Sur le monde d’après

Nous ne reviendrons pas à la normalité, car la normalité, c’était le problème par Didier Epsztajn  


(Crédits : Unsplash)

  Sommaire
  • I- Coronavirus, crise économique et crise globale
  • II- Un système dette amplifié par la pandémie
  • III- Les peuples se lèvent face à la crise sanitaire, les dettes illégitimes et la crise (…)

De l’introduction, une-nouvelle-etape-de-la-crise-economique-et-financiere-secoue-la-planete/, je souligne les effets des politiques néolibérales et néocoloniales, la récession à venir, « Le discours des médias dominants tente de nous induire en erreur en expliquant l’effondrement actuel par la seule action du coronavirus. Cependant, il est évident que cette pandémie met à nu le caractère insoutenable du système capitaliste et révèle les ravages causés par l’application de l’idéologie néolibérale avec le profit pour seule boussole », le poids et les effets de la dette et des emprunts actuels, le soutien in fine aux grandes entreprises privées et à leurs actionnaires par de l’argent public, les revendications portées par des mouvements sociaux dont l’annulation des dettes…

 I- Coronavirus, crise économique et crise globale

La perspective transnationale, les exemples inscrits dans différents pays et régions du monde sont d’un apport essentiel contre les visions autocentrées et l’oubli des asymétries construites, entre autres, par les phénomènes de colonisation ou d’imposition de normes néolibérales par les institutions financières internationales.

La crise du capitalisme et de son actuel régime d’accumulation ne peut-être abordée que dans optique globalisante ; ce qui n’interdit pas d’en souligner les déclinaisons et les contradictions au niveau plus régional.

Il ne faut s’y tromper, la crise sanitaire actuelle est un révélateur des effets des politiques néolibérales et un accélérateur de la crise socio-économique. Les politiques d’ajustement structurel ont participé à la destruction des systèmes de santé, les sommes allouées au remboursement de la dette ont grévé les moyens budgétaires, « la dette tue ». Dans certains pays le budget affecté au paiement de la dette est supérieur aux dépenses publiques dans le secteur de la santé. Sans oublier les nouveaux prêts servant à rembourser les dettes du FMI arrivant à échéances…

Je souligne donc les articles sur l’emprise du FMI, son pouvoir de pression sur les gouvernement pour imposer des politiques d’austérité, les plans de sauvetage bancaires et des actionnaires…

Face aux conséquences de la pandémie, les un·es et les autres ne sont pas égales/égaux. La situation aggravée des personnes considérées comme sans papier n’est pas pris en compte par les autorités belges (Lire le texte de la Coordination des sans papiers)…

J’ai notamment apprécié le texte de Verónica Cago et Luci Cavallero (#NiUnaMenos, Argentine) : « Crack up ! Féminisme, pandémie et après ». Les autrices abordent les corps concrets, les machines de mort, la soi-disant normalité. Elles proposent d’étendre la quarantaine à la finance, de réorienter les budgets vers la satisfaction des besoins, « Nous nous voulons vivantes, libres et désendettées ! ». Elles discutent aussi du travail, de la quarantaine et du domestique, « nous savons qu’il existe de multiples formes de quarantaine, segmentées par sexe, classe et race et, plus encore, que tous les corps n’ont pas la possibilité de rester dans une maison et aussi que l’enfermement impliquent pour beaucoup des abus et de la violence machiste », des maisons comme « véritables champs de guerre », de la politisation féministe de l’espace domestique, des tâches historiquement « dépréciées, mal payées, non reconnues ou directement déclarées comme non-travail » pourtant indispensables, de la grève féministe internationale en Amérique du sud, d’horizon futur « ici et maintenant »

Un article est consacré au colonialisme numérique et à la dette écologique, « Le numérique n’a rien de virtuel ou d’immatériel », à l’augmentation des usages de diverses technologies, aux conception linéaires du progrès et des soi-disant retards ou des rattrapages, à l’extractivisme, aux désastres environnementaux liées aux technologies. (En complément possible : Alternatives Sud : Impasses numériques, les-effets-sociaux-de-la-digitalisation-et-de-la-privation-des-donnees-collectees/)…

 II- Un système dette amplifié par la pandémie

Des systèmes sanitaires dé-financés et privatisés, la culpabilisation des citoyen·nes. Je souligne l’article de Gilles Grégoire et Pierre-François Grenson, « Les soins de santé en Belgique : de la privatisation à la socialisation ? ». Les auteurs abordent, entre autres, le chiffrage de la réalité, la réduction des moyens, la demande toujours plus élevée de soins, le vieillissement du matériel et l’augmentation des coûts, les logiques austéritaires et les impacts sur le financement des services publics, le privé dans les secteurs rentables, l’audit citoyen des comptes des hôpitaux, la socialisation du secteur de la santé, la remise de la sécurité social aux mains des citoyen·nes. (En complément possible, Gilles Grégoire : Les soins de santé en Belgique : De la privatisation à la socialisation ?, pour-un-financement-juste-et-perenne-des-soins-de-sante-pour-toustes/)…

J’ai notamment été intéressé par le texte d’ACiDe Belgique. La dette publique, la nécessité d’un moratoire du paiement de cette dette, la réalisation d’audits citoyens de la dette, « à tous les niveaux de pouvoir et pour toutes les structures publiques », les nouvelles ressources, les prêts directs aux États sans passer par les marchés (la suppression de l’article 123 du Traité de Lisbonne), l’annulation immédiate et inconditionnelle de la dette des pays du Sud global, l’arrêt du transfert des ressources publiques vers le privé, « Le problème n’est donc pas le manque de ressources, mais leur captation par les plus riches »

Dans cette seconde partie sont aussi abordés, la loi belge contre les fonds vautours, la privatisation du système de santé dans l’État espagnol, les mantras du libéralisme, la situation au Portugal et en Argentine, la gestion de la crise sanitaire en Guadeloupe, « La santé de notre Peuple est le dernier des soucis du pouvoir colonial. Après avoir contaminé nos sols et nos corps au chlordécone, après avoir repoussé avec dédain, les doléances des travailleurs de la santé, aujourd’hui l’État nous impose des dispositions liberticides pou sové nou apré i pwazonné nou ankò onfwa. » (en complément, COMMUNIQUÉ DU LKP. Coronovirus en Guadeloupe : assassins-criminels, coronovirus-en-guadeloupe-assassins-criminels/), Haïti, la fausse annulation de la dette de pays d’Afrique par Emmanuel Macron…

Ce chapitre se termine sur le Sénégal, le coronavirus accélérateur de la pauvreté, l’insuffisance du budget lié au secteur de la santé, la place des femmes…

 III- Les peuples se lèvent face à la crise sanitaire, les dettes illégitimes et la crise globale

Nicolas Sersiron discute l’annulation « de la dette tsunami » et du changement nécessaire de civilisation. L’auteur détaille un certain nombre de propositions, en dehors du mode d’accumulation néolibéral faut-il le préciser.

Sont aussi abordés, la suspension du paiement des microcrédits au Maroc, les dogmes faisant consensus dans la plupart des cénacles politiques et dans les grands médias, la dette en Afrique, le Kenya, l’Équateur, la situation en Tunisie, les collectivités territoriales en Italie, l’Appel des peuples, organisations, mouvements et réseaux militants d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient/région arabe Pour l’annulation de la dette et l’abandon des accords de « libre-échange » (appel-des-peuples-organisations-mouvements-et-reseaux-militants-dafrique-du-nord-et-du-moyen-orient-region-arabe-pour-lannulation-de-la-dette-et-labandon-des-accords-de-libre-echan/) – dont je reproduis le résumé :

Nous, les signataires de cet appel, et en soutien aux acquis des soulèvements populaires pour la démocratie, la liberté et la justice sociale dans notre région, nous revendiquons :

  • Une suspension unilatérale et souveraine du paiement de la dette publique, et l’allocation des fonds à la santé publique, et au soutien des couches vulnérables touchées par la crise de Corona,
  • Un audit citoyen de la dette publique pour déterminer ses parties illégitimes, odieuses et illégales et imposer leur répudiation,
  • Suspension du paiement des dettes privées des familles populaires, des petits producteurs, des petits paysans et des salarié-e-s, envers les banques, les institutions de crédit de logement, de la consommation et les institutions de micro-crédit,
  • Examen de toutes les formes de pillage et les conditions injustes imposées par les institutions du secteur financier dans les contrats de prêts privés, et mettre en évidence leur illégitimité et leur illégalité pour exiger leur annulation,
  • Annulation des accords de « libre-échange » et l’accord de libre-échange complet approfondi pour la Tunisie et le Maroc,
  • Rompre avec le trio au service du capital mondial : la Banque mondiale, le Fonds monétaire international et l’Organisation mondiale du commerce.

Nous appelons également à :

  • La mise en place d’un large comité populaire pour l’audit de la dette de nos pays au niveau régional qui inclue toutes les couches de la société, les associations, les syndicats, les réseaux, les partis progressistes, les jeunes, les femmes, les chômeurs, etc.
  • Soutenir la campagne de rejet de l’accord de libre-échange complet approfondi en Tunisie, et lui donner une dimension régionale.
  • Organiser une campagne régionale forte, unie dans ses objectifs et son calendrier, pour dénoncer le contenu colonial des accords de libre-échange ainsi que le pillage des richesses de nos peuples par la dette.
  • Organiser un forum populaire, qui se tiendra après la fin de la crise du virus Corona en Afrique du Nord et au Moyen-Orient/région arabe, pour approfondir le débat et échanger des expériences afin d’élargir la lutte contre la dette et les accords de « libre-échange ».

