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Les livraisons à Exarcheia ont commencé !

La solidarité continue avec les collectifs et lieux autogérés en Grèce, malgré les pressions et intimidations du pouvoir.

Depuis hier, les livraisons à Exarcheia ont commencé. Elles seront étalées sur plusieurs semaines. Comme toujours, c’est avec le Notara 26, premier squat historique de réfugié-es et migrant-es au centre d’Athènes*, que nos actions simultanées ont quitté d’autres régions de Grèce pour converger sur les catacombes de la capitale. En pleine canicule, les enfants et adultes du squat nous ont chaleureusement accueilli-es dans les accolades et les sourires. Certains visages sont connus depuis longtemps, d’autres sont nouveaux, tous sont affectueux comme lors des retrouvailles d’une grande famille.

Le chargement : une tonne et 350 kg de fruits et légumes de Crète, mais aussi des céréales complètes venues de France, de l’huile d’olive achetée à Kastelli pour soutenir simultanément les paysans en lutte contre le projet d’aéroport, des couches et du lait infantile collectés progressivement, des cadeaux d’enfants de France et de Crète pour les enfants migrants, quelques vêtements et cafetières aussi… Bien sûr, cette livraison sera doublée d’une somme d’argent transmise ce soir dans le cadre de l’assemblée générale du lieu, car il est important également que les collectifs soit autonomes dans leurs choix face aux épreuves qu’ils traversent.

Dans un contexte extrêmement difficile, le Notara 26 est un exemple : il résiste aux fascistes et à l’état grec depuis six ans, sans faiblir, avec toujours autant de monde, d’initiatives, de joie, de courage, d’entraide, de force et d’amour. De la « bonne force» comme on dit par ici : « Kali dynami ! »

Merci à celles et ceux qui nous épaulent pour continuer à faire vivre l’utopie concrète et persévérer dans l’adversité. Pas question de baisser les bras, même si les temps sont difficiles. À bientôt pour d’autres nouvelles du quartier où d’autres lieux sont encore debout et où de nouveaux collectifs viennent même d’être créés ! Non, rien n’est fini, comme vous pourrez le voir dans le prochain épisode 😉

Salut fraternel de nos camarades et compagnons d’utopie ici ✊🖤❤

Maud et Yannis po/ Anepos et les membres et soutiens de l’action

PS : si vous voulez soutenir les prochaines actions dans les jours à venir (évidemment sans subvention ni partenariat médiatique avec les valets du pouvoir) à destination de plusieurs autres collectifs et lieux autogérés à Athènes puis ailleurs), c’est ici :

1- Pour effectuer un virement à ANEPOS
IBAN : FR46 2004 1010 1610 8545 7L03 730
BIC : PSSTFRPPTOU
Objet : « Action Solidarité Grèce »
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2- Pour participer via PAYPAL, suivre le lien :
https://www.paypal.com/cgi-bin/webscr?cmd=_s-xclick&hosted_button_id=LMQPCV4FHXUGY&source=url
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3- Pour envoyer un chèque à l’ordre de ANEPOS
Adresse postale : ANEPOS – Action Solidarité Grèce – 6 allée Hernando – 13500 Martigues
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Contact : solidarite@anepos.net
Tél. Grèce (0030) 694 593 90 80 / Tél. France 06 24 06 67 98

* Petite présentation du Notara 26 (vidéo de 14 minutes) :
https://www.youtube.com/watch?v=Aq3SUliz34A

Source et autres photos http://blogyy.net/2021/06/29/les-livraisons-a-exarcheia-ont-commence/

SOS MEDITERRANEE Appel à dons

L’été vient de commencer, et comme depuis plusieurs années maintenant, les départs des côtes libyennes risquent de se multiplier à la faveur de conditions météo favorables.

Comme Mourad qui a dérivé sans boire ni manger durant 48 heures, Esther dont l’enfant est né en pleine mer sur une embarcation surchargée, ou Alex qui a vu le jour une après-midi de mai à bord de notre navire, d’autres prendront la mer pour fuir l’enfer qu’est devenu la Libye.

Ces personnes traversent la Méditerranée au péril de leur vie ; notre devoir est d’agir pour leur venir en aide !

Alors que quatre navires humanitaires sont toujours bloqués par les autorités maritimes, notre bateau citoyen, l’Ocean Viking fait actuellement route vers la Méditerranée centrale pour continuer sa mission : sauver des vies en mer.

Pour assurer notre présence vitale cet été, votre soutien est plus que jamais indispensable. Ensemble, répondons à ces appels de détresse !

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Merci d’être à nos côtés,

L’équipe de SOS MEDITERRANEE
#RepondezACeSOS

 

Les liens des médias avec le gouvernement

Les médias grecs ne sont pas dignes de confiance et dépendent du gouvernement, selon un rapport de Reuters

25 juin 2021

Le marché des médias en Grèce se caractérise par une fragmentation numérique, un manque de confiance dans les informations, une presse politiquement polarisée et une dépendance vis-à-vis du gouvernement, selon le rapport annuel « Digital News Report 2021″ de l’Institut Reuters.

La polarisation politique de longue date de la Grèce s’est à nouveau reflétée dans son paysage médiatique en 2020. Les médias d’information ont également été durement touchés par la pandémie, les dépenses publicitaires télévisées ayant chuté de 61 % en 2020 par rapport à 2019.

Lors de la première vague de COVID-19, la décision du gouvernement de dépenser 20 millions d’euros pour une campagne publicitaire  » restez à la maison  » a été fortement critiquée. Finalement, la campagne a financé 1 232 organismes de presse, dont 627 sites d’information numériques, dont certains n’étaient pas des organismes de presse légitimes.

Le fait que 54 % des personnes interrogées en Grèce se soient opposées à ce que le gouvernement intervienne pour aider les organes de presse commerciaux incapables de subvenir à leurs besoins, soit l’un des taux les plus élevés parmi 46 pays, peut avoir été influencé par cette controverse.

Syriza, le plus grand parti d’opposition, a reproché au gouvernement une couverture défavorable dans les bulletins d’information de l’ERT, le radiodiffuseur de service public, suivant une longue tradition de plaintes similaires de la part des partis d’opposition. À son tour, le gouvernement actuel accuse un ex-ministre de Syriza d’ingérence dans le processus d’attribution des licences de télévision sous l’administration précédente.

En mars 2021, le débat sur le rôle des plateformes de médias sociaux dans la politique et la sphère publique s’est intensifié. Le Premier ministre a qualifié les médias sociaux de « menace pour la démocratie », évoquant la nature toxique des débats publics et les niveaux de désinformation sur les médias sociaux. Cette déclaration a suscité une vive réaction de la part de l’opposition et des utilisateurs des médias sociaux, qui ont accusé le Premier ministre de tenter de critiquer des passerelles d’information qu’il ne peut pas contrôler. Pendant ce temps, le vérificateur de faits approuvé par Facebook pour la Grèce, « Greek Hoaxes », a été au centre de nombreuses discussions, controverses et attaques, tant à gauche qu’à droite.

Le paysage télévisuel national en Grèce était relativement stable l’année dernière, après une longue période de turbulences, notamment des fermetures de radiodiffuseurs et des conflits de licences. L’un des rares changements a été la relance de MEGA TV, qui a été pendant des années le plus grand radiodiffuseur commercial de Grèce, après avoir été fermé pendant un an et demi en raison de difficultés financières. La chaîne a été rachetée par Evangelos Marinakis, qui a récemment acquis de nombreux anciens médias. La chaîne n’a pas encore atteint le rôle de premier plan qu’elle avait auparavant. Le bulletin d’information du radiodiffuseur de service public a enregistré de modestes augmentations d’audience, tandis qu’une forte impulsion a été donnée au numérique avec la mise en place d’une plateforme web de service public, ERTflix, qui comprend des informations mais est principalement utilisée pour des programmes de divertissement.

Le marché de l’information numérique en Grèce reste fragmenté. Le répondant moyen de l’enquête Digital News Report en Grèce utilise plus de sources d’informations numériques par semaine que les répondants des 46 autres pays de l’échantillon, à l’exception du Kenya. Ce résultat souligne la nature occasionnelle et fragmentée de la consommation d’informations numériques en Grèce. Cela peut contribuer à expliquer l’absence d’une culture de paiement des actualités en ligne en Grèce, à l’exception de certains médias de niche.

L’utilisation des podcasts a augmenté au cours de l’année dernière en Grèce – 40% des utilisateurs d’informations en ligne nous disent qu’ils écoutent un podcast au cours d’un mois donné. L’une des initiatives grecques les plus réussies en matière de podcast est pod.gr, un média exclusivement consacré au podcast qui publie des articles sur des sujets variés, notamment l’actualité et la politique. Quelques organismes d’information à l’aise avec le numérique, comme LiFO et 24Media, ont également réussi à produire leurs propres séries de podcasts.

Au début de l’année 2021, la Grèce a connu son propre moment #MeToo, avec des centaines de femmes et d’hommes révélant publiquement leurs expériences d’inconduite et d’abus sexuels à la suite des révélations publiques de Sofia Bekatorou, une championne de voile. La majorité des révélations provenaient de personnes travaillant dans le secteur du divertissement, provoquant une sensation publique. Cependant, en mars 2021, il n’y avait pas eu de débat public sur les abus sexuels dans le journalisme. Le journalisme traditionnel a également été largement absent de la couverture du mouvement #MeToo en Grèce ; les organes de presse grecs ont rapporté des révélations, mais n’ont pas mené leur propre enquête, comme cela a été le cas dans d’autres pays.

