Publications par catégorie

Archives de catégorie

Xénocratie bavaroise La rubrique de Panagiotis Grigoriou

Panagiotis  Grigoriou est Ethnologue et historien, chroniqueur, analyste, initiateur d’un concept de tourisme alternatif  et solidaire en Grèce. Le regard de l’historien et de l’anthropologue sur l’actualité et le vécu de la crise grecque.

Xénocratie bavaroise

Nouvel automne au vieux pays. Zorbá, le cyclone subtropical méditerranéen qui s’est engouffré dans la mer Égée s’est éteint certes, sauf que le pays réel s’incruste comme jamais dans sa tourmente finale C’est bien connu, la seule météo ne suffit plus pour faire, et encore moins pour défaire un pays. Cela, contrairement à la “gouvernance”… de Tsípras et des mondialisateurs réunis. Pour ceux qui ne l’auraient pas remarqué, nous subissons alors une guerre sans précédant, probablement ultime et déjà totale, à la manière inique et unique de ce siècle du technologisme féodal. Au pays des symboles et des remparts surannés, nous entrerions on dirait parfois dans la mer comme pour toujours. Tropismes d’automne ?

Remparts surannés. Nauplie, octobre 2018

Nos touristes éblouis visitent toujours Mycènes et Épidaure sous le vent d’automne. L’ambiance y est… comme pour l’archéologie funéraire devant les restes matériels de sépultures ou d’ensembles funéraires… et c’est du pays réel qu’il s’agit. Il y a aussi nos… retraités importés et fiers de l’être, à l’instar de ce Français, rencontré dans le Péloponnèse forcément mythique, ayant à ses dires tout laissé derrière lui. “J’ai quitté la France, c’est impossible d’y vivre avec une retraite même normale, j’ai vendu ma maison sur la Côte d’Azur car l’ambiance même, elle devenait insupportable, ici c’est le Paradis, le calme, la beauté. Je viens d’acheter une maison au village d’en face au dixième du prix pratiqué en France, et je suis en train de m’installer.”

Heureux qui… contrairement à Ulysse et à l’instar du retraité ayant quitté sa Côte d’Azur, ignore alors pratiquement tout de la géopolitique, voire, de la situation sociale et politique, ainsi que de la détresse réelle des habitants de son pays d’après. Grèce ainsi méta-moderne, dont les soins palliatifs pour de pas dire le coup de grâce, ont été confiés aux (presque) derniers des salopards, à savoir, la bande criminelle de la Gauche à la SYRIZA, en attendant d’ailleurs leur remplacement par l’autre clan criminel, celui des Mitsotákis et de sa supposée Droite de la Nouvelle Démocratie. En même temps, de nombreux retraités bien d’ici aux 400€ mensuel après l’énième diminution du montant des retraites, abandonnent alors la Grèce pour la Bulgarie, rien que pour survivre. En réalité ces Grecs subissent un véritable Pogrom, et quittent ainsi leur pays à contrecœur.

De nombreuses familles bulgares dont les membres ont travaillé par le passé aux domiciles des Grecs, mais restés désormais sans travail et revenus au pays, ils proposent aux Grecs qu’ils connaissent l’hébergement chez eux en Bulgarie en échange d’un… loyer mensuel dont le montant est beaucoup plus bas que le coût de la vie en Grèce, presse grecque, octobre 2018. Notons que la Bulgarie a perdu plus de 20 % de sa population en 20 ans, une véritable hémorragie, la jeunesse émigre massivement vers l’Ouest pour trouver du travail tandis que la dite “intégration” dans l’Union européenne a facilité ce déclin démographique.

Visiteurs à Mycènes. Octobre 2018
Fouilles à Épidaure. Octobre 2018
Fouilles à Épidaure. Octobre 2018

Les Européens, retraités ou pas, se… baladent alors et s’installent de pays en pays, ou plus exactement, de cercueil en cercueil, pendant que le remplacement programmé, en tout cas partiel, de la population européenne par de nombreux migrants essentiellement Musulmans issus de tant d’autres pays transformés aussi en cercueils par la géopolitique, notamment sous l’emprise de l’Occident des métanthropes financiers à la Soros, suit son cours. En Grèce, les vérités qui courent les rues sont alors exprimées par certains médias, étant donné que la dictature du politiquement correct, autrement-dit, la… pseudologie des faits infligée par les mondialisateurs a du mal à s’imposer.

Comme il a été rappelé lors de l’émission du soir de Lámbros Kalarrýtis sur la radio 90.1 FM (12 octobre 2018), “contrairement aux dires des gouvernants et de la propagande des mondialisateurs européistes, cette immigration, qui plus est musulmane vers la Grèce, est un fait construit, voulu et accompagné par tout un programme parallèle de déshellénisation et de déchristianisation de la Grèce. Ce n’est pas par hasard qu’au même moment, les nouveaux programmes de l’école annoncés par le Ministre SYRIZA de l’Éducation Gavrlóglou, font disparaître, l’histoire de la Démocratie et de l’Antiquité grecques, les guerres Médiques, Thémistocle et Périclès, Antigone, Thucydide, autant que la Révolution nationale contre les Turcs de l’Empire Ottoman et par la même occasion, on diminue drastiquement l’enseignement du grec ancien et on supprime celui du latin. Enfin, l’enseignement de la langue grecque est de plus en plus apparenté à celui d’une langue enseignée à une population dont le grec n’est pas la langue maternelle, étrange, non ? Donc on peut supposer que toute une… préparation est en cours pour convertir l’école grecque en une structure du seul accueil des populations allogènes.”

“Gavrlóglou et les autres de SYRIZA, d’abord fidèles à l’agenda interventionniste et totalitaire des institutions visibles et invisibles à la Soros, agissent dans le but de détruire les nations de la vielle Europe, ceci même en flagrante opposition à ce que notre Constitution explicite en termes d’Éducation Nationale pour ce qui est des buts et du contenu. On remarque que ces derniers temps, le cynisme de l’UE et des autres, gouvernement grec compris, consiste à laisser gonfler la population les Hot Spots à Lesbos comme ailleurs sur les îles, à ne pas contrôler les frontières et finalement, à rendre la situation explosive et pour tout dire les conditions atroces pour les migrants et autant pour la population grecque des îles.”

ONG profiteuses et crise migratoire. Quotidien ‘Kathimeriní’, le 10 octobre 2018
Migrants à Athènes et monument… investi par eux. Octobre 2018
Manifestants communistes photographiés par les touristes. Athènes, octobre 2018

“Les médias internationaux et d’ailleurs allemands, s’en émeuvent comme par hasard en ce moment, puis, le gouvernement et les ONG à Soros, sous prétexte de crise dite humanitaire, installent désormais ces migrants en Grèce continentale via entre autre, le programme Hestia, au moyen de loyers entièrement pris en charge. La désignation même, Hestia, n’est pas choisie par hasard, car en bon grec le terme renvoie à une installation alors durable pour ne pas dire définitive. Rappelons-le une fois pour toutes, le problème migratoire n’est pas un problème humanitaire, c’est d’abord un problème géopolitique, et dans la géopolitique il y a généralement la guerre. Accessoirement, c’est un gros commerce au profit des trafiquants passeurs et des ONG largement subventionnées. Notons enfin, qu’une fois les migrants installés à l’intérieur du pays, ils se sont plus concernés par l’accord certes difficile de leur supposé retour en Turquie”, (Lámbros Kalarrýtis et ses invités sur la radio 90.1 FM le 12 octobre 2018, cité de mémoire).

Les migrants nouveaux, investissent alors le centre d’Athènes et de Thessalonique, autant que… certains monuments commémoratifs de l’histoire de la ville défaite (à la fois l’histoire et la ville). Migrants qui visiblement sont autant sceptiques et accablés de leur sort que les Grecs. Et à quelques mètres seulement, des touristes photographient les retraités communistes lesquels tout autant enfoncés, ils manifestent alors pour la forme, et pour dénoncer la suite… logique dans la poursuite des coupes sobres de leurs pensions, même si, le gouvernement des criminels de SYRIZA/ANEL prétend le contraire.

C’est autant hélas de notre temps du tropisme européen d’automne, ainsi, Vassílis Kaloússis, chanteur de la variété populaire connu des années 1980, s’est suicidé en se jetant sous une rame du métro à Athènes. Il avait été paupérisé et d’après ses proches, sa dernière dignité ne pouvait que de le conduire vers un tel… dénouement. D’ailleurs, son corps est resté à la morgue près de dix jours avant que l’on puisse l’identifier, presse grecque du 12 octobre.

Manifestants retraités et communistes. Athènes, octobre 2018
Manifestants retraités et communistes. Athènes, octobre 2018
Journalistes de la très systémique ERT devant le Palais du Premier ministre. Athènes, octobre 2018

Dans la même série des faits sombres, un autre grec alors âgé de 84 ans a été retrouvé inanimé dans son bateau amarré dans le port de Vólos en Thessalie. Il est mort, parce que le système dit de Santé, ne pouvait plus prendre à charge à temps son besoin cruel de dialyse, (presse grecque du 11 octobre 2018). Et du côté des migrants, le bilan est également lourd ces derniers jours. D’abord, il y a eu les corps d’une femme de 35 ans et de deux filles respectivement d’environ de 18 et de 15 ans ; ils ont été retrouvés près de la frontière entre la Grèce et la Turquie en Thrace. Ces pauvres femmes, elles ont été assassinées de manière particulièrement sauvage à l’arme blanche, tandis qu’elles portaient encore leurs bijoux, donc le vol n’est visiblement pas un des motifs du crime.

D’après le reportage, les enquêteurs de la Police grecque, pensent d’abord à un probable différent entre elles et leurs passeurs, et/ou sinon, à une signature de type islamiste dans ce crime, (presse grecque du 14 octobre 2018). Sans oublier enfin, ces onze migrants ayant trouvé la mort alors terrible… carbonisés, lorsque le véhicule des passeurs qui les transportait et qui ne s’est pas arrêté aux signaux des policiers, a finalement heurté un camion pour prendre alors feu, (presse grecque du 11 octobre 2018). Tropismes… d’automne. Les médias très autorisés, à la manière de l’ERT radiotélévision des népotistes SYRIZA/ANEL, dont les journalistes payés pour la propagande, resteront longtemps postés devant le Palais Maxímou, résidence du Premier ministre, au lieu d’informer réellement les… névrotiques d’en bas sans jamais évoquer les vrais sujets, c’est bien connu et dire que nous avions tant lutté pour que cette ERT fermée par le gouvernement Samarás en 2013 puisse renaître.

Le vrai monde depuis l’île de Póros. Octobre 2018
Le vrai monde. Póros, octobre 2018
Au pays des agrumes. Póros, octobre 2018

Dans la même série noire du dit journalisme, rares sont ceux qui nous informent par exemple des pratiques népotistes des laquais dorés du Quatrième Reich européiste très actuel. Rappelons déjà Junker de l’administration coloniale de Berlin et de Bruxelles lequel en accordant des cadeaux aux Commissaires, fait ainsi nommer Martin Selmayr secrétaire général de la Commission. Ceux qui n’ont pas peur de la vérité écriront alors que Martin Selmayr, accompagné des autres Allemands de service (et d’asservissement pour tous les autres), à savoir Helga Schmid au Secrétariat général du Service européen pour l’action extérieure, et Klaus Welle, secrétaire général du Parlement européen. Tous les trois, ils vont alors diriger cette armée composée de 33.000 mandarins de la Commission, payés pour alors servir les intérêts des seuls oligarques du bloc occidental.

Tous ces faits du jour sont alors liés aux yeux des Grecs, et depuis Athènes comme depuis Mycènes et Épidaure, on observe avec effroi ces agissements de la caste des valets de l’Allemagne, à l’instar de Jacques Julliard lorsque ce dernier signe un papier intitulé “Pour sauver l’Europe, osons la Françallemagne !”.

Nous observons pareillement combien par exemple Angela Merkel intervient directement auprès de la marionnette Zaev, Premier ministre de l’Ex-République fédérale Yougoslave de Macédoine, lui demandant expressément d’ignorer la décision des Slavomacédoniens, lesquels ont invalidé par leur boycott la question et autant le référendum sur l’accord macédonien de Tsípras – Zaev. Non, Angela Merkel, souhaite publiquement que cet accord soit au plus vite validé au Parlement de Skopje. En ce moment, la presse du pays voisin et aussi la presse grecque, font état des très probables transactions et “des valises remplies de billets qui circulent pour ainsi faire changer d’avis certains députés de l’opposition”, radio 90.1 par exemple, semaine du 8 octobre.

Le Macédonisme nationaliste et ouvertement agressif qui règne pour l’instant chez nos voisins Slaves de l’autre côté de la Macédoine géographique grecque lorsque par exemple ces derniers distribuent aux visiteurs de leurs pays des cartes de l’ensemble de la Macédoine géographique qui devraient ainsi… designer leur futur État agrandi, ne nous fait pas oublier qu’en dépit de leurs agissements si néfastes pour nos affaires balkaniques communes, le verdict de leur peuple ne doit pas être piétiné de la sorte par le néocolonialisme de l’Allemagne actuelle. Pour le reste, nous savons qu’un jour, sans interventions extérieures, les deux peuples finiront par trouver un accord, et en tout cas, pas celui imposé par Berlin, par Bruxelles et par l’OTAN.