Je souligne aussi les revendications concernant l’Asie (CADTM Asie du Sud, CADTM Pakistan, ATTAC Japon) :

Nous exigeons aussi de :

  • Annuler toutes les dettes illégitimes, ce qui devrait inclure toutes les dettes bilatérales, multilatérales et privées. Former des comités d’audit citoyens de la dette pour en déterminer la part illégitime.
  • Suspendre les remboursements par les ménages des prêts et des microcrédits jusqu’à ce que nous soyons totalement libérés de la pandémie.
  • Remplacer les institutions de microcrédit par des coopératives autogérées par des populations locales et par un service public de crédit accordant des prêts à taux zéro ou très bas.
  • Mettre fin à la privatisation des services publics et à la promotion des partenariats public-privé (PPP) dont le but ultime est de mobiliser l’argent public pour nourrir le secteur privé.
  • Imposer un impôt progressif sur les grandes fortunes.
  • Réduire les budgets de la défense dans la région.
  • Les institutions financières internationales, notamment le FMI, la Banque mondiale et d’autres groupes informels qui alimentent essentiellement les asymétries Nord/Sud, devraient modifier radicalement leurs politiques de prêt actuelles.
  • Fournir un financement supplémentaire d’urgence au Sud – hors aide publique au développement – au moyen de prêts à taux zéro, remboursables en tout ou en partie dans la monnaie souhaitée par les pays débiteurs.
  • Exproprier les « biens mal acquis » par l’élite, les riches et les classes dominantes et les rétrocéder aux populations concernées et sous leur contrôle.
  • Remplacer l’aide publique au développement sous sa forme actuelle par une forme inconditionnelle d’obligations des pays développés dans le cadre de la réparation et de la solidarité.
  • Adopter des politiques pour une transition juste.

Pour ne pas revenir à leur normalité ou dériver vers des situations encore plus inégalitaires et antidémocratiques…

AVP – les autres voix de la planète : Dette, coronavirus et alternatives

Source https://www.cadtm.org/Nous-ne-reviendrons-pas-a-la-normalite-car-la-normalite-c-etait-le-probleme

Sur le conflit Grèce-Turquie

La menace d’une guerre gréco-turque en Méditerranée orientale par

Une guerre gréco-turque destructrice en Méditerranée orientale n’est pas l’issue la plus probable des affrontements dans la région, mais c’est un scénario dont les perspectives ont été récemment évoquées.

Dans les eaux situées au sud du complexe insulaire grec du Dodécanèse [archipel regroupant 160 îles, pour la plupart inhabités], au sud de l’île de Crète et autour de Chypre, les flottes de guerre des deux États se font constamment face. Tandis que de puissants navires de guerre américains et français sont en permanence présents dans les mêmes eaux. En même temps, des «initiatives» diplomatiques et géopolitiques sont à l’ordre du jour quotidiennement.

Les forces armées de la Grèce et de la Turquie sont en état de préparation au combat et les exercices militaires utilisant une véritable puissance de feu sont devenus très fréquents. Dans les médias des deux pays, il y a un défilé quotidien d’officiers vétérans et d’«intellectuels» nationalistes, qui tentent de formater l’opinion des populations des deux côtés de la mer Égée à la perspective paranoïaque d’une guerre totale.

Dans cette situation, la possibilité d’un «incident chaud» (c’est-à-dire un affrontement militaire bref et limité) constitue désormais une menace immédiate – soit comme un «accident», soit comme une «escalade» volontaire de part et d’autre. Le pire est la prolifération des voix en Grèce qui affirment qu’en cas d’«incident chaud», nous devrions éviter une politique de retenue et opter pour une généralisation fougueuse de la guerre «jusqu’à la victoire».

L’alliance internationale qui, pendant la guerre froide, était connue sous le nom de «camp occidental» a pris parti en faveur de la Grèce. Dans ses rangs, il existe différents niveaux de volonté d’affrontement direct avec la Turquie, mais il ne fait aucun doute que ces forces soutiennent les principales positions de l’État grec dans sa compétition avec la Turquie.

Les États-Unis, sous la direction de Donald Trump, ont signé l’accord pour une mise à niveau stratégique de la coopération militaire avec la Grèce. Cet accord prévoit une modernisation de la base militaire américaine de Souda (Crète) et l’établissement de nouvelles bases militaires de l’OTAN et des États-Unis en Grèce continentale. Selon le Département d’État, les États-Unis considèrent l’État grec comme un pilier stratégique dans l’«arc d’endiguement» contre la Russie et la Chine en Méditerranée orientale. L’ambassadeur américain très expérimenté et «hyperactif» à Athènes, Geoffrey Pyatt, a également fait cette affirmation à plusieurs reprises lors d’interventions publiques.

Il est impressionnant de constater que la signature de cet accord et la convergence générale avec la politique états-unienne ont été orchestrées déjà par le gouvernement d’Alexis Tsipras, en accord total avec le parti de droite la Nouvelle Démocratie.

L’Union européenne intensifie sa pression sur la Turquie, avertissant Erdogan que lors du prochain sommet du Conseil européen – les 24 et 25 septembre – elle pourrait décider de sanctions économiques et diplomatiques sérieuses à son encontre.

Les dirigeants allemands – qui assument la présidence de l’UE ce semestre, mais qui ont également d’importants investissements et activités industrielles au sein de l’économie turque – développent une orientation dite de «la carotte et du bâton» pour ce qui est de la position que l’UE devrait avoir à l’égard d’Erdogan. Ici, à Athènes, cette approche est présentée comme «hésitante» face à un affrontement nécessaire. Toutefois, depuis une semaine, des rumeurs semi-officielles laissent entendre qu’une négociation entre Mitsotakis et Erdogan serait du domaine du possible. Cela se jouera dans les jours à venir.

De l’autre côté, la France – sous la direction d’Emmanuel Macron – semble avoir franchi le Rubicon, ce qui provoque un délire d’excitation dans les médias grecs. La France a obtenu une base navale permanente à Chypre, le porte-avions «Charles de Gaulle» (navire amiral de la Marine française) «patrouille» dans la zone lors des moments les plus critiques. Macron a approuvé un programme d’armement massif pour l’État grec, qui comprend la livraison de navires de guerre de pointe (frégates Belharra) et celle d’avions de chasse Rafale.

Les forces euro-atlantiques affirment qu’avec cette politique elles défendent la paix en Méditerranée orientale.

Lors de la récente conférence des «7 de la Méditerranée» (France, Espagne-Pedro Sanchez, Italie-Giuseppe Conte, Portugal-Antonio Costa, Malte-Robert Abela, Chypre-Nikos Anastasiades et Grèce-Kyriakos Mitsotakis) à Ajaccio-Corse le 10 septembre, Macron a invoqué l’idée d’une «Pax Mediterranea», qui a été accueillie avec les acclamations du premier ministre grec Mitsotakis et avec une colère furieuse venant d’Ankara.

La «Pax» de Macron n’a que peu de rapport avec la liberté, l’égalité et la fraternité. Le lendemain de la pompeuse «Déclaration» d’Ajaccio, le camp de Moria à Lesbos a brûlé et les milliers de réfugié·e·s qui y étaient incarcérés – face à l’abjection raciste et à la menace du coronavirus – sont maintenus dans une situation désastreuse et le gouvernement cherche à imposer par la force la reconstitution d’un camp qui ne sera en fait que de détention. Personne n’est autorisé à oublier que la misère qui accable les réfugiés trouve ses racines dans l’accord raciste signé entre l’UE, la Turquie et la Grèce.

Cette «Pax» n’a que peu de rapport avec la démocratie, bien que les gouvernements représentés à Ajaccio puissent prétendre à un mandat démocratique lié à des élections. Le «programme» actuel de la Pax Mediterranea de Macron est promu sur le terrain par une alliance différente, celle de l’«axe» qui, avec la Grèce et Chypre, comprend l’État d’Israël et le régime dictatorial du général Sissi en Égypte. Après les derniers mouvements diplomatiques d’Israël [accord entre Israël et les Emirats arabes unis et Bahreïn], il est possible que cet «axe» s’élargisse, en incorporant certaines des monarchies les plus réactionnaires du monde arabe.

Enfin, la «Pax» de Macron n’est pas si «méditerranéenne». Au-delà de l’alignement militaire et diplomatique évident avec les États-Unis, il y a aussi l’aspect financier. La firme pétrolière française Total et l’italienne Eni, qui se sont empressées de s’engager dans le projet d’extraction des hydrocarbures de la Méditerranée orientale et dans le projet ambigu de construction du pipeline sous-marin de la Méditerranée orientale, opèrent sous la «coordination» (c’est-à-dire sous la supervision) de l’américaine Noble Energy, qui fait partie du géant multinational Chevron.

Telles sont les réalités qui se cachent derrière la démagogie bon marché sur la «paix en Méditerranée».

La rupture

Dans les années 1970, les relations gréco-turques sont arrivées au bord d’un affrontement militaire, après le coup d’État militaire [1974] orchestré par les Grecs à Chypre et l’invasion militaire turque qui a suivi et qui a conduit à la partition de l’île.

La chute de la junte militaire en Grèce (fin 1974), la crainte des dirigeants bourgeois quant aux conséquences dévastatrices d’une guerre totale et la pression exercée par l’Europe et les États-Unis afin de préserver l’unité de l’«aile sud-est» de l’OTAN ont annulé, à l’époque, cette perspective. Les classes dirigeantes des deux côtés de la mer Égée ont été forcées de se contenir dans un contexte de «coexistence compétitive», où deux «sous-impérialismes» se disputaient l’hégémonie régionale, mais limitaient leurs ambitions en fonction du contexte plus large.

Les développements récents sont le résultat de deux facteurs.

Le premier facteur, sous la direction d’Erdogan, il y a eu une rupture dans les relations de la Turquie avec l’État d’Israël, puis avec les États-Unis et le «camp occidental» en général. Après l’échec de la tentative de coup d’État de 2016, cette rupture est devenue plus évidente et elle produit déjà des résultats politiques et diplomatiques. Bien qu’il serait erroné de considérer cette évolution comme un fait définitif. La Turquie est un grand pays, elle occupe une place géographique cruciale, elle reste importante pour l’OTAN et les «changements» soudains de son orientation géopolitique ne sont pas rares dans son histoire.

