Prédateurs immobiliers en Grèce

Par Dimítris Konstantakópoulos sur son blog, septembre 2019 traduit par Panagiotis Grigoriou

“La confiscation de notre pays par des prédateurs étrangers n’a pas de fin. L’agence fiduciaire étrangère qui liquide les biens de la Grèce, ainsi que les ‘créanciers’, mettront bientôt la main sur près de 300 000 biens immobiliers et terrains privés dont la déclaration auprès du cadastre reste incertaine. Faisant ainsi suite à la subordination à cette agence et à la confiscation substantielle de tous les biens publics comme de la moitié des biens de l’Église par la Treuhand à la grecque, les forces d’occupation préparent un nouveau plan de confiscation s’agissant de nombreux biens privés.”

“Des centaines de milliers de propriétés, maisons, appartements, magasins, entrepôts, parcelles, etc., et qui ne sont pas déclarées par leurs propriétaires au cours du processus d’enregistrement foncier, ou qui ont été déclarées de manière erronée, sont susceptibles d’entrer comme on dit dans le domaine public d’ici deux ans. Si les omissions ne sont pas corrigées, et étant donné que tous les biens publics appartiennent de fait à l’agence fiduciaire pilotée depuis l’étranger, il est évident que les pillards étrangers auront également accès à cette partie de la propriété privée du pays, au nombre alors estimé à 300.000 biens”,

Augmentation des dépenses publiques -plus-value pour une nation

La charité et le volontariat comme thérapie de choc pour un grand remplacement des services publics. Acte 3 par Carlos Perez

De plus en plus souvent, les missions de l’État providence sont perçues comme un fardeau qui entraîne des « dépenses publiques ». Ces dernières doivent être réduites drastiquement. Carlos Perez nous explique au contraire que ces dépenses sont un investissement qui augmente la plus-value d’une nation. Poursuivant sa réflexion sur la charité et le volontariat, il souligne l’importance d’un secteur non marchand qui échappe en grande partie à l’appétit des capitalistes. Et c’est bien là qu’est tout le problème… (IGA)

Le volontariat en guise de salariat ou comment tirer nos acquis vers le bas en nous faisant croire le contraire. Attention aux réformes des philanthrocapitalistes, l’enfer chez ces gens-là est pavé de bonnes intentions. Ce n’est pas un hasard si la proportion de bénévoles aux États-Unis est la plus forte au monde. La « décence ordinaire » chère à Orwell et le don de soi seraient-ils plus prononcés dans ce pays que dans le reste du monde? Bien sûr que non.

Dans les pays anglo-saxons, le don de soi et la philanthropie ont une action bien plus pragmatique et surdéterminée politiquement. Leur mission est de servir de cache-sexe à la misère sociale. Pas besoin de citer Tocqueville et Hayek, adeptes de l’ordre spontané à l’inverse de Rousseau et son contrat social, pour comprendre à quel point la charité et le mécénat sont enracinés dans l’idéologie de l’élite de ces pays. La charité et le don de soi nourrissent les sentiments que se plaisent à éprouver les riches à l’égard des pauvres. Ils pallieraient efficacement, selon ces bourgeois, les actions de l’État.

Bien qu’il a largement montré ses limites, ce mode de pensée est inscrit dans leurs Constitutions et s’est trouvé stimulé par tous les présidents des États-Unis, démocrates ou républicains. Chacun avec leurs spécificités, ils ont incité le mécénat et le volontariat contre l’État providence qui est une véritable menace pour les capitalistes et leurs représentants au pouvoir. Et ils ne se gênent pas pour le faire savoir.

« Le service citoyen n’appartient à aucun parti, aucune idéologie. C’est une idée américaine à laquelle tout Américain peut souscrire », affirma le président Clinton lors de son discours d’investiture. Se retournant vers l’ancien président Bush, il ajouta alors déplorer le peu de précédents de ce genre dans l’histoire de l’Amérique. C’est pourtant vrai, ce qui nous réunit en tant que citoyens est plus important qu’une personne, un parti, une élection, une idéologie.

Les différents présidents des États-Unis ont toujours eu en commun de détester l’État providence. Que ce soit les républicains avec leur bénévolat privé ou les démocrates avec leur bénévolat public, ils ont intégré les associations de bénévoles dans leurs programmes de politiques sociales, de santé, de logement ou d’éducation. Il faut passer par des associations caritatives bénévoles ou volontaires pour finalement ne pas financer de véritables services publics ni rétribuer correctement des salariés pour assurer les missions. En somme, chez les capitalistes et plus particulièrement chez les Anglo-saxons, la charité et les colis alimentaires doivent remplacer une vraie politique d’équité et de droits sociaux.

Réduire les dépenses publiques est un leitmotiv des capitalistes, quitte à répéter inlassablement les mêmes mensonges. Comme si la dépense dans les services sociaux, la santé, le logement ou l’éducation n’était pas un investissement dans le patrimoine utile et nécessaire qui augmente la plus-value d’une nation. Le but de la manœuvre de ces escrocs est de privatiser le bien commun, l’air, l’eau, les sols et les semences, le patrimoine public et immobilier, les routes, la santé, l’éducation… Bref, tout ce qui peut être commercialisé doit devenir la propriété de quelques multinationales. L’État doit rester subsidiaire, en dernier recours. Son rôle doit être ramené à quelques strictes fonctions régaliennes comme la police, l’armée ou la justice. Les services sociaux, eux, doivent être sous-traités à des bénévoles et des associations, tout en encourageant le mécénat privé.

Voilà ce que nous disait déjà le mouvement du solidarisme initié en France par Jean-Jacques Rousseau dans son contrat social. L’escroquerie était déjà très claire pour les militants des droits sociaux et les pauvres au 18e siècle. « Pour l’essentiel, Bouglé et Fouillée opposent à la charité une éthique des droits : « L’absolue liberté de la charité  est », dit Fouillée, « un préjugé religieux et moral qui vient  d’une insuffisante analyse des droits ». C’est à ce titre qu’ils s’élèvent avec vigueur contre la charité chrétienne, son injustice, ses aspects culpabilisateurs, son moralisme. Bouglé insiste sur le fait que ce sont les « déshérités » eux-mêmes qui condamnent la charité  « Les déshérités qui crient « À bas Ia charité » montrent une colère farouche contre cette pourriture chrétienne qui entretient l’injustice. »

La bourgeoisie, cette classe de parasites et de prédateurs, veut nous faire croire que soutenir nos services sociaux est une gabegie qui va coûter beaucoup d’argent aux contribuables. C’est faux. C’est même tout le contraire qui se produit, les fonctionnaires sont responsables de la production de la valeur d’usage non lucrative éminemment utile à la collectivité. Le fonctionnaire ne produit pas de plus-value pour le capital marchand et pour les prédateurs, mais pour la société. La part des services non marchands augmente, ce qui est une très bonne chose, car tout n’est pas forcément à vendre. Et si la part des services marchands diminue, c’est tant mieux. Notre terre et nos vies ne sont pas à vendre.

