Publications par catégorie

Archives de catégorie Répression-autoritarisme

Mitsotakis peut-il devenir un « Thatcher grec »

Mitsotakis peut-il devenir un « Thatcher grec », et qui le pousse à essayer de jouer un tel rôle ? (*) Par Dimitris Konstantakopoulos

Le gouvernement grec semble capable – et le seul capable – de provoquer une sorte de révolution dans le pays ! Il y est déjà parvenu à Nea Smyrni (banlieue des classes moyennes d’Athènes), où il a réussi à faire sortir dans la rue les citoyens grecs, par ailleurs endormis, pour protester contre la violence policière, d’une manière massive que Nea Smyrni n’avait pas connue depuis des décennies.

Les performances du gouvernement à Halandri (une autre banlieue des classes moyennes d’Athènes), ne sont pas non plus mauvaises. Là, la police a pris d’assaut un marché de légumes populaire.

Et, si la proposition de Varoufakis à SYRIZA et au KKE (PC de Grèce) pour une action commune contre les menaces à la démocratie est acceptée, alors le gouvernement grec aura accompli le « huitième miracle du monde », c’est-à-dire la coopération des partis de gauche grecs.

On ne sait pas par où commencer et où chercher dans une Grèce hors de contrôle, où (le slogan du gouvernement) « la loi et l’ordre » se transforme rapidement en son contraire. Aux hôpitaux qui tombent en ruine ? Dans la police qui devient folle et dans la nouvelle unité « Action » créée par le gouvernement et spécialisée dans le passage à tabac de n’importe qui sans discernement ? Ou encore à la performance de la plupart des médias grecs, qui est maintenant comparable au rôle que les médias jouaient sous la junte des colonels ou sous le régime stalinien en URSS ?

Dans un sens, les médias grecs ont dépassé ces records historiques, notamment dans leur capacité à cacher à l’opinion publique des éléments d’information tout à fait importants.  (Bien sûr, il est bon de rappeler que ni les médias grecs sous les colonels ni les médias soviétiques n’ont pu sauver leurs régimes respectifs. Au contraire, non seulement ils ont précipité leur effondrement, mais ils l’ont finalement rendu plus catastrophique).

Nous sommes même en train de passer du contrôle des flux d’information à la construction de l' »information ». Comme le dernier sondage, selon lequel sept Grecs sur dix sont favorables à la fermeté du gouvernement face à la grève de la faim de Koufontinas, même si le prisonnier meurt. Pour que cela soit vrai, cela signifie que cette opinion est partagée par une partie considérable des électeurs de SYRIZA, du KINAL (ex-PASOK), du Parti communiste et de MeRA25 (Varoufakis)…

Avec l’élan qu’ils ont pris, ils finiront par croire eux-mêmes de telles choses.

Selon certaines sources bien informées, le Premier ministre est maintenant fortement conseillé par des personnes de son cercle intime de rester ferme sur les questions d' »ordre et de sécurité » en général et certainement sur la question du Koufontinas. Ils lui conseillent de rester ferme et de ne pas tenir compte de l’avis de certaines figures centrales de l’establishment lui-même, comme le directeur du journal progouvernemental Vima, qui lui a conseillé d’adopter une attitude plus indulgente.

L’héritage de la « Dame de fer

L’argument de ces conseillers du Premier ministre est qu’en restant fidèle à la ligne politique actuelle sur les questions d' »ordre et de sécurité », il a une occasion historique de devenir une « Thatcher grecque ».

La tentation est grande pour le Premier ministre, alors qu’il est pressé par la réalité, de la fuir encore plus impétueusement, avec des doses plus importantes d’un médicament qui s’est déjà révélé être un poison. La peur peut mener dans différentes directions. Un leader fort est plus enclin à introduire la réalité dans ses calculs. Une personnalité faible est au contraire terrifiée par la perspective de détruire sa propre « image ».

Un leader et une personnalité forts peuvent réfléchir froidement et céder. Un leader et une personnalité faibles ont encore plus peur d’un recul et se laissent plus facilement piéger dans une mauvaise voie.

Nous devons dire dès le départ qu’une comparaison des politiciens grecs actuels avec des politiciens tels que Thatcher, de Gaulle, Roosevelt ou Churchill, qui ont mené de grandes transformations, n’est tout simplement pas sérieuse. Elle ne peut être prise que comme une plaisanterie. Les ambitions et les fantasmes sont bons, mais il faut les comparer à la réalité pour ne pas être entraîné dans de très grosses erreurs.

Il n’y a pas une chance sur un million que le Thatcherisme de 1981 se répète en 2021 et en Grèce, tant pour des raisons subjectives qu’objectives. Si on en parle ici, c’est parce que si on croit à quelque chose, même si c’est complètement improbable, alors on peut produire des résultats politiques importants.

Il est vrai que Thatcher a adopté une position absolument impitoyable sur la question de la grève de la faim des combattants républicains irlandais détenus dans les prisons britanniques.

L’assassinat indirect des grévistes était l’un des innombrables crimes de l’Empire britannique dans le monde, à l’instar de ce qu’il a fait à Chypre, où ses représentants ont pendu de jeunes Grecs et les ont enterrés dans les « tombes des prisonniers » (Fylakismena Mnimata), sans même permettre à leurs mères et à leurs pères d’assister à leur enterrement.

C’était le niveau de civilisation standard de l’impérialisme britannique. Et ils se demandaient pourquoi ils ne pouvaient pas apprivoiser leur petite colonie.

 En une autre occasion, la « Dame de fer », comme était son surnom, ordonna le naufrage d’un navire argentin et d’un millier de marins par traîtrise, en dehors du champ d’opérations que les Britanniques avaient eux-mêmes défini pendant la guerre des Malouines.

Il est vrai que ces crimes, ainsi que l’écrasement de la grande grève des mineurs, ne semblent pas avoir causé de tort politique à Thatcher. Au contraire, ils ont renforcé son pouvoir politique. À long terme, bien sûr, la politique de la « Dame de fer » a jeté les bases de la désindustrialisation de la Grande-Bretagne, de sa profonde crise sociale et a maintenant amené le Royaume-Uni, un État à l’histoire séculaire, à la possibilité de se désintégrer en ses parties constituantes. À la mort de Thatcher, des milliers de personnes dans le monde entier ont éclaté en manifestations de joie spontanées.

Nous n’examinerons pas ici les grandes questions morales soulevées par l’héritage de Thatcher et qui, comme nous l’a appris Thucydide, ont à la fois une grande importance et de grandes implications politiques. Nous voulons parler du Thucydide de l’Épitaphe, et non du Thucydide tel qu’il est compris par de nombreux Grecs modernes qui, trahissant leur propre moralité et leur ignorance, croient qu’il enseignait que la justice ne compte pas, mais seulement le pouvoir.

Nous ne comparerons pas non plus les personnalités de Thatcher et de Mitsotakis.

Nous nous contenterons d’examiner trois raisons cruciales pour lesquelles le précédent britannique des années 1980 n’est pas reproductible dans la Grèce de 2021 et pourquoi toute tentative de le répéter aura des conséquences tragiques pour le pays, mais aussi pour ceux qui la tenteront.

Les différences essentielles

Premièrement, Thatcher a enfourché le destrier du néolibéralisme lors de son ascension, et non pas lors de sa grande crise, comme aujourd’hui. Même le chef de file de l’anti-étatisme grec (ex-ministre) Stefanos Manos est sorti l’autre jour, furieux parce qu’il était resté six jours sans électricité à Ekali (une banlieue riche d’Athènes), en criant « Où est l’État ? ». (lors d’une récente tempête qui a frappé la Grèce). Les statistiques mondiales de la pandémie sont claires à ce sujet : les pays dits socialistes et les pays capitalistes qui ne sont pas passés au néolibéralisme extrémiste ont résisté au COVID, tandis que les États-Unis et l’Europe occidentale ont subi et subissent encore un Waterloo sanitaire.

Avec sa politique, Thatcher a rallié (et l’a dit) les deux tiers de la société contre le tiers le plus pauvre. Ici, même s’ils ont disparu de la réalité télévisuelle virtuelle, la moitié des Grecs ne peuvent pas survivre et beaucoup n’ont même pas de quoi se nourrir décemment.

Un million et demi de Grecs en âge de produire sont hors production. Le gouvernement est totalement indifférent aux chômeurs de longue durée, comme s’ils n’existaient pas.

Au train où vont les choses, il faudrait probablement une forme de dictature, ouverte ou cachée tant que nous restons dans l’UE, pour « persuader » tous ces gens d’accepter tranquillement la perspective d’une extrême misère, voire d’une mort prématurée. Mais il est très douteux qu’une dictature basée sur une base sociale et idéologique aussi étroite puisse être imposée. Une tentative de l’imposer conduira plutôt à une généralisation de l’anarchie et à la décomposition du pays. Mitsotakis ne peut pas devenir un dictateur, mais il peut préparer le terrain pour un futur dictateur.

La Grèce (comme tout l’Occident) n’a pas besoin de plus de néolibéralisme, mais plutôt d’un abandon complet et radical des doctrines néolibérales, même si l’on pense qu’elles avaient quelques avantages en 1980. Le fiasco mortel du gouvernement avec le NHS grec le prouve amplement.

Deuxièmement, Thatcher a enfourché le cheval de la tradition impériale britannique. L’Empire a peut-être détruit des dizaines de pays et de peuples de la planète, mais il a aussi distribué une partie des superprofits, issus du pillage du colonialisme, aux classes inférieures et moyennes britanniques, achetant ainsi la complicité d’une partie de la société britannique.

La troisième différence, beaucoup plus intéressante, entre Thatcher et Mitsotakis, en est une autre à notre avis. Avec son insensibilité face à la mort de Boby Sands et de ses camarades, Thatcher a strictement respecté l’ordre juridique britannique et a protégé, et non détruit, la souveraineté et le pouvoir de l’État britannique.

Voici la grande et cruciale différence : dans le cas de Koufontinas, l’État grec viole clairement l’ordre juridique grec. La loi grecque exige le transfert de Koufontinas à la prison de Korydallos.

Le prisonnier a eu recours à une grève de la faim pour faire respecter la loi de l’État grec !

Sands a été conduit à la mort par l’application de la loi britannique (inhumaine). Koufontinas est conduit à la mort en violation de la loi grecque et se bat pour l’application de la loi.

 Lutte contre le terrorisme ou lutte contre la démocratie ?

Cette histoire a très peu à voir avec Koufontinas ou avec le terrorisme. Koufontinas a été choisi comme cible parce qu’il est le moins défendable des citoyens grecs et parce que quiconque ose défendre ses droits se range facilement parmi les « amis » et les « sympathisants » du terrorisme.

 Mais dans la position de Koufontinas, c’est-à-dire d’un citoyen virtuellement sans défense contre la violation non informée de la loi par les organes de l’État, on peut trouver demain n’importe quel citoyen de gauche, de droite, centriste ou apolitique et sur n’importe quelle question, politique ou autre.

Ceux qui ont planifié cette affaire veulent « éduquer », par la force de l’exemple, les citoyens et consolider l’idée que personne ne peut compter sur la loi et l’État – la seule solution est de se soumettre à la volonté de ceux qui exercent le pouvoir.

Ils ne sont pas intéressés par la lutte contre un « terrorisme » qui a pratiquement disparu de la Grèce en tant que menace à prendre en compte depuis deux décennies et qui, s’il ressuscite, qu’il soit authentique ou fabriqué, le sera précisément à cause de cette affaire. Ce qui les intéresse, c’est de combattre la démocratie.