Ces dernières années, nous avons vu une série d’initiatives numériques visant à renforcer le journalisme d’investigation et indépendant en Grèce. L’une d’entre elles est Reporters United, une plateforme visant à soutenir le journalisme d’investigation en Grèce et à le connecter aux réseaux internationaux. Une autre initiative est le journalisme d’information lente Inside Story, qui a publié un certain nombre d’articles d’investigation cette année, notamment en ce qui concerne la gestion des données sur les pandémies par le gouvernement. Enfin, iMedD (The Incubator for Media Education and Development), un organisme à but non lucratif financé par la Fondation Stavros Niarchos, a été lancé pour soutenir le journalisme indépendant et mettre en lumière les meilleures pratiques.

Plus de données sur les médias grecs ici

Source https://www.keeptalkinggreece.com/2021/06/25/greece-media-reuters-report/

Traduit avec www.DeepL.com/Translator (version gratuite)

Mobilisations massives en Grèce contre une loi esclavagiste

par A. Sartzekis

Ces dernières semaines s’est développée en Grèce une très forte mobilisation contre un projet de loi portant sur le temps de travail et les libertés syndicales.

Le projet de loi peut être ainsi résumé : faire travailler plus (journée de 10 h, extension du travail le dimanche, augmentation du plafond annuel d’heures sup) en payant moins (récupération partielle en « repos », baisse du taux sur les heures sup), et imposer de graves atteintes au droit de grève et d’organisation (avec pressions pour faire signer des conventions individuelles).

Traduction par le Premier ministre, l’ultra-libéral Mitsotakis : « Une loi favorable aux travailleurs et permettant le développement », qui assainira « la jungle du monde du travail » et assurera l’avenir des jeunes générations ! En réalité, la confirmation que le seul projet de la droite revancharde au pouvoir, c’est de tout faire pour attirer les investisseurs (et les touristes) et favoriser leurs copains-coquins du grand patronat grec.

Ce projet, pour lequel le quotidien Efimerida ton Syntakton hésite entre « Bienvenue au 19e siècle » et « Retour au Moyen Âge », a connu une première réponse avec une encourageante mobilisation nationale le 6 mai. Diverses initiatives locales ont suivi, reflétant en profondeur un sentiment grandissant depuis l’automne. Et c’est cette pression ouvrière qui a forcé les directions syndicales, dont celle de GSEE, la Fédération unique du privé dirigée par une bureaucratie liée au Pasok et irrémédiablement compromise dans l’acceptation des mémorandums, à lancer un appel à la grève générale pour le 10 juin, ce que mettaient en avant les syndicats les plus combatifs.

De la grève du 10 juin au vote de la loi

Malgré bien des obstacles (dont les menaces de licenciements dans le privé, l’interdiction de la grève chez les marins, qui l’ont menée et réussie), cette journée, sans être un raz-de-marée, a été un grand succès, avec des manifs dans plus de 70 villes, un appui massif à la mobilisation. À Athènes, plusieurs dizaines de milliers de travailleurEs et jeunes ont manifesté dans trois cortèges : le KKE (PC) et son courant syndical PAME, les deux fédérations GSEE et ADEDY (secteur public) avec à leurs côtés Syriza et d’autres organisations réformistes, les syndicats de base et la gauche anticapitaliste. Mais signe de la combativité, les cortèges étaient si denses qu’ils se sont joints !

Bien sûr, au soir de cette belle journée, les plus clairvoyantEs savaient que les bureaucraties syndicales allaient freiner, pour ne pas être débordées, alors que la droite affichait encore plus de fermeté. Au lieu d’appeler immédiatement, au minimum, à une nouvelle grève nationale pour le jour du vote, le 16 juin, GSEE se repliait dans le silence et ADEDY appelait à un arrêt de travail devenu in extremis, sous la pression des syndiquéEs, un appel à la grève. Dans ces conditions, la participation à la mobilisation du 16 a été en recul. Néanmoins, partout dans le pays, des milliers de travailleurEs ont manifesté, encerclant le Parlement à Athènes.

La question qui se pose avec plus d’urgence après le vote de la loi, pour poursuivre une mobilisation victorieuse, est celle d’une réorganisation syndicale prenant en compte des éléments contradictoires : même si la direction de GSEE est vendue, son appel national à la grève a élargi la mobilisation ressentie alors comme unitaire ; la seule activité des syndicats de base combatifs ne suffira pas, et la gauche syndicale doit élaborer une tactique de pressions combatives empêchant les replis des diverses ­directions ­syndicales. Le combat ne fait que continuer !

A. Sartzekis

Athènes, le 19 juin 2021

Source https://lanticapitaliste.org/actualite/international/mobilisations-massives-en-grece-contre-une-loi-esclavagiste

En tant qu’humain sur cette terre : personne n’est illégal

22 juin par Didier Epsztajn

 

« Penser les migrations sous le prisme de leur contexte politique, c’est en refuser les explications qui reposent sur des causes conjoncturelles et qui invisibilisent les responsabilités des pays dominants. La majorité des personnes migrantes viennent de pays qui se situent dans des régions du Sud lourdement fragilisées par des siècles de colonialisme, puis de politiques néolibérales imposées par les pays du Nord. Les personnes migrantes se déplacent donc bien souvent pour tenter d’échapper à la misère engendrée dans leur pays d’origine par les politiques d’ajustement liées au remboursement de la dette imposées par principaux créanciers : les Institutions financières internationales (IFIs), banques et gouvernements du Nord. Ces mesures reposent sur l’extractivisme, l’accaparement des terres, sur la perturbation des économies locales et le détricotage des mécanisme de protection sociale. »

Dans l’introduction, Dettes et déplacements, les auteurs et autrices rappellent que « La dette est ainsi un outil de domination et de transfert des richesses qui provoque des déplacements importants de population, au Sud comme au Nord ». Elles et ils abordent l’endettement des personnes qui « compense » le fait que les Etats ne s’acquittent pas de l’obligation de « de promouvoir et de réaliser les droits humains », le recours croissant à l’endettement pour financer les coûts de la migration, la servitude pour dettes, les migrant·es qualifié·es d’illégaux et qui forment une main d’œuvre sous-payée, les politiques migratoires très restrictives des pays du Nord, Frontex (en complément possible, Abolissez Frontex, mettez fin au régime frontalier de l’Union Européenne et Claire Rodier : Frontex, Plateforme européenne du business migratoire, les instruments de répressions des migrations, l’externalisation des frontières, « Les politiques contemporaines, véritables nécropolitiques, liées à la défense et à la gestion des frontières, restent profondément imbriquées à la mort ».

« À travers ce nouveau numéro des Autres voix de la planète, c’est un portrait de ce lien, depuis les pays du Sud, et pas uniquement sur les pays du Sud, qui est dressé. Un premier ensemble de textes évoque les facteurs historiques et structurels des migrations. Ces articles rappellent comment l’ampleur des destructions de la colonisation et le maintien des dépendances économiques et politiques après les indépendances causent des migrations. Le deuxième ensemble de textes évoque les fonctions économiques systémiques qu’exercent les immigrations contemporaines, dont la sécurisation et l’externalisation des frontières en sont une des facettes. La troisième partie montre comment les crises économiques et les migrations sont éminemment imbriquées. Elle souligne également que ce lien de cause à effet se déplace car, désormais, certains chemins migratoires fuient les réformes structurelles qui touchent également les pays du Nord. La quatrième partie éclaire sur ce que la dette et les politiques migratoires « font », aux personnes migrantes, souvent poussées à s’endetter dans leurs parcours migratoires. Pour finir, nous proposons de faire état de pistes d’actions, de mobilisations solidaires, qui montrent la possibilité d’autres manières de réellement accueillir, de faire hospitalité. Repenser l’hospitalité prend ici la forme d’une réparation a minima que les pays riches, les pays du Nord, les pays (néo) colonisateurs doivent à l’égard des peuples et territoires exploités ».

Une remarque préalable. L’article 13 de La Déclaration universelle des Droits des êtres humains précise que Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l’intérieur d’un Etat et que Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays. Cet article n’est pas réservé aux habitant·es des pays du Nord global nommé·es expatrié·es lorsqu’iels sont migrant·es. Les êtres humains expatriés ou migrants ne peuvent-être considérés comme illégaux.

Quelques éléments choisi subjectivement parmi les différents textes.


Les causes historiques et structurelles des migrations sont analysées dans un premier chapitre.