Le deuxième facteur qui aide à comprendre la crise actuelle est la découverte de réserves d’hydrocarbures au fond de la Méditerranée orientale – dans les eaux israéliennes et égyptiennes d’abord, puis au large de Chypre et dernièrement au sud de la Crète. Le potentiel d’exploitation de ces réserves (un potentiel qui n’est toujours pas clair dans la plupart des cas) a fait apparaître la question des zones économiques exclusives (ZEE), c’est-à-dire des questions de droits souverains dans des eaux qui, jusqu’à présent, étaient traitées comme des eaux internationales.

C’est la combinaison de ces deux facteurs qui a donné vie à l’«axe» militaire/économique/diplomatique Israël-Chypre-Grèce-Égypte. Le projet de pipeline Eastern Mediterranean (East Med) conduit à une délimitation des ZEE en Méditerranée orientale qui divise la mer exclusivement entre les États membres de l’«axe». Ces derniers ont veillé à céder rapidement les droits de recherche, d’extraction et d’exploitation commerciale des hydrocarbures à un puissant consortium de transnationales américaines et européennes du secteur des combustibles fossiles. Pour ce projet, il est crucial de sauvegarder la continuité géographique entre les ZEE d’Israël, de Chypre et de la Grèce, afin que l’installation du pipeline gazier EastMed de 1900 km puisse se concrétiser. Pour ce faire, la Turquie doit être marginalisée en Méditerranée orientale et les droits d’autres pays comme la Palestine, le Liban et la Syrie doivent être sérieusement réduits.

Nous avons écrit à plusieurs reprises qu’il est extrêmement douteux qu’un tel plan puisse se concrétiser de manière pacifique.

La gauche radicale internationale est consciente de la nature réactionnaire et antidémocratique du régime d’Erdogan. Elle connaît ses attaques constantes contre les salarié·e·s, les militants kurdes, le mouvement social et les militants de gauche. La répulsion contre cette situation est justifiée et correcte. Mais il serait erroné de traiter le peuple turc comme une entité unifiée et impuissante, incapable de penser et d’agir par elle-même. Par exemple, des sondages en Turquie ont montré qu’une grande partie de la population était en désaccord avec la poursuite d’Erdogan pour transformer l’ex-basilique Sainte-Sophie en mosquée.

Mais pour ceux d’entre nous qui vivent dans les pays voisins, nos tâches sont plus complexes. Nous devons affronter «l’ennemi chez nous» et nous sommes obligés de lutter contre «notre» nationalisme dangereux.

Nombreux sont ceux qui n’adhèrent pas à la frénésie belliciste et ils espèrent qu’un affrontement militaire sera finalement évité grâce au droit international et aux institutions compétentes. Jusqu’à présent, il s’est avéré que c’était une illusion.

La Turquie n’a pas signé un grand nombre des accords internationaux qui régissent le droit de la mer. Mais aujourd’hui, réalisant le rapport de force négatif qui existe à son encontre et calculant que les exigences maximalistes de la Grèce ne peuvent pas tenir, elle promeut des initiatives qui puissent être traitées devant la Cour internationale de justice de La Haye. Mais elle exige des décisions pour toute la gamme des litiges entre la Grèce et la Turquie.

A l’inverse, la Grèce affirme que ses demandes sont fondées et justifiées par le droit international. Mais elle refuse de participer à toute procédure juridique internationale qui comprendrait des décisions sur des questions que l’État grec a «résolues» par des actions unilatérales (militarisation des îles de la mer Égée orientale, extension de sa souveraineté sur des îles et des rochers contestés, extension de son espace aérien à 10 miles, qui se trouve au-delà de ses eaux territoriales qui elles s’étendent à 6 miles). Dans le même temps, une partie de la bureaucratie étatique, sachant pertinemment que les revendications grecques concernant sa ZEE sont maximalistes, résiste à toute perspective de recours à la Cour internationale, avertissant que dans une telle procédure juridique, le résultat pourrait être un compromis «préjudiciable aux intérêts de la nation».

Cela signifie que l’affrontement se poursuit avec la méthode du «fait accompli» qui consiste à imposer unilatéralement des faits sur le terrain. Comme nous l’avons vu cet été, cette méthode implique la menace d’un «incident chaud», qui peut s’avérer difficile à contrôler et conduire à une guerre.

Histoire

Il est tragique et ironique que tout cela se produise 100 ans après la dernière guerre gréco-turque de 1918-1922, pour laquelle les deux peuples ont payé un lourd tribut.

À la fin de la Première Guerre mondiale, les grandes puissances de l’époque poussaient à la partition de l’Empire ottoman, encourageant ainsi le leader grec Eleftherios Venizelos à envahir l’Asie mineure. L’armée grecque s’enfonça en Anatolie, occupant des portions de terre à l’est de la côte et atteignant la périphérie de la capitale turque Ankara.

Mais lorsque les Anglais, les Français et les Italiens ont obtenu les annexions qu’ils cherchaient, ils se sont tournés vers une normalisation de leurs relations avec le nouveau régime turc de Kemal Ataturk, abandonnant leurs anciens alliés. L’effondrement de l’armée grecque a été immédiat. Lors de la contre-attaque turque, 1,5 million de Grécophones d’Asie Mineure ont quitté leurs foyers et se sont installés comme réfugiés en Grèce. Leur expérience tragique, à cause de cet aventurisme de l’armée grecque, a conduit à leur radicalisation: les réfugiés ont formé l’épine dorsale du mouvement ouvrier et de la gauche communiste durant les années 1930 et 1940.

Mais l’histoire fournit également un autre exemple instructif. En 1930, comprenant qu’une crise financière se profilait, Venizelos et Ataturk ont cosigné un accord de paix et de partenariat qui prévoyait la reconnaissance mutuelle des frontières existantes et une réduction des dépenses militaires. La modernisation capitaliste initiale dans les deux pays a été fondée sur une politique de paix et de coopération. En 1934, le belliciste Venizelos propose à Kemal Ataturk de se porter candidat au Prix Nobel de la paix…

Aujourd’hui, les deux pays sont confrontés à une grave crise économique et sociale. Au milieu d’une telle crise, la politique d’armement est absurde. Un affrontement militaire sera dévastateur pour tous les peuples, des deux côtés de la mer Égée, et pourtant il reste possible.

Prendre position contre la guerre, défendre la paix comme un bien majeur pour les masses populaires, rejeter unilatéralement les armements, rompre avec les alliances impérialistes sont des points irremplaçables du «programme» de toute politique émancipatrice. Dans la situation actuelle de crise climatique, cette politique anti-guerre doit se combiner avec le rejet de la stratégie extractiviste qui menace de nous envoyer à l’abattoir de la guerre comme chair à canon pour les profits du Big Oil.

Source https://www.contretemps.eu/menace-guerre-grece-turquie/

Publié initialement sur le site A l’Encontre

La Sécu, un bien commun

Par Jean-Marie Harribey Membre du conseil scientifique d’Attac.

Ce fut, en 1945, une victoire politique du mouvement ouvrier que d’instaurer une socialisation d’une partie du salaire.

Le concept de bien commun a été réhabilité pour désigner à la fois les biens que la collectivité décide d’élever au statut de « communs » et la méthode démocratique pour les gérer collectivement. Mais, le plus souvent, ce concept concerne les biens que la dévastation écologique menée par le capitalisme productiviste menace, condamne et/ou privatise : l’eau, l’air, toutes les ressources naturelles, la terre, la préservation du climat, les connaissances, etc. En témoignent les nombreuses luttes qui sont menées par des communautés, des associations, partout dans le monde, pour en asseoir la légitimité et en assurer la pérennité.

Mais il est une institution à propos de laquelle il est rarement dit qu’elle relève du bien commun dans ses deux acceptions. Il s’agit de la Sécurité sociale, dont nous devrions célébrer le 75e anniversaire pour en rappeler le sens politique. D’une part, la Sécu réalise une mise en commun d’une partie de la valeur ajoutée par le travail, par le biais de la cotisation sociale calculée par un pourcentage du salaire. Ce fut, en 1945, une victoire politique du mouvement ouvrier, grâce à la pression de la CGT et du Parti communiste, que d’instaurer une socialisation d’une partie du salaire. Une socialisation qui est passée en quelques décennies de 0 à 40 % environ de ce salaire, cotisation incluse. Certes, cette avancée politique a été affaiblie idéologiquement par l’invention d’une trouvaille sémantique distinguant cotisation salariale et cotisation patronale, alors que c’est le travail qui paie tout (puisque, de toute façon, il crée toute la valeur économique). Il n’en reste pas moins que le principe de la Sécu est l’une des victoires sociales les plus impressionnantes du XXe siècle, au point d’avoir progressivement permis d’universaliser la protection sociale.

D’autre part, lors de sa création, la Sécu inaugurait un mode de gestion salarial, indépendant de l’État, qui faisait des travailleurs les artisans de leur émancipation grâce à la socialisation d’une partie du fruit de leur travail. L’attaque déclenchée par les forces du capital contre la Sécu a commencé par là : déposséder progressivement les travailleurs de la gestion de leur patrimoine ; depuis 1967, ils n’élisent plus leurs représentants à la Sécu. Ensuite sont venues de multiples érosions du financement de la Sécu par des exonérations de cotisations pour les employeurs, qui atteignent aujourd’hui 60 milliards d’euros par an. La fiscalité remplaçant les cotisations salariales est venue affaiblir encore davantage la visibilité du lien entre travail et protection sociale.

Pour couronner le tout, désormais, c’est le Parlement, donc le gouvernement dans les institutions lézardées de la Ve République, qui fixe le montant des recettes et des dépenses de la Sécu dans le cadre de la loi de financement de la Sécurité sociale, et qui en fait un outil de régulation de ladite dépense publique, au moment où l’idéologie libérale entend la réduire par tous les bouts.

L’enjeu des luttes sur la protection sociale est crucial, d’où leur âpreté, par exemple sur les retraites. Il y aurait beaucoup à gagner si le concept de bien commun n’était pas réservé à l’écologie mais étendu à l’ensemble des conditions de la vie sociale.

Jean-Marie Harribey Membre du conseil scientifique d’Attac.

