qu’on lui a fait ingérer de force porte le nom d’acide sulfurique concentré, θειικό οξύ, et est le plus souvent désigné sous son nom archaïque, vitriol.

L’infinitif ayant à peu près disparu de la grammaire grecque, le nom des verbes se formule à la première personne : « lutter » se dit « je lutte » (αγωνίζομαι), « survivre » « je survis » (επιβιώνω).

Son prénom, Костадинка, est toujours prononcé ici à la manière grecque. Elle choisit, elle — sur son compte Twitter, sur la page du Parlement européen qui lui est consacrée — de restituer la prononciation bulgare en l’écrivant Kostadinka.

Son nom est parfois associé dans la presse au mot « affaire », υπόθεση, qui ravale l’événement au rang d’une procédure. Quelque chose pourtant résiste. On ne se débarrasse pas comme ça de la violence, du désir de vivre, des mots, des sujets, des histoires, des corps et des visages et des blessures qu’ils portent.

La phrase « Konstantína, tu n’es pas seule » avait, à l’hiver 2008, plusieurs sens. Elle suggérait que la violence dont elle avait été victime n’était pas un cas isolé ni un accident ; qu’elle était en passe de se généraliser sous une forme ou une autre à l’ensemble de ce « monde du travail » qui n’est justement plus un monde mais une multitude de trajectoires diffractées. Elle signifiait à rebours que Konstantína faisait partie d’une société qui pouvait sortir de l’ombre pour la défendre — et se défendre elle-même — en affirmant un « nous ». C’était aussi une phrase qui venait après-coup : il est probable que l’attaque n’aurait pas eu lieu si Konstantína n’avait pas été laissée seule face aux menaces et à la violence patronales. « Tu n’es pas seule » était l’expression d’un monde qui se ressaisissait, prenait ou reprenait conscience de lui-même à partir d’un défaut, d’un manque (de solidarité, de présence, d’attention, de réflexes ou d’humanité, de temps à consacrer à l’autre), d’un vide qui se serait ouvert à la surface du monde et à travers lequel on aurait aperçu, un bref instant, l’horreur.

Cette phrase renfermait ainsi, comme en creux, un « nous » ; c’est singulièrement à partir de la mort d’un adolescent de 15 ans tué par la police le 6 décembre de la même année et de la tentative de meurtre perpétrée contre elle que ce « nous », en Grèce, a commencé à prendre forme. Le collectif est apparu pour s’adresser à celui et à celle qui en avaient été séparés ; ce « nous » n’a pas commencé par dire « nous », mais « tu » : un « nous » sous-entendu, à la deuxième personne.

Comme l’a pressenti Yánnis quelques années plus tard, cette phrase était aussi un slogan qui, 4 ans après avoir été scandé, semblait être retourné à l’indifférence initiale.

« Τu n’es pas seule » se dit en grec δεν είσαι μόνη. La deuxième personne est fréquemment employée pour s’adresser aux inconnus comme si la langue grecque incitait à briser la glace. « Où vas-tu ? » demande volontiers le conducteur du taxi ou le chauffeur du bus à celle ou celui qui vient d’y monter. L’oralité prime en grec jusque dans l’écriture romanesque — chez Kavvadías, Tachtsís, Tsírkas, Míssios. Les luttes de ces dernières années ont partie liée à cette manière de se défaire des formules et clivages faits pour tenir l’autre à distance ; il y a dans la langue une résistance à la ville où personne ne se parle. L’assemblée de la place Sýntagma, en 2011, a été par excellence un lieu de parole, de rupture de l’anonymat. « Tu n’es pas seule » vient aussi de là : même écrite sur les murs, c’est une phrase parlée, qui convoque l’autre de manière physique, où le tutoiement marque un rapport au corps.

Le souvenir de la petite foule rassemblée en décembre 2008 sous les fenêtres de sa chambre évoque d’autres rassemblements, comme cette veillée sur le parvis d’un hôpital aux fenêtres grillagées organisée à la fin de l’année 2014 en soutien à Níkos Romanós, emprisonné à la suite d’une tentative de braquage, arbitrairement privé de son droit aux études et en grève de la faim. « Tu n’es pas seule » est une injonction à tenir, à ne pas basculer de l’autre côté. Il s’en faut parfois d’un message ou d’un geste.

Les deux slogans les plus marquants de cette période de violence patronale, de violence policière et d’émeutes — Αυτές οι μέρες είναι του Αλέξη (« Ces journées sont celles d’Alèxis »), Κωνσταντίνα, δεν είσαι μόνη (« Konstantína, tu n’es pas seule ») — sont ainsi liés par deux prénoms.

« Location d’ouvrières »

Le début remonte à 1989 et à l’effondrement du Mur ; à l’entrée de la Grèce, pays de quelque 11 millions d’habitants, moins industrialisé que ses voisins du Nord et à la monnaie infiniment moins forte, dans le concert des pays de l’euro (2002) puis dans le cercle restreint des nations olympiques.

À la veille de 2004, le pays est à la fois censé renouer avec son héritage antique (« Les Jeux reviennent à la maison ») et être reconnu comme une nation du XXIe siècle — en se pliant aux méthodes de management contemporaines, en lançant une politique de grands travaux dispendieux et sans utilité sociale, en faisant des termes de croissance et d’investissements le fin mot de toute politique, en favorisant la collusion entre responsables politiques locaux et dirigeants de grandes multinationales et en démultipliant sa dette.

