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La santé mentale en situation d »urgence » chez les enfants réfugiés en Grèce

Eirini Markidi  – migreurop

 Vivre dans ce cauchemar constant d’insécurité et d’incertitude

BETHANY RIELLY écrit sur la crise de santé mentale vécue par les enfants réfugiés piégés dans le camp grec de Moria 2

PENDANT la première semaine de 2021, Katrin Glatz-Brubakk a soigné un réfugié qui avait tenté de se suicider .
Ses bras, déjà couverts de cicatrices, ont été tranchés avec des morceaux frais.
Il lui a raconté : « Je ne peux plus vivre dans ce camp. Je suis fatigué d’avoir peur tout le temps, je ne veux plus vivre ».
Il a 11 ans. Glatz-Brubakk, psychologue pour enfants à la clinique de santé mentale de Médecins sans frontières (MSF) à Lesbos, me dit qu’il est le troisième enfant qu’elle voit pour des pensées et des tentatives de suicide depuis le début de l’année.
Au moment où nous nous sommes parlés, nous n’étions qu’à deux semaines du début de l’année.
Le garçon fait partie des milliers d’enfants qui vivent dans le nouveau camp de réfugiés de Mavrovouni (également connu sous le nom de Kara Tepe) sur l’île grecque, construit après qu’un incendie ait détruit l’ancien camp de Moria en septembre.
MSF a mis en garde contre une « urgence » de santé mentale chez les enfants du site, où 7 100 réfugiés endurent les mois les plus froids de l’année dans des tentes fragiles sans chauffage ni eau courante.
Situé sur la côte, sur un ancien champ de tir militaire, le nouveau site, baptisé Moria 2.0, est complètement exposé aux éléments, les tentes s’effondrant et s’inondant à plusieurs reprises.
Cette semaine, des vents allant jusqu’à 100km/h ont frappé le camp et les températures sont tombées à zéro. En raison des mesures de confinement, les résidents ne peuvent partir qu’une fois par semaine, ce qui signifie qu’ils ne peuvent pas échapper, même temporairement, à la vie dans le camp.

Les conditions de vie dans le camp provoquent la dépression des enfants, et non leurs traumatismes passés

Ce sont ces conditions épouvantables qui font que les enfants s’effondrent au point que certains perdent même la volonté de vivre, me dit Glatz-Brubakk.
Si le garçon de 11 ans qu’elle a traité plus tôt cette année avait subi des traumatismes dans son passé, le psychologue affirme qu’il était un enfant résistant et qu’il se débrouillait bien depuis longtemps.
« Mais il est maintenant à Moria depuis un an et trois mois et il est maintenant suicidaire ».
C’est également le cas de la majorité des enfants qui viennent à la clinique.
Sur notre formulaire d’orientation, lorsque les enfants nous sont adressés, nous avons une question : « Quand ce problème a-t-il commencé ? » et dans environ 90 % des cas, il est indiqué quand ils sont venus à Moria.
Glatz-Brubakk me dit qu’elle a vu des enfants gravement déprimés, qui ont cessé de parler et de jouer et d’autres qui s’automutilent.
L’année dernière, MSF a relevé 50 cas de pensées suicidaires et de tentatives de suicide chez les enfants de l’île, dont la plus jeune était une fillette de huit ans qui a tenté de se pendre.
Il est difficile d’imaginer que des enfants aussi jeunes puissent même penser à s’enlever la vie.
Mais dans le camp, où il n’y a pas d’activités, pas d’école, où les tentes s’effondrent dans la nuit et où les tempêtes rappellent aux enfants la guerre qu’ils ont fuie, de plus en plus de petits sont poussés au désespoir.
« C’est le fait de vivre dans ce cauchemar constant d’insécurité et d’incertitude qui fait que les enfants s’effondrent », dit Glatz-Brubakk.
« Ils ne pensent pas que ça va s’améliorer. Je n’ai pas dormi depuis trop longtemps, je m’inquiète chaque minute de chaque jour depuis un an ou deux » – quand on arrive à ce point d’épuisement, s’endormir et ne plus jamais se réveiller est plus tentant que d’être en vie ».

La crise de la santé mentale s’aggrave

Bien qu’il y ait toujours eu une crise de santé mentale sur l’île, M. Glatz-Brubakk affirme que le problème s’est aggravé depuis que l’incendie a réduit la Moria en cendres il y a cinq mois.
L’incendie a « retraumatisé » de nombreux enfants et a provoqué un pic des urgences de santé mentale dans la clinique.
Mais la principale différence, note-t-elle, est que de nombreuses personnes ont maintenant perdu tout espoir auquel elles auraient pu s’accrocher.
Après l’incendie, l’Union européenne a promis qu’il n’y aurait « plus de Morias », et de nombreux réfugiés ont cru qu’ils seraient finalement déplacés hors de l’île.
Mais il s’est vite avéré que ce ne serait pas le cas.
Alors qu’un total de 5 000 personnes, y compris tous les mineurs non accompagnés, ont été transférées de Lesbos – selon le gouvernement grec – plus de 7 000 restent à Moria 2.0, où les conditions ont été décrites comme pires que dans le camp précédent.
« Ils ont perdu l’espoir d’être un jour traités avec dignité, d’avoir un jour leurs droits humains, de pouvoir mener une vie normale », déclare M. Glatz-Brubakk.
« Vivre dans un trou de boue comme ils le sont maintenant vous enlève tout sentiment d’être humain, vraiment. »
Yasser, un réfugié de 18 ans originaire d’Afghanistan et résident de Moria 2.0, me dit qu’il a également constaté le lourd tribut payé à la santé mentale des adultes.
« Dans ce camp, ils ne sont plus les mêmes que dans le camp précédent », dit-il. « Ils ont changé. Ils ont un sentiment différent quand vous les regardez dans les yeux. »

Aucune amélioration de Moria 2.0

Les sentiments d’abandon, d’incertitude et de désespoir ont également été exacerbés par l’absence d’améliorations dans le camp, qui est géré par le gouvernement grec.
Cela fait cinq mois que le nouveau camp a été construit, mais il n’y a toujours pas d’eau courante ni d’électricité.
Au lieu de cela, de l’eau en bouteille est acheminée par camion et des générateurs fournissent de l’énergie pendant environ 12 heures par jour.
Les résidents et les ONG de base ont pris l’initiative de creuser des tranchées pour atténuer les risques d’inondation et de consolider leurs tentes pour les protéger de l’effondrement. Mais certaines parties du camp sont toujours inondées.
« Quand il pleut, même pendant une ou deux heures, c’est comme un lac », explique Yasser, qui vit dans une tente avec ses quatre jeunes frères et sœurs et ses parents.
L’humidité à l’intérieur des tentes laisse également les vêtements et les couvertures perpétuellement humides, sans possibilité de les faire sécher à nouveau.
Malgré des températures qui sont tombées à zéro cette semaine, les résidents du camp n’ont toujours pas de chauffage, à l’exception des couvertures et des sacs de couchage.
La direction du camp a non seulement été impardonnablement lente à améliorer le camp, mais elle a également fait échouer les tentatives de changement des ONG.
Sonia Nandzik, co-fondatrice de ReFOCUS Media Labs, une organisation qui apprend aux demandeurs d’asile à devenir des journalistes citoyens, me dit que les projets des ONG visant à fournir des couvertures chauffantes à faible consommation d’énergie aux résidents en décembre dernier ont été rejetés.
La direction du camp a décidé que des petits chauffages seraient une meilleure option. « Mais ils ne sont toujours pas là », me dit Nandzik.
« Maintenant, ils ont peur que les fusibles ne prennent pas et qu’il y ait un incendie. Il y a donc très peu de planification, c’est un gros problème », dit-elle.
Le HCR dit qu’il a acheté 950 chauffages, qui seront distribués une fois que le réseau électrique du site aura été mis à niveau. Mais tout cela semble trop peu, trop tard.
D’autres initiatives proposées par des ONG, comme la construction de tentes pour les activités et les écoles, ont également été rejetées.
Le gouvernement grec, qui gère officiellement le camp, a insisté à plusieurs reprises sur le fait que les conditions y sont bien meilleures que celles de la Moria.
Cette semaine encore, le secrétaire du ministère grec de l’immigration, Manos Logothetis, a déclaré que « personne n’est en danger à cause du temps qu’il fait dans le camp temporaire ».
Alors que le gouvernement prétend que le site est temporaire, ce qui peut expliquer pourquoi il n’a guère la volonté de l’améliorer, les 7 100 personnes coincées là – dont 33 % sont des enfants – n’ont aucune idée de la durée de leur séjour dans Moria 2.0 et doivent subir les échecs et les retards des ministres entre-temps.
« Je dirais que cela devient normal », dit Yasser, quand on lui demande s’il s’attend à être dans le camp « temporaire » cinq mois après l’incendie.
« Je sais qu’il n’est pas bon de ressentir ces situations comme normales mais pour moi, cela devient normal parce que c’est quelque chose que je vois tous les jours ».
Yasser est l’un des étudiants en journalisme citoyen de Nandzik. Au cours des derniers mois, elle dit avoir vu la santé mentale de ses étudiants qui vivent dans le camp se détériorer.
« Ils commencent à être de plus en plus déprimés, et parfois ils ne se présentent pas aux cours pendant plusieurs jours », dit-elle, en référence aux cours de compétences médiatiques de ReFOCUS qui ont maintenant lieu en ligne.
Un de ses élèves a récemment cessé de manger et de dormir à cause d’une dépression.
Nandzik l’a emmené dans une ONG offrant un soutien psychosocial, mais ils ont dû rejeter son dossier.
Avec seulement quelques acteurs de la santé mentale sur l’île, la plupart n’ont la capacité de prendre que les cas les plus extrêmes, dit-elle.
« Nous avons donc réussi à lui trouver un psychologue qui parle le farsi, mais à LA car nous craignions sérieusement que, si nous n’agissions pas maintenant, il ne soit affecté à des cas plus graves ».

Pas d’évasion ni de répit

Ce qui aggrave encore les choses, c’est que les demandeurs d’asile n’ont pas la possibilité de s’échapper ou d’avoir un répit dans le camp. Les résidents ne peuvent quitter le camp que pour une période de quatre heures une fois par semaine, et seulement pour un nombre limité de raisons.
Une forte présence policière fait respecter le strict verrouillage, censé empêcher la propagation de Covid-19.
Si les officiers ont considérablement réduit les violences horribles qui éclatent souvent dans le camp de Moria, leur présence ajoute au sentiment d’emprisonnement des résidents.
« La Moria était un enfer, mais depuis que les gens ont emménagé dans ce nouveau camp, le contrôle des lieux s’est accru, donc si vous faites une promenade, c’est comme si j’étais entré dans une prison », me dit Nazanin Furoghi, un réfugié afghan de 27 ans.
« Ce ne serait pas exagéré si je disais que j’ai l’impression de marcher dans une zone morte. Il n’y a aucune joie, aucun espoir – du moins pour moi, c’est comme ça. Même si avant d’entrer dans le camp, je suis heureux, après je me sens si triste ».

