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Le virus des cadeaux au patronat grec

En apparence, la situation en Grèce est loin de la tragédie du voisin italien : ce dimanche, le nombre de victimes est de 70, les personnes contaminées autour de 1700, selon les chiffres officiels.

Soyons sûrs que cette situation est due avant tout à la conscience de masse que dans la situation terrible du système de santé laminé par la troïka et les mémorandums, il est vital de se protéger… tout en exigeant l’attribution immédiate des moyens nécessaires.

En finir avec les cadeaux au médical privé

Derrière le bulletin d’info sanitaire officiel visant à faire croire que la situation est sous contrôle, la réalité est très inquiétante et, si l’épidémie devait s’étendre, la catastrophe serait difficilement évitée. Cette semaine, la présidente de la Fédération des médecins hospitaliers a souligné l’horreur de la situation du système de santé public (ESY) : manque de lits en soins intensifs, manque de masques, de gants, de lunettes, absence des recrutements nécessaires, dangereux transferts vers les hôpitaux de médecins de centres locaux de santé qui se retrouvent désorganisés et perdent leur rôle de rempart… Dénonçant le filtre de la communication gouvernementale, elle met en avant le scandale des cadeaux aux cliniques privées : au lieu de les réquisitionner, Mitsotakis les enrichit en leur offrant 1600 euros par jour pour un lit en soins intensifs ! Ce gaspillage dément de l’argent public se retrouve aussi dans la promesse d’offrir à ce secteur 30 millions d’euros pour les tests, privant ainsi de ce financement les labos universitaires alors que ceux-ci procèdent déjà à de premières campagnes. Un chiffre résume cette situation scandaleuse : dans le plan d’urgence de 6,8 milliards, qui vient d’être adopté, seuls 3 % vont à la santé.

Le virus des bonnes affaires patronales

Car l’épidémie est une merveilleuse occasion pour les amis de ce gouvernement ultralibéral de poursuivre leur lutte contre les travailleurEs : un décret permet aux patrons de suspendre les contrats de travail et de licencier sans contrainte, l’État versant alors aux licenciéEs 800 euros… pour un mois et demi. La frénésie patronale (60 000 nouvelles demandes de versement d’indemnités en une journée !) a obligé cette semaine le gouvernement à mettre une ou deux conditions, mais la situation de l’emploi est d’autant plus tragique que cette indemnité fort insuffisante ne s’appliquera ni aux CDD ni aux chômeurEs en fin de droits, c’est à dire à un million de personnes environ. La brutalité patronale est sans limite : dans les écoles privées, des patrons, qui perçoivent toujours les droits de scolarité, licencient leurs enseignantEs… et exigent qu’ils et elles continuent à donner des cours s’ils et elles veulent être repris ensuite ! Pourquoi se gêner quand on voit la moralité d’un ministre d’extrême-droite, Georgiadis, qui ose vendre des « cours à distance » de sa propre « école » dans son émission de télévente sur une chaîne privée ! Là est pour l’heure le virus le plus insupportable, et quand on sait que le même personnage soutient les pires réacs de l’église, qui veulent continuer à faire communier (hostie donnée avec la même cuiller dans la bouche des fidèles !), on voit le lien profond entre libéralisme et réaction. Mentionnons aussi la tentative gouvernementale de couper le courant à l’usine VIOME, autogérée depuis des années…

Des tentatives de riposte

Face à cela, la gauche parlementaire est plutôt aux abonnés absents : au nom de l’unité nationale, Syriza s’est abstenu sur les propositions du gouvernement, le KKE (PC) a voté contre, mais leurs demandes de prioriser le public sont plus des vœux pieux. Peu ou pas d’initiatives politiques centrales, mais plutôt des initiatives syndicales et locales : appel de syndicalistes à ne pas se soumettre à la jungle patronale, mobilisations de secteurs, comme dans l’aéronautique (400 licenciements empêchés à Sky Serv-Swiisport, apprend-on dans le journal Prin). La gauche anticapitaliste participe aussi à des initiatives de solidarité locales : face à l’épidémie du virus et des attaques patronales, ne surtout pas rester seulEs !

Deux autres urgences

Bien sûr, on ne peut qu’être inquiets devant les risques pour les réfugiéEs, véritablement entassés dans les camps sur les îles ou sur le continent. Déjà quelques cas d’infection ont été signalés, ce qui fait craindre de terribles contaminations. Face à toutes les protestations, dont celles, particulièrement hypocrites, de l’Union européenne, la droite de Mitsotakis reste sur ses positions, daignant seulement faciliter l’accès aux soins. Même ou surtout dans ces conditions difficiles, une campagne internationale exigeant l’ouverture des frontières européennes et un accueil digne est urgente !

L’autre urgence, c’est bien sûr de s’opposer à la nouvelle menace de éemorandums que ne va pas manquer d’imposer l’UE, autour du noyau dur germano-hollandais. Face à cela, la solution est moins que jamais le repli national mais au contraire, la nécessaire solidarité des jeunes et des travailleurEs en Europe, pour les droits sociaux pour touTEs , pour les services publics, contre le virus du profit !

A. Sartzekis

Source https://npa2009.org/actualite

On continue à soutenir les VioMe !! Signez la pétition

Dans cet article du 6 avril 2020  nous indiquions que le collectif avait adressé une lettre à l’ambassadeur de Grèce en France et au Ministre des finances grec pour demander le rétablissement de l’électricité pour la fabrique autogérée des VioMe de Thessalonique  . https://www.grece-austerite.ovh/lettre-du-collectif-a-lambassadeur-de-grece-et-au-ministre-des-finances-grec-en-soutien-aux-viome/

Les VioMe remercient le collectif pour sa solidarité et son soutien.

Ils sont toujours sans électricité et continuent à fonctionner grâce à des générateurs empruntés à des camarades solidaires en Grèce.

Les témoignages de soutien leur donnent le courage de continuer le combat.

Ils font de leur mieux pour récupérer l’électricité et poursuivre la production qui est non seulement un besoin pour eux pour la société, mais aussi une lutte politique contre le système.

Il faut continuer à signer et diffuser la pétition  https://tinyurl.com/wj67hdw

Le texte en français de la pétition http://www.viome.org/2020/04/viome-restera-dans-les-mains-des.html

pour signer : ονομα  = prénom      Επώνυμα = Nom

SOS Méditerranée et la pandémie

La Méditerranée centrale en temps de pandémie

Quelles sont les conséquences de la pandémie du Covid-19 sur le monde maritime ? Qui sont les acteurs présents en Méditerranée centrale actuellement ? Est-ce que les personnes continuent de fuir par la mer ? Quelle est la situation en Libye ? Au vu des questions que vous nous avez envoyées, nous apportons quelques éléments de contexte sur la situation en Méditerranée centrale. Décryptage.

Que font les organisations humanitaires de recherche et de sauvetage en Méditerranée centrale ?

Absence de ports sûrs en raison de la fermeture des ports, mesures de quarantaine, relèves d’équipage impossibles suite à la fermeture des frontières et à l’absence de moyens de transport, difficultés logistiques majeures pour le réapprovisionnement et la maintenance des navires… Depuis le début de la pandémie du Covid-19 en Europe, toutes les ONG de recherche et de sauvetage opérant en Méditerranée centrale ont mis en pause leurs activités et sont actuellement à quai, à Marseille comme l’Ocean Viking, en Italie ou en Espagne pour les navires de Sea-Watch, d’Open Arms et de Mediterranea. Il en est de même pour les avions Moonbird de Sea-Watch et Colibri de Pilotes Volontaires, cloués au sol du fait des difficultés d’accès aux aéroports européens.