Dans l’économie aujourd’hui, le tiers du PIB est produit en dehors de la pratique capitaliste. La fonction publique et ses services sociaux, c’est une autre façon de produire de la valeur. Pour le dire autrement, les fonctionnaires sont les producteurs de la monnaie qu’on leur paie, ils produisent l’impôt qui les finance. Les fonctionnaires socialisent déjà 45% du salaire, mais plus de 800 milliards d’euros, soit 40% du PIB relève d’une production non capitaliste[1]. En gros, les 40% du PIB relèvent d’une production de valeur d’usage non lucrative produite par les fonctionnaires dans le cadre des services publics et de la sécurité sociale. Ces travailleurs ne sont pas productifs pour le capital, mais ils sont productifs pour le public, le paiement est collectif et validé socialement.

« Face à cette offensive qui vise à détricoter par tous les bouts le manteau collectif qui protège la société, tous les intellectuels dignes de ce nom devraient joindre leurs forces pour expliquer que les travailleurs dans les services non marchands sont productifs », relève l’économiste Jean-Marie Harribey[2].  » Eux, qui fournissent éducation publique, santé publique, services municipaux, services dans les associations à but non lucratif, etc. produisent des choses utiles que l’on peut qualifier de valeurs d’usage. Mais ils produisent aussi de la valeur économique, qui est monétaire, bien que non marchande, et qui n’est pas un prélèvement sur la production marchande. On peut le démontrer logiquement. La part du non marchand par rapport au marchand dans la production totale augmente tendanciellement grosso modo depuis la Seconde Guerre mondiale. L’idée même qu’une part déclinante puisse financer une part croissante est un non-sens. Que faut-il en déduire ? Lesdits prélèvements obligatoires sont effectués sur un PIB déjà augmenté du fruit de l’activité non marchande, et non pas sur le seul produit marchand. »

« Les impôts et cotisations sociales sont le prix collectif, socialisé, des services non marchands. Ils jouent le même rôle que les prix des marchandises achetées et payées individuellement. La différence est que, dans un cas, la validation de l’existence et du paiement collectif de services non marchands passe par une décision politique collective démocratique (pour des besoins sociaux à satisfaire), et que, dans l’autre cas, la validation sociale passe par le marché (pour des besoins solvables, bien que tous ne le soient pas). »

La contribution des fonctionnaires à l’économie n’est absolument plus à mettre en doute, sauf pour les réformateurs qui s’aperçoivent du danger qui pourrait se généraliser à tous les secteurs. La peur de perdre des parts de profits lucratifs est la hantise des classes capitalistes et la généralisation d’un système non lucratif comme celui de la fonction publique est à tout prix ce qu’il faut éviter pour ces réformateurs.

Les fonctionnaires et leur caisse de cotisation sociale, cette grande invention révolutionnaire de la classe ouvrière, ne ponctionne pas par le profit ni par la rémunération capitaliste de la force de travail, ces deux institutions rapaces du capitalisme. Ils les remplacent pour financer une croissance non capitaliste. La collectivité investit dans ces fonctionnaires pour générer de la valeur d’usage utile socialement. Voilà la bonne façon, juste, honnête et véritablement révolutionnaire, d’appréhender cette question. Les fonctionnaires créent une valeur d’usage non lucrative socialement utile et autrement productive. C’est indispensable à l’émancipation des classes populaires en diminuant très fortement la croissance des inégalités sociales d’un pays.

Vouloir à tout prix remplacer les services sociaux par de la charité, c’est-à-dire un droit collectif par une aumône individuelle et des colis alimentaires; limiter et contraindre l’État aux seuls services régaliens en limitant le financement des services sociaux au strict minimum… C’est le propos que se sont assigné les capitalistes qui souhaitent d’une certaine manière le retour d’un État féodal et font de Germinal leur programme social.

[1] https://www.cairn.info/revue-mouvements-2013-1-page-60.htm

[2] https://www.liberation.fr/futurs/2013/10/28/les-fonctionnaires-createurs-de-richesse_942937

Source: Investig’Action

Voir les parties précédentes :

La charité et le volontariat comme thérapie de choc pour un grand remplacement des services publics

La charité et le volontariat comme thérapie de choc pour un grand remplacement des services publics. Acte 2

 

Répression politique en Espagne

Vaste opération de mise en scène contre les indépendantistes catalans

29 septembre 2019

Un nouveau pas a été franchi cette semaine dans la répression politique en Espagne avec la détention de militants indépendantistes directement accusés de « terrorisme, rébellion et détention d’explosifs ». Les prisonniers politiques – « otages » comme les qualifient de plus en plus de Catalans – sont donc maintenant au nombre de 16 dans les geôles espagnoles.

Lundi 23 septembre, tous les médias catalans et espagnols ouvraient leurs éditions avec les premières informations de la vaste opération, qualifiée de « razzia » par la presse catalane, menée en pleine nuit par 500 agents de la Guardia civil spécialement déplacés de Madrid. Des descentes et perquisitions étaient effectués aux domiciles de militants indépendantistes. 9 personnes étaient détenues, dont 7 sont emportées immédiatement à Madrid et mises au secret dans les locaux de la police grâce au secret de l’instruction appliqué pour cette opération. La mise en scène des autorités espagnoles incluait l’enregistrement filmé des portes des appartement défoncées à grand coup de béliers, des domiciles sans dessus-dessous après les perquisitions et la « découverte » pour toute preuve, dans le local du comité des fêtes de la ville de Sabadell, de marmites et casseroles et d’un sac en plastique plein de produits pyrotechniques. Le procureur expose les résultats des perquisitions en parlant « d’éléments précurseurs susceptible de servir à la préparation d’explosifs ». C’est à dire rien.

Police et médias espagnols les accusent instantanément de « terrorisme, rébellion et détention d’explosifs ». Les personnes arrêtées, membres des CDR – les comités de défense de la République, groupes informels pacifiques et non violents formés dans toute la Catalogne après les violences de la police espagnole lors du référendum de 2017, de la suspension de l’autonomie et de l’emprisonnement du gouvernement catalan – sont accusées de « terrorismes, de détention d’explosifs et rébellion ». L’opération et l’instruction secrètes n’empêchent pas les médias espagnols de diffuser immédiatement les détails et accusations qui déclenchent l’application contre les inculpés la réglementation antiterroriste : garde à vue prolongée, pas d’avocat, pas de contact avec les familles, traduction immédiatement devant les juridictions spécialisées à Madrid.