Furoghi a quitté l’ancien camp de Moria avec sa famille pour un appartement dans la ville voisine de Mytilene au début de l’année dernière. Elle travaille maintenant dans le nouveau camp en tant que médiatrice culturelle.Furoghi m’explique que lorsqu’elle vivait à Moria, elle sortait avec des amis, suivait des cours et enseignait dans une école pour enfants réfugiés dans un centre communautaire voisin, du matin au soir.Les familles apportaient souvent de la nourriture dans les oliveraies à l’extérieur du camp et organisaient des pique-niquesCes moments rares peuvent faire toute la différence, ils peuvent vous faire sentir humain.
« Mais ici, les gens n’ont aucune activité à l’intérieur du camp », explique-t-elle, « il n’y a pas d’environnement libre autour du camp, il n’y a que la mer et la plage, il y a beaucoup de vent et il n’est même pas possible de faire une simple promenade ».
Les parents à qui elle parle lui disent que leurs enfants sont devenus de plus en plus agressifs et dépressifs. N’ayant rien d’autre à faire et ne disposant d’aucun endroit sûr pour jouer, les enfants se sont mis à courir après les voitures et les camions dans le camp.
Leur nouveau jeu dangereux témoigne de la résilience des enfants, de leur capacité à jouer contre toute attente. Mais Nazanin trouve ce spectacle incroyablement triste.
« Ce n’est pas comme ça que les enfants devraient jouer ou s’amuser », dit-elle, ajoutant que les conditions d’insalubrité dans le camp signifient aussi que les enfants attrapent souvent des maladies de peau.
La boue présente également d’autres dangers cachés. Suite à des tests, le gouvernement a confirmé le mois dernier qu’il y avait des niveaux dangereux de contamination par le plomb dans le sol, en raison des résidus de balles provenant de l’époque où le site était utilisé comme stand de tir. Les enfants et les femmes enceintes sont les plus menacés par les effets négatifs de l’exposition au plomb.

La cruauté du confinement

Les demandeurs d’asile vivant dans des camps sur les îles de la mer Égée ont été mis en quarantaine à des degrés divers depuis l’apparition de l’épidémie en mars.
Des recherches récentes ont montré l’impact dévastateur de ces restrictions sur la santé mentale. Un rapport de l’International Rescue Committee, publié en décembre, a révélé que les cas d’automutilation parmi les personnes vivant dans les camps de Chios, Lesbos et Samos ont augmenté de 66 % à la suite des restrictions de mars.
Une personne sur trois aurait également envisagé le suicide. La détérioration de la crise de la santé mentale dans les îles est également due à l’échec des politiques de l’UE et du gouvernement grec en matière de  » hot-spot « , selon le rapport.
Les demandeurs d’asile qui arrivent dans les îles de la mer Égée doivent attendre des mois, voire des années, avant que leur dossier ne soit traité.
Passer ce temps dans des conditions sordides use les espoirs des gens, ce qui conduit au désespoir et au développement de problèmes psychiatriques.
« La plupart des gens sont entrés dans le camp en bonne santé, mais au bout d’un an et demi, ils sont devenus des patients avec de nombreux problèmes de santé mentale et des tentatives de suicide », explique M. Foroghi.
« Les gens sont donc venus ici pour obtenir une chose, mais ils ont perdu beaucoup de choses. »

Des impacts à long terme

Les enfants traumatisés sont non seulement incapables de guérir dans de telles conditions, mais aussi de développer les compétences clés dont ils auront besoin à l’âge adulte, explique M. Glatz-Brubakk.
En effet, vivre dans un état de peur et d’incertitude constante met le cerveau d’un enfant en « mode alerte ».
« S’ils restent assez longtemps en mode d’alerte, le développement des fonctions normales du cerveau, comme la planification, la structure, la régulation des sentiments et les relations saines, sera entravé – et plus les traumatismes sont nombreux et plus ils restent longtemps dans ces conditions dangereuses, plus l’impact est important », dit-elle.
Yasser me dit que s’il pouvait parler au Premier ministre grec, son message serait un avertissement des cicatrices que le camp leur a infligées.
« Vous pouvez les garder dans le camp et être heureux de les en faire sortir, mais ce qui ne changera pas, c’est ce qui leur est arrivé », dit-il.
« Que deviendra leur personnalité, en particulier les enfants, qui ont été si touchés par le camp ? Ce qui ne change pas, c’est ce que j’ai ressenti, ce que j’ai vécu là-bas ».
Glatz-Brubakk estime que la majorité des 2 300 enfants du camp ont besoin d’un soutien professionnel en matière de santé mentale.
Mais MSF ne peut traiter que 300 patients par an. Et même avec un soutien, vivre dans des conditions qui créent un traumatisme permanent signifie qu’ils ne peuvent pas commencer à guérir.

Appels à l’évacuation des camps

C’est pourquoi les groupes de défense des droits de l’homme et les ONG ont souligné que l’évacuation immédiate de l’île est la seule solution. Dans une lettre adressée cette semaine au médiateur grec, le Centre juridique Lesvos affirme que les conditions sur le site temporaire « atteignent le niveau d’un traitement inhumain et dégradant » et constituent « une atteinte au droit à la vie des migrants « vulnérables », auquel il ne peut être dérogé ». [ https://legalcentrelesvos.org/2021/02/17/greek-authorities-must-urgently-transfer-vulnerable-migrants-to-the-mainland-in-accordance-with-their-own-laws/ ]
Oxfam et le Conseil grec pour les réfugiés ont demandé que l’Union européenne partage la responsabilité des réfugiés et accueille les personnes bloquées sur les îles. [ https://www.oxfam.org/en/press-releases/conditions-moria-20-camp-are-abysmal-say-gcr-and-oxfam#:~:text=But%20the%20new%20camp%20is%20rightly%20dubbed%20’Moria%202.0′.&text=The%20tents%20lack%20a%20solid,it%20is%20of%20bad%20quality ]
Mais il semble que le gouvernement grec ou l’UE ne soient guère disposés à transférer des personnes hors du camp, dont les ministres ont affirmé qu’il ne serait utilisé que jusqu’à Pâques.
Pour l’instant du moins, il semble que ceux qui ont le pouvoir de mettre en œuvre le changement soient heureux de poursuivre la politique des hotspots qui a échoué, malgré l’impact dévastateur sur les demandeurs d’asile.
« Il y a des jours où je désespère vraiment parce que je vois la souffrance des enfants, et quand vous avez un jour tenu la main d’un enfant de huit, neuf, dix ans qui ne veut pas vivre, vous ne l’oubliez jamais », me dit Glatz-Brubakk.
« Et c’est un choix de maintenir les enfants dans ces conditions horribles et cela rend la situation bien pire que de travailler dans un endroit frappé par une catastrophe naturelle ou des choses que vous ne pouvez pas contrôler. C’est douloureux de voir que les enfants paient les conséquences de ce choix politique ».

Cet article est paru pour la première fois dans le journal Morning Star.

Source https://thecivilfleet.wordpress.com/2021/02/21/living-in-this-constant-nightmare-of-insecurity-and-uncertainty/

Grèce : riche ou pauvre, le point de non-retour.

Avec 3,7 millions de personnes, soit 34,8% de sa population sous le seuil de pauvreté, la Grèce se positionne de plus en plus haut dans le classement des pays où les inégalités sont les plus élevées. Des inégalités fruits de nombreux domaines négligés depuis des années par les gouvernements successifs.

Des riches toujours plus riches et des pauvres toujours plus pauvres… C’est le triste constat de la Grèce d’aujourd’hui. Le pays est même actuellement en lice pour le triste trophée du pays européen où la pauvreté a le plus progressé. Bien que de nombreuses actions de solidarité ont été mises en place à Athènes, notamment avec la structure d’accueil d’urgence Kyada, sorte de pharmacie sociale, ou encore le programme d’aide alimentaire et médicale, « Help at home », la misère ne cesse de progresser.

Depuis les mesures plus que drastiques imposées par l’Union européenne et le FMI (fonds monétaire international) depuis plus de 10 ans, dans le cadre d’un plan de sauvetage des fonds publics, la Grèce est plongée dans une austérité effrayante.

Plus d’un tiers de la population vit sous le seuil de pauvreté (aux alentours de 370 euros par mois), et un nombre alarmant de personnes sont sans abris. Seules la Bulgarie et la Roumanie rivalisent avec la Grèce dans ce domaine-là. Ces inégalités de richesse creusent un fossé de plus en plus grand entre les personnes riches et les pauvres. Et comme si cela ne suffisait pas, la pandémie de Covid-19 frappant l’Europe depuis le début de l’année dernière, a encore plus aggravé les différences de richesses…le coronavirus en grave accélérateur de pauvreté.

Des riches encore plus riches
Le seul domaine non touché par l’épidémie est le transport de marchandises maritime. Les confinements successifs et les restrictions de déplacement imposés à la population ont permis aux armateurs grecs de voir leurs chiffres d’affaires doubler voire tripler pendant la pandémie.

D’autant que la Grèce compte les compagnies parmi les plus importantes du monde dans le domaine du transport maritime. Quatre hommes tiennent aujourd’hui le haut du pavé en matière de nombre de bateaux : J.Angelicoussis, G.Procopiou, P. Livanos et G.Economou. Le quatuor contrôle une fortune combinée de 8,6 milliards de dollars avec une augmentation de leurs revenus de 40 pc dans la dernière année, selon l’indice Bloomberg Billionaires.

Des résultats qui démontrent clairement que les armateurs qui possédaient déjà une activité très lucrative, s’enrichissent de plus en plus grâce au virus, mais aussi à l’aide des lois fiscales permissives du gouvernement autour de leurs activités.  Ces armateurs ne se montrent pas particulièrement préoccupés par la situation de la Grèce « En Grèce il n’y a rien à faire ou à transporter », confie même l’un d’eux. Ils refusent, même, comme d’un seul bloc que l’on revienne sur le statut fiscal (statut des armateurs protégé par l’article 107 de la Constitution) dont ils bénéficient dans le pays, sinon, ils brandissent la menace de la délocalisation.