Seule l’ONG allemande Sea-Eye avec le navire Alan Kurdi a repris la mer le 30 mars dernier. Arrivé sur la zone de recherche et de sauvetage le 5 avril, l’Alan Kurdi a porté secours à 150 personnes lors de deux opérations menées en moins de 24 heures. Sea-Eye rapporte qu’un hors-bord libyen a tiré en l’air lors du premier sauvetage, provoquant un mouvement de panique chez de nombreux rescapés qui se sont alors jetés à la mer. Tous sont actuellement sains et saufs à bord du navire, dans l’attente qu’un port sûr leur soit attribué.

L’Italie et Malte ont néanmoins d’ores et déjà refusé de fournir un port de débarquement, en raison de la crise sanitaire qui frappe leur territoire. Dans un décret publié le mardi 7 avril, les autorités italiennes ont annoncé que leurs ports ne pouvaient plus être considérés comme des “lieux sûrs” en raison du coronavirus. En d’autres termes, les navires humanitaires de recherche et de sauvetage ne sont plus autorisés à débarquer des rescapés en Italie jusqu’au 31 juillet, date annoncée de la fin de l’état d’urgence, qui pourrait être repoussée. Moins de 24 heures après l’annonce italienne, le gouvernement maltais a annoncé lui aussi que les personnes migrantes ne pourraient plus débarquer dans les ports maltais. « Il est de l’intérêt et de la responsabilité de ces personnes de ne pas se mettre en danger avec un voyage risqué vers un pays qui n’est pas en position de leur offrir un port sûr » a déclaré le gouvernement maltais.

Si la pression de la pandémie sur les sociétés européennes est inédite et extrêmement grave, ces décisions vont à l’encontre du droit maritime international : il est de la responsabilité des États de coopérer à la mise à disposition d’un port sûr, alors que le débarquement des rescapés dans un lieu sûr est une obligation pour tous les capitaines de navire.

Que deviennent les forces militaires de l’Union européenne présentes sur la zone ?

Le 31 mars, l’Union européenne (UE) a annoncé la fin de l’opération Sophia dont les moyens navals avaient déjà été retirés il y a un an. En avril doit être lancée une nouvelle opération militaire européenne, appelée Irini (« paix » en grec), dont l’objectif est de contrôler l’embargo de l’ONU sur les armes à destination de la Libye. Elle disposera de moyens maritimes et aériens qui patrouilleront à l’est de la Méditerranée, à l’écart de l’actuelle zone de départs des personnes fuyant la Libye par la mer. Des navires pourraient ainsi y être positionnés dans les semaines ou les mois à venir.

D’après les déclarations de l’UE, dans l’éventualité où ses navires militaires seraient amenés à secourir des embarcations en détresse, la Grèce serait le pays de débarquement des rescapés, avant d’être répartis dans les pays de l’UE volontaires pour les accueillir. Josep Borrel, le Haut Représentant de l’UE pour les Affaires étrangères et la sécurité a expliqué lors d’une conférence de presse le 31 mars : « les navires ne patrouillent pas les mers à la recherche de personnes à secourir. Ce n’est pas « Sophia bis » (…). D’une manière ou d’une autre, si les navires trouvent quelqu’un en mer, ils devront lui porter secours, (…) la mission n’est pas consacrée à la recherche de personnes, à leur sauvetage, mais si cela se produit, nous saurions comment procéder.»

Quelles sont les conséquences de la pandémie sur le monde maritime ?

Au-delà des navires humanitaires, c’est l’ensemble du monde maritime qui est durement touché par la pandémie du Covid-19. Le 19 mars dernier, le secrétaire général de l’Organisation maritime internationale, M. Lim, déclarait : « pour ralentir la propagation de la maladie et atténuer ses effets, les déplacements sont réduits et les frontières sont fermées. Les plateformes de transport sont touchées. Les ports sont fermés et les navires se voient refuser l’entrée ».

Partout, des dizaines de milliers de marins sont bloqués sur leurs navires du fait des mesures sanitaires et sécuritaires prises par les Etats. Le commerce de fret subit de plein fouet la crise et les navires militaires ne sont pas épargnés par l’épidémie, tel le porte-avions Charles de Gaulle qui interrompt une mission en Atlantique et rentre au port de Toulon. L’un des secteurs particulièrement touchés est également le transport de passagers : de nombreux paquebots de croisière se retrouvent bloqués en mer avec des milliers de touristes, dans l’impossibilité de trouver un port qui accepte de les débarquer, y compris des malades gravement atteints. L’exemple de la longue errance du Zaandam, parti d’Argentine le 7 mars dernier avec 1250 passagers et 1186 membres d’équipage, est édifiant. Après l’apparition de premiers symptômes du Covid-19 à bord, les autorités chiliennes refusent le débarquement des passagers et membres d’équipage, suivies par le Pérou et le Panama. Après plus de quinze jours en mer et de longues négociations, le Zaandam est finalement autorisé à accoster en Floride le 2 avril. Au total 250 passagers et membres d’équipage ont présenté des symptômes et quatre personnes sont mortes à bord.

Est-ce que les départs continuent ? Que se passe-t-il pour les embarcations en détresse ?

Durant cette période, il est très difficile d’obtenir des informations concernant les départs et les traversées en Méditerranée centrale. Néanmoins l’Organisation mondiale pour les migrations (OIM) a déclaré dans un communiqué de presse publié hier que depuis le début du mois d’avril, au moins six embarcations seraient parties de Libye avec environ 500 personnes à bord.

Les interceptions et les retours vers la Libye menés par les garde-côtes libyens se poursuivent également sur l’axe entre la Libye et l’Italie.  Selon l’organisation Alarm Phone qui gère une hotline téléphonique pour les personnes en détresse en mer, en mars « plus de 600 personnes ont tenté de fuir la Libye par la mer et ont été interceptées et renvoyées. ». Hier, l’OIM a signalé qu’environs 280 personnes ont été interceptées en mer et ramenées par les garde-côtes libyens. Elles n’ont pas été autorisées à débarquer par les autorités libyennes et ont passé la nuit à bord.

Pour le moment, rien n’indique que cette crise du Covid-19 aura une influence sur les départs depuis les côtes libyennes puisque ces derniers sont plus liés à l’urgence de fuir la Libye qu’à tout autre facteur.

Quelle est la situation en Libye ?

En Libye, malgré l’annonce d’une trêve humanitaire liée au Covid-19 qui a vite volé en éclats, les combats ont repris. La région de Tripoli est ainsi en proie ces dernières semaines à de nombreux bombardements. Lors d’une conférence de presse le 3 avril, le porte-parole du Haut-Commissariat pour les réfugiés en Libye déclarait qu’au moins 300 civils ont été tués et 150 000 ont été déplacés de leurs foyers depuis le début du conflit l’an dernier. La situation est d’autant plus inquiétante que la Libye, considérée par l’Organisation mondiale de la santé comme pays à haut risque face à la pandémie, a officiellement signalé hier 21 cas de contamination au COVID-19 et un décès. Alors que le système de santé est extrêmement fragile, les organisations internationales présentes s’alarment des possibles conséquences sur la population libyenne et plus encore pour les personnes migrantes, entassées dans des centres de rétention surpeuplés. « Nous savons que ces gens [dans les camps de rétention] n’ont absolument aucune chance de survivre. Nous nous attendons à une catastrophe humaine sans précédent » a déclaré Walid Elhouderi, de la Commission libyenne des droits de l’Homme.

Des mesures ont été prises par les autorités de Tripoli : fermeture des frontières terrestres, des aéroports, mise en place d’un couvre-feu, fermeture des établissements scolaires et publics. Néanmoins leur mise en œuvre sur un territoire divisé politiquement semble tout-à-fait hypothétique.