Enfin, deux mois avant l’accord Macédonien entre Tsípras et Zaev du mois de juin, la Régie de l’Électricité grecque DEI, endettée et… suffisamment agonisante financièrement, a racheté à Skopje et pour 4,8 millions d’euros, la société d’électricité EDS (Energy Delivery Solutions), une société plutôt problématique, appartenant au Vice-président au gouvernement Zaev et ami très personnel du Premier ministre du pays voisin. L’accord avait été tenu secret, sauf que l’information a pu être finalement révélée en septembre dernier. Le… détail de l’histoire, c’est que le montant de la transaction a été directement versé sur le compte personnel de Kocho Angjushev, l’ami très personnel de Zoran Zaev, (presse grecque, septembre et octobre 2018). . Mafieux de tous les pays, unissez-vous !

Macédonisme agressif. Souvenir de Skopje, (Internet grec)
Automne. Péloponnèse, octobre 2018
Vie très quotidienne. Nauplie, octobre 2018

Tropismes ainsi d’automne, pour ne pas dire d’un hiver européiste alors sans fin. Entre Grecs et Italiens par exemple à Nauplie, nous évoquons ces agissements de la caste des castes à Bruxelles et à Berlin, aussi contre l’Italie actuelle et contre son gouvernement très démocratiquement élu. Quel que soit le pays et la sensibilité politique, toute politique favorable au maintient des droits des peuples et des nations souveraines en cette Europe, elle deviendra toujours suspecte et condamnable aux yeux des… lobbyistes de la mort. D’où d’ailleurs la nécessité de faire comprendre que les peuples de cette Europe soumise doivent dans un premier temps boycotter les dites élections européennes, un processus d’ailleurs factice, servant à valider par la propagande les institutions impériales et colonisatrices à l’intérieur de la dite UE, sous contrôle d’ailleurs très largement allemand.

Signe des temps, de son côté… obscur de la force, Horst Seehofer, chef de la CSU bavaroise et ministre de l’Intérieur au sein du gouvernement Merkel, a déclaré la semaine dernière que “les Bavarois lesquels ont alors gouverné la Grèce par le passé durant une certaine période, ils auraient dû alors la gouverner de manière plus durable”. La presse grecque a largement reproduit ces déclarations et cela pour cause. C’est une allusion à la période de la Bavarocratie absolue en Grèce, indépendante depuis peu, entre 1833 et 1843 sous le jeune Othon, fils cadet de Louis Ier de Bavière, imposé par les Puissances, notamment par l’Angleterre et par la France lesquelles ont rappelons-le, largement… sollicité l’assassinat du premier Gouverneur de la Grèce Jean Kapodístrias ancien chef de la diplomatie du Tsar, et jugé déjà trop pro-russe, pratiquement deux siècle avant Vladimir Vladimirovitch Poutine.

L’histoire, encore l’histoire. Comme le note à très juste titre mon ami Olivier Delorme dans son ouvrage, cette Bavarocratie est “une manière de corseter étroitement l’indépendance et de justifier les innombrables ingérences des Puissances qui vont hypothéquer à la fois la cohérence interne et la politique extérieure du nouvel État”, Olivier Delorme, “La Grèce et les Balkans”. Tel est d’ailleurs tout le fond du raisonnement de l’Eurocratie germaniste actuelle et c’est même une attitude encore plus dangereuse pour l’existence même de la Grèce actuelle. Grèce, beau pays, toujours visité !

Beau pays visité. Póros, octobre 2018
Péloponnèse, octobre 2018
Coin d’Italie. Nauplie, Péloponnèse, octobre 2018
Hôtel du Roi Othon. Nauplie, octobre 2018

Car au-delà des ingérences des Puissances, dont la période de la Troïka et du mémorandum depuis 2010, ayant hypothéqué comme on sait à la fois la cohérence interne et la politique extérieure de la Grèce avec l’aimable collaboration des forces politiques “grecques”, il y a de cette planification historiquement perceptible de l’Allemagne et peut-être aussi des États-Unis, allant jusqu’à affaiblir la Grèce en la découpant, donnant dans un futur pas si lointain ainsi le Nord, la Macédoine grecque aux voisins Slaves, (comme durant l’Occupation allemande des années 1940), et la Thrace (Occidentale), où vit une minorité musulmane (120.000 personnes sur une population totale de 360.000 habitants pour l’ensemble de la Thrace grecque) à la Turquie. Non ce n’est pas de l’hallucination, mais de l’observation participante des faits et gestes très actuels des acteurs géopolitiques en Europe et bien au-delà.

La tectonique des plaques géopolitiques sont alors en plein mouvement. Ce dernier temps, un nombre inconnu de migrants essentiellement Afghans et Pakistanais d’après des estimations que la presse évite d’évoquer trop souvent, passent ainsi illégalement la frontière en Thrace, entre la Grèce et la Turquie. Les trois femmes sauvagement assassinées ainsi que les onze victimes de l’accident de route… géopolitique, en faisaient d’ailleurs partie. Les internationalistes des tiroirs-caisses à la Tsípras, ne contrôlent visiblement pas cette frontière (tout comme les frontières maritimes), et ces populations musulmanes que le gouvernement SYRIZA/ANEL installe déjà en Macédoine et Thrace grecques, feraient tôt ou tard de manière volontaire ou pas, le jeu de la Turquie, avec ou sans Erdogan d’ailleurs. Accessoirement, l’Allemagne et/ou l’OTAN, contrôleront les Balkans jusqu’à la dernière montagne la plus reculée, lorsque tous les pays seront petits et affaiblis, Grèce comprise, sans oublier que de monter les uns contre les autres, c’est un jeu comme on sait diachronique. Sous cet angle déjà, le problème des migrants est géopolitique et non pas humanitaire, et depuis les Balkans, cette réalité est suffisamment perçue.

Pour ceux qui ne l’auraient pas remarqué, nous subissons alors une guerre sans précédant, probablement ultime et déjà totale, à la manière inique et unique de ce siècle aussi du technologisme féodal. Pourtant, nos touristes observent par exemple à Épidaure les fouilles en cours et s’en réjouissent. La vie semble belle, et c’est un beau spectacle, celui de la Grèce des vestiges, et autant on dirait des animaux majestueux, surtout, et d‘abord adespotes.

Animal adespote. Nauplie, octobre 2018
Épidaure en mer. Octobre 2018
Animal adespote. Nauplie, octobre 2018
Aspect local. Péloponnèse, octobre 2018

La Grèce des vestiges, c’est pourtant aussi la grève des archéologues et du personnel des musées et des sites archéologiques durant la journée du 11 octobre. Ce… pauvre personnel s’est ainsi mis en grève pour exiger du Ministère de la Culture la publication de la liste exacte des monuments, musées et sites archéologiques dont la propriété et la gestion sont transférées aux mains des rapaces Troïkans de la Treuhand à la grecque (le fameux “Ypertameío”, littéralement “Hyper-Caisse”) dirigée depuis l’étranger, comme visiblement tous les biens de l’État Grec et cela pour une durée de 99 ans. Ce qui n’était pas encore concevable sous Othon de Bavière et de Grèce, vient d’être accompli sous les criminels d’Aléxis Tsípras et de SYRIZA/ANEL. Myrsíni Zorba, fraîchement nommée Ministre de la Culture (et très compatible Soros) s’en offusque… et ne publie rien. Au même moment, lorsque les membres de l’Ordre des Avocats de la ville de la Canée en Crète ont voulu initier une procédure urgente pour réaliser certains travaux d’entretien au Palais de Justice de leur ville à la hauteur d’un montant de 190.000€, ils ont soudainement découvert que d’après les documents officiels récents mais jamais communiqués, que la propriété du Palais de Justice avait été transférée aux étrangers de l’Ypertameío, et que désormais, l’État Grec a même le devoir de verser un loyer aux nouveaux maîtres des lieux comme du pays. D’après le reportage de la presse locale et nationale, 417 biens, immeubles et sites, dont le célèbre site archéologique de Cnossos… auraient été ainsi offerts aux rapaces internationaux, la Troïka, presse grecque de la semaine.

Nos touristes, ainsi que les retraités des autres pays accueillis chez nous, ignorent alors largement ces faits et ne comprennent pas vraiment le désarroi des Grecs. Ils raisonnent encore en termes politiques hérités du siècle, passé, de gauche comme de droite, ils évoquent les banques, la dette, les impôts, l’Europe et j’en passe, tandis que vu d’ici, c’est à la fois le siècle nouveau, les Balkans historiques, la fracture entre la Russie et l’Occident… et enfin, les Bavarois du dix-neuvième siècle alors tous réunis. D’ailleurs, la première loi “grecque” promulguée par les Bavarois, ancêtres visiblement inoubliables pour Horst Seehofer de la CSU, avait été celle abolissant l’autonomie dans une certaine autogestion dont bénéficiaient les communautés locales des Grecs, y compris, sous la domination Ottomane. Nikos, mon ami Crétois joint par téléphone, me dit que “les politiciens très actuels devraient tout simplement être pendus sur la place publique.”

Nous honorons nos marins de jadis. Péloponnèse, octobre 2018
Olives ramassées. Péloponnèse, octobre 2018
Café italien… Péloponnèse, octobre 2018
Oliviers. Péloponnèse, octobre 2018

Décidément, au pays des agrumes, les oranges sont de plus en plus amères. La gauche Syrizíste… accouplée aux autres arrivistes des Grecs Indépendants, le parti de Kamménos, et aux PASÓKiens réellement existants, a alors accouché du pire monstre politique depuis je dirais la période de la xénocratie bavaroise (c’est-à-dire le gouvernement des étrangers). Affairistes, cyniques, menteurs et pour tout dire criminels, ils font triompher l’ordre métapolitique de l’oligarchie financière et visiblement prédatrice de l’ultime planète. Au pays des symboles et des remparts surannés, nous entrerions on dirait parfois volontiers dans la mer… comme pour toujours

Nouvel automne au vieux pays. Nous honorons nos marins de jadis, nous ramassons nos olives de toujours, nous buvons du café italien, et quant au blog Greek Crisis, c’est toujours sa case survie, pourtant, sous le regard attentif et bien courageux de Mimi comme du jeune Hermès, dit parfois le Trismégiste. C’est bien connu, la seule météo ne suffit plus pour faire, et encore moins pour défaire un pays.

Mimi et Hermès. ‘Greek Crisis’, octobre 2018
* Photo de couverture: Dans l’eau. Péloponnèse, octobre 2018

Grèce : pour les droits des réfugiéEs

Grèce : pour les droits des réfugiéEs ! par A. Sartzekis

Si le nombre d’arrivées en Grèce était, depuis 2015, en très forte baisse du fait de l’accord scandaleux entre Turquie et UE (2015 : 857 000, 2016 :173 000, 2017 : 30 000), il remonte cette année (passages par le fleuve Evros : 5500 en 2017, 12 000 en septembre 2018), et les quelques efforts de Syriza pour rendre « moins pire » la situation ne pèsent presque rien face aux terrifiants problèmes rencontrés par les réfugiéEs, quel que soit leur « statut ».

Dans les « hotspots »

Installés dans des îles face à la Turquie, ils recueillent les réfugiés non stoppés par la Turquie … ou pas noyés en chemin, et leur fonction est de vérifier qui relève du droit d’asile ou pas. Leur capacité d’accueil globale est de moins de 6000 places, mais ils « accueillent » 17 000 réfugiéEs, dans des conditions effrayantes, avec comme cas le plus connu le camp de Moria à Mytilène, mais rien à envier ailleurs, comme à Samos ou à Chios. Moria est tristement célèbre : « le pire camp de réfugiés au monde » selon la BBC. Un officier britannique a révélé la philosophie de ce camp prévu pour 3000 personnes mais habité par 9000 réfugiéEs : maintenir à un faible niveau les conditions de survie, de façon à décourager l’immigration en Grèce… Différents témoignages, dont rend compte le quotidien Efimerida ton Syntakton (et Mediapart en France), montrent l’horreur, qui ont mené le Conseil régional d’Égée Nord à exiger la fermeture si rien ne change : insalubrité totale, files d’attente interminables pour manger, personnel en nombre insuffisant. Conséquences : des violences diverses, dont des agressions sexuelles. Une révolte des réfugiéEs avait récemment abouti à l’occupation d’une place de Mytilène (comme les occupations sous les précédents gouvernements), mais les fascistes avaient exploité la situation. Ultra minoritaires, ils ont néanmoins réussi à créer un climat tel qu’une attaque raciste à grande échelle eu lieu. Depuis, ils sévissent, diffusant des fake news pour créer des « groupes de protection », ou tentant de terroriser les journalistes.

Pour ces camps, la volonté affichée du ministre Vitsas se borne à tenter de les « désengorger » mais cela est quasi vain, étant donné le manque de places sur la continent et les arrivées en hausse.

À « l’intérieur » du pays

Après recensement, les réfugiéEs peuvent être transférés dans des « centres d’hospitalité », qui offrent le gîte et le couvert, souvent pas plus. La situation est différente selon que ces centres sont dans les villes ou en dehors. Car là, les conditions sont souvent proches de celles des îles : ainsi à Malakassa, à 50 km d’Athènes, le camp est isolé, exposé à un dur climat (fin août, de fortes pluies ont détruit les maigres effets des réfugiéEs), ce qui aboutit à de fortes tensions. Fin septembre, un affrontement entre SyrienEs et AfghanEs a fait 1 mort et 8 blessés.

Et il y a bien d’autres réfugiéEs hors de ces centres. CertainEs ont pu commencer à s’installer, à trouver du travail. CertainEs ont pu trouver un gîte grâce à l’aide du mouvement antiraciste, avec occupations de lieux, les plus remarquables étant celles de l’hôtel City Plazza et du 26 Notara à Athènes, avec prise en charge collective. Mais de nombreux réfugiéEs sont laissés à leur triste sort, ce qui les amène à des vols ou des trafics, renforçant des attitudes racistes ou créant des tensions même dans des quartiers ouverts comme celui d’Exarcheia.