Le pays possède l’une des plus grandes flottes marchandes du monde, totalisant un tonnage de 173 Mt de jauge brute. Le pays précède Singapour (136 Mt), le Japon et la Chine (chacun à 120 Mt). Une activité représentant plus de 6% du PIB (produit intérieur brut) de la Grèce.

La Grèce, une usine à pauvreté ?

Une telle question ne devrait pas être soulevée, et pourtant, il est désormais légitime de la poser. Cependant même si les conditions de vie et de santé des Grecs sans domicile, et des personnes vivant sous le seuil de pauvreté en général, sont très peu connues, faute de chiffres et d’études menées par le gouvernement et les instituts de recherches du pays, il est clair que celles-ci vont se dégrader inexorablement. Depuis une dizaine d’années, ce n’est pas moins de 80% des ménages qui ont subi une baisse importante de leurs revenus.    Les moins aisés continuent de s’enfoncer continuellement et sans bruit dans la détresse.

Plusieurs instances européennes et internationales comme l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) ont d’ores et déjà invité Athènes à se concentrer en priorité à la lutte contre la pauvreté.

Un point de non-retour ?

Alors bien sûr que la Grèce n’a pas encore atteint un point de non-retour, seulement si rien ne change, le pays court droit à une hécatombe sociale. Les responsables politiques l’ont bien compris comme en atteste la déclaration du maire d’Athènes, Kostas Bakoyannis, lors de la Journée Internationale pour l’élimination de la pauvreté :

« La lutte pour éradiquer la pauvreté est un marathon. Il faut avoir la foi dans les valeurs de solidarité et d’humanité. (…). Tout cela nous donne la force de continuer, de tout faire pour faire d’Athènes une ville humaine. Pour que personne ne soit jamais laissé seul ».

Cependant le défi reste malgré tout immense pour les responsables politiques, surtout dans un pays où le taux de chômage (16,5%) est le plus élevé d’Europe et où l’économie a chuté de plus de 8% en 2020.

Texte : Thibeault Segalar

Source https://lepetitjournal.com/athenes/grece-riche-ou-pauvre-le-point-de-non-retour-298995

Grève de la faim de Dimitris Koufontinas

Le gréviste de la faim grec Koufontinas risque la mort immédiate. Costa Gavras lance un appel au Premier ministre grec

Par Dimitris Georgopoulos

Grève de la faim grecque, depuis 45 jours maintenant, Dimitris Koufontinas, 63 ans, a insisté auprès de ses médecins pour qu’ils lui retirent les derniers instruments lui permettant de survivre. Les médecins, après un dialogue assez intense avec lui, n’ont pas eu d’autre choix que de respecter sa volonté. Sa mort est considérée comme très probable dans les heures ou les jours à venir.

Le prisonnier a demandé aux personnes qui gèrent son propre blog de publier le poème « Ne m’oubliez pas » de l’un des plus grands poètes grecs, Yannis Ritsos (http://kufontinas.blogspot.com/).  

Dans un appel personnel au Premier ministre grec Mitsotakis, le célèbre réalisateur de cinéma Costa Gavras lui a demandé d’appliquer la loi (sauvant ainsi la vie de Koufontinas, car la demande du gréviste est l’application de la loi concernant la détention de prisonniers comme lui, votée par le gouvernement pour le punir !) Des appels similaires ont été lancés par l’écrivain Vassilis Vassilikos, ancien ambassadeur auprès de l’UNESCO, la section grecque d’Amnesty International, l’Union grecque des droits de l’homme et des centaines de médecins, de professeurs d’université, de personnalités internationales et six députés européens.

Mais tout cela n’a eu aucune influence sur le nouveau gouvernement grec, élu à la suite de la défaite par capitulation de SYRIZA (qui n’était pas du tout préparée à appliquer sa promesse) et de son humiliation par l’Allemagne, l’UE et la Troïka. Le nouveau gouvernement grec suit une politique de plus en plus autoritaire, utilisant un langage de « guerre civile » et revenant rapidement aux pires traditions de la droite grecque d’avant 1974.

Ce gouvernement est également fortement influencé, dans toutes ses politiques, par Geoffrey Pyatt, l’ambassadeur des États-Unis en Grèce et ancien ambassadeur en Ukraine, lors du coup d’État à Kiev et de la guerre civile qui a éclaté par la suite (il en allait de même avec le gouvernement SYRIZA précédent). M. Pyatt a déjà critiqué avec force les décisions des tribunaux grecs concernant les conditions de détention de Koufontinas, qu’il trouvait trop douces. M. Pyatt intervient publiquement dans toutes les sphères de la vie publique grecque, d’une manière qu’aucun ambassadeur américain dans l’histoire n’a jamais fait. Selon un article du magazine Covert Action, publié en septembre dernier, il travaille sur un projet visant à créer une nouvelle extrême droite en Grèce. 

Si Koufontinas meurt, ce sera la première fois depuis la mort des prisonniers irlandais républicains, il y a quarante ans, qu’un gréviste de la faim meurt dans un pays européen. Sa mort sera une nouvelle expression d’un virage général vers les méthodes autoritaires sans précédent utilisées actuellement dans plusieurs pays européens.

Koufontinas appartient à la génération de jeunes Grecs radicalisés au cours des dernières années de la dictature militaire imposée par les États-Unis en Grèce (1967-74). Après la chute de la junte, il a adhéré au PAMK, une organisation d’élèves créée par le PASOK. Insatisfait de son parcours, il adhérera plus tard à l’organisation terroriste d’extrême gauche le 17 novembre. L’organisation a été démantelée il y a 20 ans et a été vaincue politiquement encore plus tôt. Lorsque de nombreux membres de son organisation ont été arrêtés, il a décidé de se présenter à la police, pour qu’il puisse défendre son organisation. Arrêté, il a été condamné à la prison à vie. Après l’élection du gouvernement de la ND au pouvoir, le nouveau gouvernement a adopté une législation destinée à rendre plus difficile sa condition de prisonnier et prévoyant son transfert à la prison de Korydallos à Athènes.

Mais le gouvernement n’a même pas appliqué la loi qu’il avait votée au Parlement pour le punir. Au lieu de cela, il a ordonné son transfert à la prison de haute sécurité de Domokos, loin de sa famille et l’a placé dans une cellule avec deux autres détenus fumeurs. Puis Koufontinas a entamé une grève de la faim pour demander au gouvernement d’appliquer la loi qui avait été votée (déjà pour le punir !) et de le transférer à la prison de Korydallos comme prévu par celle-ci. 

On peut se demander si toute cette opération a été conçue dès le début comme un moyen de pousser Koufontinas à la mort, afin de terroriser toute résistance sociale restante en Grèce. Mais aussi pour pousser une partie de la jeunesse grecque au terrorisme, afin de fournir le prétexte pour imposer un régime beaucoup plus dur en Grèce. Peut-être nécessaire pour opprimer une éventuelle résistance sociale, étant donné la détérioration rapide de la situation économique, mais aussi pour contribuer à transformer la Grèce en un simple bastion d’interventions impérialistes.

Des élus présents lors de maraudes à Montgenèvre

Migrants : des élus épaulent des associations lors de maraudes à Montgenèvre

Depuis le vendredi 29 janvier, des élus de gauche du Parlement européen et du Sénat se relaient auprès des bénévoles pour effectuer des maraudes solidaires à Montgenèvre. Ils alertent sur une situation critique à la frontière franco-italienne.

Le 11 décembre dernier, les élus étaient déjà présents auprès des associations pour les épauler.

« Depuis plusieurs semaines, la situation à Montgenèvre est de plus en plus tendue« , s’inquètent ces parlementaires. Située à 1800 mètres d’altitude, à quelques kilomètres de Briançon, cette commune des Hautes-Alpes est le point de passage des migrants en France depuis près de cinq ans.

Depuis l’ouverture du Refuge solidaire de Briançon en 2017, 11.500 personnes y ont été accueillies. On y propose notamment un hébergement d’urgence et de premiers soins.

Or, « depuis le 16 novembre dernier, les effectifs de la Police de l’air et des frontières (PAF) ont été renforcés« , constate Guillaume Gontard, sénateur de l’Isère, et avec eux le nombre de contrôles entre la France et l’Italie.

Les conséquences, selon lui, sont une « multiplication des atteintes aux droits humains, le refoulements des exilés et, depuis quelques semaines, des pressions policières et judiciaires sur les bénévoles« .

Des contrôles renforcés

Une première visite des élus a eu lieu le 11 décembre dernier à Montgenèvre.

« Le constat est tel que les élus ont décidé de venir en renfort des associations qui oeuvrent depuis des années dans cette zone, comme « Tous Migrants » et « Médecins du Monde »« , explique Guillaume Gontard, élu écologiste.

Les élus, principalement des eurodéputés et des sénateurs écologistes, de la France Insoumise et du PCF, se relayent suivant leurs disponibilités pour épauler les associations. « L’idée est de pouvoir constater, observer et le cas échéant dénoncer les manquements au droit« , ajoute le sénateur de l’Isère.

« Ces maraudes sont effectuées avec des attestations sur l’honneur qui donnent lieu à des rapports et probablement des suites judiciaires« , précisent les élus.

Alerte auprès d’Emmanuel Macron

Un courrier a été envoyé au Président de la République pour alerter sur le durcissement des contrôles envers les maraudeurs.

« Dans la nuit du lundi 1er février, pas moins de douze amendes ont ainsi été délivrées aux maraudeurs pour non-respect du couvre-feu, alors qu’ils disposaient des attestations nécessaires en bonne et due forme » souligne ce courrier.

Soupçonnés d’avoir aidé des migrants à passer la frontière, deux maraudeurs âgés de 28 et 31 ans, seront jugés le 22 avril à Gap. L’aide à l’entrée d’un étranger en situation irrégulière reste passible de cinq ans de prison et de 30.000 euros d’amende.

Guillaume Gontard et Gwendoline Delbos-Corfield, députée écologiste européenne, se rendront une nouvelle fois à la frontière franco-italienne ce week-end des 19 et 20 février, afin de soutenir les bénévoles sur place et de rencontrer les acteurs locaux et italiens.

Ces dernières semaines, un femme enceinte a passé la frontière et a failli accoucher dans la neige. Un jeune homme s’est aussi retrouvé hospitalisé avec la perte de plusieurs doigts à cause de gelures. La question se pose au sujet l’assistance médicale, car pour le moment les situations dramatiques sont évitées. Mais pour combien de temps ? »  s’interrogent les élus dans ce courrier.