Au vu de tous ces éléments de contexte, nos équipes sont particulièrement préoccupées par l’urgence humanitaire qui continue en Méditerranée centrale où la mortalité risque de grimper. Il est évident que la situation d’urgence sanitaire actuelle est extrême et déstabilise gravement les citoyens et les Etats européens. Néanmoins cette crise ne doit pas remettre en cause le droit et les conventions internationales. Des mesures permettant de débarquer rapidement les rescapés secourus dans un port sûr proche tout en garantissant la santé publique doivent être impérativement prises au niveau européen. SOS MEDITERRANEE s’engage à soutenir tous les scénarios innovants possibles afin qu’ensemble nous puissions relever ce défi et tendre la main à ceux qui se noient.

Crédit photo : Julia Schaefermeyer / SOS MEDITERRANEE

Source http://www.sosmediterranee.fr/journal-de-bord/mediterranee-centrale-pandemie

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Gus Massiah: Grèce 2015 une alternative était possible

Réflexions suite à la lecture du livre d’Éric Toussaint Capitulation entre Adultes Grèce 2015 : une alternative était possible

25 mars par Gustave Massiah

Gus Massiah, membre du Conseil scientifique de Attac-France et du Conseil international du Forum social mondial, auteur de nombreux ouvrages, nous partage ici ses réflexions autour du nouveau livre d’Eric Toussaint, Capitulation entre adultes, Grèce 2015 : une alternative était possible qui vient de paraître en français aux éditions Syllepse à Paris et en grec aux éditions Red Marks à Athènes. Sa publication est également prévue en espagnol au mois d’avril chez Viejo Topo. Eric Toussaint, à travers cet ouvrage essentiel, nous offre une lecture alternative de la crise de la dette grecque de celle racontée par Yanis Varoufakis dans Conversations entre adultes. Il montre à travers différents arguments et un long travail d’analyse que le premier gouvernement Syriza avait ignoré les demandes du peuple grec, maintes fois exprimées, et avait adopté une position sur la dette qui était vouée à l’échec. Une alternative était possible ! Gus Massiah met en évidence dans ses réflexions une série de points essentiels qui, nous l’espérons, susciteront votre curiosité et vous amèneront à découvrir cet ouvrage.

J’ai lu avec beaucoup d’attention, d’intérêt et de plaisir le manuscrit. Le titre qui me paraît le mieux correspondre au manuscrit est : Grèce 2015 : une alternative était possible.

Je distinguerai trois parties dans mes réactions : l’introduction, les neuf chapitres suivants, le chapitre 10 qui élargit et sert de conclusion.
Je n’ai pas de divergences, quelquefois des questionnements. Je réagis en séquence sur le manuscrit en mettant en évidence la manière de valoriser le livre.

L’introduction met bien en évidence l’apport essentiel de ce livre et caractérise son actualité et son exemplarité. Elle rappelle ce que beaucoup n’ont pas noté : que la victoire électorale d’un parti de la gauche radicale était une première en Europe dans la période récente et que, en moins de six mois, ce gouvernement cédait aux exigences des créanciers. Éric Toussaint identifie bien les questions posées : Comment comprendre les échecs ? Quelles étaient les alternatives pour gagner ? Quel programme la gauche radicale peut défendre de manière crédible ?

L’auteur rappelle que le gouvernement n’est pas le pouvoir et qu’on ne peut sous-estimer le rôle dans la situation du bloc économique et de la classe capitaliste.

L’introduction interroge déjà sur ce que peut faire un gouvernement de gauche quand il gagne des élections. L’auteur rappelle que le gouvernement n’est pas le pouvoir et qu’on ne peut sous-estimer le rôle dans la situation du bloc économique et de la classe capitaliste.

Je voudrais revenir sur une des propositions de l’auteur, qui mériterait d’être nuancée, quand il indique : « La répétition par le peuple de l’ascension progressive vers le pouvoir qu’ont réalisé les bourgeois dans le cadre de la société féodale ou de la petite production marchande est impossible. » Ce qui renforce l’importance de l’étape du passage par un gouvernement. Je suis d’accord avec l’affirmation de la non répétition. Mais je pense que la caractérisation, forcément brève, peut donner matière à des interprétations contestables. La bourgeoisie a réussi une transition maîtrisée du féodalisme au capitalisme relativement rapide mais qui a quand même pris quelques siècles. Et elle a passé des alliances de classes différenciées avec des couches populaires ; plus avec la paysannerie en France, et plus avec les artisans en Grande Bretagne. Si je reviens là-dessus c’est pour indiquer que la question de la transition dans la sortie du capitalisme reste à inventer et implique des étapes et des alliances qui ne sont pas déterminées. Sans négliger que la sortie du capitalisme ne conduit pas automatiquement au socialisme. Ce n’est pas le gouvernement qui peut les déterminer tout seul, ce qui renforce l’affirmation sur l’importance du rapport entre le gouvernement et les mouvements.

La question de la transition dans la sortie du capitalisme reste à inventer et implique des étapes et des alliances qui ne sont pas déterminées.

Dans l’introduction, on retrouve l’importance du rapport de forces par rapport à l’Union européenne qui est redéveloppée dans la conclusion. Il est fait mention de la situation spécifique de la Grèce par rapport à l’Europe et des rapports de forces internes à l’Europe. La partie sur la situation électorale actuelle de Syriza est très intéressante. Elle montre peut-être l’ambiguïté de l’opinion populaire par rapport à l’Europe et son évolution. Il serait peut-être important de le préciser dès ce moment et de ne pas attendre la conclusion pour en montrer l’importance.

Une précision de l’introduction qui me paraît très importante c’est l’affirmation que l’enjeu n’est pas de tout ramener aux responsabilités de Tsipras et de Varouflakis. Ainsi, même si la critique est vive, la raison de l’échec ne se résume pas à l’idée d’une simple trahison ou d’un complot mais met en avant la nécessité de comprendre les orientations et l’enchaînement des déterminations et des décisions dans les politiques suivies ainsi que la nature des liens et des rapports politiques aux mouvements sociaux et citoyens. En fait, assez justement, l’auteur ne parle de trahison que par rapport au référendum, il met en cause des renoncements et des capitulations dont il faut comprendre les ressorts.

Les neuf chapitres suivants entrent dans l’histoire détaillée de ce qui s’est passé et de ce qui aurait pu être fait. Chacun des chapitres fait progresser la compréhension et le dernier chapitre reprend l’ensemble autour d’une question fondamentale et d’une affirmation : Oui, on pouvait faire autrement.

Ce décryptage corrige la présentation des faits et donne une interprétation précise et cohérente, avec, comme l’auteur le dit, l’exercice périlleux de se mouiller sur ce qui aurait pu être fait.

Je n’ai pas beaucoup d’interrogations sur les neuf chapitres. J’ai surtout beaucoup appris de choses dans la longue narration et dans le décryptage qui remet les choses dans l’ordre. Ce décryptage corrige la présentation des faits et donne une interprétation précise et cohérente, avec, comme l’auteur le dit, l’exercice périlleux de se mouiller sur ce qui aurait pu être fait.

Le choix d’organiser la démonstration en contrepoint du récit de Varoufakis est très astucieux. Il rend vivant la présentation. Comme sa démonstration est auto-justificative, celle d’Éric Toussaint aurait pu être uniquement accusatrice. Ce qui n’est pas le cas, il arrive à réfléchir à sa position de manière plutôt équilibrée même si les contradictions du personnage sont un peu gommées par rapport à ses certitudes.