Source http://www.politis.fr/articles/2020/09/la-secu-un-bien-commun-42335/

Grèce : Procès d’Aube dorée, Ils ne sont pas innocents !

29 septembre par Collectif


Le procureur public du procès de l’Aube dorée, Adamantia Oikonomou, a de façon provocante demandé que tous les membres du parti néo-nazi soient acquittés de toute implication liée au meurtre de Pavlos Fyssas, commis par un membre autoproclamé du parti.

Son argument est que l’assassin de Pavlos Fyssas, Giorgos Roupakias, a commis l’acte tout seul, quand il a poignardé le musicien à mort.

Sa recommandation absurde vise à ce que les chefs de l’organisation criminelle néo-nazi soient acquittés. Le procureur prétend que les chefs du parti n’ont donné aucun ordre pour cette attaque.

Aube dorée est une organisation criminelle au sens plein du terme, avec une structure hiérarchique et une formation militaire. Ses membres ont suivi des ordres. Pendant plus d’une année, plein d’évidences contraignantes ont été présentées au tribunal : des photos, des vidéos, des messages qui font preuve de la planification des attaques et leur dissimulation, comme c’était le cas pour le meurtre de Pavlos Fyssas.

Des évidences qui prouvent l’implication des bataillons de l’organisation aux attaques contre les pécheurs égyptiens et les membres du syndicat du parti communiste PAMELe procureur a choisi de ne pas voir ces évidences. Nous disons « NON » à l’acquittement d’Aube dorée.

Nous demandons qu’un exemple soit fait par la condamnation des chefs du parti et des bataillons des meurtres nazi d’Aube dorée.

Source http://www.cadtm.org/Grece-Proces-d-Aube-doree-Ils-ne-sont-pas-innocents

Pour que le Briançonnais reste un territoire solidaire avec les exilés

 Appel à soutiens 

Terre historique de passages d’hommes et de femmes à la frontière entre la France et l’Italie, le Briançonnais a vu se développer sur la période récente un remarquable réseau de solidarité et d’hospitalité venant au secours des exilés qui, au péril de leur vie, ont franchi cette frontière et leur offrant, avec le soutien des autorités locales, un refuge temporaire. Le maire de la ville de Briançon, nouvellement élu, a décidé de fermer ce refuge ainsi que le local des secours. Bénévoles et associations se mobilisent aujourd’hui pour s’opposer à cette décision aux conséquences humanitaires dramatiques.

Depuis cinq ans, plus de 11 000 hommes, femmes et enfants jetés sur les routes de l’exil ont traversé au péril de leur vie la frontière franco-italienne haute-alpine, souvent dans la nuit, le froid, ou la neige, au milieu de montagnes dont ils méconnaissent les dangers. Tous ont ensuite transité une ou quelques nuits par Briançon, brève escale dans leur périple migratoire.

Un élan de solidarité, porté par des centaines de bénévoles, organisé par des associations et soutenu par la Ville et la Communauté de communes du Briançonnais, a permis de mettre à l’abri et d’accueillir dignement toutes ces personnes :

  • Un lieu d’accueil d’urgence offre depuis trois ans à ces exilés de passage, hébergement, nourriture, soins, vêtements, conseils juridiques sur le droit d’asile et chaleur humaine. Installé dans un bâtiment mis à disposition par la Communauté de communes, il est géré par l’association Refuges Solidaires.
  • En amont, dans la montagne, des maraudeurs solidaires portent secours aux exilés en danger – perdus, épuisés, en hypothermie -, avec l’appui de Tous Migrants et Médecins du Monde. Sans les maraudes, le bilan de cinq morts et trois handicapés à vie que la région a connu ces trois dernières années aurait été encore plus terrible. Un local technique a été mis à disposition de Tous Migrants pour le stockage du matériel de secours en montagne.

Il s’agit d’une initiative d’accueil exemplaire, mise en lumière par les médias du monde entier et récompensée par l’attribution de la mention spéciale du prix des Droits de l’Homme 2019 de la Commission nationale consultative des droits de l’homme à l’association Tous Migrants.

Cette mobilisation est aujourd’hui mise à mal par la décision du nouveau maire de Briançon et président de la Communauté de communes, Arnaud Murgia, de fermer le refuge solidaire et le local technique des maraudes [1].

Il s’agit là une entrave grave aux opérations de secours et d’accueil des exilés, mettant leur vie en danger.

La décision du maire, si elle est exécutée, aurait également pour conséquence de jeter les exilés à la rue, ne leur laissant d’autres solutions que de dormir dans les espaces publics, alors que les températures nocturnes frôlent déjà zéro degré dans Briançon, et qu’il est physiquement impossible de survivre à l’extérieur en plein hiver. Ce faisant, le président de la Communauté de communes créerait les conditions d’un véritable drame humanitaire, avec de nouveaux morts en montagne et à nos portes. Il en porterait l’entière responsabilité morale.

Au-delà, il s’agirait d’une atteinte grave au droit des associations et bénévoles de s’organiser pour porter secours. En exigeant la fermeture de ces deux lieux complémentaires et indispensables au bon fonctionnement des opérations humanitaires, le nouveau maire fragilise l’écosystème associatif et bénévole local, et tourne le dos à la plus élémentaire solidarité montagnarde. Cette attitude fait écho aux récentes interdictions de distribution de nourriture dans le Calaisis, à la fermeture du centre d’accueil de la Croix-Rouge près de Menton, aux amendes infligées aux bénévoles humanitaires durant le confinement et plus largement aux atteintes grandissantes portées aux actions associatives et collectives.

Le devoir d’assistance à personne en danger est un devoir moral et juridique ; il s’impose à toutes et tous : citoyens, associations, mais aussi et d’abord collectivités territoriales et État. Le fait que les gouvernements européens ne respectent pas leurs obligations en matière de sauvetage et d’accueil des personnes, et qu’ils ferment volontairement les yeux sur les drames humains dont l’actualité se fait chaque jour écho, en Méditerranée comme dans les Alpes, n’exonère personne.

Nous, bénévoles et associations actives sur place, dont Refuges Solidaires, Tous Migrants, le Secours Catholique, Médecins du Monde, ne sommes pas résignés. Pour éviter de nouveaux drames, nous continuerons à accueillir, secourir et exiger le respect des droits des personnes exilées.

Parce que nous refusons que nos montagnes deviennent un cimetière, à l’instar de la Méditerranée, parce que nous refusons qu’une personne, quelle qu’elle soit, se retrouve à la rue, nous appelons citoyens, associations, institutions, élus, collectivités à soutenir notre combat pour la mise à disposition des locaux indispensables au secours et à l’accueil digne des personnes exilées et en détresse, le respect de leurs droits fondamentaux et l’arrêt des poursuites contre les bénévoles, les associations et les défenseurs des droits.

Organisations et personnalités signataires : voir ici, à l’adresse de la pétition sur Change.org

Mobilisons-nous pour que le Briançonnais reste un territoire solidaire ! 

A Lesbos, le désespoir des migrants

A Lesbos, le désespoir des migrants après l’incendie du camp de Moria

Par Sepideh Farsi

La réalisatrice iranienne Sepideh Farsi se trouvait en Grèce au moment de l’incendie du camp de Moria sur l’île de Lesbos. Connaissant les lieux pour y avoir tourné un long-métrage de fiction (Demain, je traverse), elle est retournée sur place. Voici son témoignage.

 

Lesbos (Grèce).– La carrure impressionnante de l’homme et la violence des faits qu’il me décrit contrastent totalement avec la finesse de ses gestes et la tendresse qu’il montre vis-à-vis des enfants qui l’entourent. Assis sur un vieux tapis devant sa maisonnette en bois, M. pétrit la pâte à pain, l’étale dans un plateau métallique, la tapote avec ses gros doigts pour y former des creux, avant de la glisser dans un petit four électrique.

On est à Pikpa, un camp de réfugiés géré par une ONG, à l’extérieur de Mytilène, pas très loin du camp de Moria (voir notre portfolio ici).

M., comme tous les réfugiés qui habitent « Pikpa village », est passé par Moria. L’ancien Moria, ils savent ce que c’est. Il me raconte, évitant mon regard, sans doute pour se donner du courage ou par réserve, qu’il a débarqué en Grèce avec sa famille, après avoir perdu ses parents dans un attentat suicide de Daech ayant frappé une mosquée chiite à Herat, sa ville natale. Et après une descente chez lui des milices talibanes et le passage à tabac de sa femme, faute de l’avoir trouvé, lui.

Des pains pour les réfugiés du camp de Moria. © SF Des pains pour les réfugiés du camp de Moria. © SF

Il est à peine 7 heures du matin et devant M., il y a plusieurs pains déjà cuits en train de refroidir. Il a dû commencer à l’aube. Je sais que d’habitude, c’est plutôt sa femme qui fait le pain. Je lui demande où elle est et M. me dit qu’elle se repose, car elle faisait la cuisine jusqu’à deux heures du matin pour préparer des repas pour leurs amis de Moria, deux autres familles afghanes qui ont fait la traversée avec eux.

Mais moins chanceux ou moins vulnérables, ils se trouvaient encore à Moria au moment de l’incendie. La capacité d’accueil de Pikpa (quelque deux cents personnes) est dérisoire par rapport au nombre de migrants parqués sur l’île de Lesbos – ayant atteint 28 000 il y a quelques mois, presque autant que les habitants de Mytilène, il était redescendu à 13 000 au moment où Moria a pris feu, le 8 septembre.

M. me confie que la nourriture distribuée à Moria depuis l’incendie est largement insuffisante et leurs amis de « game » (l’expression qui désigne les groupes formés pour les traversées) restent sans manger.

M. et sa femme ne peuvent pas rester indifférents à leurs appels au secours. Ils ont des petits enfants, me dit-il. Ils sont comme nous. On ne peut pas les laisser tomber. Une fois le pain cuit, il le charge, avec les barquettes de repas et quelques vêtements pour enfants, dans une cagette plastique sur le porte-bagages de son vélo pour filer vers Moria.