C’est un grand honneur pour les juges et les procureurs grecs d’avoir compris cela et d’avoir réagi par l’intermédiaire de leur syndicat, ainsi que des barreaux de Patras et du Pirée et de six membres de l’Areios Pagos (la cour suprême en Grèce).

Car en définitive, il n’y a que deux situations possibles. L’État de droit ou la loi de la jungle.

Le Dictateur

En fait, en utilisant le prétexte du terrorisme ou du caractère des actes passés du prisonnier, il y a une tentative claire, imperceptible, de commencer à mettre en œuvre un changement de régime, en introduisant un régime d’exception, qui consiste à reconnaître de facto le droit du pouvoir à ne pas obéir à ses propres lois.

L’un des plus grands théoriciens du droit, l’Allemand Karl Schmitt, a défini un dictateur comme suit : « Le souverain est celui qui décide de l’exception ». Pour Schmitt, l’exception ne correspond pas à la notion classique d’utilisation de moyens exceptionnels pour « sauver la constitution », mais plutôt à un mécanisme permettant de créer une autre constitution.

Le dictateur a déjà été introduit officiellement en Grèce en 2010, sous la forme de la Troïka, représentative, en dernière analyse, de l’empire du capital financier mondial. Mais son introduction à l’époque ne concernait que la politique économique de l’État.

Maintenant, on tente d’étendre son pouvoir à ce qui concerne le monopole étatique de l’utilisation légale du pouvoir, qui est la caractéristique ultime d’un pouvoir étatique.

A la recherche d’idiots utiles

« La plus grande erreur que nous ayons commise dans cette affaire est la disposition explicite de la loi selon laquelle Koufontinas ira à la prison de Korydallos » m’a dit une personne raisonnable du parti Nouvelle Démocratie.

« Si c’est le cas, pourquoi ne le réparez-vous pas ? » lui ai-je demandé. Peut-être que les fonctionnaires grecs qui ont rédigé la dernière loi ont fait une erreur. Après tout, l’État grec est « enclin aux erreurs ». Mais les fonctionnaires américains qui surveillent de près la politique antiterroriste grecque ne sont pas si « sujets aux erreurs ».

Bien sûr, nous pouvons nous tromper. Il est difficile de trouver des preuves décisives et un « pistolet fumant » dans de tels cas. Nous avons néanmoins l’impression que derrière l’affaire Koufontinas, ainsi que derrière toute la doctrine de « l’ordre public », se cache la même faction radicale et extrémiste au centre même du pouvoir impérial (de l’empire de la finance).

C’est le même noyau qui a utilisé le terrorisme pour lancer la chaîne de guerres dévastatrices au Moyen-Orient, le même qui nous a utilisé en 2010, pour commencer la démolition de l’État-providence dans toute l’Europe, le même qui a attaqué Chypre et a acquis le contrôle de ses banques par le programme de renflouement, le même qui a attaqué en Ukraine en 2013-14, pour commencer la nouvelle guerre froide, le même qui a utilisé la défaite par capitulation de la gauche grecque en 2015, pour canaliser le radicalisme provoqué par la crise vers l’extrême droite mondiale.

Nous ne voulons certainement pas dire que la voie empruntée par le parti Nouvelle Démocratie va à l’encontre de ses souhaits. Ce que nous voulons dire, c’est qu’ils ne l’ont pas prise, et qu’ils ne la prendraient pas, s’ils estimaient qu’une telle voie ne correspond pas aux désirs profonds des puissants centres de pouvoir étrangers. Bien sûr, le système impérial qui dirige l’Occident est fortement divisé et l' »élite » grecque est à peine capable de savoir avec laquelle de ses factions elle est en contact à chaque fois. Pour elle, l’Occident est le maître, et cela suffit. Une guerre civile à l’intérieur de la puissance est aussi inconcevable et malvenue, qu’un divorce de ses parents à un petit enfant.

Nous passons maintenant de la démolition de l’État-providence européen d’après-guerre à l’entreprise de démolition des vestiges de la démocratie bourgeoise et de la souveraineté des nations européennes. Et ils ont besoin d’un pays – un « idiot utile » – pour démarrer de quelque part, comme en 2010, l’ensemble du processus. Détruire ce qui reste de la démocratie européenne et occidentale est également une condition préalable pour lancer de nouvelles guerres et pour appliquer la doctrine du « Choc des civilisations ».

Ils ont également besoin que le gouvernement actuel procède à des actions qui ne sont pas réversibles et qui l’enfermeront définitivement dans une telle voie.

Comment ils convainquent nos politiciens

Pour convaincre l’élite grecque de coopérer à de telles entreprises, de nombreux moyens et méthodes sont utilisés. Mais il est toujours préférable pour elle de croire qu’elle va aussi gagner quelque chose, que la pilule soit sucrée, de voir le fromage et non le piège, de penser que tout cela aura une fin heureuse.

  Le Premier ministre George Papandreou croyait qu’il allait sauver la Grèce avec l’aide de ses amis américains et du FMI. Le Premier ministre Antonis Samaras qu’ils allaient restructurer la dette grecque. Le Premier ministre Alexis Tsipras pensait que les amis américains (encore !) lui garantiraient un accord présentable avec les prêteurs.

Ils ont convaincu M. Mitsotakis, et ils veulent le garder convaincu, qu’il deviendra le « Thatcher grec » et il est nécessaire de le faire, car la ND peut vouloir une telle orientation de la politique, mais cela ne signifie pas qu’elle n’a pas aussi peur des conséquences.

Ils ont même mobilisé, en l’absence de la moindre déclaration officielle américaine, un diplomate à la retraite, aspirant à devenir ambassadeur en Chine, Nicholas Burns, pour les féliciter de leur position ferme. Ils ont commencé à publier des sondages scandaleux, pour convaincre le gouvernement et l’opposition que le peuple grec s’est transformé en un peuple de mangeurs d’hommes qui souhaite ou même ne se soucie pas de la mort de Koufontinas. Ces méthodes s’adressent également à SYRIZA : elles cherchent à convaincre ses dirigeants qu’ils ont tort de soutenir Koufodinas. La seule erreur que Syriza a réellement commise est exactement le contraire, à savoir qu’ils n’ont pas protesté beaucoup plus fort à l’intérieur du pays et en Europe, non pas pour Koufontinas seulement et en particulier, mais pour la nouvelle menace sérieuse contre la démocratie en Grèce. Non seulement SYRIZA, mais l’ensemble de la gauche européenne en paiera à nouveau, comme en 2015, le prix.

En délivrant un certificat officiel – aussi définitif que la mort – d’insensibilité, ainsi qu’en poursuivant les tactiques terroristes des forces de police, l’actuel Premier ministre ne deviendra pas Thatcher. Il va au contraire ouvrir un abîme avec une grande partie du peuple grec. Plutôt que de lire des sondages qui sont une blague, il devrait plutôt regarder les fissures déjà visibles dans son propre parti et son entourage.

En s’obstinant dans cette voie, M. Mitsotakis va initier des processus désastreux, tant pour lui-même que pour le pays, même si nous ne pouvons aujourd’hui prédire avec précision ni quand ils se manifesteront, ni quelle forme ils prendront, ni même sur quel sujet. L’information peut être émoussée et déformée par le système médiatique, mais la vérité ne disparaît jamais complètement. Ce n’était pas le cas même dans les âges les plus sombres de l’histoire.

L’information passe dans l’inconscient collectif national. Le sang n’est pas comme les batailles rhétoriques des politiciens sur les plateaux de télévision ou au Parlement. Il a la propriété de réveiller les instincts les plus primaires de l’être humain.

Nous n’appartenons pas aux partisans du parti au pouvoir.  Mais comme le premier ministre a déjà mouillé un pied dans l’eau du Rubicon, et étant donné qu’il a fêté son anniversaire il y a quelques jours, nous lui souhaitons sincèrement de nombreuses et bonnes années à venir et, bien sûr, de ne pas associer sa carrière politique à des morts humaines.

Source : kosmodromio.gr

(*) This article is the translation (with very few modifications) of an article was first published in Greek by kosmodromio.gr.

Source http://www.defenddemocracy.press/can-mitsotakis-become-a-greek-thatcher-and-who-is-pushing-him-to-try-to-play-such-a-role/

Loi « Sécurité Globale » : le risque d’une surveillance massive

Proposition de loi « Sécurité Globale » : le risque d’une surveillance massive

Mercredi 3 mars, les sénateurs et sénatrices français ont commencé à débattre de la proposition de loi controversée dite « sécurité globale ». Si un tel texte était voté en l’état il risquerait d’instaurer une surveillance d’Etat démesurée et inacceptable.

Le 24 novembre dernier, l’Assemblée nationale a adopté la proposition de loi dite de « Sécurité Globale ». Hier, mercredi 3 mars, le débat s’est ouvert avec l’examen de la proposition de loi en commission au Sénat. Le débat en séance plénière se tiendra du 16 au 18 mars prochain.

Les sénateurs et sénatrices doivent reconnaître que si elle est adoptée en l’état, cette proposition de loi dangereuse instaurerait une surveillance de masse, notamment au moyen de drones, et porterait gravement atteinte aux droits à la vie privée et à la liberté d’expression et de réunion pacifique.

Agir : Interpeller les sénateurs et sénatrices sur la proposition de loi Sécurité Globale

Surveillance massive

Cette nouvelle loi permettrait de mettre en place un dispositif de surveillance généralisée en donnant la possibilité aux forces de l’ordre de filmer n’importe qui, presque partout, à l’aide de drones.

L’article 22 prévoit l’utilisation de drones dans de nombreux cas, prévoyant de très rares exceptions (l’intérieur des maisons, par exemple), avec la possibilité pour la police d’accéder aux images instantanément. Ce type de surveillance constitue une intrusion totalement démesurée et inacceptable dans la vie des gens.

L’article 21 élargit par ailleurs la possibilité pour la police de filmer toute personne en utilisant davantage de « caméras-piétons ».

Lire aussi : Pourquoi la proposition de loi Sécurité Globale est dangereuse pour nos libertés

L’utilisation massive de caméras de surveillance, couplée à la reconnaissance faciale, plongerait la France dans un système de surveillance de masse. Les députés se sont abstenus d’exclure le traitement des images par des logiciels de reconnaissance faciale. Les sénateurs et sénatrices de la commission des lois viennent d’interdire le recours à cette technologie, ce qui est une avancée, mais uniquement pour les images filmées par drones.

Nous demandons l’interdiction de l’utilisation des systèmes de reconnaissance faciale qui menace le droit de manifester. En outre, les minorités ethniques sont les plus exposées au risque d’être mal identifiées par les systèmes de reconnaissance faciale.

ENTRAVER LA DIFFUSION D’IMAGES DE LA POLICE 

Si elle est adoptée, cette loi rendra illégale la diffusion d’images des forces de l’ordre, pour des motifs vagues, par exemple lorsqu’il sera considéré que ces images portent atteinte à l’ »intégrité psychologique » des policiers. Il est essentiel que les journalistes et autres personnes puissent filmer les policiers afin de s’assurera, le cas échéant, que ceux-ci soient tenus responsables de leurs actes.