Le mouvement antiraciste au premier plan

Comme le disait récemment, dans le journal de NAR (composante principale d’Antarsya), la journaliste Anthi Pazianou, agressée par les racistes à Mytilène, il semble que l’objectif de l’UE et de Syriza soit de limiter et de contrôler au maximum la présence de ces « gêneurs » que sont les réfugiéEs. On peut dès lors parler de complicité passive du gouvernement face aux exactions diverses : surexploitation et chantage violent contre les travailleurEs réfugiés, comme à Mykonos récemment, passivité voire complicité de la police, campagnes racistes contre la présence d’enfants réfugiés à l’école… L’attribution de la nationalité grecque à un pêcheur égyptien qui a sauvé cet été des victimes de l’incendie de Mati ne remet aucunement en cette attitude générale.

Face au poison raciste des nazis comme de la droite, qui se pare en plus d’un vernis démagogique, le mouvement antiraciste, qui agit dans tout le pays, a des tâches cruciales : des batailles locales, comme le droit à l’école pour touTEs, contre les agressions racistes.

Mais des campagnes nationales unitaires et prolongées sont désormais plus que jamais nécessaires :

contre la soumission à l’Europe forteresse, pour l’installation décente et durable des réfugiéEs, contre Chryssi Avgi (AUbe Dorée), contre le poison et les agressions racistes sous toutes ses formes. C’est un fait important que la semaine passée, après le lynchage d’un militant LGBT, présenté d’abord comme voleur immigré, par 2 hommes dont un cadre d’extrême droite, les manifestations aient rassemblé le mouvement LGBT, la gauche anticapitaliste, des militantEs Syriza, et le mouvement antifasciste et antiraciste.

À Athènes, A. Sartzekis

Source https://npa2009.org/actualite/international/grece-pour-les-droits-des-refugiees

Mise en examen d’un chef de parti en Grèce

La mise en examen de Panayiotis Lafazanis est une sinistre première pour la 2e république hellénique, du jamais vu depuis la dictature des colonels 

Un long réquisitoire à charge invoquant une bonne partie du Code Pénal grec.

Le secrétaire d’Unité Populaire (LaE) a déclaré: « L’intimidation et les poursuites vindicatives qui ciblent ma personne ne passeront pas comme ça! »

« C’est avec un sentiment de dégoût et de honte pour la déchéance de mon pays, que j’ai aujourd’hui réceptionné la convocation de déférer devant  la Direction de la Sécurité de la région d’Attique, plus précisément, prenez bien note, devant le « Département de la protection de l’État et du régime Républicain », dans le cadre d’une enquête préliminaire ordonnée par le Procureur Général d’Athènes.

Cette convocation, en vue d’une mise en examen, concerne des accusations relatives à une bonne partie du Code Pénal grec, encore même à la législation qui concerne le port et usage d’arme et les pétards et feux d’artifice. Il s’agit en réalité de la criminalisation de mon action contre les ventes aux enchères, action pour la défense des résidences principales et des biens des foyers populaires.

Force est de constater qu’aujourd’hui en Grèce nous sommes face à un gouvernement qui brade le pays tout entier, au point de légiférer un transfert de propriété de sites archéologiques et monuments historiques au Fonds des biens publics à privatiser, organisme sous administration étrangère.

Nous sommes face à un gouvernement d’exécutants, incarnant la subordination totale et la colonisation du pays, un gouvernement devenu un pion entre les mains de centres impérialistes sans scrupules.

Un gouvernement qui, en substance, abolit la Démocratie et gouverne en s’appuyant sur les forces de police anti-émeute et l’usage des gaz chimiques contre les manifestants.

C’est bien le gouvernement de la paupérisation généralisée, s’appuyant essentiellement sur le consensus des partis politiques de l’establishment oligarchique, qui semble avoir désormais fait le choix d’inaugurer une nouvelle ère de répression politique sans nuances ni prétextes, répression vindicative en ce qui concerne ma personne, afin de faire céder la résistance, le moral et la dynamique ascendante de ces mouvements et forces politiques qui ne se soumettent pas, ne baissent pas la tête, ne se laissent pas abattre, ne se découragent pas et ne désarment pas suite à la désillusion, mais qui au contraire, continuent à brandir les drapeaux de la Gauche, celle que le gouvernement a trahie mais qui reste cependant toujours vivante en animant le grand projet toujours d’actualité d’une société d’humanité et de liberté.

C’est bien la première fois que je subis des poursuites judiciaires depuis l’époque de répression politique subie de la part de la junte militaire du colonel Papadopoulos, puis du général de brigade Ioannidis. Ce n’est pas pour moi une tragédie, mais c’en est une pour mon pays, car je suis le premier responsable de parti politique démocratique de la période post-dictature, qui est convoqué pour répondre à des accusations clairement politiques mettant en jeu une bonne partie du Code Pénal grec. Elles m’ont été adressées, et j’y trouve de l’ironie, par le dit « Département de la Défense de la Sécurité de l’État et de Protection du Régime Républicain ».

Il est bien connu que de telles pratiques sont aujourd’hui appliquées en Turquie voisine. Je les combats personnellement lorsqu’elles ont lieu là-bas, non seulement en les dénonçant depuis Athènes mais en me rendant encore sur place, à Ankara et à Istanbul.

Le gouvernement, et l’ensemble de l’establishment qui soutiennent la politique des mémorandums, ne sont pas seulement dérangés par ma position politique et la lutte d’Unité Populaire pour la défense des résidences principales contre des mises aux enchères injustes, arbitraires et non démocratiques. Ils ne sont pas dérangés seulement par nos luttes contre les débranchements des compteurs d’électricité des foyers modestes prévus de s’intensifier dans les mois à venir, au point d’en devenir un cauchemar pour la société.

Ils ne sont pas même dérangés seulement par notre résistance politique et sociale en faveur de salaires et retraites décents, des conquis salariaux et des droits sociaux.

Le gouvernement et tout l’establishment qui imposent les mémorandums ou qui en profitent, sont essentiellement dérangés par la dynamique ascendante d’Unité Populaire, qu’ils tentent vainement de dissimuler par leurs faux sondages,  dérangés par le fait que cette dynamique pourrait modifier la carte politique dans un futur proche, et envoyer aux poubelles toute cette partie de la Grèce qui porte la décadence, la corruption, l’escroquerie politique, la collusion d’intérêts, l’appropriation frauduleuse des biens d’autrui et la servitude volontaire aux puissances étrangères.

La répression exercée envers ma personne n’a pas le but de m’intimider. Mes anciens camarades, haineux et vindicatifs, de la direction de SYRIZA et du gouvernement, me connaissent assez pour savoir que cela ne passera pas comme ça.

La persécution envers ma personne ainsi qu’envers les trois militants qui comparaissent mardi (09/10) au Palais de Justice d’Athènes suite à leur résistance aux enchères, les 20 militants réprimés pour la même raison à Volos, les 15 poursuivis à Nafplio, les 2 de Thessalonique , a pour but de réprimer tout un mouvement,  qui s’étend et marque bien l’étape traversée aujourd’hui par la Grèce, un mouvement qui effraie et menace certains, qui est efficace et enregistre des victoires.

Nous assurons les faussaires politiques, les vindicatifs haineux et les fous du pouvoir, qui aspirent à rivaliser dans les persécutions les pires moments d’intolérance qu’a connus notre pays au cours de la période après la guerre civile, qu’ils n’arriveront à intimider personne et que leurs sinistres desseins anti-démocratiques tomberont à l’eau.

Les jours de leur pouvoir non démocratique sont comptés, car la Grèce fera l’expérience d’un nouveau printemps et d’un nouvel espoir, en laminant les forces destructives qui portent aujourd’hui les mémorandums et l’austérité.»

Déclaration de Maître Sarantos Theodoropoulos conseil juridique de Panayiotis Lafazanis

Avec une profonde tristesse et un étonnement sincère, j’ai pris connaissance de la situation tragi-comique, de la convocation devant la Sécurité de l’État d’un dirigeant politique pour y répondre de ses activités politiques, situation jamais vue depuis l’époque du ministère aux Affaires Intérieures grecques du général de brigade des blindés Stylianos Pattakos.

Par des manipulations, que même le régime Erdogan aurait enviées, l’opposition aux mises aux enchères est présentée pour rébellion, trouble de l’ordre public et de la paix domestique, dégradations simples ou aggravées des biens d’autrui, insulte, violence physique simples ou potentiellement dangereuse, notamment contre des agents de police. L’esprit retors de ceux qui ont forgé le réquisitoire insensé n’a pas omis d’y rajouter des infractions à la loi sur les armes et munitions et encore à la loi sur les pétards et feux d’artifice.

Heureusement les 7 mars, 21 mars et 28 mars 2018, les caméras des journalistes ont immortalisé l’orgie de répression asphyxiante exercée contre le mouvement populaire, et l’opinion publique a son propre avis sur les accusations abusives contre Panayiotis Lafazanis, uniquement motivées par le désir de vengeance de certains face à la cohérence de son parcours politique.

Je tiens à rappeler la seule convocation pénale d’un ridicule comparable à celle-ci, conservée dans ma mémoire, une convocation de police, adressée au syndicaliste Diamantis Mavridoglou pour avoir lâché en famille un cerf-volant le mardi gras, selon la coutume, en contre-bas d’une montagne dans la région d’Attique, en 1960.

Je soutiendrai de toutes mes forces Panayiotis Lafazanis dans ses luttes. Dans notre pays, les jours du général de brigade Pattakos sont définitivement du passé et les jours d’Erdogan ne doivent jamais advenir.

LE DOCUMENT D’ACCUSATION ADRESSÉ À PANAYIOTIS LAFAZANIS

Toutes les charges contre Panayiotis Lafazanis et les peines encourues

Nous énumérons ci-dessous les charges portées contre Panayiotis Lafazanis, et les seize (16) articles du Code Pénal qui  auraient été enfreints selon le réquisitoire d’accusation, lui faisant encourir, par cumul des peines, neuf ans d’emprisonnement !

  • Rébellion à l’autorité (article 167 du Code Pénal grec, un an d’emprisonnement)
  • Violences simples (article 308 du CP grec, peine de 6 mois de prison ou amende de 3 000 €)
  • Violences pouvant entrainer des lésions dangereuses  (article 309 du CP grec, 3 mois d’emprisonnement)
  • Violences contre agents de police (article 315- A du CP grec, circonstance aggravante)
  • Trouble de la paix domestique (article 334-3 du CP grec, 6 mois d’emprisonnement)
  • Dégradations simples des biens d’autrui (peine d’emprisonnement maximale de 2 ans)
  • Dégradations graves (article 382 CP, 6 mois d’emprisonnement minimal)
  • Insulte (article 361 du CP grec, jusqu’à un an d’emprisonnement)
  • Menaces (article 333 CP, jusqu’à un an d’emprisonnement)
  • Récidive d’un crime ou délit (article 98 CP)
  • Sur le cumul des peines (article 94 CP)
  • Complicité à un crime ou délit (article 45 CP)
  • Trouble de l’ordre public (article 189 CP, jusqu’à un an d’emprisonnement)
  • Tentative de commettre un crime ou délit (article 42 CP)
  • Infraction à la  loi 2168/93 sur les armes et munitions (de 6 mois à 5 ans d’emprisonnement)
  • Infraction à la  loi  456/76  sur les pétards et feux d’artifice (de 6 mois à 2 ans d’emprisonnement)

Source : Iskra.gr

Traduction E. Kosadinos

A la mémoire de Zak Kostopoulos

Comme une prière : à la mémoire de Zak Kostopoulos par

Zac Zackie est mort assassiné le 21 Septembre à Athènes.

Au début, le jeune homme sur les images n’a pas de nom. Nous le regardons mourir avant de savoir qui il est. C’est n’importe qui. Ce n’est personne. La scène a été capturée par une caméra ou un portable en surplomb, à quelques mètres de la scène, et les images sont de mauvaise qualité.

Puis, au bout de quelques heures, la silhouette que deux hommes frappent en plein jour dans le centre d’Athènes acquiert un nom.

Nous recevons la nouvelle en plein cœur : le jeune homme à terre n’est autre que Zak, collègue, ami d’enfance ou simple voisin, amant ou être cher, performer et reine des drag shows athéniens sous le nom de Zackie Oh !, militant des droits de la communauté LGBTQI et séropositif — un des seuls à parler publiquement, en Grèce, de son statut sérologique.

Les images de l’assassinat deviennent rétrospectivement intolérables, comme si on ne réalisait qu’alors que quelqu’un est mort pour de vrai.

Vendredi 21 septembre, je lis en fin d’après-midi sur mon fil d’actualité qu’un braqueur a été passé à tabac dans le quartier d’Omónoia par le propriétaire d’une bijouterie. Je ne me rappelle plus ce que j’ai à faire à ce moment précis mais je rabats l’écran. Je finis par regarder la vidéo dans la nuit — les images sont floues, on ne peut pas reconnaître le visage. Le titre de l’article qui accompagne le film mentionne invariablement, quel que soit le média, la tentative de vol à main armée qui aurait précédé la scène.