Pour soutenir sa « modernisation », le pays fait appel en masse à une main-d’œuvre venue en particulier de l’ancien bloc de l’Est (Albanie, Bulgarie, Géorgie, Pologne, Russie, Ukraine, Moldavie, Roumanie…). Konstantína, qui est née en 1964 dans la ville bulgare de Silístra, entre en Grèce en 2001.

Elle a fait des études d’histoire et d’archéologie à l’université Cyrille et Méthode de Velíko Tírnovo et travaillé dans une boutique de vêtements et une usine de papier. Les problèmes de santé de son fils, qui doit depuis l’âge de deux ans subir une opération de cœur indéfiniment reportée, ont joué un rôle déterminant dans sa décision de partir s’installer en Grèce.

L’enfant a 4 ans, et elle 37, lorsqu’ils arrivent à Athènes.

Elle intègre OIKOMET, une société de nettoyage et de « location d’ouvriers », autrement dit de sous-traitance, qui a décroché l’appel d’offres pour l’entretien de la ligne de métro reliant Kifissiá au Pirée, la plus ancienne de la capitale.

Les services de nettoyage d’hôpitaux, de tribunaux, d’aéroports, d’installations portuaires, d’universités et d’écoles, de dépôts de bus ou de trains sont depuis le début des années 90 confiés par des administrations étatiques, des collectivités territoriales ou des entreprises d’intérêt public à des sociétés privées employant tantôt une petite dizaine, tantôt plus d’un millier de personnes. Cette tendance à l’externalisation (outsourcing) s’accélère au tournant des années 2000. La société anonyme OIKOMET, qui compte plusieurs centaines de personnes, est alors une des plus importantes du secteur.

Konstantína travaille beaucoup plus que les huit heures légales et est fréquemment appelée, dans la même journée, sur 2 ou 3 sites.

« Elle avait encore du mal à parler le grec, au début, se souvient une collègue, mais elle lisait beaucoup. »

Dans un texte publié quelques années plus tard, elle se souvient qu’elle conduisait son fils sur la colline de Philopáppou qui fait face à l’Acropole ; ils pique-niquaient, l’enfant faisait ses devoirs, l’enfant et la mère discutaient au retour avec des inconnus qui promenaient leurs chiens, « c’était comme un conte ».

Syndiquée depuis 2002, elle est deux ans plus tard élue secrétaire de l’Union des employées de maison et de nettoyage de la région d’Attique — une de ces unions professionnelles qui se développent alors dans le monde du travail précaire et dont le nombre, quelques années plus tard, s’élèvera à plus de 60.

Le secteur du nettoyage compte des employé·e·s de deuxième, de troisième voire de quatrième catégorie. Une femme seule avec enfants est plus susceptible d’y être soumise à la pression patronale, un homme parlant mal le grec plus souvent pressé de signer un contrat dont il ne comprend pas les termes ; dans certains dépôts de bus, les femmes de ménage immigrées sont systématiquement harcelées. Il est quelquefois demandé à celle ou celui qui ne parle pas ou ne sait pas lire le grec de signer un contrat en blanc. En conditionnant le droit au séjour à l’emploi, les textes qui régissent le séjour des étrangers en Grèce accroissent leur vulnérabilité.

Konstantína est bien placée pour le savoir : dépendante du renouvellement de ses titres de séjour, elle a débuté son activité syndicale à l’insu de ses employeurs, de manière quasi-clandestine, par crainte des représailles.

Elle étudie les pratiques et les textes, repère la façon dont les employeurs enfreignent la loi ou mettent à profit ses lacunes et ses imprécisions — en maintenant notamment les heures de travail déclarées en-dessous du taux obligeant au versement des cotisations liées à l’exercice d’un « métier pénible et à risque ».

Elle recense les heures supplémentaires impayées, les omissions et négligences en matière de sécurité, le non-acquittement des cotisations de Sécurité sociale, les accidents du travail camouflés, dénonce le manque de contrôles, pointe les risques que fait peser sur la santé la manipulation de certains produits et les cas d’agressions sexuelles dont les employées femmes, dispersées dans la ville et souvent isolées, font l’objet. Elle dénonce l’existence de « listes noires » visant à exclure de la branche tout·e employé·e récalcitrant·e. Elle documente la pratique du « clonage » : sur un chantier donné, une entreprise déclare employer 20 personnes alors qu’elle n’en emploie que 10 ; en cas de contrôle de la Sécurité sociale ou de l’Inspection du travail, les 10 employé·e·s manquant·e·s sont réquisitionné·e·s et transféré·e·s sur place depuis un autre site. La pratique a pour effet de gonfler artificiellement la facture des appels d’offres ; des milliers d’euros s’évaporent ainsi dans une zone grise, à l’intersection des secteurs privé et public.

Konstantína réagit, écrit, interroge : son travail constituera la base de l’enquête publiée en 2009 [2] par l’Institut du travail sous l’égide du syndicat GSEE [3] et qui lui est dédiée.

Identifiée comme déléguée syndicale à la suite d’une tentative de licenciement, elle est consignée aux horaires de nuit alors qu’elle a un jeune garçon entièrement à sa charge. Elle touche un peu moins de 600 euros par mois.