Lire aussi : Violences policières, danger pour la liberté d’informer

Des vidéos attestant un usage excessif de la force par la police ont été essentielles à l’ouverture de poursuites contre des policiers. Par exemple, Michel Zecler, un producteur de musique noir, a été victime d’un usage illégal de la force par des policiers, le 21 novembre 2020. Ces abus ont été filmés, ce qui a permis l’ouverture de poursuites contre les fonctionnaires concernés.

Lire aussi : Comment les autorités françaises ont procédé à des détentions arbitraires lors d’une marche des libertés

Le 1er mars, les rapporteurs du Sénat, qui sont chargés de proposer des modifications relatives au texte que l’Assemblée nationale avait adopté en novembre, ont recommandé de reformuler cet article. Ils ont proposé d’ériger en infraction l’incitation à l’identification des agents de la force publique en vue de menacer leur intégrité physique ou psychologique, que l’image soit diffusée ou non. Cette proposition est tout aussi problématique car elle repose sur des notions vagues qui pourraient être utilisées pour restreindre de manière disproportionnée la liberté d’expression. Nous craignons que cette loi ne menace le droit à la liberté d’expression, qui inclut le droit de recevoir et de communiquer des informations.

Agir : INTERPELLEZ LES SÉNATEURS POUR PROTÉGER NOS LIBERTÉS !

La proposition de loi « Sécurité Globale » menace nos libertés. Le Sénat a désormais la main sur cette proposition de loi. Ensemble, interpellons les sénateurs et sénatrices et demandons-leur de protéger nos libertés.

Plusieurs articles sur Koufontinas

Pour suivre l’évolution de la situation au jour le jour et les compte-rendus d’actions de solidarités, consulter le blog de Yannis Youlountas

https://secoursrouge.org/grece-immense-manifestation-pour-dimitris-koufontinas-a-athenes/

3/3/21 Ne laissons pas mourir Koufoundinas par A. Sartzekis Source https://t pt4.org/2021/03/03/grece-ne-laissons-pas-mourir-koufondinas/

et sur la même page le communiqué de Synantissi (Rencontre pour une Gauche anticapitaliste et internationaliste) dont la page facebook est censurée

1/3/21 Un gréviste de la faim en butte au retour du refoulé fasciste https://lundi.am/Grece-Un-greviste-de-la-faim-en-butte-au-retour-du-refoule-fasciste

1/3/21 Le gouvernement grec laisse mourir un prisonnier en grève de la faim https://rapportsdeforce.fr/breves/le-gouvernement-grec-laisse-mourir-un-prisonnier-en-greve-de-la-faim-03019462

28/2/21 En Grèce, juges, avocats, écrivains et militants au chevet d’un prisonnier d’extrême gauche en grève de la faim https://www.mediapart.fr/journal/international/280221/en-grece-juges-avocats-ecrivains-et-militants-au-chevet-d-un-prisonnier-d-extreme-gauche-en-greve-d?utm_source=20210228&utm_medium=email&utm_campaign=QUOTIDIENNE&utm_content=&utm_term=&xtor=EREC-83

 

Marée humaine en Grèce en solidarité avec Koufontinas

Une marée humaine envahi le centre d’Athènes en solidarité avec Koufondinas, en grève de la faim depuis 53 jours

mpalothia / mardi 2 mars 2021

Des milliers de personnes ont défié le régime de la peur, de la censure et de la terreur, imposé par le gouvernement grec face à toute protestation ou toute voix solidaire avec les simples exigences d’un prisonnier politique, Dimitris Koufondinas, dont la mort est imminente, après 53 jours de grève de la faim.

« Je suis né le 17 novembre. Solidarité avec le gréviste de la faim D. Koufondinas »


La grande majorité des manifestations qui ont eu lieu dans toute la Grèce au cours des six dernières semaines ont été attaquées, même sans raisons, dès que les gens ont commencé à se rassembler. Il suffit d’une mention du nom de Koufondinas sur Facebook pour y être banni.e.s ou pour que votre page FB soit supprimée. Cela est arrivé même à des politiciens, des avocats, des universitaires et des chercheurs.

Quoi qu’il en soit, ce qui compte ce sont les images que vous voyez ici [cf. la vidéo sur mpalothia ; NdAtt.]. Si Dimitris Koufondinas meurt, il sera le premier prisonnier en grève de la faim à mourir dans l’Union européenne, depuis la mort de Bobby Sands et de ses camarades, en 1981, en Irlande du Nord, sous le régime de Margaret Thatcher.

Dimitris Koufondinas, qui est maintenant âgé de 63 ans, est en grève de la faim depuis 53 jours et le 23 février il a aussi commencé une grève de la soif. Sa requête actuelle est d’être transféré à la prison de Korydallos, ainsi que la fin des interventions politiques arbitraires à son encontre.

Même après 53 jours qu’il est sans nourriture, le gouvernement grec lui refuse son droit à l’égalité de traitement.

La montée du fascisme au sein du gouvernement grec

Même selon les normes flexibles de ce qui était connu comme la démocratie parlementaire grecque, le régime de droite qui gouverne actuellement la Grèce a progressivement tourné, en un an et demi seulement qu’il est au pouvoir, en un État néofasciste.

Alors qu’Athènes était sous confinement, ces derniers quatre mois, le gouvernement de droite de Néa Dimokratía a utilisé cette période pour agir comme une organisation mafieuse, en réglant ses comptes avec ses ennemis présumés : le peuple grec, les droits de l’homme et les libertés.

Dans une surenchère législative violente, le gouvernement a réussi à mettre en place un État policier qui ressemble à la junte [la junte militaire, ou « dictature des colonels », a gouverné la Grèce de 1967 à 1974 ; NdAtt.], en utilisant le confinement suite à la pandémie comme l’occasion à saisir pour étouffer les droits et libertés, sans qu’il y ait aucune résistance de la part des gens (puisque le droit de protester a été révoqué, pour une durée indéfinie). Aucun autre gouvernement grec n’avait même pas pensé à détruire tout cela, depuis que le régime de la junte militaire a été renversé en 1974.

De l’institution de postes de police dans les universités grecques à l’interdiction des rassemblements et des protestations au-dessus d’un certain nombre de personnes et à l’interdiction de la liberté, pour les journalistes, de circuler librement et de rapporter des nouvelles, en passant par leur projet de criminaliser le discours, les paroles de chansons et les œuvres d’art qui s’opposent à l’ordre établi, le parti au pouvoir, ironiquement autoproclamé Néa Dimokratía (Nouvelle démocratie), a décidé, comme réponse à tout, même à la pandémie, d’embaucher des milliers de nouveaux policiers.

Parmi les ennemis du gouvernement et les cibles de ses règlements de comptes il y a le prisonnier politique Dimitris Koufondinas, condamné à 11 peines de prison à vie plus 25 ans, en tant que membre de l’« Organisation révolutionnaire 17 novembre » (17N). La 17N a été active en Grèce de 1975 à 2002, quand elle a été démantelée après une attaque manquée. En 1989, le politicien Pavlos Bakogiannis, beau-frère de l’actuel Premier ministre et père de l’actuel maire d’Athènes, a été tué par ce groupe de guérilla. Au cours du procès de la 17N, Dimitris Koufondinas a assumé la responsabilité politique des actions du groupe de guérilla et son attitude générale au cours de la procédure judiciaire lui a valu le respect de certaines parties du public grec, quelque chose que l’actuel Premier ministre, le maire d’Athènes et l’ambassade américaine ne peuvent pas accepter. Du coup, ils utilisent constamment leur pouvoir pour violer l’idée fondatrice selon laquelle « la justice est égale pour tous » ou que « la démocratie ne cherche pas à se venger » et le traitent plus comme un otage que comme un prisonnier, en changeant constamment les règles juridiques, juste pour prendre leur revanche.

Par conséquent, Koufondinas a entamé une grève de la faim, pour la cinquième fois en 18 ans, avec la requête fondamentale d’être traité comme un simple prisonnier et non comme un prisonnier politique, une classifications qui n’existe pas selon la loi grecque.

Kyriákos Mitsotákis, le président de l’actuel parti au pouvoir, Néa Dimokratía, avait publiquement promis que s’il arrivait au pouvoir, il aurait exclu Koufondinas du droit aux sorties de prison et du droit de purger sa peine dans des colonies pénitentiaires agricoles, ainsi que de tout autre droit accordé par la loi grecque, européenne ou internationale.

This entry was posted in Anticarcéral, International and tagged , , , , . Bookmark the permalink.

L’initiative « Avocats et juristes » entame une nouvelle journée d’action pour défendre la juste requête du gréviste de la faim Dimitris Koufontinas, avec des mobilisations aujourd’hui, mercredi. « Les rassemblements de masse quotidiens – des manifestations de milliers de personnes contre la politique intransigeante et destructrice du gouvernement qui menace d’entraîner la première mort d’une grève de la faim et de la soif en détention dans le pays, sont un triomphe de l’humanité et du sentiment démocratique. « Mais la vie doit aussi triompher », soulignent-ils.

L’initiative des artistes de tous les domaines a également lancé un appel.

Le silence du plus grand barreau du pays est retentissant et sera, quelle que soit l’évolution, une page noire et un héritage négatif pour le monde juridique.
The press project
Mercredi 3 mars 2021 Publié : 10:46:33

https://twitter.com/i/status/1366804842392485888

https://twitter.com/i/status/1366795531142504448

https://twitter.com/i/status/1366816990405537796

https://twitter.com/i/status/1367151915193290753

Koufontinas : la Grèce retient son souffle

par Yannis Youlountas · 27/02/2021

40 ans après Bobby Sands sous Thatcher, Koufontinas n’a plus que quelques heures à vivre sous le régime de plus en plus autoritaire de Mitsotakis, malgré de très nombreuses protestations.

Déjà affaibli par une longue grève de la faim (en raison du changement brutal de ses conditions de détention et de la remise en question de sa perspective de libération conditionnelle à l’automne prochain), le prisonnier communiste révolutionnaire est entré en grève de la soif depuis plusieurs jours et refuse désormais l’ultime hydratation apportée par la perfusion d’antibiotique, ainsi que toute réanimation s’il perd connaissance. Il est donc condamné à mourir dans les prochaines heures.

Ses dernières paroles ont été la lecture d’un poème de Yannis Ritsos : « Souvenez-vous de moi. J’aurai marché des milliers de kilomètres, sans pain et sans eau, sur des pierres et des épines, pour vous apporter du pain, de l’eau et des roses » (Épilogue, 1987)

En ces heures, Koufontinas ne subit pas seulement la vengeance des familles Mitsotakis et Bakoyannis. Il est aussi un exemple retentissant. Un exemple que veut faire le nouveau gouvernement dans sa cruauté. Un exemple à destination des opposants les plus radicaux du régime, particulièrement révoltés par les évacuations massives, le creusement des inégalités et la répression féroce depuis des mois.

Parmi les nombreux artistes et cinéastes qui appellent l’État à cesser son acharnement contre le prisonnier politique, Aris Chatzistefanou (Debtocracy, Catastroïka…) y voit également une menace contre d’autres après lui : « Si nous laissons assassiner Koufontinas, ensuite, ce sera notre tour, un par un, avec, pour commencer, probablement Rouvikonas. »

De son côté, Costa Gavras a exhorté le premier ministre grec à remplir ses obligations et non régler ses comptes, en appelant à « l’humanisme » et à « l’état de droit ».