Irrégularités et mensonges 

Le monde politique catalan, mais aussi les journalistes et les avocats mobilisés dénoncent rapidement les irrégularités, les absurdités et les mensonges attachés à l’opération et relayés sans scrupules par le monde politique et les médias espagnols, la justice et la police. Fuites orchestrées par les autorités, interventions en dehors des horaires légaux, menace des maires qui se mobiliseraient, remise en liberté de deux des « présumés terroristes », enfants de 10 ans des détenus mis en joue et allongés sur le sol… La ministre de l’Éducation de Puigdemont, en exil en Écosse, Clara Ponsatí a averti sur les réseaux sociaux que « tout cela ne fait que commencer ». Parmi les élus du PP et de Ciudadanos, c’était à celui qui dirait la plus grosse énormité dans un délire éhonté de références aux attentats criminels de l’histoire récente de l’Espagne : les indépendantistes avaient été « pris avec des bombes à la main », la police avait évité une nouvelle hécatombe, les politiques et élus indépendantistes constituaient les soutiens au terrorisme…

Objectif : assimiler indépendantistes et terroristes

À la veille de la dissolution des Cortes avant les élections législatives du 14 novembre prochain et dans l’attente du verdict contre les prisonniers politiques catalans début octobre, un nouveau pas est franchi pour tenter de liquider le mouvement indépendantiste, de faire peur à la société catalane, d’assimiler indépendantisme et terrorisme, et sans doute de préparer la prochaine suspension de l’autonomie catalane et l’emprisonnement d’élus, de politiques et de militants. C’est dans ce sens que ne cessent de s’exprimer les partis espagnols, des plus virulents à droite au non moins nationaliste PSOE qui exige maintenant au président de la Generalitat et aux ministres indépendantistes de « condamner la violence [inventée] des groupuscules indépendantistes » et de « renoncer à un projet et à une idéologie illégale et qui sont un échec total » [dixit Pedro Sanchez], sous d’une répression encore plus dure. L’objectif de la « guerre sale » des pouvoirs de l’État est clair et de plus en plus explicite : neutraliser les militants et les politiques indépendantistes en les associant systématiquement au terrorisme. Le but étant de se débarrasser politiquement des adversaires indépendantistes aux prochaines élections et gagner le plus de voix possible dans les rangs du nationalisme espagnol et de l’anticatanalanisme.

Mobilisations dans toutes la Catalogne et tension croissante

 mobilisations citoyennes ont suivi immédiatement l’opération de propagande et les détentions abusives. Les 7 personnes détenues sont gardées en « prison préventive le temps de l’instruction » alors qu’aucune preuve ni indice significatif des accusations, ni aucun fait ne peuvent être retenus contre eux. Les proches des détenus ont témoigné toute la semaine du caractère politique de l’opération de propagande, d’un récit totalement fictif inventé par juges et policiers, dans la ligne du procès de Madrid où les violences policières du référendum ont été attribuées aux électeurs pacifiques. La droite et les populistes de Ciudadanos ont même provoqué les premiers incidents au Parlement de Catalogne en insultant et en menaçant le président de la chambre et le gouvernement et se sont vus expulser de l’hémicycle. Les manifestations se sont poursuivies toute la semaine dans plus de 50 villes catalanes, concerts de casseroles et cris de « Nous sommes tous des CDR ». De même que plusieurs manifestations ont eu comme objectif des rassemblements devant les casernes de la Guardia Civil.

La décrédibilisation de la justice et de la police espagnole atteint des niveaux maximums en Catalogne. La presse a rappelé cette semaine que l’appareil politico-judiciaire espagnol s’oppose à l’enquête sur les attentats djihadistes de Barcelone pour déterminer quels étaient les liens précis entre les terroristes et la police espagnole (malgré une plainte déposée par le père d’un enfant victime), ou encore que le militant d’extrême droite qui voulait assassiner Pedro Sanchez et chez qui on a trouvé un arsenal d’armes de guerre impressionnant n’a pas été inculpé de violence ni de terrorisme. Le président d’Òmnium Cultural Jordi Cuixart en prison « préventive » depuis 2 ans analyse cette offensive démesurée espagnole comme un progrès, « la prison étant un pas supplémentaire vers la victoire ».

L’État de droit et la démocratie sont de plus en plus gravement remis en cause en Espagne qui entend traiter la « question catalane » à la manière franquiste, avec la caution des plus hautes autorités politiques, judiciaires et policières, dans un silence impressionnant et de plus en plus difficile de ne pas considérer comme « complice » des autres membres de l’Union européennes, plus occupés par les évènements de Hong Kong ou de Turquie.

http://lepeuplebreton.bzh/2019/09/29/vaste-operation-independantistes-catalans/

Grèce : la défaite de la gauche, le gouvernement de droite

Par Antonis Ntavanellos

Traditionnellement, lors de la Foire internationale de Thessalonique (FIT) [1], les gouvernements grecs présentent leurs programmes et leurs perspectives.

Cette année, Kyriakos Mitsotakis [2] était à l’honneur. Le leader ultra-libéral de Nouvelle Démocratie jouit toujours du confort de la victoire politique de son parti lors de l’élection du 7 juillet 2019. Nouvelle Démocratie (ND), avec 39,8% des voix, a élu 158 députés, remportant la majorité des 300 sièges du Parlement et donc la possibilité d’un gouvernement autonome [échappant à la nécessité d’une coalition]. Bien que la perspective de la défaite de Syriza et d’Alexis Tsipras ait été prévisible beaucoup plus tôt, un tel résultat était inimaginable un an auparavant, lorsque la majorité des analystes politiques avaient prédit la victoire de Mitsotakis et de la droite, mais pas une majorité parlementaire autonome pour ND. Cette question se concrétisait par la crainte d’une nouvelle période d’instabilité politique pour le capitalisme grec, éventuellement déclenchée par les difficultés de former un gouvernement de coalition de Nouvelle Démocratie avec l’un des petits partis, notamment avec le Mouvement pour le changement – KINAL –, le petit parti (8,1%) de Fofi Gennimatas [3], une survivance du PASOK d’Andreas Papandreou, jadis tout-puissant mais aujourd’hui effondré.

Lors des élections régionales [26 mai et 2 juin], ND a également remporté 12 des 13 régions du pays. La droite sort donc gagnante incontestée des épreuves électorales de la fin de la période de la gouvernance SYRIZA. L’événement a été accueilli favorablement par toutes les forces du système, qui ont rapidement oublié leur scepticisme sur les capacités de leadership de Kyriakos Mitsotakis et l’efficacité politique de son parti. Rappelons-nous que dans les sondages effectués pendant la tumultueuse année de 2015, ND, en recul plus modéré que le PASOK, avait sombré à 14% des intentions de vote, retenant seulement le noyau dur de la droite historique. Mais aujourd’hui tous les piliers du système saluent de concert «le retour à la normale». Un lecteur attentif fera le constat que ce qui est acclamé dans les pages de la presse bourgeoise «sérieuse» n’est pas la défaite d’Alexis Tsipras – nous démontrerons plus loin qu’on s’efforce de maintenir les perspectives du groupe dirigeant de SYRIZA – mais surtout la défaite du grand mouvement ouvrier et populaire des années 2010-13, qui a conduit à la victoire politique de SYRIZA en janvier 2015. Et, dans la foulée, la naissance d’une force populaire qui, lors du référendum de l’été 2015, réclamait à hauteur de 62% des voix (pour le NON) la fin immédiate de l’austérité et le renversement des contre-réformes néolibérales. Le mot d’ordre présent de «retour à la normale» dénonce justement la «folie» d’une époque où les gens d’en bas avaient espéré pouvoir gagner la bataille politique.