Saïd Bouamama aborde les facteurs – généralement oubliés – systémiques et structurels des migrations contemporaines, l’ampleur des destructions des périodes coloniales, « Le but de la colonisation occidentale est la destruction totale des logiques économiques [et en conséquence également politiques, culturelles, etc.] dominantes auparavant dans ces pays pour imposer une logique économique correspondant aux intérêts de l’économie du pays colonisateur et de sa classe dominante », l’unification hiérarchisée du monde, les dépendances structurelles des économies dites de la périphérie, l’engendrement d’une « surpopulation permanente » par la destruction de l’agriculture paysanne, les effets des plans d’ajustements structurels, les zones de et les « statuts » de non-droit, la dépendance comme forme systémique « prenant le relais de la colonisation d’avant-hier et du néocolonialisme d’hier »…

Ndongo Samba Sylla discute de la libre circulation des biens et des capitaux mais pas des femmes et des hommes, de la Méditerranée transformée en cimetière, du caractère non-soutenable du système capitaliste, de la concentration des revenus et des patrimoines, des écarts entre niveaux de vie, de « prime de classe » et de « prime de résidence » (« Nous ne naissons donc pas égaux/égales »), des barrières mises en place pour entraver la circulation des personnes, de la création « d’une classe globale de surnuméraires »

Virginie de Romanet « s’intéresse à l’impact de la Banque mondiale et de l’évolution du contexte économique sur la dégradation des conditions de vie qui s’en est suivie et au manque d’opportunités économiques pour les populations fragilisées ». Elle aborde aussi les dettes coloniales, les migrations, « une part très conséquente de l’immigration a lieu entre pays du Sud », la fuite des cerveaux dont les médecin·es, les impacts du changement climatique.

L’autrice souligne deux points :

  • « Tout être humain devrait pouvoir choisir l’endroit où il souhaite s’installer et vivre et il devrait s’agir d’un vrai choix et non d’un choix contraint par des conditions économiques ou politiques défavorables »
  • « Seule l’annulation de la dette, des réparations pour l’exploitation et le pillage colonial et néocolonial, et d’autres transformations fondamentales nécessaires, pourront mettre fin à cette situation »

Nicolas Sersiron discute de la part des facteurs environnementaux dans la croissance des migrations ; les cause visibles, les causes profondes (pauvreté publique, absence de filet social), les destructions de territoires de vie par des multinationales extractives, les accaparements de terres. L’auteur analyse les effets du colonialisme et du néocolonialisme, les techniques d’endettement, la corruption, la concurrence « déloyale » des produits des multinationales, les transferts du Sud au Nord…

Il souligne qu’« il y a peu de migrations environnementales là où il existe des revenus dignes ». Il aborde la non prise en compte des « externalités négatives », les déchets de la consommation effrénée dans les pays industrialisés, la dette écologique envers les populations du Sud…

« Le patriarcat au centre des migrations : Une analyse structurelle et imbricationiste ». Des extraits d’un texte de Jules Falquet sont proposés à la lecture. Je rappelle son important livre, Imbrication. Femmes, race et classe dans les mouvements sociaux. Une citation : « Les nouvelles modalités du travail requièrent des « qualités typiquement féminines » : acceptation du temps partiel et infiniment extensible à la fois, polyvalence et implication « totale », notamment émotionnelle, qui dessinent des formes de servilité normalisées et généralisées ».

L’autrice aborde les « femmes de services » et les « hommes en armes », les effets délétères pour les femmes de la mondialisation néolibérale, les nouveaux emplois féminins et les migrations, l’état de guerre et de contrôle généralisé, les complexes militaro-industriel…


Le second chapitre est consacré aux fonctions économiques et politiques des migrations.

Claire Rodier analyse ce qu’est et ce que fait Frontex. Elle discute de celles et ceux qui doivent fuir leurs pays, des liens entre Frontex et l’industrie militaro-sécuritaire, la surveillance, « Ce choix d’investir dans la surveillance plutôt que dans le sauvetage des vies humaines explique qu’en 2019, la proportion de boat people qui ont perdu la vie en tentant la traversée de la Méditerranée pour rejoindre l’Europe a atteint le seuil historique de 14% (contre en moyenne 2% au cours des années précédentes) », les violations des droits des personnes migrantes…

Il faut s’interroger sur qui profite de la « gestion » des migrations. Jérome Duval, Benoît Coumont et Ludivine Faniel reviennent sur le droit fondamental de liberté de circulation et les politiques sécuritaires qui bafouent ce droit. Iels discutent des moyens militaires mis en place, la délégation de tâches à des entreprises privées, la chaine de sous-traitance, le business florissant du contrôle des frontières, la gestion des centres de détention, « en définitive, la politique anti-migratoire mise en œuvre par l’UE tue »…

Un article est consacré aux politiques migratoires et sécuritaires européennes au Niger, l’association des « enjeux migratoires » aux questions de « l’aide au développement et de la sécurité », les contraintes d’adaptation que cela fait peser sur le Niger et limite les capacités à « décider et agir », le (non) respect des conventions internationales de protection des droits des personnes migrantes….

Stathis Kouvelakis aborde l’histoire récente de la Grèce, la logique des mémorandums, « la logique de ces mémorandums est similaire à celle des programmes d’ajustement structurel », la réduction du rôle des organisations représentatives, le bradage du « patrimoine public », le saccage des ressources naturelles et de l’environnement… Je regrette que l’auteur parle de « souveraineté nationale de l’Etat grec » et non de souveraineté populaire (l’Etat grec, un rouage du fonctionnement du capitalisme, ne pouvant être considéré comme organe de cette souveraineté).

Cet article est complété par une analyse des pratiques de la police anti-émeute grecque, de la « gestion » de la frontière entre Grèce et Turquie, « Un nuage néofasciste plane au-dessus des frontières entre la Grèce et la Turquie »,la montée de partis néofascistes en Europe…


Le troisième chapitre aborde plus précisément
« Crises économiques, dettes et migrations » .

« Les dérives autoritaires et répressives – policières et militaires, voire paramilitaires – particulièrement à l’œuvre au Honduras, au Nicaragua, au Salvador et au Guatemala à l’encontre de toute dynamique de contestation ou à la faveur des politiques de confinements… aggravent encore le panorama ». Bernard Duterme analyse la situation en Amérique centrale, « Une crise de trop », les effets de la pandémie sur la pauvreté et les inégalités, l’aggravation de la « crise » migratoire, « environ 400 000 Centro-Américain·es tentent chaque année de passer aux Etats-Unis », la fuite face aux violences, les espoirs de réunification familiale, les possibles inversions de tendance du coté de la démocratisation et de l’émancipation…

Je souligne le très intéressant article de Fatima Martin et Jérome Duval, « L’Espagne a basculé de l’immigration à l’émigration en cinq ans de crise de 2008 à 2013 », la chute de la population depuis 2012, le basculement démographique, « L’Espagne était l’un des pays les plus jeunes en 1960. En 2060, il sera l’un des plus vieux, avec un âge moyen de 49,7 ans », le solde migratoire négatif…

Lucile Daumas aborde les « Les politiques migratoires européennes vues du Maroc », le slogan « la mort plutôt que l’humiliation » de certain·es rifain·es lors de leurs mobilisations, le détroit de Gibraltar, les grilles et les murs érigés pour empêcher la sortie des personnes du Maroc, la coopération et la sous-traitance dans la gestion des frontières, les migrant·es d’« Afrique noire » et leurs parcours stoppés au Maroc, les visions sécuritaires de la migration, les migrations circulaires (exemple des travailleuses de la fraise)…

En complément possible :

Christine Vanden Daelen analyse « La dette, mécanisme infernal au cœur de la féminisation des migrations », l’imbrication des rapports sociaux, « Ainsi, capitalisme, patriarcat et racisme s’imbriquent et renforcent mutuellement leurs oppressions », les impacts sexospécifiques du système dette, les effets du démantèlement de l’« Etat social », « Les privatisations et coupes budgétaires imposés aux services publics et sociaux les affectent spécifiquement comme travailleuses, usagères et bénéficiaires majoritaires de ces secteurs mais également comme mères, compagnes, filles… », l’accaparement de terre et l’extractivisme qui prive « les femmes de leurs moyens de subsistance et territoires », les effets du « tout à l’exportation », le microcrédit, les chemins de l’émigration « cadenassés par la dette », les femmes de services et la « reproduction sociale »… « La spirale infernale de la dette atteint ainsi son paroxysme et démontre combien toute stratégie d’émancipation gagne à inclure dans les revendications l’abolition des dettes illégitimes ».


Dans le quatrième chapitre sont examinées
« Ce que les politiques migratoires font aux personnes migrantes » .

Anaïs Carton analyse la situation de « travailleuses domestiques migrantes au Liban, le parcours de la dette » n’est pas propre au Nord global. L’autrice parle de ces femmes « non-arabes » étrangères au Liban, « Les travailleuses domestiques subissent donc trois formes de domination : en tant que migrantes, en tant que femmes, et en tant que travailleuses. Au Liban, cette division sexuelle, sociale et internationale du travail produit des rapports de domination entretenus par le système qui organise cette migration, la kafala », l’absence de protection sociale, « la relation de service qui lie ces femmes à un kafil est donc éminemment marquée par le joug d’une domination », les réseaux de recrutement, la servitude pour dette, la division sexuelle du travail…

Sushovan Dhar aborde les « différentes formes de dettes envers une diversité d’acteurs », les conditions de travail de femmes indiennes dans le pays du golfe, le développement de la prostitution, le système de la « kalafa », l’esclavage moderne, les pièges de la dette et de l’exploitation, « La migration ouvrière et le piège de la dette qui y est associé ont comme conséquence de graves restrictions des libertés des travailleurs/euses en les fixant dans des relations de pouvoir et de dépendance très asymétriques »…

Dans un entretien Richecarde Célestin, revient sur indépendance de Haïti, la continuité entre société coloniale et société d’exploitation et d’exclusion, le boulet de la dette, les formes d’esclavage sous les Duvallier, la violence de l’oligarchie en défense de ses privilèges, la problématique de l’identification, « L’arrêt 168-13 de 2013, pris par la Cour constitutionnelle dominicaine, faisait partie d’une politique migratoire pour contrôler le nombre de ressortissant·es haïtien·nes sur son territoire. Il dénationalise des personnes qui sont nées en République dominicaine alors que la constitution prévoit la nationalité pour toutes les personnes qui sont nées sur le territoire. C’est là que l’État haïtien a réagi avec le Programme d’identification et de documentation des immigrés haïtiens en République dominicaine (PIDIH) », les violations des droits humains…

Laurenne Makubikua K, « L’Europe à tout prix », parle du cout humain et financier de la traversée des océans, de sa vie à Kinshasa et de son parcours, de l’asile refusé, « On ne te frappe pas physiquement, mais tu es abattue à l’intérieur de toi », de la situation d’endettement, des réseaux de solidarité…

Le dernier chapitre est consacré à quelques pistes d’action.

