Atteintes aux libertés : la proposition de loi relative à la sécurité globale

Quelques articles sur la loi sécurité globale publiés par La Quadrature du net, Reporterre, Ligue des droits de l’homme, Bastamag

Sécurité globale : la police fait la loi Source https://www.laquadrature.net/2020/11/06/securite-globale-la-police-fait-la-loi/

La loi « sécurité globale » a été adoptée hier en commission des lois de l’Assemblée nationale (relire notre première analyse de la loi). Un premier constat s’impose aux personnes qui ont suivi l’examen du texte : une ambiance singulière, lugubre et fuyante. Un silence de plomb rompu seulement par divers éclats de rires du groupe LREM, incongrus et parfaitement indécents compte tenu de la gravité du texte examiné. Certains diront qu’il faut écrire la loi d’une main tremblante. Alors tremblons.

Le RAID dans l’Assemblée

Cette loi illustre la méthode législative propre aux États policiers : la police écrit elle-même les règles qui définissent ses pouvoirs.

D’abord, littéralement, l’auteur principal du texte, Jean‑Michel Fauvergue (LREM), est l’ancien chef du RAID, de 2013 à 2017. Il est l’un des deux rapporteurs du texte. À travers lui et, depuis son pupitre en commission des lois, la police a pu imposer son autorité.

Quand la députée Danièle Obono (LFI) s’inquiète pour nos libertés fondamentales, Fauvergue lui reproche de « déverser [son] fiel sur la société française » – car, comprenez-vous, critiquer la police, c’est critiquer « la France ». Voyant Obono insister, il lui intime même : « Allez prendre vos gouttes ! ». Sans doute voit-il le « débat parlementaire »a comme un champ de bataille où il est exclu de négocier avec l’ennemi, tout en se permettant de reprocher à Obono de « voir la société de façon binaire entre les « gentils » et les « méchants »».

Pensées interdites

Cette négociation impossible s’est aussi traduite dans l’attitude de l’autre rapporteure du texte, Alice Thourot. Chaque fois qu’un amendement proposait de limiter ne serait-ce qu’un tant soit peu les nouveaux pouvoirs de la police, elle restait cloîtrée dans une unique et lancinante réponse, se résumant à : « Cette disposition a été demandée par la police, il faut l’adopter telle quelle ».

Elle n’est sortie de ce mutisme intellectuel que pour demander aux députés d’arrêter d’envisager des hypothèses où la police abuserait de ses nouveaux pouvoirs, car de telles pensées seraient insultantes pour la police. Entre ces « crimepensées » et le slogan choisi par Thourot pour cette loi, « protéger ceux qui nous protègent », 1984 est à l’honneur.

Trois député·es

Ne laissons ici aucun doute : le rôle historique du Parlement et du droit est précisément d’envisager des hypothèses où les institutions abuseraient de leur pouvoir afin d’en limiter les risques. Mais il n’y avait plus hier qu’une poignée de députés pour s’en souvenir. Saluons-les pour leur étrange baroud d’honneur. Danièle Obono, déjà citée, l’ancien marcheur Paul Molac et le centriste Philippe Latombe qui, devant les barrières dressées par la police au sein même de l’Assemblée nationale, a fait tomber les masques, rempli d’amertume, avouant que « les députés ne servent à rien ». Et en effet, ils n’auront servi à rien.

Alors que le sujet de cette loi, dont le processus d’adoption est – rappelons le – d’une rapidité exceptionnelle, touche à nos libertés publiques et nécessiterait une discussion solennelle et sérieuse de la part des parlementaires, nous avons à l’inverse pu observer une absence criante de la mesure de la gravité des enjeux, chaque augmentation de pouvoir de la police étant votée comme une simple formalité administrative.

La police autonome

Ce débat, tant sur sa forme que sur son fond, aura démontré que la police est une institution politique autonome, avec son agenda et ses idéologies propres qu’elle entend défendre elle-même. Les discussions sur l’article 21 sur les « caméras-piétons » l’ont parfaitement illustré.

Les députés de droite ont martelé qu’il fallait que cet article 21 permette aux policiers de publier les vidéos prises par leur caméra portative afin de « rétablir la vérité », ou plus exactement d’établir « leur vérité » dans la « guerre des images », et de justifier les violences policières filmées par les journalistes et la population. La police n’est donc plus uniquement chargée de protéger la population contre les infractions. Elle est aussi destinée à faire de la communication politique au même titre qu’un parti politique ou qu’un journal militant – les armes et les hélicoptères en plus.

Un chien-fou en liberté

Le gouvernement et sa majorité parlementaire ont toujours dû laisser à la police certaines libertés en contrepartie de la protection armée offerte contre les débordements populaires. Mais ce rapport de force semble largement déraper. Sur la forme, on pourrait se demander ce qu’il reste de l’indépendance du pouvoir législatif, soumis de fait à la police et à ses lobbyistes élus.

Sur le fond du texte aussi, le rapport de force semble basculer brutalement en faveur de la police. L’article 24 de la loi, qui conduira en pratique à empêcher la population et les journalistes de filmer et de diffuser les images de violences policières, fera disparaître un contre-pouvoir fondamental dans l’équilibre des institutions. Car la documentation des abus policier dans les médias, par la presse et la population, permettait de les contenir un minimum, ce qui arrangeait bien les autres pouvoirs. Si le contre-pouvoir de la presse devait sauter, plus grand-chose n’empêcherait la police de verser dans l’arbitraire le plus total.

Les amendements de la police

Hier, l’agenda a bel et bien été dicté par la police. Les seuls amendements sérieux à avoir été adoptés sont ceux qui accroissent les pouvoirs de la police.

Sur les articles qui nous intéressent, un premier amendement « vise à étendre aux polices municipales les avancées permises par le présent article en matière de caméras individuelles » (notamment la transmission en temps réel au centre de commandement, où les images pourront être analysées automatiquement). Un deuxième ensemble d’amendements allonge la liste des finalités permettant la surveillance par drones (lutte contre les rodéos urbains et les petits dealers notamment).

Enfin, la seule modification apportée à l’article 24 sur la diffusion d’images policières sonne comme une provocation : l’article 24, qui interdit toujours la diffusion du visage et d’autres éléments d’identification des policiers, permet désormais de diffuser des images illustrant leur matricule – ce fameux RIO dont l’absence est justement si souvent déplorée… Réagissant aux vives oppositions, notamment celle de la défenseure des droits, contre l’atteinte à la liberté d’informer constituée par cet article, l’ancien chef du RAID a été définitif : « nous voulons que les agents ne soient plus identifiables du grand public ».

La suite

Le texte sera examiné par l’ensemble des députés à partir du 17 novembre. Vous pouvez appeler ou écrire aux élus d’ici là via l’outil ci-dessous.

Nos espoirs principaux seront peut-être à placer dans le Sénat et le Conseil constitutionnel, qui ont une place singulière dans les rapports de force entre les institutions et sont récemment parvenus à réduire à néant les initiatives du gouvernement, notamment en s’opposant à la loi Avia.


La proposition de loi relative à la sécurité globale durcie en commission Source https://reporterre.net/La-proposition-de-loi-relative-a-la-securite-globale-durcie-en-commission

Les députés de la Commission des lois ont terminé, jeudi 5 novembre, l’examen de la proposition de loi relative à la sécurité globale. Ce texte, considéré comme liberticide par de nombreux défenseurs des droits et comme risquant d’introduire une nouvelle limitation à la liberté de la presse, a été quelque peu amendé par les députés.

L’article 24 est l’un de ceux suscitant le plus d’opposition. Il prévoit que les images d’agents des forces de l’ordre ne pourront être diffusées, si l’intention est de porter atteinte à l’« intégrité physique ou psychique » des agents. Il est vu comme une façon d’invisibiliser les violences policières. Avocats et journalistes ont dénoncé le risque de « procès baillons » car cet article pourrait notamment permettre de renvoyer très facilement devant la justice des journalistes ou avocats diffusant des vidéos de violences policières. Libre ensuite à la justice de déterminer s’il y avait intention de nuire.

Les amendements de suppression de cet article ont été balayés d’un revers de main par la majorité. Seule modification, il a été précisé que le numéro d’identification des agents (numéro RIO), pourra lui être visible. Cependant, il n’est pas rare que les agents des forces de l’ordre ne le portent pas.

Par ailleurs, voici les autres modifications du texte que Reporterre a relevé :

  • Pour l’article 21, qui concerne les images prises par les « caméras piétons » (petites caméras individuelles portées par les agents des forces de l’ordre) : leur diffusion était autorisée largement dans le but de l’information du public, une limitation « protection de la vie privée des individus filmés » a été introduite.

Toujours pour cet article, l’accès des forces de l’ordre aux images qu’ils ont filmées (accès interdit actuellement) est encadré : ils ne pourront les consulter que dans le cadre d’une intervention ou d’une procédure judiciaire.

En revanche, l’accès aux images est étendu aux agents des polices municipales.

  • Pour l’article 22, qui autorise l’utilisation de drones et de leurs images — dans un précédent article de Reporterre, Amnesty International y voyait la possibilité d’instaurer une « surveillance de masse » — la liste de cas où cela est possible est encore étendue par trois amendements :
    • l’un ajoute les lieux « particulièrement exposés à des risques de troubles à l’ordre public, qu’il s’agisse d’agressions, de vol ou de criminalité organisée ».
    • Un deuxième y inclut les besoins de la défense nationale et les lieux dits « d’importance vitale ».
    • Un dernier inclut la surveillance des rodéos motorisés.
  • L’article 23 limite les remises de peine pour les personnes ayant commis des actes de violence sur les policiers, gendarmes, sapeurs-pompiers, etc. Les agents pénitentiaires, agents de police municipale et agents des douanes sont ajoutés à la liste, toujours dans l’objectif de mieux les « protéger », expliquent les rapporteurs de la loi.
  • En fin de texte, des articles ont été ajoutés afin d’étendre encore l’accès des forces de l’ordre à différentes images : ici, celles des caméras de vidéosurveillance des réseaux de transport et des gares. Ces vidéos étaient auparavant transmises en cas de « circonstances faisant redouter la commission imminente d’une atteinte grave aux biens ou aux personne ». Cette limite est levée.

Ce texte doit maintenant être examiné par l’ensemble des députés à partir du 17 novembre prochain.

  • Source : Marie Astier pour Reporterre
  • Photo : Contrôle de police avec l’aide des soldats de l’opération Sentinelle le 18 mars 2020 sur la Promenade des Anglais, à Nice (Alpes-Maritimes). © Valéry Hache/AFP

L’obsession sécuritaire  https://www.ldh-france.org/lobsession-securitaire/
Une fois de plus, le Parlement examine une proposition de loi présentée par des députés de la majorité gouvernementale « relative à la sécurité globale » qui s’inscrit dans le sillage sécuritaire des abondantes réformes des dernières années et des recours successifs à l’état d’urgence. Alors que cette proposition de loi porte lourdement atteinte à des libertés et droits fondamentaux, elle est l’objet d’une procédure accélérée qui évince, de fait, le rôle législatif des parlementaires.Ce texte prévoit d’étendre aux polices municipales, sous le seul contrôle des maires, des compétences de la police nationale sur des missions de police judiciaire pour la constatation d’un nombre accru de contraventions (notamment au Code de la route, avec possibilité de demande de mise à la fourrière) et même de délits. Ils pourront aussi procéder à des contrôles d’identité et à des saisies au risque d’amplifier les abus et détournements déjà dénoncés.De plus, il organise une privatisation de la police en contradiction flagrante avec les normes constitutionnelles en déléguant aux agents privés de sécurité des pouvoirs réservés à la police judiciaire comme la verbalisation d’infractions et le relevé d’identité pouvant conduire à la rétention de la personne contrôlée.Allant encore plus loin dans la surenchère sécuritaire, la proposition de loi prévoit d’instaurer une surveillance généralisée de l’espace public, en autorisant l’Etat à utiliser des drones avec caméras, visant explicitement le contrôle de tous les manifestants.

Alors que depuis 2016 les images des « caméras mobiles » portées par les policiers étaient uniquement utilisées a posteriori pour éclairer des faits contestés, l’article 21 de la loi « sécurité globale » permettrait leur utilisation immédiate et une analyse automatisée pour reconnaître en temps réel l’identité de tous les manifestants (reconnaissance faciale) avec le risque d’arbitraire par des gardes à vue préventives ou l’empêchement de se joindre au cortège au mépris de la liberté de manifestation.

Enfin, le texte prévoit la pénalisation de la diffusion d’images de policiers ou de gendarmes agissant dans le cadre de leurs missions d’ordre public, portant atteinte à la nécessaire transparence de ces opérations. Une telle mesure, si elle était adoptée, avec des sanctions très lourdes (1 an d’emprisonnement et 45 000 € d’amende) empêcherait tout contrôle citoyen, voire le travail des journalistes, en favorisant l’impunité d’auteurs de violences policières.

La Ligue des droits de l’Homme (LDH) appelle les parlementaires à rejeter cette proposition de loi liberticide et de fuite en avant sécuritaire qui menace gravement les principes fondamentaux de notre démocratie et l’Etat de droit.

Paris, le 5 novembre 2020

Télécharger le communiqué en format PDF CP-LDH-Lobsession-sécuritaire


Forte mobilisation contre le projet de loi réprimant la diffusion d’images de violences policières https://www.bastamag.net/Mobilisation-massive-proposition-loi-Fauvergue-Securite-globale-repression-diffusion-images-violences-policieres-petition-droit-d-informer

L’article 24 de la proposition de loi « relative à la sécurité globale » sanctionne d’un an de prison et de 45 000 euros d’amende la diffusion d’images relative aux pratiques policières. Face à cette mesure considérée comme « une atteinte inédite au droit d’informer », plusieurs dizaines de milliers de personnes ont d’ores et déjà signé une pétition.

Le 17 novembre, l’Assemblée nationale doit étudier la proposition de loi dite de « Sécurité globale » (#PPLSecuriteGlobale). Ce texte, montagne de mesures liberticides, précise notamment dans son article 24 vouloir réprimer de 45 000 euros d’amende et un an de prison le fait « de diffuser, dans le but qu’il soit porté atteinte à son intégrité physique ou psychique, l’image du visage ou tout autre élément d’identification d’un fonctionnaire de la police nationale ou d’un militaire de la gendarmerie nationale lorsqu’il agit dans le cadre d’une opération de police ».

Face à cette loi considérée comme « une atteinte inédite au droit d’informer », « une loi liberticide comme jamais » et permettant la « mise au pas du contrôle citoyen des pratiques policières », des dizaines de milliers de personnes ont d’ores et déjà signé une pétition. « Aujourd’hui et comme depuis trop longtemps, nos seuls moyens de médiatisation de ces affaires sont les réseaux sociaux. Nous ne voulons pas harceler les policiers, nous voulons diffuser certaines de leurs violences. Nous devons informer, car sans information, c’est l’impunité qui est une fois de plus renforcée. (…) Ne les laissons pas faire barrière à nos libertés fondamentales » écrivent les signataires.

Lire notre analyse : Entrave à la liberté de la presse et surveillance de masse : la nouvelle loi macroniste de « sécurité globale »

Ces images, « ce sont la voix de nos défunts. Ne la réduisons pas au silence, n’étouffons pas encore la vérité »

Le journaliste David Dufresne, auteur du recensement Allô Place Beauvau, a recueilli plusieurs témoignages dont celui de Sofia, fille de Cédric Chouviat, décédé à 42 ans lors de son arrestation à Paris par la police le 3 janvier 2020, témoigne. « Avec l’aide de vidéos, nous avons pu contredire les mensonges de policiers », souligne t-elle. « Sur ces images, mon père est victime de violences policières. Le droit de diffusion nous a permis de révéler au grand jour la vérité. C’est pour cela que ces images, ces appels à témoins, ces vidéos sont notre seul moyen de défense. Ce sont la voix de nos défunts. Ne la réduisons pas au silence et n’étouffons pas encore la vérité. »

La militante Geneviève Legay, également victime de violences policières le 23 mars 2019 à Nice, témoigne : « Si des avocats, des journalistes, ma famille ou moi-même, diffusons ces vidéos, nous pourrions être jugés devant un tribunal correctionnel et risquer cinq ans d’emprisonnement. Protégeons nos libertés ainsi que celle de la presse. » Une vision partagée par Mathieu Molard, rédacteur en chef du média indépendant StreetPress. « Avec ce texte, plus de live manifs, plus ou pas de vidéos amateurs sur le web. Ces vidéos sont la base de très nombreuses investigations. Sans elles, pas d’enquêtes sur les gilets jaunes mutilés, pas d’affaire Benalla. Nous se saurions sans doute rien de la mort de Cédric Chouviat. »

 Toutes les vidéos Non à la #PPLSecuriteGlobale sont à retrouver ici

Même la Défenseure des Droits, Claire Hédon, se dit particulièrement préoccupée par les restrictions envisagées concernant la diffusion d’images des agents des forces de sécurité dans l’exercice de leur fonction. Dans un avis publié le 5 novembre, elle demande à ce que ne soient, à l’occasion de ce texte, entravés ni la liberté de la presse, ni le droit à l’information. Elle considère que l’information du public et la publication d’images relatives aux interventions de police sont légitimes et nécessaires au fonctionnement démocratique, comme à l’exercice de ses propres missions de contrôle du comportement des forces de sécurité. Pour contourner les dispositions prévues par cette proposition de loi si elles venaient à être votées, un collectif belge propose leur diffusion avec les hashtag #CettePhotoNexisteraPlus #LiberteDinformerEnDanger.

Photo de une : Manifestation du personnel soignant et pompiers le 15 octobre 2019. © Yann Levy

Une grève générale en prévision

Grèce : le syndicat PAME prépare une grande grève générale contre le passage à 60h de travail par semaine et la restriction des droits ouvriers et syndicaux

« L’appel à la grève générale est la priorité absolue de chaque syndicat. Nous préparons une réponse massive et militante avec une grève générale partout, dans les usines, les hôtels, les chantiers de construction, les magasins » : en Grèce, le syndicat PAME est vent debout contre une série de mesures autoritaires et pro-patronales.

Le gouvernement grec veut en effet passer la durée légale de travail hebdomadaire à 60h par semaine, en augmentant la durée légale quotidienne de travail de 8 à 10h. Ces 2h supplémentaires de travail sont sans contreparties salariales. De plus, le gouvernement souhaite, via la loi, interdire les piquets de grève et fortement restreindre le droit de se syndiquer.

Également, si cette loi passe, le droit de négociation collective ne sera reconnu qu’aux syndicats qui auront soumis leur registre numérique, les noms de leurs membres, à l’État et aux patrons. Autrement dit, le gouvernement veut que les organisations ouvrières livrent les noms de leurs syndiqués à l’Etat et au patronat.

Au cours d’un premier rassemblement organisé la semaine dernière, le PAME, affilié à la Fédération Syndicale Mondiale avait déjà dénoncé « un recul en arrière de 100 ans ». Pour le syndicat grec, « Ils veulent interdire les syndicats et les grèves des travailleurs. La pandémie se transforme en une formidable opportunité pour le gouvernement et les patrons. ».

Partout, des voix s’élèvent en Grèce, mais aussi en Espagne et en Italie pour exprimer le ras-le-bol général. Construisons, en France, une mobilisation pour redonner confiance aux classes populaires en créant le rapport de force qui permettra une alternative politique et économique en faveur des intérêts de ceux et celles qui produisent les richesses dans ce pays !

Source https://www.facebook.com/La-Gr%C3%A8ce-en-r%C3%A9sistance-485903964798525/?hc_location=ufi

SOS MEDITERRANEE Regards sur la Méditerranée centrale

Traversées mortelles, la liste des naufrages en Méditerranée centrale s’allonge sans que les sauveteurs puissent intervenir

Les naufrages se succèdent. En cet automne, la terrifiante liste des morts et des disparus en Méditerranée, dans l’Atlantique et dans la Manche s’allonge, avec la mort confirmée de 4 personnes dont 2 enfants cette semaine.  

Cette publication de SOS MEDITERRANEE a pour but de faire le point sur les évènements qui se sont déroulés en Méditerranée centrale au cours des deux dernières semaines. Il ne s’agit pas de livrer une revue exhaustive des faits, mais plutôt de fournir des informations sur l’actualité de la recherche et du sauvetage dans la zone où nous opérons depuis 2016, sur la base de rapports publiés par différentes ONG et organisations internationales ainsi que par la presse internationale.

Semaine meurtrière en Méditerranée centrale : près de 40 personnes présumées mortes suite à 4 incidents différents au large de la Libye et de l’Italie

Les annonces tragiques de naufrages successifs ne font plus la une des journaux. Pourtant, ces deux dernières semaines, au moins 36 personnes sont disparues lors de 4 naufrages au large de la Libye et de l’Italie, alors que les navires d’ONG de recherche et de sauvetage (SAR) disponibles ne peuvent prendre la mer, la plupart étant empêchés de sauver des vies.

Dimanche 18 octobre, six personnes ont été secourues d’un bateau à la dérive par les garde-côtes italiens, après avoir passé près de dix jours en mer, sans nourriture ni eau. Selon les témoignages livrés par les rescapés aux garde-côtes italiens,  cinq personnes sont décédées au cours de leur tentative désespérée de traversée.  Leur bateau avait quitté l’Algérie en même temps que deux autres embarcations qui sont arrivées en Sardaigne.

La semaine dernière a commencé par l’annonce d’un naufrage au large de la Libye. Un autre était signalé jeudi, suivi d’un troisième dimanche. En une semaine, 31 personnes ont disparu ou sont présumées mortes, parmi lesquelles au moins deux enfants.

  • Lundi 19, l’OIM a fait état d’un naufrage au large des côtes de Sabratha, en Libye. Au moins 15 personnes sont portées disparues, et cinq rescapés ont été ramenés à terre par des pêcheurs.
  • Jeudi 22, un bateau a chaviré au large de Lampedusa, en Italie. Quinze survivants ont été secourus par des pêcheurs et ramenés à terre. Cinq personnes sont toujours portées disparues.
  • Dimanche 25 octobre, Safa Msehli, porte-parole de l’OIM, a annoncé qu’au minimum onze personnes s’étaient noyées après le naufrage de leur bateau, selon le témoignage de dix rescapés, secourus par des pêcheurs et la sécurité côtière.

Les départs se sont poursuivis au cours de ces deux dernières semaines en Méditerranée centrale – démontrant, une fois de plus, l’absence de corrélation entre la présence de bateaux d’ONG et le nombre de personnes tentant la traversée. Entre le 12 et le 25 octobre, selon l’UNHCR, près de 1 000 personnes sont arrivées en Italie par la mer. Pour la seule journée du 20 octobre, sept bateaux transportant un total de 253 personnes ont accosté à Lampedusa. 116 personnes ont été interceptées par les garde-côtes libyens et ramenées en Libye, comme le rapportent les Actualités Maritimes de l’OIM Libye.

A ce jour, au moins 506 personnes ont trouvé la mort cette année en Méditerranée centrale. Dans un  communiqué de presse daté du 23 octobre, l’Organisation Internationale des Migrations (OIM) exprime ses craintes que « en raison du manque de structures dédiées à la recherche et au sauvetage et d’opérations de surveillance, le nombre de décès ne soit beaucoup plus élevé, et que ‘des naufrages invisibles’ continuent à se produire à l’abri des regards de la communauté internationale ».

Autre question importante soulevée par l’OIM, la situation qui se détériore en Libye pour les citoyens Libyens eux-mêmes : « plus de 430 Libyens ont tenté la traversée vers l’Italie cette année, contre 240 au cours de la même période l’an dernier ».

Le point sur les équipements des ONG SAR : un septième navire bloqué par l’administration ; le Moonbird de nouveau autorisé à voler

Le Louise Michel, bateau de sauvetage financé par l’artiste de rue Banksy, a annoncé le 22 octobre qu’il était dans l’incapacité de prendre la mer, en raison d’un blocage administratif. C’est le septième navire d’ONG SAR empêché de sauver des vies ou bloqué en Méditerranée centrale depuis le 5 mai (voir les deux dernières éditions de nos « Regards sur la Méditerranée centrale »).

Après presque deux mois d’immobilisation, le Moonbird, l’un des avions de reconnaissance de Sea Watch, a été autorisé à voler de nouveau. Le 23 octobre, Sea Watch et son partenaire médical Médecins Sans Frontières (MSF) ont annoncé qu’ils avaient saisi la justice concernant la rétention de leur navire , le Sea Watch 4, et  formé un  recours  auprès du tribunal administratif de Palerme.

En Libye 

A Genève, vendredi 23 octobre, les deux parties du conflit libyen ont signé un accord permanent de cessez-le-feu dans tout le pays. En tant que représentante spéciale du  secrétaire  général de l’ONU en Libye,  Stéphanie Williams  a exhorté toutes les parties concernées à se mettre le plus rapidement possible au travail pour appliquer les engagements de l’accord, afin d’alléger les souffrances de la population libyenne.

Mi-octobre, le commandant principal des garde-côtes libyens, connu sous le nom de Bija, a été arrêté pour trafic d’êtres humains par le gouvernement libyen soutenu par l’ONU. Selon  un rapport de sécurité des Nations Unies publié en juin 2017, Bija était un facilitateur pour la traite d’êtres humains et faisait partie d’un réseau criminel opérant à Zawiyah, en Libye.

Citant des sources proches de l’OIM et de l’UNHCR, l’ANSA indique que près de 3 200 personnes sont détenues   dans onze centres de détention administrés par la Direction de lutte contre la migration illégale (DCIM) en Libye.

Gros plan sur la crise humanitaire touchant l’océan Atlantique : l’un des axes maritimes migratoires les plus meurtriers et de plus en plus fréquentés

Ces deux dernières semaines, la route périlleuse de l’océan Atlantique entre l’Afrique de l’Ouest et les îles Canaries a elle aussi connu des naufrages tragiques et des décès. Vendredi 23 octobre, un nombre indéterminé de personnes venant du Sénégal sont mortes dans le naufrage de leur bateau, dont le moteur a explosé au large de la ville sénégalaise de Mbour.  Selon le témoignage des rescapés, près de 200 personnes se trouvaient à bord. 51 ont été secourues par l’armée sénégalaise, et un nombre indéterminé sauvées par des pêcheurs.

En une seule semaine, du 14 au 21 octobre, plus de 2 600 personnes sont arrivées aux Canaries en bateau, soit autant que toute l’année 2019. L’axe migratoire de l’océan Atlantique est considéré comme l’un des plus meurtriers : une personne sur deux trouve la mort avant d’atteindre les iles espagnoles des Canaries, selon l’OIM citée dans cet article de RFI.

Hara Kaminara / SOS MEDITERRANEE

Source https://www.sosmediterranee.fr/journal-de-bord/regards-sur-la-mediterranee-centrale-28-octobre

Lesbos : Une crise de santé mentale sous la surface

Par Marion MacGregor

La crise de santé mentale des demandeurs d’asile de l’ancien camp de Moria, sur l’île grecque de Lesbos, s’aggrave. Dans la nouvelle tente « Kara Tepe », de plus en plus de jeunes enfants reçoivent un traitement psychiatrique, y compris des médicaments, pour faire face à un traumatisme permanent.

Avant de brûler, le camp de Moria sur l’île grecque de Lesbos était décrit comme « l’enfer sur terre ». Les conditions terribles et la surpopulation du camp de migrants avaient entraîné des incidents quotidiens de violence, d’abus et de tentatives de suicide, même chez les enfants.

Selon le Comité international de secours (IRC), qui fournit un soutien en matière de santé mentale aux réfugiés de Lesbos, entre décembre 2019 et août 2020, plus de 40 % des migrants qu’ils ont conseillés à Moria avaient des pensées suicidaires et un quart avaient même tenté de se suicider.

Dans la nuit du 8 septembre 2020, le camp a été détruit. Pour des milliers de demandeurs d’asile, l’incendie a été une expérience traumatisante, mais il leur a permis d’espérer qu’ils n’auraient plus jamais à souffrir dans de telles conditions.