Le gouvernement de droite

Kyriakos Mitsotakis, lorsqu’il était en voie d’accéder au gouvernement, avait utilisé des slogans durs et le langage d’une droite revancharde. Il visait à transformer la défaite politique prévisible de SYRIZA en une défaite stratégique du mouvement ouvrier et de la résistance sociale, cherchant à dévaloriser toutes les idées, les méthodes et même les symboles des luttes populaires. De hauts responsables de Nouvelle Démocratie, tels les actuels ministres Adonis Georgiades et Makis Voridis, issus de l’aile d’extrême-droite du parti, avaient publiquement annoncé l’objectif d’une domination politique de la droite de la même ampleur que celle installée en Grèce après la guerre civile de 1944-1949.

Au cours des deux premiers mois du gouvernement Mitsotakis, des signaux alarmants ont été émis. La police, dirigée par l’ancien social-démocrate Michalis Chrisochoïdis, ami des services américains et très bien noté sous la gouvernance du PASOK pour sa contribution à la «lutte antiterroriste», a attaqué et évacué les squats de réfugiés. Puis elle a déclaré la guerre pour «appliquer l’ordre et la loi» dans le quartier d’Exarchia (à Athènes), lieu emblématique de l’activisme anarchiste, d’extrême gauche et du mouvement de la jeunesse. La ministre ultra-libérale de l’Education, Niki Kerameos, a inauguré son mandat en supprimant «l’asile», l’inviolabilité par la police des sites universitaires, une conquête du mouvement étudiant contre la dictature des colonels qu’aucun gouvernement n’avait jusqu’ici osé remettre en cause. Des cadres dirigeants du parti ND et des représentants du gouvernement parlent des réfugiés et migrants de manière absolument méprisante («déchets humains») légitimant ainsi les actes racistes. L’Eglise orthodoxe grecque a officiellement désigné une journée de «deuil» consacrée aux «enfants qui n’ont pas été nés», inaugurant la remise en question du droit à l’avortement légal et gratuit.

La lutte contre la répression, le racisme et contre l’offensive idéologique conservatrice de la droite constituera une première épreuve pour le mouvement populaire, dont l’issue se dessinera au cours des combats de cet automne.

Toutefois l’histoire de la lutte des classes en Grèce démontre que la répression, à elle seule, n’a jamais suffi à assurer la longévité d’un gouvernement. Le meilleur exemple en est celui du gouvernement de Konstantinos Mitsotakis qui, ayant lancé l’offensive néolibérale de 1989 avec le soutien inconditionnel de toutes les forces du système, a été finalement renversé en 1993, suite à un grand mouvement contre les privatisations, dont les occupations et les confrontations dynamiques dans Athènes n’étaient pas animées par l’extrême gauche ou les anarchistes mais par les travailleurs des banques, des transports et des télécommunications.

Kyriakos Mitsotakis, lors de la FIT de cette année, s’est montré conscient des risques auxquels il serait confronté à moyen terme. A la surprise de la majorité des analystes de presse, il a utilisé un langage «centriste», laissant ainsi de la place pour des négociations politiques et, si nécessaire, des «consensus plus larges». Il est clair que le message s’adressait à la fois au KINAL (Mouvement pour le changement) de Fofi Gennimatas et à SYRIZA d’Alexis Tsipras.

Au cœur de ce choix il y a la crainte des évolutions futures. Tout le monde a conscience que l’accord d’août 2018, entre Tsipras et les créanciers de la Grèce, celui d’une trompeuse «sortie des mémorandums»,  est basé sur le scénario le plus optimiste pour l’économie internationale. Interrogé à Thessalonique sur les conséquences d’un éventuel ralentissement économique international, l’ultralibéral Kyriakos Mitsotakis a écarté de ses conjectures une telle éventualité et a appelé de ses vœux un… virage néo-keynésien de l’UE, en évoquant à titre d’exemple la nécessité de modération des mesures d’austérité en Allemagne.

Certes, derrière de telles hésitations, derrière le langage apaisé de recherche d’un consensus, se profilent tous les choix inflexibles que la classe capitaliste exige de nos jours pour la Grèce:

• Mitsotakis a annoncé l’abrogation immédiate de toutes les restrictions en matière de protection de l’environnement et d’aménagement du territoire qui pourraient gêner les investisseurs, même les contraintes minimales en matière de santé et de sécurité des salarié·e·s, pour toute nouvelle entreprise. Au sein de ce faisceau de mesures, il faut souligner la «flexibilisation» des Conventions collectives permettant aux capitalistes de payer les salariés qualifiés, dans certaines régions ou secteurs, le salaire minimum légal (650 euros par mois) à la place du salaire conventionnel accordé pour ces catégories.

• Annonce d’une accélération galopante des privatisations, à commencer par la conclusion de la vente au rabais d’un énorme terrain côtier, à Elliniko en Attique, au groupe privé immobilier Latsis [la Fondation Latsis Internationale a son siège à Genève], le bradage de l’aéroport d’Athènes, la privatisation de la société publique Greek Petroleum (qui contrôle une des plus grandes raffineries en Méditerranée), la privatisation de la Compagnie publique de gaz naturel. Encore, et ceci n’est un secret pour personne, le projet de privatisation de la grande société publique d’électricité est déjà en préparation, ce qu’aucun gouvernement n’avait jusqu’à présent osé.

• Sur la question brûlante de la fiscalité, Mitsotakis a annoncé une réduction immédiate de l’imposition des bénéfices des entreprises, de 28% aujourd’hui à 24% pour l’année en cours, puis à 20% en 2020, ainsi que des dividendes des actionnaires de 10% à 5%. C’est un cadeau important pour les capitalistes. En même temps les réductions d’impôts pour les simples citoyens seront négligeables. Mitsotakis a annoncé la réduction du taux d’imposition des particuliers, mais uniquement sur les 10’000 premiers euros de revenus, dont les 8648 sont déjà non imposables! Les taux de la TVA, l’impôt qui pèse sur la consommation populaire, resteront inchangés jusqu’à la fin de la période de quatre ans de son mandat.

La question de la taxe foncière spécifique, dite ENFIA, qui pèse fortement sur les charges du logement, est la question sur laquelle Nouvelle Démocratie souhaite fonder son alliance avec la classe moyenne. La réduction progressive de la taxe ENFIA, la cible étant sa réduction finale moyenne de 30%, bénéficiera aux propriétaires des biens d’une valeur élevée, alors que cette mesure n’apportera que des miettes au grand nombre des ménages populaires, qui devront s’acquitter d’une hausse du prix de l’électricité.

• Enfin, sur la question critique de la renégociation des «excédents budgétaires» fort élevés, puisque fixés à hauteur annuelle de 3,5% du PIB, accordés par Tsipras aux créanciers pour le remboursement de la dette publique, Mitsotakis a pris soin de revenir sur ses engagements préélectoraux. Il a reporté le traitement de la question à un avenir indéfini, soulignant qu’il avait l’intention de la remettre sur le tapis uniquement après accord des créanciers et en disant escompter à ce sujet sur le soutien de… Christine Lagarde, nouvelle patronne de la BCE.

Sans surprise, un tel programme a été très bien accueilli par la classe capitaliste. La presse a fait le diagnostic d’une démarche raisonnée, exempte des contradictions idéologiques auxquelles Tsipras était sujet.