Par ces actions solidaires, ils entendent « dénoncer quelque part l’absurdité et l’inefficacité de la politique migratoire Française (…) en moyenne, ce sont près de 30 personnes qui sont arrêtées par jour et renvoyées en Italie« , au terme d’un périple depuis les Balkans ou encore l’Iran.

« C’est absurde de dire et de croire que c’est l’italie qui doit assurer la prise en charge des personnes exilées« , poursuit Guillaume Gontard. La situation devenant de plus en plus ingérable selon eux, les élus ont prévu de traverser la frontière pour échanger avec les associations italiennes.

L’an dernier, 78 passeurs ont été interpellés dans les Hautes-Alpes, contre 30 en 2019, 31 en 2018, 34 en 2017 et 6 en 2016.

Depuis la loi asile et immigration de 2018, l’aide à la circulation n’est plus un délit si cette aide est réalisée dans un but exclusivement humanitaire, comme c’était déjà le cas pour l’aide au séjour depuis 2012.

Loi sécurité globale : Arguments juridiques

L’année 2020 s’était finie en apothéose : après une série de manifestations prodigieuses contre la loi sécurité globale, alors adoptée par l’Assemblée nationale, nous obtenions une victoire décisive devant le Conseil d’État contre les drones. Si le début de l’année 2021 est douloureux, entre un hiver sanitaire qui n’en finit plus et le spectacle raciste lancé avec la loi séparatisme (lire aussi nos craintes pour les libertés associatives), il est temps de relancer l’offensive.

Commençons par la loi sécurité globale, examinée en commission par le Sénat le 3 mars. Afin de corriger l’analyse particulièrement bienveillante de la CNIL envers les dérives sécuritaires du gouvernement, nous envoyons aux sénateurs la nôtre, reproduite ci-dessous, centrée sur les sept articles qui renforceront la surveillance policière. Dans les jours suivants, il nous faudra poursuivre notre combat contre la Technopolice toute entière, tant au niveau local que national, pour aujourd’hui comme pour demain (voir notre mobilisation sur les JO 2024), car cette loi n’est que la première étape d’une longue lutte que nous devrons absolument gagner.

Loi Sécurité Globale – Analyse du titre III « Vidéoprotection et captation d’images »

La Quadrature du Net s’oppose à la proposition de loi « Sécurité Globale » et appelle le Sénat à la rejeter. Par la présente analyse, elle entend démontrer le caractère inconstitutionnel et inconventionnel des dispositions :

  • intensifiant la vidéosurveillance fixe (articles 20, 20 bis A, 20 bis et 20 ter) ; et
  • autorisant la vidéosurveillance mouvante (articles 21, 22 et 22 bis).

L’ensemble de ces dispositions aura pour effet d’intensifier la reconnaissance faciale.

Ces modifications sont intrinsèquement contraires à la Constitution et au droit européen. Aucune garantie ni aucun aménagement ne saurait les rendre conformes à ces normes supérieures qui s’imposent au législateur. L’ensemble des articles 20 à 22 bis doivent être supprimés, sans quoi nous les soumettrons à l’examen de toute juridiction utile pour les faire censurer et corriger, une fois de plus en la matière, les erreurs de droit qu’elle comporte.

I – Vidéosurveillance fixe

En droit, le Conseil constitutionnel juge que les systèmes de vidéosurveillance affectent la liberté d’aller et venir, le droit à la vie privée ainsi que l’inviolabilité du domicile, protégés par les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789, et ne peuvent donc être conformes à la Constitution qu’en respectant de strictes garanties (Cons. constit., 94-352 DC, 18 janvier 1995, §§ 3 et 4). Il souligne aussi que des mesures de surveillance généralisée sont susceptibles de porter atteinte à la liberté d’expression et de manifestation (Cons. const., 27 décembre 2019, 2019-796 DC, § 83).

La Cour de justice de l’Union européenne juge que « l’image d’une personne enregistrée par une caméra constitue une donnée à caractère personnel » (CJUE, C-212/13, 11 décembre 2014, §22) dont la protection est garantie par l’article 8 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (la Charte) et qui, à ce titre aussi, ne peut être traitée que dans de strictes limites, notamment définies par la directive 2016/680 (dite « police-justice »).

En l’espèce, les articles 20 à 20 ter intensifieraient la vidéosurveillance bien au-delà des limites définies par la Constitution et le droit européen, sur quatre points.

A – Défaut de nécessité

En droit, une disposition ne peut porter atteinte aux libertés fondamentales que si cette atteinte est nécessaire à l’objectif qu’elle prétend poursuivre. Il s’agit d’une des garanties exigées par la Constitution en matière de vidéosurveillance. De même, la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) considère qu’une atteinte au droit à la vie privée n’est justifiée que « si elle est proportionnée au but légitime poursuivi et si les motifs invoqués par les autorités nationales pour la justifier apparaissent « pertinents et suffisants » » (cf. CEDH, 4 décembre 2008, S et Marper c. Royaume-Uni, n°30562/04 et 30566/04, § 101). De même, l’article 4 de la directive police-justice exige que tout traitement de surveillance policière « soit nécessaire et proportionné » à la lutte contre les infractions et les atteintes à la sécurité publique.

En l’espèce, il faut souligner que, depuis son autorisation en 1995, la nécessité et l’efficacité de la vidéosurveillance contre les infractions et les atteintes à la sécurité publique n’ont jamais été démontrées. Bien au contraire, les seules études concrètes déplorent qu’« aucune corrélation globale n’a été relevée entre l’existence de dispositifs de vidéoprotection et le niveau de délinquance commis sur la voie publique » (Cour des comptes, Les polices municipales, octobre 2020).

En conclusion, la proposition de loi devrait corriger le dispositif actuel de vidéosurveillance pour en réduire largement ou totalement le champ d’application. Or, en l’état actuel du texte, non seulement cette proposition de loi ne réduit pas au strict nécessaire le dispositif existant, mais au contraire elle l’intensifie. Si le dispositif de base est disproportionné, son extension l’est d’autant plus et viole les normes supérieures de ce seul fait.

B – Surveillance des lieux privés

En droit, une des principales garanties qu’un système de vidéosurveillance doit respecter pour être conforme à la Constitution est de ne pas capter les images de l’intérieur des immeubles et de leurs entrées (Cons. const., décision 94-352 DC, §5). Ainsi, en 2010, le Conseil constitutionnel n’a pas hésité à censurer une disposition qui autorisait la police à accéder aux images de caméras de hall d’immeubles dès lors que surviennent « des événements ou des situations susceptibles de nécessiter l’intervention des services de police ou de la gendarmerie » (Décision 2010-604 du 25 février 2010).

En l’espèce, une loi de 2011 a réintroduit la disposition censurée en 2010 en tentant de la corriger par une condition un peu plus limitée : la transmission d’image n’est plus permise qu’en présence « de circonstances faisant redouter la commission imminente d’une atteinte grave aux biens ou aux personnes ». Hélas, le Conseil constitutionnel n’a jamais eu l’occasion de trancher si cette modification suffirait pour rendre le dispositif conforme à la Constitution.

Pourtant, l’article 20 bis de la présente proposition de loi supprimerait cette limitation de 2011 pour revenir à une situation quasi-identique à celle censurée en 2010. Les images pourraient être transmises en cas de simple « occupation par des personnes qui entravent l’accès et la libre circulation des habitants ou empêchent le bon fonctionnement des dispositifs de sécurité et de sûreté ou nuisent à la tranquillité des lieux ». La condition de « nuisance à la tranquillité des lieux » est aussi large, et même davantage, que celle de « situations susceptibles de nécessiter l’intervention de la police ». En pratique, cette nouvelle condition permettrait à tout moment à n’importe quel bailleur, ou à la police, de permettre la transmission en direct des images filmées par les caméras.

En conclusion, une telle disposition reviendrait à autoriser dans des conditions totalement disproportionnées la vidéosurveillance par la police dans les immeubles d’habitation, en contradiction manifeste avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

C – Extension des personnes ayant accès aux images

En droit, la CJUE juge contraire à la Charte une mesure de surveillance qui « ne prévoit aucun critère objectif permettant de limiter le nombre de personnes disposant de l’autorisation d’accès et d’utilisation ultérieure des données » (CJUE, grande chambre, 8 avril 2014, Digital Rights Ireland et autres, C-293/12, C-594/12, § 62). Cette limitation est indispensable dans la mesure où les risques de dérives et d’abus des mesures de surveillance ainsi que la difficulté du contrôle que peut en faire une autorité indépendante sont proportionnels au nombre de personnes pouvant les mettre en œuvre. Dans son avis du 21 décembre 2020, la Défenseure des droits insiste sur le fait que cette limitation est une garantie centrale pour le respect de la vie privée.

En l’espèce, l’article L252-3 du code de la sécurité intérieure limite actuellement le visionnage des images de vidéosurveillance aux seuls agents de la gendarmerie et de la police nationale. La loi sécurité globale étendrait cet accès aux agents :

  • de la police municipale et de la ville de Paris (article 20) ;
  • des communes, des communautés de communes et des groupements similaires (article 20bisA) ;
  • des services de sécurité de la SNCF et de la RATP (article 20 ter).

Aucun élément matériel ni aucune étude concrète n’a été produite pour démontrer la nécessité d’une extension si importante des personnes accédant aux images de vidéosurveillance pour lutter contre les infractions.

En conclusion, cette extension multiplie hors de toute proportion justifiée les risques de détournement et d’abus des mesures de surveillance, tout en diminuant les capacités de contrôle des autorités indépendantes.

D – Délégation à des personnes privées

En droit, le Conseil constitutionnel juge que la nécessité d’une force publique, inscrite à l’article 12 de la DDHC, interdit de déléguer à des personnes privées des compétences de police administrative générale et de surveillance générale de la voie publique (Conseil constit., décision 2011-625 DC du 10 mars 2011).

En l’espèce, l’article 20 ter permet aux agents des services internes de la SNCF et de la RATP d’avoir accès aux images de vidéosurveillance de la voie publique. Il s’agit de salariés de droit privé auxquels serait délégué un pouvoir de surveillance de la voie publique. Les encadrements prévus par la loi, comme le contrôle d’un agent de police ou le nombre limité de finalités, n’altèrent en rien la qualification de délégation à une personne privée d’une mission de surveillance.

En conclusion, la délégation que prévoit l’article 20 ter de la proposition de loi est contraire à la Constitution.