Dans toute la Grèce, la moindre manif est actuellement stoppée dès sa formation, sitôt qu’elle se rassemble à ce sujet. La moindre banderole est arrachée. Les arrestations sont nombreuses depuis plusieurs jours et la colère gronde.

Hier, dans le journal Efsyn, l’avocat Kostas Papadakis a écrit une tribune très partagée : « Qui a intérêt à la mort de Koufontinas ? » dans laquelle il parie qu’en cas de décès imminent, des émeutes se déclencheront et qu’elles seront « plus intenses encore qu’en 2008, à la mort du jeune Alexis Grigoropoulos. »

Difficile en réalité de prévoir ce qui va se passer. Il semble tout de même difficile d’éviter la mort prochaine du célèbre prisonnier, avec toutes les conséquences que cela va provoquer. Un catalyseur pour le mouvement social ? Un prétexte pour le pouvoir répressif ? Le nouveau ministre de la police, transfuge de l’extrême-droite, se frotte déjà les mains. Un anarchiste athénien m’a dit cet après-midi : « Le pouvoir cherche l’affrontement, il nous pousse à bout pour nous faire la peau. »

Partisans ou pas de Koufontinas, beaucoup se demandent partout en Grèce ce qui va se passer dans les prochaines heures. 40 ans après la mort de Bobby Sands à cause de la cruauté de Thatcher, Mitsotakis se prépare à épingler une médaille de chair et de sang au revers de sa veste. Hors des frontières, personne ne dit rien, excepté une lettre collective de 6 députés européens (5 Left et 1 Green). Alors que la France a envoyé son porte-avions au large de la Crète pour faire des manœuvres avec l’armée grecque ces jours-ci (et la préparer à utiliser le Rafale), Macron n’est évidemment pas intervenu pour demander un peu de magnanimité à l’égard du célèbre prisonnier. Le pouvoir est le même partout. Il nous piétinera tant que nous accepterons de nous soumettre, tant que nous aurons peur, tant que nous laisserons nos camarades mourir dans ses entrailles.

Yannis Youlountas


Lire aussi la lettre de Yannis Youlountas adressée à Katerina Sakellaropoulou, présidente de la République Hellénique

À Madame Katerina Sakellaropoulou

Présidente de la République Hellénique
Palais présidentiel
Vassileos Georgiou B’2
Athènes T.K 10028

Madame Sakellaropoulou,

On m’a appris que vous lisez le français et que vous connaissez nos films. C’est dans cette langue que je veux vous dire mon indignation et vous demander d’intervenir avant qu’il ne soit trop tard. Sachez que de plus en plus de voix s’élèvent en Europe contre l’agonie du prisonnier Dimitris Koufontinas, victime de la vengeance du gouvernement Mitsotakis. Vous êtes juriste, vous êtes une femme et surtout, en tant que présidente de la République Hellénique, vous êtes censée veiller au respect de quelques principes fondamentaux, par-delà nos différences politiques. Ne laissez pas faire. Ne restez pas silencieuse. Dans quelques heures il sera trop tard et, en Grèce comme hors de Grèce, votre nom restera à jamais entaché du sang de ce gréviste de la faim et de la soif. 40 ans après la mort de Bobby Sands dans l’indifférence cruelle de Margaret Thatcher, ne laissez pas mourir Dimitris Koufontinas.

Yannis Youlountas *#koufontinas_hungerstrike #σακελλαροπούλου_πάρε_θέση
#Dimitris_Koufontinas #Δημήτρης_Κουφοντίνας

*pour votre secrétariat : écrivain et réalisateur franco-grec (même si, étant libertaire, je suis simplement terrien). Lettre également envoyée par courriel à pr@presidency.gr et diplo@presidency.gr

Source http://blogyy.net/2021/02/27/lettre-a-katerina-sakellaropoulou-presidente-de-la-republique-hellenique/

En Grèce, la colère monte

En Grèce, la colère monte contre le gouvernement du fric, des flics et des passe-droits  par A. Sartzekis

Plus d’un an et demi après son retour au pouvoir, la droite ultralibérale de Kyriakos Mitsotakis, dont la seule compétence reconnue est d’être le fils d’un dirigeant historique de la droite, est l’objet d’un début de remise en cause. Sa période de « gouvernement des meilleurs », thème sur lequel les médias aux ordres le glorifiaient, semble achevée. La colère populaire enfle contre toute une série de mesures et de provocations de ce gouvernement de copains et de coquins.

Feu sur le service public d’éducation

Les protestations les plus massives ces dernières semaines concernent l’éducation, avec bien sûr les très fortes mobilisations de tout le monde universitaire, appuyées par le mouvement ouvrier, contre la loi de casse de l’université et de contrôle policier des étudiants (voir notre précédent article). Sans surprise, la loi a été votée la semaine passée, par 166 voix contre 132, les députés de droite se voyant renforcés par le groupuscule Elliniki Lysi (Solution grecque), successeur des nazis de Chryssi Avgi (Aube dorée). La vraie surprise a été la force des manifs, dont celles du mercredi et du jeudi, jour de vote. Cela comme un défi jeté aux diktats du ministre de l’intérieur. La mesure phare de la loi est la création d’un coûteux corps de flics dans les universités, et si on a le moindre doute sur leur caractère pacifique annoncé, il suffit de voir la violence avec laquelle les MAT (CRS grecs) ont frappé les manifestant-e-s pour n’avoir aucun doute sur les intentions du gouvernement. À Tsipras qui protestait contre la création de ce corps, Mitsotakis a osé répondre : « Ce n’est pas la police que nous introduisons à l’université, c’est la démocratie ». On imagine le commentaire d’un Coluche : « Ah, tu la verrais, la gueule de la démocratie ! »…

Dans la presse française on s’émeut un peu de cette mesure, sauf dans Ouest-France, qui a réussi à dénicher un obscur professeur disant tout le bien qu’il pense des flics dans les facs. Alors que l’immense majorité du monde universitaire est vent debout devant cette (ruineuse) création digne des dictatures (admirées par certains membres de ce pouvoir) et que même l’un des universitaires les plus connus de la droite pour avoir fait intervenir les flics contre les étudiantEs de la fac de droit d’Athènes se prononce clairement contre cette mesure !

Par contre, les articles de la presse française oublient le fond de la réforme : comme on l’a expliqué, c’est tout le système relativement ouvert de l’université grecque qui est cassé avec la loi votée, excluant des milliers d’étudiantEs du droit aux études et privilégiant les boites privées, dont les patrons sont des copains du pouvoir. C’est contre cette casse de l’université que les mobilisations ont eu lieu et continueront. Pour beaucoup d’entre eux, les ministres aux commandes, enfants de la bourgeoisie n’ayant jamais mis les pieds dans une école publique ni dans une université grecque,  ont un objectif clairement assumé : ils veulent casser l’éducation nationale de la maternelle à l’université, pour la remettre à leurs amis patrons, et dans la foulée de la loi université, la ministre Kerameos prépare une loi sur l’autonomie et la décentralisation du système scolaire, évidemment coupée de toute préoccupation pédagogique. L’objectif serait tout bonnement que les établissements imposent leur auto-financement, avec appel aux sponsors locaux, en faisant dépendre ces établissements du point de vue administratif et programmatique des institutions locales, en gros les offrant aux besoins du patronat local, avec recrutement local du personnel… Blanquer battu sur son propre terrain par des idéologues forcenés de la marchandisation de l’école et de l’asservissement de ses personnels. De riches mobilisations en perspective…

L’incompétence au pouvoir

Mais l’éducation n’est pas le seul secteur où la colère s’exprime. Face à la pandémie, ce gouvernement fait preuve d’une rare incompétence. Si au printemps, la Grèce avait été relativement épargnée depuis la fin de l’été (non pas grâce à une bonne gestion comme l’ont chanté les valets des médias aux ordres, mais grâce à un effet moindre du virus dans tous les Balkans), l’épidémie frappe maintenant très fort. Au lieu de répondre aux exigences de recrutement du personnel soignant — il manque des milliers de médecins dans les hôpitaux et les centres de santé — la droite a décidé de baisser le budget de la santé. Cela alors que celui de l’armée est en nette hausse et qu’il dépense 2,5 milliards pour l’achat de 18 Rafale…  De plus, les mesures prises exaspèrent de plus en plus de monde : à peine rouverts, les magasins doivent refermer brutalement. Les écoles étaient restées ouvertes, puis les collèges ont rouvert une semaine — mais pas les lycées — et depuis quelques jours, tous les établissements ont été fermés, sans qu’il soit donné satisfaction à l’exigence de 15 maxi par classe (dans les villes, les effectifs peuvent atteindre une trentaine avec des salles souvent mal conçues). En prime, la mal nommée « Nouvelle Démocratie » de Mitsotakis s’offre des passe-droits de plus en plus choquants : alors que la vaccination piétine, on a vu des cadres de la droite arriver dans leurs grosses berlines pour se faire vacciner sans aucun droit, et le Premier ministre lui-même multiplie ce qu’il ne perçoit même pas comme des provocations : alors qu’un guide de randonnée ayant organisé une excursion avec des participants espacés chacun de plusieurs centaines de mètres reçoit une amende de 5 000 euros, Mitsotakis se fait prendre en photo en montagne avec d’autres cyclistes ne portant pas de masques et mange avec des dizaines de compères dans la maison d’un député de l’ile d’Icaria. Bilan d’Icaria : des huées populaires, que les télés amies ont essayé de cacher, pendant que le ministre Voridis (ancien secrétaire des jeunesses de la junte des colonels…) expliquait que les Icariens voulaient exprimer leur amour pour le Premier ministre et c’est pour cela qu’ils l’avaient invité à venir manger… Cela donne une idée du niveau politique sous cette « nouvelle démocratie ».

La répression et l’appui de l’extrême droite comme seules bouées

Dépourvus de toute stratégie politique alors que la crise s’approfondit dans le pays, ce pouvoir croit pouvoir faire dépendre sa crédibilité avant tout de la propagande assénée par la grande majorité des médias propriétés de ses riches copains, mais même si l’opération bourrage de crâne est massive, des failles se forment dans la grande presse bourgeoise : renvoi d’une rédactrice en chef pour un avis critique, démission d’une autre, les deux très connues.  Avec un Premier ministre qui a placé la télé-radio publique ERT sous son contrôle direct, ce pouvoir semble n’avoir qu’une crainte : voir une opposition populaire se développer, et contester son pouvoir. Alors, sa réponse principale, c’est la répression, ce qui vaut d’ailleurs à ce gouvernement de voir le pays désormais classé parmi les « démocraties défectueuses » dans le classement du magazine The Economist. Et bien sûr, cela s’accompagne d’une politique raciste envers les réfugiéEs et de clins d’œil appuyés à l’extrême droite : d’un côté, on refuse au prisonnier politique Dimitris Koufodinas de retrouver la prison dont on l’a extrait pour le confiner sans raison dans une autre ; de l’autre côté, les criminels nazis Pappas et Lagos sont en liberté et un Papavassiliou, condamné à six ans de prison, a vu sa demande de libération satisfaite après quatre mois d’emprisonnement…

Autre preuve d’un autoritarisme qui rappelle aux ancienEs la junte fasciste des colonels (1967-1974) : dans le projet de loi sur l’université était caché un article tentant de criminaliser les paroles de chansons qui pouvaient être assimilées à un éloge du terrorisme… Rage et éclats de rire du côté des artistes, la moindre chanson pouvant comporter des paroles relevant d’un tel soupçon ! Et du coup est née une mobilisation de centaines de chanteurs et chanteuses connus ou pas : résultat, le gouvernement a été obligé de retirer cet article, ce qui constitue une victoire importante et prouve qu’on peut gagner contre ce pouvoir. Ainsi, rien que le fait d’avoir tenu des manifs interdites avec des milliers de manifestantEs contre la loi université est en soi une grande victoire, qui donne le punch pour la suite.