Je croise le regard inquiet de sa femme, A., qui s’est réveillée entre-temps. Il arrive qu’il y ait des réactions violentes par des habitants hostiles ou des arrestations arbitraires par des policiers grecs, sur la route. Mais M. est confiant. J’ai le papier de Pikpa, il me dit. Il ne m’arrivera rien. Ils vont me laisser revenir.

A., sa femme, se prépare déjà pour le travail de la journée, qui sera longue. Les habitants et bénévoles de Pikpa ont décidé ensemble d’être solidaires avec les gens de Moria. Dès le premier jour, plusieurs centaines de paquets de vêtements et de rations de nourriture y sont envoyés. C’est un groupe de femmes migrantes, habitantes de Pikpa, aidées par les bénévoles, qui s’en charge, fournissant certains jours jusqu’à mille repas.

Je me mets en route vers Moria. J’ai rendez-vous avec N., un jeune militant américain qui s’est installé à Lesbos il y a cinq ans pour travailler avec une ONG à Moria qui intervient en protection des mineurs. Depuis quelques mois, il s’est même mis à apprendre le persan, pour mieux communiquer avec les Afghans qui constituent la majorité de la population de Moria.

Arrivés au barrage, alors qu’on est à 200 mètres de l’entrée du camp, les policiers nous obligent à faire un grand détour d’une vingtaine de kilomètres pour nous présenter à l’autre entrée du camp. Le chauffeur de taxi qui nous emmène nous dit, comme signe de solidarité, qu’il arrête le compteur à 20 euros, parce qu’il trouve cela injuste de nous faire payer plus alors qu’on était pratiquement arrivé.

Ce jour-là, les policiers grecs décrètent que personne ne passe leurs barrages sauf quelques membres de Médecins sans frontières, et surtout pas les journalistes étrangers ! Et de fait, de l’autre côté aussi, les policiers nous refusent l’entrée. Alors, N. me propose de passer par un chemin de traverse et d’escalader une colline pour accéder au camp.

Depuis l’incendie de Moria, N. opère en solo, en attendant que l’ONG avec laquelle il travaillait obtienne l’autorisation d’intervenir. Ce qui risque d’être long, étant donné la bureaucratie grecque. Chaque matin, il fait des provisions, achetées avec ses propres deniers, autant qu’il peut apporter de ses deux mains et sur son dos, puis grimpe la colline pour les distribuer à ceux qu’il croise.

Parfois, ce sont des « power banks » pour recharger des portables faute de courant électrique. Ce jour-là, ce sont masques, savons et lingettes qu’on achète ensemble. J’ai décidé de ne pas poser de questions, N. m’inspire confiance. La seule chose sur laquelle on diverge : que faire si on se fait repérer par une patrouille mobile de policiers ? N. préfère déguerpir en courant. Moi, je sais que je n’ai aucune chance de semer de jeunes policiers en bonne forme physique, donc le cas échéant, je m’arrêterai pour me laisser interroger. Peu après, on croise de jeunes Afghans qui font le chemin inverse. Je les questionne en persan. « La voie est libre », me disent-ils. On continue à escalader la colline. À un moment, elle surplombe le nouveau camp en construction. Une vingtaine de minutes plus tard, en descendant de l’autre côté, on est soudain au milieu du nouveau Moria.

La route est jonchée de tentes distribuées par des ONG et de campements de fortune, fabriqués à l’aide de toutes sortes de matériaux. Barbelés, bennes à ordure, bâches plastique, branches d’olivier. Tout ce qui peut soutenir un semblant de toit, tout ce qui peut faire de l’ombre et protéger du soleil qui tape encore très fort. Des enfants de tous âges, souvent pieds nus, jouent dans la caillasse.

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Des tas d’ordures s’amassent tous les quelques mètres. Quelques migrants, ayant le sens des affaires, tirent des cagettes remplies de bouteilles d’huile et des paquets de sucre et de riz, qu’ils se sont procurés on se demande comment, pour les vendre aux autres. Un couple lave un nouveau-né qui hurle au bord de la route. D’autres se disputent l’accès au point d’eau, alors que des adolescents s’aspergent d’eau un peu plus loin pour se rafraîchir.

À peine quelques-uns m’ont-ils entendu parler persan qu’un groupe se forme autour de moi. Les questions et les demandes fusent. Avec quelle ONG je travaille ? Suis-je journaliste ? Qu’est-ce qui va leur arriver ? Comment est le nouveau camp ? Faut-il accepter d’y aller ? De l’eau à boire, du lait en poudre pour les nourrissons, du savon, du shampooing, du papier toilette, des médicaments, et des chaussures, surtout des chaussures pour enfant. Ils n’ont plus rien, ayant tout laissé derrière eux dans les tentes lors de la nuit de l’incendie.

Une jeune femme me fait signe d’approcher. Elle berce un nourrisson. Je m’agenouille près d’elle. Elle me montre son sein. Elle n’a plus de lait. « J’ai accouché juste une semaine avant l’incendie », me dit-elle. Elle a trois autres enfants à nourrir et rien à manger. Son mari me montre un paquet de biscuits entamé et m’explique que c’est tout ce qu’ils ont eu à manger depuis la veille.

Un nouveau camp sur une colline en forte pente

Nous sommes le 15 septembre, une semaine après l’incendie. Elle veut bien que je la prenne en photo, mais cache son visage pour que sa mère, si jamais la photo circule, ne la reconnaisse pas. J’ai trop honte, me dit-elle en se couvrant le visage.

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Un autre homme me montre une bouteille d’eau minérale, précieusement gardée pour ses enfants. Le volume moyen d’eau potable distribuée par personne est inférieur à un litre par jour, alors que la température dépasse encore les 30 °C en journée. L’eau des rares robinets à leur disposition n’est pas potable, me dit une autre mère. Ses deux enfants ont déjà la diarrhée et elle-même a mal au ventre. Elle me demande si j’ai de l’antidiarrhéique sur moi.

Une autre femme, d’un âge indéfinissable, les traits tirés par la fatigue, me fait signe et me dit à l’oreille : « J’ai une forte hémorragie depuis plusieurs jours et j’ai des vertiges. Je n’ai pas de serviettes hygiéniques. Tu en as ? » Je baisse la tête, impuissante. Elle me dit qu’elle s’emballe avec du plastique, pour ne pas tout souiller dans la tente. Ce qu’elle appelle « tente » est en fait constitué d’une couverture déchirée comme toit et un bout de plastique au sol. C’est là qu’elle vit avec ses deux enfants et sa petite-fille.

Un autre homme vient me voir. Toujours la faim qui les poursuit. Il me reste encore un peu d’argent, me dit-il, et j’ai essayé d’aller acheter de la nourriture dans les magasins du village voisin en grimpant sur la colline, mais les commerçants ne voulaient rien me vendre. Un autre homme me dit qu’il a même été tabassé par les locaux, avant d’avertir la police, qui l’a emmené en garde à vue.

Loin sont les jours, il y a quelques années, où les gens de Mytilène aidaient les migrants échoués sur leurs plages. Ils ont dû baisser les bras, de guerre lasse, face au nombre croissant de migrants qui arrivaient, l’inefficacité des gouvernements successifs, aussi bien de gauche que de droite, étant eux-mêmes dans une forte crise économique, et l’indifférence de l’Union européenne, à laquelle s’est greffée la pandémie.

Une autre femme me dit la gorge serrée qu’il lui reste de l’argent sur son compte, son allocation de demandeur d’asile, disons, mais à quoi bon, puisque sa carte de retrait a brûlé dans l’incendie, et qu’elle n’a plus le droit d’aller en ville pour retirer de l’argent à la banque.

Un père de famille iranien me montre ses papiers. « Mon test d’ADN était positif, mais tous les documents ont brûlé dans l’incendie du centre EASO, là où étaient conservés toutes les demandes d’asile et leurs documents. » « Test d’ADN ? », lui demandé-je étonnée. « Pour prouver que nous sommes bien les parents de mon fils et pouvoir le rejoindre à Athènes », répond-il.

Pour le coup, il doit encore attendre avant de voir son fils de 12 ans, qu’il avait perdu lors de la traversée, il y a trois ans. À l’autre bout du camp dans le secteur où les Congolais et les Somaliens se sont installés, quelqu’un m’interpelle en français. Je m’approche.

Un jeune Congolais m’explique qu’il avait quitté l’hôpital psychiatrique juste avant l’incendie, que ses troubles psychiques s’étaient calmés, mais qu’il ne sait pas combien de temps il tiendra dans cet enfer sans traitement et suivi psychologique. Vous voulez voir mon certificat médical de vulnérabilité, me demande-t-il. Je lui dis que je le crois sur parole.

À la précarité ambiante s’ajoute l’inquiétude des migrants qui savent que leurs procédures vont être retardées. Dans un enfer administratif, ils sont condamnés à rester dans ce camp jusqu’à nouvel ordre. Dans une absence totale de communication de la part des autorités grecques. Certains migrants sont en attente de réponse depuis quatre ans. Moria c’était un cauchemar, mais au moins il y avait de la nourriture et de l’eau et on savait où on allait dormir le soir, disent-ils.
Un groupe de jeunes migrants me racontent les événements du dimanche 13 septembre, lorsque les migrants, à bout de nerfs, ont manifesté paisiblement, demandant à être relogés et ont été confrontés aux tirs de lacrymo des policiers, touchant même des enfants qui se trouvaient à proximité.

 © Photos fournies par les migrants. © Photos fournies par les migrants.

Je donne mon numéro de téléphone à certains migrants pour pouvoir servir de relais d’information. Jeudi soir, premier coup de fil d’un mineur non accompagné que j’ai rencontré et que j’essaie d’aider. Il m’apprend que les migrants commencent à être relogés dans le nouveau camp, mais sans qu’il y ait eu aucune annonce au préalable. Peut-être pour éviter des protestations, car beaucoup des migrants redoutent leur relogement dans le nouveau camp qui semble être un camp fermé et sans équipement aucun. Mon jeune interlocuteur me décrit la technique employée par les policiers grecs : ils déplacent leurs cars pour séparer un groupe de migrants du reste du campement, avant de les rameuter dans d’autres cars et les conduire au nouveau camp. Les migrants, épuisés et affamés, résistent d’abord puis finissent par se laisser faire.