Cependant, le pire était à venir. Dans les jours qui ont suivi la catastrophe, ils ont dormi dans les rues et ont dû faire face à la violence et à l’intimidation des groupes anti-migrants ainsi que de la police grecque, avant d’être transférés dans un nouveau camp de tentes sans douches, sans zones isolées du froid et, en fait, soumis à de graves inondations.

La santé mentale se détériore

Selon Martha Roussou, chargée de mission auprès du CRI, la quasi-totalité des migrants qui assistent aux consultations sur Lesbos disent que leurs problèmes de santé mentale sont dus à de mauvaises conditions de vie et à de longs délais d’attente pour que leur demande d’asile soit entendue. Pour ceux qui se trouvent dans le nouveau camp, ces problèmes qui avaient atteint des proportions de crise à Moria n’ont pas disparu, au contraire, ils se sont aggravés avec la perte d’espoir.

Greg Kavarnos, psychologue de l’organisation caritative Médecins sans frontières (MSF) qui travaille avec les demandeurs d’asile à Lesbos, explique que les conditions de vie dans le camp de Kara Tepe sont telles que toute personne en bonne santé mentale deviendrait anxieuse et déprimée. L’effet est catastrophique pour ceux qui demandent son aide, qui sont déjà profondément traumatisés.

« J’ai eu des patients qui étaient incapables de parler quand on les a amenés chez moi. Ou bien ils étaient si malades mentalement qu’ils ne pouvaient même pas aller aux toilettes tout seuls », dit Kavarnos.

Pour ceux qui ont été incarcérés dans le passé, l’expérience d’être dans le camp, qui est lourdement surveillé et entouré de barbelés, peut également déclencher des souvenirs d’expériences traumatisantes, ajoute-t-il.

Certains ressentent également une désillusion et une perte d’espoir parce qu’ils n’ont pas atteint un endroit sûr, selon Kavarnos. « Imaginez ce que ce serait si vous étiez dans une région contrôlée par les Talibans en Afghanistan, ou si vous étiez prisonnier politique en République démocratique du Congo, ou encore victime du régime en Syrie, et que vous échappiez à ce danger en vous attendant à venir dans un endroit sûr et à être traité comme un être humain. Imaginez qu’au lieu de cela, vous soyez traité comme un animal ».

Effets à long terme sur les enfants

Dans les semaines qui ont suivi l’incendie de Moria, la quasi-totalité des mineurs non accompagnés – des enfants voyageant sans parent ni tuteur – ont été transférés hors de l’île. Mais de nombreux enfants ont également été laissés à Lesbos, ainsi que sur les autres îles

Et selon M. Kavarnos, ces enfants restants sont parmi ceux qui risquent le plus de souffrir d’effets à long terme sur leur santé mentale.

« Même si les enfants sont résistants et peuvent rebondir, ils sont à un stade où ils développent leur caractère et leur personnalité », dit-il. « S’ils doivent vivre des expériences traumatisantes à cet âge, celles-ci façonneront leur personnalité ou leur caractère à l’avenir, ce qui entraînera des problèmes à long terme ».

« Nous créons une génération d’enfants qui vont dépendre de médicaments psychiatriques pour le reste de leur vie. »

Les enfants du camp ressentent de plus en plus un sentiment de résignation. En voyant leurs parents piégés et incapables de prendre des décisions ou d’agir, ils deviennent désespérés, selon M. Kavarnos.

« Si à huit ans, un enfant s’est déjà résigné, qu’est-ce que cela signifie quand cet enfant a 12 ou 16 ans ? Si à 8 ou 10 ans un enfant doit prendre des médicaments psychiatriques pour que les symptômes soient tenus à distance, qu’est-ce que cela va signifier plus tard ?

Dans la nouvelle installation de Lesbos, Nour, 17 ans, originaire de Syrie, nous raconte que lorsque le camp de Moria est parti en flammes en septembre, elle avait demandé à sa mère de la laisser mourir sur place.

Comme un nombre croissant d’enfants et de jeunes dans les camps de migrants, Nour prend des antidépresseurs.

« En général, si un problème psychiatrique survient à la suite d’un traumatisme, si vous ne réussissez pas à le gérer, le problème psychiatrique devient alors chronique », explique M. Kavarnos.

« Alors, que faisons-nous ? Nous créons une génération d’enfants qui vont dépendre de médicaments psychiatriques pour le reste de leur vie ».

Nous avons tous des problèmes mentaux à cause de Lesbos ».

Karima, originaire d’Afghanistan, est également sous antidépresseurs et a des troubles du sommeil. La plupart de sa famille, y compris ses petites-filles de deux et trois ans, se trouvaient dans un bateau en provenance de Turquie qui a coulé dans la mer Égée. Elles ont été secourues et amenées à Lesbos. Pendant environ deux ans, ils ont vécu dans le camp de Moria.

Le fils de Karima ; Rahullah nous raconte : « C’était une très mauvaise situation. … Les gens mouraient, ils buvaient, ils s’entretuaient. On ne dormait pas. Alors maintenant nous avons des problèmes mentaux, tous, juste à cause de Lesbos. »

La sœur de Rahullah, F., la mère des deux petites filles, est devenue si malade qu’elle s’est coupée, dit un autre de ses frères, un diplômé en droit qui parle doucement. Le mari de F. a été assassiné en Afghanistan.

Un autre jeune demandeur d’asile dans le camp, Ahmad*, a 25 ans. Il a voyagé seul d’Afghanistan en Grèce. Il dit qu’il a tenté de se suicider deux fois, et que sans ses amis, il serait allé jusqu’au bout et aurait réussi à se suicider.

L’éloignement, la seule solution

Selon Martha Roussou, de l’IRC, l’organisation essaie d’aider les migrants en leur fournissant des conseils et des médicaments, mais si certaines personnes s’améliorent, « la seule solution durable est de les retirer de l’espace traumatique dans lequel elles vivent ».

Tant que cela n’est pas fait, poursuit-elle, les migrants ne peuvent pas échapper au traumatisme qu’ils ont déjà vécu, « malgré les efforts des psychologues pour se concentrer sur la positivité et les pensées d’espoir ».

Selon Greg Kavarnos, de MSF, quelle que soit la quantité de médicaments ou de psychothérapie que l’on donne à une personne, « si elle est constamment traumatisée par ses expériences, on a toujours un pas de retard.

« Je ne peux rien faire pour le traumatisme permanent, les menaces de violence, l’incapacité d’accéder à des installations simples », poursuit-il. Je ne peux pas dire à la personne, « c’est bon, les choses vont s’améliorer », parce que je ne sais pas si les choses vont s’améliorer pour elle.

*Ahmad est un nom d’emprunt

Si vous souffrez d’une tension émotionnelle grave ou de pensées suicidaires, n’hésitez pas à demander une aide professionnelle. Vous pouvez trouver des informations sur les endroits où trouver une telle aide, où que vous viviez dans le monde, sur ce site web : https://www.befrienders.org/

En Grèce, une ligne d’aide au suicide est accessible par téléphone à ce numéro : 1018. Vous pouvez également trouver de plus amples informations à l’adresse suivante : http://suicide-help.gr/

Source https://www.infomigrants.net/en/post/28086/lesbos-a-mental-health-crisis-beneath-the-surface

CR réunion collectif du 19 octobre 2020

Réunion du collectif « Citoyens de Grenoble contre l’austérité en Grèce et en Europe »
du 19 octobre 2020

Présents : Georges, Béatrice, Liliane, Christine

Excusé : Max ( avait fait parvenir des propositions écrites)

1 . Le devenir du collectif

En février 2015 l’annonce de la fin des politiques d’austérité avec l’arrivée de Syriza en Grèce représente un espoir pour le peuple grec mais aussi pour tous ceux qui subissent les politique néolibérales de l’Europe.

Conscient de la pression qu’allait subir la Grèce, Attac 38 et le CADTM décident de créer le «  collectif citoyens de Grenoble contre l’austérité en Grèce et en Europe ». ( voir appel lors de la création collectif 2015) .

Plusieurs partis politiques et mouvements associatifs participent au collectif et lors des premières actions notamment les manifestations précédant le référendum du 5 juillet 2015 où le peuple grec dit par 61 % ΟΧΙ ( non) aux mémorandums .

Mais dès la rentrée de septembre 2015 devant la capitulation de Syriza le collectif se retrouve très vite réduit aux membres d’Attac 38 et le CADTM 38 pour l’organisation.

Pendant 5 ans le collectif essaye de mettre en exergue la volonté de l’UE de soumettre ce pays aux diktats de l’Europe libérale. Il continue ses actions en se limitant à informer sur la situation en Grèce et en soutenant des initiatives solidaires depuis la France ou en Grèce mais force est de constater que l’ambition du début qui était de sensibiliser nos concitoyens à l’austérité en Europe avec comme exemple emblématique la Grèce, n’est pas atteint.

Ce 19 octobre 2020 les membres présents prenant acte de la difficulté de maintenir un collectif se posent la question de sa dissolution.

Cependant ils constatent que si la Grèce a été un terrain d’expérimentation pour l’UE en poussant au maximum les politiques libérales avec toutes les conséquences sociales et humaines dramatiques, les privatisations, l’absence de démocratie et le retour à une forme de colonisation il apparaît que la France depuis quelques années a adopté pour partie le même schéma. De plus la situation scandaleuse des réfugiés touche plus particulièrement la Grèce mais la responsabilité en incombe bien à l’UE ( France comprise).

Face à ce constat les membres décident de ne pas dissoudre le collectif et proposent :

  • de maintenir un comité intitulé « Comité Grenoblois Grèce-Austérité-Europe » toujours rattaché pour les aspects juridiques et comptables à Attac 38,

  • de maintenir le site d’information www.grece-austerite.ovh pour donner un éclairage alternatif sur l’actualité en Grèce et en Europe, (site suivi régulièrement par une cinquantaine de personnes sur 160 inscrites et majoritairement extérieures à Attac 38),

  • de soutenir toute forme de solidarité envers le peuple grec et plus particulièrement en organisant une fois par an une commande groupée auprès de la coopérative ouvrière VioMe de Thessalonique qui depuis 2011 résiste à l’expulsion et fabrique des produits ménagers BIO,

  • d’organiser une à deux fois par an des projections débats dès lors que le sujet se rapproche de l’objectif d’information ou d’alerte sur la situation en Grèce et en Europe.

Cette proposition sera présentée lors de l’AG d’Attac 38 du 24 octobre 2020.

2. Festival des solidarités

La soirée gréco-arménienne (dans le cadre du Festival des solidarités) prévue le 26 novembre 2020, organisée conjointement avec Arménie Échange et Promotion est annulée ( le Centre œcuménique st Marc qui devait l’accueillir ne veut plus louer la salle).

3. Actions 2021

  • Soutien aux VioMe : Ils ont fait parvenir le nouveau catalogue avec des nouveaux produits. Ce qui tend à montrer qu’ils n’envisagent pas de se laisser impressionner par les procédures de vente eux enchères. Il est décidé qu’une commande groupée sera organisée au printemps 2021.

  • Il sera proposé au CA d’Attac 38 de verser une aide de 150€ aux VioMe,

  • Projection du prochain film de Yannis Youlountas «  Nous n’avons pas peur des ruines » dès qu’il sortira en salle mais aussi de tout autre film qui permet de parler de la Grèce.

4. Panneaux et livres du CADTM Grenoble

Le comité accepte la proposition du CADTM Grenoble de lui donner les panneaux et les livres qu’il détient sur la Grèce.

Prochaine réunion 1e trimestre 2021.

Le système de santé malade du Covid-19 ou du capital (2/2) ?

par

Contretemps publie la deuxième partie de cette analyse approfondie dans laquelle Nicolas Da Silva revient sur la situation du système de santé face à la crise du coronavirus, ainsi que sur les luttes des soignant-e-s pour le défendre (en particulier la lutte historique commencée en 2019). On pourra lire ou relire la première partie de ce texte ici.

Nicolas Da Silva est maître de conférences en économie à l’Université Paris 13

Seconde partie : Les échecs du capitalisme sanitaire face à la pandémie

Dans la première partie de ce texte, l’analyse historique du système de santé en France a permis de mettre trois principaux résultats en évidence :

1. La sécurité sociale est une institution politique issue de conflits non institutionnalisés. En ce sens tous les débats techniques sont importants mais sans commune mesure avec la question politique du « qui décide » de la façon dont la société s’organise pour produire de la santé. L’avènement de la sécurité sociale n’a pas été d’abord le fruit de conflits institutionnalisés mais celui d’actions illégales en rupture avec l’ordre établi.

2. L’histoire du système de santé en France depuis 1945/6 peut se lire comme celle de la réappropriation de la sécurité sociale par l’État. L’État social s’oppose à la sécurité sociale et organise les soins en s’appuyant sur le capital. Cela se traduit par la bureaucratisation, la marchandisation et la persistance de fortes inégalités. L’opposition pertinente n’est pas marché versus État mais sécurité sociale versus capitalisme sanitaire, entendu comme le couple État/marché.

3. Dès lors on peut s’attendre à ce que toute amélioration substantielle de la situation du système de santé provienne d’une lutte non institutionnalisée contre l’État et le capital (résistance) et/ou d’un évènement majeur imposant à l’État d’activer sa main gauche pour rester hégémonique (comme une guerre qui a permis de développer l’État social).

Dans cette seconde partie, l’objectif est d’analyser la crise sanitaire que l’on vit actuellement à partir de ce cadre théorique. Il faut néanmoins commencer ce travail par un retour en arrière d’un an avant le début de la pandémie, lorsqu’en mars 2019 commence l’un des plus grands mouvements de contestation à l’intérieur de l’hôpital public. Ce texte cherche à souligner trois points importants :

1. Malgré son caractère historique, la lutte entamée 2019 n’a pas imposé à l’État de prendre des mesures significatives d’amélioration du système de santé alors que la pandémie, associée à un état de guerre, l’a contraint à le faire – même si les mesures prises pendant la pandémie demeurent faibles au regard des besoins exprimés. Il est probable que cet échec du mouvement social soit lié à son répertoire d’action, complètement institutionnalisé (grève, manifestation, pétitions, actions symboliques, etc.).

2. La gestion de la pandémie par l’État a été particulièrement mauvaise, que l’on parle des mesures d’anticipation de la pandémie ou de la réaction une fois que celle-ci s’est développée sur le territoire. La médiocrité de la réponse s’explique probablement par la fusion du couple État-capital : d’un côté, les bureaucraties sanitaires ont été incapables de prendre des décisions claires et efficaces, de l’autre côté, le capital n’a jamais été mis à contribution. Alors que l’État aurait pu se servir des outils de l’économie de guerre (nationalisations, réquisitions, etc.), il a préféré la guerre sociale. Cela est d’autant plus dommageable qu’après l’accalmie de la pandémie au cœur de l’été, il semble que l’impréparation reste grande pour le regain de l’automne. Sans parler de l’hiver à venir.

3. La pandémie a eu des effets différenciés en frappant, en plus des professionnels de santé eux-mêmes, les plus pauvres qui sont en réalité les plus exploités dans le mode de production capitaliste. La réponse à la pandémie a donc bien été une réponse de classe puisqu’elle a protégé le capital, jamais mis à contribution, et elle a envoyé en première ligne les personnes les moins en mesure de s’opposer aux injonctions du capital et de l’État.

D’un point de vue méthodologique il faut absolument noter en quoi cette seconde partie de notre article s’oppose à la première. Alors que la première partie s’appuie sur de nombreux articles et livres ayant été discutés dans la communauté scientifique, cette seconde partie s’appuie principalement sur le recueil d’informations parues dans la presse depuis deux ans. La crise a permis de mesurer à quel point, le temps académique ne se recoupe pas avec le temps de l’action politique. Il faudra des années de recherche pour confirmer ou infirmer les hypothèses avancées ici et c’est tout à fait naturel.

Dans la première section, je propose de rappeler les enjeux et les résultats de la lutte historique de 2019 entamée par des paramédicaux dans services d’urgences d’hôpitaux publics. Après plus d’un an de lutte, ils n’ont pas obtenu un euro de plus pour l’hôpital public. Dans la deuxième section, il s’agira de lister les raisons expliquant l’impréparation face à la pandémie alors que des nombreuses institutions nationales et internationales préviennent depuis des années de l’augmentation du niveau de risque. La troisième partie, la plus longue, est consacrée à l’analyse de l’échec massif de l’État et de ses alliés marchands dans la gestion de la pandémie. La section 4 montre en quoi le covid-19, comme d’autres maladies, exacerbe les inégalités et concerne avant tout les plus exploités. Dans la section 5, je propose de montrer en quoi le « plan massif » promis par le président Emmanuel Macron le 25 mars est en réalité introuvable en dépit des annonces, notamment celles du Ségur de la santé. Les problématiques posées par les professionnels mécontents en 2019 n’ont toujours pas de réponse fin 2020. La conclusion proposera quelques pistes pour penser des formes d’action plus susceptibles d’imposer le réinvestissement dans la sécurité sociale, contre le capitalisme sanitaire.

Un an d’une lutte historique, pas un euro de plus pour l’hôpital

La pandémie du covid-19 se déploie en France à un moment de haute conflictualité sociale. Les deux phénomènes doivent être articulés. Si l’on peut se passer d’une analyse détaillée du mouvement des gilets jaunes et de celui contre la réforme des systèmes de retraite, il est nécessaire de se rappeler que la crise sanitaire s’installe presque un an après le début de l’un des plus grands mouvements sociaux qu’ait connu le système de santé, et, plus particulièrement, l’hôpital public.

Les tensions sociales sont nombreuses depuis des années à l’hôpital public. Les coupes budgétaires, les réorganisations, les fermetures de lits, le manque d’effectif, la difficulté à embaucher, la faiblesse des salaires, etc. incitent ceux qui le peuvent à partir dans le privé et accroissent la pression sur ceux qui restent. Cette situation n’est pas homogène entre hôpitaux et entre services, certains souffrent plus que d’autres. Les services des urgences sont parmi les plus touchés par la politique budgétaire restrictive. Tandis que le nombre de passages aux urgences a doublé au cours des vingt dernières années, le nombre de lit a baissé de 67 000 entre 2003 et 2016. L’activité des hôpitaux a cru de 11% mais l’emploi que de 4% (Juven et al., 2019).

Malgré les mobilisations éparses et l’abondance de documentation attestant d’un sous-financement de l’hôpital public, la politique du gouvernement d’Emmanuel Macron reste dans les pas de celles de ses prédécesseurs. Le 5 avril 2018, alors qu’il est en visite au CHU de Rouen, le président de la République répond à une aide-soignante qui l’interpelle sur le manque de moyen pour travailler convenablement : « A la fin c’est vous qui les payez aussi, vous savez. Il n’y a pas d’argent magique. Un pays qui n’a jamais baissé son déficit public et qui va vers les 100% de dette rapportée à son produit intérieur brut… c’est vos enfants qui le payent quand ce n’est pas vous »[1]. Autrement dit, il n’y aura pas, car ce n’est pas nécessaire et c’est dangereux financièrement, d’augmentation significative du budget pour l’hôpital public.

Entre temps le président est rattrapé par le mouvement des gilets jaunes qui débute le 17 novembre 2018. Un des aspects importants de ce mouvement est le sentiment d’abandon de certaines zones du territoire où les services publics viennent à manquer. Les uns après les autres les services d’hôpitaux ferment sans qu’il n’y ait d’alternative viable en ambulatoire. Non seulement, cela accroît la distance spatiale et financière aux soins mais aussi cela peut avoir des conséquences dramatiques d’un point de vue sanitaire. Le cas de la maternité de Die (Drôme) a donné une audience glaçante à cette réalité. Le 18 février 2019, un an après la fermeture de la maternité, une femme perdait son enfant in utero parce qu’elle n’a pas pu rejoindre la maternité de Montélimar à temps[2]. Ce cas n’est pas isolé et la problématique a donné lieu à une importante activité militante, comme par exemple avec la Coordination nationale des comités de défense des hôpitaux et maternités de proximité[3].

Si la tension sociale est forte depuis de nombreuses années à l’hôpital public, ce n’est qu’au début de l’année 2019 que va se produire l’étincelle à l’origine d’une des plus longues luttes de son histoire. Le 13 janvier deux infirmières et une aide-soignante ont été agressées dans le service d’urgence de l’hôpital Saint-Antoine à Paris[4]. Ces évènements ont conduit à la constitution d’un réseau informel de professionnels visant à partager les difficultés rencontrées au travail, la question de l’insécurité étant un aspect parmi d’autres des conditions de travail[5]. Les difficultés s’accumulant, le 18 mars la CGT, FO et Sud appellent à une grève illimitée du personnel travaillant au service d’urgence de Saint-Antoine. Les revendications portent sur l’amélioration des conditions de travail et l’augmentation des salaires. Très rapidement des services d’urgences d’autres hôpitaux rejoignent la lutte et créent, en dehors des syndicats, le collectif inter-urgence[6]. Composé de personnel paramédical, le collectif vise à défendre « l’amélioration des conditions de travail et d’accueil au sein des structures d’urgences. » Le collectif demande l’accroissement des effectifs, notamment par la pérennisation des emplois précaires, mais aussi l’augmentation du point d’indice de 80 points pour tous les paramédicaux, correspondant à 300 € net. L’accent sur le point d’indice (et non des primes) est important du fait des droits associés (en particulier la retraite). Le chiffre 300 € net correspond, pour les infirmiers, à l’augmentation minimum permettant d’attendre la moyenne du salaire infirmier européen.

La première annonce du gouvernement pour éteindre le feu des revendications ne vient pas du ministère de la santé mais des résultats du « Grand Débat » rendus publics le 6 mai 2019. Parmi les mesures destinées à répondre aux gilets jaunes, une d’entre elles porte sur l’hôpital : « Pas de fermeture d’école ou d’hôpital jusqu’à la fin du quinquennat, sans l’accord du maire »[7]. Cette formulation laisse donc ouverte la possibilité de fermer de hôpitaux (avec l’accord du maire), des services d’hôpitaux et des lits (sans l’accord du maire), ce qui a effectivement continué à se dérouler, accroissant par là même les tensions déjà vives chez les professionnels.

Tandis que le nombre de service d’urgence en grève croît régulièrement, les urgentistes doivent attendre le 14 juin 2019 pour obtenir la deuxième annonce du gouvernement. La ministre de la santé Agnès Buzyn lance une « mission nationale de refondation des urgences »[8] dont le budget provisoire s’élève à 70 millions d’euros. Cette somme doit servir en priorité à verser une prime de 100 € net pour les professionnels des services d’urgence (hors médecins), soit 30 000 personnes et 55 millions d’euros. Les 15 millions d’euros restant sont destinés à augmenter les effectifs. La politique de la prime est loin de satisfaire les revendications et le mouvement progresse à l’approche de l’été. Une manifestation nationale a lieu le 16 juin 2019[9], l’inter-urgence annonce 154 services d’urgences en grève le 2 juillet[10], 217 le 21 aout[11].

Lors de la présentation du projet de loi de finance de la sécurité sociale le 10 septembre 2019, la ministre annonce un « Pacte de refondation des urgences » estimé à 600 millions d’euros ainsi qu’une hausse des rémunérations du même montant[12]. Ces chiffres doivent être mis au regard du budget hospitalier : en 2018, la dépense hospitalière représentait 95,5 milliards d’euros (public et privé confondus). Le « Pacte de refondation » représentait donc à peine 1% du budget annuel hospitalier. Le trompe l’œil ne s’arrête pas là. Alors que le ministère communique sur les fonds nouveaux accordés aux urgences, l’ONDAM[13] exige plus d’1 milliard d’euros d’économie à l’hôpital[14]. Pour comprendre le tour de passe-passe, il faut s’arrêter sur le calcul de l’ONDAM. Tous les ans, le prix des biens et services médicaux augmente, ainsi que les salaires (du fait de l’ancienneté). Cela implique que pour le même niveau de production d’une année sur l’autre, il faut un budget en augmentation – liée à l’augmentation tendancielle des composantes du budget[15]. Pour le budget 2020, l’augmentation tendancielle à l’hôpital (pour rester au même niveau d’offre de soin) s’élevait à 3,3% mais l’ONDAM hospitalier voté par le parlement n’atteignait que 2,1%. L’augmentation du budget n’étant pas suffisante pour produire le même niveau de soin, l’hôpital doit rogner sur ses dépenses. Voilà au passage en quoi il n’est absolument pas contradictoire de voir des budgets publics augmenter et, en même temps, de voir les services concernés souffrir de l’austérité budgétaire. Au total, le « Pacte de refondation des urgences » était financé intégralement par des mesures d’économies : rien de plus pour l’hôpital !

Évidemment, les professionnels de santé ne sont plus dupes de ces artifices comptables après tant d’années d’austérité. Ce n’est pas parce que le budget augmente que ça va mieux ! En plus du collectif inter-urgence, d’autres collectifs se sont constitués entre temps : collectif inter-hôpitaux, blouses noires, collectifs inter bloc, etc.

Le collectif inter-hôpitaux[16], créé en septembre 2019, illustre l’élargissement du mouvement social, au-delà des services d’urgences, au-delà des paramédicaux. Ce collectif comprend des représentants des usagers, des paramédicaux, des personnels administratifs, des internes, des médecins titulaires, des étudiants, etc. Dans sa motion constitutive du 10 octobre, il demande une hausse de l’ONDAM d’au moins 4%[17], une hausse des salaires de 300€, la fin des fermetures de lits, l’embauche de personnel et l’intégration des usagers et soignants dans les décisions et projets de soins.

Le 14 novembre 2019 une marrée blanche dans la rue témoigne de la colère des professionnels non seulement face à leur situation mais aussi face à l’inadéquation des réponses du gouvernement[18]. En plus des différents collectifs de lutte, de nombreux syndicats répondent à l’appel : SNPI CFE-CGC, AMUF, APH, CFE CGC, CFDT, CGT, SUD, SN PHARE, UNSA.

Le même jour, soit un et demi après la déclaration sur l’absence d’argent magique, Emmanuel Macron reconnaît lors d’un déplacement à Épernay, que « la situation est encore plus grave que celle que nous avions analysée »[19]. Face à la gravité de la situation le premier ministre Édouard Philippe, accompagné d’Agnès Buzyn, annonce un « Plan d’urgence pour l’hôpital » le 20 novembre 2019[20]. Ce plan s’organise autour de trois mesures phares : une hausse du budget de l’hôpital de 1,5 milliards d’euros, une prime annuelle de 800 € net pour 40 000 infirmiers et aide soignants vivant à Paris et proche banlieue gagnant moins de 1 900 € par mois et, la reprise de 10 milliards de dette hospitalière (sur un total de 30 milliards).

Encore une fois, derrière le poids des mots se cache le choc de la réalité. La hausse de 1,5 milliards est lissée sur 3 ans, dont 300 millions en 2020. Au mieux, ces 300 millions viennent porter l’exigence d’économie présenté dans l’ONDAM de 1 à 0,7 milliards. Toujours rien de plus pour l’hôpital. Concernant l’augmentation des rémunérations, celle-ci est limitée géographiquement, elle est sous forme de prime et non de salaire (point d’indice) et elle est loin de la revendication de 300 € (66 € par mois). Enfin, l’annonce de reprise de la dette hospitalière relève de la stratégie du pompier pyromane : après avoir sous-financé l’hôpital public pendant des années, celui-ci a dû s’endetter pour faire face à ses obligations de soins. La reprise de la dette ne permet aucun investissement nouveau et le fardeau des intérêts de la dette est compensé par une conditionnalité mortifère : seuls les hôpitaux qui acceptent les plans de restructurations seront éligibles à la reprise de la dette[21].