Les propositions de Varoufakis menaient à l’échec. L’analyse des six mesures prioritaires est très éclairante. Il s’agit d’un plan d’urgence autour de la restructuration de la dette publique, de la recherche d’un excédent primaire en contradiction avec le rejet de l’austérité, de l’impôt sur les grandes sociétés, des privatisations, d’une banque de développement, de la gestion des banques privées transférées à l’UE.

Du point de vue de la réflexion sur un projet de gouvernement, on peut admettre qu’il ne faut pas négliger la défensive en situation. Certaines des mesures, au-delà des gages donnés aux créditeurs, s’inscrivent dans la logique néolibérale présentée comme une évidence. Sans aller jusqu’à un rappel des ruptures nécessaires il n’y a pas d’ouverture vers des alternatives et donc pas de stratégie articulant les mesures d’urgence et la préparation de la transformation. Éric Toussaint explique plus loin le rejet du programme de Thessalonique de 2014 qui pèse sur les mobilisations et les rapports entre le gouvernement et les mouvements (concernant le programme de Thessalonique, voir http://www.cadtm.org/Ce-que-Tsipras-s-etait-engage-a-realiser-et-ce-que-son-gouvernement-a-mis-en).

La critique qu’adresse Éric Toussaint à la proposition de Varoufakis de restructuration de la dette part de l’hypothèse que tout le monde a bien compris l’importance du refus de la dette illégitime, ce qui malheureusement n’est pas le cas.

Le récit discutable de Varoufakis des origines de la crise grecque et ses relations avec la classe politique. Ce chapitre est très intéressant même si les éléments qu’il donne sur les raisons de cette évolution sont présentées à partir d’une critique, par ailleurs assez équilibrée, des positions de Varoufakis. La critique faite sur le discours de la corruption des classes dirigeantes grecques est juste, non que cette responsabilité n’existe pas et qu’elle n’ait pas joué un rôle dans la crise mais parce qu’il permet de réduire les responsabilités des créanciers et de l’Europe qui les protège en dernière instance.

La discussion sur le contrôle des banques privées pose une autre question, celle de l’appréciation du risque dans une politique radicale de rupture.

Comment Tsipras, avec le concours de Varoufakis, a tourné le dos au programme de Syriza. On arrive au nœud de la situation. Ce qui différencie un programme révolutionnaire d’un simple programme de gauche c’est l’engagement du peuple qui dépasse la mobilisation des mouvements et l’affrontement électoral. Éric Toussaint le souligne à plusieurs reprises. Il faudrait essayer de comprendre comment Tsipras construit un rapport de transfert avec une partie du peuple qui lui permet de surmonter la déception du référendum, de rester au pouvoir et de ne pas sombrer aujourd’hui. Il a réussi à surfer sur une volonté d’éviter le pire qui ne se nourrit pas d’illusions.

La question qui nous est posée est comment des mots d’ordre, et notamment l’annulation de la dette illégitime, peuvent devenir mobilisateurs pour des ruptures possibles dans des périodes d’affrontement.

Les conseillers de Varoufakis. Ce chapitre montre l’importance de la technostructure et son ralliement au néolibéralisme. Il pose la question de l’expertise citoyenne et de l’importance de cette bataille stratégique. Elle ne se résume pas à la technostructure, elle s’est beaucoup imposée avec la double offensive de l’alliance du marché et du numérique, d’une part, et de la remise en cause du socialisme après 1989. D’où l’importance des initiatives telles que celle du CADTM ou de l’Aitec.

Une stratégie de négociation vouée à l’échec. Ce n’est pas le gouvernement grec qui ouvre les hostilités. La Troïka se lance dans une agression brutale. Elle le fait pour l’exemple. Trois questions illustrent la situation dans la période : l’annulation de la dette se retrouve au centre de l’affrontement, il faut donc s’y préparer au préalable ; le débat sur l’Europe est au centre de la définition d’une stratégie, la position ne se résume pas au choix de sortir ou non de l’Europe ; la crise grecque démontre la dérive des gouvernements socio-démocrates et l’effondrement de la social-démocratie en tant qu’alternative réformiste.

Vers l’accord funeste avec l’Eurogroupe du 20 février 2015. Le bras de fer est clairement engagé. Il n’y a pas d’espace de négociation. Éric Toussaint énumère clairement les conditions de la capitulation : les réformes structurelles néolibérales ; le contrôle par le FMI ; une soutenabilité de la dette définie par les pays dominants ; la primauté absolue aux créanciers. La victoire de la Troïka est totale.

Éric Toussaint énumère clairement les conditions de la capitulation : les réformes structurelles néolibérales ; le contrôle par le FMI ; une soutenabilité de la dette définie par les pays dominants ; la primauté absolue aux créanciers. La victoire de la Troïka est totale.

Fin février 2015 : la première capitulation. C’est dans ce chapitre que vous énoncez le plus clairement la politique alternative qui revient à appliquer le programme de Thessalonique. A l’appui de cette proposition, il faut rappeler que c’était le mandat demandé et obtenu pour la victoire de Syrisa, il était donc légitime. La question qui est posée est celle du risque existant compte tenu du rapport de forces. Comme le dit Éric Toussaint, il fallait « se préparer aux nouvelles représailles des autorités européennes et donc à une possible sortie de la zone euro ». Là-dessus, il précise « Syriza n’avait certes pas demandé à ses électeurs de lui donner un mandat pour sortir de la zone euro, … » et un peu plus loin, il ajoute « de mon côté, mon analyse de la Grèce et de la zone euro avait évolué. Je suis devenu convaincu à partir de l’été 2013 que la sortie de la zone euro était une option sérieuse à envisager pour les pays de la périphérie européenne, notamment la Grèce. » Cette question n’était donc pas acquise dans le débat public, elle a dû peser dans l’évaluation des risques. Pour l’avenir, elle fait partie des questions qu’il faut poser publiquement dans le débat démocratique.

Diplomatie secrète et espoirs déçus. Dans ce chapitre il est intéressant de préciser qu’il ne s’agit pas de dire qu’une diplomatie ne doit pas comporter de secrets mais que la diplomatie secrète ne peut pas remplacer les mobilisations et les mouvements populaires. C’est donc le manque de stratégie appuyée sur les mobilisations qui apparaît et qui laisse l’exécutif sans moyens face aux coups de boutoirs de l’ennemi.

Dans les facteurs qui ont conduit au désastre, je retiendrai surtout : le refus de la confrontation avec les institutions européennes et avec la classe dominante grecque, et le refus d’appeler à la mobilisation nationale et internationale.

Vers le dénouement. Dans les facteurs qui ont conduit au désastre, je retiendrai surtout : le refus de la confrontation avec les institutions européennes et avec la classe dominante grecque, et le refus d’appeler à la mobilisation nationale et internationale. Admettons que pour accepter une confrontation grosse de dangers importants, il faut tenir compte des rapports de forces et des risques et qu’il ne suffit pas d’engager une confrontation pour définir une ligne alternative. Mais, refuser de prendre le risque sans l’expliquer et sans appel à la mobilisation populaire c’est capituler sans préparer une nouvelle situation qui permettrait d’avancer vers une alternative.

Le dixième chapitre sert de conclusion : Oui, il y avait une alternative pour réussir.
Ce chapitre reprend et présente les conclusions des chapitres précédents en différenciant : la caractérisation de la politique de la Troïka ; ce que le gouvernement grec a fait et ce qu’il aurait pu faire ; les leçons pour les luttes en Europe et ailleurs.