2. Vidéosurveillance mouvante

Les articles 21, 22 et 22 bis concernent le déploiement et l’intensification de la vidéosurveillance mouvante : transmission en temps réel et systématisation des images captées par les caméras-piétons, légalisation des caméras aéroportées et des caméras embarquées. Ces trois types de vidéosurveillance seront examinés ensemble, car elles partagent toutes le fait d’être mobiles : cette seule caractéristique suffit à les rendre irréconciliables avec quatre garanties fondamentales exigées par la Constitution et le droit européen.

A – Défaut de nécessité

En droit, tel qu’exposé précédemment, une atteinte à la vie privée ou à la protection des données personnelles n’est conforme à la Constitution et au droit européen que si elle est strictement nécessaire à la finalité qu’elle poursuit. Plus spécifiquement, l’article 4 de la directive police-justice exige que le traitement de données personnelles réalisé pour lutter contre les infractions et les atteintes à la sécurité publique « soit nécessaire et proportionné » à cette finalité et que les données soient « adéquates, pertinentes et non excessives » au regard de cette finalité.

Plus grave, si les images captées sont des données « sensibles », telles que des données biométriques ou des données pouvant révéler les opinions politiques ou religieuses des personnes filmées, l’article 10 de la directive police-justice, transposé à l’article 88 de la loi informatique et libertés, exige que les autorités démontrent la « nécessité absolue » d’une telle surveillance – autrement dit, la police doit démontrer être dans l’impossibilité matérielle de lutter contre les infractions si elle ne peut pas utiliser ces caméras.

En l’espèce, l’article 21 veut généraliser la captation et la transmission d’images par caméras-piéton. Les articles 22 et 22 bis veulent autoriser les caméras aéroportées (drones) et embarquées (hélicoptères, voitures). Aucune démonstration n’a été réalisée, ni même tentée, quant à la nécessité de déployer de telles caméras pour poursuivre l’une des très nombreuses et larges finalités qu’elles pourraient poursuivre : sécurité des rassemblements de personnes sur la voie publique, constat des infractions, protection des bâtiments…

C’est même le contraire qui commence à apparaître dans la jurisprudence. Dans sa décision du 22 décembre 2020 (décision n° 446155) qui a interdit les drones policiers à Paris, le Conseil d’État a dénoncé que « le ministre n’apporte pas d’élément de nature à établir que l’objectif de garantie de la sécurité publique lors de rassemblements de personnes sur la voie publique ne pourrait être atteint pleinement dans les circonstances actuelles, en l’absence de recours à des drones » – c’est-à-dire grâce au 35 000 caméras fixes surveillant déjà l’espace public .

De même, si l’objectif premier des caméras-piétons était de « prévenir les incidents susceptibles de survenir au cours des interventions [et de] déterminer les circonstances de tels incidents, en permettant l’utilisation des enregistrements à des fins probatoires » (comme l’expliquait la CNIL dans son rapport de 2015), le gouvernement n’a jamais pris la peine d’évaluer si cet objectif avait été atteint. Pourtant, sans attendre une telle évaluation, l’article 21 prévoit d’étendre considérablement le rôle de ce dispositif en autorisant la transmission des images au centre de commandement, en direct et à la libre initiative de la police et de la gendarmerie, dès lors que celles-ci considèrent que « la sécurité des agents […] ou la sécurité des biens et des personnes est menacée ». La nécessité d’une extension si importante est encore moins démontrée que celle du dispositif initial, qui fait pourtant défaut.

Si la simple « nécessité » des drones est absente, tout autant que celle des caméras par hélicoptère et des caméras-piétons, leur « nécessité absolue » fait entièrement défaut. Pourtant, ces caméras captent régulièrement des données sensibles, ne serait-ce qu’en manifestation où elles ont largement été déployées et où, par définition, toute image captée est susceptible de révéler des opinions politiques.

Pour toute tentative de justification, la police semble mettre en avant certains faits divers où un drone, ou une caméra piéton, aurait plus ou moins facilité son travail. Non seulement le critère de « nécessité » ou de « nécessité absolue » exige bien davantage qu’un simple gain de temps, d’énergie ou une économie de moyens mais, surtout, la loi ne s’écrit pas sur la base d’anecdotes. En effet, face à chaque fait divers en faveur de telle mesure de surveillance, on pourra toujours en opposer un autre témoignant d’un abus, dans un jeu infini et vain d’étalage de faits divers. Au contraire, la loi se pense par la rigueur d’examens systémiques, que le gouvernement a toujours refusé d’entreprendre ici. Ce ne sont pourtant pas les occasions qui lui ont manqué : ces caméras mouvantes ont été déployées pendant des années, de façon illégale, mais suffisamment large pour en évaluer les effets.

Expérimenter l’usage de drones, proposition portée par la CNIL dans son avis sur la proposition de loi, est également voué à la même contradiction flagrante aux normes supérieures qui s’imposent. Premièrement, une telle expérimentation s’est faite illégalement avant que le Conseil d’État ne vienne explicitement interdire l’usage de drones en mai 2020 puis décembre 2020, et la nécessité absolue fait toujours défaut. Deuxièmement, les règles impératives de proportionnalité, dont l’exigence de « nécessité absolue », ne peuvent être contournées par l’introduction sur le papier d’une disposition qui serait dite expérimentale. La directive police-justice ne distingue pas les cas de surveillances expérimentales des autres ; en effet, une telle distinction aurait pour conséquence de vider de leur substance les protections requises par le droit européen.

En conséquence, à défaut d’être nécessaires à la poursuite des finalités qui leur sont associées, et alors qu’ils causent de graves atteintes aux libertés fondamentales tel que démontré ci-après, les dispositifs de caméra mouvante autorisés par la présente proposition de loi ne sauraient l’être sans violer la Constitution et le droit européen, y compris s’ils étaient expérimentaux.

B – Défaut de contrôle préalable

En droit, le Conseil constitutionnel juge, en matière de vidéosurveillance, que le législateur « ne peut subordonner à la diligence de l’autorité administrative l’autorisation d’installer de tels systèmes sans priver alors de garanties légales les principes constitutionnels » protégeant la liberté d’aller et venir, la vie privée et l’inviolabilité du domicile. Le Conseil exige que le législateur prévoie un contrôle préalable extérieur, tel que l’avis préalable d’une commission indépendante ayant pu en examiner la nécessité et la proportionnalité du dispositif (Conseil constit., 94-352 DC, 18 janvier 1995, §§ 6 et 12).

De la même manière, la CJUE exige qu’une mesure de surveillance ne puisse être déployée qu’en faisant l’objet « d’un contrôle effectif soit par une juridiction, soit par une entité administrative indépendante, dont la décision est dotée d’un effet contraignant, visant à vérifier l’existence d’une situation justifiant ladite mesure ainsi que le respect des conditions et des garanties devant être prévues » (CJUE, C-511/18, La Quadrature du Net, 6 octobre 2020, §§ 139, 168, 179, 189 et 192).

Ainsi, avant d’installer chaque caméra, une autorité indépendante doit pouvoir examiner si le lieu filmé est surveillé pour des justifications suffisantes propres à ce lieu – telles que la fréquence des infractions qui y surviennent, leur nature, leur gravité et les difficultés particulières que la police y rencontre. C’est ainsi que l’article L252-1 du code de la sécurité intérieure prévoit qu’un dispositif de vidéosurveillance ne peut être autorisé qu’après l’avis d’une commission départementale de vidéoprotection, présidée par un magistrat.

En l’espèce, il est impossible de connaître à l’avance les lieux filmés par une caméras-piéton, aéroportée ou embarquée. La police et la gendarmerie décident seules et sur le vif des lieux à surveiller, en réaction à des situations imprévisibles par nature. La proposition de loi ne prévoit aucune forme de contrôle préalable car, en pratique, il semble effectivement improbable qu’une autorité extérieure puisse examiner en temps réel la nécessité pour un agent d’activer sa caméra ou pour un drone de survoler telle ou telle position.

Cette impossibilité intrinsèque à toute caméra mouvante a des conséquences particulièrement graves : si la police souhaite abuser de ses pouvoirs afin, par exemple, d’envoyer un drone filmer les locaux d’une association, d’un journal ou d’un avocat, ou encore la résidence d’un parlementaire ou d’une personne bénéficiant d’un asile politique, elle pourrait le faire en toute discrétion et en toute autonomie, sans qu’aucune autorité indépendante n’en soit informée. À l’inverse, l’installation de caméra fixe est signalée et examinée par une autorité indépendante à même de dénoncer de telles dérives.

En conséquence, les mesures de vidéosurveillance mouvante ne pouvant pas être examinées au préalable par une autorité indépendante, les dispositions qui autorisent leur déploiement violent la Constitution et le droit européen.

C – Défaut d’information

En droit, pour être conforme à la Constitution, une disposition qui autorise un dispositif de vidéosurveillance doit s’assurer « que le public soit informé de manière claire et permanente de l’existence du système de vidéosurveillance ou de l’autorité et de la personne responsable » (Cons. constit., décision 94-352 DC, 18 janvier 1995, § 5).

De même, l’article 13 de la directive police-justice exige que le responsable d’une mesure de surveillance fournisse aux personnes concernées plusieurs informations, telles que l’identité du responsable, les finalités du traitement et le droit d’accéder aux données.

S’agissant des caméras fixes, l’article R252-3 du code de la sécurité intérieure prévoit que chaque dispositif de vidéosurveillance soit accompagné d’une affiche indiquant « le nom ou la qualité et le numéro de téléphone du responsable auprès duquel toute personne intéressée peut s’adresser pour faire valoir le droit d’accès prévu à l’article L. 253-5 ». Seule une information aussi précise et complète permet de garantir le respect des garanties avancées par le Conseil constitutionnel et le droit de l’Union.

En l’espèce, la proposition de loi prévoit que le public devrait être informé de la surveillance par drone « par tout moyen approprié  » et de la surveillance par caméra embarquée « par une signalétique spécifique de l’équipement du moyen de transport par une caméra ». En pratique, tel qu’il a été facile de constater ces dernières années, cette information sera systématiquement défaillante : un écriteau « vous êtes filmé » accroché à un hélicoptère volant à plus de 100 mètres n’aura aucun effet ; pire, un drone vole trop haut pour transmettre la moindre information visuelle ou sonore, et sa taille est si petite qu’il échappe souvent entièrement à l’attention des personnes surveillées. De même, les caméras-piétons se fondent parfaitement dans l’équipement des agents qui, eux-mêmes, se fondent facilement dans les foules surveillées, qu’ils n’ont aucun moyen visuel ou sonore d’informer de façon réaliste.