Un jeune homme assez grand titube derrière la vitrine d’une joaillerie et peine à soulever l’extincteur avec lequel il a visiblement l’intention de fracasser la porte vitrée pour sortir. Il est bizarrement seul à l’intérieur du magasin. Il tangue comme un ours pris au piège dans une cage de verre. L’extincteur qu’il balance à bout de bras donne l’impression de l’attirer vers le sol. De l’extérieur, deux types déchaînés et visiblement plus âgés, dont l’un en chemise rose, l’apostrophent et balancent dans sa direction des projectiles au travers des vitres. On entend faiblement des cris et les réactions horrifiées d’une femme. On apprendra que les projectiles sont des pierres et un cendrier, que l’homme en rose est le propriétaire du lieu, que le deuxième est un agent immobilier qui fait partie des cadres d’une formation d’extrême-droite, le Front Patriotique.

À l’intérieur du magasin, le jeune homme finit par lâcher l’extincteur après avoir été atteint par un objet ou une pierre, se couche et s’engage en rampant à l’intérieur de la vitrine, sous le présentoir, comme s’il tentait de s’extraire d’un cauchemar ou de se blottir dans un endroit plus sûr. Les deux hommes fracassent la vitrine à coups de pied et l’atteignent à la tête. Le jeune homme se traîne sur les éclats de verre jusqu’au trottoir. On distingue de dos les silhouettes de badauds qui assistent à la scène. Un homme en chemisette jaune, à l’arrière-plan, discute au téléphone. Deux hommes s’interposent après que le bijoutier ait shooté comme dans un ballon dans la tête du jeune homme. La vidéo s’arrête là.

Vers 18 heures, samedi, un ami poste la photo de Zak accompagnée de l’acronyme employé par la plupart des utilisateurs de Facebook pour saluer la mort d’une célébrité, R.I.P. Je ne parviens pas tout de suite à faire le lien, à comprendre que Zak et le jeune homme tué rue Gládstonos sont une seule et même personne.

Sur la deuxième vidéo, prise depuis un balcon ou une fenêtre, Zak se relève quelques minutes après avoir subi l’attaque. Il a le crâne bandé et semble avoir du mal à s’orienter. Il reçoit un coup de pied au bas du dos, s’éloigne en titubant, un morceau de verre à la main, trébuche contre les tables d’un café, s’affale de tout son long avant que les agents se précipitent sur lui. La troisième vidéo, publiée quelques jours plus tard, est plus insupportable encore car elle montre Zak en train de mourir, couché face contre le trottoir, en sang. Son visage est bleu, huit policiers s’acharnent sur son corps inerte, lui passent des menottes dans le dos — il est probable que ce sont les gestes qu’ils font pour lui lier les mains qui provoquent ou précipitent à cet instant sa mort par étouffement.

Les témoignages recueillis rapportent que l’ambulance emporte son corps sans enclencher de sirène, qu’il est donc sans doute déjà mort lorsque le véhicule démarre. Il est mort dans tous les cas à son arrivée à l’hôpital, et toujours menotté. Les infirmiers présents sur place le prennent, diront-ils, « pour un Africain » à cause de la teinte de sa peau. La vidéo est insupportable parce qu’on y reconnaît parfaitement son visage et que ceux qui s’acharnent sur lui sont ceux qui auraient dû lui porter secours.

On ignore encore qu’il est entré dans la bijouterie pour y trouver refuge. On a tendance à croire l’hypothèse du larcin, beaucoup moins celle du braquage, non seulement parce qu’aucune arme n’apparaît dans ses mains — sauf à considérer comme une arme le bout de verre qu’il saisit au tout dernier moment dans une tentative désespérée de fuite —, mais parce qu’il avait toute forme de violence en horreur. Vol ou pas, les images sont celles d’un homme en situation de très grande faiblesse et il n’est pas possible d’attendre qu’il soit lavé de tous soupçons pour dire que sa mort est infâme.

Aucune des vidéos publiées ne permet d’estimer le nombre de badauds qui assistent au lynchage mais les témoignages qui commencent à paraître parlent d’une foule de plus de cinquante personnes, certaines filmant la scène sur leurs portables.

Dans les minutes puis les heures qui suivent, les policiers, au lieu d’isoler les lieux, laissent le propriétaire y faire le ménage. Le bijoutier est photographié face à la vitrine éclairée, balayant les éclats comme un travailleur consciencieux à la fin de sa journée de travail. Il paraît étrangement calme et n’a pas changé de vêtements. Il porte toujours la même chemise rose. Après le départ de l’ambulance, il a donné une interview à une chaîne de télévision privée dans laquelle il explique avoir agi sous le coup de l’exaspération, pour défendre son bien. Sa version est relayée par la quasi-totalité des médias. Une présentatrice en vue invitera bientôt les téléspectateurs à dire s’ils comprennent « la réaction du bijoutier » face à « un homme armé d’un couteau ». Une chaîne liée à une personnalité d’extrême-droite leur soumet la question suivante : « Êtes-vous favorables à ce qu’un braqueur homosexuel et séropositif soit considéré comme un héros ? » Un troisième « sondage » entend établir dans quelle proportion les Grecs considèrent les étrangers et les homosexuels comme des « voisins indésirables ». Selon un mécanisme bien rôdé, la victime se retrouve immédiatement sur le banc des accusés. Un ou deux jours plus tard, l’homme en rose revient sur ses premières déclarations, reconnaît qu’aucune attaque à main armée n’a eu lieu, mais le mensonge initial a produit son effet : plus de dix jours après les faits, beaucoup continuent de croire que le propriétaire a agi en état de légitime défense, s’est fait « justice tout seul » et a voulu « protéger son affaire » — la société grecque est en grande part constituée de petits propriétaires.

La « négligence » policière trouve une explication assez simple : les toxicos ou les immigrés passés à tabac et évacués par les premiers secours à la suite de ce type de violences sont en général des anonymes ; personne ou presque ne s’enquiert d’eux, ne cherche à avoir de leurs nouvelles ou ne vient réclamer leur corps. Le représentant de l’Union des employés de police a raison : les policiers ont agi comme ils le font toujours face aux plus vulnérables — sans se douter que la victime avait cette fois des centaines d’ami.e.s et des milliers de followers.

Le rapport d’autopsie affirme que le corps de Zak ne porte aucune lésion susceptible d’avoir entraîné sa mort, que les causes de son décès sont à première vue « indéfinissables » ou « indiscernables », « αδιευκρίνιστα ». L’adjectif suscite la stupeur. On apprend qu’il faudra attendre les résultats des analyses histologiques et toxicologiques, qui ne seront rendus publics que dans un mois, mais aussi que deux des médecins légistes ont eu dans un passé récent partie liée avec la formation néo-nazie Aube Dorée. Face à l’incrédulité, l’un d’eux s’efforce de minorer les conclusions du rapport.

Plusieurs professionnels de santé dénoncent le silence du Service d’aide médicale d’urgence, remettent en cause le comportement des brancardiers arrivés sur les lieux avant la mort de Zak et qui ont accepté de transporter son corps menotté. Le syndicat des médecins hospitaliers parle d’outrage au mort. L’attitude des huit policiers est en revanche défendue par leur représentant syndical (« telles sont nos pratiques, que ça vous plaise ou non »), qui profite d’une intervention télévisée pour envoyer un message de défi à peine voilé au gouvernement grec. Son attitude et sa rhétorique remettent immanquablement au goût du jour le vieux terme de « παρακράτος » qui désigne les forces d’extrême-droite agissant au cœur de l’État, de la police et de la Justice : « État profond », « État dans l’État », « forces paraétatiques ». Ce responsable instrumentalise de surcroît la « peur du sida » en suggérant que les policiers auraient autant que possible évité de toucher Zak, l’auraient déplacé du pied pour éviter d’être contaminés et de contaminer par la suite « leurs enfants ».

La version initialement défendue par la presse évoque un mur rongé d’humidité, un papier peint qui ne tient pas et dont les bandes se détachent et tombent au sol les unes après les autres.

De plus en plus de témoignages, à rebours de la thèse du hold-up, du larcin, du « coup de folie » ou de l’agressivité dont Zak aurait fait preuve, évoquent une altercation ou une attaque ayant eu lieu avant. Une employée travaillant pour la boulangerie-café située à l’angle de la rue rapporte que Zak était quelques minutes plus tôt en état de panique, qu’il criait, que deux ou trois personnes l’entouraient, s’efforçant peut-être de le rassurer, que l’une d’entre elles serait entrée dans son établissement pour lui rapporter une bouteille d’eau — lorsqu’elle est ressortie, Zak était déjà piégé à l’intérieur de la bijouterie. Avec qui parlait-il ? Pourquoi celui qui s’est proposé de lui porter de l’eau a-t-il disparu ? Les fils de discussion prennent parfois la tournure d’une enquête à plusieurs comme si, face à l’incurie policière, la recherche de la vérité avait été prise en mains par les médias sociaux. C. note qu’une des choses les plus insupportables est de penser qu’on ne saura peut-être jamais.

E., qui défend les droits de personnes incarcérées, repasse les vidéos en boucle et finit par remarquer un détail qu’elle isole sur une capture d’écran : l’intérieur de la porte vitrée comportait déjà des traces de sang avant la ruée du bijoutier et de l’agent immobilier ; Zak saignait peut-être déjà lorsqu’il est entré dans la boutique.

Après l’avoir frappé, l’agent immobilier quitte les lieux et prend le temps d’écrire un tweet dans lequel il affirme que Zak se serait suicidé avec le morceau de verre qu’il tenait à la main.

Une foule de questions nous obsèdent. Pourquoi Zak s’est-il réfugié dans cette bijouterie ? Était-il poursuivi ? Un épisode de bullying a-t-il précédé le passage à tabac ? Pourquoi la vitrine de la bijouterie était-elle faite de vitres normales et pas, comme la plupart des boutiques de ce genre, de doubles vitraux incassables ? Est-il vrai que la boutique ne disposait, comme le prétend son propriétaire, d’aucune caméra de sécurité et que les bijouteries de ce quartier sont des lieux de fourgue où les toxicomanes viennent régulièrement déposer des objets volés contre une somme dérisoire ? Pourquoi les nombreux témoins se taisent-ils ? Pourquoi le gouvernement et l’autorité de tutelle des policiers, le « ministère de la protection du citoyen », demeurent-ils silencieux ?

La deuxième vidéo permet de distinguer le couteau que tient derrière lui, à main nue, un des flics qui entourent son corps comme s’il s’apprêtait à le disposer sur la scène du crime. On sait aujourd’hui que ce couteau ne porte pas les empreintes digitales de Zak. La plupart des pièces qui devraient figurer au dossier sont manquantes, aucune photographie des lieux n’a été prise et aucun prélèvement n’y a été effectué après les faits, les services de police refusent ostensiblement d’exécuter les ordres du juge d’instruction, les vidéos de sécurité des boutiques alentour n’ont pas encore été saisies. On se demande si l’intention du policier n’était pas de déposer le couteau dans la flaque de sang qui couvrait cette partie de l’asphalte de façon que l’arme comporte un échantillon d’ADN facilement identifiable.

Quelques jours après l’enterrement, la famille de Zak, ses parents, son frère, plusieurs de ses ami.e.s lancent dans la presse des appels à témoins.

Au moment où j’écris ces lignes (4 octobre), une nouvelle vidéo prise depuis la boulangerie faisant face à la bijouterie montre Zak, quelques minutes avant sa mort, faisant irruption sur le trottoir de la rue Gládstonos et demandant de l’aide à des passants. Il s’apprête à entrer dans la boulangerie mais un homme en chemisette jaune lui barre le passage ; Zak se détourne et se dirige vers la bijouterie. Depuis la fenêtre d’un bureau, une femme l’a aperçu, quelques secondes plus tôt, criant « à l’aide » à l’angle de la rue Patissíon, s’approcher de deux jeunes femmes pour leur demander secours puis s’engouffrer, après le départ précipité de celles-ci, dans la rue où il sera tué quelques instants plus tard.

Zak est aussi Zackie, ou Zackie Oh !, et a un drag show hebdomadaire dans une petite boîte athénienne.

Zak porte aussi un nom de femme, connaît sa peur et redoute plus que tout ceux qui ne la connaissent pas.

Zak est un activiste qui défend les droits des séropositifs et de la communauté LGBTQI. Sur les médias sociaux ou dans la revue Antivirus, des centaines de jeunes lisent ses textes, toujours drôles, dans lesquels il a l’habitude de se moquer de lui-même.

Zak est un artiste queer qui a joué au KET, notre espace, et que je croise parfois rue Kýprou, car nous habitons le même quartier. Un jeune homme aux yeux lumineux, aux cheveux courts et bouclés et aux longs cils qui promène son chien le jour où je le présente à ma fille de cinq ans — Elèni lève les yeux vers lui puis regarde le chien et sourit. Je l’aperçois, un autre jour, qui descend la rue en dansant, des écouteurs sur les oreilles, lui fais signe ; sans m’entendre, il continue à descendre la rue d’un pas léger, les paupières baissées, en dansant pour lui seul.

Une amie se souvient de la mobilisation qui a permis de retrouver son chien, Snoopys, une boule de poils blancs, il y a quelques mois. Après l’assassinat, Snoopys est confié à son frère, qui possède lui aussi un chien. Snoopys reprend peu à peu du poil de la bête — les premiers jours, écrit M., il ne mangeait pas et paraissait totalement perdu.

Dans un reportage récent, on voit Zak traverser notre quartier, qui compte sans doute le plus grand nombre d’immigrés d’Athènes, et confier qu’il n’a jamais été agressé par des étrangers, « toujours par des Grecs », mais qu’il s’en est heureusement toujours tiré à bon compte — « parce que je cours vite », dit-il en souriant après un silence, « et parce que je peux pousser des cris très stridents quand j’ai peur. »

Il y a de la gourmandise dans son sourire et de la peur dans ses yeux — une trace instinctive de la peur qui lui reste des innombrables fois où il s’est fait moquer, houspiller, menacer, insulter dans la rue — la peur que cela dérape, que les choses aillent brusquement trop loin.