« Nous ne sommes pas en Colombie »

Sa mère déclare lors d’un entretien : « Parce que j’étais malade, Konstantína me cachait ses soucis, mais je n’étais pas dupe. De temps en temps, elle sortait pour un travail et revenait très angoissée. »

Son activité syndicale a une incidence directe sur le quotidien de son fils et les conditions de travail de sa mère :

« Lorsqu’ils ont appris son activité syndicale, ils m’ont déplacée jusqu’à la gare de Rèndi. Nettoyer simultanément les trains, les toilettes, les bureaux : j’ai eu droit à tout. Lorsque je faisais mine de protester, c’étaient immédiatement des mises en demeure. Les courriers prétendaient que je n’avais pas fait du bon travail, que j’avais par exemple oublié de nettoyer un WC. Je refusais de signer. La responsable me disait : “Je te virerai et tu ne trouveras de travail nulle part.” Je lui répondais : “Je le sais, je suis une femme âgée.” »

À la station de Maroússi, un chef d’équipe tire un jour Konstantína par les cheveux en gueulant :

« Tu n’as pas de papiers, tu n’as rien à faire ici, retourne dans ton pays. »

L’Union des employées de maison et de nettoyage contraint le gouvernement grec à prendre position. Le ministre du Travail publie en mai 2006 une circulaire rendant tout organisme public comptable de la légalité des sociétés de nettoyage avec lesquelles une convention de sous-traitance est signée.

Face à la pression syndicale, les employeurs de l’OIKOMET déposent en mai 2007 les statuts d’un syndicat d’employé·e·s devant le Tribunal de première instance d’Athènes ; « contre-syndicat » dont les membres fondateurs sont des cadres, des chefs de service et des surveillants — certains liés à la direction par des liens de parenté.

Le 20 novembre 2008, une rencontre tripartite réunit au ministère de l’Emploi le syndicat, l’État et la société sous-traitante. À l’extérieur du bâtiment, plusieurs de ses confrères conspuent les syndicalistes femmes : « Elles vont fermer l’entreprise et nous faire perdre notre emploi. » Dans la foule se trouve un immigré, qui hue avec les autres ; il sera pourtant licencié au premier de l’An sans préavis ni prime de Noël. À la fin de la rencontre, quelques manifestants s’en prennent à elle et commencent à la malmener. Elle fuit, se réfugie dans les ruelles voisines et, quelques jours plus tard, reçoit de nouvelles menaces anonymes.

Ses alarmes ne sont pas prises au sérieux par les directions syndicales ni — moins étonnant — par la direction d’OIKOMET, qui rejette ses demandes visant à passer sur la grille du matin et à être réaffectée à la station de Thisseío, plus proche de chez elle et de son fils.

« Elle avait en permanence un surveillant sur les talons, se souvient une militante syndicale. Ça devenait de plus en plus pénible. On ne savait pas qu’elle recevait des menaces de mort, seulement qu’un homme avec une petite moustache la suivait lorsqu’elle prenait le train pour rentrer : il lui arrivait de changer de wagon. Elle n’allait pas bien, était à bout, faisait de l’hypertension ; ça se voyait. On se dit aujourd’hui qu’elle nous dissimulait, pour nous protéger, une partie de la vérité. Beaucoup, à son travail — surtout des surveillants — disaient qu’elle était folle. Ils étaient parvenus à la culpabiliser. Elle pensait peut-être que personne ne la croirait. »

Le 26 novembre 2008, elle rencontre le journaliste belge Jacky Delorme, missionné par le Bureau international du travail. Sur l’enregistrement, la voix de Konstantína déclare distinctement : « Ils me disent qu’ils vont me tuer. »

L’interview, se souvient Delorme, n’a pas été réalisée sans mal car « elle pensait être surveillée ». Il termine l’entretien, prend discrètement une photographie d’elle à la station de Maroússi avant de partir poursuivre son enquête dans d’autres pays. La référence aux menaces ne retient pas davantage l’attention du traducteur de l’entretien, spécialiste du droit du travail :

« Je n’y ai pas fait plus attention que ça car c’était quelque chose qu’elle répétait souvent. Je n’ai pas cru qu’ils oseraient s’attaquer à une syndicaliste. Nous ne sommes pas en Colombie, me disais-je. »

Le 6 décembre 2008, Alèxandros Grigorópoulos, 15 ans, est tué sous les yeux de son meilleur ami, Níkos Romanós, qui l’avait invité pour sa fête à boire un coup dans le quartier d’Exárcheia. Alèxandros est assis sur un plot au moment où la balle tirée par un policier l’atteint à la poitrine. Une foule où on note pour la première fois la présence de très jeunes adolescents se déverse dans le centre d’Athènes, prenant pour cibles les vitrines, les guichets bancaires et les commissariats, enflammant voitures et poubelles. L’émeute durera un mois et marque un moment de cassure.

Le 23 décembre, Konstantína revient chez elle de nuit, comme à son habitude, dans le quartier d’Àno Pètrálona. Aux pieds de son immeuble, elle aperçoit un homme appuyé à un mur et qui semble être pris d’un malaise. Elle s’approche de lui pour lui venir en aide. L’homme se retourne, projette en direction de son visage le contenu d’une bouteille, l’immobilise, l’oblige à avaler le reste du liquide puis prend la fuite. La scène, se souviendra-t-elle dix ans plus tard, dure « deux ou trois secondes ». Elle tente de poursuivre l’agresseur, d’apercevoir son visage, de noter le numéro de la mobylette sur laquelle il s’éloigne. Les premiers témoins rapportent qu’elle parle encore mais que des lambeaux entiers se détachent de sa peau. Des voisins balancent un tuyau par-dessus un balcon, descendent, l’aspergent d’eau, l’entourent d’une couverture. On attend l’ambulance.