Cependant de tels commentaires ne traduisent pas un enthousiasme quelconque ni même un optimisme face à une éventuelle «arrivée de la croissance». Le lendemain des annonces à la FIT le quotidien To Vima, propriété de l’oligarque V.Marinakis (ami de Mitsotakis), a publié un long article de Nikos Christodoulakis, ancien ministre des Finances de l’ancien gouvernement social-libéral de Kostas Simitis [1996-2004, ayant occupé des ministères depuis 1981]. L’ancien «tsar» de l’économie grecque a souligné que les «plaies» essentielles de l’économie grecque ne sont toujours pas traitées: le désinvestissement massif, le très fort pourcentage du chômage réel, la forte baisse de la demande intérieure. Dans ces conditions, écrit-il, seul un programme d’investissement public massif serait susceptible de renforcer la marche du pays vers la «croissance». Or, cela est exclu tant que la cible «insensée» d’excédents budgétaires à hauteur de 3,5% déterminera la politique fiscale et budgétaire. Par ailleurs, Nikos Christodoulakis a plaisanté à propos de «l’optimisme» de Mitsotakis, faisant remarquer que les seuls investissements dont il serait au courant sont des projets de production de médicaments opiacés en Grèce (au moment où le secteur est en crise aux Etats-Unis), ainsi que certains projets de «valorisation» touristique débridée des côtes grecques, menaçant de détruire la dernière «valeur» non entamée encore par la crise grecque. Nikos Christodoulakis a encore suggéré une autre éventualité néfaste: que la réduction de l’impôt sur le capital, associée à la levée des contrôles de capitaux, pourrait conduire à un nouveau cycle de fuite des capitaux à l’étranger et non à une augmentation des investissements privés. De son point de vue, qui n’est aucunement celui de la classe ouvrière, le social-libéral Nikos Christodoulakis est à bien des égards plus pertinent que ceux qui applaudissent Mitsotakis.

La crise et l’instabilité du capitalisme grec ne sont pas terminées. Le destin du gouvernement Mitsotakis sera donc écrit par la résistance ouvrière et populaire (un facteur que personne ne peut sous-estimer en Grèce), mais aussi par les développements économiques internationaux et leurs conséquences sur une économie locale qui reste gravement malade.

SYRIZA

Aussi surprenant que fut l’accès de Nouvelle Démocratie à une majorité parlementaire autonome, tout autant le fut l’obtention par SYRIZA de 31% des suffrages des électeurs.

L’origine de ce résultat est à rechercher du côté de la grande aversion d’une grande partie des travailleurs et de la population paupérisée pour Nouvelle Démocratie, et en particulier pour la famille Mitsotakis. A l’époque du pouvoir du PASOK, son leader Andreas Papandreou utilisait le slogan «Le peuple n’oublie pas ce que signifie la droite» pour renforcer et pérenniser son hégémonie politique. Si ce slogan véhicule de la démagogie et de la confusion, il traduit néanmoins une expérience historique: les lignes de démarcation au sein de la population grecque, creusées au cours du siècle dernier par deux longues dictatures et une guerre civile.

Beaucoup de personnes, appartenant même aux secteurs de l’espace radical politisé n’ayant rien à voir avec le parti d’Alexis Tsipras, ont voté pour SYRIZA «en se bouchant le nez» pour faire contrepoids à Mitsotakis. Mais quand bien même ceci explique le maintien des forces électorales de SYRIZA, ça ne dit absolument rien de ses perspectives politiques. Car la politique actuelle de Mitsotakis avance dans les sillons creusés par Tsipras, à savoir l’imposition du troisième mémorandum.

Sous le gouvernement SYRIZA, la vie des travailleurs et des couches populaires non seulement ne s’est pas améliorée, mais elle s’est davantage détériorée suite à la mise en œuvre du troisième mémorandum. La part des salaires et retraites en pourcentage du PIB a diminué, contrairement à la part des bénéfices du capital. Le salaire réel moyen de la classe ouvrière a diminué malgré l’augmentation du salaire minimum, et les rémunérations d’une partie croissante des salarié·e·s tendent vers le salaire minimum et pour des périodes plus longues de leur vie active. La baisse du chômage est un artifice, les statistiques écartant les centaines de milliers de jeunes forcés d’émigrer et faisant le silence sur l’énorme augmentation du nombre d’emplois précaires. Les privatisations ont été «légitimées» comme inévitables et ont été pour la première fois étendues aux secteurs dits stratégiques (ports, aéroports, grandes infrastructures publiques) épargnés jusqu’ici en grande partie. L’emploi dans le secteur public a diminué et s’est précarisé, avec toutes les conséquences dramatiques pour le fonctionnement des écoles et des hôpitaux publics. La loi Georgios Katrougalos [4] a posé les fondations de la privatisation complète du système public d’assurance.

Sous l’administration Trump (!), le gouvernement Tsipras a été le plus ouvertement pro-américain des gouvernements grecs depuis la chute de la dictature des colonels. Il a amplifié la nouvelle stratégie nationaliste grecque en Méditerranée orientale: «l’axe stratégique» avec l’Etat d’Israël et la dictature d’Egypte, la revalorisation technique et stratégique des bases militaires américaines en Grèce, la mise en œuvre de nouveaux projets d’armement conformément aux vœux du militarisme grec.

Les initiatives du gouvernement Tsipras ont ouvert la voie à Mitsotakis. En décourageant et en frustrant massivement les forces ouvrières et populaires, cette politique a fermé efficacement la fenêtre d’espoir historique ouverte en 2015, sans calculer que cela conduirait à une nouvelle victoire de la droite. La défaite politique de 7 juillet 2019 s’inscrit dans la continuité de la défaite politique de l’été 2015.

Tous ces éléments, au-delà de leur valeur d’interprétation des causes qui nous ont emmenés dans la situation actuelle, déterminent aussi les limites de la future «opposition» politique de Tsipras face à la droite. Les déclarations de SYRIZA, faites le lendemain des annonces gouvernementales à la FIT, étaient un monument d’embarras politique: SYRIZA accusait Mitsotakis de tirer profit des résultats positifs de la politique de Tsipras et de «se servir des acquis» de l’ère SYRIZA! Comment faire la critique de la politique des «excédents budgétaires» alors qu’elle a été mise en place grâce à la signature de SYRIZA? Comment critiquer de réduction de l’imposition du capital alors que c’est bien le gouvernement Tsipras qui l’a initiée? Comment remettre en question la flexibilisation des contrats de travail qu’il a lui-même instituée? Comment s’opposer aux privatisations?

Le projet politique de Tsipras est de conserver des forces électorales dans l’attente de l’usure politique de Mitsotakis. C’est sur cette spéculation que s’appuie l’achèvement du virage social-libéral, annoncé par le projet d’une «Alliance progressiste».

Lors de son congrès prochain, SYRIZA sera un tout «nouveau» parti. Dès à présent Alexis Tsipras parle d’e-SYRIZA, le parti électronique, indiquant la base pour la construction du nouveau pôle de bipartisme, une alternative de type «prêt-à-porter» à Kyriakos Mitsotakis, ayant pour modèles idéologiques Macron et Renzi.