Il sait parfaitement où il est, dans quel monde et quelle société il vit, les réactions que peut entraîner la simple présence d’un garçon manifestement gay et, bien pire, d’un homme perruqué et habillé en femme, même de la part de très jeunes : lors d’une interview qui est réalisée sur la promenade de Phokíonos, il est interrompu par une bande de gamins qui l’apostrophent et finissent par exiger de lui qu’il leur dise s’il est un homme ou une femme. La caméra filme ses yeux. Pendant que les garçons le houspillent, Zak reste silencieux et allume une cigarette. La lassitude et la douleur affleurent, même — surtout — face à des gamins. Une petite fille prend son parti, se détache du groupe de garçons qui s’éloignent et entame la conversation. Zak retrouve peu à peu son calme et recommence à respirer en discutant avec la petite fille.

Dans un autre reportage, on le voit passer progressivement de Zak à Zackie, se maquiller devant la glace, mettre sa perruque — celle qu’il portait lors du show qu’il a donné dans notre espace avec d’autres drag-queens lors du festival « Sound Acts » que nous avons accueilli en 2016.

Pendant la marche de mercredi dernier, D. brandit une de ses chaussures argentées comme un drapeau de ralliement. Nous marchons tou.te.s derrière la chaussure de Zackie Oh !, qui me fait penser au soulier perdu de Cendrillon.

Cendrillon et les vampires.

Sur une photo publiée sur Facebook, les chaussures de Zak (des baskets noires et blanches) et les chaussures de Zackie (des escarpins à talons hauts, argentés) sont délacées et déposées à l’entrée de son appartement de part et d’autre de la même chaise, en vis-à-vis, séparées par un vide, comme si elles discutaient de son absence.

Au moment où les brancardiers ont emporté son corps, une de ces baskets noires est restée au sol à côté de la flaque de sang. Quelques jours plus tard, on ne sait toujours pas pourquoi un des policiers la lui a ôté.

« Pas comme ça, pas maintenant » : les derniers mots de Ce que j’appelle oubli, que nous avions présenté il y a trois ans dans notre espace, en grec, me reviennent en mémoire, ces jours où nous découvrons ce qui s’est passé, strate par strate, une couche d’horreur après l’autre : « όχι έτσι, όχι τώρα ».

A. raconte à F. que lors de l’enterrement, qui a eu lieu à Itèa, les ami.e.s de la victime étaient en drag dans l’église de province où la cérémonie s’est tenue. Il raconte les paillettes dorées projetées dans l’air au-dessus du cercueil, le strass brillant sur les visages des grands-mères, les regards gênés.

C. dit : nous étions nous aussi, autrement, sa famille.

K. s’étonne de la naïveté de ceux et celles qui s’attendaient à ce que la famille respecte son athéisme, son refus des usages orthodoxes — la famille a toujours en Grèce le dernier mot et l’Église parvient presque toujours à récupérer les corps. J. fait ressurgir un texte dans lequel Zak évoque l’enterrement religieux d’un ami, qui aurait voulu être incinéré et n’aurait jamais accepté d’être enterré par les popes. F. est certain que Zak aurait aimé porter pour l’occasion une robe de mariée. L’image des drag-queens entonnant Madonna sous la nef et saupoudrant le cercueil de paillettes nous console. La communauté queer cherche et trouve sa façon à elle de lui faire ses adieux.

Les gens s’enlacent en se retrouvant devant le bâtiment 9 du tribunal d’Athènes ou sur la place Omónoia, avant le départ de la marche. Le long de l’avenue Stadíou, plusieurs avancent en silence, en pleurant ou en se tenant enlacés — un genre de procession funéraire et politique, entre rires et larmes.

Sur le sol de la rue Gládstonos, près d’une bouche à égout, des bougies allumées et des fleurs marquent l’endroit où il s’est effondré après qu’un membre des services d’urgence lui ait bandé la tête, qu’il se soit relevé et ait fait quelques pas en titubant avant de s’étaler
contre les tables. (Hier, lors de la marche du 2 octobre, ces tables de plastique blanc étaient toujours là, les cafés ouverts.)

Sur le rideau de la bijouterie à présent abaissé, T. L. a scotché un texte à sa mémoire : « Ils ont peur de nous et nous tuent / peur du ciel que nous regardons / peur du muret / où nous nous appuyons / peur des paroles que nous prononçons / tous les deux, à voix basse, / peur des paroles que nous prononcerons demain tou.te.s ensemble / peur de nous, Zak, mon amour ; / et s’ils nous tuent / ils nous craignent encore plus / morts. » Odyssèas publie un poème écrit pour lui un an auparavant : « Je suis tout ce que vous redoutez / tout ce que vous combattez / (…) tout ce dont vous avez peur / de tomber amoureux. »

Le sens premier des initiales R.I.P., Rest In Peace, se modifie. Dans son texte sur l’enterrement, F. dit : Rest In Power. L. emploie l’expression Rest In Pride. C’est peut-être l’expression qui lui va le mieux. Le mot power résonne à propos de lui comme dans ce passage d’Une Saison en Enfer  : « Faiblesse ou force : te voilà, c’est la force. » La force de Zak vient de sa fragilité, une fragilité qu’il assume si fort qu’elle est perçue comme une menace par ces « gens normaux » dont la normalité apparaît maintenant sous un jour monstrueux. Il est fort, il est faible, il est lui-même, multiple, il ne fait pas semblant.

Les journalistes l’appellent à présent « la victime ». Dèspina se souvient de lui embrassant un garçon lors d’un happening en faveur de la reconnaissance des couples homosexuels ; sur la photographie, Zak enlace son partenaire d’une main et tient de l’autre l’extrémité d’une pancarte sur laquelle est écrit : « La provocation c’est l’homophobie, pas les baisers. » À la droite de l’image, un couple de jeunes femmes s’embrasse en prenant la même pose, forcément théâtrale, tout en tenant l’autre extrémité du panneau. « Faisons attention les unes aux autres », dit H. À table, ma fille me jette un regard en coin mais semble se retenir de me demander pourquoi j’ai soudain les larmes aux yeux. Je me plonge dans la lecture des posts, sur Twitter ou Facebook. J’ai le sentiment que nous sommes revenus au tout début du cycle, à cette année 2008 marquée par des incendies criminels puis par l’assassinat d’A., jeune anarchiste de 15 ans, que les épisodes de violence nue qui ont marqué le début de la crise recommencent, mais la répétition du même a quelque chose de plus tragique, de plus désespéré qu’à l’époque. L. nous enjoint de parler de Zak : « Parlez de Zak, n’arrêtez pas de parler, parlez de la danse et des larmes que vous avez partagées, parlez de ses beaux cheveux, de sa taille, de son amour pour Madonna, parlez de Zak jusqu’à ce que votre langue se dessèche, parlez sans cesse, avec des murmures ou des cris, parlez du Zak que nous connaissons, parlez de la société grecque qui a assassiné Zak, parlez de ses assassins, parlez. » G. ne parvient pas à parler de lui au passé et écrit en utilisant les deux temps, il est, il était, comme s’il se refusait encore à faire la coupure, comme si la mort était un exil dans le temps. L’exil d’un(e) seul(e). G., encore, écrit qu’il vient de passer deux jours les yeux au plafond, à pleurer. Il est dévasté, comme tou.te.s les ami.e.s de la communauté queer, mais fait pourtant partie de celles et ceux qui organisent la première marche, une manifestation qui se termine à Omónoia sur le Like a prayer de Madonna — je ne me doutais pas qu’on pouvait chanter Madonna en dressant le poing au ciel.

Pour certains anarchistes présents lors de l’AG qui suit cette première marche, les membres de la communauté LGBTQI sont des sujets « apolitiques ». Certains — les plus virils et les plus forts en gueule, les plus cons mais ceux, aussi, qui savent monopoliser la parole et imposer le silence aux autres — se proposent de leur donner des cours de marxisme, de catéchisme révolutionnaire. G. arrache brusquement son bonnet et découvre son crâne avant de déclarer, debout face à l’amphithéâtre, que les travestis, les gays, les lesbiennes, les trans vivent l’anarchie au jour le jour, en Grèce. L’assemblée coule à pic, la rencontre entre les deux mondes se résume presque à une fin de non-recevoir. Le slogan opposé aux gamins qui voulaient défoncer sur le passage du cortège quelques distributeurs automatiques — dehors, les machos — ne passe pas, le fait que certains anarchistes utilisent les termes de « putain », de « pédé » et de « tapioles » comme des insultes non plus. M. se souvient de ce moment où un jeune homme a accusé les trans de « faire du sentiment » — « comme si nous n’étions pas en deuil et comme si les sentiments n’étaient pas politiques ». « On ne change rien sans colère, sans larmes, sans rires, sans joie, sans humour, sans peur, ma chérie », rétorque F., une transsexuelle aux cheveux blonds assise sur l’estrade du bas, qui finit par tout envoyer bouler et crie sans respecter la procédure des tours de parole.

L. se souvient de la fouille au corps à laquelle elle a été soumise après avoir été dévêtue par une employée de police au septième étage de l’immeuble de GADA, le siège de la police d’Athènes, des « flics de bureaux », de la transphobie et du racisme qu’ils exsudaient par toutes leurs pores, du 6 décembre 2008, du 13 septembre 2013, de l’été 2012, « quand ils ont arrêté Tassos ».

K. poste une vidéo prise à Brooklyn montrant un gamin noir qui, après avoir absorbé du cannabis synthétique, cette drogue appelée aussi Spice, ou K2, et qui est réputée provoquer hallucinations, crises d’angoisse, épisodes psychotiques, est pris de spasmes ultra-violents qui le projettent au bas des marches d’un escalier puis le tournent et le retournent comme une crête sur le trottoir. Le gamin hurle, paraît être en train d’étouffer, se lève, ne contrôle plus ses jambes qu’il précipite contre le mur. Une femme ramasse et garde à la main son portefeuille tombé à terre puis s’esquive, trois hommes filment la scène sur leurs portables tout en apostrophant le jeune homme en détresse, un homme en costume l’évite, un autre lui presse la cheville pour l’immobiliser. Le gamin porte dans le dos un cartable d’écolier bleu ciel, son cartable lui aussi semble être pris de spasmes.

On pleure puis on a envie de vomir. La colère a sur les larmes et la nausée l’avantage de nous projeter en avant. La deuxième marche est reportée de samedi à mardi en raison du mauvais temps. Je passe les jours qui suivent dans l’attente du mardi comme si la manifestation était le seul lieu où déposer et partager la peine — les lectures et les débats sur les réseaux sociaux finissent par donner mal au crâne et laissent un goût amer de temps mort, d’heures et de minutes perdues. La mort de Zak a eu lieu il y a six jours, sept jours, huit jours ; nous nous éloignons chaque jour du jour où il est mort, ce jour qui aura été le dernier pour lui, mais pas pour nous, et semble un point qui s’amenuise sur l’océan. Nous l’abandonnons loin derrière comme sur une île déserte, nous continuons à avancer, le temps nous emporte, plus lui.

« Je suis terrifiée par le fascisme qui monte, écrit C., sa vitesse. » « Je suis terrifiée par la pensée que nous ne saurons peut-être jamais ce qui t’est arrivé. » « Je suis terrifiée à la pensée que nous nous étions promis de nous retrouver bientôt pour que tu me maquilles et que nous avons fini par nous retrouver à tes obsèques. » « Je suis terrifiée à l’idée que tu t’es retrouvé seul, entièrement seul face au démon que tu redoutais tant, la haine. » « Je suis terrifiée quand je pense, je n’arrête pas d’y penser, que tu as laissé échapper ton dernier souffle entouré d’assassins qui voyaient en toi quelqu’un de dangereux ; dangereux, toi !? » « Je suis terrifiée par leur haine mais me souviens que tu arrivais à convertir tout ce qui te terrorisait en motif d’action. Et je te promets que tes assassins seront condamnés. Je t’en donne ma parole, notre parole à tou.te.s. La société que tu voulais, c’est nous qui allons la construire, même si c’est la dernière des choses que nous ferons jamais. »

« Le fait que Zak soit probablement entré pour y chercher refuge dans le lieu qui devait le conduire à la mort est à lui seul une raison de pleurer jusqu’à la fin de ses jours », écrit V.

« Votre normalité pue le sang » dit un pochoir qui apparaît sur les murs de la ville au surlendemain de sa mort.

Sur la page d’un groupe d’entraide de la communauté LGBTQI, W. envoie un SOS : il recherche d’urgence un.e colocataire disposant de son propre espace jusqu’en septembre prochain, pas trop loin du métro. Son budget est de 150 euros par mois, tout compris, au moins jusqu’à ce qu’il trouve un second job. Il a fait des études supérieures dans le domaine de la pétrochimie et pense qu’il ne lui sera pas trop difficile de tenir un plateau et de servir des clients « pas forcément aimables ». L., qui se sent terriblement isolé et souffre de crises de panique depuis la mort de Zak, lui répond aussitôt.