La suite ? À droite, des fissures commencent à apparaître, d’un côté avec les courants les plus nationalistes (l’ancien Premier ministre Antonis Samaras), de l’autre avec la vieille droite caramanliste qui s’inquiète de l’orbanisation du pouvoir et de ses conséquences, ne serait-ce que la radicalisation du mouvement de masse face à ce pouvoir anti-démocratique. Malheureusement, même si le journal de NAR, la principale organisation de la gauche anticapitaliste, titre que les jours de la domination de ce gouvernement sont comptés, les perspectives à gauche sont pour l’instant bouchées, ce qui d’ailleurs renforce le rôle du mouvement de masse et devrait pousser la gauche radicale et révolutionnaire à sortir de ses réflexes d’auto-affirmation peu utiles pour offrir des perspectives crédibles à gauche, à gauche vraiment !

Athènes, le 16 février 2021

Source https://nouveaupartianticapitaliste.org/actualite/international/en-grece-la-colere-monte-contre-le-gouvernement-du-fric-des-flics-et-des

Loi sécurité globale : Arguments juridiques

L’année 2020 s’était finie en apothéose : après une série de manifestations prodigieuses contre la loi sécurité globale, alors adoptée par l’Assemblée nationale, nous obtenions une victoire décisive devant le Conseil d’État contre les drones. Si le début de l’année 2021 est douloureux, entre un hiver sanitaire qui n’en finit plus et le spectacle raciste lancé avec la loi séparatisme (lire aussi nos craintes pour les libertés associatives), il est temps de relancer l’offensive.

Commençons par la loi sécurité globale, examinée en commission par le Sénat le 3 mars. Afin de corriger l’analyse particulièrement bienveillante de la CNIL envers les dérives sécuritaires du gouvernement, nous envoyons aux sénateurs la nôtre, reproduite ci-dessous, centrée sur les sept articles qui renforceront la surveillance policière. Dans les jours suivants, il nous faudra poursuivre notre combat contre la Technopolice toute entière, tant au niveau local que national, pour aujourd’hui comme pour demain (voir notre mobilisation sur les JO 2024), car cette loi n’est que la première étape d’une longue lutte que nous devrons absolument gagner.

Loi Sécurité Globale – Analyse du titre III « Vidéoprotection et captation d’images »

La Quadrature du Net s’oppose à la proposition de loi « Sécurité Globale » et appelle le Sénat à la rejeter. Par la présente analyse, elle entend démontrer le caractère inconstitutionnel et inconventionnel des dispositions :

  • intensifiant la vidéosurveillance fixe (articles 20, 20 bis A, 20 bis et 20 ter) ; et
  • autorisant la vidéosurveillance mouvante (articles 21, 22 et 22 bis).

L’ensemble de ces dispositions aura pour effet d’intensifier la reconnaissance faciale.

Ces modifications sont intrinsèquement contraires à la Constitution et au droit européen. Aucune garantie ni aucun aménagement ne saurait les rendre conformes à ces normes supérieures qui s’imposent au législateur. L’ensemble des articles 20 à 22 bis doivent être supprimés, sans quoi nous les soumettrons à l’examen de toute juridiction utile pour les faire censurer et corriger, une fois de plus en la matière, les erreurs de droit qu’elle comporte.

I – Vidéosurveillance fixe

En droit, le Conseil constitutionnel juge que les systèmes de vidéosurveillance affectent la liberté d’aller et venir, le droit à la vie privée ainsi que l’inviolabilité du domicile, protégés par les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789, et ne peuvent donc être conformes à la Constitution qu’en respectant de strictes garanties (Cons. constit., 94-352 DC, 18 janvier 1995, §§ 3 et 4). Il souligne aussi que des mesures de surveillance généralisée sont susceptibles de porter atteinte à la liberté d’expression et de manifestation (Cons. const., 27 décembre 2019, 2019-796 DC, § 83).

La Cour de justice de l’Union européenne juge que « l’image d’une personne enregistrée par une caméra constitue une donnée à caractère personnel » (CJUE, C-212/13, 11 décembre 2014, §22) dont la protection est garantie par l’article 8 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (la Charte) et qui, à ce titre aussi, ne peut être traitée que dans de strictes limites, notamment définies par la directive 2016/680 (dite « police-justice »).

En l’espèce, les articles 20 à 20 ter intensifieraient la vidéosurveillance bien au-delà des limites définies par la Constitution et le droit européen, sur quatre points.

A – Défaut de nécessité

En droit, une disposition ne peut porter atteinte aux libertés fondamentales que si cette atteinte est nécessaire à l’objectif qu’elle prétend poursuivre. Il s’agit d’une des garanties exigées par la Constitution en matière de vidéosurveillance. De même, la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) considère qu’une atteinte au droit à la vie privée n’est justifiée que « si elle est proportionnée au but légitime poursuivi et si les motifs invoqués par les autorités nationales pour la justifier apparaissent « pertinents et suffisants » » (cf. CEDH, 4 décembre 2008, S et Marper c. Royaume-Uni, n°30562/04 et 30566/04, § 101). De même, l’article 4 de la directive police-justice exige que tout traitement de surveillance policière « soit nécessaire et proportionné » à la lutte contre les infractions et les atteintes à la sécurité publique.

En l’espèce, il faut souligner que, depuis son autorisation en 1995, la nécessité et l’efficacité de la vidéosurveillance contre les infractions et les atteintes à la sécurité publique n’ont jamais été démontrées. Bien au contraire, les seules études concrètes déplorent qu’« aucune corrélation globale n’a été relevée entre l’existence de dispositifs de vidéoprotection et le niveau de délinquance commis sur la voie publique » (Cour des comptes, Les polices municipales, octobre 2020).

En conclusion, la proposition de loi devrait corriger le dispositif actuel de vidéosurveillance pour en réduire largement ou totalement le champ d’application. Or, en l’état actuel du texte, non seulement cette proposition de loi ne réduit pas au strict nécessaire le dispositif existant, mais au contraire elle l’intensifie. Si le dispositif de base est disproportionné, son extension l’est d’autant plus et viole les normes supérieures de ce seul fait.

B – Surveillance des lieux privés

En droit, une des principales garanties qu’un système de vidéosurveillance doit respecter pour être conforme à la Constitution est de ne pas capter les images de l’intérieur des immeubles et de leurs entrées (Cons. const., décision 94-352 DC, §5). Ainsi, en 2010, le Conseil constitutionnel n’a pas hésité à censurer une disposition qui autorisait la police à accéder aux images de caméras de hall d’immeubles dès lors que surviennent « des événements ou des situations susceptibles de nécessiter l’intervention des services de police ou de la gendarmerie » (Décision 2010-604 du 25 février 2010).

En l’espèce, une loi de 2011 a réintroduit la disposition censurée en 2010 en tentant de la corriger par une condition un peu plus limitée : la transmission d’image n’est plus permise qu’en présence « de circonstances faisant redouter la commission imminente d’une atteinte grave aux biens ou aux personnes ». Hélas, le Conseil constitutionnel n’a jamais eu l’occasion de trancher si cette modification suffirait pour rendre le dispositif conforme à la Constitution.

Pourtant, l’article 20 bis de la présente proposition de loi supprimerait cette limitation de 2011 pour revenir à une situation quasi-identique à celle censurée en 2010. Les images pourraient être transmises en cas de simple « occupation par des personnes qui entravent l’accès et la libre circulation des habitants ou empêchent le bon fonctionnement des dispositifs de sécurité et de sûreté ou nuisent à la tranquillité des lieux ». La condition de « nuisance à la tranquillité des lieux » est aussi large, et même davantage, que celle de « situations susceptibles de nécessiter l’intervention de la police ». En pratique, cette nouvelle condition permettrait à tout moment à n’importe quel bailleur, ou à la police, de permettre la transmission en direct des images filmées par les caméras.

En conclusion, une telle disposition reviendrait à autoriser dans des conditions totalement disproportionnées la vidéosurveillance par la police dans les immeubles d’habitation, en contradiction manifeste avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

C – Extension des personnes ayant accès aux images

En droit, la CJUE juge contraire à la Charte une mesure de surveillance qui « ne prévoit aucun critère objectif permettant de limiter le nombre de personnes disposant de l’autorisation d’accès et d’utilisation ultérieure des données » (CJUE, grande chambre, 8 avril 2014, Digital Rights Ireland et autres, C-293/12, C-594/12, § 62). Cette limitation est indispensable dans la mesure où les risques de dérives et d’abus des mesures de surveillance ainsi que la difficulté du contrôle que peut en faire une autorité indépendante sont proportionnels au nombre de personnes pouvant les mettre en œuvre. Dans son avis du 21 décembre 2020, la Défenseure des droits insiste sur le fait que cette limitation est une garantie centrale pour le respect de la vie privée.

En l’espèce, l’article L252-3 du code de la sécurité intérieure limite actuellement le visionnage des images de vidéosurveillance aux seuls agents de la gendarmerie et de la police nationale. La loi sécurité globale étendrait cet accès aux agents :

  • de la police municipale et de la ville de Paris (article 20) ;
  • des communes, des communautés de communes et des groupements similaires (article 20bisA) ;
  • des services de sécurité de la SNCF et de la RATP (article 20 ter).

Aucun élément matériel ni aucune étude concrète n’a été produite pour démontrer la nécessité d’une extension si importante des personnes accédant aux images de vidéosurveillance pour lutter contre les infractions.

En conclusion, cette extension multiplie hors de toute proportion justifiée les risques de détournement et d’abus des mesures de surveillance, tout en diminuant les capacités de contrôle des autorités indépendantes.

D – Délégation à des personnes privées

En droit, le Conseil constitutionnel juge que la nécessité d’une force publique, inscrite à l’article 12 de la DDHC, interdit de déléguer à des personnes privées des compétences de police administrative générale et de surveillance générale de la voie publique (Conseil constit., décision 2011-625 DC du 10 mars 2011).

En l’espèce, l’article 20 ter permet aux agents des services internes de la SNCF et de la RATP d’avoir accès aux images de vidéosurveillance de la voie publique. Il s’agit de salariés de droit privé auxquels serait délégué un pouvoir de surveillance de la voie publique. Les encadrements prévus par la loi, comme le contrôle d’un agent de police ou le nombre limité de finalités, n’altèrent en rien la qualification de délégation à une personne privée d’une mission de surveillance.

En conclusion, la délégation que prévoit l’article 20 ter de la proposition de loi est contraire à la Constitution.

2. Vidéosurveillance mouvante

Les articles 21, 22 et 22 bis concernent le déploiement et l’intensification de la vidéosurveillance mouvante : transmission en temps réel et systématisation des images captées par les caméras-piétons, légalisation des caméras aéroportées et des caméras embarquées. Ces trois types de vidéosurveillance seront examinés ensemble, car elles partagent toutes le fait d’être mobiles : cette seule caractéristique suffit à les rendre irréconciliables avec quatre garanties fondamentales exigées par la Constitution et le droit européen.