Lucile Daumas fait une lecture critique du « pacte mondial pour une migration sûre, ordonnée et régulière », l’absence de référence à « la liberté de circulation des personnes et au droit de choisir sa résidence à l’intérieur d’un Etat et de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays », la légitimation de la criminalisation de la migration et de l’aide apportée aux personnes migrantes, le choix de la migration dite sélective, la distinction entre migrant·es et réfugié·es, les boites à outils « légitimant les pratiques actuelles en matière d’obstacles à la liberté de circulation », l’autorisation des camps de rétention, l’instauration de zones de non-droits, l’internement administratif, le refus « d’égalité de droits des personnes vivant sur un même territoire ». Il convient d’opposer à cela le droit international et la régularisation des personnes migrantes…

« Seules la démilitarisation du monde, la lutte effective contre le réchauffement climatique et l’annulation de l’ensemble des mécanismes qui maintiennent les pays du Sud dans la dépendance et le mal-développement permettront de bannir les migrations forcées et d’aller dans le sens de migrations réellement volontaires »

Les enjeux des uns sont de « contrôler les frontières, de construire des centres fermés, d’y enfermer des personnes innocentes » en dépensant allégrement les deniers publics, d’entraver « le droit de vivre tout simplement là où on se sent en sécurité », de créer la misère pour le bénéfice de quelques-uns. Ils construisent un monde d’inégalités, de murs, de frontières sauf pour les marchandises. Ils ne respectent ni les droits fondamentaux ni les traités internationaux. Leurs politiques ont fait de la Méditerranée un cimetière.

Un numéro très riche pour comprendre ce que la division internationale du travail et le dette font aux femmes et aux hommes.

Nous devons et nous pouvons nous opposer à cette Europe forteresse…

AVP 80 – Les autres voix de la planète : Dettes & migrations : Divisions internationales au service du capital

CADTM – 1er trimestre 2021

Liège 2021, 98 pages, 5 euros

Autres numéros : revue/les-autres-voix-de-la-planete/


Didier Epsztajn

Source http://www.cadtm.org/En-tant-qu-humain-sur-cette-terre-personne-n-est-illegal-19987

Des fraises grecques « fabriquées au Bangladesh »

Des fraises grecques « fabriquées au Bangladesh

Jusqu’à 10 000 travailleurs agricoles migrants vivent dans des camps de fortune dans les champs de fraises d’Ilia, qui produisent « l’or rouge » générant des dizaines de millions d’euros d’exportations. Alors que l’État grec reste indifférent, le nombre de travailleurs devrait augmenter, car la production devrait monter en flèche d’ici 2025, couvrant environ 6 200 acres.
par Stavros Malichudis
4 juin 2021

Photographies : Thodoris Nikolaou (découvrez notre reportage photo sur Manolada)
Vidéo : Fanis Kollias
Reportage supplémentaire : Nasruddin Nizami
Rédaction : Iliana Papangeli
Traduction : Gigi Papoulias

Les magasins situés le long de la route principale de Lappa, un petit village du nord-ouest du Péloponnèse, diffèrent des magasins que l’on trouve dans d’autres régions provinciales de Grèce. Les enseignes des quelques magasins – cafés, stands de souvlaki, boulangeries – écrites en grec, se mêlent à d’autres enseignes de magasins écrites en bengali.

Il y a un restaurant qui sert des plats bangladais et un magasin de vêtements. Il y a un mini-marché où l’on trouve de tout, de l’épicerie aux nattes, couvertures, ventilateurs, en passant par les produits emballés, tous fabriqués au Bangladesh. Les propriétaires du magasin, qui sont originaires du Bangladesh, sont bien conscients des besoins de leurs consommateurs : la communauté de milliers de leurs collègues travailleurs terrestres migrants, qui vivent dans la région et travaillent dans les champs de fraises.

Parfois, ils répondent à ces besoins des consommateurs de manière imaginative, en combinant divers produits et services. Le magasin de vêtements vend également des outils et des pièces détachées. À l’intérieur de la supérette, un espace séparé a récemment été créé derrière une structure en bois – un salon de coiffure. Une coupe de cheveux coûte 5 € et un rasage 2 €, ce qui procure au propriétaire un revenu supplémentaire. « Quand j’ai dit à mon comptable ce que je voulais faire, il a ri, mais il m’a dit que c’était possible », dit-il.

Deux annonces de décès en bengali

Trois hommes sont assis sur des chaises en plastique devant la boutique. L’un regarde un dessin animé sur son téléphone, un autre sirote une boisson énergisante avec une paille. À côté d’eux, sur un poteau à côté de la façade du magasin, deux annonces de décès en bengali ont été affichées.

Le premier indique qu’Odan Mahmad Rajun s’est suicidé le 21 mars 2021. Le second annonce que vingt jours plus tôt, Amin Mia (amin signifie bien-aimé) est mort d’une crise cardiaque. Amin Mia était récemment venu en Grèce pour travailler, comme tous ses compatriotes. Et comme la plupart de ses compatriotes, il était sans papiers.

On estime que quatre à cinq Bangladais meurent ici chaque année. À chaque fois, les membres de la communauté et l’ambassade à Athènes organisent le rapatriement des corps – un voyage de plus de 6 500 kilomètres.

La « distorsion » de la population à Manolada

Certaines personnes, dans toutes les régions de Grèce, craignent que les populations locales ne soient « déformées » par l’arrivée de réfugiés et d’immigrants. Il y a cependant une région où cette « distorsion » s’est déjà produite, mais c’est un changement bienvenu et, depuis des années, il est devenu nécessaire. Cette zone est Manolada.

« Manolada » fait référence à la zone plus large de la préfecture d’Ilia dans le Péloponnèse, à environ 40 kilomètres à l’ouest de Patras, qui comprend les villages de Manolada, Nea Manolada, Neo Vouprasio, Lappa et Varda. Le dernier recensement en Grèce a eu lieu en 2011. À cette époque, Manolada comptait 844 habitants, Lappas 1 000 et Neo Vouprasio 128. Mais le nombre réel de personnes vivant dans la région est bien plus élevé.

En roulant sur la route qui relie les villages, nous arrivons à Nea Manolada. Bien que ce soit dimanche matin, il n’y a pas beaucoup de circulation à l’église située au centre du village. Toute l’activité se déroule plutôt à l’extérieur de la boutique de paris voisine, où un groupe d’hommes d’origine indienne est rassemblé, des bulletins de paris à la main.

À côté des boutiques grecques, des maisons de village abandonnées et des habitations à deux étages avec de grandes cours – une communauté s’est développée, des gens qui vivent dans des fermes délabrées et des camps de fortune, bien cachés des rues principales.

La plupart d’entre eux vivent sans papiers, invisibles pour l’État grec. Comme Ali.

L' »or rouge » de Manolada

Bien que sa voix douce, les traits de son visage et sa morphologie laissent penser qu’il pourrait être beaucoup plus jeune, Ali dit à Solomon qu’il a 17 ans. En 2004, quand Ali est né, les fraises de Manolada faisaient partie des nombreux produits cultivés dans la région et il y avait 1 200 stremmata (environ 300 acres) de champs de fraises.

La raison pour laquelle l’adolescent du Bangladesh et jusqu’à 10 000 travailleurs migrants sont venus dans la région est qu’au cours des dernières décennies, la production de fraises a augmenté rapidement. En 2012, elle couvrait 12 000 stremmata (environ 3 000 acres) et on estime qu’elle a actuellement dépassé les 15 000 stremmata (environ 3 750 acres).

Manolada cultive plus de 90% de la production totale de fraises en Grèce, qui est presque entièrement destinée à l’exportation. Dans un rapport récent, l’un des principaux producteurs de la région, Giannis Arvanitakis, parle d’un « produit exclusivement exportable », ajoutant que « seulement 4 % de la production » est destinée au marché grec.

L' »or rouge » – terme inventé par le Premier ministre grec de l’époque, George Papandreou – désigne une industrie de plusieurs dizaines de millions d’euros, en croissance constante. Selon l’Union of Fruit & Produce Exporters, chaque année, les exportations de fraises de la région battent le record de l’année précédente.