Dans un tel contexte, toute voix à l’intérieur de SYRIZA se désignant «à gauche du groupe Tsipras» est vouée à la défaite humiliante et à la marginalisation. Le mécanisme de communication de Tsipras attaque déjà publiquement Panos Skourletis (secrétaire du parti), Nikos Voutsis (ancien président du Parlement), Nikolaos Filis (ancien ministre de l’Education, démis de ses fonctions suite à la demande de l’Eglise) et parfois même Euclide Tsakalotos (le ministre des Finances signataire du mémorandum, présenté comme une «tendance de gauche»). Mais toutes ces personnes n’appartiennent pas à la gauche radicale, car tous les militants de la gauche radicale, toutes nuances comprises, ont quitté SYRIZA pendant l’été de 2015. Les personnes restées à l’intérieur sont des vétérans du mouvement eurocommuniste et des partisans d’un réformisme «européiste», certains d’entre eux ayant du mal à se laisser écraser au sein d’une mutation pleinement social-démocrate, à l’ère de la soumission de la social-démocratie au néolibéralisme. Les attaques contre ces «dissidents» sont reproduites à volonté par les médias bourgeois, ce qui démontre que le projet pour un SYRIZA «nouveau, plus ouvert et élargi» imposé par le groupe Tsipras est soutenu par plusieurs forces du système néolibéral. Ces forces sont reconnaissantes à Tsipras pour ses services, l’instauration de la «paix sociale» et l’imposition du troisième mémorandum. Elles sont tout aussi conscientes que Mitsotakis pourrait connaître des revers politiques et qu’alors un «consensus plus large» serait utile à la stabilité du système.

L’enjeu est celui des perspectives d’un nouveau «système bipartite», en voie de construction. La Nouvelle Démocratie de Mitsotakis est toujours traitée avec hostilité par un grand nombre de travailleurs et de personnes pauvres (comme en témoignent les résultats des élections du 7 juillet dans les quartiers ouvriers), le nouveau SYRIZA d’Alexis Tsipras est encore loin de la stabilité et de la détermination de l’ancien PASOK de Papandreou et de Simitis. De plus, le capitalisme grec reste faible et envisage avec angoisse la perspective d’une nouvelle crise internationale.

C’est dans ce contexte et dans ces contradictions que la reconstruction nécessaire des forces de la gauche radicale sera mise à l’épreuve dans un proche avenir.

La gauche «au-delà» de SYRIZA

Les développements actuels peuvent prendre un sens seulement sous l’éclairage de l’échec de la gauche «au-delà» de SYRIZA.

Car c’est un fait (inscrit dans les résultats des élections du 7 juillet) que la gauche radicale, dans toutes ses versions, n’a pas été en mesure de construire une alternative crédible et rassembleuse face à la dérive néolibérale austéritaire de SYRIZA et à la menace du retour de la droite.

On peut en trouver des justifications. Les conditions sociales objectives sont devenues particulièrement difficiles, laissant de moins en moins de place à l’action politique des travailleurs et des jeunes. La frustration liée à la défaite de 2015 a joué un rôle paralysant. Une fois de plus dans l’histoire, les effets paralysants de la défaite ont eu un impact plus négatif sur celles et ceux qui se sont battus contre l’orientation qui a produit la défaite, et qui avaient mis en garde contre cette dérive.

Mais le débat sur les circonstances atténuantes n’a plus vraiment d’importance. Il faut se tourner vers les problèmes politiques se profilant, car c’est seulement en orientant le débat dans cette direction que la possible reconstruction se fera.

Les élections du 7 juillet étaient pour le KKE (Parti communiste de Grèce) une rare opportunité politique. Des centaines de milliers de personnes étaient prêtes et volontaires pour quitter SYRIZA. A sa gauche, il n’y avait pas de menace sérieuse, au contraire, des centaines de militants de sensibilités différentes ont étoffé ses listes de candidats. Le résultat (5,3%) n’a pas répondu aux attentes, en dépit des 10 ans de crise et de grandes luttes sociales. L’encastrement dans l’immobilisme révèle le conservatisme de sa ligne politique (évitement de toute initiative politique en le justifiant par des conditions encore pas assez «mûres») et le sectarisme de ses méthodes d’action, d’évitement de toute forme d’unité tant dans le mouvement qu’au niveau de la gauche politique. Pour la première fois depuis des années, les divergences au sein de la direction du KKE apparaissent dans le débat public. Entre ceux qui insistent sur la «résilience» du parti et ceux qui commencent à soutenir certaines «ouvertures» dans le but de revendiquer une influence plus large pour le parti.

ANTARSYA, qui avait rejeté pour la deuxième fois (après les élections de 2015) des propositions de coopération politique et électorale avec l’Unité Populaire (LAE), a sombré dans l’échec obtenant seulement 0,41% des voix. A l’intérieur de cette coalition, les tendances centrifuges sont devenues intenses. Il sera difficile de combler la divergence entre ceux qui insistent sur le caractère «frontal» d’ANTARSYA (principalement le Parti socialiste ouvrier – SEK) et ceux qui cherchent une voie vers «un nouveau parti communiste» (principalement le Courant de Nouvelle Gauche – NAR), notamment suite aux conflits et divisions déclarés aux niveaux local et régional.

Unité Populaire (LAE) a subi une défaite écrasante en obtenant seulement 0,28% des voix aux élections nationales, après le 0,6% obtenu aux élections européennes. C’est la fin d’un parcours et d’un projet inaugurés en 2015 par la scission de SYRIZA et le départ de la «plate-forme de gauche». La plus importante composante interne de LAE (le courant de gauche, dirigé par Panagiotis Lafazanis), assaillie par les difficultés politiques de la période 2015-2019, est revenue aux traditions «front-populistes» et à une vision centraliste des problèmes organisationnels et politiques avec la personnalité du chef pour pivot. Une vision héritée des années de sa constitution première à l’intérieur du KKE. Le problème essentiel du «front-populisme» dans la conjoncture actuelle de la Grèce est son approche «amicale» du nationalisme grec intégrée dans une stratégie de lutte supposée pour «l’indépendance nationale». Cette ligne politique a échoué. Elle a été condamnée à la fois par la majorité de celles et ceux qui ont suivi LAE en 2015, et aussi par celles et ceux qui recherchaient une alternative après leur désenchantement par SYRIZA.

Cet échec général crée dans tous les cas des conditions nouvelles. La reconstruction de la gauche radicale aura pour préalable une liaison nouvelle avec les mouvements de résistance sociale, sur les lieux de travail, dans le mouvement antifasciste-antiraciste, le mouvement des femmes, les actions contre l’extractivisme et la menace du changement climatique, ainsi que dans la mobilisation contre la répression, etc. La reconstruction consiste à rassembler des forces autour d’un cadre politique radicalement de gauche, et en même temps rassembleur, concret, incisif… En ce sens, la reconstruction est liée au renforcement d’une vision unitaire de l’action et du fonctionnement. Cette vision semble acquise pour un large secteur de militants. Une tendance qui s’est exprimée par les organisations de gauche radicale qui, il y a quelques semaines, ont rendu publiques leurs intentions, dans un texte commun signé par DEA (Gauche ouvrière internationaliste), ARAN (Reconstruction à gauche), «Confrontation», «Rencontre» [5].