Dans ces conditions, les professionnels de soins ont poursuivi les manifestations pendant l’hiver. Alors que commençait le 5 décembre le mouvement contre la réforme des retraites auquel certains collectifs et syndicats issus du monde de la santé ont participé, le 17 décembre les soignants étaient à nouveau massivement dans la rue[22]. En plus des manifestations et du fait de la difficulté à faire grève étant donné la spécificité de leur activité, les personnels hospitaliers en lutte se sont signalés par de nombreuses formes d’actions symboliques : plusieurs hôpitaux ont lancé un SOS sur la façade de leur établissement en jouant sur l’éclairage des fenêtres, le 7 janvier plus de 1000 médecins hospitaliers dont 600 chefs de services ont démissionné collectivement de leurs responsabilités administratives[23], des jetés de blouses blanches ont été organisé à l’occasion des vœux des différents institutions de santé, comme à l’hôpital Saint-Louis de Paris le 14 janvier pour les vœux du directeur d’hôpital[24], etc.

La détermination des personnels a été renforcée durant l’hiver par les défaillances de l’hôpital incapable de prendre en charge l’épidémie de bronchiolite chez les nouveaux nés[25]. Face à l’afflux de malades et à la pénurie de lits de réanimation pédiatrique, certains enfants d’Ile-de-France ont dû être transférés en province. Dans une tribune publiée par Libération, des parents d’enfants malades se sont indignés de la situation et ont demandé la réouverture de lits[26]. D’autres cas plus ponctuels montraient bien avant la pandémie de covid-19 les effets délétères de la politique d’austérité à l’hôpital public. Le 15 juin un homme est décédé dans le Maine sur le parking d’une clinique privé après ne pas avoir été pris en charge par le service des urgences du CHU d’Angers[27]. Un homme est de 86 ans est décédé à Brest le jeudi 5 décembre après avoir passé six heures sur un brancard[28]. Le 22 décembre 2019 une fillette de 11 ans est décédée à l’hôpital Necker suite à plusieurs passages aux urgences sans que son cas ne soit suffisamment pris au sérieux[29].

Le mouvement social à l’hôpital public s’est poursuivi en début d’année 2020, en se liant de plus en plus avec celui contre les réformes des retraites. Néanmoins, le 14 février, le service d’urgence de Saint-Antoine sort de la grève après 11 mois de combat. Si le protocole d’accord a été signé par la CFDT (favorable à la fin de la grève dès décembre) et par Sud santé, un communiqué du collectif inter-urgence précise que « La sortie de grève est […] davantage liée aux pressions exercées sur des équipes épuisées qu’à la satisfaction des besoins, et s’inscrit plus largement dans la volonté du gouvernement de laisser pourrir le conflit. Stratégie contestable sachant qu’en bout de course ce sont les usagers qui continuent d’en souffrir »[30].

Quinze jours plus tard, le gouvernement recensait le premier décès français du covid-19, un homme de 60 ans enseignant dans un collège de l’Oise[31].

Le mouvement social né en 2019 est historique par son ampleur dans l’histoire du système de santé et de l’hôpital public. Il est important de souligner que ce mouvement est né en dehors des institutions traditionnelles de lutte – les syndicats. Les syndicats ont pu soutenir le mouvement, l’aider à grandir mais c’est par des voies non institutionnalisées qu’il a émergé. Si ce mouvement a montré son originalité par la lutte, notamment en multipliant les actions symboliques, son répertoire d’action est resté dans le strict cadre syndical et légal (manifestation, grève, communication, actions symboliques, etc.). Au total, en dépit d’une expérience rare, il faut constater l’échec du mouvement en termes de capacité à tordre la volonté du gouvernement (voir la synthèse de l’encadré 1). En un an de mobilisation, pas un euro de plus n’a été octroyé à l’hôpital public, sauf à considérer la reprise de la dette conditionnée à des restructurations. Bien sûr le gouvernement a multiplié les déclarations solennelles mais, au final, il y a un grand écart entre les mots et les choses[32].

Encadré 1 : Synthèse des réponses gouvernementale à la crise de l’hôpital public (2019)

Première annonce : Grand débat (6 mai 2019) – aucune fermeture d’hôpital sans l’autorisation du maire. Pas de moratoire sur les fermetures de lits, de service ou d’hôpital.

Deuxième annonce : Mission nationale de refondation des urgences (14 juin 2019) – 70 millions d’euros pour des primes de 100 € mensuels et des recrutements, uniquement pour les services d’urgence.

Troisième annonce : Pacte de refondation des urgences (10 septembre 2019) – 600 millions d’euros, plus 600 millions de hausses de rémunérations. Parallèlement, l’ONDAM prévoit 1 milliards d’euros d’économie pour l’hôpital. Les fonds nouveaux pour les urgences sont autofinancés par des économies ailleurs dans l’hôpital.

Quatrième annonce : Plan d’urgence pour l’hôpital (20 novembre 2019) – 1,5 milliards sur 3 ans (300 millions pour 2020), une prime de 800 euros annuelle pour les paramédicaux de Paris et de proche banlieue gagnant moins de 1 900€, reprise de 10 milliards d’euros de dette sous conditions de restructuration. Cela porte les économies demandées à l’hôpital à 700 millions d’euros.

En un an de mobilisation, toutes les annonces sont autofinancées par les économies demandées à l’hôpital dans le cadre de l’ONDAM. Plutôt que de donner des moyens nouveaux à l’hôpital, les annonces ont opéré un transfert entre postes de dépense. Seule la reprise de la dette aurait pu donner des marges de manœuvre, mais celle-ci est conditionnée à des restructurations. Plutôt que de se restructurer en raison de l’obligation de rembourser la dette, les hôpitaux devront se restructurer sous l’autorité de l’État et de son bras armé, l’ARS.

Une pandémie loin d’être imprévisible

Le ciel nous serait-il tombé sur la tête ?

D’après plusieurs ex-ministres de la santé interrogés le 30 mars 2020 par Le quotidien du médecin, la pandémie du covid-19 était imprévisible et il serait inapproprié de critiquer l’action de l’État et de ses administrations. Selon Roselyne Bachelot, ministre de la santé entre 2007 et 2010, il était impossible de prévoir la catastrophe sanitaire : « Pas plus moi que d’autres n’avaient imaginé qu’on pourrait affronter une crise de cette violence, de cette ampleur. […] Comment voulez-vous anticiper une situation imprévisible ? On regarde ces choses-là déferler sur nous comme une sorte de tsunami. »[33] Même diagnostic pour Claude Evin, ministre de la santé entre 1988 et 1991 : « [Cette crise] est extraordinaire. On n’a jamais connu ce type de situation aussi bien à l’échelle mondiale que dans notre pays. Les crises sanitaires que nous avons connues étaient de moindre ampleur et nécessitaient des mesures moins complexes et moins fortes que celles que prennent les pouvoirs publics aujourd’hui. »[34] Lorsque le journaliste lui demande ce qu’il pense de la doctrine du gouvernement ou bien de la réaction de l’ARS Ile-de-France, qu’il a dirigée entre 2010 et 2015, l’ancien ministre répond qu’on « ne peut jamais se préparer réellement à une situation de ce type. » Marisol Touraine, ministre de la santé entre 2012 et 2017 est plus mesurée. Si elle concède que depuis « le SRAS en 2003, on redoutait un scénario comme celui-ci, et l’on s’y préparait », elle regrette que « certains cherchent à accuser les autres [par exemple sur] la polémique des masques, qui deviennent le symbole de ce que certains auraient fait ou pas fait »[35]. Pour Elisabeth Hubert, éphémère ministre de la santé en 1995, ceux qui prétendent que l’on aurait pu « imaginer une crise d’une telle ampleur […] sont des donneurs de leçons »[36].

Contrairement à ce que la solidarité entre anciens ministres de la santé laisse penser, le premier échec de la politique publique est de ne pas avoir pris les mesures nécessaires permettant de répondre à une pandémie que de nombreuses institutions nationales et internationales attendaient.

Chaque année l’Organisation mondiale de la santé (OMS) publie un rapport sur les risques sanitaires majeurs à venir ainsi que sur l’état de préparation ou d’impréparation des différents pays du monde. Dans le rapport de septembre 2019, l’OMS souligne combien le risque de pandémie mondiale croît chaque année[37]. Entre 2011 et 2018, l’institution a recensé 1 483 évènements épidémiques dans 172 pays (SRAS, MERS, Ebola, Zika, peste, fièvre jaune, etc.) ce qui serait annonciateur d’une nouvelle ère d’épidémies à fort impact (propagation rapide et gestion difficile). L’OMS écrit très clairement dans ce rapport comme dans d’autres que le risque pandémique mondial augmente (p. 15). Or, si les populations vivant dans les pays pauvres souffrent le plus de cette situation, toutes les économies y sont vulnérables. En 2003, le coût du SRAS a été évalué à 40 milliards de dollars (53 milliards pour Ebola entre 2014 et 2016 ; 45 à 55 milliards de dollars pour la grippe H1N1 en 2009). L’OMS rapporte également une étude de la Banque mondiale selon laquelle une épidémie semblable à la grippe espagnole de 1918 coûterait entre 50 et 80 millions de vies et 3 000 milliards de dollars (notamment du fait de l’impact sur le tourisme et le commerce). Malgré ces avertissements les auteurs du rapport estiment que le monde n’est pas prêt à faire face à ce type de pandémie – d’autant moins que la confiance dans les gouvernements, les médias et les scientifiques semble s’éroder.

Ces avertissements n’étant pas neufs, les institutions nationales ont depuis de nombreuses années réfléchi à cette problématique. Pour en rester aux années 2000, plusieurs rapports ont été publiés sur le risque pandémique, tant par des parlementaires que par des services de l’État (comme le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale)[38]. Devant la réalité du risque, ces rapports insistent tous sur la nécessité d’établir une doctrine efficace de protection en attendant que puisse être mis au point des stratégies médicales de soin (vaccins, médicaments). Le port d’un masque très protecteur (type FFP2) est alors plébiscité comme moyen de limiter le développement de la pandémie et il incombe à l’État de disposer à tout moment d’un stock suffisant.

La gestion de la crise H1N1 en 2009 modifie la doctrine. Roselyne Bachelot qui était ministre de la santé à l’époque a commandé massivement des vaccins et des masques pour se préparer à une éventuelle pandémie (pour un coût estimé à 1 milliards d’euros, dont 150 millions pour des masques). La crise sanitaire ayant été finalement assez modérée, elle a fait l’objet de critiques sur le montant dépensé qui ont ensuite justifié une évolution de la doctrine. Après 2009, l’État s’est désengagé de la constitution de stocks des produits de prévention (masques, médicaments, gants, etc.) qui repose désormais en priorité sur les employeurs privés et publics, notamment les hôpitaux qui souffrent parallèlement de contraintes budgétaires fortes et sont susceptibles d’arbitrages défavorables à la prévention.

Notons au passage que s’il a été effectivement reproché à Roselyne Bachelot d’avoir beaucoup, peut-être trop, dépensé à l’occasion de la grippe H1N1 en 2009, l’essentiel de la critique portait sur ses conflits d’intérêts avec l’industrie. La presse a fait état à son sujet d’une activité de lobbyiste pour l’industrie pharmaceutique au moins sur les périodes 1969-1976 et 1984-1989[39]. Selon le sénateur François Autain, médecin généraliste de profession, il aurait rencontré Roselyne Bachelot pour la première fois alors qu’elle travaillait pour Astra Zaneca qui, en 2009, faisait partie des plus importants vendeurs de vaccins contre la grippe H1N1. L’association pour une formation médicale indépendante, a rappelé à cette occasion qu’en 2009 la ministre avait répondu la chose suivante à un sénateur qui exigeait que, conformément à loi, soient publiés les liens d’intérêts des experts qui écrivent des rapports officiels : « C’est sous Staline que l’on dressait des listes »[40]. La question des conflits d’intérêt ne concernait pas que Roselyne Bachelot, c’est le moins que l’on puisse dire. Les frères de Nicolas Sarkozy étaient également très implantés dans le secteur de la santé et de la protection sociale[41]. Guillaume Sarkozy était délégué général du groupe Malakoff Mederic et au conseil d’administration de Korian (groupe privé à but lucratif prenant en charge dépendance). François Sarkozy était lui implanté dans le secteur pharmaceutique (BioAlliance et AEC Partners). Évidemment l’expérience de la grippe H1N1 a constitué un tournant dans l’anticipation des crises sanitaires, mais il n’y a pas de raison pour autant, sans réponses aux questions posées à l’époque, de réhabiliter Roselyne Bachelot[42].

Indépendamment des revirements stratégiques sur le plan national, depuis au moins trois décennies de nombreux chercheurs et journalistes travaillent sur les « virus émergents » et les conditions de leur émergence : changement climatique, urbanisation, condition animale, mais, à la manière des problématiques écologiques, cela n’a pas suffi à ce que les États se préparèrent à faire face[43]. Comme le souligne Alain Badiou, « le vrai nom de l’épidémie en cours devrait indiquer qu’elle relève en un sens du ‘rien de nouveau sous le ciel contemporain’. Ce vrai nom est SARS 2, soit « Severe Acute Respiratory Syndrom 2 », nomination qui inscrit en fait une identification « en second temps », après l’épidémie de SARS 1, qui s’était déployée dans le monde au printemps 2003. Cette maladie avait été nommée à l’époque ‘la première maladie inconnue du XXIe siècle’. Il est donc clair que l’épidémie actuelle n’est aucunement le surgissement de quelque chose de radicalement nouveau, ou d’inouï. »[44] Il faut en conséquence chercher au cœur de la logique « normale » du capitalisme sanitaire les raisons de l’impréparation à une pandémie loin d’être imprévisible.

L’échec massif de l’État et de ses alliés marchands

Dans cette section, je propose d’expliquer l’échec massif de l’État et de ses alliés marchands en montrant d’abord que celui-ci a refusé de voir la pandémie arriver puis il a refusé d’utiliser les outils de l’économie de guerre. Dans ce contexte, les bureaucraties sanitaires et le capital privé ont montré tous les deux leur incapacité à résoudre les problèmes posés. Face à cette situation, l’auto-organisation a permis de résoudre certaines défaillances de l’État et du marché.

1) De l’hésitation à voir l’épidémie au refus de l’économie de guerre

En début d’année 2020, l’État français a longtemps minimisé le risque pandémique alors que les institutions internationales et d’autres pays l’alertaient vigoureusement[45]. Dès le mois de décembre 2019 certains médecins chinois signalent l’apparition d’un nouveau virus potentiellement dangereux. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) est informée officiellement des évènements le 31 décembre. Des cas sont recensés rapidement en dehors de la province du Hubei mais aussi en dehors de Chine (Thaïlande, Japon, Corée du Sud, États-Unis, etc.). Le 24 janvier la ministre de la santé Agnès Buzyn déclare : « Le risque d’importation de cas depuis Wuhan est modéré, il est maintenant pratiquement nul puisque la ville, vous le savez, est isolée […]. Les risques de propagation dans la population sont très faibles »[46]. Quelques heures plus tard, trois premiers malades sont déclarés en France. Le 14 et le 26 février, les deux premiers morts sont recensés sur le sol français. Le 30 janvier l’OMS déclare l’état d’urgence de santé publique de portée internationale, le 26 février elle annonce que plus de cas sur la journée sont déclarés hors de Chine qu’en Chine. Le 8 mars l’Italie enregistre 133 morts quotidien, 366 décès au total. Le 11 mars l’OMS classe l’épidémie de Covid-19 comme une pandémie[47].

En France, il a fallu attendre le 23 février pour que soit déclenché le premier stade du plan Orsan destiné à gérer les risques épidémiques[48][49]. A ce stade, le virus est considéré ne pas être en circulation générale dans la population. Les malades diagnostiqués sont invités à rester confinés chez eux. Le stade 2, déclenché le 29 février (100 cas diagnostiqués et 2 morts), prend acte de la circulation du virus et cherche à en contenir la propagation. La méthode consiste à confiner les foyers de contamination (cluster), par exemple en fermant ponctuellement des écoles et en interdisant des grands rassemblements (seuil national à 5 000 le 29 février, abaissé à 1000 le 9 mars). Le 6 mars le plan blanc est déclenché dans les hôpitaux. La situation se dégradant, le 11 mars les visites en EHPAD sont interdites, le 12 mars le président de la République annonce la fermeture des crèches, écoles, collèges, lycées et universités. Les rassemblements de plus de 100 personnes sont interdits, le télétravail est fortement recommandé. Le 14 mars, avec 4 500 cas confirmés et 91 décès à l’hôpital, le stade trois est déclenché. Le virus est en circulation générale et l’objectif consiste à limiter les effets sur la population et sur le système de santé déjà en tension. Le 16 mars, à 20 heures, le président Emmanuel Macron déclare que la France est en guerre et annonce l’interdiction de déplacement pour toutes les activités non essentielles[50]. Le confinement durera 55 jours : du 17 mars au 11 mai 2020.

La lenteur du gouvernement à prendre acte de la gravité de la situation sanitaire peut s’expliquer par le fait qu’en janvier et février 2020 il était occupé à d’autres activités : la préparation des élections municipales prévues les 15 et 22 mars ainsi que la réforme des systèmes de retraite.

Concernant les municipales, le président de la République Emmanuel Macron craignait une lourde défaite électorale et réfléchissait précocement à un argumentaire pour la relativiser : « Les élections municipales ne sont pas une élection nationale. Je n’en tirerai pas de manière automatique des conséquences nationales »[51]. Un enjeu symbolique était le cas de la ville de Paris où Benjamin Griveaux était candidat. Cependant, le 14 février ce dernier a dû renoncer à sa candidature du fait de la diffusion de vidéos intimes remettant en cause son honneur[52]. Très rapidement, les bruits de couloir faisaient de la ministre de la santé Agnès Buzyn une piste pour prendre la relève. Le 14 février la ministre déclare qu’elle ne peut « pas être candidate aux municipales. […] J’ai beaucoup de réformes aujourd’hui dans le ministère et s’est rajouté un surcroît de travail inattendu, malheureusement, qui est cette crise du coronavirus qui aujourd’hui m’occupe énormément »[53]. Le 16 février la ministre annonce officiellement sa candidature à la mairie de Paris et le député de l’Isère Olivier Véran est nommé nouveau ministre de la santé. La passation de pouvoir à lieu le 17 février, en pleine épidémie du Covid-19. Ajoutant de la confusion à la confusion, une fois candidate aux municipales, Agnès Buzyn a reproché à la maire de Paris, Anne Hidalgo, de n’avoir pas préparé avec le ministère de la santé un plan contre le covid-19. Or, un courrier signé de l’ex-ministre en date du 12 février saluait la « vive mobilisation de la mairie de Paris »[54]. La campagne électorale justifie-t-elle d’entretenir la confusion sur la préparation face à l’épidémie ?

L’autre dossier ayant occupé le gouvernement est la réforme des retraites. Ce projet était d’autant plus important et difficile qu’il a donné lieu aux plus grandes grèves en France depuis au moins le plan Juppé de 1995. Les grèves se sont multipliées à partir du 5 décembre, sans discontinuer ni pendant les vacances de fin d’année ni pendant celles d’hiver. Après plus d’un an de négociations, marquées notamment par la démission du gouvernement le 16 décembre 2019 de Jean-Paul Delevoye, Haut-commissaire aux retraites, soupçonné de conflits d’intérêts, le gouvernement présente le texte de sa réforme le 24 janvier. Celui-ci est lourdement critiqué par le Conseil d’État. L’examen à l’assemblée nationale est aussi douloureux en raison du dépôt de près de 40 000 amendements. Le 29 février, lors d’un Conseil des ministres extraordinaire consacré à l’épidémie du covid-19, le premier ministre décide d’engager la responsabilité du gouvernement sur la réforme des retraites par la procédure dite du 49.3[55]. Cette procédure permet d’adopter le texte sans vote et sans examen des amendements, sauf si une mention de censure est déposée et adoptée. Deux motions de censure sont déposées mais aucune d’elle n’aboutit. Le texte est adopté alors même que les rassemblements de plus de 5 000 personnes sont interdits – ce qui induit l’impossibilité de manifester contre le gouvernement. Le premier ministre a donc utilisé l’opportunité du covid-19 pour proposer en conseil des ministres l’accélération de la réforme des retraites.

Ce contexte explique probablement les hésitations du gouvernement face à l’épidémie. Le 6 mars le président de la République incite la population à aller au théâtre malgré le covid-19[56], le 11 mars, il déclare qu’il ne faut pas renoncer « aux terrasses, aux salles de concert, aux fêtes de soir d’été »[57]. Mais, comme on l’a rappelé plus haut, le 12 mars toutes les établissements scolaires et universitaires sont fermés, le 17 mars commence le confinement. Au sujet du premier tour des élections municipales, maintenu le dimanche 15 mars, Agnès Buzyn a déclaré le 25 mars au journal Le Monde : « Quand j’ai quitté le ministère […] je pleurais parce que je savais que la vague du tsunami était devant nous. Je suis partie en sachant que les élections n’auraient pas lieu. […] Le 30 janvier, j’ai averti Édouard Philippe que les élections ne pourraient sans doute pas se tenir. Je rongeais mon frein. »[58] Si les choses étaient si évidentes, pourquoi tant d’hésitations, surtout devant la gravité de la situation ? La France bénéficiait par ailleurs des expériences (malheureuses) de la Chine et, surtout, de l’Italie qui ont été touchés avant par l’épidémie. Dans son intervention du 16 mars Emmanuel Macron suspend la réforme des retraites[59] probablement trop tard, des études sont en cours pour évaluer l’importance des municipales dans la diffusion du covid-19[60]. Selon Richard Horton, rédacteur en chef de la revue médicale The Lancet, toutes les informations nécessaires pour combattre l’épidémie étaient disponibles depuis le 31 janvier et pendant 6 semaines les pays occidentaux n’ont rien fait. « Pourquoi les gens ne sont-ils pas davantage en colère à ce sujet ? Qui demande des comptes au gouvernement ? »[61].

Face à l’impréparation du gouvernement, le 17 mars le confinement constitue une césure fondamentale d’un point de vue sanitaire mais aussi économique. Du côté sanitaire, la pénurie se fait rapidement ressentir et l’enjeu du confinement est aussi d’alléger la charge sur les hôpitaux en limitant le nombre de contaminations. Du côté économique, entre le 19 février et le 18 mars, l’indice boursier CAC 40 perd 30% de sa valeur. Une grande partie de l’activité marchande et non marchande est suspendue, ce qui engendre des difficultés de trésoreries tant pour les organisations privées que publiques. Très rapidement de nombreux économistes anticipent une dépression inédite en temps de paix et s’interrogent sur les meilleurs moyens pour y faire face.

Une des principales pistes de réflexion a consisté à comparer la pandémie à une économie de guerre[62]. La 4 mars l’économiste étatsunien James Galbraith compare la pandémie à l’attaque de Pearl Harbor durant la seconde guerre mondiale[63]. L’attaque est soudaine et l’impréparation est totale. Les chaînes d’approvisionnement internationales sont cassées et les pénuries de produits essentiels comme les masques ou les médicaments sont déjà importantes. Le fonctionnement habituel des marchés n’est plus en mesure de réaliser l’allocation des ressources. L’auteur souligne alors l’importance de basculer en économie de guerre pour limiter les dégâts humains et financiers. Sans perdre de temps il faut passer d’une économie décentralisée où la coordination se fait majoritairement par des prix fixés librement à une économie fondée sur le commandement. Dans le but d’assurer à la société les moyens de sa substance, une autorité centrale doit être en mesure d’imposer la planification, des nationalisations, des prix administrés, une réaffectation de la force de travail et du capital, la limitation des libertés publiques, etc.

Dans une tribune dans Le Monde du 28 mars (p. 25), Robert Boyer invite également à penser la comparaison entre la pandémie et les périodes de guerre : « Il faut prendre au sérieux la métaphore de la ‘guerre contre le virus’ et se souvenir que la comptabilité nationale, la modélisation macroéconomique et le calcul économique public, qui ont favorisé la modernisation de l’État, trouvent leur origine dans l’effort de guerre puis de reconstruction – primat de l’intérêt collectif sur l’individualisme, par la réquisition et le contrôle du crédit et des prix. Penser que le marché connaît la sortie de crise serait une naïveté coupable. »

La comparaison de la situation pandémique à une économie de guerre a été vivement critiqué en raison du refus du principe même de la guerre[64]. La situation pandémique ne met pas face à face des armées avec des soldats solidement équipés. Il n’y a pas eu de déclaration de guerre. Il n’y a pas de sens à déclarer la guerre au virus. Ces critiques manquent l’essentiel. L’économie de guerre ne signifie rien de plus que la nécessité d’un passage brutal et soudain d’une coordination marchande au commandement, sous peine de danger de mort. L’économie doit être mobilisée et réorganisée en conséquence. Une économie de guerre ne signifie pas forcément une économie avec de la guerre. Certains économistes préfèrent parler d’économie des catastrophes mais cela ne change pas le fond de la problématique.

En fait, derrière la critique de l’économie de guerre se cache le refus, tout à fait légitime, du nationalisme, parfois de l’État et, surtout, de l’union nationale. Évidemment, lors de son discours du 16 mars, en martelant l’état de guerre Emmanuel Macron désire créer une unité nationale – alors même qu’il est responsable de la situation. Mais, l’économie de guerre ne suppose pas l’unité nationale, bien au contraire[65]. Tout l’enjeu est de savoir quelles sont les procédures de décisions dans une économie fondée sur le commandement : est-ce l’État qui doit décider ? Parler de commandement, est-ce recommander l’étatisation des moyens de production ? Ou alors, faut-il introduire les travailleurs, leurs syndicats, les employeurs, tous les citoyens ? Fallait-il procéder à des nationalisations ou des socialisations ? En appeler au commandement pour répondre à une situation de guerre ne dit rien sur le type de commandement qui est nécessaire.

Ces questions ont été posées de façon très claire dans le débat. Cédric Durand a par exemple insisté sur l’importance de la centralisation et de la planification tout en regrettant l’absence d’action de l’État : « Où est le quartier général de la lutte contre la pandémie ? Quels sont les organes chargés de recenser les ressources et d’organiser leur mobilisation ? Pourquoi, en France, la participation des industriels à l’effort se fait sur la base du volontariat et non de la réquisition ? » [66] Mais faut-il réellement confier les clefs du pourvoir à l’État ? Pour Benjamin Coriat c’est l’État qui est coupable de la situation actuelle ce qui implique de redéfinir le « public » et remettre en cause l’idée que « le seul garant de l’intérêt général, le garant de l’intérêt public, c’est l’État, l’administration et ses fonctionnaires : cette fable désastreuse doit cesser. » Il en appelle à une refondation du service public à partir des communs. Dans le cas du système de santé, Benoît Borrits critique encore plus radicalement l’État et le capital pour aller vers « une santé publique autogérée dans une économie démocratique »[67].

L’impérieuse nécessité d’une économie de guerre, ne dit donc rien sur les modalités d’organisation du pouvoir qui peut tendre entre deux extrémités : captation entière par l’État ou socialisation.

A la mi-mars 2020, avec Philippe Batifoulier et Mehrdad Vahabi nous écrivions que les « fautes politiques et économiques dans la gestion de la crise proviennent de l’hésitation du gouvernement à basculer dans l’économie de guerre. […] En refusant de procéder à la nationalisation des grandes entreprises influant dans la gestion du risque sanitaire (comme par exemple l’industrie pharmaceutique, les hôpitaux, etc.) et d’administrer l’allocation et la production des ressources, le pays s’est rapidement retrouvé en pénurie de matériels essentiels (masques protecteurs et gel hydroalcoolique d’abord, lits d’hôpital équipés d’assistance aspiratoire bientôt). Le rationnement n’a pas été décrété ce qui a causé entre autres phénomènes l’inflation du prix des masques et leur mauvaise allocation »[68]. Il est possible maintenant d’aller plus loin : le gouvernement n’a pas seulement hésité à basculer en économie de guerre, il a refusé de le faire et c’est l’une des raisons principales qui explique la gestion catastrophique de la crise.