En 2020, malgré la pandémie, lorsque les producteurs ont été contraints de jeter une partie de leur produit, car il ne pouvait pas être exporté, les exportations de fraises ont généré 54 967 tonnes (d’une valeur de 71,7 millions d’euros), soit une augmentation par rapport à 2019, avec 45 178 tonnes (55,4 millions d’euros).

En 2021, la production et les exportations devraient dépasser celles de l’année précédente. Et les producteurs estiment que d’ici 2025, les champs de fraises de la région couvriront 25 000 stremmata (environ 6 200 acres).

Des fraises grecques par des travailleurs bangladais

On estime que la raison intégrale du succès de l’industrie de la fraise est le barrage sur la rivière Pineios, qui rend le sol de Manolada si fertile. Un autre élément clé est la main-d’œuvre bon marché.

Jusqu’à il y a une quinzaine d’années, à Manolada, la main-d’œuvre était composée d’ouvriers agricoles albanais, roumains, bulgares et égyptiens. Depuis lors, si un petit nombre de Bulgares et de Roumains, pour la plupart, arrivent encore au début de chaque saison, la grande majorité des travailleurs de la terre sont des Bangladais et, dans une moindre mesure, des Pakistanais.

https://youtu.be/r_vOOCp_WnQ

La relation qui s’est établie entre la production de fraises et la main-d’œuvre qui l’assure, est devenue si bien ficelée que la majorité des travailleurs fonciers bangladais de Manolada viennent de la même ville, Sylhet, qui est située dans le nord-est du Bangladesh.

Ces dernières années, Solomon s’est rendu à plusieurs reprises à Manolada et a abordé, entre autres sujets, les défis auxquels des milliers de travailleurs de la terre ont été confrontés pendant la pandémie.

Au cours de nos visites, nous avons découvert l’existence de travailleurs de la terre de « deuxième génération ». Par exemple, des jeunes hommes qui sont venus à Manolada pour rejoindre leurs pères qui travaillent dans la région depuis des années, ou des cas comme celui d’Ali qui est venu pour retrouver son oncle, après que celui-ci lui ait dit qu' »il y a du travail à trouver ici » (mais Ali ne l’a finalement pas rencontré, car l’oncle est parti en Italie).

Les Bangladais sont beaucoup moins chers que leurs prédécesseurs des Balkans, puisqu’ils se contentent d’un salaire journalier de 24 euros pour une journée de travail de sept heures, contre 35 à 40 euros pour les autres nationalités.

En outre, leur morphologie et leur taille relativement courte sont considérées comme idéales pour semer et récolter les fraises. Un autre facteur est leur tempérament doux et leur statut dans le pays : ils sont considérés comme « calmes » et ne « créent pas de problèmes ». Comme la plupart sont sans papiers, leur crainte d’être expulsés ou arrêtés les amène à ne pas réagir en tant que communauté.

L’industrie de la fraise emploie à la fois des travailleurs terrestres hautement qualifiés, qui peuvent avoir plus de dix ans d’expérience, et des nouveaux venus qui se rendent à Manolada dès qu’ils franchissent la frontière. La saison commence à la fin du mois de septembre et se termine à la fin du mois de juin. Au plus fort de la saison, après décembre, on estime que jusqu’à 9 000 travailleurs terrestres travaillent six jours par semaine dans les serres. Les conditions de logement dans lesquelles vivent la plupart d’entre eux ne sont pas différentes de celles des serres où ils travaillent.

Les camps de Manolada

Les camps sont dispersés dans de vastes champs de fraises. Ils consistent en une douzaine d’abris de fortune construits à l’aide de roseaux pour la base et la charpente. Les « murs » sont faits avec les mêmes feuilles de plastique (utilisées pour les serres), renforcées par des couvertures.

Les travailleurs agricoles bangladais parlent peu le grec, seulement ce qu’ils ont appris en travaillant. Cependant, ils ont appris le mot grec qui décrit l’endroit où ils vivent : parāges ou « cabanes ».

Dans le camp que nous avons visité, plus de 100 personnes vivaient dans des dizaines d’abris de fortune. La plupart dorment sur des palettes, en deux rangées de part et d’autre de l’espace. Avec autant de personnes vivant dans un si petit espace, il est impossible de respecter les règles de distanciation sociale. Au printemps, la chaleur à l’intérieur des cabanes est étouffante, et les ventilateurs, qui fonctionnent en permanence, sont alimentés par des connexions de fortune à des sources d’énergie.

Dans la plupart des parties du camp, l’odeur est également suffocante, car les toilettes sont simplement un trou dans le sol. Il n’y a pas d’eau courante et ceux qui vivent dans le camp doivent se laver à l’extérieur ; ainsi, en hiver, ils sont souvent malades, et s’ils ne peuvent pas travailler, ils ne reçoivent pas leur salaire quotidien.

Deux étals font office de cuisines et il y a quatre réservoirs d’eau abrités sous un auvent. Il y a une mosquée de fortune, où certains des travailleurs se rendent chaque après-midi après le travail, en vêtements propres, pour prier.

Le nécessaire système des « masturs »

Kasef est en Grèce depuis un an. Il a traversé la frontière gréco-turque au niveau de la rivière Evros, et alors qu’il se déplaçait vers l’intérieur des terres, il a été attrapé par les autorités et détenu pendant 15 jours dans un poste de police. Il a ensuite été détenu pendant trois mois à Drama, au centre de détention avant éloignement de Paranesti.

Il a reçu une lettre l’invitant à quitter le pays dans un délai d’un mois et a demandé l’asile. Kasef dit qu’il porte le même pantalon depuis son arrivée dans le pays et se plaint que, parce qu’il est pakistanais, il est moins bien payé que les autres.

« Il y a très peu de travail », dit-il. Si Kasef se trouvait en Grèce il y a quelques décennies, il aurait passé ses journées à errer dans les champs pour demander du travail. S’il se trouvait dans un pays d’Europe du Nord, il se serait peut-être adressé à une agence pour l’emploi.

Mais pas à Manolada. Ici, les travailleurs de la terre n’ont pas de liens étroits avec leurs employeurs. Souvent, ils ne connaissent même pas le nom complet de leur employeur, peut-être seulement leur prénom, s’il s’agit de leur nom réel. Les travailleurs de la terre de Manolada établissent plutôt des relations avec les masturs, qui servent de médiateurs entre les travailleurs et les producteurs, et dans les camps où vivent les travailleurs.

Les masturs ou commanda sont leurs compatriotes. En général, ce sont des personnes qui vivent à Manolada depuis des années, qui ont commencé comme ouvriers agricoles, qui parlent un peu le grec et qui ont gagné la confiance des producteurs. Ils ne travaillent plus dans les champs. Pendant la journée, on les trouve dans les supérettes du village en train de siroter des boissons énergisantes ou de commander des fournitures pour le camp, qui sont achetées à crédit et toujours payées en totalité à la fin de chaque mois.

« Sans le mastour, c’est impossible ».

Les mastours entretiennent des liens étroits avec les producteurs locaux. Lorsque la saison est terminée, ils ne se rendent pas dans d’autres régions comme les autres travailleurs, mais ils restent à Manolada pour aider à d’autres travaux.

Un petit producteur de la région, qui a accepté de parler à Solomon sous le couvert de l’anonymat, a déclaré que le mastour est crucial pour le fonctionnement de l’industrie, « sans le mastour, on ne peut tout simplement pas le faire », a-t-il dit.

Il emploie environ 20 ouvriers agricoles dans ses champs, a-t-il expliqué, et il peut reconnaître environ la moitié d’entre eux. Il ne connaît que quelques-uns de leurs noms. Et il est incapable de coordonner et de communiquer avec eux par lui-même. Il dit simplement au mastur combien de personnes il a besoin, et le mastur s’occupe du reste – il va au camp et rassemble les travailleurs nécessaires.

Le mastour reçoit tous les salaires des travailleurs et à la fin du mois, il leur distribue l’argent, gardant 1 € par jour sur les 24 € par jour que chaque personne reçoit. Cependant, ces dernières années, certains masturateurs de Manolada demandent à leurs compatriotes 100 à 200 € en début de saison pour leur trouver un emploi, ce qui provoque leur indignation.

Il est extrêmement rare que les travailleurs de la terre vivant dans le même camp travaillent pour le même employeur. Pendant la saison, en fonction des besoins et des salaires journaliers disponibles, ils peuvent être employés par plusieurs producteurs – toujours par l’intermédiaire du mastour.
40 € de loyer pour une tente en plastique

Les travailleurs de la terre sont obligés de payer un loyer de 30 à 40 euros par mois au mastour, argent qui va généralement au propriétaire du champ. Cependant, lorsque nous avons dit au petit producteur qui nous a parlé que chaque migrant vivant dans le camp sur son champ payait un loyer chaque mois, il a répondu qu’il n’avait reçu aucun paiement à ce titre.

« Qu’ils me donnent juste de l’argent pour couvrir la facture d’électricité et je ne veux rien d’autre », a-t-il dit.

Pour les propriétaires de champs, où jusqu’à 100 personnes sont logées dans des camps, il existe un revenu mensuel non imposable de 3 000 euros. Nous avons visité une ferme où 65 personnes au total vivaient dans un espace commun partagé. Les résidents y paient 30 à 40 € chacun par mois – soit un total d’environ 2 000 € par mois pour vivre dans des conditions horribles.