Sa mère, Èlèna, est confrontée en arrivant à l’hôpital au milieu de la nuit à un visage détruit.

Dans les jours qui suivent, elle décline la demande des journalistes qui souhaitent publier des photographies de sa fille : « Cela ne fera qu’attiser la haine. »

Lors de la manifestation organisée aux Propylées par les syndicats de base, le jeudi 22 janvier 2009, Èlèna marche en tête de cortège derrière une banderole qui réclame la fermeture des « entreprises esclavagistes ».

Delorme, bouleversé, envoie ses enregistrements aux médias grecs en leur enjoignant de les publier : « Je pensais qu’elle exagérait. » La police, de son côté, s’évertue à présenter l’attaque comme un crime passionnel, passe au crible sa vie personnelle à la recherche de l’amant éconduit qui aurait cherché à attenter à ses jours — pratique comparable à celle qui suivra l’assassinat de Zak, activiste LGBTQI, en septembre 2018 [4].

Amnesty International dénonce le caractère lacunaire et partial de l’enquête. Selon son avocate, plusieurs témoins cruciaux n’ont pas été interrogés ou l’ont été à la va-vite. Dans un entretien accordé 9 ans après les faits, Konstantína dira :

« L’enquête a été close précipitamment. Les enregistrements des caméras de surveillance n’ont pas été examinés, aucun prélèvement biologique n’a été effectué, les appels téléphoniques et les comptes bancaires de suspects n’ont pas été contrôlés. »

Le propriétaire d’OIKOMET, qui dirige également une société de surveillance, se tait.

Konstantína est hospitalisée au neuvième étage de l’hôpital Evanguèlismos et communique avec le monde extérieur par l’intermédiaire de notes manuscrites, souvent destinées aux femmes du syndicat, qu’elle transmet à sa mère. Sur un bout de papier qu’elle griffonne alors qu’elle est encore en soins intensifs, elle indique la couleur du vêtement d’hiver que portait son agresseur : gris. Une note à l’intention de journalistes porte simplement les mots : « J’ai vu. »

Elle ne disparaît pas.

Elle a presque perdu la vue — aucune vision d’un œil, moins de 30% de l’autre.

Plusieurs opérations lui permettent peu à peu d’améliorer son état, mais son œsophage est détruit et elle respire difficilement. Les cordes vocales ont été atteintes ; sa voix porte jusqu’à aujourd’hui les marques de l’attaque.

Les premières interventions de chirurgie plastique donnent forme à un semblant de visage ; les médecins l’invitent à ne pas en espérer plus. Le fait qu’elle ait survécu et que les fonctions corporelles essentielles aient pu être rétablies tient déjà du miracle. En dépit de la reconnaissance qu’elle voue aux membres de l’équipe soignante de l’hôpital Èvanguèlismos, elle décide de poursuivre ailleurs sa lutte pour la réappropriation du visage.

« Amis inconnus » et collègues se relaient pour garder l’enfant et permettre à Èlèna de rendre visite à sa fille. L’enfant « sait presque tout », rapporte sa grand-mère. « Il reste silencieux et réfléchit. Il essaye de comprendre. »

Elle est soutenue au long de cette période par un immense mouvement de solidarité ; les fonds collectés lui permettront, en 2012, de s’installer en France, où une chirurgienne esthétique a accepté de poursuivre les soins.

Après la tentative d’assassinat dont elle a été victime, le gouvernement de l’époque précise en 2010 le cahier des charges auquel devront se tenir les sous-traitants [5] et annonce la création d’un registre des sociétés en infraction.

Mais les services de l’Inspection du travail ne sont pas renforcés et les entrepreneurs continuent de contourner la loi en intimidant les employé·e·s. D’autres mesures prises un peu plus tard leur seront par ailleurs favorables : la durée maximale d’emploi en continu d’une personne « prêtée » par une société de location de main-d’œuvre au même « employeur indirect » sera bientôt étendue de 12 à 36 mois.

Mémorandums

Les années 2010 – 2014 sont marquées par l’adoption de deux mémorandums qui, à la faveur de la crise de la dette, généralisent le démantèlement du droit du travail — et par une série de mobilisations et de scandales dans le secteur du nettoyage. Un dimanche de décembre 2010, Aziz Emad, ouvrier égyptien, perd la vie à la suite d’une chute dans l’enceinte du ministère du Travail, alors qu’il nettoyait des vitres. Les femmes de ménage d’un hôpital athénien découvrent que l’entreprise qui les employait ne leur doit pas d’indemnités de licenciement et qu’elles ne peuvent s’inscrire au chômage : l’employeur a fait d’elles, à leur insu, des actionnaires de la société. La nouvelle secrétaire de l’Union des employées de maison et de nettoyage dénonce la pression à laquelle sont soumises les femmes de service des hôpitaux sommées, pour pallier le manque de personnel, de passer « des toilettes aux cuisines puis aux salles d’opération ».