En dépit des proclamations guerrières, le chef de l’État n’a que marginalement utilisé les outils de l’économie de guerre. Par contre, il a renforcé les tendances autoritaires permises par la Ve République. Le 23 mars est votée la loi créant l’État d’urgence sanitaire[69] : elle consacre l’extension du pouvoir de l’exécutif sans contreparties. Le président a complètement ignoré l’opposition politicienne[70], syndicale[71] et ou scientifique[72]. Les partis politiques d’opposition ont été ignorés, les syndicats n’ont pas été invités à participer aux prises de décisions et les scientifiques (notamment via la création du Conseil scientifique covid-19) ont été instrumentalisés. Notons enfin qu’Emmanuel Macron n’a pas utilisé la rhétorique guerrière pour entamer la guerre sociale, comme peuvent le penser certains critiques du concept d’économie de guerre, il a simplement continué le chemin tracé depuis son élection (Godin, 2019). Dans ce cadre général, les deux sections suivantes illustrent le double échec du capitalisme sanitaire – l’échec des bureaucraties et du capital.

2. Échecs de la bureaucratie sanitaire

Mis à part l’incapacité à anticiper l’épidémie, le plus grand naufrage de la bureaucratie sanitaire réside dans le désaveu du pouvoir politique. La justification habituelle de la massification des bureaucraties sanitaires est la séparation de la décision politique, réputée non éclairée et susceptible d’être trop sensible aux résultats électoraux, de la décision scientifique. L’un des aspects importants de la littérature liée à la Nouvelle Gestion Publique consiste à promouvoir les agences indépendantes (Benamouzig et Besançon, 2005). Or, quel a été le premier réflexe du pouvoir lorsque la pandémie s’est renforcée ? Créer par la loi sur l’état d’urgence sanitaire un Conseil scientifique covid-19 balayant de fait l’expertise des agences de santé. Inauguré le 11 mars par Olivier Véran, le Conseil scientifique covid-19, présidé par Jean-François Delfraissy[73], a pour objectif d’« éclairer la décision publique dans la gestion de la situation sanitaire ». Il prend la place que devrait occuper le Haut conseil de santé publique (HCSP). Fondé en 2004, le HCSP a pour mission de « fournir aux pouvoirs publics, en lien avec les agences sanitaires, l’expertise nécessaire à la gestion des risques sanitaires ainsi qu’à la conception et à l’évaluation des politiques et stratégies de prévention et de sécurité sanitaire »[74]. Outre le HCSP, d’autres agences sanitaires déjà existantes auraient pu largement contribuer à la gestion de la crise sanitaire, notamment la Haute autorité de santé, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail et Santé publique France (née en 2016 à la suite de la fusion de plusieurs agences dont l’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires et l’Institut de veille sanitaire). La création d’un Conseil scientifique ad hoc prenant la place des agences existantes tend à démontrer que la justification habituelle des agences sanitaires n’est peut-être pas si évidente. Plutôt que de séparer le politique du scientifique, les bureaucraties sanitaires semblent avoir surtout pour objectif de produire des normes visant à contrôler la production de santé et le travail des professionnels et par là même de participer aux contrôles des dépenses de santé.

Les masques

Parmi les déboires de la bureaucratie sanitaire, celui qui risque de rester le plus longtemps dans les mémoires concerne l’incapacité à résorber la pénurie de masques. Selon les enquêtes de Mediapart, corroborées par d’autres sources, la gestion des masques constitue non seulement un mensonge d’État[75] – sur l’ampleur de la pénurie – mais aussi un fiasco d’État[76] – sur l’incapacité à se procurer des masques. Alors qu’à la fin janvier le ministère de la santé constate à la fois la faiblesse des stocks de masques et l’envergure de l’épidémie à venir, les commandes de masques se font encore à un volume très faible. Si en début d’année, l’État dispose d’un stock d’environ 100 millions de masques, Santé publique France semble incapable de passer des commandes et une cellule interministérielle est créé le 4 mars. Au 21 mars elle n’a réussi qu’à réunir 40 millions de masques supplémentaires – en ignorant les offres de services d’entreprises françaises ayant des contacts en Chine.

Le 3 mars le gouvernement publie un décret de réquisition des stocks et de la production de masques sur le territoire (pas des entreprises productrices). Le 20 mars il autorise à nouveau les importations de masques, notamment par les collectivités territoriales qui peuvent passer directement par leurs contacts dans les pays producteurs. Si les décrets de réquisition ont été publiés ils ont été utilisés de façon modérée : le ministère de la santé a décidé de réquisitionner les stocks de l’industrie mais cela a été refusé dans certains secteurs pourtant très consommateurs comme l’agroalimentaire et l’aéronautique. Le cas de l’aéronautique interroge particulièrement dans la mesure où la plupart des avions étaient cloués au sol et que la construction de nouveaux avions ne paraissait pas faire partie des « activités essentielles ». Concernant les réquisitions, il faut aussi noter qu’à partir du décret du 20 mars seules les commandes de plus de 5 millions de masque faisaient l’objet d’une déclaration et d’une réquisition potentielle.

La stratégie destinée à pallier la pénurie a donc peu reposé sur les principes de l’économie de guerre. Il n’y a pas eu de nationalisation et les réquisitions ont été très partielles, d’autant plus que certains secteurs non essentiels n’étaient pas concernés. Le choix de l’exécutif a été de faire confiance à l’ajustement marchand en achetant massivement des masques aux producteurs habituels. Cependant, cette stratégie d’association public-privé a buté sur la surchauffe du marché. Les prix se sont envolés, les livraisons ont été lentes, certaines commandes ont été vendues aux plus offrants, etc.

La situation est d’autant plus problématique que dans un article du 9 mai 2020, Le Monde rapporte que Jérôme Salomon, membre de l’équipe de la ministre de la Santé Marisol Touraine (2013-2015), puis directeur de Santé Public France (2016-), connaissait la situation et avait alerté le candidat Emmanuel Macron. Alors qu’en « mai 2019 le Haut conseil de la santé publique recommande 1 milliards de masques », les destructions de masques n’ont pas cessé, même pendant l’épidémie. Les auteurs en concluent au « sentiment d’une faillite de l’État ».

Voyant la pénurie arriver et ne voulant pas la reconnaitre, le pouvoir politique a préféré minimiser l’intérêt du port du masque pour la population non malade. Dès le 24 janvier le ministère de la santé explique que « ‘le port de ce type de masque par la population non malade afin d’éviter d’attraper la maladie n’est pas recommandé’, et que ‘son efficacité n’est pas démontrée’ »[77]. Le 24 février le ministre de la santé affirme à nouveau que « [le] port du masque par la population non-malade n’ayant pas voyagé dans les zones à risque n’est pas recommandé car son efficacité n’est pas démontrée »[78]. Entre janvier et mars la politique de l’exécutif est de ne recommander le masque que pour les soignants et les malades alors que les médecins savent que le masque est indispensable pour toute la population dans le but de limiter la propagation de la pandémie[79].

Comment ne pas comprendre la méfiance des citoyens face aux annonces sanitaires du gouvernement quand à partir d’avril, dans l’optique du dé-confinement du 11 mai, le masque devient progressivement obligatoire ? Le port du masque devient obligatoire dans les transports en commun, dans les collèges, pour les députés, en université, dans les lieux clos (commerces notamment), sur les chaînes de production, etc. En août le port du masque se généralise peu à peu dans la rue, d’abord par des décisions localisées (Paris, Bordeaux, Strasbourg, etc.) puis par des décisions nationales. Face à l’opposition de certaines entreprises, l’obligation est remise en cause dans un certain nombre de cas particuliers[80]. Ce revirement est d’autant plus étonnant que pendant le confinement l’inspecteur du travail Anthony Smith a été sanctionné par sa hiérarchie pour avoir voulu appliquer l’obligation du port du masque dans une entreprise de service à domicile. Cette situation ubuesque s’est soldée par la relaxe de l’inspecteur du travail et par la démission du Directeur général du Travail (DGT), Yves Struillou, mécontent de l’issue de ce dossier[81].

Entre temps, pris en étau entre la pénurie et l’obligation de port du masque, l’État a décidé de valider le principe de « masques grand public »[82]. Faute de masques FFP2 et de masques chirurgicaux, le pouvoir a organisé une concertation entre 242 entreprises textiles françaises[83] pour produire des masques d’un type nouveau qui ont la particularité de ne respecter aucune norme sanitaire en vigueur avant l’épidémie. La qualité de ces masques est si peu fiable qu’ils sont interdits pour les soignants. Nous vivons donc depuis cette date une situation où si la quasi-intégralité de la population porte un masque dans la rue, on ne sait pas quelle est leur efficacité. Comme les masques jetables certifiés, les masques lavables ont une durée de vie très courte et il est impossible de savoir quel est le niveau de protection des masques portés quotidiennement. Au-delà de la controverse sur la qualité des masques grand public, la pénurie de masque et la rupture des chaînes de production internationales a attiré l’attention sur l’extrême dépendance de la France vis-à-vis des producteurs étrangers. Cela a conduit à valoriser les filières locales mais uniquement pendant une période très courte puisque dès la mi-août les entreprises françaises regrettaient que l’État préfère se fournir auprès de producteurs étrangers au risque de détruire l’emploi dans l’hexagone[84].

Les tests

Un aspect majeur de la lutte contre la pandémie, martelé par l’OMS, est la capacité à tester largement la population pour isoler les personnes contaminées. Là encore la bureaucratie sanitaire a montré son impréparation et son incapacité à réagir massivement. Face à la pénurie de tests, la doctrine a consisté à ne tester que les cas suspects permettant au virus de se diffuser par les cas asymptomatiques. À la fin avril, après 2 mois de pandémie, le gouvernement demeurait dans l’ignorance des capacités de test et a demandé un audit à un cabinet privé à ce sujet (cabinet de conseil Bain)[85]. A quoi servent les agences sanitaires si elles ne disposent pas d’informations sur les capacités de production du système de santé ? Au 28 avril, la France teste environ 9,1 personnes pour mille contre 23,1 pour mille en moyenne des pays de l’OCDE. Le 29 mars le gouvernement refuse l’offre de service des cabinets vétérinaires départementaux, les laboratoires de recherche public et privé ont également été mis à l’écart jusqu’au 27 mars.

Alors qu’Olivier Véran affirme que la politique de test est la bonne et qu’il sera possible de réaliser rapidement 700 000 tests par semaines, le Professeur Froguel (CHU de Lille et Imperial College of London), interrogé par France info le 1er mai, dénonce les mensonges du gouvernement[86]. Selon lui, le nombre rapporté de test est surévalué et il ne sera pas possible de réaliser l’objectif de test avant le 11 mai. La désorganisation étant la règle, les pénuries sont toujours importantes – tout comme les difficultés à s’approvisionner en réactifs sur les marchés.

D’après les calculs rapportés dans un article de France Culture, entre le 24 février le 11 mai, 831 174 tests ont été réalisé[87]. Les enquêteurs demandent alors comment penser qu’il sera rapidement possible de réaliser chaque semaine autant de tests que depuis le début de l’épidémie ? La stratégie du gouvernement repose notamment sur la commande de 20 machines chinoises permettant de réaliser plus de 2 000 tests par jours. Cependant, plusieurs professionnels regrettent le coût de ces machines et le temps de formation nécessaire avant de pouvoir les utiliser. Selon Vincent Thibault, chef de service du laboratoire de virologie au CHU de Rennes : « on nous a envoyé une machine et un fournisseur qu’on ne connaissait pas. Si on m’avait donné le budget débloqué pour cette plateforme, j’aurais pu mettre en place quelque chose de beaucoup plus fiable et maitrisé. On a l’impression qu’une décision a été prise par des technocrates qui n’ont jamais mis les pieds dans un laboratoire et qui se sont dit : ‘Comme il faut faire 700 000 tests par semaine, on va balancer 20 automates à des hôpitaux.’ D’autres solutions étaient possibles pour arriver à 2 000 tests quotidiens. » » Il se trouve par ailleurs que la machine demande des consommables (écouvillons) eux-mêmes en pénurie.

Les lits

Etant dans l’incapacité de contrôler l’épidémie avant qu’elle n’arrive à un stade critique, l’État et ses bureaucraties sanitaires sont responsables de la pénurie de lits de réanimation dans les hôpitaux. C’est probablement le type de pénurie le plus difficile à mettre en évidence. Deux indicateurs permettent néanmoins de l’illustrer. D’abord, le confinement est la stratégie de dernier recours quand toutes les étapes précédentes ont échoué. Sans masques ni tests, la pandémie s’est développée et le confinement, en diminuant le nombre de malade, permet de ralentir l’afflux vers les hôpitaux en tentions. Plus que l’usage spectaculaire de TGV médicalisés[88] et d’hôpitaux de campagne[89], le second indice de la pénurie de lits est le tri des patients à soigner ou non.

Dès la mi-mars plusieurs articles rapportent des témoignages de professionnels s’apprêtant à trier les patients à soigner. Dans un article du 20 mars Mediapart mentionne plusieurs cas d’hôpitaux mettant en place des procédures de sélection des patients[90]. Selon une documentation interne de l’hôpital de Perpignan, certains décès ont qualifié de « Morts évitables : auraient pu être évités en cas de soins de meilleure qualité ou de meilleurs organisation »[91]. Selon un témoignage anonyme d’un professionnel de CHU, la consigne de priorisation des malades est implicite mais elle existe : « On ne le dit pas, car on ne peut pas mais la consigne tacite, c’est de ne plus prendre les plus de 75 ans à l’hôpital, de les laisser dans les EHPAD ou chez eux, c’est-à-dire de les laisser mourir. » D’après une infirmière de l’hôpital de Mulhouse, « Les personnes âgées atteintes d’un Covid en EHPAD ne sont plus transportées à l’hôpital. On se contente de leur donner des soins de confort, pour soulager la douleur. C’est très difficile : on n’est pas là pour choisir celui qui doit vivre et celui qui doit mourir. »

La stratégie non assumée de gestion de la pénurie de lits a donc été la priorisation en fonction de l’âge. Cela explique probablement en partie la situation catastrophique des EHPAD en termes de mortalité. D’après le démographe Jean-Marie Robine, la moitié des personnes décédées sont résidentes en EHPAD (mortes sur place ou à l’hôpital lorsqu’elles ont pu être transférée), soit 13 226 personnes sur 26 280 ; au 10 mai)[92]. L’absence de publication de chiffre précis au sujet des EPHAD s’expliquerait par la volonté de dissimuler l’absence de protection des maisons de retraites – le matériel de protection en pénurie ayant été dirigé vers les soignants.

S’il est difficile d’établir un bilan, plusieurs articles font état de vies qui auraient pu être sauvées en EHPAD s’il n’y avait pas eu de tri des patients. Certains centres de régulation du SAMU ont refusé d’hospitaliser des résidents d’EHPAD jusqu’à fin mars, certains professionnels expliquant que face aux refus répétés de prise en charge, ils ont cessé de demander de l’aide à l’hôpital public[93]. Dans ce cadre général, plusieurs EHPAD ont été débordés si bien que les hécatombes se sont succédées tant dans le public que dans le privé. Dans l’EHPAD privé de Crouy-en-Thelle, les familles ont appris par la presse le décès d’une vingtaine de personnes au cours de la pandémie[94].

En plus des résidents d’EHPAD, d’autres catégories de patients ont pu être victime de la pénurie de lits. Selon un article de Bastamag, ce serait le cas des personnes en situation de handicap, alors que le handicap n’est pas un facteur de risque pour le covid-19[95].

Le drame de la pénurie de lits s’est doublé de sa gestion par la bureaucratie sanitaire : une gestion dans le plus grand silence. Jamais des consignes claires et assumées de hiérarchisation des patients n’ont été officialisées, ce qui peut cacher des situations d’inégalités extrêmes face à la maladie. On peut comparer la situation française au cas britannique où le National Health Service a publié très rapidement des guides pratiques de prise de décision en situation de pénurie.

Ces guides sont glaçants mais ils ont le mérite d’assumer l’existence d’une pénurie à organiser. Dans ces documents, les professionnels de santé sont invités à calculer un score à point en fonction de plusieurs critères (âge, échelle de fragilité, comorbidité). Les personnes jugées les moins à risques sont, dans ce cadre, prioritaires sur l’usage des ressources rares. Il ne s’agit pas ici de défendre le principe du calcul médico-économique, largement répandu outre-manche[96], mais simplement de souligner le fait que la gestion de la pénurie en France s’est faite dans le plus grand silence – sans explicitation des critères de justice sous-jacents.

Les médecins

Des travaux spécifiques devraient être consacrés à la pandémie en outre-mer. La situation y est différente et, pour certains territoires, bien pire. En attendant, on peut simplement souligner que la France, après avoir hésité, a accepté fin mars l’aide de médecins Cubains pour les territoires de Martinique, Guyanne, Saint-Pierre-et-Miquelon[97]. 15 premiers médecins sont arrivés en renfort en Martinique en juin pour une mission de deux mois[98].

StopCovid

Dès les premières semaines de l’épidémie, les pouvoirs publics se sont intéressés aux stratégies numériques mises en place par d’autres pays permettant d’endiguer la progression de l’épidémie. A Singapour par exemple, l’application TraceTogether permettrait de « détecter si deux individus sont restés à proximité l’un de l’autre durant plus de quinze minutes. » [99]

Lancée le 15 mars, l’application a été téléchargée par seulement par 20% de la population (5,6 millions de personnes), bien en dessous de l’objectif de 60% permettant réunir la quantité suffisante de données pour être efficace. Le 21 avril l’application devient obligatoire, alors que des doutes se multiplient sur l’éventualité d’une surveillance de masse dépassant le strict objectif sanitaire.

D’autres pays se sont lancés dans ce traçage généralisé comme la Chine, la Corée du Sud, Hong Kong, Taïwan, Singapour, etc. L’objectif initial est toujours le même : retracer l’itinéraire du virus ce qui permet de tester les personnes et de les isoler en cas de contamination. Le risque sur les libertés publiques est également toujours le même.

Si on peut largement douter de l’utilité de ces usages du numérique pour la santé publique[100], l’État français a décidé, après que le ministre de l’Intérieur ait déclaré que le traçage numérique ne se ferait pas car cela ne fait pas partie de la « culture française »[101], de lancer une application nationale de traçage nommée StopCovid. Présentée le 8 avril dans un entretien au journal Le Monde, Olivier Véran explique qu’il s’agit de « limiter la diffusion du virus en identifiant des chaînes de transmission »[102].

Autre symbole de l’incapacité de tester massivement la population et de lui procurer des masques, l’application StopCovid renforce l’idée d’un nouvel échec du duo État/capital. Le lancement de l’application, prévue pour le début du dé-confinement le 11 mai, est finalement lancée le 2 juin[103]. Même si le gouvernement a tardé à le reconnaître, il s’agit d’un nouveau revers pour le pouvoir. Jean Castex, premier ministre depuis le 3 juillet 2020 en remplacement d’Édouard Philippe, le reconnait le 26 aout[104]. À cette date l’application n’avait été téléchargée que 2,3 millions de fois (avec très peu de mises en service réelles) et alerté uniquement 93 personnes.

En plus d’une efficacité très faible, l’entretien de l’application a été très coûteuse eu égard aux standards habituels[105]. L’association Anticor a même saisi la justice à ce sujet pour soupçon de favoritisme[106]. Initialement, l’application devait être développée bénévolement par des entreprises françaises du secteur (Capgemini, Dassault Systèmes, Lunabee Studio, Orange, Withings) mais il semblerait que les coûts d’entretien soient largement surfacturés, ce qui laisse penser à un paiement rétroactif.

La défense inconditionnelle du capital

Durant toute la période de la crise, la contrainte que s’est imposée le plus haut sommet de l’État est de ne jamais remettre en cause le capital. C’est pourquoi il n’est pas possible analytiquement de séparer l’échec de la bureaucratie sanitaire de la défense inconditionnelle du capital.

Le refus des outils de l’économie de guerre s’est vu à l’Assemblée alors que l’opposition portait des projets modestes de nationalisation, de réquisition et d’imposition[107]. Socialistes, communistes et insoumis ont proposé ensemble ou séparément la nationalisation de Luxfer (fabricant des bouteilles d’oxygène), de Famar (fabricant une molécule à la base de la chloroquine), la réquisition d’entreprises du textile, la création d’un pôle public du médicament, etc.

Dans le but de faciliter financièrement le confinement pour les ménages modestes, un moratoire sur les loyers a été demandé, tout comme l’augmentation du salaire minimum et la distribution de chèques vacances et bons alimentaires pour les étudiants apprentis et boursiers. Enfin, la réintroduction de l’Impôt de solidarité sur la fortune devait permettre de partager le financement des mesures de crise[108].

Aucune de ces mesures n’a été envisagée par le gouvernement. Toute l’action du gouvernement a consisté à s’en remettre aux volontés des marchés, c’est-à-dire des détenteurs de capitaux. C’est ainsi que le 31 mars Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics, a lancé un appel au don pour financer un fond d’indemnisation pour les travailleurs indépendants[109]. Fondé sur le volontariat, ce fond a été moquée en coronathon : refusant d’imposer une taxation supplémentaire, l’État a décidé de basculer dans l’appel à la charité[110].

En plus de la charité, le gouvernement attend des fonds pour l’hôpital par la vente de mobilier national théoriquement inaliénable[111]. En effet, le Mobilier national, service rattaché au ministère de la Culture, organise une vente aux enchères au profit de la Fondation Hôpitaux de Paris – Hôpitaux de France. Prévue fin septembre, cette vente concernera des meubles des époques Louis-Philippe et XIXè siècle. Au-delà du symbole d’une charité privée venant au secours du bien public, certains commentateurs n’ont pas hésité à interroger la légalité du procédé. Il est possible que cette action relève de la prise illégale d’intérêt dans la mesure où Emmanuel Macron, président de la République, organise une vente de biens publics au profit de la Fondation Hôpitaux de Paris-Hôpitaux de France, présidée par Brigitte Macron[112].

A l’hôpital de Montauban, une initiative du même esprit a provoqué la colère des soignants[113]. Après avoir reçu des dons d’entreprises et de particuliers, la direction de l’hôpital a décidé de distribuer les gains sous forme d’une tombola. Plusieurs lots étaient en jeu comme des bons d’achat, des séances d’ostéopathie, un séjour pour les vacances, etc. Cela a provoqué l’indignation des riverains et des professionnels dans un contexte où des « dizaines de milliers d’heures supplémentaires effectuées sont en attente de paiement pendant des mois, et tout aussi régulièrement des services, des lits et des postes sont supprimés sous le prétexte que l’hôpital serait en déficit. »

La charité n’a pas seulement été mobilisée pour renflouer les caisses de l’État ou pour pallier la faiblesse des salaires des professionnels de santé mais aussi pour pallier aux pénuries de masques et de gel hydroalcoolique. À la mi-mars, alors que le gel vient à manquer, la firme LVMH satisfait à sa promesse de don en distribuant ses premiers flacons[114]. Les gels ont été produit sur les sites de production de marchandises de luxe (Dior, Guerlain et Givenchy) et livré gratuitement aux hôpitaux de l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris. Si une polémique a éclaté lors de la vente par un supermarché Carrefour des gels LVMH alors qu’ils devaient être gratuits[115], l’essentiel n’est pas là : plutôt que de réquisitionner, nationaliser et taxer, la politique du gouvernement a consisté à laisser l’initiative au capital – avec les résultats que l’on connait.

Le couple État / capital a été également très inefficace dans la gestion de la pénurie de masques. Comme nous l’avons évoqué dans la section précédente, le recours à l’ajustement marchand en période de pandémie a conduit à des retards de livraison, à la perte de commande au profit de plus offrants et à l’augmentation des prix. En plus de cela, la stratégie de mise à disposition des masques produits et achetés doit être évoquée. En effet, alors que les soignants faisaient face à la pénurie de masques, les supermarchés ont été en mesure d’en stoker des millions en vue de les mettre en vente libre à partir de 3 mai.

Le 30 avril, un communiqué rassemblant les principaux ordres professionnels de la santé (médecin, sages-femmes, infirmiers, Chirurgiens-dentistes, masseurs-Kinésithérapeutes, pédicure-podologues, pharmacien) a critiqué violemment les grandes enseignes de distribution :

« Toute guerre a ses profiteurs. C’est malheureusement une loi intangible de nos conflits. Comment s’expliquer que nos soignants n’aient pas pu être dotés de masques quand on annonce à grand renfort de communication tapageuse des chiffres sidérants de masques vendus au public par certains circuits de distribution. »[116]

D’après les annonces publicitaires 515 millions de masques seraient en vente début mai, dont au moins 65 millions le 4 mai[117]. Etant donné les contraintes logistiques (acheminement, stockage, mise en rayon, etc.), comment explique-t-on que les grands distributeurs aient pu se procurer autant de masques alors les professionnels de santé en étaient privés ?

À défaut de masque ou de gel, le groupe de luxe Kering a fait un don d’une soixantaine d’imprimantes 3D à l’AP-HP[118]. Ces machines peuvent fabriquer des embouts et composants essentiels pour les respirateurs. Encore une fois, la charité est censée remplacer la planification.

Pendant que le capital pouvait organiser tranquillement les actions qu’il souhaitait mener dans le cadre de la pandémie, il a été fortement protégé par l’État : report de cotisations, d’impôt, garanties d’État sur les emprunts bancaires, etc. Mais ce n’est pas tout, le contrôle des conditions de travail n’a pas été un objectif prioritaire. En plus du cas d’Anthony Smith mentionné plus haut, plusieurs travailleurs ont été sanctionnés pour avoir demandé le respect des règles sanitaires. Cela a été le cas par exemple à Toulouse où deux infirmiers qui demandaient des masques et dénonçaient les conditions sanitaires dans l’EHPAD où ils travaillaient ont été licenciés[119].

Autre aspect important de la relation État-capital, la recherche d’un vaccin pose également des questions tant la réputation de l’industrie pharmaceutique est sulfureuse. Sans pôle public du médicament, il s’est installé une concurrence malsaine entre les industriels du médicament dans le but capter le plus de ressources publiques possibles. On se rappelle par exemple que le mercredi 13 mai le directeur de Sanofi a déclaré « qu’il distribuerait en priorité un éventuel vaccin contre le coronavirus aux États-Unis, car ils ont investi 30 millions de dollars dans ses recherches. Une exclusivité qui aurait pu être de plusieurs jours voire plusieurs semaines »[120].

Les relations public-privé sont la règle dans ce secteur où l’on a appris que le laboratoire américain Merck a acheté les droits des travaux de l’Institut Pasteur, en partie financé par le l’Etat français[121]. Comme le souligne un article dans Le Monde du 25 juin « les laboratoires vendent des promesses, les États achètent de l’espoir ». Les États financent sans contrepartie sur le partage des données, sur la règlementation des prix, sans réflexion sur le ciblage des premiers approvisionnements.