La mort de Zak fait remonter à la surface toutes les peurs de la communauté LGBTQI, peurs qui atteignent pour certain.e.s un point de paroxysme insupportable, et toutes les haines de la société grecque. Les commentaires publiés en ligne sous les articles de presse, les posts Facebook ou les tweets sont quelquefois presque aussi violents que les images de l’assassinat. « Il frétille encore », remarque un lecteur en-dessous d’un article décrivant le lynchage. À la veille de la manifestation du 2, le parti Aube Dorée organise une manifestation en motos à travers la ville, une parade. Un homosexuel de 17 ans est pendu en Iran après avoir été accusé d’avoir eu une relation avec un jeune homme de son âge. Tara Fares, ex-Miss Irak et blogueuse influente, est abattue dans une rue de Bagdad.

S. publie une photo de Zak sur laquelle il porte un beau tee-shirt bleu avec les mots : « Protéger et survivre. »

« The Trick Is To Keep Breathing. » C’est un titre de chanson — la dernière chanson qu’il poste sur Twitter à la veille de sa mort. « Le truc, dit la chanson, c’est de continuer à respirer. »

Αρχή φόρμας

Dimitris Alexakis

Athènes, jeudi 4 octobre 2018

https://www.facebook.com/justice4ZakZackie/

Soutenons les VioMe : le collectif lance la commande groupée

Solidarité concrète avec les travailleurs
de l’usine VIOME occupée et autogérée
à Thessalonique en Grèce

Après que leur usine ait été mise en faillite et abandonnée par les employeurs, les salariés depuis maintenant 5 ans l’ont reprise en coopérative ouvrière.

Ils fabriquent des produits d’entretien ménager écologiques qu’ils distribuent de manière militante. Ils sont menacés d’expulsion par la justice grecque. Ils en appellent à la solidarité internationale.

Tout comme en 2016 et en 2017, afin de les soutenir, le collectif de Grenoble vous propose de passer une commande groupée de leurs produits.

Vous trouverez :

– le catalogue et les prix (TTC)  :  Catalogue et tarif VIOME 2019

– le bon de commande avec tous les renseignements utiles : Bon-de-commande-Viome-2018

Attention : la date limite de réception des commandes est fixée au vendredi 16 novembre 2018.

Contribuons par nos achats à soutenir cette lutte exemplaire !

A noter la soirée qui sera consacrée au mode de gestion en scop et qui sera l’occasion de faire un point d’actualité sur les VioMe et passer les dernières commandes

La SCOP : de Thessalonique à Grenoble, une autre manière de gérer une entreprise

le 7 novembre 2018 à 20h à la Maison des associations de Grenoble

 

Le virage répressif du gouvernement Syriza

Grèce : le virage répressif du gouvernement Syriza par Stathis Kouvélakis et Costas Lapavitsas

Certain.e.s dans les rangs de la gauche européenne persistent à croire que la situation en Grèce va en s’améliorant, et que le gouvernement Syriza reste une force de gauche qui protège les intérêts des travailleurs et des défavorisés, dans des conditions très difficiles. Parmi eux, Iñigo Errejon, l’un des principaux dirigeants de Podemos, qui a déclaré dans un récent entretien que « compte tenu de ces contraintes, le bilan [de Tsipras] est plutôt satisfaisant »[1]. Pour ceux qui partagent ce point de vue, le tour que prennent les événements apparaîtra comme une mauvaise surprise.

La réalité est que, depuis leur capitulation en juillet 2015 à la Troïka des créanciers de la Grèce (UE, Banque centrale européenne, FMI), Tsipras et son gouvernement ont appliqué de façon inflexible les mêmes politiques néolibérales de choc que tous les gouvernements grecs qui se sont succédé depuis 2010, date du premier Mémorandum signé avec la Troïka. Le gouvernement Syriza a ainsi procédé à une réduction drastique des dépenses publiques, à la poursuite de la déréglementation et à une vague sans précédent de privatisations[2]. Les salaires stagnent au niveau atteint après plusieurs années de chute drastique, les retraites et des aides sociales de nouveau amputées. L’investissement public (et privé) s’est effondré, tandis que les impôts indirects et directs ont atteint des niveaux sans précédent, frappant impitoyablement les ménages à revenus faibles et moyens.

La seule différence avec les prédécesseurs est que Tsipras et son parti ont été élus en janvier 2015 précisément dans le but de renverser ces politiques. Leur revirement de l’été 2015 – survenu quelques jours seulement après un référendum au cours duquel 61% des électeurs ont rejeté l’imposition d’un plan d’austérité – fût un choc traumatique pour la société grecque. Au cours des trois années qui ont suivi, le cynisme de Syriza a entraîné une profonde démoralisation qui imprègne tous les domaines de la vie publique. La passivité et le découragement ont été les principaux facteurs qui ont permis la mise en œuvre de nouvelles mesures d’austérité sans rencontrer d’opposition majeure.

Tsipras a de la sorte rendu d’excellents services à la Troïka, qui lui valent de chaleureux compliments de la part des Moscovici, Juncker et de leurs semblables[3]. Mais la poursuite de telles politiques, qui écrasent la majorité de la population, est impossible sans recourir à la répression et à la mise en place un cadre coercitif. Les coupes dans les services publics, les baisses de pensions et dépenses sociales, les augmentations d’impôts et la surexploitation des salariés ne peuvent s’appliquer sans mettre au pas les oppositions et intimider celles et ceux qui refusent de se soumettre.

L’expérience de l’Europe occidentale, des États-Unis et de plusieurs autres pays au cours des quatre dernières décennies confirme amplement ce constat. De 2010 à 2015, lorsque les gouvernements successifs du PASOK et de la droite mettaient en œuvre les plans d’austérité, la Grèce a connu une avalanche de mesures répressives. Lentement, sûrement – et inexorablement – le gouvernement d’Alexis Tsipras s’est engagé dans la même voie.

Ce qui a accéléré cette évolution au cours des derniers mois renvoie aux difficultés auxquelles sont confrontées les banques grecques. Si le slogan « aucune maison entre les mains des banques » était naguère scandé dans les meetings de Syriza, c’est désormais un gouvernement Syriza qui réprime celles et ceux qui tentent d’empêcher les ventes aux enchères des logements.

Serrer les vis

Pour comprendre l’importance politique croissante de la lutte contre les saisies immobilières, il faut se pencher sur la situation critique des banques et ses répercussions sur le gouvernement et la société grecque. Car c’est justement pour éviter un nouveau cycle de déstabilisation des banques que le gouvernement recourt à des méthodes de plus en plus répressives.

Suite à la crise du début des années 2010, le secteur bancaire grec est passé entre les mains de quatre banques dites « systémiques », qui contrôlent plus de 90% des dépôts et des actifs. Pour éviter leur propre faillite et se prémunir d’une éventuelle nationalisation, ces banques sont devenues les plus fervents défenseurs des plans d’austérité. Elles ont utilisé leur énorme pouvoir économique et social pour contraindre les gouvernements grecs successifs, y compris celui de Syriza, à se conformer aux exigences de la Troïka.

Depuis 2010, deux recapitalisations majeures des banques ont été engagées, la dernière sous un gouvernement Syriza. Le coût total a dépassé les 45 milliards d’euros. Il a été entièrement financé par des emprunts publics, remboursés par les contribuables grecs. Pourtant, en dépit de ce monstrueux fardeau imposé à la population, les banques grecques détiennent actuellement le record européen des « créances douteuses » et ont de fait cessé de soutenir l’activité économique. Les dites créances comprennent des « prêts non performants » (NPL), qui enregistrent un retard de remboursement de plus de 90 jours, mais aussi des « fonds non performants » (NPE), une catégorie plus large qui inclut les prêts dont on pense qu’ils ne seront pas intégralement remboursés, même si aucun retard formel n’a été enregistré[4].

La réduction de l’exposition des banques grecques aux NPE et aux NPL est depuis des années une priorité absolue pour la Banque centrale européenne. Depuis 2016, le gouvernement Tsipras a docilement obéi à ses injonctions en facilitant une vague de saisies de propriétés, y compris de logements principaux, ainsi que la vente à des fonds vautours de « packages » de créances douteuses à des prix bradés. Les ventes aux enchères de logements sont à cet égard à cet égard d’une importance stratégique.

L’incapacité des banques à résoudre ce problème n’a rien de surprenant, elle découle du dispositif mis en place par le gouvernement de Tsipras. En résumé, les banques grecques devaient progressivement assainir leurs bilans du poids des créances douteuses par le biais de ventes aux enchères et de pratiques de recouvrement des prêts plus rigoureuses. Ce processus prendra certainement plusieurs années. Dans le même temps, les banques étaient censées soutenir l’activité économique en fournissant de nouveaux crédits. Toutefois, comme c’était entièrement prévisible, les banques ont eu tendance à réduire l’octroi de nouveaux prêts tout en essayant de nettoyer leur bilan des créances douteuses. Cette limitation drastique du crédit a en fait compromis la reprise, aggravant le problème des créances irrécouvrables pour l’économie. La baisse globale du crédit signifie également que les créances douteuses représentent un ratio plus élevé du total. Il s’agit d’un exemple parfait de l’absurdité des plans de « sauvetage » mis en œuvre par le gouvernement Syriza.

L’échec des banques grecques à réduire le poids des « créances douteuses » a entraîné un effondrement de la valeur de leurs actions à la bourse d’Athènes depuis le début de l’été 2018, effondrement qui s’est accéléré au cours du dernier mois. En réalité, l’ensemble du secteur bancaire grec a été considérablement dévalué depuis la signature du plan de « sauvetage » de Tsipras. Des rumeurs circulent sur la nécessité d’une nouvelle recapitalisation, ou de formes de prise en charge des créances douteuses par l’Etat[5]. Si une telle perspective se concrétisait, ce serait un désastre complet pour le gouvernement, qui doit faire face à de multiples échéances électorales en 2019.

L’accélération du programme de liquidation des créances douteuses est ainsi devenue l’une des priorités de la Troïka et de leurs dociles serviteurs dans l’actuel gouvernement. Comme le problème semble être plus aigu pour les crédits immobiliers et les crédits à la consommation, des objectifs extrêmement ambitieux, et sans doute irréalistes, ont été fixés en matière de saisies et de vente aux enchères : 8 à 10 000 logements pour 2018, chiffre porté à 50 000 pour 2019.

Cibler les actions de protestation

Depuis la capitulation de l’été 2015, la question des saisies et des ventes aux enchères est devenue l’un des problèmes les plus épineux pour Tsipras et son parti. L’accélération du processus sous la pression des banques et de la Troïka a conduit à un affrontement majeur entre le gouvernement et un mouvement dynamique qui s’oppose aux ventes aux saisies et aux ventes enchères de logement. Ce mouvement a pris un nouvel élan après la relance des ventes aux enchères à l’automne 2016. La mobilisation continue de groupes d’activistes déterminés dans les salles d’audience des tribunaux a réussi à annuler des centaines de ventes, ce qui a considérablement ralenti l’ensemble des procédures[6]. C’est sans doute l’une des raisons pour lesquelles les banques n’ont pas réussi à atteindre leurs objectifs.

La réaction du gouvernement, obtempérant aux instructions de la Troïka, a consisté à transférer à partir l’été 2017 la procédure de vente aux enchères vers une plate-forme électronique, activée par des notaires à l’intérieur de leur cabinet, plutôt que d’organiser les ventes dans les tribunaux. Cela a certainement rendu les actions de protestation plus difficiles à organiser. De nouvelles dispositions législatives, votées en décembres 2017, ont créé un délit spécifique qui prévoit des peines d’emprisonnement de trois à six mois pour celles et ceux qui tentent d’entraver le processus de vente aux enchères[7]. Les actions se sont toutefois poursuivies, même si leur ampleur a été affectée, empêchant de nombreuses ventes aux enchères et rendant les notaires moins enclins à prêter leur concours[8].

Au cours de cette période, les affrontements avec la police devant les bureaux des notaires se sont multipliés. Des militants filmés et identifiés pendant les actions ont été systématiquement inculpés. Depuis le début de l’année, des dizaines de militants à travers le pays font face à des poursuites judiciaires. Parmi eux, citons Spiros Milios, conseiller municipal d’Ambelokipi-Menemeni, dans la région de Thessalonique, et militant d’Antarsya, la coalition d’organisation d’extrême-gauche. Dans la petite ville de Volos, pas moins de 20 militants sont le coup de poursuite, de même que 15 autres à Argos et Nauplie[9]. Le procès de trois militants anti-saisies a débuté à Athènes le 21 septembre.

Les poursuites à l’encontre des activistes anti-saisies ne sont que l’exemple le plus patent des pratiques autoritaires dont fait preuve le gouvernement de Tsipras. La répression a également touché les militants mobilisés contre le projet minier d’exploitation à ciel ouvert par le géant canadien Eldorado Gold à Skouries, dans le nord de la Grèce. Plus généralement, le gouvernement a eu recours à la force pour réprimer les manifestations contre sa politique, en particulier lorsqu’elles paraissent susceptibles de s’étendre. L’utilisation de la police anti-émeute contre les retraités n’en est que l’exemple le plus flagrant. Une tendance de fond a commencé ainsi à se dessiner : pour faire face aux réactions que suscite sa politique, le gouvernement s’appuie sur les mécanismes répressifs de « l’État profond ».

Les poursuites à l’encontre de Panagiotis Lafazanis

Un seuil symbolique dans cette escalade répressive a été franchi le 26 septembre, quand Panagiotis Lafazanis, une figure respectée de la gauche radicale, a reçu une convocation pour répondre à des accusations concernant sa participation à des actions de protestation hebdomadaires contre les saisies et les ventes aux enchères[10]. Lafazanis était ministre de l’énergie au sein du premier gouvernement Syriza (janvier à juillet 2015) et la figure de proue de la « Plate-forme de gauche», qui regroupait à l’époque la majeure partie de l’aile gauche de Syriza. Il est maintenant secrétaire national d’Unité Populaire, un front politique créé l’été 2015, principalement par les forces de la Plateforme de gauche, qui ont quitté Syriza et ont été rejointes par d’autres organisations de la gauche radicale.