Suite à la publication d’un appel d’offres par le ministère de la Santé, la question de la transparence des appels d’offre, du clientélisme et de l’influence des « cartels » (groupements illicites d’intérêts entre grandes entreprises du secteur) est posée en septembre 2012. Loin d’être périphérique, la question de la sous-traitance met en cause le fonctionnement même des services de l’État, des municipalités et des collectivités locales, comme celui des partis : le personnel d’une société de sous-traitance est réquisitionné, un soir, pour faire la claque et remplir la salle d’un meeting où une personnalité de droite s’exprime.

Konstantína refait une apparition publique à Athènes au mois de mai 2014 pour soutenir l’occupation symbolique du ministère des Finances par les 595 femmes de ménage licenciées un an plus tôt [6].

On apprend qu’elle a porté plainte contre la société OIKOMET au titre des articles sur les accidents du travail, signifiant ainsi que son agression est indissociable des violences moins visibles ou de plus basse intensité qui caractérisent le secteur.

Elle se présente peu après aux élections européennes en tant que candidate indépendante associée au parti Syriza, et est élue — première femme immigrée d’un pays de l’Union à accéder à cette fonction. De 2014 jusqu’aux élections récentes, elle siège à Strasbourg au sein du groupe de la Gauche unitaire (GUE/NGL).

Les dossiers qu’elle défend sont liés à son expérience de femme, d’immigrée, d’employée du nettoyage, de mère et de personne handicapée. Rapporteuse devant la Commission des droits de la femme et de l’égalité des genres, elle porte un projet de résolution sur « les femmes employées de maison, auxiliaires de vie et gardes d’enfants » et est associée au rapport « pour une meilleure égalité des genres » dans le cadre des services de soins. Elle formule des propositions visant à rétablir l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée, défend la création d’une plateforme européenne de lutte contre le travail non déclaré, promeut l’application au niveau européen de la Convention de l’ONU sur les droits des personnes handicapées et fait campagne en faveur d’une extension du congé maternité. Ses responsabilités lui permettent aussi de promouvoir l’interdiction de la vente libre d’acide sulfurique. [7]

Elle est confrontée aux limites de son mandat et à celles du Parlement qui, malgré une préséance toute protocolaire, dispose de pouvoirs législatifs moins importants que le Conseil de l’Union. Elle se conforme aussi à la discipline de parti — comme lors du vote de la directive européenne sur le droit d’auteur (mars 2019), ratifiée à Strasbourg en l’absence des députés grecs de Syriza, au grand dam de celles et ceux pour qui elle demeure une référence éthique, la seule figure peut-être de la « gauche radicale » ayant échappé au désaveu qui a suivi le revirement de juillet 2015.

Les gants jaunes

La fin de l’externalisation et l’embauche des employé·e·s de service par des contrats à durée indéterminée constitue un des engagements du gouvernement de « gauche radicale » élu en janvier 2015. Face au vide juridique dans lequel se déploient les pratiques du secteur, Pános Skourlètis, nouveau ministre de l’Emploi, déclare en avril 2015 que son administration s’apprête à « mettre en place des règles strictes, à interdire les pratiques illégales, à introduire une législation rétablissant les conventions collectives et à renforcer les mécanismes de contrôle, indépendamment des négociations en cours » — quelques mois avant que son gouvernement ne revienne sur le résultat sans appel du référendum de juillet et ne ratifie le troisième mémorandum.

Le 7 mai 2015, l’Union des employées de maison et de nettoyage adresse au gouvernement grec un ensemble de revendications articulées autour de l’intégration des personnels de nettoyage à la fonction publique. Ces revendications, qui se heurtent à une disposition centrale des mémorandums (le gel des embauches par l’État, les collectivités locales ou les organismes de droit public), sont en phase avec les efforts alors déployés par ce gouvernement pour libérer le marché du travail local du carcan des politiques d’austérité (négociations à l’Eurogroupe) et seront reprises par l’ensemble des collectifs de la période.

Les mobilisations de « gants jaunes » ne sont pas freinées par le tournant « réaliste » du gouvernement Tsípras : lutte des employées de nettoyage du ministère du Travail, grève et fondation du syndicat des employées chargées de l’entretien des bus, mobilisation dans les hôpitaux Sismanógleio, Metaxás et Dromokaïteio, soutien des enseignants et des agents administratifs de l’Université Capodistrienne au personnel de la société MyServices, lutte des employées de ménage des écoles publiques et de l’école Polytechnique, campagne en faveur de la libération d’une femme de ménage condamnée à 10 ans de prison pour avoir déclaré un niveau scolaire supérieur d’une année au sien.

Les employées de nettoyage, souvent impayées depuis des mois, dénoncent les ponctions arbitraires de salaire, l’obligation qui leur est faite de nettoyer toujours plus de véhicules ou de mètres carrés, l’absence de gants, de masques, de blouses et de chaussures de travail et même de sacs poubelle pour collecter les déchets, l’insuffisance des contrôles, l’absence de droits au chômage, le manque de formation et de prévention, l’indifférence et l’inaction des donneurs d’ordre. Elles constatent qu’un abîme les sépare de ces derniers (« Comment ce responsable pourrait-il comprendre ce que signifie de ne pas être payée pendant 4 mois ? Son salaire à lui n’est pas de 450 euros. Nous vivons dans des mondes entièrement différents… ») et témoignent de l’invisibilisation particulière qui découle de la sous-traitance :

« Tandis que les sociétés auxquelles l’ouvrage est sous-traité changent, les travailleuses qui nettoient les bus restent les mêmes. Nous sommes nombreuses ici à nettoyer depuis 15 ans les bus d’une entreprise de transports dont nous ne faisons pas partie. »

Cette invisibilisation se traduit fréquemment par la non-reconnaissance des années travaillées.