La caractérisation de la politique de la Troïka est claire ; elle a été d’une extrême brutalité se considérant en terrain conquis. La Troïka a fait capituler le gouvernement grec. Mais, même si la Troïka a gagné, elle n’en est pas sortie intacte. Elle a dévoilé la nature de l’Europe et jusqu’où elle était capable d’aller pour imposer sa ligne et sa doctrine. Elle a encore affaibli l’acceptation de l’Union européenne par les peuples. En refusant toute possibilité de répondre à la crise grecque, elle a rendu plus grave et plus visible la crise européenne.

La réponse à ce que le gouvernement grec aurait pu faire renvoie à la discussion sur les conditions de l’affrontement. Aucune stratégie ne peut éliminer la confrontation et les risques de l’affrontement. Ne pas être prêt à l’affrontement, c’est donner la main à l’adversaire. Mais il ne suffit pas d’accepter l’affrontement, il faut le préparer et le mener ; des tactiques sont nécessaires. Des étapes sont possibles et mêmes nécessaires en fonction des situations et des rapports de forces. La question difficile est d’apprécier et d’assumer les risques au niveau d’un peuple. Comment expliquer les réponses de la direction de Syriza ? Quelle est la part du recul devant les risques par rapport à leur adhésion à une option d’accord qui conduisait à la subordination ? Éric Toussaint privilégie une explication sociologique ; elle est probable, mais elle n’est peut-être pas suffisante pour rendre compte des contradictions dans une période d’affrontement.

Par rapport à l’affrontement avec le bloc capitaliste, ce qui fait la différence c‘est la mobilisation et la confiance populaire et la capacité de passer des alliances. Éric Toussaint insiste sur l’importance de la démocratie et de l’auto-organisation et il a tout à fait raison.

S’en remettre à des dirigeants est toujours risqué, surtout si ceux-ci privilégient la diplomatie secrète. La référence au programme de Thessalonique est bonne mais il ne suffit pas de dire : il suffit de l’appliquer ; elle laisse ouverte la question de comment l’appliquer en situation de crise. L’explication qu’Éric Toussaint donne dans le chapitre 3 (Comment Tsipras et Varoufakis tournent le dos au programme de Syriza) me paraît convaincante. Mais Tsipras avait conservé des capacités de manœuvre si on tient compte du faible impact électoral de la Plateforme de gauche.

Dans une situation révolutionnaire, la mobilisation populaire trouve d’autres formes d’intervention qui permettent de dépasser les limites des victoires électorales. Dans cette partie sur ce qui aurait pu être fait, se pose la question de ce que le mouvement populaire aurait pu faire pour pousser les dirigeants de Syriza à être fidèles à leurs engagements. Le référendum a permis de le canaliser, mais après la victoire du non, qu’est-ce qui aurait été possible, qu’est-ce que les mouvements grecs auraient pu faire ?

Les leçons pour les luttes en Europe et ailleurs, au-delà des spécificités de la situation grecque, nécessitent un changement d’échelle. La définition d’une alternative est nécessaire. Elle est urgente mais elle sera longue ce qui implique d’y travailler activement. La sortie et le dépassement du capitalisme doivent être rappelés et poursuivis à travers les luttes et les mobilisations, le travail d’élaboration intellectuel, les initiatives alternatives immédiates. La définition d’un nouveau projet socialiste s’inscrit dans la transition sociale, écologique, démocratique et géopolitique.

La sortie et le dépassement du capitalisme doivent être rappelés et poursuivis à travers les luttes et les mobilisations, le travail d’élaboration intellectuel, les initiatives alternatives immédiates.

Je retiens à partir de l’analyse d’Éric Toussaint six propositions pour contribuer aux mobilisations et aux luttes et préparer la définition des programmes de gouvernements pour des périodes de victoires électorales populaires (sans aller jusqu’à « la critique du programme du Gotha » ou « le programme de transition » pour oser un petit clin d’œil entre nous).

  1. Préparer l’affrontement sur l’annulation de la dette publique
    C’est un point central de toute confrontation dans les situations de crise. Il faut s’y préparer par des campagnes internationales. L’annulation des dettes illégitimes et odieuses a progressé mais est loin d’être accepté. C’est un des reproches à Varoufakis, mais je pense que ce n’était pas une évidence pour lui et que pour beaucoup d’autres ce n’est pas un descripteur d’une position de gauche. Les commissions d’audit ont fait progresser mais pas encore assez. Le travail du CADTM est exemplaire, il faudrait l’amplifier à travers une coalition internationale.
  2. Préparer l’affrontement sur les banques
    Le contrôle des banques nécessite une double action. Un débat public sur la nécessité de contrôler les banques et de la nature de ces contrôles. Une préparation technique et professionnelle sur les différents outils de contrôle du système bancaire pour limiter les campagnes de dénigrement et l’organisation des paniques.
  3. Préparer l’abandon des plans d’austérité
    Discuter du programme économique, des mesures fiscales et du contrôle de l’inflation
  4. Approfondir le débat sur l’Europe (pour les pays européens)
    Ce débat très conflictuel doit être mené le plus tôt possible. Éric Toussaint l’aborde à plusieurs reprises. Ce n’est pas toujours très clair, même si ce n’est pas contradictoire. Il rappelle que Syriza n’avait pas prévu de quitter l’Europe et que le débat ne portait pas sur l’Europe. Ailleurs, Éric Toussaint dit qu’il a changé de position sur l’Europe. Ailleurs encore il développe la thèse de la désobéissance (avec laquelle je suis d’accord)
  5. Affirmer l’autonomie des mouvements
    Le rapport de forces dépend de la mobilisation populaire et de l’action des mouvements sociaux et citoyens. Un succès électoral est surtout consolidé par le surgissement populaire. L’autonomie des mouvements par rapport au gouvernement et aux partis politiques est une des conditions de la réussite.
  6. Affirmer l’actualité du dépassement du néolibéralisme et du capitalisme
    La bataille de l’hégémonie culturelle est centrale. La résistance contre les idéologies racistes, sécuritaires et xénophobes est prioritaire. Elle implique la construction d’un projet de dépassement du capitalisme et de réinvention du socialisme.

Auteur.e

Gustave Massiah est une des personnalités centrales du mouvement altermondialiste. Ingénieur et économiste, né en 1938 au Caire, a présidé le CRID (Centre de recherche et d’information pour le développement), galaxie d’associations d’aide au développement et de soutien aux luttes des pays du Sud, et a été vice-président d’Attac-France de 2003 à 2006.

Source http://www.cadtm.org/Reflexions-suite-a-la-lecture-du-livre-d-Eric-Toussaint-Capitulation-entre

Communiqué de presse conjoint du HCDH, de l’OIM, du HCR et de l’OMS

Les droits et la santé des réfugiés, des migrants et des apatrides doivent être protégés dans le cadre des efforts de lutte contre la Covid-19

Communiqué de presse conjoint du HCDH, de l’OIM, du HCR et de l’OMS

31 mars 2020 

Joint News Release

Face à la crise que représente la propagation de la Covid-19, nous sommes tous vulnérables. Le virus a montré qu’il ne fait aucune distinction entre les personnes – mais de nombreux réfugiés, déplacés internes, apatrides et migrants sont exposés à un risque accru.

Les trois quarts des réfugiés et de nombreux migrants à travers le monde se trouvent dans des régions en développement où les systèmes de santé sont souvent insuffisants et déjà surchargés. Beaucoup vivent dans des camps, des sites d’installation, des abris de fortune ou des centres d’accueil surpeuplés, où ils n’ont pas d’accès satisfaisant aux services de santé, à l’eau potable et à un système d’assainissement adéquat.

La situation des réfugiés et des migrants détenus dans des lieux de détention formels et informels, dans des conditions d’exiguïté et d’insalubrité, est particulièrement préoccupante. Compte tenu des conséquences mortelles qu’aurait une épidémie de Covid-19 dans ce contexte, ils devraient être libérés sans délai. Les migrants mineurs et leurs familles, ainsi que les personnes détenues sans base légale suffisante, devraient être immédiatement libérés.