Par ailleurs, la proposition de loi prévoit que les agents peuvent ne pas informer le public d’une surveillance par drone ou par caméra embarquée « lorsque les circonstances l’interdisent ». Cette dérogation est si large qu’elle retire tout effet utile que ces mesures auraient pu avoir. Cette dérogation est d’ailleurs inexistante dans la loi sur la vidéosurveillance fixe de la voie publique.

En conséquence, les mesures de vidéosurveillance mouvante ne pouvant jamais être portées à la connaissance du public de façon suffisamment efficace, les dispositions qui autorisent leur déploiement violent la Constitution et le droit européen.

D – Surveillance des lieux privés

En droit, tel que rappelé ci-dessus, une des principales garanties qu’un système de vidéosurveillance doit respecter pour être conforme à la Constitution est de ne pas capter les images de l’intérieur des immeubles et de leurs entrées (Cons. const., décision 94-352 DC, §5).

Ainsi, les caméras fixes sont orientées de façon à éviter de filmer les immeubles et, quand elles ne le peuvent pas, un système d’obstruction matérielle ou logicielle basique permet de ne pas capter l’image des immeubles (un rectangle noir, typiquement).

En l’espèce, la vidéosurveillance mouvante filme des lieux qui changent constamment et qui ne peuvent être connus à l’avance. Or, il est techniquement irréaliste d’obstruer en temps réel l’image d’immeubles présents sur des lieux inconnus à l’avance et en mouvement constant – contrairement aux lieux statiques filmés par les caméras fixes. Le caractère mouvant de cette vidéosurveillance est mécaniquement incompatible avec une interdiction de filmer l’intérieur des immeubles.

Dès lors, l’article 21 sur les caméras-piétons et l’article 22 bis sur les caméras embarquées ne prévoient aucune interdiction de filmer l’intérieur des immeubles – ce qui, en effet, serait irréaliste. Pourtant, ces caméras sont presque toujours en situation de filmer l’intérieur d’immeubles et de lieux privés, ne serait-ce qu’au travers des fenêtres.

L’article 22 sur les drones prévoit une interdiction de filmer l’intérieur des « domiciles » ou de leurs entrées et non, comme l’exige le Conseil constitutionnel, l’intérieur de tous les « immeubles » en général. La police et la gendarmerie seraient seules à décider quels immeubles sont ou non des domiciles. Cette appréciation se ferait à la volée et en cours d’opération, ce qui semble parfaitement irréaliste – même via des outils d’analyse automatisée, qui ne seraient d’aucune aide s’agissant d’une appréciation aussi sociale et humaine de ce qu’est ou non un « domicile ». Mais ce problème est finalement sans importance dans la mesure où, de toute façon, aucun dispositif technique n’est capable d’obstruer en temps réels l’image mouvante d’immeubles, domiciles ou non.

Au cours des débats à l’Assemblée nationale, la rapporteure Alice Thourot a reconnu sans ambiguïté, s’agissant des drones, qu’il « n’est matériellement pas possible d’interdire de visualiser les espaces privés » (voir les débats publics de la troisième séance du vendredi 20 novembre 2020 relatifs à l’amendement n° 1164).

En conséquence, les dispositifs de vidéosurveillance mouvante ne pouvant jamais éviter de filmer l’intérieur des immeubles, les articles 21 à 22 bis, qui intensifient et autorisent leur déploiement, violent la Constitution.

3 – Reconnaissance faciale

Le titre III de la proposition de loi vise à intensifier la vidéosurveillance fixe et généraliser la vidéosurveillance par drones, hélicoptères et caméras-piétons. Toutes les nouvelles images captées par ces dispositifs, fixes comme mouvants, seront transmises en temps réel à un poste de commandement.

Une telle transmission en direct donne aux forces de police et de gendarmerie la capacité d’analyser les images transmises de façon automatisée, notamment en recourant au dispositif de reconnaissance faciale autorisé par le décret du 4 mai 2012 relatif au traitement d’antécédents judiciaires. Cette technique, qui n’a jamais été autorisée par le législateur, est l’exemple typique de traitements de données biométriques qui, au titre de l’article 10 de la directive police-justice et de l’article 88 de la loi informatique et libertés, doivent démonter leur « nécessité absolue » dans la lutte contre les infractions et les menaces pour la sécurité publique. Pourtant, cette nécessité n’a jamais été démontrée et le droit français ne prévoit aucune garantie pour les limiter à ce qui serait absolument nécessaire. Au contraire, le recours à ces techniques semble être devenu systématique et ne reposer sur aucun contrôle de proportionnalité : en 2019, les autorités ont réalisé plus de 375 000 opérations de reconnaissance faciale, soit plus de 1 000 par jour (voir l’avis rendu le 13 octobre 2020 par le député Mazars au nom de la commission des lois de l’Assemblée nationale).

Il ne fait pourtant aucun doute que l’analyse automatisée d’images de vidéosurveillance est aujourd’hui contraire au droit français et européen, qu’il s’agisse d’ailleurs de reconnaissance faciale comme de tout autre type d’analyse automatisée permettant l’identification et le suivi d’une personne, tel que la CNIL l’a encore dénoncé face au déferlement de caméras dites « intelligentes » au cours de la crise du Covid-19 (Cnil, « Caméras dites « intelligentes » et caméras thermiques », 17 juin 2020).

Comme vu tout au long de la présente analyse, l’utilité opérationnelle des nouvelles captations et transmissions d’images semble nulle ou très faible. Il en irait peut être autrement si le véritable objectif de ces changements était d’abreuver les dispositifs de reconnaissance faciale d’une immense quantité de nouvelles images. Le gouvernement ne l’a jamais avoué explicitement, et pour cause : cet objectif est frontalement contraire au droit européen et ne saurait donc en rien justifier d’intensifier la vidéosurveillance tel que le propose la présente loi.

Plutôt que de renforcer des pratiques aussi illégales qu’impopulaires, le rôle du législateur est d’empêcher l’analyse automatisée des images de vidéosurveillance et son renforcement par le titre III de la proposition de loi Sécurité Globale, qui doit donc être supprimé dans son ensemble.

Source https://www.laquadrature.net/2021/02/15/securite-globale-nos-arguments-juridiques/

Contre la surveillance biométrique de masse 

Contre la surveillance biométrique de masse : signez la pétition européenne

Le collectif « Reclaim your Face », lance aujourd’hui sa campagne contre la surveillance biométrique et notamment la reconnaissance faciale. « Reclaim Your Face » est composé de plus de quarante associations de défense des libertés et menée par l’organisation européenne EDRi. Cette campagne prend la forme d’une « initiative citoyenne européenne » : il s’agit d’une pétition institutionnelle visant à recueillir 1 million de signatures au sein de plusieurs pays de l’Union européenne pour demander à la Commission d’interdire les pratiques de surveillance biométrique de masse

En décembre 2019, l’OLN, accompagnée de 124 organisations, demandait déjà l’interdiction de la reconnaissance faciale sécuritaire. Nous avions souligné les dangers de cette technologie : le risque d’une surveillance permanente et invisible de l’espace public, nous transformant en une société de suspect·es et réduisant nos corps à une fonction de traceurs constants pour abolir l’anonymat dans l’espace public.

La surveillance biométrique ne se limite pas à la reconnaissance faciale. Un an après, notre demande d’interdiction n’a pas abouti et les techniques de surveillance biométrique se sont multipliées, notamment dans le contexte de la crise sanitaire. Alors que la police continue d’utiliser de façon massive la reconnaissance faciale à travers le fichier des Traitements des Antécédents Judiciaires (TAJ), plusieurs villes et administrations ont déployé des dispositifs de contrôle de température, de détection de port du masque ou des projets de vidéosurveillance intelligente pour suivre et tracer les mouvements sociaux.

La France n’est malheureusement pas le seul pays où se développe cette surveillance biométrique. En Italie, en Serbie, en Grèce ou aux Pays-Bas, l’État déploie plusieurs dispositifs qui promettent à l’Europe un avenir de surveillance automatisée permanente.

Des batailles contre la société de contrôle se jouent donc aujourd’hui : dans les mobilisations sociales contre les projets de loi sécuritaires, dans la lutte contre l’opacité qui entoure le déploiement de ces techniques, dans les tribunaux où sont contestées ces expérimentations de surveillance.

Chaque initiative compte. Cette pétition européenne a pour objectif de montrer le refus populaire massif et d’imposer un débat sur l’arrêt du déploiement de ces outils de contrôle, et nous l’espérons permettra d’obtenir un texte protecteur à l’échelle de l’Union européenne.

C’est un combat important contre des futurs où nos corps et nos comportement seraient en permanence scannées.

Demandons donc ensemble l’interdiction formelle de la surveillance biométrique : de la reconnaissance faciale sécuritaire, de l’analyse des émotions et des comportements par la vidéosurveillance, des prédictions automatisées en raison de caractéristiques physiques, de l’analyse automatisée biométrique de nos profils sur les réseaux sociaux, de l’analyse automatique de nos voix et de nos comportements pour nous contrôler.

Pour rejoindre cette lutte, nous vous invitons donc à signer et à relayer cette pétition sur la page de campagne de la Coalition Reclaim Your Face : https://reclaimyourface.eu/fr/

Organisations signataires relais de la campagne en France

Organisations membres de l’OLN :

La Quadrature du Net (LQDN), – La Ligue des Droits de l’Homme (LDH), – Le Syndicat de la Magistrature (SM). – Le Syndicat des Avocats de France (SAF), – Le CECIL, – Creis-Terminal, – Globenet,

Ainsi que : Le Mouton Numérique, Lève les yeux, Attac.

Pour aller plus loin :

Le communiqué de lancement d’EDRi traduit en français.

Le texte de l’initiative validé par la Commission européenne et ses annexes disponibles ici en français et reproduit ci-dessous :

« Initiative de la société civile en vue d’une interdiction des pratiques de surveillance biométrique de masse »

Nous exhortons la Commission européenne à réglementer strictement l’utilisation des technologies biométriques afin d’éviter toute atteinte injustifiée aux droits fondamentaux. Nous demandons en particulier à la Commission d’interdire, en droit et en pratique, les utilisations indifférenciées ou arbitrairement ciblées de la biométrie pouvant conduire à une surveillance de masse illégale. Ces systèmes intrusifs ne peuvent être développés, mis en place (même à titre expérimental) ou utilisés par des entités publiques ou privées dans la mesure où ils sont susceptibles d’entraîner une atteinte inutile ou disproportionnée aux droits fondamentaux des personnes.