Vendredi soir, un nouveau coup de fil du même jeune mineur m’apprend que le reste des migrants ont déjà tous été contraints de se déplacer. J’appelle un autre migrant qui me confirme les faits. Tous les migrants sont déjà dans le nouveau camp. Capacité initiale annoncée 5 000 personnes. Mais dans les faits, le nouveau camp abrite 13 000 personnes. Il a été construit sur une colline en forte pente, surplombant la mer. Il n’y a pas d’eau courante ni d’électricité. Et la dizaine de sanitaires, à peine installés, sont déjà tous hors service. Les petites tentes sont données à une dizaine de migrants, et les grandes contiennent jusqu’à 250 personnes.
Comme elles sont montées sur la caillasse sans que le sol n’ait été nivelé, il est impossible de s’allonger dans certaines, tellement la pente est raide.

La nourriture fait toujours défaut. Dans le meilleur des cas, ils ont un repas et une bouteille d’eau par 24 heures et ça, lorsqu’il y en a pour tout le monde. Le nouveau camp est totalement fermé. Malgré les tests systématiques de Covid et la mise sous quarantaine des migrants contaminés, tous les résidents du camp sont privés de sortie. Ce qui explique la résistance des migrants qui redoutent un confinement de fait, ce qu’ils ont déjà vécu depuis le mois de février.

D’autres textos m’arrivent au cours du week-end, par G., un mineur non accompagné âgé de 16 ans qui s’est retrouvé par erreur avec les hommes célibataires, dans un secteur du nouveau camp entouré de barbelés. Je lui réponds que j’ai déjà envoyé son nom à une ONG pour qu’il soit transféré, mais cela va prendre quelques jours. J’ai très peur, m’écrit-il, je ne supporte pas d’être avec eux. Les migrants plus âgés m’ont pris mon matelas, je n’ai plus où dormir sous la tente, je ne sais pas comment tenir.

En quittant Lesbos, je repense à M. et sa femme et je me dis que si un tel élan de générosité est possible de la part d’une famille de migrants, eux-mêmes dans le besoin, alors l’Union européenne doit en toute logique pouvoir apporter une aide suffisante pour soulager les besoins immédiats des victimes de l’incendie de Moria, ou les accueillir dans d’autres pays européens, sinon l’Europe aurait perdu tout son sens, voire son essence.

Le matin, en descendant du bateau qui m’emmenait au Pirée, le visage de Hekmat avec ses grands yeux noirs ne me lâche pas. Lui qui du haut de ses huit ans m’avait expliqué qu’il est afghan mais n’a jamais vu son pays, car né en Iran. Puis m’avait dit de but en blanc : «­ Je n’ai pas de chaussures. » Mes yeux avaient glissé alors vers ses pieds qui nageaient dans de grandes baskets.

« Elles sont à ma mère, m’avait-il expliqué. Est-ce que vous pouvez m’apporter une paire de chaussures ? » Je lui avais dit qu’il était peu probable que je puisse revenir. Il m’avait regardé de ses grands yeux noirs et m’avait dit : « D’accord, mais au cas où vous reviendriez, je chausse du 31. »

Source https://www.mediapart.fr/journal/international/220920/lesbos-le-desespoir-des-migrants-apres-l-incendie-du-camp-de-moria?onglet=full

Au côté des réfugiés en Grèce

Après l’incendie du camp de Moria, au côté des réfugiéEs en Grèce par A. Sartzekis

Qui a mis le feu au camp de réfugiéEs de Moria ? Le gouvernement réactionnaire de Mitsotakis répond par un beau mensonge, en faisant croire que ce sont des réfugiés qui refusaient les « contrôles sanitaires ».

En fait, ce que refusaient les personnes détectées comme infectées par le coronavirus et leurs contacts, c’était d’être isolés non pas dans une clinique, comme on l’a lu, mais dans un baraquement encore plus insalubre que le reste du camp, et sans équipement sanitaire. Alors, ensuite, que ce soit peut-être les tirs de la police qui soient à l’origine du feu, comme l’écrit Prin (journal de NAR, principal groupe anticapitaliste) ou que soit clairement une révolte des damnés de la terre, comme l’écrit le militant révolutionnaire Panos Kosmas dans le quotidien Efimerida ton Syntakton, peu importe sur le fond, car toutes les associations humanitaires dénonçaient depuis des années le risque évident de catastrophe : les seuls responsables du drame, ce sont le gouvernement grec et l’Union européenne, qui ont cyniquement surpeuplé un camp prévu pour 3000 personnes et qui en recevait ces derniers temps 12 000. Et c’est toute l’odieuse politique grecque et européenne par rapport aux réfugiéEs qui est plus que jamais en cause !

Fuite en avant raciste

Depuis plus d’un an au pouvoir, la mal nommée Nouvelle Démocratie fait de la répression contre les réfugiéEs un axe majeur de sa politique : évacuation de nombreux squats hébergeant souvent des immigréEs, expulsion de réfugiéEs dotés du droit d’asile de logements provisoires en les jetant à la rue, et les chassant ensuite de places où ils tentent de s’abriter (place Viktoria à Athènes). Et la seule réponse du ministre des politiques migratoires, Mitarakis, reste de construire des camps fermés, refusant le transfert massif des réfugiéEs vers le continent.

Et du côté de l’UE, si on « gronde » Mitarakis qui ose être fier de son sale boulot, le bilan (en 2020 seulement 533 réfugiéEs ont été installés en Europe à partir de la Grèce !) et les propositions sont misérables : financer le transfert de 400 jeunes de Moria vers le continent grec, et accepter un éventuel accueil au compte-gouttes – 100 à 150 réfugiéEs pour la France ! Le dogme de l’Europe forteresse sera-t-il remis en question fin septembre (réunion des instances) ? On ne peut qu’en douter…

Pour une mobilisation anti-raciste puissante et durable !

L’une des raisons de l’urgence, c’est que le drame humain supplémentaire pour les réfugiéEs donne lieu à un nauséabond déferlement de haine et de violences. La première réponse de Mitsotakis à la catastrophe a été l’envoi de renforts policiers et de canons à eau pour empêcher que les réfugiéEs aillent « contaminer » les habitantEs de l’ile de Lesvos (bien plus de cas de virus que chez les réfugiés). Aux réfugiéEs qui revendiquent leur transfert sur le continent, la réponse a été les lacrymos, mais aussi l’apparition de commandos fascistes qui s’en prennent également aux solidaires, en toute impunité… Plus généralement, la presse de droite entretient une campagne de haine complotiste : « L’émeute des islamistes à Moria est une autre tentative du MIT (service secret turc) de déstabiliser la Grèce en créant un front intérieur » (journal Dimokratia), voilà le discours de la presse y compris « classique » de la droite, porté aussi sur place par des représentants de l’État, comme le président de région Moutzouris…

Face à cela la solidarité s’organise, sur place et dans le pays. Vendredi soir, des milliers de personnes ont manifesté à Athènes en exigeant l’ouverture des frontières pour les réfugiéEs, et d’autres initiatives sont en cours. Mais il y a urgence à développer dans toute l’Europe une solidarité antiraciste qui brise la politique des murs : les mobilisations en Allemagne ou l’appel international (http://chng.it/FwXvr7vR) montrent la voie !

D’Athènes

Source https://lanticapitaliste.org/actualite/international/apres-lincendie-du-camp-de-moria-au-cote-des-refugiees-en-grece

Urgent solidarité Grèce

[Urgent] info Grèce : Lesbos, Exarcheia, Crète… par Yannis Youlountas ·

Bonjour à tou-tes !

Nous sommes actuellement de retour en Grèce, avec plusieurs fourgons et un chargement important à destination de plusieurs lieux et actions solidaires autogérées à Athènes et sur plusieurs îles.

À Lesbos, des milliers de réfugiés errent actuellement dans des conditions très difficiles, suite à l’incendie qui a ravagé le sinistre camp de Moria où étaient parqués 15.000 adultes et enfants.

Il ne reste plus rien du sinistre camp de Moria à Lesbos

Nous nous permettons de vous contacter d’urgence parce que nous constatons que la situation est beaucoup plus grave que ce que nous avions prévu et parce que nos moyens ne sont pas suffisants.

Sans faire de bruit, en mars et en juillet, nous avons déjà effectué plusieurs voyages pour soutenir 29 lieux et collectifs en Grèce, et nous avons également participé à la création de nouveaux lieux dont certains nous tiennent particulièrement à cœur.