Leurs actions sont à plusieurs reprises réprimées par les forces de l’ordre mais enregistrent aussi quelques victoires. Depuis l’attaque de décembre 2008, aucun gouvernement — a fortiori de « gauche radicale » — ne peut sans risques réprimer les luttes des employées du nettoyage. En 2016, le financement de l’entretien des écoles publiques est rehaussé de 18%. Les employées du nettoyage du ministère du Travail sont réembauchées par l’État à l’issue de la convention de sous-traitance. La femme de ménage de Vólos est libérée au bout de quelques jours et la décision à son encontre finalement annulée par la Cour de cassation.

La loi 4430/2016, qui autorise l’État et les personnes morales de droit public à conclure des contrats individuels à durée déterminée dans « des circonstances exceptionnelles, imprévues et urgentes » et en présence « de dysfonctionnements graves affectant l’attribution et l’exécution des marchés publics » est la première mesure prise par le gouvernement Syriza en matière de sous-traitance. Son application est aussitôt bloquée par les entrepreneurs du secteur, qui contestent en justice les embauches décidées par les conseils d’administration de deux hôpitaux publics.

L’affaire est portée devant le Conseil d’État grec puis devant la Cour de justice européenne, qui conclut le 25 octobre 2018 que ces contrats peuvent être « exclus du champ d’application » de la directive européenne en vigueur sur la passation des marchés publics. L’arrêt rappelle cependant que ces contrats ne pourront être transformés en contrats à durée indéterminée et que cette exclusion ne constitue donc pas une entorse au cadre mémorandaire (« l’impossibilité de créer des postes statutaires conformément à l’article 103, paragraphe 2, de la Constitution, en raison de la crise économique en Grèce et des engagements internationaux de celle-ci »). L’affaire est indicative des biais que le gouvernement en exercice doit emprunter pour contourner l’esprit et la lettre des mémorandums et de l’étroitesse de sa marge de manœuvre.

la singularité de Konstantína est de se trouver, tout au long de cette période, des deux côtés, au plus près de la faille qui traverse la gauche

En 2018, 260 femmes de ménage — dont la plupart travaillaient jusqu’alors pour la société de sous-traitance locale — intègrent l’hôpital Evanguèlismos, le plus grand du pays. Le changement de statut marque une amélioration nette de leurs salaires et de leurs conditions de travail.

Si elles obtiennent l’assurance orale que leur contrat sera renouvelé au bout de 12 mois, le gouvernement renvoie à plus tard la création de postes à durée indéterminée tout en faisant de leur embauche un cas emblématique de sa capacité à changer les choses et à rester fidèle à ses promesses initiales : l’heure est venue, pour le gouvernement Tsípras, d’envoyer des signes à la « majorité sociale ». Mais ce nouveau cadre, circonscrit au secteur public, n’est appliqué que partiellement, essentiellement dans des unités dépendant du ministère de la Santé, et dépend largement de décisions prises par les conseils d’administration de chaque établissement ; précaire, il est à la merci d’un changement de majorité. Les mémorandums, eux, sont sanctuarisés par des lois-cadres et des articles constitutionnels.

La question de la fin de la sous-traitance se pose dans de nombreux autres domaines liés à l’administration publique ou relevant du privé : dans les transports, l’université, la construction routière, le tourisme — qui ne réunit pas moins, selon une organisation syndicale du secteur, de 14 formes d’emploi précaire —, l’énergie, les banques — où les exemples de travail dissimulé sont légion —, la téléphonie, les compagnies pétrolières mais aussi les ports, comme celui du Pirée, dont la privatisation a été parachevée par le gouvernement en place, ou les aéroports : l’énorme majorité des employé·e·s présent·e·s à l’aéroport d’Athènes travaillent eux aussi pour des sous-traitants. Si la fin du mandat de la « gauche radicale » est marquée par une baisse des chiffres du chômage, elle voit aussi une recrudescence de l’emploi précaire [8], une augmentation du nombre de travailleurs pauvres et une augmentation des accidents du travail. [9]

Le projet de loi soumis à l’Assemblée en mai 2019 a pour ambition proclamée de corriger certaines des mesures austéritaires les plus injustes en matière de droit du travail et de réaffirmer l’existence d’une ligne de démarcation — entre « droite et « gauche » — devenue indiscernable sur la question de la dette, du modèle de développement ou en matière de politique étrangère. [10] Comme l’affirme la ministre en charge du projet, la question des droits du travail est celle qui, à l’approche des élections, pourrait permettre au gouvernement Tsípras de rappeler sa différence. Trop tard : la loi est votée à quelques jours des scrutins européens, régionaux et municipaux de mai 2019 qui voient le parti au pouvoir subir une défaite écrasante.

Malgré quelques dispositions positives (mesures techniques en faveur des livreurs-coursiers, mesures plus substantielles sur les salaires impayés [11] et les heures supplémentaires, « coresponsabilité » du donneur d’ordre et du sous-traitant, renforcement des services de l’Inspection du travail [12]), la stratégie du gouvernement qui, au bout de quatre ans d’exercice, prétend que « tout commence aujourd’hui » suscite plus de perplexité, d’incrédulité ou de colère que de reconnaissance ; difficile d’oublier que ce même gouvernement a, un peu plus d’un an auparavant, fait voter des mesures restreignant drastiquement le droit de grève au niveau des syndicats d’entreprise et vient de refuser que les employé·e·s de la sous-traitance puissent être couvert.e.s par la convention collective de branche à laquelle leur activité devrait les rattacher.