Par ailleurs, les recherches ne portent pas tant sur un objectif de guérison que celui de réduction de la sévérité de la maladie. En concentrant les recherches sur la volonté de détourner le virus des poumons, il tout à fait possible qu’il se développe autre part et que cela soit plus grave : « Et si, scénario cauchemar rencontré il n’y a pas si longtemps avec la dengue, le vaccin augmentait le risque d’une infection plus grave ? »

Ni l’État, ni le capital : l’auto-organisation pendant la pandémie

Si l’État et le capital ont échoué à endiguer rapidement la pandémie, il faut souligner la multiplication d’initiatives auto-organisées. Dans un article du 19 avril Hadrien Clouet et Maxime Quijoux ont relaté des initiatives de salariés déterminés à faire face à la pandémie[122]. Dans la Creuse, des couturières au chômage technique se sont remises au travail pour produire des masques. Des salariés d’un McDonald’s ont utilisé leur lieu de travail comme lieu de production alimentaire alternatif destiné aux plus démunis. Les auteurs ont montré par ailleurs que dans les entreprises rompues à l’auto-organisation des salariés, la révision des conditions de travail en fonction des contraintes sanitaires ont été largement facilités :

« À Rennes, la coopérative funéraire a récemment mis en place toute une série de dispositifs à la fois d’entraides pour ses salariés – masques, etc. – mais aussi pour les familles de défunt·e·s afin de pouvoir assister aux obsèques. Plusieurs fédérations d’employeurs coopératifs, comme celle du Bâtiment, plaident pour obtenir des pouvoirs publics un durcissement du périmètre des entreprises laissées en activité. Contrairement aux grands groupes capitalistes financiarisés, ces employeurs tentent de limiter l’activité, afin de lever la tension entre santé publique (au niveau du pays) et parts de marché (au niveau de chaque entreprise individuelle). »

Ces mouvements auto-organisés ont parfois été entravés par l’État comme dans le cas de la production de visières pour le personnel soignant. A l’aide d’imprimantes 3D de nombreuses visières ont été imprimés au plus fort de la pénurie. Mais le 23 avril la direction générale du travail et la Direction générale des entreprises ont révisé les normes de production des visières de façon à empêcher le don ou la vente à prix coutant. La logique à l’œuvre est de protéger les industriels classiques, désormais capables de prendre le relais, d’une « concurrence déloyale » provenant de bénévoles[123].

Ce mouvement d’auto-organisation a été qualifié de « mutation très politique de la société française » par François Bonnet[124]. L’auteur énumère les secteurs d’activité où des initiatives par le bas ont émergés, bien sûr chez le personnel soignant, mais aussi ailleurs :

« Car ce que disent aussi cette floraison d’initiatives et de mobilisations, ces capacités d’auto-organisation et d’innovation, c’est combien cette crise sanitaire a achevé de dévoiler l’archaïsme dangereux de notre système politique. Un pouvoir arrogant et prétentieux d’un coup mis à nu par une pénurie de masques. Un pouvoir vertical et centralisateur soudain obligé de s’en remettre aux élus locaux qu’il méprisait et aux citoyens qu’il sermonnait. »

Dans cet esprit, pour Yohann Emmanuel, le piège de la période consiste à voir un retour de l’État alors que celui-ci ne fait que continuer « à remplir sa fonction de garant du système capitaliste, même s’il le fait d’une manière directe et particulièrement visible »[125] :

« Plus encore que celle de 2008, la crise actuelle démontre que, malgré toutes ses défaillances, si l’État ne peut pas tout, il peut beaucoup, mais que sa puissance est au service du système capitaliste. Elle révèle donc ce qu’ont de faux les deux idéologies dominantes symétriques : le discours néolibéral qui veut faire oublier le rôle de l’État ; le discours étatiste-souverainiste qui veut laisser penser que l’État est parfaitement autonome. »

Au total, on peut se demander dans quelle mesure l’échec du capitalisme sanitaire ne peut-il pas faire renaitre l’idée de l’auto-organisation – contre l’État et contre le capital ?

Inégalités et covid-19

Le développement du covid-19 à partir de début mars a eu un effet tétanisant sur la société. L’énumération quotidienne du nombre de morts en Italie puis en France a semblé être un puissant unificateur. Ne serions-nous pas tous égaux face à la maladie ? Cela ne justifie-t-il pas en conséquence une action massive de l’État afin de protéger une population également en danger ?

D’une certaine manière le début du confinement a fait mentir des décennies de politique publique visant à responsabiliser les individus de leur état de santé. On ne choisit pas d’être malade comme on choisit d’aller voir tel ou tel film au cinéma. Cela fait échos aux travaux en économie politique de la santé qui insistent sur le fait que la santé est un besoin et non une préférence (Batifoulier et al., 2012).

Pour la théorie économique dominante tout se passe comme si les individus avaient un capital santé à gérer tout au long de leur vie en fonction de leurs préférences. Or, si la maladie est de la responsabilité du malade, car il a préféré prendre un risque plutôt que d’adopter un comportement prévenant, il doit payer plus pour les soins et cela justifie une dépolitisation de la santé. Avec la pandémie du covid-19, pendant un bref instant, on a pu penser que la maladie frapperait de façon homogène la population. D’où le moment bref de résurgence du politique et d’oubli de la contrainte économique.

Néanmoins, assez rapidement il a été mis en évidence que comme pour la plupart des pathologies, le covid-19 choisit ses victimes. Non seulement il est possible de montrer que certains groupes sociaux sont plus touchés que d’autres mais aussi que l’accès aux soins est inégalitaire. Que sait-on sur la dimension inégalitaire du covid-19 ?

La plus flagrante des inégalités a déjà été évoquée dans la section précédente. Il s’agit de la sélection des patients : certains ont été soignés d’autres pas en raison de leur âge, de leur résidence dans un EHPAD, de leur situation de handicap, etc. Une autre inégalité importante porte sur les reports de soins : en raison de la pénurie de lits pour traiter les patients atteints de Covid-19, de nombreux soins qualifiés de non-urgents ont été déprogrammés. Or, les retards de soins sont souvent synonymes de dégradation de la qualité de vie et de perte de chance.

La CNAM a alerté au moins depuis le mois de juin sur les effets négatifs des reports de soins d’un point de vue sanitaire et organisationnel[126]. Pendant le confinement, le nombre d’actes de chirurgiens-dentistes a chuté de 80 à 90%, les généralistes et la sages-femmes ont baissé leur activité de 30%, la vaccination contre le papillomavirus a chuté de 43%, la vaccination ROR (rubéole, oreillon, rougeole) a chuté de 16%, le nombre de dépistage du cancer colorectal est descendu de 75 000 par semaine au début de l’année contre 5 000 par semaine à la mi-mars, etc.

Dans un article de Libération du 17 septembre 2020, Sophie Crozier, membre du collectif inter-hôpitaux s’est alarmée des conséquences de déprogrammation : « On commence à mesurer les dégâts de cette stratégie ce sont des cancers pris avec retard, des maladies chroniques qui se sont aggravées, des pertes de chance à la pelle. On a fait du tri parce que l’on ne comptait que les morts Covid à la télé ». En d’autres termes, pendant le confinement la priorité était de traiter les cas covid-19 au détriment des autres – sans qu’aucun critère de justice n’ait été débattu publiquement.

La CPAM 93 a publié le 24 avril des données liées à l’activité en ville permettant d’avoir une idée de la baisse de la consommation de soin pendant le confinement[127]. Les données comprenaient le nombre de consultations réalisées par les médecins généralistes, spécialistes et centres de santé (2019 vs 2020) avec à chaque fois l’évolution des téléconsultations et la situation spécifique des patients en Affection longue durée. De façon attendue, avec le confinement, toutes les formes de consultations baissent drastiquement à partir du début du confinement (semaine 12)[128]. En semaine 15 (6-12 avril), l’activité a baissé de 43% pour les généralistes, de 73% pour les spécialistes, de 76% pour les centres de santé.

Alors que la baisse du volume d’acte pour les spécialistes est moins forte pour les patients ALD que pour les autres, elle est plus forte pour eux pour les actes généralistes et de centre de santé. On observe une hausse massive des téléconsultations, plus forte chez les généralistes que chez les spécialistes. Pour les généralistes, entre la hausse des téléconsultations et la baisse des autres formes d’activité, la téléconsultation représente 29% du total en S12 contre 0% en début d’année.

Certaines des villes les plus pauvres (Bobigny, Aubervilliers, Clichy sous-bois) semblent montrer un décrochage plus fort que la moyenne. Ce lien reste à confirmer car c’est l’inverse qui se passe à La Courneuve (plus pauvre) et aux Lilas (plus riche). En tous cas, la baisse des consultations en hôpital se double d’une baisse des consultations en ville (généraliste, spécialistes, centre de santé), malgré la hausse des téléconsultations. Les patients ALD sont susceptibles d’être plus frappés que les autres, sauf pour les soins spécialistes.

La DRESS a publié en juillet une veille documentaire sur les inégalité sociales face au Covid-19[129]. Elle souligne la double dimension des inégalités dans le cas de cette pandémie : l’inégalité face au virus (exposition différentielle, vulnérabilité différentielle, accès inégal aux soins) et l’inégalité face au confinement.

Les inégalités sociales face au virus comprennent le risque d’exposition plus élevé pour certaines activités professionnelles. Les risques sont plus élevés pour le personnel soignants et les travailleurs précaires. Dans le secteur agro-alimentaire 50% des travailleurs étaient encore sur site pendant le confinement (40% dans la santé et l’action sociale, 30% dans le transport). Le rapport de la DREES cite une étudie de l’INED selon laquelle 1/3 des cadres ont été obligés de sortir de chez eux pendant le confinement contre ¾ des employés et 96% des ouvriers.

Les conditions de vie et la promiscuité sont une autre inégalité sociale face au virus : les chances d’être contaminés sont plus élevées dans lorsque l’on réside en logements collectifs ou en établissements fermés. Le mal logement et le surpeuplement sont des situations à risque. L’inégalité d’accès aux mesures de protection constitue un autre facteur d’inégalité face au virus. Il s’agit de l’accès au matériel de protection (masques, gel hydro alcoolique, gants, produits d’hygiène, etc.) mais aussi la compréhension des mesures sanitaires de prévention et la confiance vis-à-vis des autorités. L’inégalité d’accès aux soins se mesure aussi par le fait d’avoir une complémentaire santé permettant de financer la part non remboursée par la sécurité sociale.

Concernant les inégalités sociales face au confinement, la DREES souligne plusieurs points d’attention. Des risques accrus sur la santé mentale semblent probables tant chez les personnes conservant une activité que les autres (anxiété, trouble du sommeil, de la concentration, tristesse). Le confinement accroît les risques sur la sécurité physique des personnes (suicide, violence sur les femmes et les enfants principalement, etc.). Enfin, la DREES pointe le risque d’augmentation significative du travail domestique à la charge des femmes.

Les craintes de la DREES ont été confirmées par les premiers résultats obtenus. Une étude menée par Nadine Levratto et ses collègues a mis en évidence les effets différenciés de la pandémie sur les inégalités territoriales[130]. À partir d’une approche d’économie spatiale, les auteurs montrent que le taux d’hospitalisation est positivement corrélé à la part des ouvriers dans la population active. Dans ces territoires, le télétravail était moins fréquent et les plans de continuité de l’activité plus fréquents. De même, les auteurs trouvent que dans les zones où il y a moins de service d’urgence, il y significativement plus d’hospitalisation, suggérant qu’une meilleure prise en charge permet de réduire le risque d’évolution dangereuse de la maladie.

D’autres travaux ont également cherché à montrer le lien entre pauvreté et covid-19. Par exemple, dans une étude de Paul Brandily et collègues[131], les auteurs montrent que la surmortalité due au covid-19 est significativement plus forte dans les communes faisant partie des 25% les plus pauvres (+88% contre +55%). L’essentiel de cette différence s’explique par le surpeuplement des logements et la fréquence des contacts sociaux liées aux métiers. Les auteurs parlent ainsi d’« une pandémie de la pauvreté »[132].

Pour le temps du confinement, le fait que les classes populaires soient plus touchées par la pandémie en raison de leur maintien au travail a mis en avant le sentiment d’un retournement des représentations : ce sont les classes populaires qui permettent aux classes dirigeantes de vivre et pas l’inverse. Comme l’a souligné la sociologie Marie-Hélène Bacqué par exemple,

« Malgré la pandémie, le RER ne s’est jamais arrêté de circuler car il est un fil indispensable pour faire vivre la métropole. […] Ce sont les populations aisées, avec des emplois qualifiés, qui sont dépendantes des personnes qui occupent des emplois précarisés. Les livreurs, les aides-ménagères, les femmes de ménage, les gardiens… Toutes ces personnes ont continué à travailler pendant le confinement et ont permis aux autres de rester confiné. Et le RER est le fil qui relie ces deux mondes. »[133]

La parenthèse n’a pas durée et les promesses de lendemain qui chante se sont estompées. Ce changement regard doit être l’opportunité d’interroger le lien entre pauvreté et risque d’être atteint du covid-19. Ce n’est peut-être pas parce qu’ils sont pauvres qu’ils sont malades, mais parce qu’ils sont exploités. Comme on l’a vu, les travaux montrent qu’il existe un lien statistique entre le niveau de revenu et la probabilité d’être atteint du covid-19.

Néanmoins, ce n’est pas la pauvreté monétaire, c’est-à-dire le fait d’avoir peu d’argent, qui explique que l’on tombe malade du covid-19. Le virus ne regarde pas le compte en banque des gens. La pauvreté monétaire n’est qu’un indicateur d’une réalité sociale plus importante : la place dans le rapport de production – autrement dit le capitalisme – et la capacité de résister aux ordres des propriétaires des moyens de production.

Le virus se diffuse par contacts longs et rapprochés. Quelles sont les métiers qui supposent le plus de contacts non réductibles par le télétravail, la suspension de l’activité ou l’amélioration des conditions d’hygiène ? L’hôtellerie-restauration, le transport et la logistique, les services à la personne, l’entretien, l’industrie agro-alimentaire, etc. Dans tous ces secteurs, la grande mode du confinement a été de reconnaitre qu’ils étaient essentiels (donc impossible à suspendre ; stay at work !) mais très mal rémunérés.

Le rapport de force des travailleurs avec le capital y est défavorable depuis longtemps et il a été extrêmement difficile d’obtenir la suspension de certaines de ces activités, le télétravail ou le respect de conditions d’hygiène drastiques. C’est d’ailleurs parce que le rapport de force y est défavorable que ces travailleurs ont aussi de petites rémunérations et peu de reconnaissance sociale. Ces petites rémunérations impliquent que ces travailleurs habitent en périphérie, qu’ils utilisent plus souvent les transports en commun bondés et qu’ils vivent dans des logements surpeuplés.

Ce n’est donc pas la pauvreté qui rend malade, c’est l’intensité de l’exploitation Qu’est-ce que cela change d’un point de vue d’économie politique ? L’augmentation des salaires est bonne à prendre mais elle ne changera pas les rapports de production et tout ce qu’ils impliquent de subordination dans la division sociale du travail. La prise en charge gratuite des soins est bonne à prendre mais elle arrive trop tard : en quoi le fait de rembourser les soins gratuitement implique-t-il l’obligation de prendre un risque pour sa santé ?

Quand il faudra recommencer à envoyer les plus exploités en première ligne, rien n’aura changé d’un point de vue sanitaire… même si les salaires sont meilleurs, même si les soins sont gratuits. D’où l’intérêt de focaliser l’attention sur les rapports de production plutôt que sur les inégalités monétaires qui n’en sont qu’une conséquence. Ce n’est qu’en renversant les rapports de production qu’il sera possible pour les travailleurs de définir eux-mêmes sous quelles conditions le travail n’engendre pas de risques démesurés pour la santé – peu importe leur niveau de rémunération et la gratuité des soins. La santé aussi c’est la lutte des classes.

L’introuvable « plan massif » pour l’hôpital

Le confinement a été marqué par une parenthèse de la contestation politique. En dehors des tribunes et des plateaux-télés, la population a été prise en étau entre l’injonction du « restez chez vous » et la conduite autoritaire du pouvoir (cf. section 3.1.). L’interdiction des rassemblements étant justifiée par la volonté de réduire le développement de la pandémie, l’un des faits majeurs du confinement a été la quasi-impossibilité de s’opposer à l’État.

Alors que près d’une année de grève contre l’austérité à l’hôpital n’avait pas suffi à attirer l’attention sur les professionnels de santé, pendant le confinement, ils ont été héroïsés. D’abord par les applaudissements aux fenêtres, copiés sur le modèle italien. Le président de la République a lui-même pris sa part, notamment en décalant ses interventions télévisées quelques minutes après 20 heures pour ne pas briser l’hommage[134].

Mais surtout, Emmanuel Macron a développé la métaphore guerrière lorsqu’il a fallu chercher à dissoudre toute forme de protestation. Il a utilisé la rhétorique guerrière sans utiliser les outils de l’économie de guerre. Le 25 mars il proclame à nouveau l’état de guerre contre le virus, il annonce que trois premiers soignants sont tombés dans la région Grand-Est et il demande à ce que la population refuse la division. En contrepartie, il concède les erreurs du passé et promet un « plan massif » pour l’hôpital :

« Nous serons là aussi au rendez-vous de ce que nous devons, au-delà de cette reconnaissance et du respect. J’ai demandé au gouvernement d’apporter une réponse claire et forte de court terme pour l’ensemble des personnels soignants comme pour l’ensemble des fonctionnaires mobilisés afin de majorer les heures supplémentaires effectuées et sous forme d’une prime exceptionnelle, pour pouvoir accompagner financièrement cette reconnaissance. Mais plus largement, nos soignants qui se battent aujourd’hui pour sauver des vies se sont hier battus hier pour sauver l’hôpital, notre médecine. Beaucoup a été fait, sans doute pas suffisamment vite, pas suffisamment fort. L’engagement que je prends ce soir pour eux et pour la nation toute entière c’est qu’à l’issue de cette crise un plan massif d’investissement et de revalorisation de l’ensemble des carrières sera construit pour notre hôpital. C’est ce que nous leur devons. C’est ce que nous devons à la nation. Cette réponse sera profonde et dans la durée. »[135]

Ces promesses doivent être mises au regard du bilan de la crise pour les professionnels de santé. Entre le lancement du plan Blanc le 6 mars et la fin du confinement le 11 mai, les personnels hospitaliers ont dû faire face à la pandémie malgré le manque de lit, le manque de personnel et les pénuries (de masques, de respirateur, blouses, de gants, etc.). En plus des conséquences sur les malades (refus et reports de soins), les conditions de travail ont engendré des contaminations de personnels hospitalier (soignants ou non) et des décès. Aucun bilan national fiable et définitif n’est pour l’instant disponible.

Au 20 avril 2020, 4 275 professionnels de l’AP-HP avaient été infectés (4% du total des effectifs) pour trois décès[136]. Au 3 juin, selon la Caisse autonome de retraite des médecins de France, 26 médecins libéraux en activité seraient également décédés du covid-19[137]. 6 000 auraient demandé un arrêt de travail du fait du Covid-19. Au 11 juin, BFM TV annonce au moins 50 000 soignants infectés[138]. Dans les établissements de santé, Santé publique France comptabilise 33 210 infectés au 7 septembre dont 16 décès (5 médecins, 4 aides-soignants, 1 professionnel de santé « autre » et 6 personnels non soignants)[139]. Cette disparité dans les chiffres s’explique par des méthodes de comptage différentes, et peut-être également par l’enjeu financier pour l’État de reconnaissance ou non en maladie professionnelle[140].

Jusqu’au dé-confinement du 11 mai, le gouvernement a cherché à désamorcer la contestation latente des professionnels de santé par des annonces multiples. Cependant, il faut rappeler qu’une semaine après la promesse du « plan massif » pour l’hôpital, Mediapart a révélé une note de la Caisse des dépôts faisant craindre l’approfondissement de la politique de santé contre laquelle beaucoup de professionnels se sont battus[141]. Avant même de critiquer les pistes évoquées par cette note, l’économiste Jean-Paul Domin a soulevé l’existence d’un problème inhérent au rapprochement du capital et de l’État dans le capitalisme sanitaire :

« N’y a-t-il pas un évident conflit d’intérêt à demander un rapport à la CDC sur l’hospitalisation ? La CDC, via une de ses filiales Icade santé, est un acteur majeur de l’hospitalisation privée lucrative. Icade santé est détenue à hauteur de 38,8 % par la CDC et pour 18,4 % par Prédica SA (la filiale assurance du Crédit agricole). Icade s’est spécialisée sur le marché de l’immobilier sanitaire. Elle possède un portefeuille de 135 établissements de santé valorisé à hauteur de 5,5 milliards d’euros. Elle est déjà partenaire de marques reconnues (Elsan, Ramsay santé, Vivalto) ainsi que des groupes régionaux. Icade souhaite également investir le marché des Ehpad et annonce un accord de partenariat avec le groupe Korian. »

Avec cette note, il est apparu difficile de penser à un changement radical de la politique de santé. Ce sentiment a été confirmé par le 4 avril par les déclarations du directeur de l’ARS Grand-Est Christophe Lannelongue selon lequel la restructuration du Centre hospitalier régional universitaire de Nancy, prévoyant la suppression de 598 postes et la fermeture de 174 lits, n’avait aucune raison de ne pas se poursuivre malgré la pandémie[142]. Si quelques jours plus tard il a été limogé[143], on ne peut que se demander si son éviction n’est pas lié davantage à la stratégie de communication de crise du gouvernement qu’à une divergence sur la politique sanitaire.

Il aura fallu attendre le 15 avril pour que le gouvernement précise les déclarations du président du 25 mars et annonce un plan de 110 milliards d’euros, dont 8 milliards pour la santé[144]. Ces financements nouveaux sont destinés à couvrir les dépenses exceptionnelles, tant en termes de matériel que de primes. La prime s’élève de 500 à 1 500 € en fonction de critère géographiques afin de distinguer les territoires très touchés des autres. À cela s’ajoute une majoration de 50% des heures supplémentaires. Dans les deux cas, les versements sont défiscalisés et désocialisés. Encore une fois, la politique de la prime s’impose face au salaire.

Sans revenir sur l’attribution de médailles qui a été assez largement considérée par les professionnels comme une initiative insultante[145], la prime a fait l’objet de nombreuses critiques plus ou moins radicales. Le collectif Hôpital ouvert s’est dit choqué et humilié car la prime n’est qu’une une réponse ponctuelle à la crise sanitaire et permet au gouvernement d’occulter la nécessité de répondre à la crise structurelle que connait notre Hôpital[146]. Il refuse par ailleurs l’héroïsation portée par le gouvernement et l’idée même que l’engagement professionnel soit en mesure d’être acheté :

« […] nous, soignants de l’hôpital public, sommes des fonctionnaires d’État, et à ce titre, travaillons à une mission de service public, en l’occurrence le soin. Notre mission est indépendante de la charge de travail, physique ou psychologique qu’elle implique. Aussi, notre actuelle mobilisation n’a rien d’héroïque, elle fait partie intégrante de notre engagement professionnel. Nous ne la menons pas par motivation financière, mais par engagement social et humain. Vouloir y répondre par une gratification monétaire est un affront que nous fait le gouvernement. »

Les annonces ont en outre pris du temps à être suivi d’effets : annoncée le 25 mars, adopté en conseil des ministres le 15 avril, les décrets d’application n’étaient pas publiés au 5 mai[147]. Dans certains hôpitaux les directions ont prévenu qu’elles ne pourraient pas payer les heures supplémentaires qui devraient se transformer en jours de repos. Alors qu’au cœur de la crise la conflictualité entre l’administration et les professionnels de santé avaient été suspendue, progressivement le contrôle budgétaire a refait surface avec les tensions qui y sont liées. Pour ces raisons, les professionnels ont repris le travail de mobilisation pour éviter « le retour à l’anormal, comme avant » [148].

Le 17 mai est annoncé un Ségur de la santé visant à produire par la concertation le « plan massif » proposé par le président le 25 mars. Au moment même où allait commencer les débats, le gouvernement faisait savoir que la dette accumulée pendant la période du covid-19 serait supportée par la Sécurité sociale, via la CADES, et non l’État. Or, l’augmentation massive de la dette est liée à la décision de l’État de suspendre le versement des cotisations et d’améliorer certaines prises en charge.

Pourquoi ce n’est pas à l’État de supporter les coûts de son incapacité à anticiper et gérer la pandémie ? L’économiste Michael Zemmour souligne qu’en faisant ce choix la Sécurité sociale devra payer près d’une dizaine de milliards d’euros par an pour le remboursement de la dette contre seulement un milliard si l’État l’avait prise à sa charge[149]. Le remboursement de la dette devra se faire au détriment du versement de prestations sociales et au prix de nouvelles mesures d’austérité budgétaire. Dès la fin du mois de mai, il était donc entendu que la Sécurité sociale continuerait à subir le fardeau de la dette.

Les négociations du Ségur de la Santé, dirigées par l’ancienne dirigeante de la CFDT Nicole Notat[150], ont été longues (25 mai – 10 juillet) et ont été rythmées par des manifestations, notamment les 16 et 28 juin. Les deux mesures principales sont l’augmentation de la rémunération des professionnels à hauteur de 8,2 milliards d’euros annuels (7,6 milliards pour les métiers non-médicaux, 450 millions pour les médecins et 200 millions pour les étudiants) et un plan d’investissement de 19 milliards d’euros[151]. Mais comment juger les résultats du Ségur ? Peut-ont parler d’un « changement de philosophie » comme l’indique le journal Le Monde[152] ?

Concernant les 19 milliards d’euros d’investissements, 13 milliards d’euros portent sur la reprise de la dette (c’est-à-dire des investissement passés) et 6 milliards d’euros sur des investissements nouveaux. Ces 6 milliards d’euros devront être partagés entre l’investissement numérique (2 milliards) et le secteur médico-social (1,5 milliards). Il n’y aura donc que 2,5 milliards d’euros d’investissements nouveaux pour l’hôpital, le tout étant lissé sur 5 ans – soit 500 millions d’euros par an.

Du côté des 13 milliards d’euros de reprise de la dette, il faut se rappeler que 10 milliards d’euros de reprise avaient été prévus en novembre 2019 (cf. section 1.). N’ayant pas d’éléments permettant de penser que les 13 milliards du Ségur s’ajoutent aux 10 milliards de novembre 2019, il s’agit très probablement d’une rallonge de la reprise de la dette de 3 milliards d’euros. Rappelons enfin d’ailleurs que la reprise de la dette est conditionnée par l’acception de plans de restructuration décidé par l’État.

Concernant les 8,2 milliards d’euros de revalorisation des rémunérations, la communication du gouvernement a massivement insisté sur les 180€ nets d’augmentation par mois pour les personnels non médicaux. C’est une hausse significative, surtout si on se rappelle des faibles résultats de mobilisation historique de 2019, mais elle est loin de la revendication de 300 €, qui n’a pour objectif que de ramener les salaires français à la moyenne des pays de l’OCDE. L’augmentation aura lieu en deux fois et les soignants devront attendre mars 2021 pour percevoir l’intégralité des 180€. Cette rémunération prendra vraisemblablement la forme de primes et non de salaires.

Il reste une incertitude sur les bénéficiaires de ces hausses. Les stratégies d’externalisation de certains métiers (entretien, restauration, hôtellerie, etc.) vont-elles exclure ces salarié·e·s ? Les négociations sur les grilles salariales sont renvoyées à plus tard. Encore une fois, la question des salaires est esquivée au profit d’une stratégie de primes. Comme dans le reste de la fonction publique et du privée, la lutte contre le salaire, mesuré au point d’indice ou non, reste la règle. Autre point important, le Ségur prévoit 15 000 embauches mais il s’agit en réalité de 7 500 supports de postes nouveaux, la différence étant le nombre de postes vacants avant la crise – soit 7 500 postes supplémentaires pour 1,115 millions d’agents de la fonction publique hospitalière.

Au total, le prétendu « plan massif » pour l’hôpital est constitué de primes pour les professionnels à hauteur de 8,2 milliards, de 500 millions d’euros d’investissements par an pendant 5 ans et de la reprise de 3 milliards d’euros de dette. Il faut rajouter aux mesures du Ségur, le plan de 10 milliards de reprise de la dette hospitalière décidé en novembre et les 3,5 millions d’investissements prévu par le Ségur mais ne concernant pas exclusivement l’hôpital. Notons enfin qu’à aucun moment n’est faite la distinction entre l’hôpital public et l’hôpital privé.

Si les mesure du Ségur de la santé sont significatives par rapport à l’histoire récente de l’hôpital, il faut les relativiser à l’aune de la situation : 20 ans d’austérité et… une crise sanitaire et économique inconnue en France depuis la Seconde Guerre mondiale. De plus, le Ségur de la santé esquive beaucoup de problèmes centraux dans l’organisation du système de soin[153].