A – Défaut de nécessité

En droit, tel qu’exposé précédemment, une atteinte à la vie privée ou à la protection des données personnelles n’est conforme à la Constitution et au droit européen que si elle est strictement nécessaire à la finalité qu’elle poursuit. Plus spécifiquement, l’article 4 de la directive police-justice exige que le traitement de données personnelles réalisé pour lutter contre les infractions et les atteintes à la sécurité publique « soit nécessaire et proportionné » à cette finalité et que les données soient « adéquates, pertinentes et non excessives » au regard de cette finalité.

Plus grave, si les images captées sont des données « sensibles », telles que des données biométriques ou des données pouvant révéler les opinions politiques ou religieuses des personnes filmées, l’article 10 de la directive police-justice, transposé à l’article 88 de la loi informatique et libertés, exige que les autorités démontrent la « nécessité absolue » d’une telle surveillance – autrement dit, la police doit démontrer être dans l’impossibilité matérielle de lutter contre les infractions si elle ne peut pas utiliser ces caméras.

En l’espèce, l’article 21 veut généraliser la captation et la transmission d’images par caméras-piéton. Les articles 22 et 22 bis veulent autoriser les caméras aéroportées (drones) et embarquées (hélicoptères, voitures). Aucune démonstration n’a été réalisée, ni même tentée, quant à la nécessité de déployer de telles caméras pour poursuivre l’une des très nombreuses et larges finalités qu’elles pourraient poursuivre : sécurité des rassemblements de personnes sur la voie publique, constat des infractions, protection des bâtiments…

C’est même le contraire qui commence à apparaître dans la jurisprudence. Dans sa décision du 22 décembre 2020 (décision n° 446155) qui a interdit les drones policiers à Paris, le Conseil d’État a dénoncé que « le ministre n’apporte pas d’élément de nature à établir que l’objectif de garantie de la sécurité publique lors de rassemblements de personnes sur la voie publique ne pourrait être atteint pleinement dans les circonstances actuelles, en l’absence de recours à des drones » – c’est-à-dire grâce au 35 000 caméras fixes surveillant déjà l’espace public .

De même, si l’objectif premier des caméras-piétons était de « prévenir les incidents susceptibles de survenir au cours des interventions [et de] déterminer les circonstances de tels incidents, en permettant l’utilisation des enregistrements à des fins probatoires » (comme l’expliquait la CNIL dans son rapport de 2015), le gouvernement n’a jamais pris la peine d’évaluer si cet objectif avait été atteint. Pourtant, sans attendre une telle évaluation, l’article 21 prévoit d’étendre considérablement le rôle de ce dispositif en autorisant la transmission des images au centre de commandement, en direct et à la libre initiative de la police et de la gendarmerie, dès lors que celles-ci considèrent que « la sécurité des agents […] ou la sécurité des biens et des personnes est menacée ». La nécessité d’une extension si importante est encore moins démontrée que celle du dispositif initial, qui fait pourtant défaut.

Si la simple « nécessité » des drones est absente, tout autant que celle des caméras par hélicoptère et des caméras-piétons, leur « nécessité absolue » fait entièrement défaut. Pourtant, ces caméras captent régulièrement des données sensibles, ne serait-ce qu’en manifestation où elles ont largement été déployées et où, par définition, toute image captée est susceptible de révéler des opinions politiques.

Pour toute tentative de justification, la police semble mettre en avant certains faits divers où un drone, ou une caméra piéton, aurait plus ou moins facilité son travail. Non seulement le critère de « nécessité » ou de « nécessité absolue » exige bien davantage qu’un simple gain de temps, d’énergie ou une économie de moyens mais, surtout, la loi ne s’écrit pas sur la base d’anecdotes. En effet, face à chaque fait divers en faveur de telle mesure de surveillance, on pourra toujours en opposer un autre témoignant d’un abus, dans un jeu infini et vain d’étalage de faits divers. Au contraire, la loi se pense par la rigueur d’examens systémiques, que le gouvernement a toujours refusé d’entreprendre ici. Ce ne sont pourtant pas les occasions qui lui ont manqué : ces caméras mouvantes ont été déployées pendant des années, de façon illégale, mais suffisamment large pour en évaluer les effets.

Expérimenter l’usage de drones, proposition portée par la CNIL dans son avis sur la proposition de loi, est également voué à la même contradiction flagrante aux normes supérieures qui s’imposent. Premièrement, une telle expérimentation s’est faite illégalement avant que le Conseil d’État ne vienne explicitement interdire l’usage de drones en mai 2020 puis décembre 2020, et la nécessité absolue fait toujours défaut. Deuxièmement, les règles impératives de proportionnalité, dont l’exigence de « nécessité absolue », ne peuvent être contournées par l’introduction sur le papier d’une disposition qui serait dite expérimentale. La directive police-justice ne distingue pas les cas de surveillances expérimentales des autres ; en effet, une telle distinction aurait pour conséquence de vider de leur substance les protections requises par le droit européen.

En conséquence, à défaut d’être nécessaires à la poursuite des finalités qui leur sont associées, et alors qu’ils causent de graves atteintes aux libertés fondamentales tel que démontré ci-après, les dispositifs de caméra mouvante autorisés par la présente proposition de loi ne sauraient l’être sans violer la Constitution et le droit européen, y compris s’ils étaient expérimentaux.

B – Défaut de contrôle préalable

En droit, le Conseil constitutionnel juge, en matière de vidéosurveillance, que le législateur « ne peut subordonner à la diligence de l’autorité administrative l’autorisation d’installer de tels systèmes sans priver alors de garanties légales les principes constitutionnels » protégeant la liberté d’aller et venir, la vie privée et l’inviolabilité du domicile. Le Conseil exige que le législateur prévoie un contrôle préalable extérieur, tel que l’avis préalable d’une commission indépendante ayant pu en examiner la nécessité et la proportionnalité du dispositif (Conseil constit., 94-352 DC, 18 janvier 1995, §§ 6 et 12).

De la même manière, la CJUE exige qu’une mesure de surveillance ne puisse être déployée qu’en faisant l’objet « d’un contrôle effectif soit par une juridiction, soit par une entité administrative indépendante, dont la décision est dotée d’un effet contraignant, visant à vérifier l’existence d’une situation justifiant ladite mesure ainsi que le respect des conditions et des garanties devant être prévues » (CJUE, C-511/18, La Quadrature du Net, 6 octobre 2020, §§ 139, 168, 179, 189 et 192).

Ainsi, avant d’installer chaque caméra, une autorité indépendante doit pouvoir examiner si le lieu filmé est surveillé pour des justifications suffisantes propres à ce lieu – telles que la fréquence des infractions qui y surviennent, leur nature, leur gravité et les difficultés particulières que la police y rencontre. C’est ainsi que l’article L252-1 du code de la sécurité intérieure prévoit qu’un dispositif de vidéosurveillance ne peut être autorisé qu’après l’avis d’une commission départementale de vidéoprotection, présidée par un magistrat.

En l’espèce, il est impossible de connaître à l’avance les lieux filmés par une caméras-piéton, aéroportée ou embarquée. La police et la gendarmerie décident seules et sur le vif des lieux à surveiller, en réaction à des situations imprévisibles par nature. La proposition de loi ne prévoit aucune forme de contrôle préalable car, en pratique, il semble effectivement improbable qu’une autorité extérieure puisse examiner en temps réel la nécessité pour un agent d’activer sa caméra ou pour un drone de survoler telle ou telle position.

Cette impossibilité intrinsèque à toute caméra mouvante a des conséquences particulièrement graves : si la police souhaite abuser de ses pouvoirs afin, par exemple, d’envoyer un drone filmer les locaux d’une association, d’un journal ou d’un avocat, ou encore la résidence d’un parlementaire ou d’une personne bénéficiant d’un asile politique, elle pourrait le faire en toute discrétion et en toute autonomie, sans qu’aucune autorité indépendante n’en soit informée. À l’inverse, l’installation de caméra fixe est signalée et examinée par une autorité indépendante à même de dénoncer de telles dérives.

En conséquence, les mesures de vidéosurveillance mouvante ne pouvant pas être examinées au préalable par une autorité indépendante, les dispositions qui autorisent leur déploiement violent la Constitution et le droit européen.

C – Défaut d’information

En droit, pour être conforme à la Constitution, une disposition qui autorise un dispositif de vidéosurveillance doit s’assurer « que le public soit informé de manière claire et permanente de l’existence du système de vidéosurveillance ou de l’autorité et de la personne responsable » (Cons. constit., décision 94-352 DC, 18 janvier 1995, § 5).

De même, l’article 13 de la directive police-justice exige que le responsable d’une mesure de surveillance fournisse aux personnes concernées plusieurs informations, telles que l’identité du responsable, les finalités du traitement et le droit d’accéder aux données.

S’agissant des caméras fixes, l’article R252-3 du code de la sécurité intérieure prévoit que chaque dispositif de vidéosurveillance soit accompagné d’une affiche indiquant « le nom ou la qualité et le numéro de téléphone du responsable auprès duquel toute personne intéressée peut s’adresser pour faire valoir le droit d’accès prévu à l’article L. 253-5 ». Seule une information aussi précise et complète permet de garantir le respect des garanties avancées par le Conseil constitutionnel et le droit de l’Union.

En l’espèce, la proposition de loi prévoit que le public devrait être informé de la surveillance par drone « par tout moyen approprié  » et de la surveillance par caméra embarquée « par une signalétique spécifique de l’équipement du moyen de transport par une caméra ». En pratique, tel qu’il a été facile de constater ces dernières années, cette information sera systématiquement défaillante : un écriteau « vous êtes filmé » accroché à un hélicoptère volant à plus de 100 mètres n’aura aucun effet ; pire, un drone vole trop haut pour transmettre la moindre information visuelle ou sonore, et sa taille est si petite qu’il échappe souvent entièrement à l’attention des personnes surveillées. De même, les caméras-piétons se fondent parfaitement dans l’équipement des agents qui, eux-mêmes, se fondent facilement dans les foules surveillées, qu’ils n’ont aucun moyen visuel ou sonore d’informer de façon réaliste.

Par ailleurs, la proposition de loi prévoit que les agents peuvent ne pas informer le public d’une surveillance par drone ou par caméra embarquée « lorsque les circonstances l’interdisent ». Cette dérogation est si large qu’elle retire tout effet utile que ces mesures auraient pu avoir. Cette dérogation est d’ailleurs inexistante dans la loi sur la vidéosurveillance fixe de la voie publique.

En conséquence, les mesures de vidéosurveillance mouvante ne pouvant jamais être portées à la connaissance du public de façon suffisamment efficace, les dispositions qui autorisent leur déploiement violent la Constitution et le droit européen.

D – Surveillance des lieux privés

En droit, tel que rappelé ci-dessus, une des principales garanties qu’un système de vidéosurveillance doit respecter pour être conforme à la Constitution est de ne pas capter les images de l’intérieur des immeubles et de leurs entrées (Cons. const., décision 94-352 DC, §5).

Ainsi, les caméras fixes sont orientées de façon à éviter de filmer les immeubles et, quand elles ne le peuvent pas, un système d’obstruction matérielle ou logicielle basique permet de ne pas capter l’image des immeubles (un rectangle noir, typiquement).