La démarche consistant à articuler l’action gouvernementale en deux temps contradictoires, dissociés ou désaccordés (un premier consacré à la signature et l’application des plans d’austérité, un second consacré à la « défense du monde du travail » et des plus précaires) ne convainc pas. Ce qui manque, entre le premier et le deuxième temps du gouvernement Tsipras, ce qui a disparu, c’est la dimension même de la rupture — comme si le gouvernement grec feignait de se persuader que la « défense du monde du travail » pouvait se passer du conflit, voire résulter de l’application des « programmes d’aide » européens.

La singularité de Konstantína est de se trouver, tout au long de cette période, des deux côtés, au plus près de la faille qui traverse la gauche ; députée européenne associée au parti Syriza, elle continue de se définir comme une syndicaliste immigrée et confie qu’elle souhaite maintenir le lien entre « ceux qui sont restés » et « ceux qui sont partis » — réparer les blessures.

Strasbourg, Bruxelles, Athènes, Paris

Entre Strasbourg, Bruxelles, Athènes et Paris, son action se développe désormais sur trois plans : celui d’une politique de parti et de groupes, avec ses concessions, ses alliances, sa bureaucratie et son isolement singulier, à l’échelle supranationale et dans le contexte inédit créé par la capitulation de l’été 2015 ; celui du procès en cours et d’une exigence de réparation symbolique ; celui de la réhabilitation au point le plus intime de l’identité et du corps : le visage à restaurer, à récupérer, à soigner, opération après opération — plus de 30.

En juillet 2013, le tribunal de première instance du Pirée condamne les responsables de l’ancienne OIKOMET à lui verser une indemnité de 250 000 euros. La tentative de meurtre est reconnue comme un accident du travail et la société sous-traitante taxée de « négligence » pour avoir refusé de prendre en compte ses cris d’alarme répétés. Le jugement de première instance est annulé en février 2016 par la Cour d’appel du Pirée qui la somme de rembourser les sommes déjà perçues. Elle porte l’arrêt devant la Cour de Cassation qui confirme le jugement d’appel ; elle décide alors de saisir la Cour européenne des droits de l’homme.

« Je me bats, déclare-t-elle neuf ans après les faits, pour qu’aucun patron ne puisse plus menacer ses employées en leur disant : Souvenez-vous de ce qui est arrivé à Koúneva. »

Le fait est que ces menaces, proférées à l’hôpital psychiatrique Dromokaïteio en juillet 2014 ou, autour de 2016, dans l’enceinte de la Cité universitaire, sont devenues monnaie courante.

Dix ans après les faits, elle confie qu’elle commémore chaque année le 23 décembre comme « le jour où j’ai survécu ; j’aurais pu ne jamais atteindre 55 ans, j’aurais pu perdre la vie il y a 10 ans. »

L’auteur de l’agression n’a pas été identifié. « Le mal dont je souffre est visible, dit-elle, celui dont il souffre est invisible. Je suis certaine que cette histoire le tourmente plus que moi ». Elle note : « Ce qui m’est arrivé aurait pu se produire dans n’importe quel pays. » Elle se souvient de la mobylette et « des vêtements du jeune homme », en employant une expression typiquement grecque et étrangement tendre. [13] Elle s’efforce de décrire ses difficultés sensorielles : ayant perdu l’essentiel de sa vision, il lui faut faire effort pour comprendre son environnement ; elle ne sait pas toujours d’où viennent les sons. Son sens du goût et son sens du toucher ont été considérablement réduits. Elle ne peut avaler qu’un petit nombre d’aliments, et toujours avec peine. Elle dort assise dans un fauteuil ou sur une chaise pour éviter que les sucs gastriques ne l’étouffent. Elle se sent plus forte quand elle marche. Elle doit encore, dit-elle, « s’apprendre elle-même » : « J’observe mon corps, j’apprends à le diriger. »

La musique l’accompagne. Elle écoute du disco, de la musique classique, des chorales et du jazz dans le train qui la conduit à Strasbourg. Elle danse un peu le matin en guise de gymnastique. Elle déclare élever son fils « avec humour, comme j’ai grandi moi-même. » Elle ne croit pas en Dieu mais « en la nature ». « Nous faisons tous partie d’elle ; nous y avons tous la même part. »

« Konstantína, tu n’es pas seule » : la phrase de décembre 2008 réapparaît ces jours-ci, au lendemain du scrutin qui voit le parti au pouvoir perdre une grande partie de ses sièges à la tête des régions et des villes et subir un net recul au Parlement européen. Konstantína n’est pas reconduite. Dans un tweet publié le 28 mai dernier, un responsable du parti de droite Nouvelle Démocratie déclare après l’annonce de sa défaite que cette nouvelle tombe à pic, qu’il cherchait justement une boniche — les mots « je cherche une femme », Ψάχνω γυναίκα, sont en grec d’une violence presque invisible, tant elle est quotidienne ; « une femme », dans ce contexte, c’est « une femme de ménage » — inutile de le préciser.

en Grèce, les luttes des employé·e·s de la sous-traitance continuent

Le fait que cette agression verbale intervienne au lendemain de sa défaite, à un moment où Konstantína peut doublement apparaître comme une « femme battue », ne doit rien au hasard.