Rien n’a été dit sur la structure du pouvoir dans les hôpitaux. Si les hôpitaux sont devenus des petites entreprises, ils sont pieds et poings par leur hiérarchie : ARS et ministère. A quand une démocratisation de l’hôpital public ? A quand une re-démocratisation de la sécurité sociale ? Il ne suffit pas de dire qu’il faut plus de financement, il faut encore que ces financements puissent être utilisés en dehors des logiques marchandes et bureaucratiques. Pourquoi ne pas redonner le pouvoir aux travailleurs et aux cotisants ?

Rien n’a été dit sur le financement des mesures annoncées. Jusqu’à maintenant, chaque dépense nouvelle dans l’ONDAM était financée par des économies sur d’autres postes de l’ONDAM – si bien que les ministres peuvent dire sans mentir qu’ils augmentent les budgets alors qu’ils les baissent ! La gloire de l’hôpital public a été fondée sur l’augmentation progressive de la cotisation sociale – et non par de l’impôt ou de l’emprunt (public ou privé). Si à court/moyen terme on peut laisser filer la dette, est ce que cela sera au prix de plus d’austérité demain ?

Rien n’a été dit l’hôpital entreprise. Le premier problème de l’hôpital est le niveau des dépenses, trop faible (ONDAM). Le fait d’imposer à l’hôpital de se comporter comme une entreprise à but lucratif, avec par ex la T2A, n’est en fin de compte qu’une méthode de rationnement. Si la question du budget est plus importante, celle de l’organisation compte énormément pour les travailleurs. Va-t-on en finir avec l’industrialisation des soins ? La gestion par objectifs quantifiés de productivité ? la logique de concurrence ? Le minutage de tous les temps ?

Rien n’a été n’a été dit sur l’articulation ville-hôpital. La souffrance à l’hôpital provient de l’absence complète de régulation de la médecine de ville – où il est plus difficile de contrôler l’évolution des dépenses. On peut vouloir réduire la place de l’hôpital, uniquement à condition que les structures de ville suivent (médical, médico-social, etc.). Or, en raison des coûts et de la désorganisation du système, l’hôpital public est souvent un refuge nécessaire pour de nombreuses personnes (malades ou non).

Rien n’a été dit sur l’articulation du privé et du public. Au contraire, certains syndicats se sont plaints de l’absence de séparation des mesures. Il faut dire que le privé à but lucratif s’organise depuis plusieurs années pour se développer où c’est rentable, au risque d’accroître les inégalités.

Si on peut comprendre que certains syndicats aient signé les accords de Ségur, ce qui est pris n’étant plus à prendre, il serait illusoire que de croire que les mesures du Ségur seront suffisantes pour améliorer le système de santé. L’accord salarial permet aux travailleurs de serrer les dents un peu plus dignement mais que va-t-il se passer avec tout le reste ?

Pour toutes ces raisons la mobilisation des professionnels hospitaliers a connu un regain significatif dès avant la fin du Ségur de la Santé. Par exemple, le syndicat Sud Santé Sociaux a déposé un préavis de grève illimité à compter du 22 mai au CHU de Bordeaux pour protester contre les primes et la faiblesse de la réponse politique à la crise sanitaire[154]. Par un communiqué du 26 mai, le collectif inter-urgence s’indigne de ne pas être invité aux négociations du Ségur au motif qu’il serait une organisation sectorielle (services des urgences) alors qu’il a été à l’origine du mouvement de 2019. Le 29 mai, tandis que la CFDT se dit prête à accepter des accords locaux pour remettre en cause les 35 heures, les autres syndicats s’insurgent contre cette perspective et préparent de futures mobilisations dans la rue[155]. Le 2 juin, le syndicat Sud Santé Sociaux décide de quitter les négociations du Ségur en raison d’écart trop important entre les revendications et les propositions du gouvernement[156].

Avec l’assassinat de Georges Floyd le 25 mai aux États-Unis et la naissance du mouvement Black lives matter, la reprise des manifestations s’accélère en France. Les mobilisations du 2 et du 13 juin autour du comité Vérité pour Adama ont supprimé l’effet tétanisant du covid-19 sur la contestation politique. Le 16 juin a lieu la première grande manifestation de soignants depuis le début de la crise sanitaire. Plus de 220 rassemblements ont été organisés comptabilisant au total plusieurs dizaines de milliers de personnes[157].

Le 20 juin l’association Attac et le collectif inter urgence ont aspergé du faux sang sur l’entrée du ministère de la santé[158]. Une nouvelle grande manifestation est organisée le 30 juin[159], à ce moment-là le gouvernement propose 6,3 milliards d’euros de revalorisations (8,2 milliards au final). La fin du Ségur n’apaise que très modérément les tentions durant l’été. Le 14 juillet des contre-manifestations sont organisées pour protester contre les honneurs réservés lors des cérémonies officielles aux soignants[160]. Le 19 aout, France info révèle que plusieurs services d’hôpitaux se mettent en grève illimitée, notamment à Laval en Mayenne où la pandémie reprend son développement. La signature des accords du Ségur est un trompe-l’œil car les signataires n’avaient pas pris part au mouvement de grève entamé en 2019[161]. Les professionnels craignent une éventuelle reprise de l’épidémie à l’automne. Le 23 aout le Collectif inter-hôpital publie un communiqué démentant l’affirmation du ministre de la Santé Olivier Véran selon lequel les hôpitaux seraient prêts pour la deuxième vague.

Malgré ces protestations, aucune annonce nouvelle n’est venue répondre aux inquiétudes des professionnels mobilisés. Le 3 septembre dernier le gouvernement a présenté son plan de relance de l’économie à 100 milliards. De cette somme, pas un euro de plus n’est consacré à l’hôpital. Le volet santé du plan est constitué par les annonces du Ségur. De même la santé est, d’après un article paru dans Le Monde, la « grande oubliée du plan de relance européen » [162].

A la fin de l’été 2020, le « plan massif » pour l’hôpital est introuvable. La politique sanitaire semble par ailleurs rester sur ses dynamiques antérieures : puissance des bureaucraties sanitaires, absence de distinction entre public et privé ce qui permet le développement en silence du capital, approfondissement des investissements numériques (notamment via la télémédecine), promotion de la prime contre le salaire, gouvernement par la dette, refus de la démocratisation des décisions sanitaires, etc.

Il faut reconnaitre que les mesures prises pendant la crise du covid-19 sont nettement plus fortes que celles liées au mouvement historique de 2019. Il faut donc dire que c’est la guerre contre le virus bien plus que la lutte sociale qui a rendu possible l’amélioration des rémunérations à l’hôpital. Évidemment, ces mesures restent trop faibles pour faire face aux enjeux de l’hôpital public. On peut se demander si les professionnels pourraient résister à une nouvelle secousse semblable à celle de mars/avril. Cette question est d’autant plus importante que le Plan blanc a été réactivé dès la mi-août dans les Bouches du Rhône[163] faisant craindre un retour massif de l’épidémie à l’automne[164].

Conclusion

Une grande grève et une pandémie plus tard, l’État n’a toujours pas pris des décisions permettant de répondre aux problématiques du système de santé. Cette situation est liée à l’incapacité au refus d’opposer capitalisme sanitaire et sécurité sociale mais surtout à l’oubli des fondements de la sécurité sociale : le conflit non institutionnalisé – contre l’État, contre le capital.

A la suite de la gestion catastrophique de la crise une commission d’enquête parlementaire a été créée[165] et des plaintes ont été déposés contre des ministres, notamment Édouard Philippe[166] et Jean Castex[167]. Mais, pense-t-on réellement que les institutions (parlement, justice, bureaucraties sanitaires, etc.) qui ont co-produit la situation actuelle sont en mesure d’évaluer les responsabilités devant la crise sanitaire et la contribution des années de casse de la Sécurité sociale ?

La pandémie a montré que le gouvernement passe une grande partie de son temps à mentir. Il ment soit directement, par exemple en disant en moins de trois mois que les masques sont inutiles puis qu’ils sont obligatoires sous peine de contravention, soit indirectement par la manipulation des chiffres et des mots, par exemple en annonçant à intervalle régulier des plans d’urgence pour la santé qui sont au mieux très insuffisants et qui au pire supposent de faire des économies ailleurs dans le système de santé.

Il faut s’interroger sur les répertoires d’action des militants favorables à l’extension de la Sécurité sociale. Ce n’est pas facile de critiquer les professionnels qui se sont mobilisés et qui ont tenu l’hôpital à bout de bras pendant la pandémie. Mais ce n’est pas leur rendre service que de ne pas constater que toutes ces mobilisations, comme celles contre la réforme des retraites et de l’université, n’ont pas été efficaces. Pour quelles raisons les militants prennent encore au sérieux le gouvernement en acceptant ses problématiques et les règles du jeu qu’il impose par la loi – quitte à faire évoluer la loi pour étouffer la contestation ?

On a vu cette année à quelle vitesse les applaudissements quotidiens ont laissé place aux coups de matraque pour les soignants pourtant héroïsés[168]. La volonté du monde de la santé de montrer sa légitimité a atteint ses limites. Les jetés de blouses ou les SOS des hôpitaux n’ont pas eu d’effets avant la crise. La crise que l’on connaît aura à peine suffi à arracher quelques milliards, comme d’autres secteurs pourtant moins sollicités. Peut-être faut-il penser à des stratégies de lutte moins institutionnalisées, plus en phase avec l’histoire de la sécurité sociale ?

Notes

[1] https://www.liberation.fr/direct/element/y-a-pas-dargent-magique-repond-emmanuel-macron-a-une-soignante-qui-deplore-le-manque-de-moyens-des-h_80049/

[2] https://reporterre.net/La-maternite-de-Die-a-ferme-et-le-petit-Aime-est-mort

[3] On pourra consulter ici le site internet de l’association qui relaie les actions locales et nationales des militants : http://coordination-defense-sante.org/.

[4] https://www.lci.fr/population/paris-aphp-hopitaux-les-urgentistes-de-l-hopital-saint-antoine-en-greve-illimitee-agressions-2116103.html

[5] https://www.whatsupdoc-lemag.fr/grand-format/inter-urgences-cest-quoi

[6] On pourra consulter ici le site internet du collectif qui relaie les actions locales et nationales des militants : https://www.interurgences.fr/.

[7] https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2019/05/06/les-annonces-apres-le-grand-debat-national

[8] https://www.lemonde.fr/societe/article/2019/06/14/urgences-le-gouvernement-debloque-70-millions-d-euros-pour-des-mesures-immediates_5476242_3224.html

[9] https://www.francetvinfo.fr/economie/greve/greve-aux-urgences/hopitaux-quelles-sont-les-revendications-des-soignants-engreve_3484345.html

[10] https://www.interurgences.fr/2019/08/communique-de-presse-03-juillet-2019/

[11] https://www.interurgences.fr/2019/08/communique-du-21-aout/

[12] https://solidarites-sante.gouv.fr/actualites/presse/dossiers-de-presse/article/pacte-de-refondation-des-urgences

[13] Objectif national de dépenses d’assurance maladie ; le budget de la santé. Voir la première partie du texte.

[14] https://blogs.alternatives-economiques.fr/rcerevue/2020/05/31/les-crises-de-l-hopital-public-entretien-avec-brigitte-dormont

[15] Si une année tel médicament vaux 1€ et que l’année suivante il en vaut 2€, pour être en mesure de prodiguer le même nombre de boite de ce médicament il faudra plus d’argent. Si le budget reste identique, on devra diminuer la distribution des médicaments d’une année sur l’autre.

[16] On pourra consulter ici le site internet du collectif qui relaie les actions locales et nationales des militants : https://www.collectif-inter-hopitaux.org/.

[17] Soit plus que l’augmentation tendancielle pour 2020 (3,3 %), autrement dit une augmentation réelle du budget.

[18] https://www.syndicat-infirmier.com/Preavis-greve-infirmieres-jeudi-14-novembre-2019-hopital-cliniques-Ehpad.html

[19] https://www.midilibre.fr/2019/11/14/hopital-emmanuel-macron-admet-que-la-crise-est-plus-grave-quil-ne-le-pensait,8541807.php

[20] https://www.gouvernement.fr/partage/11283-plan-d-urgence-pour-l-hopital-ma-sante-2022-discours

[21] https://blogs.alternatives-economiques.fr/rcerevue/2020/05/31/les-crises-de-l-hopital-public-entretien-avec-brigitte-dormont

[22] https://www.francetvinfo.fr/economie/greve/greve-du-5-decembre/greve-du-17-decembre-les-personnels-de-l-hopital-mobilises_3748977.html

[23] https://sante.lefigaro.fr/article/hopital-plus-de-1000-medecins-menacent-de-demissionner-de-leurs-responsabilites/

[24] https://www.nouvelobs.com/societe/20200115.OBS23498/des-medecins-jettent-leurs-blouses-blanches-contre-le-manque-de-moyens-a-l-hopital.html

[25] https://www.francetvinfo.fr/sante/enfant-ado/epidemie-de-bronchiolite-plus-de-5000-enfants-amenes-aux-urgences_3769665.html

[26] https://www.liberation.fr/debats/2020/01/03/l-appel-des-parents-pour-la-reanimation-pediatrique_1771374

[27] https://www.ouest-france.fr/pays-de-la-loire/angers-49000/angers-apres-le-deces-d-un-patient-passe-aux-urgences-la-direction-reagit-6404153

[28] https://www.20minutes.fr/faits_divers/2674055-20191213-brest-apres-six-heures-passees-brancard-urgences-homme-86-ans-decede

[29] https://www.francebleu.fr/infos/societe/video-negligence-incompetence-une-petite-fille-de-11-ans-meurt-a-l-hopital-necker-sa-maman-temoigne-1580396858

[30] https://www.interurgences.fr/2020/02/communique-de-presse-24-fevrier-2020/

[31] https://www.la-croix.com/France/Le-premier-Francais-mort-coronavirus-etait-enseignant-lOise-2020-02-26-1201080624

[32] On peut d’une certaine manière tirer les mêmes conclusions à propos du mouvement contre la réforme des systèmes de retraite et, dans une moindre mesure, du mouvement des gilets jaunes.

[33] https://www.lequotidiendumedecin.fr/actus-medicales/politique-de-sante/roselyne-bachelot-personne-nimaginait-une-crise-de-cette-violence

[34] https://www.lequotidiendumedecin.fr/actus-medicales/politique-de-sante/claude-evin-une-reponse-adaptee-et-proportionnee

[35] https://www.lequotidiendumedecin.fr/actus-medicales/politique-de-sante/marisol-touraine-loccasion-de-penser-une-veritable-europe-sanitaire-et-sociale

[36] https://www.lequotidiendumedecin.fr/actus-medicales/politique-de-sante/elisabeth-hubert-olivier-veran-le-bon-ton-et-la-bonne-demarche

[37] https://apps.who.int/gpmb/assets/annual_report/GPMB_annualreport_2019.pdf

[38] https://theconversation.com/la-france-en-penurie-de-masques-aux-origines-des-decisions-dÉtat-134371

[39] https://www.fakirpresse.info/Le-vrai-CV-de-Roselyne-Bachelot

[40] https://formindep.fr/un-ministre-de-la-sante-ca-ose-tout-cest-meme-a-ca-quon-le-reconnait-2/

[41] http://www.slate.fr/france/52325/nicolas-sarkozy-conflits-dinterets-transparence

[42] Notons que cet épisode n’est pas sans lien avec la remarque de l’OMS sur la perte de confiance dès les gouvernements.

[43] https://www.nationalgeographic.fr/sciences/2020/04/les-experts-parlent-du-risque-pandemique-depuis-des-decennies-pourquoi-netions

[44] https://qg.media/2020/03/26/sur-la-situation-epidemique-par-alain-badiou/

[45] On trouvera ici le calendrier des actions entreprises par le gouvernement : https://www.gouvernement.fr/info-coronavirus/les-actions-du-gouvernement.

[46] https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/le-vrai-du-faux/coronavirus-agnes-buzyn-a-t-elle-sous-estime-le-risque-de-propagation-en-france_3851495.html

[47] Selon l’OMS, la différence entre pandémie et épidémie est l’ampleur géographique du phénomène. Une pandémie est une épidémie généralisée à large partie de la planète.

[48] https://sante.journaldesfemmes.fr/fiches-maladies/2622449-plan-orsan-reb-definition-signification-qui-declenche-coronavirus-definition-duree/

[49] https://www.lemonde.fr/sante/article/2020/02/25/coronavirus-quel-dispositif-sanitaire-en-cas-d-epidemie-en-france_6030770_1651302.html

[50] https://www.lemonde.fr/politique/article/2020/03/16/nous-sommes-en-guerre-retrouvez-le-discours-de-macron-pour-lutter-contre-le-coronavirus_6033314_823448.html

[51] https://www.lefigaro.fr/elections/municipales/guillaume-tabard-le-casse-tete-municipal-des-ministres-20200120

[52] https://www.lemonde.fr/politique/article/2020/02/14/benjamin-griveaux-renonce-a-la-mairie-de-paris-apres-la-diffusion-d-images-privees-a-caractere-sexuel_6029533_823448.html

[53] https://www.lequotidiendumedecin.fr/actus-medicales/politique-de-sante/jy-vais-pour-gagner-buzyn-remplace-griveaux-dans-la-bataille-de-paris-et-devrait-quitter-le

[54] https://www.lexpress.fr/actualite/politique/coronavirus-quand-agnes-buzyn-remerciait-vivement-anne-hidalgo-pour-sa-mobilisation_2119239.html

[55] https://www.lemonde.fr/politique/article/2020/02/29/reforme-des-retraites-le-gouvernement-annonce-recourir-a-l-article-49-3-pour-faire-adopter-son-projet_6031362_823448.html

[56] https://www.bfmtv.com/people/emmanuel-et-brigitte-macron-au-theatre-pour-inciter-les-francais-a-sortir-malgre-le-coronavirus_AN-202003070063.html

[57] https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2020/03/11/premiere-journee-nationale-dhommage-aux-victimes-du-terrorisme-suivez-la-ceremonie-au-trocadero

[58] Le chemin de croix d’Agnès Buzyn, Le monde, 18 mars 2020.

[59] https://www.huffingtonpost.fr/entry/coronavirus-la-reforme-des-retraites-suspendue-annonce-macron_fr_5e6fd329c5b60fb69ddc13c9

[60] https://www.lemonde.fr/politique/article/2020/05/15/les-municipales-n-auraient-pas-contribue-statistiquement-a-la-propagation-du-covid-19_6039720_823448.html

[61] « Cette pandémie est un désastre que nous avons nous-mêmes créé », Le monde, 24 juin 2020.

[62] http://nakedkeynesianism.blogspot.com/2020/03/world-war-ii-not-new-deal-is-model-for.html?m=1 ; https://www.theguardian.com/commentisfree/2020/mar/24/coronavirus-crisis-change-world-financial-global-capitalism; https://legrandcontinent.eu/fr/2020/05/12/economie-de-pandemie-economie-de-guerre/

[63] https://www.project-syndicate.org/commentary/covid-19-america-response-wwii-mobilization-by-james-k-galbraith-2020-03?barrier=accesspaylog

[64] https://blogs.mediapart.fr/maxime-combes/blog/200320/non-nous-ne-sommes-pas-en-guerre-nous-sommes-en-pandemie-et-cest-bien-assez

[65] Par ailleurs, l’idée selon laquelle l’économie de guerre conduit à l’union sacrée oublie qu’historiquement, si les États cherchent à réaliser l’union sacrée derrière leur projet, de nombreuses résistances populaires s’y refusent.

[66] https://www.mediapart.fr/journal/economie/030420/cedric-durand-l-enjeu-de-cette-crise-est-de-planifier-la-mutation-de-l-economie?onglet=full

[67] https://www.contretemps.eu/sante-publique-economie-democratique/

[68] https://blogs.mediapart.fr/les-invites-de-mediapart/blog/190320/comment-gerer-une-economie-de-guerre-quelle-union-sacree

[69] https://www.vie-publique.fr/fiches/273947-quest-ce-que-lÉtat-durgence-sanitaire

[70] https://www.lemonde.fr/politique/article/2020/03/25/la-crise-sanitaire-ne-peut-pas-etre-la-porte-ouverte-a-tout-l-opposition-politique-monte-au-creneau-contre-les-ordonnances-gouvernementales_6034415_823448.html

[71] https://www.liberation.fr/france/2020/03/26/droit-du-travail-les-syndicats-mefiants_1783233

[72] https://www.leparisien.fr/societe/coronavirus-entre-macron-et-le-conseil-scientifique-des-divergences-de-fond-08-05-2020-8313033.php

[73] https://solidarites-sante.gouv.fr/actualites/presse/communiques-de-presse/article/olivier-veran-installe-un-conseil-scientifique

[74] https://www.hcsp.fr/Explore.cgi/Hcsp

[75] https://www.mediapart.fr/journal/france/020420/masques-les-preuves-d-un-mensonge-d-État?onglet=full

[76] https://www.mediapart.fr/journal/france/100420/masques-apres-le-mensonge-le-fiasco-d-État

[77] https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/faut-il-porter-un-masque-pour-se-proteger-du-coronavirus_3798505.html

[78] https://www.bfmtv.com/sante/coronavirus-dans-quels-cas-faut-il-porter-un-masque-sanitaire_AN-202002240098.html

[79] https://www.lemonde.fr/societe/article/2020/08/29/six-mois-de-consignes-sur-le-masque-en-france_6050316_3224.html

[80] https://www.ouest-france.fr/sante/masques-de-protection/entreprises-elisabeth-borne-envisage-des-assouplissements-sur-le-port-systematique-du-masque-6952772

[81] https://www.ladepeche.fr/2020/09/12/on-vous-explique-laffaire-anthony-smith-cet-inspecteur-du-travail-dont-la-sanction-a-provoque-une-polemique-9066791.php

[82] https://www.mediapart.fr/journal/france/030520/covid-19-des-masques-grand-public-pour-cacher-la-penurie

[83] L’effort de production s’est aussi reporté sur le travail gratuit des détenus de la prison de Val de Reuil : https://www.sudouest.fr/2020/04/21/les-detenus-d-une-prison-normande-participent-a-l-effort-national-en-fabriquant-des-masques-7429000-10618.php.

[84] https://www.publicsenat.fr/article/debat/en-pleine-surproduction-de-masques-en-tissus-made-in-france-l-État-distribue-650-000

[85] https://www.mediapart.fr/journal/france/290420/tests-covid-19-la-defaillance-organisee-au-sommet-de-l-État?onglet=full

[86] https://france3-regions.francetvinfo.fr/hauts-de-france/interview-covid-19-tests-monde-ment-on-ne-pourra-pas-faire-700-000-tests-affirme-pr-froguel-1823368.html#xtor=RSS-3-%5Blestitres%5D

[87] https://www.franceculture.fr/societe/covid-19-700-000-tests-par-semaine-un-objectif-trop-ambitieux

[88] https://www.liberation.fr/france/2020/04/02/dans-les-coulisses-des-tgv-medicalises_1784031

[89] https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/03/23/coronavirus-voici-a-quoi-ressemble-l-hopital-militaire-installe-a-mulhouse_6034110_3244.html

[90] https://www.mediapart.fr/journal/france/200320/les-services-de-reanimation-se-preparent-trier-les-patients-sauver

[91] La typologie comprend trois autres cas : les morts acceptables (patients très âgés ou polypathologiques), les morts inévitables (patient au-delà̀ de toutes ressources thérapeutiques du fait de la sévérité́ de la maladie ou du terrain) et les morts inacceptables (patients jeunes sans comorbidités majeures dont la mort était évitable).

[92] https://www.notretemps.com/famille/guide-aidants/la-moitie-des-personnes-decedees-sont-des-residents-d-ehpad,i218915

[93] https://www.marianne.net/societe/des-personnes-agees-auraient-probablement-pu-etre-sauvees-le-refus-d-hospitalisation-de

[94] https://www.leparisien.fr/oise-60/coronavirus-rien-de-transparent-dans-les-deces-de-l-ehpad-a-crouy-en-thelle-selon-les-familles-03-04-2020-8293851.php

[95] https://www.bastamag.net/tri-des-patients-covid-handicap-reanimation-deces-etabissements-medicaux-sociaux?utm_source=actus_lilo

[96] A ce sujet, un article paru en juillet estime que le cout médico-économique du confinement a été supérieur à ses avantages médico-économiques. Ce calcul, qui suppose d’attribuer une valeur monétaire aux années de vies, peut être consulté ici : https://www.dailymail.co.uk/news/article-8555171/The-cost-lockdown-Britains-economy-not-worth-lives-saved-study-claims.html.

[97] https://www.rfi.fr/fr/france/20200331-coronavirus-la-france-accepte-m%C3%A9decins-cubains-d%C3%A9partements-doutre-mer

[98] https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/coronavirus-cuba-envoie-15-medecins-en-renfort-en-martinique-une-premiere-sur-un-territoire-francais_4023489.html

[99] https://planetes360.fr/singapour-le-tracage-par-appli-degenere-en-surveillance-de-masse/?feed_id=29769&_unique_id=5eb65f58123ec

[100] https://www.contretemps.eu/big-data-coronavirus-sante-publique/

[101] https://www.bfmtv.com/tech/vie-numerique/christophe-castaner-le-tracage-numerique-contraire-a-la-culture-francaise_AN-202003270132.html

[102] https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/04/08/stopcovid-l-application-sur-laquelle-travaille-le-gouvernement-pour-contrer-l-epidemie_6035927_3244.html

[103] https://www.lesnumeriques.com/vie-du-net/stopcovid-premier-bilan-pour-l-application-de-suivi-des-contacts-n150985.html

[104] https://www.rtl.fr/actu/politique/stopcovid-le-premier-ministre-jean-castex-admet-l-echec-de-l-application-7800749612

[105] https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/stopcovid-un-flop-qui-coute-cher_4005091.html

[106] https://www.rtl.fr/actu/justice-faits-divers/stopcovid-anticor-saisit-la-justice-pour-des-soupcons-de-favoritisme-7800587523

[107] https://www.mediapart.fr/journal/france/170420/l-assemblee-les-gauches-dessinent-une-autre-politique-face-la-crise

[108] Rappelons que la création de l’impôt sur le revenu en France date de 1914 dans un contexte de guerre.

[109] https://www.lesechos.fr/economie-france/budget-fiscalite/fonds-de-solidarite-lappel-aux-dons-de-gerald-darmanin-conteste-1190586

[110] https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/le-decryptage-eco-le-coronathon-de-gerald-darmanin_3872175.html

[111] https://www.lefigaro.fr/culture/le-mobilier-national-cede-certains-de-ses-tresors-pour-soutenir-les-hopitaux-20200430

[112] https://lvsl.fr/brader-la-culture-pour-soutenir-les-hopitaux-la-vente-du-mobilier-national-est-un-faux-choix/

[113] https://www.humanite.fr/lhopital-de-montauban-la-tombola-de-la-honte-pour-les-soignants-689986

[114] https://www.parismatch.com/Actu/Sante/Le-gel-hydroalcoolique-produit-par-LVMH-commence-a-etre-distribue-1679224

[115] https://www.huffingtonpost.fr/entry/du-gel-hydroalcoolique-lvmh-vendu-chez-carrefour-le-groupe-plaide-lerreur_fr_5ece2923c5b6367232b0c46a

[116] http://www.ordre.pharmacien.fr/content/download/500436/2275475/version/2/file/CP-CLIO-sant%C3%A9-masques.pdf

[117] https://www.mediapart.fr/journal/france/030520/masques-l-État-s-efface-derriere-les-supermarches?utm_source=twitter&utm_medium=social&utm_campaign=Sharing&xtor=CS3-67

[118] https://www.leparisien.fr/high-tech/l-ap-hp-va-imprimer-en-3d-les-equipements-qui-manquent-dans-ses-hopitaux-03-04-2020-8293692.php

[119] https://www.leparisien.fr/societe/toulouse-deux-infirmiers-qui-demandaient-des-masques-dans-un-ehpad-ont-ete-licencies-06-07-2020-8348394.php

[120] https://www.ladepeche.fr/2020/05/17/coronavirus-sanofi-sexcuse-apres-avoir-annonce-la-priorite-du-vaccin-aux-États-unis,8891579.php

[121] https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/06/24/coronavirus-la-guerre-sans-merci-des-laboratoires-pour-un-vaccin_6043964_3244.html

[122] https://www.contretemps.eu/lutte-classes-travail-covid/

[123] https://www.lesimprimantes3d.fr/fin-mouvement-makers-visieres-3d-20200518/

[124] https://www.mediapart.fr/journal/france/160520/les-mutations-tres-politiques-de-la-societe-francaise

[125] https://www.contretemps.eu/crise-covid19-economique-sanitaire-État/

[126] https://www.liberation.fr/amphtml/france/2020/06/26/pour-l-assurance-maladie-les-recours-aux-soins-ne-reviendront-pas-a-la-normale-avant-l-automne_1792377

[127] http://www.odds93.fr/?babrw=racine/menuhaut/realisations-/portrait-social/babArticle_263

[128] Les résultats présentés ici concernent les données disponibles au 24 avril. Depuis les données ont été régulièrement mises à jour.