L’incident de tir en 2013

Les conditions de vie et de travail dans la zone ont été largement connues en 2007, lorsqu’un incendie s’est déclaré dans un camp, exposant les structures grossièrement construites. Mais l’événement qui a attiré l’attention internationale sur la situation à Manolada s’est produit en 2013.

En avril de cette année-là, environ 150 travailleurs bangladais, employés dans les champs de fraises, se sont mis en grève et ont exigé le paiement de leurs arriérés de salaire. Leur employeur, Nikos Vangelatos, qui était dans la région depuis quelques années mais possédait un pourcentage important de la production totale par le biais de l’agriculture contractuelle, a refusé de les payer.

Lorsque l’employeur a tenté d’embaucher d’autres travailleurs de la terre pour les remplacer, 150 des travailleurs migrants non payés se sont réunis pour protester. Leurs superviseurs ont d’abord fui, avant de revenir avec des fusils de chasse. L’un des superviseurs a ouvert le feu, blessant 30 Bangladais

L’incident a fait la une des journaux internationaux, et les rapports ont décrit l’industrie de Manolada comme des « fraises de sang ». Un boycott international a suivi. Depuis lors, les fraises cultivées dans la région ne sont plus présentées comme provenant de « Manolada » (ce qui était autrefois un signe de qualité) mais plutôt d' »Ilia » (la préfecture où se trouve Manolada).

L’absence de l’État

Le 30 avril 2013, au lendemain de l’attaque des travailleurs de la terre, le Conseil régional de la Grèce occidentale s’est réuni. Après avoir condamné l’incident et demandé une enquête sur les autorités étatiques responsables, le chef régional adjoint de la préfecture d’Ilia, Haralambos Kafiras, a évoqué ces « trois conditions essentielles pour rétablir la loi et la dignité humaine dans la région » :

la délivrance de documents appropriés aux immigrants, afin qu’ils puissent vivre et travailler légalement
créer des conditions de vie sûres et hygiéniques
protéger les droits du travail et les droits individuels des travailleurs.

Vassilis Kerasiotis est l’avocat qui a représenté les travailleurs terrestres lésés. En 2017, l’affaire a été entendue par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), et le superviseur accusé a été condamné, en 2019, à une peine réduite de huit ans d’emprisonnement, qui peut être remboursée à raison de 5 € par jour.

Kerasiotis entretient toujours des liens étroits avec la région. Nous lui avons demandé s’il pense que les choses ont changé en ce qui concerne les trois conditions essentielles, au cours des huit années qui se sont écoulées depuis l’incident.

« Ces trois conditions essentielles sont liées entre elles. Il est clair que la question principale est de réglementer leur statut d’emploi, dans un cadre de travailleurs terrestres migrants saisonniers légaux. Les droits des immigrants légaux sont plus facilement protégés que ceux des sans-papiers », a-t-il déclaré à Solomon.

« Cependant, cela permettra de créer un système plus transparent, sans avoir recours à des médiateurs dans le recrutement des travailleurs de la terre nécessaires à la production agricole. »
« Illégalité » de l’État

Suite à la décision de la CEDH, qui a rendu un jugement contre la Grèce pour violation de l’interdiction de la traite des êtres humains et du travail forcé dans le secteur agricole, l’État grec a été obligé de se conformer et d’assurer des conditions de vie décentes aux milliers de travailleurs fonciers migrants.

Afin de se conformer à l’arrêt de la CEDH, le gouvernement a créé l’article 13A de la loi 4251/2014, une disposition qu’Apostolos Kapsalis, (chercheur à l’Institut du travail, créé par la Fédération générale des travailleurs grecs), qualifie d' »illégale ».

L’article 13A de la loi 4251/2014 comprend des dispositions concernant « l’emploi de ressortissants de pays tiers en séjour illégal dans le secteur agricole », qui sont autorisés à travailler légalement et à être assurés via les contrôles des travailleurs.

Toutefois, comme l’explique Apostolos Kapsalis à Solomon, « la seule façon pour un immigrant de travailler en vertu de l’article 13A et d’être assuré au moyen d’un chèque de travailleur, est d’être « expulsable ». S’il ne l’est pas, il doit recevoir un ordre d’expulsion à son encontre. »

Qu’est-ce que cela signifie en pratique ?

« Par exemple, explique Kapsalis, une personne se trouve dans le pays de manière illégale. Un employeur veut l’embaucher, alors l’immigré reçoit un ordre d’expulsion contre lui de la part du commissariat de police. Mais une suspension de l’expulsion est délivrée parce que l’employeur l’engage pour travailler pendant six mois en vertu de l’article 13A. Cependant, après six mois, dès que son travail est terminé, l’immigrant fait toujours l’objet d’un ordre d’expulsion. »

Le paradoxe créé par l’article 13A est que, jusque-là, l’immigrant n’avait pas d’ordre d’expulsion en suspens qu’il était obligé d’obtenir pour pouvoir travailler légalement pendant six mois.

« Bien que l’article 13A ait été soi-disant introduit dans le cadre de la lutte contre le travail forcé, ce qui reste, c’est encore une forme d’obligation et de dépendance absolue de l’employé vis-à-vis de l’employeur », déclare Kapsalis.

Une charge salariale ou un engrais ?

Certes, les travailleurs ont intérêt à être employés et assurés via un chèque ouvrier, et il n’en va pas autrement pour les producteurs.

Depuis 2015, date à laquelle le code des impôts a été modifié, les dépenses liées à la paie des travailleurs de la terre étaient déduites des impôts d’un producteur. Il est rare, cependant, qu’il y ait suffisamment de travailleurs de la terre pouvant travailler légalement, des sources crédibles estimant que seul un travailleur sur vingt dans la grande région de Manolada est employé avec une assurance.

Ce qui est le plus courant, c’est que les travailleurs bangladais en situation régulière sont assurés à l’aide d’un chèque de travailleur et reçoivent également les salaires des autres travailleurs, recueillant ainsi des milliers d’euros sur leur compte, qu’ils distribuent ensuite à leurs collègues.

« Eux-mêmes ne travaillent pas, c’est leur travail, mais un jour, le bureau des impôts les rattrapera », a déclaré le petit producteur. Il ajoute que le fait de ne pas établir de cadre pour que les travailleurs de la terre puissent être employés légalement a diverses conséquences – évasion fiscale, manque à gagner pour les caisses d’assurance – et que chaque année, son comptable est obligé de chercher une solution pour ses charges salariales.

En 2020, une enquête menée par Lighthouse Report en collaboration avec Der Spiegel, Mediapart et Euronews, a mis en lumière la façon dont les producteurs de la région ont inscrit leurs charges salariales sous la rubrique « engrais » dans leurs bilans annuels.

Selon les bilans des plus grands producteurs de la région, sur le papier, les producteurs semblaient n’avoir employé qu’environ six à dix personnes pour chaque champ. Mais en cohérence avec les travailleurs et compte tenu de la taille des terres, plusieurs centaines de travailleurs sont nécessaires pour cultiver chaque champ.

La Convention qui n’a jamais été ratifiée

On pourrait penser que l’État devrait intervenir dans le cas de Manolada, mais la vérité est que l’État, (en plus d’une singulière tolérance pour le maintien des terribles conditions de vie et de travail dans la région), ne dispose pas du cadre juridique qui lui donnerait réellement la capacité d’agir.

Bien que la Grèce soit un pays doté d’une importante industrie agricole, l’État n’a pas créé de législation spécialisée pour effectuer des inspections du travail dans les régions agricoles.

En 1955, la Grèce a ratifié la 81e convention de l’Organisation internationale du travail sur « l’inspection du travail dans l’industrie et le commerce » et l’a effectivement utilisée pour créer et faire fonctionner le corps des inspecteurs du travail (ΣΕΠΕ) en Grèce.

Cependant, depuis 1969, l’Organisation internationale du travail (OIT) a reconnu que l’inspection du secteur agricole avait ses propres caractéristiques et exigences spécifiques, et a en général séparé l’industrie de l’inspection du travail, avec une convention signée en juin 1969 à Genève.

La 129e convention de l’OIT sur « l’inspection du travail dans l’agriculture » fournit le cadre général avec 35 articles, qui stipulent que chaque pays qui ratifie la convention doit avoir un système d’inspection du travail dans l’agriculture, qui fonctionnera sous la direction d’un département spécial d’inspecteurs du travail-fonctionnaires, dont la tâche principale sera d’inspecter les conditions de travail dans le secteur agricole.

Cependant, à l’heure actuelle, la Grèce n’a toujours pas ratifié la 129e convention qui offre l’arsenal juridique nécessaire pour lutter contre les problèmes d’exploitation du travail dans le secteur agricole. Ainsi, jusqu’à présent, les inspections n’ont pas été effectuées dans les champs, mais principalement à l’intérieur (usines de conditionnement), car la 81e convention (que la Grèce a ratifiée) stipule que les inspections doivent être effectuées dans des zones couvertes.

Les deux gouvernements précédents avaient exprimé leur intention de ratifier la 129e convention. Le 14 juillet 2017, le ministre du Travail de l’époque, Efi Achtsioglou, a déclaré que  » nous entrons dans les dernières étapes pour l’achèvement des procédures d’inspection des régions agricoles « . La législation peu claire et l’inaction qui ont permis et toléré des situations de type Manolada sont terminées. » Cependant, quatre ans plus tard, et la 129e convention n’a toujours pas été ratifiée.