Cette maladie ne peut être contrôlée que si une approche inclusive est adoptée pour protéger les droits de chaque individu à la vie et à la santé. Les migrants et les réfugiés sont particulièrement susceptibles d’être victimes d’exclusion, de stigmatisation et de discrimination, en particulier lorsqu’ils sont sans papiers. Pour éviter une catastrophe, les gouvernements doivent tout mettre en œuvre pour protéger les droits et la santé de chacun. La protection des droits et de la santé de tous permettra en réalité de contrôler la propagation du virus.

Il est essentiel que chacun, y compris tous les migrants et les réfugiés, puisse bénéficier d’un accès égal et garanti aux services de santé et soit effectivement inclus dans les réponses nationales à la pandémie de Covid-19, ce qui comprend la prévention, le dépistage et le traitement. Cette inclusion contribuera non seulement à protéger les droits des réfugiés et des migrants, mais aussi à protéger la santé publique et à endiguer la propagation mondiale de la Covid-19.  Même si de nombreux pays protègent et accueillent des populations de réfugiés et de migrants, ils ne sont pas toujours équipés pour répondre à des crises telles que celle de la Covid-19. Pour garantir aux réfugiés et aux migrants un accès approprié aux services de santé nationaux, certains États peuvent avoir besoin d’un soutien financier additionnel. C’est sur ce point que les institutions financières mondiales peuvent jouer un rôle de premier plan en mettant des fonds à disposition.

Alors que les pays ferment leurs frontières et limitent les mouvements transfrontaliers, il est important de rappeler qu’il existe des moyens de gérer ces restrictions de manière à respecter les normes internationales en matière de droits de l’homme et de protection des réfugiés, y compris le principe de non-refoulement, par le biais de la quarantaine et des contrôles sanitaires par exemple.

Plus que jamais, puisque la Covid-19 représente une menace pour toute l’humanité, nous devons nous concentrer sur la protection de la vie, quel que soit le statut de chacun. Cette crise exige une approche internationale cohérente et efficace qui ne laisse personne pour compte. En ce moment crucial, nous devons tous nous rassembler autour d’un objectif commun, la lutte contre ce virus mortel. De nombreux réfugiés, déplacés internes, apatrides et migrants possèdent des compétences et des moyens qui peuvent également faire partie de la solution.

Nous ne pouvons pas laisser la peur ou l’intolérance porter atteinte aux droits ou compromettre l’efficacité des réponses mises en œuvre pour lutter contre la pandémie. Nous sommes tous dans le même bateau. Nous ne pourrons vaincre ce virus que si chacun d’entre nous est protégé.

Source https://www.who.int/fr/news-room/detail/31-03-2020-ohchr-iom-unhcr-and-who-joint-press-release-the-rights-and-health-of-refugees-migrants-and-stateless-must-be-protected-in-covid-19-response

Grèce : Migrants droits bafoués

[Migreurop] Grèce : conditions épouvantables et déni des droits fondamentaux dans les centres de détention grecs de Malakassa et de Serrès

Destinataires:

Le président de la République hellénique, Le premier ministre de la Grèce

A partir du 21 mars et jusqu’à présent, 598 réfugiés et migrants sont détenus dans le camp de Klidi de la municipalité de Sintiki, dans la préfecture de Serres –au nord de la Grèce-, sans avoir le droit de déposer une demande d’asile. Parmi eux, se trouvent des bébés, dont le plus jeune a un mois, de jeunes enfants, de femmes qui vient d’accoucher, de femmes enceintes et de personnes atteintes de maladies chroniques graves.

Ils sont détenus au fond d’un ravin escarpé, situé tout près du lit du fleuve Strymon. Il existe un très fort risque de précipitations de grand volume d’eau ou de glissement de terrain en cas de fortes pluies, ainsi que d’un débordement du fleuve hors de son lit : ces risques ont été signalés par le service compétent des pompiers.

En hiver, de vents glacials très forts soufflent, tandis qu’en été l’atmosphère devient extrêmement étouffante, de sorte que les habitants de la région n’utilisent pas cet endroit même pas pour leurs animaux.

L’accès routier est problématique et les travaux de drainage des eaux pluviales ont été laissés incomplets. La collecte des déchets est également problématique.

Il n’y a pas d’approvisionnement d’eau, les bouteilles d’eau potable sont partagées, tandis que des camions d’eau transportent l’eau pour les autres besoins. Il n’y a pas de système d’égouts et les seules toilettes disponibles sont chimiques.

Il n’y a pas non plus de connexion au réseau électrique et l’éclairage électrique se fait avec un générateur dont le bon fonctionnement dépend d’un technicien, employé d’une société basée dans une autre préfecture.

Les détenu-e-s dorment dans des tentes en tissu plastifié, qui ne les protègent ni du froid ni de la chaleur, sur des palettes recouvertes de minces « matelas » synthétiques, tandis que tout ce qu’il y a comme literie a été offert par la Croix-Rouge.

Les tentes sont surpeuplées et si rapprochées les unes aux autres, que non seulement aucune quarantaine ou distanciation sociale n’est possible, mais même le déplacement entre elles, même la circulation conformément aux normes carcérales, y devient impossible.

Nous demandons au gouvernement de transférer immédiatement les détenus dans des hôtels et autres logements appropriés, en donnant la priorité aux plus vulnérables. Nous l’appelons à           appliquer, le droit européen et international en ce qui concerne l’enregistrement et l’examen personnalisé des demandes d’asile, même pour ceux qui sont arrivés au pays après le 1er mars,

Fermez le camp de Klidi maintenant, des vies humaines sont en jeu!

Source Fermez le camp de Klidi au nord de la Grèce, transférez immédiatement ceux qui y sont détenus à des hôtels!

Pétition  » Plus jamais ça »

#PlusJamaisCa, signons #PourLeJourDapres

15 associations et syndicats lancent une pétition pour un Jour d’Après écologique, féministe et social.

À la suite de la tribune « Plus jamais ça, préparons le jour d’après » du vendredi 27 mars, quinze organisations lancent aujourd’hui une pétition nationale pour défendre des mesures urgentes et de plus long terme, porteuses de profonds changements politiques. Cette pétition appelle les citoyen·ne·s, qui partagent le constat dressé d’urgence sociale et écologique et en ont assez des discours creux, à se mobiliser pour que le « Jour d’Après » soit construit ensemble, en rupture avec les politiques menées jusque-là. Les solutions existent, agissons !

Ces organisations appellent les citoyen·ne·s et l’ensemble de la société à faire entendre leurs voix pour « reconstruire ensemble un futur écologique, démocratique, féministe et social, en rupture avec les politiques menées jusque-là et le désordre néolibéral. » Alors que des actions urgentes s’imposent face à la crise sanitaire et que des décisions structurantes pour l’avenir sont en cours de discussion, il est primordial d’unir nos voix et d’axer le débat sur des mesures qui sont cruciales pour ne pas reproduire les erreurs du passé.

Par cette pétition, les citoyen·ne·s ont l’occasion d’exprimer leur soutien en faveur de quatre mesures urgentes, et de trois mesures de plus long terme.

« À court terme, il s’agit de stopper les activités non indispensables, de réquisitionner établissements médicaux privés et entreprises pour répondre à la crise, de suspendre les versements de dividendes, rachats d’action et bonus aux PDG. Et d’orienter les milliards d’euros injectés dans l’économie française et européenne vers les besoins sociaux et écologiques des populations ».