[129] Les inégalités sociales face à l’épidémie de Covid-19 – État des lieux et perspectives, DREES (10-07-20).

[130] https://theconversation.com/le-coronavirus-revelateur-des-inegalites-territoriales-francaises-137315

[131] https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2020.07.09.20149955v1

[132] https://legrandcontinent.eu/fr/2020/09/05/une-pandemie-de-la-pauvrete/

[133] https://www.streetpress.com/sujet/1589211379-sans-rer-et-banlieusards-coeur-paris-s-arrete-de-battre

[134] https://www.voici.fr/news-people/actu-people/emmanuel-macron-pourquoi-a-t-il-retarde-le-debut-de-son-allocution-ce-lundi-678408

[135] https://www.youtube.com/watch?v=7lm1cScE92o

[136] https://www.ouest-france.fr/sante/virus/coronavirus/coronavirus-environ-4-des-personnels-de-l-ap-hp-ont-ete-infectes-par-le-covid-19-6816052

[137] https://www.lefigaro.fr/actualite-france/26-medecins-liberaux-en-activite-sont-morts-du-covid-19-en-france-20200605

[138] https://www.bfmtv.com/sante/coronavirus-au-moins-50-000-soignants-contamines-en-france_AN-202006110067.html

[139] https://www.santepubliquefrance.fr/etudes-et-enquetes/recensement-national-des-cas-de-covid-19-chez-les-professionnels-en-etablissements-de-sante

[140] https://www.leparisien.fr/societe/le-covid-reconnu-maladie-professionnelle-pour-certains-soignants-11-09-2020-8382861.php

[141] https://www.mediapart.fr/journal/france/010420/hopital-public-la-note-explosive-de-la-caisse-des-depots?onglet=full

[142] https://www.estrepublicain.fr/edition-nancy-et-agglomeration/2020/04/04/l-avenir-du-chru-de-nancy-la-meme-vision-exigeante

[143] https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/04/08/l-elysee-decide-de-limoger-christophe-lannelongue-directeur-de-l-ars-grand-est_6036037_3244.html

[144] https://www.lefigaro.fr/economie/Édouard-philippe-annonce-une-prime-de-500-a-1-500-euros-pour-les-soignants-20200415

[145] https://www.publicsenat.fr/article/politique/primes-et-medailles-des-mesures-gadgets-pour-les-soignants-182529 ; https://www.europe1.fr/sante/les-soignants-recompenses-par-des-medailles-derriere-le-geste-symbolique-la-foret-des-revendications-3968785

[146] https://blogs.mediapart.fr/hopital-ouvert/blog/070520/covid-la-colere-en-primes-opposition-de-soignants-aux-primes-covid

[147] https://www.lesechos.fr/politique-societe/societe/coronavirus-les-soignants-sans-prime-ni-reconfort-1202327

[148] https://www.mediapart.fr/studio/portfolios/de-nuit-entre-deux-gardes-des-soignants-infatigables-relancent-leur-mobilisation-pour-lhopital

[149] https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/05/26/michael-zemmour-les-assurances-sociales-n-ont-pas-a-supporter-la-dette-due-au-covid_6040735_3232.html

[150] Elle était secrétaire générale de la CFDT lors du plan Juppé de 1995 qu’elle a soutenu.

[151] https://solidarites-sante.gouv.fr/systeme-de-sante-et-medico-social/segur-de-la-sante-les-conclusions/

[152] « 33 mesures pour réformer le système de santé », Le monde, 23 juillet 2020.

[153] https://www.alternatives-economiques.fr/segur-de-sante-faux-semblants-vrais-enjeux/00093002

[154] https://www.revolutionpermanente.fr/Preavis-de-greve-au-CHU-de-Bordeaux-pas-de-primes-mais-des-moyens-pour-l-hopital-public

[155] https://www.revolutionpermanente.fr/Hopital-public-La-CFDT-prete-a-des-accords-locaux-pour-remettre-en-cause-les-35h

[156] Parce que nous voulons continuer à défendre l’hôpital public, la Fédération SUD santé Sociaux claque la porte du Ségur, Communiqué presse SUD santé, 2 juin 2020.

[157] https://actu.fr/societe/manifestation-des-soignants-retour-en-images-sur-la-mobilisation-du-16-juin-en-france_34323551.html

[158] https://www.midilibre.fr/2020/06/20/attac-et-inter-urgences-aspergent-lentree-du-ministere-de-la-sante-de-faux-sang,8941580.php

[159] https://actu.fr/ile-de-france/paris_75056/manifestation-des-soignants-a-paris-nos-images-a-retenir_34664296.html

[160] https://actu.fr/ile-de-france/paris_75056/en-direct-14-juillet-a-paris-une-manifestation-de-soignants-et-de-gilets-jaunes_34936085.html

[161] https://www.huffingtonpost.fr/entry/coronavirus-le-blues-des-soignants-avant-une-rentree-a-hauts-risques_fr_5f3fb65ec5b6763e5dc22584

[162] https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/08/21/la-sante-grande-oubliee-du-plan-de-relance-europeen_6049543_3244.html?utm_term=Autofeed&utm_medium=Social&utm_source=Twitter#Echobox=1598036774

[163] https://marsactu.fr/bref/covid-19-le-plan-blanc-active-dans-les-hopitaux-des-bouches-du-rhone/

[164] https://legrandcontinent.eu/fr/2020/08/31/covid-19-deuxieme-vague/

[165] https://www.lemonde.fr/politique/article/2020/09/24/commission-d-enquete-sur-le-covid-19-au-senat-agnes-buzyn-et-sibeth-ndiaye-sous-le-feu-des-critiques_6053388_823448.html

[166] https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/coronavirus-63-plaintes-deposees-contreÉdouard-philippe-et-ses-ministres_3963977.html

[167] https://www.lemonde.fr/societe/article/2020/09/17/une-association-de-victimes-du-covid-19-porte-plainte-contre-jean-castex_6052587_3224.html

[168] https://www.frustrationmagazine.fr/nos-heros-soignants-ont-ete-gazes-matraques-et-tires-par-les-cheveux-par-nos-policiers-republicains/

Refuge solidaire Briançon

Le « refuge solidaire » de Briançon pourra continuer à accueillir les exilés menacés par l’hiver

 

Le nouveau maire Les Républicains de Briançon avait décidé de fermer le refuge au plus tard le 28 octobre. Ouvert depuis trois ans, ce refuge accueille les exilés qui prennent le risque de franchir la frontière franco-italienne. Face à la mobilisation massive, l’édile vient de renoncer à toute expulsion avant six mois.

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C’est une petite maison sur deux étages coincée entre un conservatoire de musique, une boulangerie bio et la gare de Briançon. Dans la cour, un abri de jardin et quelques chaises en bois, disposées en rang d’oignon. Au rez-de-chaussée, à côté de la porte, trône une fresque montrant une main empoignant des barbelés. Depuis trois ans, le refuge solidaire de Briançon dans les Hautes-Alpes sert de point d’accueil aux migrants qui traversent la frontière franco-italienne, par le col de Montgenèvre (1850 m) ou de l’Échelle (1762 m).

Depuis qu’elle a signé la convention d’occupation du bâtiment, en juillet 2017, avec la communauté de commune du Briançonnais (CCB), l’association qui tient le refuge a décompté 10 000 passages. Ces derniers mois, les Africains de l’Ouest et Maghrébins, ont fait place à des Iraniens et des Afghans, parfois des familles avec enfants. Beaucoup arrivent par leurs propres moyens au refuge, dont la réputation n’est plus à faire. Parfois, des maraudeurs Briançonnais les récupèrent à la frontière et les ramènent.

Une jauge d’accueil revue à la hausse

À l’origine, l’intercommunalité avait prévu une jauge de 15 personnes maximum par jour, mais les vagues migratoires ont eu raison des règles : « On n’a jamais pu respecter cette limite. On a tout de suite été dépassés avec parfois 60 arrivées d’un coup », témoigne Philippe Wyon, cofondateur du refuge. Ce retraité à la barbe grisonnante et aux yeux bleus raconte la tradition d’accueil des montagnards, la solidarité des habitants, les difficultés d’accueillir autant de gens, mais aussi l’opération du groupe d’extrême droite Génération identitaire en avril 2018 au col de l’Échelle [1].

 
Philippe Wyon, cofondateur du refuge solidaire à Briançon. © Louis Chahuneau

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D’après le militant d’extrême droite Damien Rieu, l’opération « Defend Europe » avait pour objectif de « dissuader les migrants de rentrer en France ». C’est visiblement raté. Depuis cet été, le nombre de passages a explosé : 350 en août, à peu près autant en septembre. Ce qui a poussé la préfecture à rehausser la jauge d’accueil du refuge à 35 personnes en septembre [2]. Mais un autre danger menace les exilés : le nouveau maire de Briançon, Arnaud Murgia (LR), décide de fermer le refuge solidaire.

Un nouveau maire qui n’a jamais caché sa volonté de fermer le refuge

Le 26 août, celui qui préside aussi la Communauté de communes du Briançonnais met en demeure par courrier l’association de libérer le bâtiment au plus tard le 28 octobre pour « graves négligences dans la gestion des locaux et de leurs occupants ». Officiellement, les normes de sécurité ne seraient pas respectées : « On se retrouvait avec des gens qui dormaient dans la pièce de la chaudière », s’indignait le maire au micro de la radio locale Alpes 1 [3], le 30 septembre. La plupart des élus y voient une volonté politique anti-migrants. « Il n’a jamais caché son souhait de fermer le refuge, mais il se sert de cette occasion pour arriver à ses fins », déplore Thomas Schwarz, conseiller municipal sur la liste sans étiquette « Briançon d’abord ». « Il se cache derrière la crise sanitaire, la non-prolongation du bail, l’insécurité liée au trop plein du refuge », ajoute l’élu.

De son côté, Arnaud Murgia, dont l’équipe n’a pas souhaité s’exprimer, met en cause l’ancien maire, Gérard Fromm (ex-PS) : « Mes prédécesseurs avaient douze mois pour prolonger la convention d’occupation, mais ils ne l’ont pas fait, pour des raisons de sécurité ou des raisons politiques, ça je ne sais pas ». Interrogé, Gérard Fromm, à l’origine du projet, botte en touche : « Je n’ai pas voulu la prolonger car on m’aurait accusé d’avoir forcé la main de mon successeur. J’aurais été réélu, je l’aurais résignée. » Trop tard.

« Quand les gens arrivent ici, ils ont l’impression d’être au paradis »

En cette fraîche matinée d’octobre, les pensionnaires du refuge se reposent ou fument une cigarette devant la maison. La plupart d’entre-eux ont traversé la Méditerranée sur des embarcations qui flottaient à peine, ont été détroussés par des passeurs dans les Balkans ou frappés par des policiers. Tous savent qu’ils ne sont pas au bout de leurs peines. Mi-octobre, une vingtaine de migrants ont été arrêtés par la police aux frontières (PAF) à la gare de Briançon, alors qu’ils s’apprêtaient à prendre le train pour aller déposer leur demande d’asile à Nice ou Marseille. Le département est dépourvu de structure du premier accueil des demandeurs d’asile (SPADA). Les abus sont fréquents dans cette zone. En juillet 2020, deux policiers de la PAF ont été condamnés par le tribunal correctionnel de Gap pour des faits de violences et détournements de fonds sur des migrants commis en 2008.

Peshro, 26 ans, et son frère Peshawa, 29 ans, sont arrivés d’Italie, par le col de Montgenèvre, le 17 octobre. Ils viennent d’Iran. « Nous sommes partis hier soir et sommes arrivés ce matin à 5 h au refuge », raconte le plus jeune, dans un anglais très approximatif. Depuis leur départ d’Iran, ils disent avoir dépensé chacun 10 000 euros pour passer les frontières. Autant dire qu’ils n’ont pas l’habitude de voir des bénévoles se plier en quatre pour les accueillir dignement : « Quand les gens arrivent ici, ils ont l’impression d’être au paradis », raconte Joël, bénévole retraité de 69 ans.

 
Deux frères iraniens, Peshro, 26 ans (à gauche), et son frère Peshawa, 29 ans (à droite), viennent d’arriver au refuge solidaire. © Louis Chahuneau
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Une traversée extrêmement périlleuse

Le bâtiment est pourtant spartiate, avec des lits posés à même le sol, parfois dans le réfectoire. Ici, le mobilier vient d’Emmaüs ou de la Fondation Abbé Pierre, la nourriture est donnée par des restaurateurs solidaires, le linge est lavé par le service de blanchisserie de l’hôpital, tandis que Médecins du Monde assure la permanence de soin. « Ces derniers mois, on a eu beaucoup d’infections cutanées, de problèmes gastro-intestinaux, d’entorses, de tendinites », explique Cécilia, 31 ans, bénévole chez Médecins du Monde. Car la traversée de la frontière de nuit n’est pas sans danger, entre le froid, l’obscurité et les rondes de la police aux frontières.

Aziz, un berbère de 22 ans a mis plus de sept heures à passer le col, le tout en jean, pull et baskets : « Il y avait de la neige, et la police nous cherchait avec ses lampes torches », raconte celui qui a déjà perdu trois amis depuis les Balkans. Plusieurs migrants sont morts en tentant de passer la frontière franco-italienne ces dernières années. Certains en échappent de peu : en janvier 2016, Mamadou, un migrant malien de 27 ans a été amputé des deux pieds après avoir subi de graves gelures pendant sa traversée [4].

À l’intérieur du refuge solidaire. © Louis Chahuneau

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La solidarité des habitants entretient l’espoir

Pour toutes ces raisons, personne ici n’imagine laisser les migrants livrés à eux-mêmes : « Si demain on refuse ces gens, ils vont traîner dans les rues, on va provoquer des choses qu’on n’a pas envie de voir », prévient Gérard Fromm, l’ancien maire. Deux mois après son élection, son successeur Arnaud Murgia semble déjà s’être mis une partie de la population à dos : « Je suis contre la fermeture », dit Claudine, une habitante du coin. Maud, fleuriste, « ne comprend pas bien cette décision ». Quant à Éric, propriétaire de la boulangerie voisine du refuge, il ne dit pas autre chose : « Où vous voulez-vous que ces gens aillent ? Où est-ce qu’ils vont dormir si on ne les héberge pas ? ». ONG et associations, ainsi que l’évêque de Gap, Xavier Malle, se sont mobilisés ces dernières semaines, multipliant communiqués et tribunes [5]. Près de 40 000 personnes ont signé une pétition à ce sujet.

« Personne n’a envie de voir un drame arriver cet hiver », souffle Aurélie Poyau, conseillère municipale d’opposition. Même la sous-préfète, Hélène Lestarquit, d’habitude sourde aux appels du refuge et qui n’a pas répondu à nos sollicitations, a envoyé un courrier à l’association, au grand étonnement de Joël : « Au moins, on existe à leurs yeux maintenant. Je serais prêt à remercier Arnaud Murgia d’avoir remis le sujet sur la table ».

Il y a quelques semaines, une commission composée d’élus et de représentants du refuge a été mise en place pour trouver des solutions. En réponse, le maire vient de s’engager par écrit à renoncer à toute expulsion avant six mois [6]. Le 15 octobre, un camion envoyé par l’intercommunalité est venu réapprovisionner la cuve de fuel du refuge. Le maire de Briançon regretterait-il son choix ? « Il a pris conscience que sa côte de popularité prendrait une bonne claque », estime l’élu Thomas Schwarz. En vue du printemps, l’association Tous Migrants précise que « des solutions de repli pérennes, avec l’aide d’ONG et de partenaires, sont à l’étude ». D’ici là, les locaux du refuge solidaire vont continuer à accueillir des exilés tout l’hiver.

Louis Chahuneau

Photo de une : La façade du refuge solidaire à Briançon. © Louis Chahuneau

Un travailleur grec sur huit gagne 200 euros par mois

Rapport sur l’impact de la pandémie  

La Grèce a enregistré une augmentation spectaculaire du nombre de personnes vivant avec un salaire inférieur au seuil de pauvreté : un travailleur sur huit gagne 200 euros par mois, selon le rapport annuel de l’Institut du travail du syndicat du secteur privé GSEE.

« Une grande partie de la population grecque est menacée d’appauvrissement permanent », avertissent les chercheurs du rapport annuel sur l’économie et l’emploi en Grèce.

Le rapport décrit la situation du marché du travail dans le contexte de la pandémie de coronavirus et parle de réduction des salaires, de détérioration du niveau de vie, de l’abolition de facto des 8 heures de travail et d’une augmentation spectaculaire du nombre de personnes vivant sous le seuil de pauvreté.

En analysant les données, les chercheurs soulignent que des mesures immédiates doivent être prises pour améliorer le niveau de vie des ménages, faute de quoi l’appauvrissement d’une grande partie de la population sera permanent et la cohésion sociale sera perturbée.

Les chercheurs soulignent qu' »une très grande partie de la population active est soit absente du marché du travail (contrats de travail suspendus pendant plus de 3 mois en raison de la pandémie), soit enregistrée comme chômeur ou travaille pour des salaires inférieurs au seuil de pauvreté ».

Plus de 100 000 salariés ont « quitté » le marché du travail et vivent avec une aide d’État de 534 euros par mois depuis plus de 3 mois.

Le salaire mensuel moyen a diminué de 10 % au deuxième trimestre 2020 par rapport au même trimestre 2019.

3 travailleurs sur 10 perçoivent un salaire inférieur au salaire minimum, dont le montant – malgré l’augmentation de 2019 – est inférieur au seuil de pauvreté.

7 sur 10 ont un salaire inférieur à 1 000 euros.

Selon les données du rapport annuel, au deuxième trimestre 2020, le salaire mensuel moyen est passé de 885 euros au deuxième trimestre 2019 à 802 euros au deuxième trimestre 2020, soit une baisse d’environ 10 %.

Au cours de la même période, le pourcentage d’employés recevant de 0 à 200 euros a été multiplié par 12, passant de 1 % à environ 12 %.

Les travailleurs recevant des salaires entre 200 et 1 200 euros ont diminué de 11,3 points de pourcentage.

La baisse la plus importante a été enregistrée chez les personnes dont le salaire net se situait entre 400 et 600 euros, car cette catégorie est passée de 16,3 % au deuxième trimestre 2019 à 12,3 % au même trimestre 2020.

Le pourcentage de personnes ayant reçu entre 601 et 800 euros a diminué de 24,8 % à 23,5 %, tandis que celui des personnes ayant reçu entre 801 et 1 000 euros est passé de 21,8 % à 18,3 % respectivement.

Il est à noter qu’au deuxième trimestre 2020, 72,9 % des salariés avaient un salaire net inférieur à 1 000 euros.

Presque toutes les échelles salariales ont pu être affectées négativement, mais le principal fardeau de la compression salariale a affecté les bas salaires.

« En supposant que la profondeur de la récession ne dépasse pas 9 %, l’Institut estime que le taux de chômage officiel augmentera à 21,2 % d’ici la fin de 2020. », indiquent les chercheurs dans leur rapport.

L’expansion de la population économiquement inactive est particulièrement importante pour la façon dont le marché du travail sera façonné dans un avenir proche.

En 2019, on a constaté une diminution constante du nombre de chômeurs et une diminution parallèle des personnes économiquement inactives, mais dans une moindre mesure.
Le taux de chômage officiel a diminué de 2 points de pourcentage en moyenne.

Cependant, à partir de décembre 2019, le nombre d’inactifs a commencé à augmenter progressivement, avec pour résultat qu’en février 2020, environ 79 000 personnes ont quitté la population active.

En même temps, le coût de la perte d’un emploi est particulièrement élevé en Grèce, puisqu’après deux ans de chômage, les chômeurs ont perdu 47 % de leurs revenus. Ce résultat place la Grèce au troisième rang des pays les plus pauvres de la zone euro.

« Le risque élevé de chômage de longue durée, combiné à l’inefficacité du filet de sécurité sociale, conduit à la conclusion que, si des mesures immédiates ne sont pas prises pour améliorer le niveau de vie des ménages, l’appauvrissement d’une grande partie de la population sera permanent. La cohésion sociale va éclater, tandis que l’impact de la crise pandémique sur l’économie aura une durée plus longue et des conséquences plus néfastes », concluent les chercheurs.

Plus de données du rapport ici en grec.  here

La traduction et la rédaction de ce rapport par PS m’ont rappelé les rapports dramatiques sur les revenus et les conditions de travail pendant la crise économique grecque. 200 euros par mois ? Christine Lagarde, en tant que chef du FMI, ne pouvait pas y penser même dans ses rêves les plus fous de compétitivité…

Source https://www.keeptalkinggreece.com/2020/10/22/greece-workers-salaries-200euros-pandemic-report-impact/

Aube dorée application immédiate des peines

Grèce : enfin, les tueurs nazis en prison… exemple à suivre par A. Sartzekis

A. Sartzekis

Il aura fallu attendre plus de 2 semaines pour que les peines effectives soient prononcées, après la décision historique du 7 octobre du tribunal d’Athènes qualifiant Chryssi Avgi (Aube Dorée) d’organisation criminelle et condamnant plus d’une cinquantaine de dirigeants et militant-e-s du groupe nazi pour leurs agressions racistes, anti-ouvrières et anti-jeunes. Depuis cette date, marquée par une mobilisation exceptionnelle autour du tribunal, réprimée après le verdict par des policiers enragés de voir condamnés ceux pour qui ils votaient, la procédure a suivi son cours, mais elle a été fortement retardée pour deux raisons : d’une part la multiplication des plaidoyers des condamnés, qui, voyant arriver la prison, ont voulu jouer la corde sensible, entre le père éploré car sa petite fille serait triste, celui qui déclarait ne plus s’occuper de « tout ça », sans un mot de compassion pour les innombrables victimes de leurs agressions. Mais l’autre facteur du retard, ce sont les propositions de la procureure, Adamantia Ikonomou, qui en décembre dernier avait plaidé pour innocenter toute l’organisation, hormis (quand même !) Roupakias, le tueur du rappeur antifasciste Pavlos Fyssas. A deux reprises depuis le 7 octobre, Ikonomou a récidivé, comme on va le voir, s’attirant de la part des avocats des victimes le titre de « procureure avocate des victimes ».

Les peines prononcées et leur application.

Les peines prononcées le 14 octobre correspondent presque au maximum qui puisse être appliqué : de 10 à plus de 13 ans pour les 7 du groupe dirigeant ; de 5 à 7 ans pour les ex-députées participant à une organisation criminelle ; pour le meurtre de Pavlos Fyssas, perpétuité et 14 ans pour le tueur Roupakias, de 2 à plus de 10 ans pour les complices ; de 7 à 10 ans pour les agresseurs des pêcheurs égyptiens, de 3 à 6 ans pour les agresseurs des syndicalistes de PAME ; de 1 à 7 ans pour d’autres condamnés pour participation à une organisation criminelle.

Ces peines ont été accueillies avec un double sentiment : d’un côté, la confirmation que le tribunal rendait vraiment justice, avec une présidente, Maria Lepeniotis qui confirmait la fermeté dont elle a fait preuve pendant toute ces années. Mais en même temps, un sentiment amer quand on voit qu’un bris de vitre de péage peut déboucher pour un activiste anar à 3 ans de prison, ou quand on voit que des jeunes condamnés sans aucune preuve comme activistes ont passé une année en prison avant d’être innocentés… Sans oublier la travailleuse qui avait présenté un faux diplôme pour arriver à trouver un emploi comme femme de ménage et avait été condamnée à 15 ans de prison (peine cassée depuis) !

Suite à ces peines, la procureure a procédé à sa première récidive, en tentant d’avancer des circonstances atténuantes pour alléger les peines, quasiment comme l’ont aussi fait les avocats des nazis ! Echec sur toute la ligne : le tribunal n’a reconnu aucune circonstance atténuante. Il ne restait plus alors qu’à décider de l’application des peines, sachant que tout ce beau monde compte bien aller en appel : comme le proclame le cogneur en chef Kassidiaris, connu pour avoir tenté de frapper une députée du KKE (PC grec) lors d’un débat télévisé, devant un « vrai » tribunal, pas comme celui-ci qui est corrompu et a rendu un verdict sous pression des communistes et anarchistes dans la rue (argument repris par quelques journalistes « vedettes »…), sa totale innocence sera prouvée !

Toujours est-il que lors de cette dernière phase, la procureure a fini de tomber le masque : elle a tout bonnement demandé qu’en dehors du tueur Roupakias, tous les autres restent en liberté, car il était prouvé qu’ils ne pourraient ni nuire ni s’échapper ! La présidente lui a alors sèchement demandé de revoir sa copie, mais hier encore, Ikonomou a resservi la même soupe, provoquant une très forte indignation populaire.

Enfin, les peines effectives ont été annoncées à la mi-journée : sur les 68 accusés de départ et 50 condamnés, 12 pourront rester en liberté sous contrôle jusqu’au procès en appel. Mais la grande victoire de cette longue bataille alliant pendant 5 ans une très grosse mobilisation antifasciste derrière la figure rassembleuse de Magda Fyssas et bataille judiciaire avec d’un côté un travail de fond des avocats et de l’autre une présidente tenant fermement à rendre justice, c’est le soulagement de voir enfin menés en prison 38 membres de l’organisation criminelle Chryssi Avgi, dont tout le groupe dirigeant. Cette victoire contre la peste brune doit en appeler d’autres, de même type, dans d’autres pays !…

Conclusion provisoire

Ces derniers jours ont été intéressants sur plusieurs points :

– d’abord par le spectacle de ces cogneurs d’une violence revendiquée (leur cri de guerre était « sang, honneur, aube dorée » sur le modèle des nazis) venir jouer les moutons et se renvoyer les responsabilités. A ce jeu, le führer Michaloliakos s’est tiré une balle dans le pied en produisant des unes du journal de la clique avec photos de croix gammées et reconnaissant que oui, avant, CA était un groupe nazi (ce qu’il avait toujours nié contre toute évidence !)… mais plus maintenant ! Ce qui ressort des différentes déclarations ces derniers jours, c’est que CA est dissous par ses dirigeants, de même semble-t-il que les petites boutiques concurrentielles ouvertes récemment par Kassidiaris ou Lagos.

– ensuite par la confirmation par Kassidiaris, en voulant sauver sa peau, des liens directs avec l’entourage d’Antonis Samaras (Nouvelle Démocratie), alors 1er ministre, confirmant ce que la gauche affirmait sur le rôle nauséabond du conseiller Baltakos et les liens entre la droite et les nazis longtemps impunis.