C’est soit Manolada, soit un centre de détention

Pour la majorité des Bangladais de Manolada, la réalité est très différente de ce que les trafiquants leur avaient promis avant leur arrivée en Grèce : la plupart n’ont toujours pas les papiers promis, les salaires sont nettement inférieurs et beaucoup n’ont l’intention que de rester ici jusqu’à ce qu’ils décident de leur prochaine étape.

Souvent, ceux qui obtiennent des papiers quittent la région ; certains ouvrent leur propre boutique dans une ville ou travaillent comme plongeurs dans des restaurants. Mais en attendant d’obtenir leurs papiers, ils préfèrent rester ici, où ils savent que la police – qui est tolérante à l’égard des travailleurs qui assurent la production de l' »or rouge » de la région – ne les dérangera pas.

Ils ne connaissent peut-être pas grand-chose de la Grèce, mais ils savent que s’ils se font attraper par la police quelque part en dehors de la région de Manolada, ils risquent de se retrouver dans un centre de détention avant départ et ils savent qu’ils peuvent y être détenus jusqu’à 18 mois.

Les 65 Bangladais que nous avons rencontrés et qui partageaient la petite ferme nous ont montré des vidéos sur leurs téléphones d’un tel centre de détention à Corinthe, lors du soulèvement qui a suivi le suicide d’un détenu kurde en mars dernier.

Dans la vidéo, on peut voir des jeunes hommes crier aux gardes, derrière les barbelés qui limitent leur vie pendant d’interminables mois.

Les Bangladais nous disent : « Non, c’est mieux ici ».

Cet article est publié dans le cadre de la série de reportages approfondis de Salomon sur « Les travailleurs migrants en Grèce à l’époque du COVID-19 ″ et bénéficie du soutien du bureau de Rosa Luxemburg Stiftung en Grèce.

Traduit avec www.DeepL.com/Translator (version gratuite)

Source https://wearesolomon.com/mag/on-the-move/greek-strawberries-made-in-bangladesh/?mc_cid=cf88b966bc&mc_eid=3444239cea

Un message des Vio.Me

BIOME
 
Nous vous appelons tous, qui avez soutenu notre lutte au fil des ans, à se réunir le JEUDI 24/06 à 11h00 dans les tribunaux de Thessalonique pour annuler la nouvelle ENCHÈRE sur le terrain exploité par la coopérative BIO.ME.
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C’est peut-être la dernière vente aux enchères qui aura lieu dans toute une vie, puisque la prochaine sera électronique (!)
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TOUT LE MONDE JEUDI 24/06 à 11.00 dans LES TRIBUNAUX D’ÉTAT
BIOME N’EST PAS A VENDRE
BIOME APPARTIENT AUX TRAVAILLEURS/SES
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« Tenir bon et continuer ! »

Grèce / appel à soutien urgent

« TENIR BON ET CONTINUER ! »
Bonjour,
Au cœur des luttes, la solidarité n’est pas seulement une nécessité pour les plus précaires. C’est aussi un moyen de donner à voir la société que nous désirons. Depuis plusieurs semaines, les moyens de nos collectifs solidaires autogérés se sont asséchés. Les listes des besoins s’allongent de jour en jour, tant sur le plan alimentaire que dans d’autres domaines. Ces dernières années, nous n’avons pas ménagé nos efforts sur tous les terrains (squats, cuisines sociales, aides aux précaires grecs et migrants, aides aux compagnons de lutte réprimés, convois de fourgons solidaires…) aux côtés de dizaines de lieux et collectifs partout en Grèce (liste à la fin de ce message).
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Six mois après notre appel à soutien de décembre, nous sommes dans l’impérieuse nécessité de renouveler cet appel. Ici pour beaucoup, le mot d’ordre est devenu « Tenir bon et continuer ! »
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En attendant, nous faisons avec les moyens du bord. Des renforts ont déjà pris la route de France avec du chargement et d’autres sont attendus prochainement. Grecs et réfugiés prennent pareillement part à cette belle synergie, mais le nerf de cette guerre contre la misère et le pouvoir reste l’argent. En attendant la sortie de notre quatrième film Nous n’avons pas peur des ruines (à partir de l’automne, comme toujours en creative commons et à vocation solidaire), nos moyens sont extrêmement modestes sur ce plan.
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Si vous le pouvez, merci de participer à cet appel (voir ci-dessous).
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Toutefois, si la situation est extrêmement difficile pour vous aussi, surtout ne vous mettez pas en danger. Partager l’info c’est déjà nous soutenir.
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Parmi les actions en cours, nous allons dans quelques jours acheminer des fruits et légumes de Crète à Athènes (et de l’huile d’olive), ainsi que du matériel et des fournitures en provenance de France. Nous allons aussi soutenir financièrement les lieux et collectifs les plus en difficultés. Pour tout ça, nous ferons bien sûr en fonction des moyens dont nous disposerons, à commencer par les achats de nourriture plus ou moins importants auprès des paysans crétois, tout comme pour les produits de première nécessité à Athènes (parmi lesquels, ceux pour les enfants en bas-âge).
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Pour nous permettre de savoir au plus vite quels vont être nos moyens d’agir, participez plutôt par virement ou paypal plutôt que par chèque :
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1- Pour effectuer un virement à ANEPOS
IBAN : FR46 2004 1010 1610 8545 7L03 730
BIC : PSSTFRPPTOU
Objet : « Action Solidarité Grèce »
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2- Pour participer via PAYPAL, suivre le lien :
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3- Pour envoyer un chèque à l’ordre de ANEPOS
Adresse postale : ANEPOS – Action Solidarité Grèce – 6 allée Hernando – 13500 Martigues
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Tél. Grèce (0030) 694 593 90 80 / Tél. France 06 24 06 67 98
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Merci de votre soutien, quelle que soit la forme, ne serait-ce qu’en relayant l’info.
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Solidairement,
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Maud et Yannis Youlountas 
po/ collectif artistique et solidaire ANEPOS
avec les membres et soutiens des actions en cours 
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PS : priorité à l’urgence solidaire dans ce message, on parlera dans le prochain des dernières nouvelles de Grèce (dont la lutte contre la journée de travail de 10 heures), puis du film en préparation (avec une belle surprise).
PETITES ANNONCES
Si vous avez prévu de venir à Athènes en juillet et que vous avez une place pour une personne dans un véhicule, contactez-nous.
Si vous avez prévu de venir en Crète en van ou en fourgon cet été et que vous disposez d’un peu de place pour acheminer du matériel  solidaire situé dans le sud-est de la France, contactez-nous.
Si vous avez des livres en anglais, ourdou, arabe ou farsi à offrir pour des bibliothèques sociales en Grèce, contactez-nous.
Liste des lieux et collectifs aidés matériellement et/ou financièrement durant l’année écoulée, malgré un contexte particulièrement difficile :
– soutien à l’initiative contre les forages pétroliers en Crète (que tentent de déployer Exxon-Mobil et la firme française Total).
– Collectif Livas dans le département de Réthymnon en Crète (soutien aux actions solidaires, notamment à la cuisine populaire fondé par ce club de sport sans hiérarchie).
– Centre social autogéré Alimoura à Ioannina (nous avons financé la réparation du local qui avait été saccagé par une attaque fasciste) ;
– Usine autogérée Bio.Me à Thessalonique (soutien et achat de savons et produits fabriqués par les ouvriers, alors que l’électricité venait de leur être coupée) ;
– Mikropolis à Thessalonique (soutien au plus grand espace social libre de Grèce qui est actuellement en train de déménager) ;
– Initiative antifasciste d’aide aux réfugiés près d’Évros (au moment où ces derniers étaient pris au piège entre les deux états grecs et turcs, et où des identitaires européens étaient venus pour tenter de pratiquer la chasse à l’homme, ainsi qu’à Lesbos) ;
– Réseau Solidaire de Crète (et soutien à la création de nouveaux lieux dans l’île, dont nous vous reparlerons)
– Initiative de Kastelli en Crète contre le nouvel aéroport (nous avons participé au financement de la procédure de Justice contre l’aéroport qui est en train de basculer à l’échelle européenne, alors que 120.000 des 200.000 oliviers ont déjà été coupés et que l’opinion est de plus en plus opposée au projet, nous avons également participé à plusieurs réunions et actions sur place, et soutenu les paysans en lutte contre ce projet)
– Centre Social autogéré Favela au Pirée (soutien financier et achat de tee-shirts pour épauler ce lieu situé dans une zone où les fascistes rôdent souvent et où l’un d’entre nous, a été agressé violemment en juin 2019 par un groupe de néo-nazis qui lui avait tendu un guet-apens avant que les passagers d’une rame de tramway ne parviennent à le sauver) ;
– K*Vox à Athènes (base d’un des groupes les plus actifs en Grèce) ;
– Aide aux frais de Justice de plusieurs compagnons de luttes , notamment pour leur éviter d’aller en prison suite à des actions pourtant exemplaires ;
– squat Notara 26 à Athènes (le plus ancien lieu d’accueil des réfugiés dans le quartier d’Exarcheia) ;
– Plusieurs cuisines sociales (soutien financier et livraison de produits alimentaires) ;
– Structure autogérée de santé d’Exarcheia (soutien financier et livraison de matériel médical) ;
– Réseau École Buissonnière-Pédagogie Freinet (soutien financier et livraison de fournitures en aide aux enfants précaires) ;
– actions solidaires à Lesbos (nombreuses initiatives, surtout, après l’incendie du sinistre camp de Moria et l’errance de nombreuses familles en difficultés).