Il apparaît que certaines utilisations de la surveillance biométrique de masse dans les États membres et par des agences de l’UE ont donné lieu à des violations de la législation de l’UE en matière de protection des données et ont indûment restreint les droits des personnes, y compris le droit au respect de la vie privée, le droit à la liberté d’expression, le droit de manifester et le droit à la non-discrimination. Le recours généralisé à la surveillance biométrique, au profilage et à la prédiction constitue une menace pour l’état de droit et pour nos libertés les plus fondamentales.

Par cette ICE, nous prions donc instamment la Commission de proposer un acte juridique qui s’appuiera sur les interdictions générales prévues par le RGPD et la directive en matière de protection des données dans le domaine répressif et respectera pleinement lesdites interdictions, pour faire en sorte que le droit de l’Union interdise explicitement et spécifiquement la surveillance biométrique de masse.

Source https://technopolice.fr/blog/contre-la-surveillance-biometrique-de-masse-signez-la-petition-europeenne/

Froid et neige dans les camps de migrants

Une vague de froid s’abat sur la Grèce, le 16 février 2021. Capture d’écran Twitter

Les températures hivernales, proches de zéro, qui touchent actuellement la Grèce compliquent le quotidien des migrants, éprouvés par ce froid. Dans certains camps, les exilés vivent coupés du monde, sans eau ni électricité. Le Haut-commissariat pour les réfugiés, inquiet, a offert ces derniers jours des radiateurs dans les camps.

Neige, vent fort et glacial… Une vague de froid touche actuellement la Grèce, compliquant durement le quotidien des migrants vivant dans les camps du pays. « La situation est dramatique. Imaginez un peu, tout est blanc, recouvert de neige. Aucune infrastructure dans les camps n’est faite pour résister à ce temps », explique George, membre du collectif « Greek forum of Refugee » interrogé par InfoMigrants. « Même les routes sont fermées, je ne sais même pas si on peut accéder à certains camps. »

A Athènes, dans le camp de migrants de Malakasa où vivent plus de 1500 personnes, la neige a totalement recouvert les habitations. « Le camp est enterré sous la neige », écrivent des militants sur Twitter. L’eau et l’électricité ne fonctionnent plus. Pus de 700 enfants vivent là.

https://twitter.com/i/status/1361663789918208000

Même constat dans le camp athénien d’Eleonas. Sur les réseaux sociaux, les photos de tentes recouvertes par la neige ou de migrants pieds nus sont partagées par des journalistes et des collectifs d’aide aux exilés. Les migrants se réchauffent comme ils peuvent autour de feux de camp.

« Le robinet gèle »

Mahmoud, un demandeur d’asile afghan, qui vit dans le camp de Diavata à Thessalonique, dans le nord du pays, témoigne des mêmes conditions météo. « On m’a attribué une place dans un conteneur. Il fait moins froid à l’intérieur, c’est vrai, mais dès qu’on sort, on se met à grelotter. Cette année l’hiver est glacial, c’est l’enfer pour ceux qui dorment sous les tentes », raconte-t-il à InfoMigrants. « Lorsqu’un migrant doit se doucher, il doit laisser l’eau couler sinon le robinet gèle. »

Dans le camp de Diavata à Thessalonique, la neige complique la vie des migrants. Crédit : DR

Dans le camp de Diavata à Thessalonique, la neige complique la vie des migrants. Crédit : DR

Dans les îles à l’autre bout du pays, à Lesbos ou Samos, la situation est tout aussi problématique. « Je crois qu’il y a des endroits, sur les îles, où il n’y a plus non plus d’électricité », continue George du « Greek Forum of Refugees ».

Inquiète, la section grecque du Haut commissariat des réfugiés (HCR) a offert ces derniers jours « des radiateurs » dans les camps à travers le pays.

« Personne n’est en danger », selon le gouvernement grec

Le gouvernement se veut pourtant rassurant. « Personne n’est en danger dans le camp sur l’île de Lesbos », le plus peuplé du pays abritant plus de 6 000 demandeurs d’asile, a déclaré le secrétaire général de l’Asile, Manos Logothetis.

https://twitter.com/i/status/1361384886838435847″Nous œuvrons quotidiennement pour améliorer les conditions des camps d’accueil sur les îles », a-t-il ajouté, cité dans un média local.

A Lesbos, le camp sordide de Moria ravagé par deux incendies consécutifs en septembre a été remplacé par un camp temporaire érigé à la hâte sur un terrain inondable et en plein vent où des ONG dénoncent depuis des mois les mauvaises conditions et le manque d’infrastructures.

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Source https://www.infomigrants.net/fr/post/30294/une-vague-de-froid-et-de-neige-s-abat-sur-les-camps-de-migrants-en-grece

La nouvelle « police universitaire » montre le tournant autoritaire de la Grèce

Par Moira Lavelle

Après la répression sanglante du soulèvement des étudiants de l’École polytechnique en 1973, les universités sont devenues un symbole de la démocratie grecque – et pendant des décennies, la police a même été interdite d’entrer sur les campus. Mais jeudi, le Parlement a voté la création d’une force de police spéciale pour patrouiller dans les universités, alors que le gouvernement de droite met en place une répression troublante contre des groupes d’étudiants supposés « dangereux ».

Meliana Makari a assisté à toutes les manifestations de ces cinq dernières semaines. Avec des milliers d’étudiants dans toute la Grèce, Makari, dix-huit ans, étudiante en génie électrique et informatique à l’Université technique nationale d’Athènes, espérait empêcher l’adoption d’un projet de loi visant à remanier le système d’éducation publique grec. « Cette loi va changer le rôle de l’université dans notre société », a déclaré Makari après la manifestation du 11 février. « L’université fonctionne actuellement comme un espace social et politique libre et public – et à mon avis, cette nouvelle loi va changer cela pour de bon ».

Pourtant, malgré les protestations, le Parlement grec a adopté jeudi la nouvelle loi sur l’éducation. Entre autres choses, les mesures promues par le gouvernement de droite de la Nouvelle Démocratie vont créer une force de police spéciale pour les universités grecques, modifier le système d’admission des étudiants et réduire leur temps d’études à l’université. Les étudiants affirment que cette loi est une mesure de répression de la liberté d’expression et d’organisation politique.

« Jusqu’à présent, les universités étaient des espaces publics – tout le monde pouvait y entrer, tout le monde pouvait assister aux cours même sans être étudiant, tout le monde pouvait également assister aux assemblées politiques et créer des mouvements politiques à l’intérieur de l’université », a déclaré Makari.

La nouvelle loi promue par le gouvernement de droite crée un seuil d’admission plus strict et introduit des limites de temps pour la durée des études, avec quelques exceptions pour les étudiants qui travaillent et ceux qui sont confrontés à des problèmes de santé. Auparavant, les étudiants pouvaient étudier sans restriction.

Les étudiants affirment que la nouvelle limite ne tient pas compte de la réalité de ceux qui doivent prendre un autre emploi pour pouvoir passer à l’université. « Une grande partie des jeunes seront expulsés de l’enseignement supérieur », a déclaré Victoria Plega, vingt ans, étudiante à l’université d’économie et de commerce d’Athènes. « Des limites et des expulsions sont établies … à un moment où de nombreux étudiants sont obligés de travailler pour terminer leurs études ».

Les partis d’opposition ont également critiqué les normes d’admission plus strictes, les considérant comme une aubaine pour les caisses des universités privées : « Vous apportez également un projet de loi pour compléter un cadeau très important aux intérêts privés des collèges », a fait valoir le leader de Syriza et ancien premier ministre Alexis Tsipras au Parlement, « laissant plus de 24 000 étudiants chaque année en dehors de l’université, afin d’augmenter leur clientèle ».

Pourtant, la principale objection est que la loi prévoit une force de police non armée de 1 030 personnes qui peut discipliner et arrêter les étudiants soupçonnés d’être impliqués dans des activités criminelles.

Quatre décennies après le retrait de la police des campus, la création d’une telle force représente un changement autoritaire massif dans la société grecque.

La police des étudiants

Jusqu’en août 2019, il était pratiquement illégal pour la police grecque d’entrer dans les universités. Pendant près de quarante ans, une loi sur l’asile universitaire a interdit à la police d’entrer sur le campus sans l’autorisation explicite du corps étudiant et du doyen. Cette loi a été créée pour protéger la protestation étudiante et l’organisation politique, en mémoire du soulèvement de l’École polytechnique d’Athènes en 1973, lorsque des étudiants grecs ont manifesté contre la junte militaire qui dirigeait alors le pays.

Lors du soulèvement de trois jours en novembre 1973, les étudiants ont occupé l’Université polytechnique d’Athènes pour protester contre les changements proposés au système éducatif. L’occupation est rapidement devenue un symbole de révolte contre la dictature, et des milliers de personnes ont inondé les rues d’Athènes en signe de solidarité. La protestation s’est tristement terminée par l’envoi par l’armée de chars sur les principales routes de la ville, dont un s’est écrasé aux portes de l’université polytechnique. Des dizaines de personnes ont été tuées, et des centaines ont été battues ou arrêtées par la police.

Le soulèvement de l’École polytechnique est largement considéré en Grèce comme le début de la fin de la dictature et le début du retour à la démocratie. Les portes écrasées de l’école polytechnique sont toujours un mémorial à l’intérieur du campus et aujourd’hui encore, le 17 novembre est un jour férié national. Lors de sa promulgation en 1982, la loi sur l’asile interdisant à la police d’entrer sur le campus a été acceptée comme une protection évidente et nécessaire pour l’organisation des étudiants.

De nombreux étudiants citent l’héritage de l’École polytechnique dans leurs arguments contre la nouvelle loi. « Dans le passé, les universités étaient un point de départ pour la résistance, comme dans le cas de l’Ecole polytechnique et d’autres actions », a déclaré Yiannis Koyios, vingt-deux ans, étudiant à l’Université nationale et kapodistrienne d’Athènes lors de la manifestation de mercredi. « Chaque fois que le gouvernement a essayé de changer les lois, les universités ont été un point de départ pour la réaction ».

Pendant des années, de nombreux mouvements politiques grecs ont vu le jour dans les universités – les mouvements de solidarité avec les travailleurs et les migrants étaient souvent organisés à partir des bâtiments universitaires ou des résidences. « L’université a toujours joué un grand rôle dans les mouvements politiques en Grèce », a déclaré Makari.  « Les mouvements étudiants ont joué un rôle clé dans l’organisation des manifestations en 2008 et pendant la crise économique ».