– le cas d’un des dirigeants, le chef des bandes armées dans la région du Pirée, Yannis Lagos, est à surveiller : désigné par Michaloliakos comme candidat, en vue de le mettre à l’abri, il a été élu député européen et a quitté le navire juste après, espérant échapper aux poursuites et à la prison. Il est le plus lourd condamné : 13 ans et 8 mois. Après être venu provoquer le tribunal en niant sa légalité, défendu désormais par le sinistre véritable chef de cette pègre nazie, le vieil avocat Plevris (son fils est passé des rangs fascistes à ceux de la droite gouvernementale), il tente désormais de jouer de l’asile parlementaire. Fait bizarre, un ordre du ministère de la police (« Protection du du Citoyen » !) visant à empêcher son départ de Grèce, en date du 14 octobre, a été donné… un jour après son départ pour Bruxelles, d’où il espère jouir d’une immunité. Une campagne antifasciste européenne pourrait aider à accélérer l’envoi en prison de ce très dangereux nazi.

Bien sûr, au-delà de cette victoire qui doit vraiment partout encourager le mouvement antifasciste, par exemple en France autour des liens glauques entre criminels intégristes islamiques, antisémites et extrême-droite, il est évident que les mobilisations antiracistes et antifascistes doivent redoubler de vigueur. D’une part en exigeant des enquêtes publiques sur le financement de Chryssi Avgi ou les soutiens de diverses personnalités dont il a bénéficié, d’autre part en organisant des ripostes à chaque agression, comme celle qu’a subie ces jours-ci un travailleur agricole immigré venu réclamer les 8 mois de rémunération que lui devait son patron, ou celle perpétrée par un fasciste se réclamant de la Nouvelle Démocratie contre une habitante de Mytilène lui demandant pourquoi il effaçait le slogan « écrasons les nazis » sur une palissade… Sans oublier évidemment la bataille permanente pour les droits des réfugié-e-s à un accueil digne… Ce procès et la mobilisation qui l’ont accompagné, le verdict intervenu, sont un fort encouragement à intensifier la bataille contre la peste brune sous toutes ses formes.

Athènes, le 22 octobre 2020

Source https://lanticapitaliste.org/actualite/international/grece-enfin-les-tueurs-nazis-en-prison-exemple-suivre?fbclid=IwAR2nDb3W_dwqIsSzpCCxHtRWZYsz6tvh9nujgvSZdNWbxOy52Xl1Isnr1ZM

La pandémie du coronavirus a mis à nu la logique néolibérale de l’UE

Eric Toussaint , Miguel Urbán Crespo


Miguel Urban CRESPO in the EP in Strasbourg. Picture of GUE/NGL

Miguel Urban est eurodéputé, membre des « Anticapitalistas » (État espagnol). Interviewé par Éric Toussaint.

Quel est l’objectif de l’initiative Taxe Covid, au niveau européen d’une part et d’autre part, de façon complémentaire, au niveau de l’État espagnol ?

La concentration toujours plus grande des revenus et de la richesse n’est pas seulement une conséquence, elle est aussi la cause et le moteur de la crise de laquelle nous ne sommes pas encore sortis alors que la suivante arrive déjà

Tout au long de ces dix dernières années, nous avons vu les institutions européennes et les gouvernements nationaux renflouer les banques alors qu’ils laissaient des millions de familles sombrer, qu’ils soumettaient les peuples du Sud de l’Europe à une véritable doctrine du choc néolibéral et qu’ils intervenaient dans leurs économies, mettant par-là entre parenthèse, de fait, leur souveraineté. Dix années qui ont été perdues pour les classes populaires mais qui ont été une décennie de gains pour les grandes multinationales qui n’ont cessé d’accroitre leurs profits et leur pouvoir. Une période marquée par une combinaison de pénurie et d’inégalités où le poids des revenus du travail a diminué au profit de ceux du capital, de façon particulièrement féroce. Une époque d’ « oligarchisation » accélérée du pouvoir, phénomène qui est tout à la fois le résultat, la cause et l’axe central du nouveau cycle historique que vivent l’Europe en général et l’Espagne en particulier.

L’évasion et la fraude fiscales des grandes fortunes et des multinationales sont au cœur d’une vertigineuse croissance des inégalités dans le monde ainsi que du manque de ressources financières des États. L’architecture économique propre à l’UE, favorise, dans le cadre d’une liberté de mouvement des capitaux et en l’absence d’harmonisation fiscale, des régimes fiscaux disparates qui entraînent un « dumping » fiscal permanent, les gouvernements des différents pays diminuent les impôts sur les grandes sociétés privées et sur les riches afin de les attirer ou de les « garder » sur leur territoire. De même, l’UE dispose de ses propres structures offshore et d’un cadre réglementaire dont les différences de niveaux, les permissivités et les stimulants occultes favorisent cette évasion et ces fraudes fiscales qui bénéficient de facto aux grands capitaux, aux rentiers et aux familles les plus riches, au détriment de la majorité de la population. Un projet européen fait d’inégalités, pour une poignée de multimillionnaires au détriment de millions de pauvres.

Mais la concentration toujours plus grande des revenus et de la richesse n’est pas seulement une conséquence, elle est aussi la cause et le moteur de la crise de laquelle nous ne sommes pas encore sortis alors que la suivante arrive déjà. Les politiques économiques appliquées par les institutions communautaires et par les gouvernements des États membres ont produit un transfert massif des ressources du bas vers le haut. Une socialisation des pertes avant, pendant et après la crise. Et maintenant avec celle qui pointe, que va-t-il se passer ?

Si nous voulons que cette fois-ci l’histoire soit différente, nous devons résolument affronter la fronde des privilégiés : cette poignée de milliardaires et de multinationales qui refusent de payer des impôts et pratiquent un véritable terrorisme fiscal avec l’aide complice des gouvernements et des principaux partis tout en accusant et en menaçant directement ceux qui dénoncent leurs pratiques de détournement des finances publiques.

Les Anticapitalistas ont lancé l’idée d’une Taxe Covid dans le cadre d’une campagne plus large « Que les riches paient » où nous abordons des questions de fiscalité et de répartition de la richesse, de nationalisation des secteurs stratégiques de l’économie, de la répartition du travail et de la diminution du temps de travail, du changement de modèle productif

Affronter la pandémie sanitaire qui vient suppose inévitablement combattre les inégalités, toutes les inégalités, plurielles et interconnectées et en augmentation, en intervenant sur les réalités qui sont la source et le reflet de ces inégalités, au niveau de la fiscalité, de la précarité et du pouvoir des entreprises. En définitive, remettre au centre du débat la redistribution de la richesse et des ressources comme axe principal d’un programme éco-socialiste. Tel est le principal objectif de la taxe Covid : intervenir dans le débat public sur la reconstruction post-Covid avec une proposition concrète qui accorde la priorité à la répartition de la richesse face à la logique néolibérale en vigueur qui ne parle que de l’endettement public comme unique manière d’augmenter la dépense. Au niveau européen, la Taxe Covid s’introduit justement dans ce débat sur la mutualisation ou non des dettes, sur le financement du fonds de reconstruction, se posant comme une initiative concrète au niveau européen qui s’oppose à l’architecture même de l’UE, dans une perspective redistributive, solidaire et internationaliste. Une façon de remettre en cause l’UE, mais aussi de construire une Europe différente à partir de la mobilisation sur une proposition concrète qui ne devrait pas en rester là mais évoluer vers un programme d’urgence sociale pour affronter la crise.

De fait, dans l’État espagnol, les Anticapitalistas (qui se sont séparés de Podemos en 2020, NDLR) ont lancé l’idée d’une Taxe Covid dans le cadre d’une campagne plus large « Que les riches paient » où nous abordons des questions de fiscalité et de répartition de la richesse, de nationalisation des secteurs stratégiques de l’économie, de la répartition du travail et de la diminution du temps de travail, du changement de modèle productif. Mais justement, commencer par la Taxe Covid nous a permis de placer dans le débat public, et auprès de l’ensemble de la gauche de l’État espagnol, la nécessité de la répartition de la richesse. De telle façon que l’ensemble de la gauche s’est réapproprié l’idée, avec des formulations diverses. Cela n’a pas empêché le Parti Socialiste Ouvrier Espagnol (qui dirige le gouvernement) de refuser publiquement les différentes propositions d’impôts sur les grandes fortunes et les bénéfices des entreprises.

On comprend l’importance qu’il y a à taxer les riches et les grandes entreprises, mais pourquoi entrer dans le détail des pourcentages ?

Cela fait trente ans que nous sommes sur la défensive. C’est précisément parce que nous sommes en train de nous restructurer que nous devons faire bouger les pions, devenir plus offensifs.

De nombreux consensus néolibéraux sont aujourd’hui remis en question. Il est temps de pratiquer une doctrine de choc contre les élites et en faveur de ceux et celles qui sont au bas de l’échelle. Mettre la répartition des richesses et des emplois sur la table comme élément central du débat politique ; demander ouvertement qui va payer la prochaine crise ; montrer du doigt la fronde des privilégiés qui estiment avoir le droit de ne pas payer d’impôts ou de cacher leurs trésors dans des égouts fiscaux. Mais cette fenêtre ne sera pas ouverte longtemps. Nous avons déjà vu combien de temps ont duré les promesses de « refondation du capitalisme » faites par Sarkozy et consorts en 2008. Finalement cela s’est traduit par un tour de vis des mêmes politiques qui nous avaient conduits au désastre.

De nombreux consensus néolibéraux sont aujourd’hui remis en question. Il est temps de pratiquer une doctrine de choc contre les élites et en faveur de ceux et celles qui sont au bas de l’échelle

C’est pourquoi nous avons estimé qu’il était nécessaire de ne pas se contenter de slogans ou de manifestes sur la crise et ses alternatives. Nous avons voulu proposer un outil concret, abouti, urgent et utile, mais qui vise haut : si haut qu’il remet en cause le modèle de construction de l’Europe néolibérale ou, ce qui est pratiquement la même chose, qu’il remet en cause l’accaparement croissant de toutes les ressources par une dangereuse minorité. La lutte contre les inégalités et pour la répartition des richesses sera au centre de la lutte pour cette autre Europe dont nous parlons tant. Il est évident que l’application de ces taxes d’urgence européennes Covid-19 ne suffiront pas pour cette bataille. Le défi est beaucoup plus vaste. Mais nous devons commencer quelque part. Et il est peut-être temps de mettre des propositions concrètes sur la table. Nous devons placer la lutte pour la répartition des richesses au centre du débat et de l’action politique. Ce n’est qu’ainsi que nous pourrons faire en sorte que cette fois-ci la crise ne soit pas payée par les classes populaires. Cette fois, que ce soit les riches qui paient. C’est l’idée force qui peut entraîner le reste. Les pourcentages sont des questions techniques, importantes bien sûr, mais qui ne mobilisent pas.

Quelle est ta position sur les paradis fiscaux ou que faut-il faire à leur sujet ?

La fraude et l’évasion fiscales ne sont pas des cas isolés ou circonstanciels : elles sont un phénomène structurel du capitalisme d’aujourd’hui, intimement lié à l’offensive néolibérale qui sévit dans nos économies depuis des dizaines d’années. Un système de fraude et d’évasion qui ne pourrait pas fonctionner sans un réseau de tanières fiscales qui se situent en dehors des obligations fiscales. Et nous disons « tanières », pour ne pas dire directement « cloaques », car les appeler « paradis fiscaux » serait accepter la grammaire de cette même minorité dangereuse pour qui ces lieux sont des paradis. Grâce à ces lieux où la lex mercatoria prime sur tout autre droit, grâce à l’ingénierie comptable et aux niches légales, une poignée de privilégiés a trouvé de nombreuses failles pour cacher ou dissimuler une part importante de leur fortune. Et aujourd’hui, tout le système fuit par ces fissures. Toutes les études concordent sur le fait qu’il n’y a jamais eu autant d’argent dans les tanières fiscales qu’aujourd’hui.

La fraude et l’évasion fiscales ne sont pas des cas isolés ou circonstanciels : elles sont un phénomène structurel du capitalisme d’aujourd’hui, intimement lié à l’offensive néolibérale qui sévit dans nos économies depuis des dizaines d’années

La lutte contre ces cloaques fiscaux devrait être un élément central du combat actuel contre les inégalités et pour la démocratie. Un combat que nous pouvons commencer en mettant en œuvre une série de mesures concrètes qui s’attaquent à la racine du problème dans divers domaines et niveaux d’action :

Dans le cadre de l’UE, la liste des juridictions tierces qui ne coopèrent pas en matière fiscale devrait être revue et modifiée (en suivant, par exemple, les critères du Parlement européen ou ceux d’organisations sociales telles que Oxfam, Tax Justice Network ou Gestha, le syndicat espagnol des experts financiers). Cela permettrait d’avoir un premier répertoire réel des paradis fiscaux commun à toute l’UE, au lieu des anciens index nationaux élaborés par certains États ou de la liste actuelle de la Commission européenne, qui se voulait une liste noire mais qui a fini par être une liste de blanchiment des paradis fiscaux. Sur les 15 paradis fiscaux les plus utilisés par les multinationales, un seul apparaît dans cette compilation de la Commission. Disposer d’une liste fiable des tanières fiscales, qui indique également celles qui opèrent dans le cadre de l’UE, constituerait un premier pas nécessaire pour isoler commercialement et économiquement ceux qui favorisent et/ou profitent de cette structure fiscale, sanctionner ceux qui y opèrent et enquêter de manière approfondie sur les grandes banques et les intermédiaires complices qui profitent du secret bancaire – qu’il faudrait aussi éliminer – et qui contournent systématiquement toute pratique normalisée de formalités obligatoires afin de faire de la fraude et de l’évasion fiscales un business lucratif. Et pour que ces mesures durent dans le temps, des sanctions dissuasives devraient être appliquées, y compris le retrait de la licence bancaire. En outre, il est essentiel d’appliquer des règles comptables homogènes qui obligent les multinationales à présenter des informations économiques pertinentes, structurées, fondées sur leur activité réelle par pays, afin qu’elles soient imposées dans chaque territoire sur la base de la présence de personnel, du capital physique et des bénéfices effectifs qui y sont réalisés, en évitant les abus en matière de prix de transfert.

Deuxièmement, et comme plan B au cas où l’UE refuserait de sanctionner les tanières fiscales qui y opèrent, ce qui est malheureusement un scénario très probable, des sanctions commerciales pourraient être établies de manière coordonnée entre certains États membres pour les pays qui opèrent en tant que paradis fiscaux, en commençant par les Pays-Bas ou le Luxembourg et en continuant avec la Suisse. Une forte alliance de plusieurs pays d’Europe du Sud pourrait contraindre ces États à abandonner le secret bancaire et à coopérer en matière fiscale, en utilisant l’argument selon lequel les pertes résultant de ce changement de pratique seraient moindres que celles résultant des sanctions commerciales qu’il faudrait leur imposer s’ils ne coopéraient pas.

Nous pensons qu’il est essentiel que la BCE annule toutes les dettes des États membres destinées à combattre les causes et les effets de la pandémie ou, à défaut, qu’elles soient transformées en « dettes permanentes » sans rapport avec les budgets actuels

Nous devons également agir au niveau des États. Sans attendre que l’UE se décide à mettre à jour sa liste noire des paradis fiscaux, des progrès pourraient être réalisés à cet égard en Espagne, en suivant les mêmes critères que ceux mentionnés ci-dessus et en contribuant ainsi à donner l’exemple et à encourager d’autres pays à se joindre. Cela impliquerait et permettrait l’interdiction des aides aux entreprises qui opèrent ou ont des filiales et/ou des succursales dans des tanières fiscales. De même, la fraude et l’évasion fiscales pourraient être incluses parmi les critères qui empêcheraient une entreprise de bénéficier de commandes publiques, mesure qui pourrait être reproduite au niveau régional et municipal. Une autre mesure abordable serait d’interdire par une loi les amnisties fiscales. Enfin, en continuant la liste des propositions à la portée d’un gouvernement qui se veut « de changement », des sanctions pourraient être établies à l’encontre des banques et des intermédiaires financiers qui opèrent dans ces territoires extraterritoriaux en tant que facilitateurs et/ou bénéficiaires de la fraude et de l’évasion fiscales.

Mais il serait naïf et irresponsable de la part de la société civile de tout confier à l’action des institutions pour lutter contre le fléau de la fraude, de l’évasion ou du blanchiment fiscal. D’autant plus que le peu de progrès réalisés jusqu’à présent l’a été à coup de fuites journalistiques et de scandales impliquant une classe politico-économique qui n’a même plus besoin du pantouflage pour connecter ses cohabitations. Pour éviter qu’une poignée de mesures cosmétiques n’essaient de masquer la puanteur de ces cloaques, il est essentiel que la société civile prenne la tête de ce combat et se mobilise résolument pour la justice fiscale et le partage des richesses, avec des campagnes de dénonciation et de boycott de ces entreprises et de ces milliardaires. En ce sens, la campagne d’occupation des magasins Apple ou des agences de BNP Paribas menée par Attac France il y a quelques années est aussi intéressante qu’inspirante. Les dénonciations et signalements publics des cabinets d’avocats, sociétés de conseil et banques qui opèrent et sont des intermédiaires obligés dans la fraude et l’évasion fiscales contribueraient à nuire à l’image de marque de ces multinationales, qui est précisément l’un de leurs principaux atouts en ces temps de capitalisme liquide.

Que dit l’appel Taxe Covid à propos de la dette ?

Notre première tâche est de briser l’encerclement qui vise à minimiser encore plus nos positions statistiquement minoritaires

Nous savons que l’urgence médicale, sociale et économique de la pandémie de coronavirus nécessite une réponse urgente et immédiate. En fait, des milliards d’euros ont déjà été mobilisés à cette fin, ce qui alimente une dette qui ne peut être assumée par les États et qui entrave leur capacité à faire face à cette situation. Nous pensons donc qu’il est essentiel que la Banque centrale européenne (BCE) annule toutes les dettes des États membres destinées à combattre les causes et les effets de la pandémie ou, à défaut, qu’elles soient transformées en « dettes permanentes » sans rapport avec les budgets actuels. En attendant, et comme forme de pression pour que cette mesure soit appliquée, nous proposons le non-paiement unilatéral par les États, ainsi qu’un audit citoyen de l’ensemble de la dette en vue d’en répudier la partie illégitime. La dette reste l’un des éléments clés pour comprendre la crise de l’UE. Un véritable carcan pour les pays du Sud qu’il faut rompre si l’on veut redresser l’Europe.

Qui sont les signataires ?

Au départ, le manifeste a été signé par 45 personnalités du monde syndical, social, politique et intellectuel de plusieurs pays européens. Parmi ces noms, on trouve par exemple Susan George, Eric Toussaint, Christophe Aguiton ou Eleonora Forenza. Depuis le lancement, nous avons reçu des dizaines de nouvelles signatures de divers pays et domaines d’action politique. Dans les prochaines étapes, nous ouvrirons le soutien aux organisations et au grand public. Et au-delà des noms et de leur nombre, il est important de souligner l’accueil que nous recevons des pays du nord de l’Europe, dont beaucoup sont dits « frugaux », contribuant ainsi à briser cette fausse division nord-sud en Europe, qui cache les intérêts communs des élites des différents pays alors que les classes populaires et travailleuses doivent ériger les ponts nécessaires et l’agenda partagé que nous, les classes populaires et ouvrières des quatre points cardinaux de l’Europe, devons mettre en œuvre.

Avez-vous un calendrier ?

Il est fondamental d’être conscient de notre position minoritaire pour ne pas faire de notre mandat d’euro-parlementaire une fin en soi, mais plutôt un levier pour travailler à l’intérieur, mais surtout à l’extérieur du Parlement

Au cours de l’été, nous avons clôturé la collecte de cette deuxième phase de signatures, après quoi nous évaluerons comment continuer en fonction du soutien reçu et de la situation sanitaire. Nous avons tenu une rencontre physique combinée à une vidéoconférence à Bruxelles les 22 et 23 septembre 2020 sous les auspices du CADTM et avec ReCommonsEurope, pour continuer à avancer plus collectivement et reconstruire des liens entre les organisations et les espaces en lutte. Cette conférence était appuyée par la GUE/NL qui rassemble une partie de la gauche radicale dans le parlement européen.

En tant que député européen anticapitaliste, quel est ton rôle au sein du Parlement européen ?

Notre premier rôle est d’observer et de contribuer modestement mais résolument à briser les énormes et solides consensus qui existent au Parlement et dans les institutions européennes en général sur de nombreuses questions : le rôle de l’Europe dans le monde, l’incapacité à concevoir l’économie ou la société selon d’autres mécanismes que le marché ou les valeurs supposées que l’UE « apporte » à l’humanité par son action extérieure, parmi bien d’autres questions. La grande coalition des sociaux-démocrates et des sociaux-libéraux qui a traditionnellement co-gouverné le Parlement européen et la majorité des pays européens s’est élargie pour inclure les libéraux et une bonne partie des Verts, tout en tendant la main à la droite réactionnaire qui est de plus en plus euro-réformiste. Tout cela constitue un noyau de pouvoir très solide qui est parfaitement aligné sur le reste des élites économiques et politiques européennes. Notre première tâche est de briser l’encerclement qui vise à minimiser encore plus nos positions statistiquement minoritaires. Le problème est que, même au sein de la gauche, certains considèrent que cela se fait en s’intégrant à tout prix dans le consensus de ce noyau extrême de la grande coalition néolibérale.

En tant qu’anticapitalistes et en tant que mouvement international, nous concevons le travail institutionnel comme un front de plus, important mais non indispensable, et surtout stérile s’il n’est pas accompagné d’un mouvement social organisé et d’une lutte en dehors des institutions

Notre deuxième rôle, et il est commun à tout anticapitaliste dans toute institution, est de ne pas succomber aux charmes et aux dangers d’une institution comme le Parlement européen. Non pas seulement en raison des risques de s’accommoder et d’être contaminé par le cynisme et l’arrogance qui caractérisent cette institution et contre lesquels nous devons nous vacciner quotidiennement, mais aussi parce qu’il existe un réel danger de se laisser prendre au jeu parlementaire, en pensant à tort que c’est le plus important et en consommant l’essentiel des maigres ressources qu’il faut pourtant mettre sur d’autres fronts. Il est fondamental d’être conscient de notre position minoritaire pour ne pas faire de notre mandat d’euro-parlementaire une fin en soi, mais plutôt un levier pour travailler à l’intérieur, mais surtout à l’extérieur du Parlement, en portant des propositions et des mouvements qui se heurtent de front à la logique et aux intérêts de l’UE telle qu’elle est réellement.

Quelle est ta conception du travail de parlementaire européen ?

Tout d’abord, la question, et donc la réponse, doit être formulée au pluriel : nous, en tant qu’anticapitalistes et en tant que mouvement international, concevons le travail institutionnel comme un front de plus, important mais non indispensable, et surtout stérile s’il n’est pas accompagné d’un mouvement social organisé et d’une lutte en dehors des institutions. Accompagner ces luttes, les soutenir et en tirer les leçons, articuler l’action politique et sociale ou contribuer à leur décollage, est un élément fondamental de notre conception du travail institutionnel et de notre rôle en son sein. Par ailleurs, une institution comme le Parlement européen apporte deux autres éléments intéressants : une perspective territoriale élargie, au niveau européen, et une perspective temporelle qui permet d’anticiper certaines attaques du capital qui atterriront bientôt au niveau national et local. Une présence au sein d’une telle institution est utile pour situer d’autres acteurs et établir des alliances, et pour préparer le terrain pour de nouveaux champs de bataille.

Après l’échec de la stratégie de Syriza en Grèce : la participation de Unidad Podemos au gouvernement Sanchez suit-elle toujours la même ligne ou est-elle différente ?

Les différences stratégiques sous-jacentes qui ont fini par cristalliser notre sortie de Podemos en tant qu’anticapitalistes sont intimement liées aux discussions que nous avons eues par rapport à la situation en Grèce en 2015

L’expérience grecque est, ou devrait être, la grande leçon politique de la dernière période. Nous pouvons en fait établir un tournant au sein de la gauche européenne en fonction de la façon dont ses composantes ont interprété et se sont positionnées à ce moment-là et depuis lors par rapport à l’expérience du gouvernement Syriza. Les différences stratégiques sous-jacentes qui ont fini par cristalliser notre sortie de Podemos en tant qu’anticapitalistes sont intimement liées aux discussions que nous avons eues par rapport à la situation en Grèce en 2015. Dans le cas de l’Espagne, les Anticapitalistes, nous avons été très clairs sur le fait qu’entrer en minorité dans un gouvernement dirigé par le social-libéralisme comportait de nombreux risques, mais surtout trois :

  1. cela revitalise le PSOE en tant qu’acteur de changement malgré le fait que le cycle du 15M [1] ait eu comme un de ses axes principaux la récusation du bipartisme et de ses politiques, dont le PSOE est un pilier fondamental et constitue le grand « parti d’État » de l’État espagnol ;
  2. cela vieillit et désactive Podemos en tant que force de transformation, en le cantonnant dans la sphère institutionnelle et en le soumettant à la majorité du gouvernement social-libéral ; et
  3. cela donne à la droite et à l’extrême droite le monopole de l’opposition et la canalisation potentielle du malaise qui résultera de la gestion de la nouvelle crise qui est déjà là. Par contre, il aurait été possible de soutenir de l’extérieur la formation d’un gouvernement minoritaire du PSOE et de continuer à faire de l’opposition à l’intérieur et à l’extérieur du Parlement espagnol, avec les mouvements et sans les engagements actuels qui découlent de la participation au gouvernement.

Vous avez également lancé une campagne pour la nationalisation de différents secteurs stratégiques : quels sont-ils ? les grandes entreprises pharmaceutiques, l’énergie, les banques, d’autres encore ?

Cette pandémie a mis à nu les parties honteuses du capitalisme. Les insuffisances du capitalisme à relever le défi de la protection des classes populaires et de la sauvegarde des vies ont été démontrées. Il est temps d’analyser les conséquences des années d’attaques continues contre le secteur public. Le droit à la santé a été amputé par les politiques néolibérales. Et le coût de cette pandémie n’est pas seulement économique, il se chiffre surtout en centaines de milliers de vies.

Il est fondamental de susciter un nouvel internationalisme militant et solidaire capable de construire un projet éco-socialiste répondant à partir des différents contextes et particularités régionales au défi commun de porter un scénario post-capitaliste

La pandémie a également mis à nu l’Europe néolibérale. Au plus fort de la crise virale, nous avons vu qu’il n’y avait aucun moyen de fabriquer les équipements d’urgence nécessaires pour combattre le Covid-19 en Europe, suite à des années de délocalisation et de désindustrialisation. L’Europe a besoin d’une ré industrialisation, en même temps que d’un changement vers un modèle de production socialement et écologiquement juste. L’économie doit être au service de la vie, et non servir à engraisser les profits privés. C’est sans aucun doute l’une des grandes leçons de cette crise. Il est fondamental de nationaliser les secteurs stratégiques sous contrôle social pour assurer le bien commun. C’est pourquoi les Anticapitalistes ont lancé une campagne d’agitation et de propagande sur la nécessité de nationaliser des secteurs stratégiques et de changer de modèle de production, avec différentes propositions concrètes comme le cas des usines que Nissan a l’intention de fermer en Catalogne.

Le capitalisme est dans une longue vague dépressive, due à une crise de rentabilité, dont la cause principale est la tendance à la baisse du taux de profit. Face à cette difficulté permanente à se redresser, le capitalisme a cherché, comme il le fait systématiquement, une issue par l’intensification de l’exploitation de l’homme et de la nature, dans un processus de précarisation permanente du travail et de dégradation de la biosphère. Ainsi, ce sera la crise écologique qui introduira, comme elle le fait déjà, de nouvelles limites au productivisme et « croissantisme » capitaliste, mais aussi de nouvelles limites aux cycles de transformation et à leurs stratégies. En ce sens, il est fondamental de susciter un nouvel internationalisme militant et solidaire capable de construire un projet éco-socialiste répondant à partir des différents contextes et particularités régionales au défi commun de porter un scénario post-capitaliste.

Traduction de Lucile Daumas

Source https://www.cadtm.org/La-pandemie-du-coronavirus-a-mis-a-nu-la-logique-neoliberale-de-l-UE

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