Parmi les lieux et collectifs que nous avons aidé matériellement et/ou financièrement :

Centre social autogéré Alimoura à Ioannina (nous avons financé la réparation du local qui avait été saccagé par une attaque fasciste) ;

Usine autogérée Bio.Me à Thessalonique (soutien et achat de savons et produits fabriqués par les ouvriers, alors que l’électricité venait de leur être coupée) ;

Mikropolis à Thessalonique (soutien au plus grand espace social libre de Grèce, notamment pour l’aide aux réfugiés et les nombreuses autres activités du lieu) ;

Initiative antifasciste d’aide aux réfugiés près d’Évros (au moment où ces derniers étaient pris au piège entre les deux états grecs et turcs, et où des identitaires européens étaient venus pour tenter de pratiquer la chasse à l’homme, ainsi qu’à Lesbos) ;

Réseau Solidaire de Crète (et soutien à la création de nouveaux lieux dans l’île, dont nous vous reparlerons dans quelques semaines, avec de belles surprises) ;

Initiative de Kastelli en Crète contre le nouvel aéroport (nous avons participé au financement de la procédure de Justice contre l’aéroport qui est en train de basculer à l’échelle européenne, alors que 50.000 des 200.000 oliviers ont déjà été coupés et que l’opinion est de plus en plus opposée au projet, nous avons également participé à plusieurs réunions et actions sur place, et soutenu les paysans en lutte contre ce projet) ;

Centre Social autogéré Favela au Pirée (soutien financier et achat de tee-shirts pour épauler ce lieu situé dans une zone où les fascistes rôdent souvent et où l’un d’entre nous, Yannis en l’occurrence, a été agressé violemment en juin 2019 par un groupe de néo-nazis qui lui avait tendu un guet-apens avant que les passagers d’une rame de tramway ne parviennent à le sauver) ;

K*Vox à Athènes (célèbre base d’un des groupes les plus actifs en Grèce, que nous soutenons depuis sa création) ;

Aide aux frais de Justice de plusieurs compagnons de luttes, notamment pour leur éviter d’aller en prison suite à des actions pourtant exemplaires ;

squat Notara 26 à Athènes (le plus ancien lieu d’accueil des réfugiés dans le quartier d’Exarcheia est aujourd’hui le seul qui ait réussi à résister à la violente vague d’évacuations lancée par le nouveau gouvernement de droite depuis un an) ;

Cuisine Sociale L’Autre Humain (financement permanent de la moitié du loyer du lieu de stockage et livraison de produits alimentaires à chaque convoi) ;

Structure autogérée de santé d’Exarcheia (soutien financier et livraison de matériel médical) ;

Réseau École Buissonnière-Pédagogie Freinet (soutien financier et livraison de fournitures en aide aux enfants précaires) ;

actions solidaires à Lesbos (nombreuses initiatives depuis mars et, surtout, après l’incendie du sinistre camp de Moria il y a quelques jours et l’errance de nombreuses familles en difficultés).

Une fois de plus, c’est le mouvement social qui est en première ligne de la solidarité, dans l’autogestion et l’horizontalité (cuisine sociale L’Autre Humain, septembre 2020, Lesbos)

Parmi nos autres initiatives, nous avons fait livrer à Athènes plusieurs tonnes de fruits et légumes invendus en Crète (conséquence de la forte baisse du tourisme), notamment des centaines de kilos de tomates et d’oranges qui ont été livrées à la cuisine sociale l’Autre Humain, au squat de réfugiés Notara 26 et au K*Vox pour les militants les plus précaires.

Ces derniers jours, nous avons renforcé le financement de la cuisine sociale à Mytilène, en soutien aux nombreuses victimes de Moria, épaulé par le déplacement de l’Autre Humain à Lesbos (plus de 2500 repas servis par jour dans l’autogestion, l’entraide horizontale et le refus de toute convention avec les autorités responsables de ces politiques infâmes). Nos camarades sur place nous signalent que l’aide est encore très insuffisante pour l’instant et que nous devons essayer de l’amplifier au plus vite.

Certains membres du convoi de septembre 2020 ne cachent pas leurs visages… et leur joie de participer à l’entraide directe et sans frontières !

Ce vendredi 25 septembre, nous serons bien évidemment à nouveau à Exarcheia pour le cinquième anniversaire du squat Notara 26, aux côtés des réfugiés et des solidaires (dont plusieurs d’entre nous font partie à longueur d’année). Il faut savoir que depuis le début de l’offensive du gouvernement Mitsotakis contre les squats à Exarcheia, de nombreux membres des convois passés sont revenus à plusieurs reprises pour participer à la protection du lieu et aux tours de garde nuits et jours, sans discontinuer, depuis juillet 2019. Certains sont même restés plusieurs mois d’affilée sur place.

Le Notara 26 reste le premier et le dernier squat de réfugiés qui résiste encore dans le quartier d’Exarcheia, en lien avec beaucoup d’autres luttes et avec les principaux squats politiques du quartier (K*Vox et Lela Karagianni)

Nous sommes également en train de cofonder plusieurs bibliothèques sociales et ressourceries en Crète. Des espaces gratuits et accessibles à tous, dans des villages et des petites villes, pour participer à transformer l’imaginaire social et mieux faire comprendre ce que nous proposons pour sortir de l’impasse du capitalisme et de la société autoritaire.

Voilà pour ce premier bilan de la situation.

Si vous voulez nous aider dans toutes ces initiatives, c’est le moment. Car plusieurs des actions et lieux évoqués ont besoin d’un renfort urgent de l’aide apportée. Surtout :

  • Les actions solidaires à Lesbos
  • La cuisine sociale L’Autre Humain
  • Le squat de réfugiés Notara 26 à Exarcheia
  • Les actions et créations de lieux en Crète
  • Les compagnons de luttes poursuivis (frais de Justice)

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Source http://blogyy.net/2020/09/21/urgent-info-grece-lesbos-exarcheia-crete/

Guerre et paix en Méditerranée orientale

Par Dimitris Konstantakopoulos 21 septembre 2020

La décision de la Turquie de retirer ses activités de surveillance des navires en Méditerranée orientale, où les zones maritimes ne sont pas délimitées et sont revendiquées à la fois par la Grèce et la Turquie, a entraîné au moins une récession temporaire dans le dangereux différend en Méditerranée orientale.  entre la Grèce et la Turquie.

Cependant, rien n’a été résolu. Les dangers d’une guerre gréco-turque, avec d’énormes conséquences internationales, ou bien d’une crise longue et dangereuse, sont toujours présents, surtout si l’on considère la « guerre civile » au sein de l’establishment occidental entre les forces plus conservatrices et le parti d’une « guerre des civilisations » permanente. Cette « guerre civile » a déjà trouvé son expression dans les activités de Mme Merkel, qui a négocié un premier moratoire gréco-turc, pour ensuite voir M. Pompeo, une figure de proue du néoconisme, intervenir et le torpiller en 48 heures.

La Grèce surveille la Turquie, la Turquie surveille la Grèce et l’UE surveille les deux. Mais les dirigeants politiques, tant à Athènes qu’à Ankara, ne semblent pas se rendre compte des jeux plus généraux qui déterminent le conflit gréco-turc, comme cela a toujours été le cas dans l’histoire. Un exemple classique est la crise de 1974, lorsque Kissinger a poussé la junte militaire installée à Athènes par les États-Unis à organiser un coup d’État à Chypre, puis la Turquie à envahir l’île
M. Pompeo passe maintenant une grande partie de son précieux temps (car il est occupé par la Chine, l’Iran, le Belarus et l’Amérique latine, entre autres) à voyager à Chypre et en Grèce. Les observateurs ne comprennent pas très bien pourquoi il effectue ces voyages et quel est le véritable message qu’il a transmis à huis clos au président Anastasiades.

M. Pompeo s’efforce de persuader les Allemands qu’il travaille aussi pour la paix et le désengagement, mais nous devrons juger ses véritables intentions par les résultats pratiques de ses voyages, et non par ce qu’il dit.

Nous avons expliqué dans nos précédents articles qu’une guerre entre la Grèce et la Turquie n’aura pas de vainqueurs, elle n’aura que des perdants. Les deux pays disposent d’un grand nombre d’armes de destruction et d’une sorte de « parité stratégique ». Même si l’un parvient à détruire une grande partie des forces armées de l’autre (ce qui est tout à fait improbable), il lui restera la possibilité de porter un coup de riposte dévastateur. Les deux pays (et Chypre) remonteront à deux cents ans en arrière, tandis que les intérêts clés de l’Europe, de la Chine et de la Russie seront affectés. Une forte dose de « chaos » sera ajoutée à une planète qui est déjà dans un état sui generis « d’avant-guerre » (« Extrême-Orient, Moyen-Orient, crise sanitaire et économique profonde, quasi guerre civile américaine »).
L’élément le plus étonnant et le plus tragique de la crise actuelle est qu’en réalité elle a commencé sur des questions inexistantes ou presque. La Turquie veut obtenir le plus possible des hydrocarbures de la Méditerranée orientale, mais il n’est pas certain qu’ils existent et quel est le coût de leur extraction, surtout dans un contexte d’effondrement des économies pétrolières et du recul des combustibles fossiles.
Les gouvernements de la Grèce, de Chypre et de la Turquie semblent nier la réalité d’un déclin systémique de la demande mondiale de pétrole et de gaz, un déclin si grave qu’il menace déjà la viabilité économique de la plupart des États du Moyen-Orient. Quand on lit les divers amiraux turcs qui disent qu’il y a des réserves de gaz pour cinq cents ans en Méditerranée orientale, on comprend facilement que les imbéciles et les provocateurs ne manquent dans aucun des deux pays et que c’est une raison pour laquelle nous pouvons nous retrouver en guerre.

Extrêmement fragilisée, la Turquie pensait aussi que nous sommes en 1920 et non en 2020 et que la Grèce, Chypre et Israël l' »excluraient » de la Méditerranée, en construisant le gazoduc EastMed d’Israël à la Grèce et en s’alliant entre eux. Mais le gazoduc EastMed, fortement soutenu par les États-Unis et Israël, ne sera presque jamais construit, car il est trop cher, aucun gisement n’a été trouvé pour justifier son coût, l’Italie, le destinataire du gaz n’a pas donné son accord et l’Europe s’éloigne des combustibles fossiles et leur prix s’est effondré. Le seul résultat de ce projet de gazoduc a été jusqu’à présent de provoquer une grave crise entre la Grèce et la Turquie et on est en droit de se demander si ce n’était pas le but de l’opération dès le début.

La prétendue alliance entre la Grèce, Chypre et Israël semble dépourvue de tout contenu susceptible de menacer la Turquie. C’est plutôt une façon pour les élites grecques et chypriotes de justifier auprès de leur opinion publique les énormes concessions qu’elles ont faites à Israël, sans rien en retour.

Tayip Erdogan a maintenu une attitude très modérée à l’égard de la Grèce jusqu’à il y a deux ans et surtout un an, lorsqu’il a commencé à intensifier son agression contre Athènes. Aujourd’hui, fidèle à un maximalisme sans limites, qui a souvent par le passé piégé le nationalisme turc lui-même, comme par exemple en Syrie, a sorti du placard une série de revendications scandaleuses contre la Grèce. Seul le Parthénon n’a pas encore été demandé par la Turquie

Les responsables turcs interpellent souvent les Grecs à se souvenir de leur expédition en Asie mineure qui a conduit au désastre. Il semble qu’il ne leur vienne pas à l’esprit que les conclusions sont valables pour quiconque s’étend trop, y compris la Turquie elle-même.