Des campus sans loi ?

Mais dans les décennies qui ont suivi le soulèvement de Polytechnique, les opposants ont attaqué la loi sur l’asile universitaire comme couverture de l’anarchie et des activités dangereuses. Au milieu des protestations nationales contre les mesures d’austérité d’après-crise en 2011, le gouvernement de centre-gauche du PASOK a abrogé l’asile universitaire. En 2017, l’administration Syriza de Tsipras l’a rétabli de manière significative.

Lorsque la mesure a été réintroduite, les journaux de centre-droit étaient furieux. Ils ont publié des titres tels que « Les universités sont entourées d’extrémistes et de trafiquants » – pointant du doigt les graffitis sur les bâtiments universitaires, ou la vente de cigarettes illégales et de baskets contrefaites sur le campus. Mais il y a eu aussi des plaintes au sein des universités. En 2018, des étudiants de toute la Grèce ont créé une pétition qui a recueilli plus de 1 400 signatures réclamant des « universités sans violence » après qu’un professeur ait été battu et menacé pour avoir fait des commentaires sur des graffitis anti-autoritaires. Les professeurs ont fait valoir que l’occupation fréquente des bâtiments universitaires perturbait l’enseignement.

Le parti au pouvoir, Nouvelle Démocratie, s’est particulièrement intéressé au prétendu climat d’anarchie qui règne dans les universités. A partir de 2018, il a commencé à faire campagne sur un programme de maintien de l’ordre étayé par des promesses d’abrogation de l’asile universitaire. En effet, ce fut l’une des premières actions législatives du parti lors de son élection à l’été 2019. Le premier ministre de Nouvelle Démocratie, Kyriakos Mitsotakis, a déclaré : « Nous ne voulons pas de policiers dans les universités. Nous voulons expulser les voyous qui contrôlent la vie des étudiants [des universités] ».

Cependant, au cours des derniers mois, Nouvelle Démocratie a mené une nouvelle campagne insistant sur le fait que la dissolution de l’asile ne suffisait pas – et que la mise en place d’une police universitaire est la seule façon pour la Grèce d’avoir des universités « qui fonctionnent ». Fin janvier, elle a publié une vidéo avec des photos de trafic de drogue, de fenêtres d’université brisées et de manifestations avec le slogan « La police universitaire est la seule façon pour la Grèce d’avoir des universités qui fonctionnent » : « Vandalisme, intimidation, vols, trafic, passages à tabac, commerce illégal, dépréciation. Nous sommes d’accord, ce ne sont pas les universités que nous voulons. Elles sont un lieu de création, de liberté et de connaissance, et non de délinquance et d’anarchie ».

Lors de la discussion de la loi au Parlement jeudi, M. Mitsotakis a déclaré qu’elle résoudrait les problèmes de « délinquance » et établirait les universités comme un lieu d’éducation et d’échange d’idées. Pour lui, il ne s’agit pas de « l’entrée de la police dans les écoles » mais de « l’entrée de la démocratie ».

Mais le mouvement étudiant n’en est pas si sûr. « Ce n’est pas une mesure qui se fait pour assurer la sécurité des étudiants ; la police sera là pour réprimer les mouvements politiques qui ont fleuri à l’intérieur de l’université », a déclaré Makari. « Pour moi, cela est prouvé par le rôle historique de la police dans la société grecque et par les actions récentes de la police, y compris aujourd’hui ». Lors des manifestations d’étudiants à Athènes et à Thessalonique mercredi, la police a battu les manifestants et en a arrêté des dizaines. Des vidéos ont circulé en ligne montrant des policiers poursuivant des étudiants à coups de matraque et les jetant sur le trottoir. Les syndicats de journalistes, les politiciens de gauche et les manifestants ont tous accusé la police de recourir à une force excessive pendant les manifestations.

Evelina Kontonasiou, dix-neuf ans, étudiante en pharmacie à l’Université nationale et kapodistrienne d’Athènes, craint que la loi ait un impact sur ses études et son militantisme politique. « Je pense que je vais voir l’université comme un espace de colonialisme et d’oppression politique », a-t-elle déclaré. « Je viendrai et j’étudierai avec anxiété ». Pour elle, le risque est que les étudiants ne soient pas capables de faire face à ce climat – car « il y aura des flics dans nos têtes à tout moment ».

  Source https://jacobinmag.com/2021/02/greece-university-police-athens-student-protests

Répression violente contre les étudiants

 

La police réprime les étudiants qui protestent contre le nouveau projet de loi sur l’éducation en Grèce (vidéos) 

Mercredi, la police grecque a réprimé les manifestations d’étudiants à Athènes et à Thessalonique au moyen de gaz lacrymogènes et de grenades assourdissantes. Etudiants, enseignants, universitaires, lycéens, parents ont défilé dans les villes contre le projet de loi sur l’éducation qui prévoit, entre autres, la présence de la police dans les universités. La manifestation à Athènes a été pacifique, mais certains incidents ont eu lieu lorsque le rassemblement a atteint le Parlement grec en face de la place Syntagma. La police anti-émeute aurait tiré des gaz lacrymogènes et arrêté certaines personnes. Bientôt, la situation a échappé à tout contrôle, avec l’utilisation massive de produits chimiques et les passages à tabac d’étudiants, même ceux qui étaient déjà détenus et menottés.

https://twitter.com/i/status/1359503615946338305

Même les photoreporteurs couvrant le rassemblement et les affrontements n’ont pas échappé à la colère de la police. Ils ont frappé et poussé au sol un membre des médias, comme l’a montré la capture sur vidéo du photoreporteur Savvas Karmaniolas

https://twitter.com/i/status/1359470357007241219

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Au total, 52 personnes ont été détenues. La situation était similaire à Thessalonique.

https://twitter.com/i/status/1359537557294448640

Selon les médias, à Thessalonique, c’est un groupe de manifestants qui a attaqué en premier lieu la police.

https://youtu.be/NC9VWOUm_Ws

Selon les dernières informations, une deuxième manifestation se prépare à Thessalonique. Des protestations étudiantes ont également eu lieu à Chania, Patras et dans d’autres villes où il y a des universités. Entre autres, le projet de loi rend l’accès aux universités plus difficile pour les diplômés des écoles du soir (écoles pour les étudiants qui travaillent) et diminue le taux d’entrée pour les étudiants handicapés. En outre, la majorité de la communauté universitaire s’oppose à la présence de la police dans les universités. Mais le gouvernement et le ministre de l’éducation du pays démocratique appelé Grèce ignorent tout simplement le point de vue de la communauté.


Dernière info : le projet de loi sur l’éducation a été voté hier au Parlement «dans un climat tendu» etde «vive controverse politique» par 166 voix (Nouvelle démocratie, Solution Grecque), contre 132(SYRIZA, KINAL, KKE)


Soignants « De héros à méchants »

De « héros » à « méchants »… Le gouvernement grec persécute les syndicalistes du secteur de la santé en raison de leur activité politique

Un an auparavant, le Premier ministre grec Kyriakos Mitsotakis et les membres de son gouvernement faisaient l’éloge des médecins, les « héros de la santé » comme ils les appelaient, pour leur lutte contre la pandémie de coronavirus. Le gouvernement avait même exhorté le peuple à montrer sa reconnaissance aux professionnels de la santé du pays en les applaudissant de leur balcon.

Mais, apparemment, les travailleurs de la santé sont des « héros » tant qu’ils gardent le silence et ne se battent pas pour les droits de leurs collègues et de la société. Récemment, la présidente de la Fédération nationale des médecins des hôpitaux publics (OENGE) Afroditi Retziou a reçu une convocation pour u interrogatoire de la police grecque, car la Fédération s’est mobilisée et a organisé des manifestations pour exiger du gouvernement le recrutement de médecins, ainsi que davantage de matériel de protection et de mesures de sécurité pour les travailleurs de la santé !
Dans une déclaration concernant sa convocation par la police, Mme Retziou a déclaré

« Le combat que mènent les médecins hospitaliers, tous les travailleurs de la santé, est un combat pour la protection de la santé et de la vie de notre peuple, un combat pour la défense de nos droits et de notre dignité. Peu importe le nombre de lois qu’ils voteront, peu importe le nombre de mécanismes répressifs qu’ils utiliseront, ils ne nous intimident pas et ne nous terrorisent pas.

Nous continuerons à accomplir notre tâche, celle qui nous est dictée par notre conscience.

S’ils pensent que nous resterons silencieux en ne faisant rien face au crime continu contre la santé et la vie de nos patients, ils se trompent profondément ».
Afroditi Retziou n’est pas le seul cas. D’autres syndicalistes du secteur de la santé ont reçu des appels de la police afin de « s’excuser » pour leur activité militante.

En pleine pandémie de Covid-19, il s’agit d’une autre action provocatrice du gouvernement conservateur de la DS qui cherche à faire taire toute voix qui révèle les pénuries tragiques dans les hôpitaux et, de manière générale, la dangereuse politique gouvernementale qui risque la vie de milliers de personnes.

Comme le souligne pamehellas.gr, « le gouvernement, face à la troisième vague de la pandémie, un an après son déclenchement, a financé des milliards de dollars aux grandes entreprises, aux groupes de tourisme et aux compagnies aériennes. Ils ont couru pour acheter du matériel de police et de répression et veulent faire venir des milliers de gardes spéciaux, de caméras et de policiers dans les universités, le métro, et partout où ils peuvent imaginer. Mais ils insistent pour ne pas engager de chauffeurs pour les transports publics, d’enseignants pour les écoles, et de personnel médical pour les hôpitaux !

Afin de défendre sa politique barbare qui sacrifie la vie et la santé du peuple pour le profit de quelques-uns, elle lance un mécanisme d’intimidation et de répression contre ceux qui s’y opposent. Comme le Talon de fer, il légifère des mesures de jour et de nuit contre quiconque se bat et revendique, interdit les manifestations, cherche à faire taire et intimider toute voix exigeante ».

Les persécutions et les intimidations ne passeront pas et la lutte des travailleurs dans tous les secteurs se poursuivra et s’étendra.

Source http://mouvementcommuniste.over-blog.com/2021/02/de-heros-a-mechants.le-gouvernement-grec-persecute-les-syndicalistes-du-secteur-de-la-sante-en-raison-de-leur-activite-politique.htm?fbclid=IwAR2Ew-es0l4YGTTLrL0tfPzw9mUcuPev2TGDo8E_-qHzBuK5pVKBONfDSb8

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