« Afin de ne pas relancer une économie profondément insoutenable écologiquement et socialement, nous invitons également les citoyen·ne·s à soutenir des politiques publiques de long terme pour ne plus jamais revivre ça. Services publics, fiscalité plus juste, ainsi que relocalisation et réorientation de l’agriculture, de l’industrie et des services doivent devenir les nouvelles priorités de l’action politique, pour remettre l’économie au service du plus grand nombre et limiter les dérèglements climatiques ». Cette pétition sera relayée sur les sites des nombreuses organisations signataires (liens ci-dessous), et le nombre total de signataires sera calculé en temps réel sur les sites internet de toutes les organisations qui hébergent la pétition :

Action Non-Violente COP 21, Alternatiba, les Amis de la Terre France, Attac France, CCFD Terre Solidaire, Confédération paysanne, CGT, Convergence nationale des Services Publics, Fédération syndicale unitaire (FSU), Fondation Copernic, Greenpeace France, Oxfam France, Reclaim Finance, Union syndicale Solidaires, 350.org.

Pour signer la pétition https://france.attac.org/se-mobiliser/que-faire-face-au-coronavirus/article/petition-plus-jamais-ca-signons-pour-le-jour-d-apres#form

Voir l’appel des 18 https://www.grece-austerite.ovh/plus-jamais-ca/

Lettre du collectif à l’ambassadeur de Grèce et au ministre des finances grec en soutien aux VioMe

Le collectif de Grenoble a repris, avec son autorisation, le courrier du CSPG ( Comite de solidarité avec le peuple grec) de Lyon adressé à l’ambassadeur de Grèce à Paris et au Ministre des finances grec.

Lettre transmise lettre soutien VioME en grec

Traduction ci-dessous :

  Monsieur le Ministre des Finances

                                                                     Nikis 5-7  ,  10563  – ATHENES

                                                                      Monsieur l’Ambassadeur de Grèce

17 rue Auguste Vaquerie  – 75 1106   PARIS –

Monsieur le Ministre,

Monsieur l’Ambassadeur 

Nous avons l’honneur de vous interpeller afin que vous interveniez auprès  des services de la fourniture d’énergie électrique du secteur de Thessalonique .

En effet , nous venons d’apprendre la décision scandaleuse prise par les autorités locales de couper l’électricité à l’entreprise autogérée VIOME de Thessalonique .

Les salariés de VIOME fabriquent des produits d’hygiène personnelle et domestique, qui sont de première importance pour la société.

Nous connaissons bien cette production de qualité et respectueuse de l’environnement qui permet à une vingtaine de salariés de fabriquer et de commercialiser leurs produits en Grèce mais également en Europe .

De plus , ils assurent des actions sanitaires permanentes pour la population locale .

D’autre part , ils sont  en négociation  avec le ministère du travail pour la légalisation complète de l’usine autogérée de Vio.Me..

Nous ne comprenons absolument pas cette décision dont les conséquences ; à court terme , risquent d’être graves , pour eux et leurs familles .

En espérant que votre intervention permettra un redémarrage rapide de VIOME et dans l’attente de votre réponse , nous vous  prions  de recevoir ,Monsieur le Ministre , Monsieur l’Ambassadeur,  nos respectueuses salutations .


Pour signer la pétition voir notre article https://www.grece-austerite.ovh/vio-me-restera-dans-les-mains-des-travailleurs/

Petit rappel sur l’histoire des  Viome

L’enfermement criminel des réfugiés en Grèce

TRIBUNE

Chronique d’un désastre annoncé : l’enfermement criminel des réfugiés en Grèce

Par Vicky Skoumbi, rédactrice en chef de la revue grecque «αληthεια» et directrice de programme au Collège international de philosophie 

A Lesbos, jeudi. Photo Manolis Lagoutaris. AFP

 Chronique d’un désastre annoncé : l’enfermement criminel des réfugiés en Grèce

Tribune. Par ces temps si troubles, où l’immunité grégaire obtenue par la vaccination généralisée est détournée en immunisation de troupeau résultante de l’exposition de tous et toutes au Covid-19 – ce qui ne manquera pas d’entraîner l’élimination des plus vulnérables –,

par ces temps de détresse où les médecins en Italie, en Espagne et même en France sont sommés de faire le tri entre ceux à qui ils donneront une chance d’être sauvés et les autres qu’on laissera mourir,

par ces temps si obscurs où les demandeurs d’asile aux frontières de l’Europe sont traités comme des ennemis à repousser et, si besoin, à abattre, tandis que ceux qui réussissent à passer en Grèce sont traités comme des criminels de droit commun, étant condamnés à des peines de prison ferme,

il y a une partie de la population qui est condamnée à la contagion généralisée : en premier lieu, les réfugiés et les migrants vivant partout en Europe et surtout en Grèce dans des conditions sanitaires déplorables dans des «hotspots», ou bien détenus dans de centres de rétention administrative (CRA), puis les sans-abri et enfin les personnes incarcérées. Pour l’instant, aucune mesure de vraie protection sanitaire n’est prévue pour ces trois catégories. Les plus exposés parmi eux sont les réfugiés vivant dans les hotspots, centres dits de réception et d’identification, à Lesbos, Samos, Chios, Cos et Leros. Ces camps fonctionnent actuellement cinq, sept voire onze fois au-dessus de leur capacité d’accueil. Dans les îles grecques, 37 000 personnes sont actuellement enfermées dans des conditions abjectes dans des hotspots prévus pour accueillir 6 000 personnes au grand maximum. Les demandeurs d’asile sont obligés d’y vivre dans une très grande promiscuité et dans des conditions sanitaires qui suscitaient déjà l’effroi bien avant l’épidémie de coronavirus. Dans la jungle de l’oliveraie, extension «hors les murs» du hotspot de Moria, à Lesbos, il y a des quartiers où il n’existe qu’un seul robinet d’eau pour 1 500 personnes, ce qui rend le respect de règles d’hygiène absolument impossible.

Conditions sordides

Or la seule réponse envisagée par le gouvernement grec est de transformer Moria en un centre fermé, en restreignant drastiquement les déplacements de réfugiés. Les rares fois où un effort est fait pour la «décongestion» du camp, celle-ci est effectuée au compte-gouttes. Mise à part l’installation d’un conteneur médical par les autorités régionales à l’entrée du camp, aucun renforcement du dispositif sanitaire avec des effectifs médicaux suffisant pour traiter les 20 000 habitants actuels de Moria n’est prévu. Au contraire, le gouvernement Mitsotákis mise sur la peur d’une épidémie dans les camps pour imposer aux sociétés locales la création de centres fermés, censés garantir la sécurité, non pas tant de leurs résidents mais des riverains. Ou bien le coronavirus, ou bien les centres fermés de détention, avait déclaré sans détours il y a une dizaine de jours le ministre de la Migration, Notis Mitarachi. Quant à ceux qui sont arrivés après le 1er mars, lorsqu’ils ne sont pas condamnés à des peines de quatre ans de prison ferme pour entrée illégale dans le territoire ils sont détenus dans des conditions sordides en vue d’une expulsion plus qu’improbable vers leur pays d’origine ou d’un renvoi forcé vers la Turquie, «Etat tiers supposé sûr». Pendant une dizaine de jours, 450 nouveaux arrivants ont été séquestrés dans des conditions inimaginables dans un navire militaire, où ils ont été obligés de vivre littéralement les uns sur les autres, sans même qu’on ne leur fournisse du savon pour se laver les mains.

