Origine de la crise de la dette grecque : la spéculation financière

« La crise de la dette publique de la Grèce n’est pas due à ses problèmes structurels et notamment ses difficultés à lever l’impôt, mais aux ATTAQUES SPECULATIVES dont le pays a été l’objet ».

Ainsi s‘exprime Catherine SIFAKIS qui situe ces évènements en 2010, au moment où le 1er ministre Georges Papandréou dénonce publiquement la falsification des comptes ayant permis à la Grèce d’intégrer la zone-euro avec l’aide de la banque Goldman Sachs (cette banque permet une levée de fonds hors bilan par le biais d’instruments financiers : édition de créances et d’obligations hors bilan, utilisation de contrats permettant de décaler de plusieurs années le paiement des intérêts de la dette).

De même, Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France, quant à lui, a déclaré en décembre 2010 dans le rapport d’une commission d’enquête de l’Assemblée nationale : «Il n’est pas exclu que les mouvements aient été amplifiés par des opérations spéculatives utilisant des instruments sophistiqués comme les CDS* ou les ventes à découvert. »

Mais, en remontant l’historique de la dette grecque, on se rend compte que dès l’entrée du pays dans la zone-euro, en 2001, le départ est donné d’une cascade d’opérations financières variées, profitables aux porteurs de capitaux mais cumulant leurs effets néfastes au fil des ans à la manière d’une boule de neige dont le volume s’amplifie en roulant.

  1. 2001 : les banques privées européennes considèrent qu’elles n’encourent plus aucun risque à prêter aux ménages, aux entreprises et à l’Etat grecs désormais garantis par l’appartenance de la Grèce à l’ Euro-zone: les prêts à taux faibles inondent le pays .

(En baisse : les rentrées fiscales (sortie illicite de capitaux + cadeaux fiscaux )

En hausse : les emprunts = la dette (dépenses somptuaires : JO, pots de vins, commandes « spéculatives » d’armement à la France et à l’Allemagne, rentes de situations)

  1. 2007-2009 : la FED (banque centrale étasunienne) propose des liquidités à prix très bas aux banques privées américaines et européennes qui produisent une 2ème vague de prêts à taux avantageux ; les banques savent que ces crédits sont risqués car le pays est abreuvé de prêts et malgré la crise des subprimes, elles continuent d’en inonder la Grèce car elles savent qu’elles seront sauvées en cas de défaut de la Grèce. L’endettement public de la Grèce explose.

  1. 2010 : Début de la crise économique globale. De janvier 2010 à octobre 2011, le taux des obligations grecques passe de 5% à 25% sans que le risque de défaut de paiement n’augmente pour les prêteurs**. Les marchés exigent d’Athènes des taux d’intérêt deux fois supérieurs à la moyenne des pays émergeants. On assiste à cette période à une exploitation directe des difficultés de la Grèce par les marchés financiers européens dont le cynisme va jusqu’à les conduire à spéculer sur la faillite du pays et à la provoquer sciemment, pour en tirer profit, encouragés en cela par les agences de notation (Standard & Poor’s et Fitch).

Les attaques spéculatives ont pour arme les « CDS* » :

En créant volontairement une panique artificielle (car la Grèce est toujours protégée par l’U-E), une grande banque d’investissement américaine (qui a bénéficié du plan de sauvetage des banques U-S la Goldman Sachs) ainsi que le Hedge fund (fonds spéculatif) John Paulson. Les rumeurs de faillite et l’affolement des marchés leur permet d’exiger de la Grèce des intérêts de plus en plus élevés ainsi qu’une spéculation sur le marché des CDS en vendant leurs CDS pus chers qu’ils ne les ont achetés.

4. Mai 2010 : la Grèce est sortie des marchés et fait appel à l’aide européenne pour se re-financer. En échange d’un programme de restructurations sociales drastiques un mémorandum est signé en violation du droit européen et de la Constitution grecque car hors consultation des différents parlements et en dépit des risques signalés par certains membres du FMI.

La dette grecque, qui s’élève au total à 321 milliards d’euros, représente aujourd’hui 177% du PIB. A la suite des programmes d’assistance financière de 2010 et 2012, près de 80% de ce montant est désormais détenu par la zone euro – prêts bilatéraux et mécanisme européen de stabilité (MES) – et le FMI. Au total, 251,5 milliards sont donc aux mains de créditeurs publics, les 69,5 milliards restants étant logées dans les banques, les fonds de pension et les assurances (essentiellement grecs pour ces deux dernières institutions).

* Le CDS, un outil spéculatif odieux :

Le « credit default swap » est une assurance que le prêteur peut contracter pour se prémunir d’un défaut de paiement d’un Etat auquel il a prêté de l’argent.

Cette assurance s’est autonomisée et permet d’acheter et vendre des CDS sans acheter le titre d’emprunt normalement attaché et, en fonction de la demande et de l’offre, le taux d’intérêt appliqué au CDS varie à la hausse ou à la baisse. Ce taux permet de savoir si le marché pense que l’Etat va faire défaut.

Les opérations liées aux CDS constituent un marché non régulé et totalement opaque qui autorise des manœuvres mercantiles pouvant porter gravement atteinte à la valeur réelle d’une économie.

** Fin 2010, la France est en tête des créanciers (60 Mds d’€ avec BNP Paribas, Société Générale et Crédit Agricole), l’Allemagne (50), les USA (34), l’Italie (19), le Royaume Uni (14,6), l’Espagne (11)

________________

Gilles Deloustal

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Translate »