Ils ont dit « non » aux éoliennes illégales

Ils ont dit « non » aux éoliennes illégales

Du blocus des résidents dans la zone de Kissos Campos

Les habitants de Rethymnon ont envoyé un message fort aux investisseurs illégaux d’éoliennes hier, empêchant l’installation de trois éoliennes à un jet de pierre du village d’Adraktos dans les montagnes de la municipalité d’Agios Vasileiou. Dès 4 heures du matin, et après avoir été informés que les éoliennes avaient été déchargées dans le port de Souda, les habitants ont mis en place un barrage sur la route d’accès, plus précisément dans la zone de Kissos Campos.

Les camions transportant les éoliennes sont partis de La Canée et, en périphérie, via Héraklion, ils se sont déplacés sous l’escorte d’une forte force de police jusqu’à Fates, où ils sont restés stationnés pendant des heures. Au même moment, la municipalité d’Agios Vasileiou déposait une injonction contre la société « PPC Renewables » car, comme le souligne le maire Yannis Tatarakis, la société avait demandé à la municipalité l’autorisation de faire passer les véhicules lourds, autorisation qu’elle n’a jamais reçue.

Les membres de la Coordination Rethymnon contre Industrial RES qui ont procédé à la mobilisation directe soulignent que ce parc éolien fonctionne désormais sans permis, puisque l’approbation des conditions environnementales a expiré depuis septembre 2020, alors que surtout pour les trois nouvelles éoliennes que la société veut installer, il y a une illégalité flagrante. Comme indiqué dans Eph.Syn. Katerina Korres, membre du comité de coordination, selon la législation internationale, les éoliennes doivent être situées à une distance de plus de 500 mètres des habitations, alors que dans ce cas, elles seront situées à une distance de seulement 260 mètres du village d’Adraktos.

En effet, comme « Eph.Syn » l’avait souligné dans un précédent rapport. (« PPC nous soudoie pour installer des éoliennes » – 5.3.2020), la société « PPC Renewable » avait fait un effort manifeste pour influencer l’opinion des habitants afin qu’ils ne se conforment plus à la législation. Dans un document que nous avions rendu public, l’entreprise promettait des subventions faramineuses de 350 000 euros sur cinq ans aux associations locales des villages d’Adraktos, d’Akhtounta et de Vatos, villages dont la population permanente est respectivement de 35, 50 et… 10 habitants.

Aujourd’hui, près d’un an plus tard, l’entreprise est de retour, cette fois accompagnée des forces de police, dont on se demande comment elles protègent un investissement avec des violations évidentes de la loi. L’autorité municipale locale se tient aux côtés des habitants.

● Vers midi hier, il a été annoncé que les camions transportant les éoliennes retournaient à Héraklion et peut-être de là à Souda, tandis que les habitants ont déclaré être en vigilance constante pour toute autre tentative similaire.

Source https://www.efsyn.gr/efkriti/koinonia/298702_eipan-ohi-stis-paranomes-anemogennitries

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Réfugiés mais pas intégrés

La grande majorité des personnes ayant obtenu le statut de réfugié en Grèce ne parviennent pas à construire leur vie dans le pays. L’absence de politique d’intégration pousse les réfugiés à partir pour tenter leur chance dans un autre État de l’Union européenne, où ils déposent une nouvelle demande d’asile.

« J’ai obtenu le statut de réfugié mais je suis toujours bloqué dans le camp de Samos ». Comme Franck*, un père de famille congolais de 42 ans qui avait témoigné pour InfoMigrants début avril, de nombreux réfugiés ne parviennent pas à quitter les camps des îles de la mer Égée ou du continent. Bien que détenteurs d’une protection, leurs conditions de vie précaires perdurent et empêchent leur intégration dans le pays.

Selon Franck, « l’enfer commence quand on obtient le statut ». En Grèce, lorsqu’un demandeur d’asile devient réfugié, il a en théorie un mois pour trouver un hébergement par ses propres moyens et quitter le centre d’accueil ou le camp dans lequel il vit. Mais beaucoup n’ont d’autres choix que d’y rester, faute d’alternatives. « Comment puis-je avoir un logement sans argent ? En plus, personne ne me louera son appartement ici », croit savoir le père de famille, qui ne trouve pas de travail sur la petite île de Samos.

Ceux qui arrivent à rejoindre la Grèce continentale n’ont pas moins de difficultés à s’insérer dans la société. Loïc* en a fait l’amère expérience. Avec son statut de réfugié en poche, le jeune Congolais d’une vingtaine d’années a quitté le camp de Lesbos, à Moria, en septembre dernier pour tenter de s’installer dans la région d’Athènes. Mais la réalité l’a frappé de plein fouet : sans travail et donc sans revenus, Loïc arrivait péniblement à joindre les deux bouts. « On souffre en Grèce, il n’y a pas d’avenir pour nous », explique-t-il à InfoMigrants.

« Je recevais une aide d’une centaine d’euros chaque mois via le programme Helios mais après avoir payé le loyer et les factures, il ne me restait plus rien pour manger ». Loïc a essayé plusieurs fois de trouver un emploi mais la barrière de la langue et l’absence d’opportunités économiques dans un pays lourdement touché par la crise financière à freiner ses ambitions.

« Il n’y a pas de politique nationale d’intégration des réfugiés »

Helios, le programme d’intégration de l’Organisation internationale des migrations (OIM)débuté en juillet 2019, permet de bénéficier de cours de langue, d’une aide au logement ou encore d’une préparation à un emploi. Mais il est peu accessible, provisoire et en nombre limité. Helios ne profite qu’à une minorité de réfugiés. Actuellement, 8 158 réfugiés, dont 3 159 personnes en famille, bénéficient du programme Helios, selon les chiffres de l’OIM.

« Des programmes existent mais ils sont dérisoires et ne s’inscrivent pas dans une politique nationale d’intégration. En Grèce, on reçoit mais on n’intègre pas », analyse Lefteris Papagiannakis, chef de plaidoyer de l’ONG Solidarity now et ancien vice-maire d’Athènes en charge des réfugiés, joint par InfoMigrants.

La politique grecque en matière migratoire s’est durcie ces dernières années. Les autorités ont notamment réduit un peu plus les aides attribuées aux réfugiés. En 2019, sur décision du gouvernement, les réfugiés ayant obtenu leur statut depuis plus de six mois devaient quitter leur hébergement octroyé dans le cadre d’un programme de l’Union européenne (UE) réservé aux demandeurs d’asile uniquement. En 2020, ce délai a été de nouveau raccourci, passant à seulement un mois. Des centaines de personnes, chassées de leur logement, se sont donc retrouvées dans la rue.

Pour Lefteris Papagiannakis, le but de cette politique est de « se débarrasser des gens au plus vite ». « Le gouvernement veut rendre la vie des réfugiés la plus compliquée possible afin qu’ils rentrent chez eux ou qu’ils aillent dans un autre pays ».

Des milliers de réfugiés tentent de s’installer dans un autre pays de l’UE

Une stratégie qui semble fonctionner. Les réfugiés quittent en masse le territoire grec pour tenter de s’installer dans d’autres pays de l’UE. C’est le cas de Loïc, arrivé en France en début d’année, quelques mois seulement après avoir obtenu son statut de réfugié en Grèce. « J’ai préféré venir ici même si je dois redéposer l’asile. Je veux reprendre les études et c’est impossible là-bas de construire quoi que ce soit », dit l’ancien étudiant en médecine de Kinshasa.

Ce phénomène, appelé mouvement secondaire, inquiète les États membres. La France, l’Allemagne, la Belgique, le Luxembourg et les Pays-Bas ont envoyé une lettre le 1er juin à la Commission européenne pour demander que la Grèce récupère plus facilement ces réfugiés.

Selon le règlement Dublin, un réfugié statutaire ne peut pas redéposer un dossier d’asile dans un autre pays : les personnes venues de Grèce sont donc généralement déboutées.

Rien qu’en Allemagne « 17 000 personnes bénéficiant d’une protection internationale en Grèce ont déposé des demandes d’asile supplémentaires depuis juillet 2020 », indique la note, rédigée par les ministres de l’Intérieur de chaque pays. « Une infrastructure illégale a été mise en place et utilisée spécifiquement » pour permettre ces mouvements, affirment ces pays.

Certains États, comme l’Islande ou l’Allemagne, acceptent exceptionnellement les dossiers d’asile de seconde intention, considérant que la Grèce ne garantit pas un logement convenable et un niveau minimum de subsistance à ces réfugiés.

La Grèce se défend de se « débarrasser » de ses réfugiés, et assure respecter « pleinement ses obligations en matière de contrôle des frontières, d’enregistrement des arrivées irrégulières, d’accueil, de procédure d’asile et de programmes d’intégration », et ne pas être « responsable des flux secondaires ‘irréguliers' ».

*Les prénoms ont été modifiés.

Source https://www.infomigrants.net/fr/post/32869/en-grece-on-recoit-les-refugies-mais-on-ne-les-integre-pas

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