Un ami écrit peu après :

« Hier soir, dans le centre d’Athènes, j’ai dépassé Konstantína Koúneva. Elle était seule et marchait tout près de l’endroit où l’agression contre elle a eu lieu. Il y avait de la solitude dans cette image. Le fait que quelqu’un ait pu tenir sur elle aujourd’hui des propos orduriers n’a aucune importance ; ce qui compte, c’est qu’elle était debout. »

La citoyenneté grecque lui a été accordée par décret en décembre 2018. La cérémonie a lieu à Athènes le 31 mai 2019, quelques jours après les élections, dans un petit bureau : « Les événements les plus importants ont parfois lieu dans les lieux les plus humbles », note-t-elle. Au moment de prononcer les 24 mots du serment, les personnes présentes se touchent l’une l’autre à l’épaule.

De 2008 jusqu’à ces derniers jours, elle s’est constamment efforcée de contourner le statut d’héroïne, d’icône, de femme exemplaire, de mère courage ou de victime médiatisée auquel beaucoup ont voulu l’assigner et de déjouer les pièges d’une visibilité et d’une exposition imposées. Cette position émerge dès ses premières prises de paroles, quelques semaines après l’attaque : l’attention du public ne doit pas se concentrer sur elle ni sur la cruauté inédite de l’attaque mais sur le sort commun des femmes qu’elle représente. Elle ne veut pas plus, selon ses propres mots, devenir un emblème qu’un repoussoir ; elle cherche à définir elle-même sa propre place. La lutte consiste toujours à « reprendre le contrôle de sa vie ». Inutile d’être d’accord en tous points avec elle et avec son action pour percevoir qu’elle a ainsi donné à la représentation politique une vérité et une consistance singulières.

En juillet 2018, Danièla Prèlorèntzou, 62 ans, qui travaillait pour la municipalité de Zográfou, à l’Est d’Athènes, « une municipalité de gauche », a perdu connaissance au lendemain de la grève des éboueurs, dans le local réservé au personnel de nettoyage, et n’est pas revenue à elle.

En Grèce, les luttes des employé·e·s de la sous-traitance continuent.

Dimitris Alexakis, 5 juillet 2019 // première publication: Vacarme, édition en ligne, 6 juillet 2019

Notes

[1] Konstantína Koúneva, Dix ans après

[2] https://www.inegsee.gr/ekdosi/OiErgasiakesSxeseisstonKladotoyKatharismoy/

[3] Confédération générale des travailleurs de Grèce (secteur privé).

[4] https://vacarme.org/article3181.html

[5] Nombre d’employé·e affecté·e·s sur chaque chantier, jours et heures de travail, montant des salaires et des cotisations sociales, surface dévolue à chaque employé·e, bénéfice escompté.

[6] Leur réintégration sera une des mesures-phares du gouvernement Syriza élu en janvier 2015.

[7] Lire aussi la Pétition n° 0368/2015, présentée par Patricia Lefranc, de nationalité belge, sur l’interdiction de la vente d’acide sulfurique (vitriol) aux particuliers.

[8] L’emploi à temps partiel, de 5% avant la crise, dépasse aujourd’hui les 25%.

[9] L’année 2017 constitue une année record pour les accidents du travail ; 7 357 — chiffre le plus élevé depuis 2000 —, dont 76 mortels.

[10] Accords de « coopération stratégique » avec le gouvernement d’extrême-droite de Benyamin Netanyahou.

[11] Mais qui ne s’appliquent qu’aux petites et moyennes entreprises et laissent hors champ les grandes entreprises anonymes et leurs actionnaires.

[12] Conséquent si on se réfère à la destruction de l’Inspection du travail opérée par les gouvernements précédents, insuffisant eu égard à la situation du marché du travail après 8 ans de crise et de programmes d’austérité…

[13] Τα ρούχα του παιδιού signifie, littéralement, « les vêtements de l’enfant ».

Source https://oulaviesauvage.blog/2019/07/28/travail-nom-feminin/?fbclid=IwAR0y8qndjZ30lyoH8KVhQhmJT0R7Nc94zK5Dk3I0EaV0AQsnWPMy88P-dkY

Sur la réforme de l’assurance chômage

Réforme de l’assurance chômage : l’insécurisation des demandeurs d’emploi

Cette note analyse la réforme de l’assurance chômage décidée par le gouvernement, qui s’apprête à la mener par décret. Elle revient tout d’abord sur son contexte institutionnel : un processus qui consacre un affaiblissement sans précédent de la gouvernance paritaire de l’Unedic. Elle se penche ensuite sur les principales mesures, à savoir la réduction des droits des demandeurs d’emploi les plus précaires, la dégressivité des allocations chômage des « cadres » et une tarification de type bonus-malus pour certaines entreprises dans des secteurs dont les pratiques de gestion de la main d’œuvre alimentent la précarité de l’emploi. Sachant que l’analyse du projet de décret est encore en cours et qu’on ne dispose pas encore de véritable étude d’impact de la réforme, cette note repart des arguments des économistes orthodoxes qui l’ont promue et des leçons des expériences passées pour en interroger les logiques.

Pour lire la note dans son intégralité, téléchargez le PDF ci-dessous.

Translate »