En particulier, la Turquie a soulevé la question de plus de 150 îles dans lesquelles la Grèce a exercé sa souveraineté pendant un siècle, avec l’argument peu sérieux que le traité de Lausanne de 1923 ne les mentionne pas nommément.

En outre, Ankara souhaite la démilitarisation des îles de la mer Égée orientale, comme le prévoit le traité de Lausanne. Ce traité a été signé en 1923, alors que la Turquie voulait bloquer une deuxième campagne d’Asie Mineure contre elle et qu’il y avait encore d’importantes populations grecques en Asie Mineure.

Les îles de la mer Égée orientale n’ont commencé à être militarisées à des fins de défense par la Grèce qu’après 1975. La décision n’a été prise par la Grèce qu’après l’invasion turque de Chypre (où les troupes turques sont toujours présentes) et le nettoyage ethnique de 300 000 Grecs. En outre, la Turquie a construit la plus grande flotte amphibie du monde, qui est basée en face des îles grecques, avec pour seule mission possible de les envahir. Chaque année, elle organise des exercices militaires avec exactement ce scénario.

Selon certaines informations, M. Pompeo et M. Maas s’apprêtent à discuter des demandes de démilitarisation de la Turquie. Ce dernier, que personne n’a jamais confondu avec Bismarck, se distingue par la combinaison d’une grande franchise allemande (et la difficulté conséquente de suspecter même les pièges américains et néoconservateurs), avec le fort pro-américanisme du SPD.
Cependant, aucun gouvernement grec ne peut discuter de la démilitarisation des îles. S’il le fait, il tombera très rapidement et nous aurons très probablement une droite extrémiste pro-américaine et pro-israélienne, ce qui facilitera une guerre.
En d’autres termes, M. Erdogan aura réalisé ce que ses conseillers nous disent depuis des années et dont il a peur : que les États-Unis et Israël utilisent la Grèce et Chypre contre lui ! !!

Après 1955, et plus encore après 1972, à l’instigation des Britanniques et des Américains, la Turquie a fait un grand nombre de réclamations contre la Grèce et Chypre. Se transformant en instrument de l’Occident contre les Grecs, elle n’a pas vraiment gagné grand-chose, sauf pour Chypre, où elle occupe un tiers de l’île, mais cela n’est reconnu par personne, alors qu’elle paie depuis de nombreuses décennies le coût politique, économique et diplomatique considérable de l’occupation.

En réalité, la pression exercée par la Turquie facilite beaucoup plus l’octroi de la souveraineté de la Grèce et de Chypre à l’Occident, à l’OTAN etc. qu’à la Turquie elle-même !

La crise de 1996 n’a pas abouti à la prise d’Imia par la Turquie, mais à sa « neutralisation ». Les Américains veulent contrôler la mer Égée, qui est l’extension du détroit. Ils veulent saper la souveraineté grecque dans la région, ils utilisent la Turquie pour y parvenir, mais la dernière chose qu’ils pensent est de permettre à Ankara de contrôler toute la mer Égée, tant sa côte continentale que ses îles. Pas question de laisser Ankara s’alimenter sur les îles grecques.

La même chose s’est produite avec le plan Annan pour résoudre le conflit chypriote, un plan d’inspiration américaine, britannique et israélienne. Ce plan (rejeté par la population lors d’un référendum) établissait à Chypre un protectorat postmoderne dirigé, indirectement mais clairement par les États-Unis, la Grande-Bretagne et Israël, à travers un labyrinthe de dispositions, le secrétaire général de l’ONU (pas même le Conseil de sécurité) nommant trois juges internationaux qui cumuleraient le pouvoir ultime exécutif, judiciaire et législatif entre leurs mains et nommeraient leurs successeurs !!!

Pour que la paix soit stable, tout accord doit être équilibré. Compte tenu des positions des deux parties, et de leur place dans les idéologies nationales respectives, on peut difficilement imaginer comment ces différends peuvent être réglés facilement.
Le « parti de guerre » international pourrait être utile s’il faisait pression sur l’élite grecque pour qu’elle franchisse ses lignes rouges nationales et fasse de sérieuses concessions de souveraineté, soi-disant à la Turquie, mais en réalité à l’OTAN et aux États-Unis. De telles concessions, par le biais d’accords internationaux, sont généralement irréversibles. Si l’élite grecque les accepte, alors un nationalisme grec d’extrême droite peut gagner du pouvoir à Athènes d’une manière ou d’une autre.

On espère qu’Athènes et Ankara pourront contrôler la dynamique de la confrontation avant qu’elle ne les contrôle, bien que l’examen microscopique des forces souterraines à Athènes et Ankara poussant à une escalade soit convaincant pour la détermination des forces internationales qui veulent mener au conflit, ou au moins à la perpétuation de la crise.
La solution optimale serait de trouver un moyen de diviser le plateau continental entre la Grèce, Chypre et la Turquie et de geler les questions restantes, qui n’ont aucune chance réaliste d’être résolues maintenant.

Si cela n’est pas possible, la deuxième meilleure solution pour la paix en Méditerranée et pour tous les pays concernés, serait de geler tous les conflits et d’attendre des temps meilleurs. C’est ce qui s’est passé il y a de nombreuses années dans la mer Caspienne également, lorsque les divergences entre ses pays ont failli conduire à des conflits militaires.

La Grèce et la Turquie sont toutes deux confrontées à de très graves crises économiques et sanitaires. Elles sont situées à la périphérie d’une région qui risque de devenir inhabitable en raison du changement climatique. Il est ridicule pour eux de penser en termes de l’an 1000 ou 1500, dans une situation mondiale qui est, comme le souligne Noam Chomsky, la plus dangereuse de l’histoire de l’humanité.

Et sans même une épreuve de force, la course aux armements dans laquelle une confrontation prolongée les mènera, suffit à les détruire même sans guerre et à annuler leurs marges de politique étrangère indépendante !

Source http://www.defenddemocracy.press/war-and-peace-in-eastern-mediterranean/


Un commentaire sur l’article de Dimitri Konstantakopoulos sur la « stratégie du chaos ». 24/09/2020 Par Yannis Mavros

La « stratégie du chaos » à laquelle nous assistons à l’échelle mondiale trouve son origine dans la réaction des États-Unis à l’émergence de l’Eurasie comme centre de gravité géoéconomique et géopolitique de la planète, une évolution qui marginalise effectivement l’Amérique et les États-Unis comme « île » à la périphérie (voir « Le Grand Échiquier » de Zbignew Brzezinski).

Si elle est laissée à elle-même, la logique du développement économique conduit inexorablement à l’intégration de l’Eurasie en tant qu’entité géoéconomique (et donc géopolitique) où la Russie jouerait un rôle pivot reliant la Chine et l’Europe, laissant peu de marge de manœuvre à l’Inde et marginalisant le Japon. La « stratégie du chaos » est essentiellement la tentative désespérée des États-Unis d’utiliser leur puissance militaire, ainsi que leur influence politique sur les différentes élites de l’Occident, afin de contenir, voire d’arrêter, cette évolution et de retarder indéfiniment la perte de l’hégémonie mondiale des États-Unis, quoi qu’il arrive. Cela implique de fomenter des tensions et des crises dans le monde entier en appelant à la « médiation » de la gendarmerie mondiale afin de sauvegarder et de promouvoir les intérêts américains et de perpétuer son implication dans tous les coins du monde. Le fait que cette aspiration ne soit plus soutenue par la prédominance incontestable de l’économie et de la culture américaines sur ses adversaires et qu’elle nécessite l’application de la force brute est ce qui rend cette stratégie carrément imprudente et menaçante pour tous.

C’est dans ces conditions et les graves menaces qu’elles font peser tant sur la Grèce que sur Chypre que nous devons traiter avec la Turquie. La « stratégie » nationale de « l’appartenance à l’Occident » de la Grèce*, traditionnellement l’expression idéologique de sa dépendance servile, menace à présent de faire de nous une zone tampon sacrifiable pour l’endiguement de la Turquie (avec ou sans changement de régime) si elle ne nous transforme pas à terme en un appendice de la Turquie (scénario de « finlandization ») dans le cas (et dans la mesure) où cette dernière est reconquise pour l’Occident. Le fait de minimiser l’importance globale de la Grèce pour l’Occident (et l’Orient d’ailleurs !) en la réduisant à la dimension géopolitique et géoéconomique laisse présager un désastre non seulement pour la Grèce et l’Occident. L’importance de la Grèce et sa contribution potentiellement inestimable aux affaires mondiales et à la paix internationale découlent de sa civilisation et plus particulièrement de son héritage de liberté et de démocratie. C’est pourquoi il est impératif de formuler une stratégie nationale alternative globale qui permettra à la Grèce et à Chypre de prendre l’initiative de libérer l’Europe tant de la tutelle américaine, qui la dresse contre la Russie, que de la domination allemande, qui non seulement a coûté et coûte encore si cher à nous, Grecs, mais menace de détruire l’Europe une fois de plus.

*Au cours de la guerre froide, on pouvait incontestablement parler de stratégie mais, compte tenu du changement radical des circonstances, elle est devenue de plus en plus une sorte de relique, une appellation erronée qui a été perpétuée par défaut, à savoir par l’incapacité (et la corruption) de la classe dirigeante et des différentes élites à formuler et à proposer à la nation une stratégie adaptée au présent.

Source http://www.defenddemocracy.press/a-comment-on-dimitri-konstantakopoulos-article-on-chaos-strategy/
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OJ prochaine réunion collectif

La réunion programmée le 30 septembre 2020 est reportée en octobre ( date en cours) avec le même ordre du jour


Ordre du jour :

  • Réflexions sur le devenir du collectif,
  • Présence au festival des solidarités le 26 novembre 2020 en partenariat avec AEP,
  • Prochaines actions

 

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