En l’espèce, la vidéosurveillance mouvante filme des lieux qui changent constamment et qui ne peuvent être connus à l’avance. Or, il est techniquement irréaliste d’obstruer en temps réel l’image d’immeubles présents sur des lieux inconnus à l’avance et en mouvement constant – contrairement aux lieux statiques filmés par les caméras fixes. Le caractère mouvant de cette vidéosurveillance est mécaniquement incompatible avec une interdiction de filmer l’intérieur des immeubles.

Dès lors, l’article 21 sur les caméras-piétons et l’article 22 bis sur les caméras embarquées ne prévoient aucune interdiction de filmer l’intérieur des immeubles – ce qui, en effet, serait irréaliste. Pourtant, ces caméras sont presque toujours en situation de filmer l’intérieur d’immeubles et de lieux privés, ne serait-ce qu’au travers des fenêtres.

L’article 22 sur les drones prévoit une interdiction de filmer l’intérieur des « domiciles » ou de leurs entrées et non, comme l’exige le Conseil constitutionnel, l’intérieur de tous les « immeubles » en général. La police et la gendarmerie seraient seules à décider quels immeubles sont ou non des domiciles. Cette appréciation se ferait à la volée et en cours d’opération, ce qui semble parfaitement irréaliste – même via des outils d’analyse automatisée, qui ne seraient d’aucune aide s’agissant d’une appréciation aussi sociale et humaine de ce qu’est ou non un « domicile ». Mais ce problème est finalement sans importance dans la mesure où, de toute façon, aucun dispositif technique n’est capable d’obstruer en temps réels l’image mouvante d’immeubles, domiciles ou non.

Au cours des débats à l’Assemblée nationale, la rapporteure Alice Thourot a reconnu sans ambiguïté, s’agissant des drones, qu’il « n’est matériellement pas possible d’interdire de visualiser les espaces privés » (voir les débats publics de la troisième séance du vendredi 20 novembre 2020 relatifs à l’amendement n° 1164).

En conséquence, les dispositifs de vidéosurveillance mouvante ne pouvant jamais éviter de filmer l’intérieur des immeubles, les articles 21 à 22 bis, qui intensifient et autorisent leur déploiement, violent la Constitution.

3 – Reconnaissance faciale

Le titre III de la proposition de loi vise à intensifier la vidéosurveillance fixe et généraliser la vidéosurveillance par drones, hélicoptères et caméras-piétons. Toutes les nouvelles images captées par ces dispositifs, fixes comme mouvants, seront transmises en temps réel à un poste de commandement.

Une telle transmission en direct donne aux forces de police et de gendarmerie la capacité d’analyser les images transmises de façon automatisée, notamment en recourant au dispositif de reconnaissance faciale autorisé par le décret du 4 mai 2012 relatif au traitement d’antécédents judiciaires. Cette technique, qui n’a jamais été autorisée par le législateur, est l’exemple typique de traitements de données biométriques qui, au titre de l’article 10 de la directive police-justice et de l’article 88 de la loi informatique et libertés, doivent démonter leur « nécessité absolue » dans la lutte contre les infractions et les menaces pour la sécurité publique. Pourtant, cette nécessité n’a jamais été démontrée et le droit français ne prévoit aucune garantie pour les limiter à ce qui serait absolument nécessaire. Au contraire, le recours à ces techniques semble être devenu systématique et ne reposer sur aucun contrôle de proportionnalité : en 2019, les autorités ont réalisé plus de 375 000 opérations de reconnaissance faciale, soit plus de 1 000 par jour (voir l’avis rendu le 13 octobre 2020 par le député Mazars au nom de la commission des lois de l’Assemblée nationale).

Il ne fait pourtant aucun doute que l’analyse automatisée d’images de vidéosurveillance est aujourd’hui contraire au droit français et européen, qu’il s’agisse d’ailleurs de reconnaissance faciale comme de tout autre type d’analyse automatisée permettant l’identification et le suivi d’une personne, tel que la CNIL l’a encore dénoncé face au déferlement de caméras dites « intelligentes » au cours de la crise du Covid-19 (Cnil, « Caméras dites « intelligentes » et caméras thermiques », 17 juin 2020).

Comme vu tout au long de la présente analyse, l’utilité opérationnelle des nouvelles captations et transmissions d’images semble nulle ou très faible. Il en irait peut être autrement si le véritable objectif de ces changements était d’abreuver les dispositifs de reconnaissance faciale d’une immense quantité de nouvelles images. Le gouvernement ne l’a jamais avoué explicitement, et pour cause : cet objectif est frontalement contraire au droit européen et ne saurait donc en rien justifier d’intensifier la vidéosurveillance tel que le propose la présente loi.

Plutôt que de renforcer des pratiques aussi illégales qu’impopulaires, le rôle du législateur est d’empêcher l’analyse automatisée des images de vidéosurveillance et son renforcement par le titre III de la proposition de loi Sécurité Globale, qui doit donc être supprimé dans son ensemble.

Source https://www.laquadrature.net/2021/02/15/securite-globale-nos-arguments-juridiques/

Contre la surveillance biométrique de masse 

Contre la surveillance biométrique de masse : signez la pétition européenne

Le collectif « Reclaim your Face », lance aujourd’hui sa campagne contre la surveillance biométrique et notamment la reconnaissance faciale. « Reclaim Your Face » est composé de plus de quarante associations de défense des libertés et menée par l’organisation européenne EDRi. Cette campagne prend la forme d’une « initiative citoyenne européenne » : il s’agit d’une pétition institutionnelle visant à recueillir 1 million de signatures au sein de plusieurs pays de l’Union européenne pour demander à la Commission d’interdire les pratiques de surveillance biométrique de masse

En décembre 2019, l’OLN, accompagnée de 124 organisations, demandait déjà l’interdiction de la reconnaissance faciale sécuritaire. Nous avions souligné les dangers de cette technologie : le risque d’une surveillance permanente et invisible de l’espace public, nous transformant en une société de suspect·es et réduisant nos corps à une fonction de traceurs constants pour abolir l’anonymat dans l’espace public.

La surveillance biométrique ne se limite pas à la reconnaissance faciale. Un an après, notre demande d’interdiction n’a pas abouti et les techniques de surveillance biométrique se sont multipliées, notamment dans le contexte de la crise sanitaire. Alors que la police continue d’utiliser de façon massive la reconnaissance faciale à travers le fichier des Traitements des Antécédents Judiciaires (TAJ), plusieurs villes et administrations ont déployé des dispositifs de contrôle de température, de détection de port du masque ou des projets de vidéosurveillance intelligente pour suivre et tracer les mouvements sociaux.

La France n’est malheureusement pas le seul pays où se développe cette surveillance biométrique. En Italie, en Serbie, en Grèce ou aux Pays-Bas, l’État déploie plusieurs dispositifs qui promettent à l’Europe un avenir de surveillance automatisée permanente.

Des batailles contre la société de contrôle se jouent donc aujourd’hui : dans les mobilisations sociales contre les projets de loi sécuritaires, dans la lutte contre l’opacité qui entoure le déploiement de ces techniques, dans les tribunaux où sont contestées ces expérimentations de surveillance.

Chaque initiative compte. Cette pétition européenne a pour objectif de montrer le refus populaire massif et d’imposer un débat sur l’arrêt du déploiement de ces outils de contrôle, et nous l’espérons permettra d’obtenir un texte protecteur à l’échelle de l’Union européenne.

C’est un combat important contre des futurs où nos corps et nos comportement seraient en permanence scannées.

Demandons donc ensemble l’interdiction formelle de la surveillance biométrique : de la reconnaissance faciale sécuritaire, de l’analyse des émotions et des comportements par la vidéosurveillance, des prédictions automatisées en raison de caractéristiques physiques, de l’analyse automatisée biométrique de nos profils sur les réseaux sociaux, de l’analyse automatique de nos voix et de nos comportements pour nous contrôler.

Pour rejoindre cette lutte, nous vous invitons donc à signer et à relayer cette pétition sur la page de campagne de la Coalition Reclaim Your Face : https://reclaimyourface.eu/fr/

Organisations signataires relais de la campagne en France

Organisations membres de l’OLN :

La Quadrature du Net (LQDN), – La Ligue des Droits de l’Homme (LDH), – Le Syndicat de la Magistrature (SM). – Le Syndicat des Avocats de France (SAF), – Le CECIL, – Creis-Terminal, – Globenet,

Ainsi que : Le Mouton Numérique, Lève les yeux, Attac.

Pour aller plus loin :

Le communiqué de lancement d’EDRi traduit en français.

Le texte de l’initiative validé par la Commission européenne et ses annexes disponibles ici en français et reproduit ci-dessous :

« Initiative de la société civile en vue d’une interdiction des pratiques de surveillance biométrique de masse »

Nous exhortons la Commission européenne à réglementer strictement l’utilisation des technologies biométriques afin d’éviter toute atteinte injustifiée aux droits fondamentaux. Nous demandons en particulier à la Commission d’interdire, en droit et en pratique, les utilisations indifférenciées ou arbitrairement ciblées de la biométrie pouvant conduire à une surveillance de masse illégale. Ces systèmes intrusifs ne peuvent être développés, mis en place (même à titre expérimental) ou utilisés par des entités publiques ou privées dans la mesure où ils sont susceptibles d’entraîner une atteinte inutile ou disproportionnée aux droits fondamentaux des personnes.

Il apparaît que certaines utilisations de la surveillance biométrique de masse dans les États membres et par des agences de l’UE ont donné lieu à des violations de la législation de l’UE en matière de protection des données et ont indûment restreint les droits des personnes, y compris le droit au respect de la vie privée, le droit à la liberté d’expression, le droit de manifester et le droit à la non-discrimination. Le recours généralisé à la surveillance biométrique, au profilage et à la prédiction constitue une menace pour l’état de droit et pour nos libertés les plus fondamentales.

Par cette ICE, nous prions donc instamment la Commission de proposer un acte juridique qui s’appuiera sur les interdictions générales prévues par le RGPD et la directive en matière de protection des données dans le domaine répressif et respectera pleinement lesdites interdictions, pour faire en sorte que le droit de l’Union interdise explicitement et spécifiquement la surveillance biométrique de masse.

Source https://technopolice.fr/blog/contre-la-surveillance-biometrique-de-masse-signez-la-petition-europeenne/

La nouvelle « police universitaire » montre le tournant autoritaire de la Grèce

Par Moira Lavelle

Après la répression sanglante du soulèvement des étudiants de l’École polytechnique en 1973, les universités sont devenues un symbole de la démocratie grecque – et pendant des décennies, la police a même été interdite d’entrer sur les campus. Mais jeudi, le Parlement a voté la création d’une force de police spéciale pour patrouiller dans les universités, alors que le gouvernement de droite met en place une répression troublante contre des groupes d’étudiants supposés « dangereux ».

Meliana Makari a assisté à toutes les manifestations de ces cinq dernières semaines. Avec des milliers d’étudiants dans toute la Grèce, Makari, dix-huit ans, étudiante en génie électrique et informatique à l’Université technique nationale d’Athènes, espérait empêcher l’adoption d’un projet de loi visant à remanier le système d’éducation publique grec. « Cette loi va changer le rôle de l’université dans notre société », a déclaré Makari après la manifestation du 11 février. « L’université fonctionne actuellement comme un espace social et politique libre et public – et à mon avis, cette nouvelle loi va changer cela pour de bon ».