La reconstruction de la gauche radicale en Grèce pourrait prendre du temps et nécessitera des efforts conscients et organisés. Mais il s’agit d’une affaire qui concerne de vraies ressources militantes (plus importantes peut-être que dans divers autres pays d’Europe), un potentiel qui a accumulé une expérience précieuse au cours des dernières années.

C’est cela qui nous permet d’espérer que, dans un avenir proche, nous pourrons de nouveau renvoyer des messages optimistes à nos camarades à l’échelle internationale. (Texte transmis par l’auteur et traduit pour A l’Encontre par Emmanuel Kosadinos)

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[1] C’est un «forum» d’hommes d’affaires, d’hommes politiques et d’invités internationaux, organisé tous les mois de septembre à Thessalonique, sur les développements économiques, politiques et géopolitiques. Ndt

[2] La famille Mitsotakis est l’une des grandes «familles» politiques en Grèce. Konstantinos Mitsotakis, le père du Premier ministre actuel, était membre de l’Union du Centre, qu’il avait quittée en 1965 pour rejoindre les intrigues politiques du roi. Selon le PASOK, cette «trahison» préparait l’imposition de la dictature en 1967. Après 1977, Mitsotakis a rejoint la droite et est devenu le chef de l’aile néolibérale de ND. Kyriakos Mitsotakis était un cadre d’importance moyenne des gouvernements de droite. Il est devenu le chef de ND en 2015, lorsque la victoire de SYRIZA a entraîné l’éviction de l’extrême droite d’Antonis Samaras et de l’aile de «droite populaire» de Kostas Karamanlis. Ndt

[3] Fille de Yorgos Gennimatas, cadre historique du PASOK. Elle est aujourd’hui à la tête d’un petit parti social-démocrate instable, le KINAL – Mouvement pour le changement – qui représente la continuation du PASOK alors qu’il est plus largement perçu comme un parti «de transition». Une grande partie de l’ancienne direction du PASOK est déjà passée à SYRIZA, une minorité d’anciens ministres ayant rejoint la ND. Ndt

[4] Georgios Katrougalos, ancien dirigeant du KKE, était le ministre du Travail de SYRIZA. L’instigateur d’une loi extrêmement néolibérale sur les retraites. Après le tollé général, il est passé vice-ministre des Affaires étrangères. Aujourd’hui il fait partie du cercle des dirigeants autour de Tsipras. Ndt

[5] DEA et ARAN ont agi au sein du LAE. «Confrontation» vient d’ANTARSYA, il s’agit principalement de la branche de jeunesse d’une scission anticapitaliste venant de NAR. «Rencontre» est composée de militants de la gauche radicale qui ont quitté SYRIZA en 2015 et qui n’ont jamais pris part à LAE. Ndt

Source http://alencontre.org/laune/grece-la-crise-la-defaite-de-la-gauche-le-gouvernement-de-droite.html/attachment/hellinikon-post

 

Budget 2020 une ligne anti-sociale

Avec le budget 2020, le gouvernement confirme sa ligne antisociale par Romaric Godin

Ce budget 2020 est la confirmation d’une priorité donnée aux réformes structurelles et à la destruction de l’État social français.

 

Bruno Le Maire, le ministre de l’économie et des finances, n’a cessé, jeudi 26 septembre, lors de la présentation du projet de loi de finances 2020, d’insister sur la « continuité » de l’action économique du gouvernement. Les slogans – « politique de l’offre », « le travail doit payer », « maîtrise des comptes publics » – étaient d’ailleurs les mêmes que lors des trois années précédentes. Il n’était pas là question d’acte II. Face aux journalistes qui lui reprochaient d’avoir abandonné ses ambitions de réductions de déficit, il a répondu qu’il fallait bien faire face au ralentissement économique et à la crise sociale. Mais aussitôt il repartait à l’assaut : « Les gouvernements précédents n’ont jamais autant réduit les dépenses publiques en rapport avec le PIB. » Et de fustiger cette droite qui réclame plus de coupes dans les dépenses et ne le soutient pas lorsqu’il le fait : « Nous sommes seuls lorsque nous coupons dans le logement social »

Et Bruno Le Maire a raison sur ce point. Ce budget 2020 n’a aucune apparence d’un tournant social ou keynésien. C’est un budget profondément néolibéral, à l’image de la politique du gouvernement et des idées d’Emmanuel Macron. Sa logique est simple. En réduisant les impôts progressifs sur la classe moyenne, il tente d’acheter l’adhésion à ses réformes structurelles et à la forte défiscalisation du capital, et en faisant payer cette baisse d’impôt aux budgets sociaux, il affaiblit durablement la solidarité nationale.

À quoi servent les baisses d’impôts ? S’il s’agissait de simplement faire face au « trou d’air » conjoncturel, un autre moyen, plus efficace et plus logique, s’offrait à l’exécutif : celui de profiter des taux d’intérêt bas pour investir massivement, notamment dans la transition écologique. Il aurait pu aussi dynamiser l’activité par un investissement d’un autre type, dans l’éradication de la pauvreté, du mal-logement ou encore dans une vraie et massive action de formation. C’est à cela que sert la politique monétaire de la BCE : abaisser le coût de l’investissement pour relancer la croissance et l’inflation.

Mais Bruno Le Maire ne fait rien de tout cela et il ne lui sert à rien de se cacher derrière l’argument désormais éculé – mais qui lui donne facilement bonne conscience – de « l’Allemagne-doit-investir-parce-qu’elle-seule-le-peut ». Les taux français concernent l’État français et ils sont bas. Et si la zone euro existe, alors la France doit prendre ses responsabilités. Mais en réalité, le gouvernement ne souhaite pas investir parce qu’il mène une autre politique, une autre stratégie : celle qui consiste à déconstruire l’État social français et à garantir une baisse de la fiscalité des entreprises et des plus riches à long terme. Or, pour cela, la baisse de l’impôt sur le revenu est le meilleur choix possible.

Extrait du collectif “Plein le dos”
Extrait du collectif “Plein le dos”

Dans un premier temps, les baisses d’impôts doivent apaiser la colère qui s’est manifestée dans les rues depuis le 17 novembre 2019 et élargir l’adhésion, toujours étroite, à la politique du gouvernement. Mais les baisses d’impôts progressifs, y compris à la « classe moyenne », ont toujours été des moyens de miner les solidarités. L’argent du bien commun est reporté vers la dépense individuelle. En termes économiques, c’est de la dépense, sauf que l’une est le fait de la collectivité et l’autre de l’individu. Ces baisses d’impôts sont le vecteur de l’individualisation de la société.Ce budget 2020 le prouve avec éclat. La recherche d’économies s’est concentrée sur la sphère sociale. Alors que le gouvernement se montrait très prudent sur la fin des niches fiscales pour les entreprises, il gelait quasiment l’ensemble des prestations sociales, réduisait massivement les dépenses d’assurance-chômage, piochait encore dans les APL.

