L’austérité, une idéologie ?

ARGUMENTAIRE

En synthèse de Thomas Picketty dont le livre « le capital au XXI siècle » est traduit dans toutes les langues et de ce député européen, tous deux socialistes, il faut se rappeler des points essentiels qu’ils nous disent :

  • l’inflation est l’axe qui a permis à la France et l’Allemagne d’après guerre de se défaire de leur dette. Pourquoi ne permet-on pas un retour à l’inflation qui permettrait à tous les pays de se dégager de leur dette et ainsi relancer la machine économique? N’ayons pas peur des mots, c’est une question idéologique.
    • C’est parce que la dette justifie les mesures gouvernementales : fléxibilisation du marché du travail pour faire pression sur les salaires, privatisation des services publics pour permettre aux entreprises privées d’engranger les bénéfices correspondants,
    • C’est à cause de la rémunération excessive du capital qui conduit les entreprises à diminuer les salaires et les investissements, au risque de casser l’outil de travail, pour permettre une rémunération du capital de 15% minimum exigée par les actionnaires et autres fonds de pension.
    • paarce que l’inflation profite aux consommateurs tandis que l’argent gagné par les capitalistes est plus important dans les périodes d’inflation réduite.
  • Thomas Piketty, en plus de permettre l’inflation, propose de lever un impôt exceptionnel sur le capital privé et même prélever la totalité des revenus acquis de façon frauduleuse.
  • Et pourquoi la communauté européenne s’acharne-t-elle à imposer un modèle de société ? C’est pour des raisons idéologiques liées au capitalisme qui veut plus de flexibilité nous dit Guillaume Balas, député socialiste européen. Il recommande au contraire que la Grèce mette en place des mesures qui permettront le redressement du pays, telles que la lutte contre la fraude fiscale et la mise en place d’un impôt sur les plus riches.

EXPLICATIONS

C’est Piketty, directeur d’étude à l’EHESS et professeur à l’école d’économie de Paris. Il est membre du PS. Il propose les moyens qui permettraient au capitalisme d’améliorer les conditions de vie des peuples.

Or, le 24 avril dans le journal Libération, il s’interrogeait sur l’obligation faite aux Etats de payer leur dette. Il distingue

  • d’une part la méthode lente, qui vise à accumuler patiemment des excédents budgétaires, afin de rembourser petit à petit les intérêts puis le principal des dettes en question ;
  • et, d’autre part, une série de méthodes visant à accélérer le processus : inflation, impôt exceptionnel, annulations pures et simples.

Il note, je le cite, que l’Allemagne et de la France, se retrouvent en 1945 avec des dettes publiques de l’ordre de deux années de produit intérieur brut, c’est à dire 200% du PIB, soit des niveaux encore plus élevés que la Grèce ou l’Italie aujourd’hui. Je précise que la Grèce a un taux d’endettement de 175% de son PIB. Dès le début des années 50, nous dit Thomas Piketty, la dette de la France et de l’Allemagne était retombée à moins de 30% du PIB. Or, une réduction aussi rapide n’aurait évidemment jamais été possible avec l’accumulation d’excédents budgétaires. Les deux pays utilisent, au contraire, toute la panoplie des méthodes rapides. L’inflation, très forte des deux côtés du Rhin entre 1945 et 1950, joue le rôle central. A la Libération, la France institue également un impôt exceptionnel sur le capital privé, atteignant 25% sur les plus hauts patrimoines, et même 100% sur les enrichissements les plus importants survenus entre 1940 et 1945. Il y a eu aussi les accords de Londres de 1953, où on annula l’essentiel de la dette extérieure allemande.

C’est ainsi dit-il, que ces deux pays ont pu dans les années 50-60 investir dans les infrastructures publiques, l’éducation et le développement. Et qui expliquent maintenant au sud de l’Europe que les dettes publiques devront être repayées jusqu’au dernier euro, sans inflation et sans mesure exceptionnelle.

la Grèce serait ainsi censée dégager un énorme excédent de 4% du PIB pendant des décennies afin de rembourser ses dettes, alors que la France et l’Allemagne n’ont fort heureusement jamais appliqué à elles-mêmes cette stratégie absurde.

Le plus absurde, dit Thomas Piketty, c’est que les dettes européennes de 2015 sont pour l’essentiel des dettes internes, comme d’ailleurs celles de 1945. Les épargnants des banques françaises détiennent une part des dettes allemandes et italiennes, les institutions financières allemandes et italiennes possèdent une bonne part des dettes françaises, et ainsi de suite. Mais si l’on considère la zone euro dans son ensemble, alors nous nous possédons nous-mêmes. Et même davantage : les actifs financiers que nous détenons en dehors de la zone euro sont plus élevés que ceux détenus en zone euro par le reste du monde.

Plutôt que de se rembourser à nous-mêmes notre dette pendant des décennies, il n’appartient qu’à nous de nous organiser différemment.

Ce même vendredi 24 avril sur France Culture, Quentin Dickinson notait qu’il n’y avait toujours pas d’accord en vue entre l’Europe et la Grèce au sommet de l’Eurogroupe qui se tenait à Riga.

Le député européen Guillaume Balas est également socialiste. Pour lui, l’hypothèse de la sortie de la Grèce de la zone euro ou de la communauté européenne ne sont pas réalistes malgré la poussée des partis de droite à faire sortir la Grèce de l’eurozone pour faire un exemple qui sera également utile comme menace contre la France.

Pour Guillame Balas, la France et d’autres pays de la communauté européenne ne souhaitent pas que la Grèce tombe complètement dans l’orbite de la Russie et qu’elle, la France, avec l’Italie et d’autres, fera tout pour que la Grèce ne sorte pas de la zone euro car une sortie pour des raisons économiques intensifierait la menace qu’ils soient, à leur tour, mis sous surveillance renforcée.

Mais surtout, Guillaume Balas met en évidence le discours idéologique du FMI qui décide quelle doit être l’économie de marché la plus souhaitable en Grèce, alors que cette question n’a rien à voir avec le remboursement de dette.

Guilllaume Balas s’étonne qu’on ne parle plus des demandes du FMI vieilles d’il y a 9 mois seulement de s’attaquer à l’évasion fiscale et de s’intéresser à l’impôt des plus riches qui sont deux problèmes essentiels. On ne parle plus que de taux de TVA et flexibilisation du marché du travail qui n’ont aucun rapport avec les remboursements grecs. Pour lui, il ne faut pas imposer aux grecs un modèle de société au prétexte de remboursement de la dette.

 

Gilles Deloustal

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