Pourtant, malgré les protestations, le Parlement grec a adopté jeudi la nouvelle loi sur l’éducation. Entre autres choses, les mesures promues par le gouvernement de droite de la Nouvelle Démocratie vont créer une force de police spéciale pour les universités grecques, modifier le système d’admission des étudiants et réduire leur temps d’études à l’université. Les étudiants affirment que cette loi est une mesure de répression de la liberté d’expression et d’organisation politique.

« Jusqu’à présent, les universités étaient des espaces publics – tout le monde pouvait y entrer, tout le monde pouvait assister aux cours même sans être étudiant, tout le monde pouvait également assister aux assemblées politiques et créer des mouvements politiques à l’intérieur de l’université », a déclaré Makari.

La nouvelle loi promue par le gouvernement de droite crée un seuil d’admission plus strict et introduit des limites de temps pour la durée des études, avec quelques exceptions pour les étudiants qui travaillent et ceux qui sont confrontés à des problèmes de santé. Auparavant, les étudiants pouvaient étudier sans restriction.

Les étudiants affirment que la nouvelle limite ne tient pas compte de la réalité de ceux qui doivent prendre un autre emploi pour pouvoir passer à l’université. « Une grande partie des jeunes seront expulsés de l’enseignement supérieur », a déclaré Victoria Plega, vingt ans, étudiante à l’université d’économie et de commerce d’Athènes. « Des limites et des expulsions sont établies … à un moment où de nombreux étudiants sont obligés de travailler pour terminer leurs études ».

Les partis d’opposition ont également critiqué les normes d’admission plus strictes, les considérant comme une aubaine pour les caisses des universités privées : « Vous apportez également un projet de loi pour compléter un cadeau très important aux intérêts privés des collèges », a fait valoir le leader de Syriza et ancien premier ministre Alexis Tsipras au Parlement, « laissant plus de 24 000 étudiants chaque année en dehors de l’université, afin d’augmenter leur clientèle ».

Pourtant, la principale objection est que la loi prévoit une force de police non armée de 1 030 personnes qui peut discipliner et arrêter les étudiants soupçonnés d’être impliqués dans des activités criminelles.

Quatre décennies après le retrait de la police des campus, la création d’une telle force représente un changement autoritaire massif dans la société grecque.

La police des étudiants

Jusqu’en août 2019, il était pratiquement illégal pour la police grecque d’entrer dans les universités. Pendant près de quarante ans, une loi sur l’asile universitaire a interdit à la police d’entrer sur le campus sans l’autorisation explicite du corps étudiant et du doyen. Cette loi a été créée pour protéger la protestation étudiante et l’organisation politique, en mémoire du soulèvement de l’École polytechnique d’Athènes en 1973, lorsque des étudiants grecs ont manifesté contre la junte militaire qui dirigeait alors le pays.

Lors du soulèvement de trois jours en novembre 1973, les étudiants ont occupé l’Université polytechnique d’Athènes pour protester contre les changements proposés au système éducatif. L’occupation est rapidement devenue un symbole de révolte contre la dictature, et des milliers de personnes ont inondé les rues d’Athènes en signe de solidarité. La protestation s’est tristement terminée par l’envoi par l’armée de chars sur les principales routes de la ville, dont un s’est écrasé aux portes de l’université polytechnique. Des dizaines de personnes ont été tuées, et des centaines ont été battues ou arrêtées par la police.

Le soulèvement de l’École polytechnique est largement considéré en Grèce comme le début de la fin de la dictature et le début du retour à la démocratie. Les portes écrasées de l’école polytechnique sont toujours un mémorial à l’intérieur du campus et aujourd’hui encore, le 17 novembre est un jour férié national. Lors de sa promulgation en 1982, la loi sur l’asile interdisant à la police d’entrer sur le campus a été acceptée comme une protection évidente et nécessaire pour l’organisation des étudiants.

De nombreux étudiants citent l’héritage de l’École polytechnique dans leurs arguments contre la nouvelle loi. « Dans le passé, les universités étaient un point de départ pour la résistance, comme dans le cas de l’Ecole polytechnique et d’autres actions », a déclaré Yiannis Koyios, vingt-deux ans, étudiant à l’Université nationale et kapodistrienne d’Athènes lors de la manifestation de mercredi. « Chaque fois que le gouvernement a essayé de changer les lois, les universités ont été un point de départ pour la réaction ».

Pendant des années, de nombreux mouvements politiques grecs ont vu le jour dans les universités – les mouvements de solidarité avec les travailleurs et les migrants étaient souvent organisés à partir des bâtiments universitaires ou des résidences. « L’université a toujours joué un grand rôle dans les mouvements politiques en Grèce », a déclaré Makari.  « Les mouvements étudiants ont joué un rôle clé dans l’organisation des manifestations en 2008 et pendant la crise économique ».

Des campus sans loi ?

Mais dans les décennies qui ont suivi le soulèvement de Polytechnique, les opposants ont attaqué la loi sur l’asile universitaire comme couverture de l’anarchie et des activités dangereuses. Au milieu des protestations nationales contre les mesures d’austérité d’après-crise en 2011, le gouvernement de centre-gauche du PASOK a abrogé l’asile universitaire. En 2017, l’administration Syriza de Tsipras l’a rétabli de manière significative.

Lorsque la mesure a été réintroduite, les journaux de centre-droit étaient furieux. Ils ont publié des titres tels que « Les universités sont entourées d’extrémistes et de trafiquants » – pointant du doigt les graffitis sur les bâtiments universitaires, ou la vente de cigarettes illégales et de baskets contrefaites sur le campus. Mais il y a eu aussi des plaintes au sein des universités. En 2018, des étudiants de toute la Grèce ont créé une pétition qui a recueilli plus de 1 400 signatures réclamant des « universités sans violence » après qu’un professeur ait été battu et menacé pour avoir fait des commentaires sur des graffitis anti-autoritaires. Les professeurs ont fait valoir que l’occupation fréquente des bâtiments universitaires perturbait l’enseignement.

Le parti au pouvoir, Nouvelle Démocratie, s’est particulièrement intéressé au prétendu climat d’anarchie qui règne dans les universités. A partir de 2018, il a commencé à faire campagne sur un programme de maintien de l’ordre étayé par des promesses d’abrogation de l’asile universitaire. En effet, ce fut l’une des premières actions législatives du parti lors de son élection à l’été 2019. Le premier ministre de Nouvelle Démocratie, Kyriakos Mitsotakis, a déclaré : « Nous ne voulons pas de policiers dans les universités. Nous voulons expulser les voyous qui contrôlent la vie des étudiants [des universités] ».

Cependant, au cours des derniers mois, Nouvelle Démocratie a mené une nouvelle campagne insistant sur le fait que la dissolution de l’asile ne suffisait pas – et que la mise en place d’une police universitaire est la seule façon pour la Grèce d’avoir des universités « qui fonctionnent ». Fin janvier, elle a publié une vidéo avec des photos de trafic de drogue, de fenêtres d’université brisées et de manifestations avec le slogan « La police universitaire est la seule façon pour la Grèce d’avoir des universités qui fonctionnent » : « Vandalisme, intimidation, vols, trafic, passages à tabac, commerce illégal, dépréciation. Nous sommes d’accord, ce ne sont pas les universités que nous voulons. Elles sont un lieu de création, de liberté et de connaissance, et non de délinquance et d’anarchie ».

Lors de la discussion de la loi au Parlement jeudi, M. Mitsotakis a déclaré qu’elle résoudrait les problèmes de « délinquance » et établirait les universités comme un lieu d’éducation et d’échange d’idées. Pour lui, il ne s’agit pas de « l’entrée de la police dans les écoles » mais de « l’entrée de la démocratie ».

Mais le mouvement étudiant n’en est pas si sûr. « Ce n’est pas une mesure qui se fait pour assurer la sécurité des étudiants ; la police sera là pour réprimer les mouvements politiques qui ont fleuri à l’intérieur de l’université », a déclaré Makari. « Pour moi, cela est prouvé par le rôle historique de la police dans la société grecque et par les actions récentes de la police, y compris aujourd’hui ». Lors des manifestations d’étudiants à Athènes et à Thessalonique mercredi, la police a battu les manifestants et en a arrêté des dizaines. Des vidéos ont circulé en ligne montrant des policiers poursuivant des étudiants à coups de matraque et les jetant sur le trottoir. Les syndicats de journalistes, les politiciens de gauche et les manifestants ont tous accusé la police de recourir à une force excessive pendant les manifestations.

Evelina Kontonasiou, dix-neuf ans, étudiante en pharmacie à l’Université nationale et kapodistrienne d’Athènes, craint que la loi ait un impact sur ses études et son militantisme politique. « Je pense que je vais voir l’université comme un espace de colonialisme et d’oppression politique », a-t-elle déclaré. « Je viendrai et j’étudierai avec anxiété ». Pour elle, le risque est que les étudiants ne soient pas capables de faire face à ce climat – car « il y aura des flics dans nos têtes à tout moment ».

  Source https://jacobinmag.com/2021/02/greece-university-police-athens-student-protests

Répression violente contre les étudiants

 

La police réprime les étudiants qui protestent contre le nouveau projet de loi sur l’éducation en Grèce (vidéos) 

Mercredi, la police grecque a réprimé les manifestations d’étudiants à Athènes et à Thessalonique au moyen de gaz lacrymogènes et de grenades assourdissantes. Etudiants, enseignants, universitaires, lycéens, parents ont défilé dans les villes contre le projet de loi sur l’éducation qui prévoit, entre autres, la présence de la police dans les universités. La manifestation à Athènes a été pacifique, mais certains incidents ont eu lieu lorsque le rassemblement a atteint le Parlement grec en face de la place Syntagma. La police anti-émeute aurait tiré des gaz lacrymogènes et arrêté certaines personnes. Bientôt, la situation a échappé à tout contrôle, avec l’utilisation massive de produits chimiques et les passages à tabac d’étudiants, même ceux qui étaient déjà détenus et menottés.

https://twitter.com/i/status/1359503615946338305

Même les photoreporteurs couvrant le rassemblement et les affrontements n’ont pas échappé à la colère de la police. Ils ont frappé et poussé au sol un membre des médias, comme l’a montré la capture sur vidéo du photoreporteur Savvas Karmaniolas

https://twitter.com/i/status/1359470357007241219

https://twitter.com/i/status/1359511839302893568

https://twitter.com/i/status/1359488012002988034

Au total, 52 personnes ont été détenues. La situation était similaire à Thessalonique.

https://twitter.com/i/status/1359537557294448640

Selon les médias, à Thessalonique, c’est un groupe de manifestants qui a attaqué en premier lieu la police.

https://youtu.be/NC9VWOUm_Ws

Selon les dernières informations, une deuxième manifestation se prépare à Thessalonique. Des protestations étudiantes ont également eu lieu à Chania, Patras et dans d’autres villes où il y a des universités. Entre autres, le projet de loi rend l’accès aux universités plus difficile pour les diplômés des écoles du soir (écoles pour les étudiants qui travaillent) et diminue le taux d’entrée pour les étudiants handicapés. En outre, la majorité de la communauté universitaire s’oppose à la présence de la police dans les universités. Mais le gouvernement et le ministre de l’éducation du pays démocratique appelé Grèce ignorent tout simplement le point de vue de la communauté.


Dernière info : le projet de loi sur l’éducation a été voté hier au Parlement «dans un climat tendu» etde «vive controverse politique» par 166 voix (Nouvelle démocratie, Solution Grecque), contre 132(SYRIZA, KINAL, KKE)


Translate »