L’objectif du gouvernement, ce sont les « réformes structurelles » qui visent in fine à favoriser le capital sur le travail et à défaire l’État social. Et contrairement à ce que pensent beaucoup d’observateurs, le choix n’est pas de baisser les impôts plutôt que le déficit, le choix est de préserver ces réformes et d’assurer que d’autres soient mises en place plutôt que de réduire le déficit public. Cela a été le choix cohérent de nombreux leaders néolibéraux de Margaret Thatcher à Gerhard Schröder qui ont su qu’il fallait acheter le consentement aux réformes par un déficit plus élevé pour faire passer leurs réformes. Ces dernières assurent ensuite la baisse du déficit par le redimensionnement des dépenses sociales.

L’exécutif n’a abandonné aucune de ces réformes engagées depuis 2017 et surtout par la défiscalisation du capital via la réforme de l’ISF et la « flat tax » sur les revenus du capital. Et ce n’est pas un hasard s’il attend l’été 2020 pour lancer la réforme des retraites : il compte s’appuyer sur l’effet bénéfique des baisses d’impôts. Mais la priorité reste toujours la même : la transformation de l’économie française au détriment de la solidarité nationale. Ce budget n’est donc ni un budget d’attente, ni un budget de pause, ni un budget de changement : c’est un budget offensif qui confirme l’orientation du gouvernement.Un budget qui montre aussi la fébrilité d’un exécutif passant en force, qui sait qu’il est, sur le fond, sans égards par rapport au corps social français. Le « couac » sur la fin de la niche fiscale sur les aides à domicile des personnes âgées montre bien cette crainte que l’incendie allumé le 17 novembre ne reprenne. D’ailleurs, ce budget est aussi celui du « réarmement du régalien », comme le dit si joliment Bercy, celui d’un gouvernement enfermé dans ses certitudes et retranché derrière sa police. Car ces baisses d’impôts constituent un pari : faire accepter à la majorité des Français une marchandisation et une individualisation de la société. Il n’est pas sûr qu’ils acceptent ce troc en forme de marché de dupes.

Source https://www.mediapart.fr/journal/france/270919/avec-le-budget-2020-le-gouvernement-confirme-sa-ligne-antisociale

Un enfant afghan tué par un camion Moria, Lesbos

Grèce : un enfant afghan de 5 ans tué par un camion près du camp de Moria, à Lesbos (infomigrants.net)

En Grèce, un enfant réfugié de 5 ans est mort, mardi 24 septembre, après avoir été renversé par un camion près du camp de migrants de Moria sur l’île de Lesbos. Selon un communiqué de la police grecque, l’enfant, originaire d’Afghanistan, était caché dans un carton près de la route lorsque le véhicule l’a percuté mardi après-midi.

« Nous sommes en deuil suite à la mort d’un enfant de 5 ans à Lesbos. Il jouait sur la route et a été percuté par un camion à l’extérieur de Moria […] Cette tragédie n’aurait jamais dû arriver », a commenté le Haut-Commissariat aux Réfugiés de l’ONU (HCR) sur Twitter.

Le conducteur, qui a déclaré à la police ne pas avoir réalisé qu’un enfant se cachait dans le carton, est détenu par la police grecque.

Cet accident tragique est, pour certains, le résultat malheureusement prévisible d’une situation hors de contrôle à Lesbos. « La semaine dernière, le gouvernement de droite nouvellement élu a fermé le seul endroit où pouvaient jouer les enfants de Moria : une aire de jeu avec des châteaux gonflables et un petit terrain de football, où les enfants étaient en sécurité et pouvaient regarder des films », fulmine Iasonas Apostolopoulos de Médecins sans frontières, sur un post Facebook.

« Cet ‘accident’ est la conséquence de toutes ces politiques menées par les différents gouvernements en Grèce, et par le régime raciste de la forteresse européenne, qui traite les immigrés comme des ennemis », poursuit-il…

Source https://www.infomigrants.net/fr/post/19752/grece-un-enfant-afghan-de-5-ans-tue-par-un-camion-pres-du-camp-de-moria-a-lesbos?fbclid=IwAR1qCnUxnUNp9I2X1xAN3qflvsXGxgsktWzUGhnoGq5PJPqaoF81DdMgPgE

 

Pour la défense d’Exarcheia avec Yannis Youlountas 5e partie

Pour rompre le silence des médias et la désinformation Yannis Youlountas s’exprime depuis Exarcheia à Athènes. Les 5 entretiens seront publiés sur ce site au fur et à mesure de leurs parutions.

Des membres de Radio Libertaire, Le Combat Syndicaliste et Le Monde Libertaire sont venus ensemble voir Yannis Youlountas à Exarcheia, pour regrouper leurs questions dans un seul entretien radio et écrit à paraître bientôt dans leurs médias. Les captations vidéos ci-dessous vous permettent de découvrir quelques extraits de cet entretien.

5e partie : sur le 4eme film en cours de tournage

 

Source http://blogyy.net/2019/09/25/pour-la-defense-dexarcheia-5-5-avec-yannis-youlountas/

Revoir la 3e et 4eme partie https://www.grece-austerite.ovh/pour-la-defense-dexarcheia-avec-y-youlountas-3e-et-4e-partie/

Revoir la 1e et 2eme partie https://www.grece-austerite.ovh/pour-la-defense-dexarcheia/

 

Le procès en appel des solidaires c’est à Grenoble !

Urgence à la mobilisation : 2 et 24 octobre : le procès en appel des solidaires approche ! 

Les 2 et 24 octobre prochains, deux solidaires passeront en appel au tribunal de Grenoble pour délit de solidarité… Ils sont accusés d’aide à l’entrée de personnes en situation irrégulière sur le territoire français alors qu’ils portaient assistance à des personnes en danger qui avaient déjà franchi la frontière. Ces appels font suite à des peines de prison prononcées à leur encontre par le tribunal de Gap (05) en janvier dernier (respectivement 4 et 3 mois de prison avec sursis), au mépris de tous les droits de la défense (dossier non parvenu à l’avocat, refus de visionnement d’une vidéo contredisant la version des policiers…). Bientôt suivra le procès en appel des 3+4 de Briançon.

 Cette répression s’inscrit dans une politique générale de harcèlement tant pour les solidaires que pour les exilés. L’Organisation « Human Rights Watch » vient de publier un rapport à ce sujet, dénonçant ces pratiques d’intimidation : https://www.lemonde.fr/societe/article/2019/09/05/les-militants-pro-migrants-dans-les-hautes-alpes-harceles-par-la-police-selon-hrw_5506616_3224.html

La mobilisation de tous est nécessaire car la justice veut créer une jurisprudence qui pèsera sur tous les solidaires. Il faut absolument que Kévin et Pierre soient acquittés.

Pour soutenir les solidaires et lutter pour un monde fraternel, à l’inverse des politiques migratoires actuelles, RV à 14h devant le tribunal de Grenoble, le 2 et le 24 octobre

Le Comité de Soutien aux 4+3+2

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