C’est la première fois depuis la chute de la dictature (1974) – au cours de laquelle Lafazanis a été persécuté pour ses activités clandestines au sein du mouvement étudiant et de l’organisation de jeunesse du parti communiste – qu’un dirigeant d’un parti de gauche fait l’objet de poursuites pour son activité politique. Les chefs d’accusation à son encontre concernent des infractions présumées à pas moins de 15 articles du code pénal, sanctionnées par des peines de prison pouvant aller jusqu’à deux ans. S’il est reconnu coupable de toutes les accusations, la peine pourrait aller jusqu’à neuf ans.

Ce qui est également remarquable, c’est que la procédure émane non du procureur mais du « Département pour la protection de l’État et du régime démocratique », une branche spéciale des services de sécurité censée investiguer les activités liées au terrorisme et qui menacent la démocratie. Ce département a été créé en 2000, par les gouvernements « modernistes » du PASOK, alors que la Grèce s’apprêtait à rejoindre l’Union monétaire. Il a été modernisé en 2011, suite à la mise en place des plans d’austérité, et transformé en service de surveillance des actions de protestation. Des dispositions législatives adoptées en février sous l’impulsion du gouvernement Syriza ont encore élargi son éventail d’activités. Il est à noter que, depuis sa création, le département n’a développé aucune activité à l’encontre des néonazis d’Aube Dorée, ni d’aucune autre organisation d’extrême droite ou terroriste.

Lafazanis n’est pas le seul militant à être ciblé par les services de sécurité. Quatre autres activistes, parmi lesquels un membre d’Unité Populaires et deux personnalités connues du réseau « Je ne paie pas », Leonidas et Elias Papadopoulos, ont également été convoqués pour répondre à une longue liste de chefs d’accusation. La nature des pièces incluses dans son dossier ont permis de mettre en lumière le fait que Lafazanis était sous surveillance depuis des mois par une équipe de policiers déguisés en journalistes filmant des actions devant les bureaux de notaires. Ce matériel a été complété par des photos et des vidéos que les services de sécurité ont demandé aux chaînes de télévision. Des publications Facebook ont également été utilisées pour identifier ces militants lors de diverses actions de protestation.

Quelles suites ?

La vague de poursuites judiciaires, et en particulier celles l’encontre de Lafazanis, a forcé les médias grecs à parler de la répression. Elle a également provoqué certaines réactions dans les milieux politiques, notamment une question au parlement adressée au ministre de la Justice par 43 députés de Syriza. Cependant, la position officielle du gouvernement est que cette question relève entièrement du pouvoir judiciaire et de la police et qu’il n’est en rien concerné.

Il n’en reste pas moins que l’initiative des poursuites n’a pas été prise par la justice mais par un service appartenant à l’« État profond », à savoir le « Département de la protection de l’État et du régime démocratique ». Or ce département est placé sous l’autorité du ministre de l’ordre public. Il existe donc une implication et une complicité de la part du gouvernement, qui renvoie aux mesures prévues par le troisième Mémorandum signé en juillet 2015 et à la crise actuelle des banques grecques.

La mise en œuvre des plans d’austérité et des politiques néolibérales exige la répression et le gouvernement Syriza ne saurait faire exception à cette règle. La démocratie en Grèce est déjà en lambeaux et la situation risque de s’aggraver dans les mois à venir. A l’approche des élections, les problèmes des banques vont sans doute occuper une place centrale. Le désastre économique et social causé par la capitulation de Tsipras est devenu évident pour de larges couches de l’électorat et le dégoût se généralise dans la population. Un gouvernement qui a déjà vendu son âme en se faisant l’exécutant de la Troïka n’hésitera pas à faire monter d’un cran la répression à l’encontre de tou.te.s celles et ceux qui s’opposent à sa politique. La solidarité internationale est indispensable pour mettre fin à cette évolution extrêmement préoccupante de la situation en Grèce. C’est une question de défense de la démocratie.

Cet article a été mis en ligne le 6 octobre 2018 par Jacobin magazine[11]

[1] lemonde.fr/europe/article/2018/03/22/europe-les-courants-populistes-ont-cesse-d-etre-des-exceptions-pour-devenir-la-regle_5274743_3214.html

[2] jacobinmag.com/2018/08/greece–tsipras-memoranda-austerity-odyssey

[3] lemonde.fr/idees/article/2018/06/22/le-courage-des-grecs-et-de-tsipras_5319456_3232.html et euractiv.fr/section/affaires-publiques/news/juncker-praises-tsipras-following-weber-jibe/

[4] bankofgreece.gr/BogEkdoseis/Sept18_Report_Operational_Targets_for_NPEs_EN_Final.pdf

[5] reuters.com/article/us-piraeusbank-capital-ceo-exclusive/piraeus-bank-says-debt-plan-on-track-as-shares-drop-30-percent-idUSKCN1MD0TZ

[6] theguardian.com/world/2017/mar/11/greek-activists-target-sales-of-homes-seized-over-bad-debts

[7] thepressproject.gr/article/121452/Perase-i-tropologia-gia-tous-pleistiriasmous

[8] ft.com/content/e7a5732c-3db0-11e8-b7e0-52972418fec4

[9] epitropi3den.blogspot.com/2018/09/blog-post_24.html

[10] ekathimerini.com/232997/article/ekathimerini/news/ex-minister-panayiotis-lafazanis-denounces-government-persecution

[11] jacobinmag.com/2018/10/syriza-repression-foreclosure-banks-tsipras

A propos de l’auteur

Stathis Kouvelakis enseigne la théorie politique au King’s College de Londres. Il a fait partie du comité central de Syriza.

Costas Lapavitsas est professeur d’économie à SOAS et ancien membre du Parlement grec.

Lafazanis d’ Unité Populaire, « persécuté par la Junte des colonels et maintenant par SYRIZA »

Lafazanis d’ Unité Populaire, « persécuté par la Junte des colonels et maintenant par SYRIZA » 

Lafazanis : « les policiers m’ont suivi, enregistré et filmé ». Une persécution marquant une profonde « une entorse à la démocratie« 

Sous le titre « J’ai été persécuté par la Junte et maintenant par SYRIZA », Yorgos Katsiyannis présente dans « Parapolitika » de samedi 29 septembre 2018 un reportage sur la persécution dont Panayotis Lafazanis fait l’objet et l’entretien qu’il a eu avec lui.

Panayotis Lafazanis a révélé à Yorgos Katsiyannis que les services de sécurité suivaient et enregistraient toutes les manifestations de l’Unité populaire (LaE), particulièrement celles qui s’opposaient aux enchères, et que, d’abord et avant tout, ils suivaient, enregistraient et filmaient systématiquement Panayotis Lafazanis lui-même, non seulement dans le but de connaître ses mouvements, mais aussi de « fonder » des accusations à charge.

Les méthodes de persécution utilisées par les services de sécurité sur mandat du gouvernement reproduisent les pires années de la Grèce anticommuniste d’après la guerre civile si ce n’est sous une forme encore plus dangereuse, dans la mesure où les services de sécurité sont à présent équipés de moyens technologiques plus modernes et bien plus efficaces en matière de contrôle et de surveillance.

Les signalements de Panayotis Lafazanis sont étayés par les dossiers qui ont été constitués contre les militants et contre Panayotis Lafazanis lui-même, des dossiers qui abondent en montages d’enregistrements audio, témoignages d’écoutes et d’enregistrements vidéo, pour lesquels on estime qu’ils ont été réalisés avec l’autorisation du procureur !

La démocratie qui change le « NON » en « OUI », la démocratie des CRS, des matraques, de la guerre chimique, des enregistrements audios et vidéos par les services de renseignement et de la sécurité des partis politiques légitimes et de leurs dirigeants et responsables légitimes est chez nous et donne à la Grèce des apparences de démocratie à la turque.

Une démocratie criblée de trous, que personne ne remet en question du fait du système, parce que tout simplement, loin de gêner la « germano-américanocratie » dans le pays, elle la protège.

Ou plutôt, c’est ce qu’ils croient !

Mikis Theodorakis et le résistant Manolis Glezos , tous les deux poursuivis et emprisonnés par l’ état grec d’ après guerre civile et de la dictature des colonels ont exprimés leur soutien et solidarité envers P. Lafazanis et ont accusé le gouvernement Tsipas de « conduire le pays vers un chemin antidémocratique digne des époques les plus sombres» .

Article signé de Panayotis Lafazanis, Secrétaire du Conseil Politique de l’Unité Populaire (LaE), dans le journal « Ta Nea » de samedi 29 septembre 2018

Le défunt Konstantínos Mitsotákis avait dit que le policier c’est l’État. Il semble que le gouvernement Tsipras-Kamménos a été mis en place pour mettre en pratique ce célèbre adage dans toutes ses déclinaisons. Ce n’est pas seulement le policier qui est l’État, mais l’État lui-même qui devient « policier ». Le gouvernement Tsipras ne peut rien sans ses CRS. Il gouverne au sens littéral du terme avec ses patrouilles bardées de fer, les matraques et la guerre chimique.

La démocratie, particulièrement au cours des années de mémorandums, a cessé de fonctionner dans ce pays. La volonté du peuple et le vote du peuple n’ont quasiment aucune importance. La loi et la politique dans ce protectorat occupé sont les décisions des créanciers. La transformation consensuelle du « NON » au référendum en « OUI » humiliant a porté le coup final au cœur de la démocratie civile.

À présent, avec ces poursuites dont je fais l’objet, sur la base d’un demi-code pénal, voire de lois sur les armes, munitions, artifices, etc., ce n’est pas uniquement ma personne qui est visée. Pour la première fois depuis le retour à la démocratie en 1974 nous avons affaire à des poursuites, pour des raisons évidemment politiques, du fait de ma participation à un mouvement qui lutte contre les enchères des résidences principales et des biens populaires, qui concernent un responsable d’un parti démocratique considéré comme une menace pour le système. Nous sommes face à un virage criant qui marque une étape dans cette déviation profondément antidémocratique. La démocratie à la turque façon Erdogan est chez nous et va continuer si nous ne réagissons pas.

Je souligne que le coupable, de nature intestine, le « Département de protection de l’État et du régime démocratique » de la Sécurité de l’Attique, a échafaudé et envoyé au Parquet le dossier à ma charge, adoptant une politique évidente de couverture et de soutien qui provient des profondeurs du palais Maximou. Je ne m’attendais pas à ce que mes ex-collègues en arrivent là un jour, au point de déclencher une mutation antidémocratique de notre pays avec des poursuites contre moi. Ils ne supportent même pas notre voix. Ils craignent la dynamique ascendante de l’« Unité populaire » (LaE), la seule menace potentielle en des termes actuels qui demeure face aux centres abjects de l’ordre établi.

Naturellement, je ne suis pas venu pour m’excuser en répondant à la convocation du « Département de protection de l’État et du régime démocratique ». De tels départements protègent l’État, celui de la « germanoaméricanocratie », des créanciers et d’une démocratie inexistante qui a changé le NON en OUI.

J’ai déclaré de manière très directe que nous ne nous excusons pas, je ne reconnais pas et je ne légitime pas, par ma présence, les horreurs antidémocratiques et les poursuites politiques. Nous poursuivons, inébranlables et insoumis, ce difficile, mais noble combat.

La Grèce n’a pas besoin d’une nouvelle servilité qui va se consolider et se généraliser comme le cours naturel de son avenir. Car la Grèce ne peut simplement pas exister comme pays colonisé avec des esclaves pour citoyens.

Traduction : Vanessa de Pizzol

Source https://unitepopulaireparis.wordpress.com/2018/10/07/lafazanis-unite-populairepersecute-par-la-junte-des-colonels-et-maintenant-par-syriza/

Pétition pour sauver l’aquarius

Sauvons l’Aquarius et le sauvetage en mer

SOS MEDITERRANEE
LANCE UN APPEL URGENT A MOBILISATION CITOYENNE

Pétition, manifestations, campagne numérique…

Ces derniers mois, l’Aquarius, affrété par SOS MEDITERRANEE et opéré en partenariat avec Médecins sans Frontières (MSF), a été la cible de manœuvres politiques visant à criminaliser ses équipes et à mettre un terme à sa mission vitale de sauvetage. Après la fermeture des ports italiens et les difficultés récurrentes à trouver un lieu sûr pour débarquer les rescapés, l’Aquarius a été attaqué à deux reprises par l’Etat du pavillon – Gibraltar en août puis Panama qui a annoncé son intention de radier le navire de ses registres. Sans pavillon, l’Aquarius serait contraint de rester à quai, alors qu’aux portes de l’Europe, en l’absence de tout navire de sauvetage civil en Méditerranée centrale, les morts se multiplient. Autant de vies qui disparaissent en silence, tandis que les Etats européens ferment les yeux.

Rappeler aux Etats d’Europe leurs responsabilités en Méditerranée centrale

L’Aquarius doit retourner en mer au plus vite pour sauver des vies. SOS MEDITERRANEE et MSF appellent à une mobilisation citoyenne urgente à l’échelle européenne afin de demander à tous les Etats d’Europe :

  • De prendre toutes les mesures pour permettre à l’Aquarius de reprendre sa mission de sauvetage le plus rapidement possible;
  • De faire respecter le devoir d’assistance aux personnes en détresse en mer;
  • D’assumer leurs responsabilités étatiques en établissant un véritable modèle de sauvetage en Méditerranée.