Une telle exposition à des conditions insalubres de personnes fragilisées par des voyages longs et éprouvants pourrait-elle être mise sur le compte de la simple impréparation ? Ces conditions sont presque aussi inhumaines dans les centres fermés de Malakassa et de Serrès, où les nouveaux arrivants sont détenus. Pour les 1 300 détenus de Malakassa, en Attique, l’accès à l’eau courante se limite à quelques heures par jour, tandis que la dernière distribution de produits d’hygiène remonte à deux semaines. A Serrès, l’accès à l’eau se limite à deux heures par jour, tandis que la seule visite médicale a été faite par un médecin qui n’a examiné que quelques enfants.

Scénario terrifiant

De telles conditions de détention ne laissent pas de doute sur la stratégie du gouvernement : cette population ne doit pas être protégée mais exposée. La stratégie d’enfermement et de refoulement qui a été jusqu’alors la politique migratoire de l’Europe se révèle à présent être une véritable «thanato-politique». Aux refoulements illégaux et de plus en plus violents à la frontière (voir ici et ici) s’est ajoutée par temps de pandémie l’exposition des populations entières à des conditions si insalubres qu’elles mettent en danger leur santé et ne manquerons pas de conduire inévitablement à l’élimination physique d’une partie considérable d’entre eux. Sommes-nous face à un scénario terrifiant d’élimination de populations superflues ? Cette question ne saurait être contournée.

Photo du camp fermé pour migrants et réfugiés à l’endroit Klidi, à Serres (Nord de la Grèce)

Pourrions-nous fermer les yeux devant ces crimes de masses qui se préparent en silence et dont les conditions sont mises en place déjà à Moria (Lesbos), à Vathy (Samos), à Malakassa en Attique, au centre fermé, à Klidi ? Ce dernier, destiné à ceux qui sont arrivés en Grèce après le 1er mars (date de la suspension de la procédure d’asile) est un véritable camp de concentration, «un camp quasi militaire», écrit à juste titre Maria Malagardis. Les réfugiés et les migrants seront détenus dans ce camp pour un temps indéterminé, en attente d’un renvoi vers la Turquie, plus qu’improbable dans les conditions actuelles. Le choix de cet endroit désolé et à haut risque d’inondation, la très grande promiscuité obligatoire, ainsi que l’absence de toute prise en charge médicale, ont suscité de réactions, y compris au sein de la police locale et des sapeurs-pompiers. On n’ose à peine imaginer ce qu’il pourrait s’y passer si l’épidémie Covid-19 s’y déclarait.

Et que se passera-t-il si l’épidémie se déclare dans des endroits si surpeuplés et si dépourvus d’infrastructures sanitaires que sont les hotspots des îles ? «En cas d’épidémie, une quarantaine qui enfermerait des dizaines de milliers de personnes en bonne santé ainsi que des personnes infectées par Covid-19 dans les camps surpeuplés, accompagnée d’un manque de préparation et de réponse médicale adéquate et appropriée, entraînerait presque certainement la mort inévitable de nombreuses personnes», ont déclaré 21 organisations qui ont lancé un appel pour l’évacuation immédiate des hotspots.

Désastre sanitaire imminent

Aux multiples appels (1) à évacuer immédiatement les camps surpeuplés, et même aux exhortations venant des instances européennes, le gouvernement grec continue à faire la sourde oreille, prétendant que l’enfermement des demandeurs d’asile dans des lieux comme le hotspot de Mória assure leur propre sécurité ! Le ministre de la Migration ne cesse de brandir comme solution miracle la création des centres fermés dans les îles. Entre-temps, les nouveaux arrivants, y compris les femmes enceintes et les enfants, restent bloqués à l’endroit même où ils débarquent, pour un supposé «confinement en plein air», sous des abris de fortunes ou même sans aucun abri, pendant au moins une période de quatorze jours !

photo du reportage du 28 mars à Petra, Lesbos, du média local, Sto Nissi, stonisi.gr

Les appels répétés (voir ici et ici) de la commissaire Ylva Johansson de transférer les réfugiés des hotspots, ainsi que les exhortations de la commissaire Dunja Mijatović de libérer les migrants détenus en CRA, résonnent comme de simples protestations pour la forme. Dans la mesure où elles ne sont pas suivies de mesures concrètes, elles ne servent qu’à dédouaner la Commission européenne de toute responsabilité d’un désastre sanitaire imminent.

Un tel désastre ne saurait toucher uniquement les réfugiés, mais l’ensemble de la population des îles. L’Union européenne, si elle veut vraiment agir pour mettre les demandeurs d’asile en sécurité, doit à la fois exercer des pressions réelles sur le gouvernement grec et prendre de mesures concrètes pour l’aider à évacuer les réfugiés et les migrants et à les installer dans un confinement sécurisé à domicile. Dans l’immédiat, elle peut réorienter l’aide exceptionnelle de 700 millions d’euros octroyée à la Grèce pour assurer l’étanchéité des frontières européennes, afin de mettre en sécurité des réfugiés et des migrants.

Appliquer sur une population affaiblie et mal nourrie la méthode de «l’immunisation du troupeau» reviendrait à mettre en œuvre une politique d’élimination de populations superflues. Un tel choix politique ne saurait laisser intacte notre société tout entière. Ce n’est pas une question d’humanisme, c’est une question qui touche aux fondements de notre vivre-ensemble : dans quel type de société voulons-nous vivre ? Dans une société qui non seulement laisse mourir mais qui fait mourir ceux et celles qui sont les plus vulnérables ? Serions-nous à l’abri dans un monde transformé en une énorme colonie pénitentiaire, même si le rôle qui nous y est réservé serait celui, relativement privilégié, de geôliers ? Il est grand temps de se ressaisir : l’épidémie de Covid-19 a démontré, si besoin était, que nous vivons toutes et tous dans le même monde et que le sort des uns affecte celui des autres. Ne laissons pas les demandeurs d’asile subir un enfermement qui pourrait s’avérer mortel, mais faisons en sorte qu’ils partagent avec nous les conditions d’un confinement protecteur et salutaire. Il faudrait leur offrir en toute urgence un abri digne de ce nom dans des conditions sanitaires décentes. C’est une priorité absolue si nous voulons éviter une catastrophe humanitaire et sociétale.

Sans précédent

Face au choix de traiter des êtres humains comme des miasmes, nous pouvons opposer une politique qui combine diverses propositions : les résidents de hotspots et ceux qui se trouvent en détention administrative pourraient être transférés en Grèce continentale en bateaux de croisière, et y être hébergés provisoirement en logements touristiques vides, afin d’être par la suite répartis entre les pays européens.

L’extrême urgence de la situation impose de faire vite, il n’y a plus une minute à perdre (2). Exigeons du gouvernement grec et des dirigeants européens une action immédiate qui mettra en sécurité les demandeurs d’asile et les migrants. Ne pas le faire aujourd’hui nous rend complice d’une stratégie criminelle qui mènera inévitablement à une catastrophe humanitaire sans précédent.

Contre les politiques d’exclusion et de criminalisations des arrivants, il nous faudra construire un monde «un», commun à toutes et à tous. Sinon, chacun de nous risque à n’importe quel moment de se retrouver du mauvais côté de la frontière.

(1) Voir un appel lancé en plusieurs langues par des activistes grecs : «Evacuez immédiatement les centres de réception dans les îles» ; l’action d’Amnesty International ; l’appel international #LeaveNoOneBehind , l’appel #SosMoria de 5 000 médecins européens, la lettre ouverte de 121 ONG, etc.

(2) Aux dernières nouvelles, plusieurs cas de coronavirus ont été recensés au camp de réception de Ritsona, au nord d’Athènes, ainsi qu’un cas d’une réfugiée hébergé en appartement à Kilkis, au nord de la Grèce.

Vicky Skoumbi rédactrice en chef de la revue grecque «αληthεια» et directrice de programme au Collège international de philosophie

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