SOS MEDITERRANEE lance une pétition « Sauvons l’Aquarius et le sauvetage en mer » et appelle à des rassemblements citoyens le 6 octobre dans plusieurs villes d’Europe afin de porter ces messages.

Pétition internationale : 1 million de signatures attendues

SOS MEDITERRANEE a choisi la plate-forme WeMove pour porter cette pétition qui peut être signée dès maintenant sur https://you.wemove.eu/campaigns/sauvons-l-aquarius-et-le-sauvetage-en-mer

La pétition sera accompagnée d’une campagne digitale où chaque citoyen sera invité à se filmer ou à se photographier avec les hashtags #SaveAquarius et #SaveRescueAtSea.

Vague orange le 6 octobre dans les rues d’Europe

Le 6 octobre, une vague citoyenne orange, aux couleurs des gilets de sauvetage et de l’Aquarius, est appelée à descendre dans la rue afin de soutenir les valeurs d’humanité portées par SOS MEDITERRANEE et MSF. Les citoyens, marins, humanitaires, secouristes, artistes, intellectuels, associations, entreprises, mouvements religieux, syndicats et collectivités publiques sont invités à rejoindre les rassemblements pacifiques et apolitiques avec comme seul signe distinctif un t-shirt orange. SOS MEDITERRANEE organisera des rassemblements citoyens dans plusieurs villes d’Europe en Allemagne (Berlin), Italie (Palerme) et en France notamment à Paris, Marseille, Lyon, Nantes, Montpellier, Toulouse, Brest, Bordeaux, Grenoble, Saint-Etienne…

Sauvons l’Aquarius et le sauvetage en mer !

crédit photo Laurin Schmid / SOS MEDITERRANEE

Source http://www.sosmediterranee.fr/journal-de-bord/CP-SaveAquarius-28-09-2018

Après Pavlos Fyssas, Zak Kostopoulos,

Encore un victime de la croissance du fascisme dans la société grecque.

Pour comprendre de quoi il s’agit Source   https://renverse.co/Ni-oubli-ni-pardon-pour-Zak-1725

Suivi d’une lettre ouverte de ses amis

Le vendredi 21 septembre 2018, Zak Kostopoulos, activiste LGBTQI+, séropositif et drag queen (Zackie Oh), a été assassiné dans des circonstances atroces et à la vue de tous dans le centre d’Athènes. Ce lynchage est le fait de «bons citoyens» qui ont agi sous la protection et avec le concours de la police grecque. Ces faits ont été suivis d’une entreprise sans précédent de désinformation de l’opinion publique et de culpabilisation de la victime, notamment accusée par les assassins puis une grande partie de la presse d’avoir essayé de commettre un cambriolage, avant que cette version ne s’effondre à l’épreuve des témoignages et des vidéos recueillis depuis lors.

Ce texte, écrit par FITLIG, est une lettre ouverte à Zak et a été publié en ligne le 26.9.2018.

Traduction en français

Cher Zak, Chère Zackie,

Par quels mots commencer à t’écrire une lettre à propos de ta perte? Nous ne parvenons pas à croire que cela a eu lieu. La communauté queer est en deuil, cherche du moins les moyens de te pleurer dans un pays pourri jusqu’à la moelle.

Nous avions l’impression que tu ne mourrais jamais, qu’on continuerait chaque matin, au réveil, à lire les posts pleins d’expressions LGBT dans lesquels tu satirisais l’actualité avec une précision chirurgicale, une sensibilité hors pair, une audace punk et toujours — c’était ta fierté — une flopée de commentaires haineux!

Nous nous étions habitué.e.s à ce que tu nous apprennes des choses, tu étais notre professeur de queer. Tu nous manques déjà terriblement. Seul.e.s, maintenant, nous ne savons pas comment faire.

Les fascistes haineux sont toujours là, eux aussi. Ils hurlent que «les toxicos et les gays sont de trop» et tu n’es plus là pour nous aider à les tourner en dérision comme tu savais si bien le faire.

Tu ne nous as jamais parlé du deuil queer, tu ne nous y avais pas préparé.e.s et nous sommes désemparé.e.s.

Je t’apporte des nouvelles un peu énervantes, accroche-toi. Hier, nous sommes allé.e.s à ton enterrement. Tu as été inhumé à Itèa, dans la société hypocrite où tu as passé ton adolescence, selon des rites chrétiens auxquels tu n’as jamais cru.

Ils t’avaient même paré d’un genre de couronnes de marié — une erreur, si tu veux mon avis, sachant qui tu étais, mais les couronnes en question donnaient l’impression d’avoir été dessinées par une folle ; le résultat avait un côté drag plutôt plaisant. (Ils t’avaient aussi fardé, couvert de cette poudre blanche qui te plaît tant).

Nous étions un bon nombre de queers rassemblé.e.s là, nous t’avons chanté du Madonna puis avons lancé des paillettes un peu partout. Tu aurais adoré. Le vent emportait le strass qui flottait dans les airs et se déposait sur une tante ou un vieux grand-père en les faisant scintiller.

La cérémonie religieuse a pris des allures de Pride. L’Itèa Pride de 2018… Dommage que tu n’aies été nulle part, tu aurais beaucoup ri.

Tu dois bien sûr te demander ce que tu faisais dans ce cimetière, si loin d’Athènes, au milieu de tous ces provinciaux aux regards soupçonneux… Ton assassinat aurait dû être l’occasion d’un pèlerinage populaire mais qu’est-ce que tu veux, ma chérie, tu sais comme sont les affaires de famille en Grèce, nous n’avons pas eu voix au chapitre.

À l’enterrement, des gens très comme il faut n’arrêtaient pas de parler d’un certain Zacharias et nous nous demandions à qui ils faisaient allusion. Nous, nous ne connaissions que Zak et Zackie.

Nous avons l’habitude de la simulation, bien sûr : c’est pour les queers une stratégie de survie élémentaire, la stratégie que nous apprenons dès l’école. C’est de cette façon que nous avons grandi, caché.e.s, blessé.e.s, à l’écart de leur monde dégueulasse et violent, un monde de mecs, de grossièreté et de domination masculines.

La communauté queer porte avec elle une peur sans fond et une blessure souvent impossible à contenir. Nous nous fabriquons des mondes imaginaires et des utopies faites de chansons de Madonna, de paillettes et de Pokémon.

Mais lorsque nous osons revendiquer ne serait-ce que le début d’un droit, un mur d’oppression s’abat systématiquement sur nous. Patrie, Religion, Famille. Merde. Toi, tu ne leur as jamais fait le plaisir de leur cacher quoi que ce soit de ce que tu étais et c’est bien pour ça qu’ils s’en sont si souvent pris à toi. Tu étais bien trop fort pour qu’ils te tolèrent, trop visible pour qu’ils te laissent exister.

Et te tuer une fois ne leur suffit pas. Ils te tuent de nouveau, encore et encore. Les monstres qui écrivent des commentaires fascistes sous ton profil et sous les nôtres, les journalistes assoiffés de sang qui se partagent des morceaux de ton corps pour obtenir un peu d’audience (ta chère Tatiana [1], monstrueuse, au premier rang), les citoyens modérés et irréprochables qui ne savent parler que de « respect des biens des personnes », tous ceux-là te tuent et nous tuent.

Si ça ne dépendait que d’eux, ils nous supprimeraient tou.te.s d’un coup en mettant en application le slogan «MAKE GREECE GREAT AGAIN». Mais vous pouvez vous le garder, votre pays de merde, ordures.

Je viens d’apprendre encore un truc. Hier, ta page, Zackie Oh, a disparu de Facebook. Je ne sais pas ce qui s’est passé — est-ce que la page a reçu une foule de reports, est-ce que quelqu’un a donné l’ordre de la suspendre? — mais on ne va pas laisser passer ça.

Ils te tuent, ils t’effacent de la carte. Les vies queer ne comptent pour rien, nous sommes les erreurs de leur système, des erreurs qu’ils veulent supprimer.

J’aimerais pouvoir te promettre une foule de choses mais je ne sais pas ce qui est en mon pouvoir. Je ne peux pas te promettre que justice te sera rendue, que ces ordures seront punies. Le pessimisme nous gagne déjà ; on voit bien que l’affaire est en train d’être méthodiquement étouffée.

Je ne peux pas te promettre non plus que nous parviendrons, comme tu t’y efforçais si fort, à changer pour le mieux la société grecque. Il est peut-être préférable que tu ne sois pas là pour voir les infamies qui sont commises aujourd’hui sous nos yeux — et pas seulement de la part de membres d’Aube Dorée [2].

L’opinion publique grecque est plus fascisante que jamais, des sondages sont organisés qui invitent les citoyens à décider si tes assassins ont eu ou non raison de te tuer, si les gays et les immigrés sont ou non des « voisins indésirables ». Le pays s’est profondément enfoncé dans la fange.

Il y a quelque chose de terriblement ironique et de terriblement tragique dans l’interview que tu as donnée en tant que Zackie : tu y déclares que tu redoutes par-dessus tout les Grecs « respectables », les bons citoyens, les bons pères de famille. Ce sont eux les véritables assassins, eux qui, avec les journalistes, pavent le chemin du fascisme, tuent encore et encore le jeune Giakoumakis [3], emprisonnent celles qui osent résister à leurs violeurs et qualifient aujourd’hui ton assassinat de simple passage à tabac. Des bêtes sauvages. Une société machiste en état de décomposition avancée.

Mais je ne veux pas finir cette lettre sur cette note pessimiste, je sais bien que tu avais les geignards en horreur. Je peux te promettre — et notre communauté luttera de toutes ses forces dans ce but — que le travail que tu as fait en tant que Zak et que Zackie ne sera pas oublié, ne restera pas dans un tiroir, ne constituera pas une note en bas de page mais s’écrira comme il le mérite en lettres capitales et au néon rose sur les murs de la ville et dans les drag shows, dans nos consciences et dans les consciences des générations queer à venir.

Tu nous manques, et nous te remercions beaucoup, pour tout. REST IN POWER QUEEN ZACKIE OH!


[1] Tatiana Stèfanidou, journaliste emblématique de la chaîne de télévision Skaï à l’origine des sondages évoqués dans le texte.

[2] Parti néo-nazi grec.

[3] Vanguèlis Giakoumakis, étudiant dans la ville de Ioannina, a été retrouvé mort au mois de mars 2015, un moins après sa disparition, victime de bullying, de menaces homophobes suivies par un passage à l’acte : son corps portait des blessures au couteau


Le Tribunal administratif de Grenoble invente le délit de citoyenneté

Emprunt toxique de la Métro : le Tribunal Administratif de Grenoble crée

un délit de citoyenneté !

Le 18 août 2016, le Collectif d’Audit Citoyen 38 a saisi le tribunal administratif de Grenoble pour faire annuler des délibérations de la Métropole de Grenoble du 1er juillet 2016 validant le remboursement des emprunts toxiques à des conditions désastreuses pour la collectivité. La décision des juges a été rendue publique le 29 septembre 2018.

Le Tribunal ne retient aucun des arguments avancés par les 3 requérants agissant au nom du CAC 38. Même « l’absence de connaissance des modalités détaillées du calcul des indemnités de remboursement anticipés » n’est pas jugée susceptible d’influer sur la décision. Il s’agit tout de même de 30 millions d’euros représentant le manque à gagner estimé par la banque prêteuse pour les 7 années d’emprunt toxique de 17 millions d’euros restant à courir. Le tribunal juge qu’il suffit qu’un tiers de confiance (la Banque de France) ait fait la vérification du calcul pour que les élus puissent voter. Étrange conception du rôle d’une assemblée délibérative : les élus sont privés des éléments essentiels pour forger leur décision au profit de spécialistes qui sont les seuls à avoir accès à l’information… Le tribunal statue également qu’il est difficile de considérer les contrats de prêts litigieux comme spéculatifs, alors qu’ils étaient indexés sur les cours des monnaies…

Mais le comble de ce jugement réside dans la condamnation des requérants à verser à la Métropole 1200 € pour les frais de justice. A noter que la Métropole avait demandé 3000 € à des citoyennes et citoyens qui agissaient en lieu et place du Préfet qui, saisi directement par les requérants dès le 8 juillet 2016 n’a pas jugé nécessaire de demander au tribunal administratif de contrôler la légalité des délibérations.

Le tribunal avait pourtant l’opportunité de ne pas accéder à la demande de la Métropole comme le prévoit l’article L 761-1 du code de justice administrative selon lequel : « Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation. »

Après le « délit de solidarité » créé par la justice française, le tribunal administratif de Grenoble vient d’inventer un nouveau délit, le « délit de citoyenneté », en condamnant d’honnêtes citoyennes et citoyens qui défendent les intérêts de leur collectivité. Par cette décision, non seulement les juges administratifs de Grenoble veulent dissuader toute action citoyenne à venir mais ils encouragent également les banques à poursuivre leurs exactions.

Aujourd’hui en France, les juges ne condamnent pas les banques, les riches contribuables et les grosses sociétés impliquées dans la fraude et l’évasion fiscales, ils préfèrent s’attaquer aux citoyennes et aux citoyens qui dénoncent ces malversations. Le CAC 38 va organiser la riposte citoyenne qui s’impose.

CAC38 (Collectif pour un Audit Citoyen de la dette publique) 1er Octobre 2018
audit.citoyen38@gmail.com

Pour diffuser largement communique CAC38 011018

Translate »