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SOS Méditerranée et son nouveau bateau

Nick, coordinateur des opérations à bord de l’Ocean Viking

Les 13 membres de l’équipe de SOS MEDITERRANEE se préparent actuellement à repartir en mer à bord de l’Ocean Viking.

Pour Nick, coordinateur des opérations, il est urgent de retourner en Méditerranée centrale. Pourtant, « ça ne devrait pas être à nous de le faire ».

Crédits :
Emilien Bernard/SOS MEDITERRANEE
Yann Levy/SOS MEDITERRANEE
Stéphane Kervella/SOS MEDITERRANEE
Hara Kaminara/SOS MEDITERRANEE
Guglielmo Mangiapane/SOS MEDITERRANEE
Kevin McElvaney/SOS MEDITERRANEE

Montage : Isabelle Vali

http://www.sosmediterranee.fr/

Pour faire un don https://don.sosmediterranee.org/b/mon-don?utm_source=sitesosmediterranee&utm_medium=site&utm_campaign=don_site_faireundon

Grèce : Offensive contre le mouvement anarchiste et autogestionnaire

Le nouveau gouvernement est en train de mettre en place une offensive sans précédent contre le mouvement libertaire et autogestionnaire, devenu gênant et réputé au fil des années.

GRÈCE : LA CHASSE AUX ANARCHISTES EST OUVERTE !

Le premier ministre fraichement élu et chef de la droite, Kyriakos Mitsotakis, a promis de « nettoyer Exarcheia » durant l’été et d’ « en finir avec Rouvikonas ». Au-delà du célèbre quartier libertaire et de l’insaisissable groupe anarchiste, c’est toute la nébuleuse révolutionnaire et le réseau squat qui sont visés, au moyen de divers outils et procédés répressifs.

Une fois de plus, ce qui se passe en Grèce donne à réfléchir sur ce qui se prépare également ailleurs en Europe, tant l’exemple grec a clairement montré la voie, par le passé, du nouveau durcissement du capitalisme sur le continent et d’une société toujours plus autoritaire.

Le gouvernement va commencer par réactiver des lois scélérates déjà mises en place durant les années 20, qui visaient alors tout autant le parti communiste grec que les anti-autoritaires.

Cette fois, le but est, tout d’abord, d’entraver la propagande anarchiste en considérant littéralement son projet politique révolutionnaire comme une menace immédiate, donc passible en ces termes de poursuites judiciaires. Bref, une censure, non pas de la propagande anarchiste en tant que telle, mais en tant que « parole menaçante » à chaque fois qu’elle représentera un « danger pour l’ordre social et la paix civile ».

Il s’agit également, notamment dans le cas précis de Rouvikonas, de classer ses actions directes pourtant sans effusion de sang dans la catégorie des « actions terroristes » (article 187A du code pénal en Grèce), avec de graves conséquences juridiques pour tous les membres du groupe.

Pire encore, l’État grec va systématiquement considérer tous les membres de Rouvikonas responsables de la moindre action effectuée ne serait-ce que par un seul des membres du groupe. Autrement dit, si demain matin, le bureau rassemblant les fichiers des personnes surendettées (Tirésias) était à nouveau détruit, par exemple, par cinq membres du groupe, la centaine d’autres membres seraient également poursuivie, remettant en question la subtile stratégie juridique du groupe qui, jusqu’ici, procédait habilement par rotation.

Non seulement le code pénal est en train de changer pour durcir cette offensive imminente, annoncée depuis un mois, mais les moyens de l’État sont également en train de se renforcer pour frapper Exarcheia puis tout le milieu squat et anti-autoritaire en Grèce.

2000 voltigeurs sont en train d’être recrutés (1500) ou réaffectés depuis une autre fonction dans la police (500) pour participer à des opérations de répression puis de surveillance des fameuses zones à reconquérir par l’État, à commencer par le célèbre quartier rebelle et solidaire d’Athènes.

Du matériel de renseignement made in France serait également en train d’être mis à disposition des services grecs (merci Macron), comme souvent ces dernières années dans tout le bassin méditerranéen. On se souvient, entre autres, du soutien des dirigeants politiques et économiques français au régime tunisien à la fin des années 2000, ce qui n’avait pas empêché la chute de Ben Ali début 2011, malgré l’arrivée d’un matériel important. Michèle Alliot-Marie avait même proposé par la suite, le 12 janvier 2011* d’envoyer les CRS et gardes-mobiles français aider la police tunisienne à mater les manifestants, alors même qu’elle commençait à tirer à balles réelles sur les opposants.

La zone de repli qu’est l’École Polytechnique, à l’ouest d’Exarcheia, connue pour son rôle historique dans l’insurrection contre la dictature des Colonels en 1973 et à plusieurs reprises depuis (notamment en 2008 et 2014) va passer sous contrôle policier avec la promulgation de la fin de l’asile universitaire et le début de travaux pharaoniques pour transformer les lieux en musée antique, en annexe du musée voisin.

Un signal fort vient également d’être envoyé par l’État en direction de sa police, un véritable encouragement à frapper violemment dans les jours qui viennent : Epaminondas Korkoneas, le policier qui avait assassiné froidement avec son arme de service Alexis Grigoropoulos, un jeune anarchiste âgé de 15 ans, le 6 décembre 2008 dans le quartier d’Exarcheia, vient d’être libéré hier soir (alors qu’il était condamné à la prison à perpétuité). Ce meurtre avait provoqué trois semaines d’émeutes retentissantes en décembre 2008, frôlant l’insurrection sociale, et des affrontements chaque année depuis, tous les 6 décembre. Bien sûr, il ne s’agit pas ici de cautionner le système carcéral, mais pleine promulgation de lois scélérates anti-anarchistes et de lourdes menaces contre Exarcheia et Rouvikonas, cette libération est perçue en Grèce comme une provocation et un message d’impunité diffusé à tous les policiers qui se préparent à frapper.

Ce soir, les libertaires encore présents à Athènes malgré la période (l’une des rares qui procure un peu de travail, notamment dans le tourisme et souvent dans les îles), et au-delà tout le mouvement social révolutionnaire, vont se rassembler à 20 heures à Exarcheia, à l’endroit précis où a été assassiné le jeune anarchiste le 6 décembre 2008.

Après le crépuscule, la nuit sera chaude au centre d’Athènes, de Charilaou Trikoupi à Stournari et tout autour d’Exarcheia, des affrontements auront certainement lieu. Et encore, Athènes est à trois-quart vide, comme chaque année en cette saison. Mais l’automne sera sans doute plus chaud encore que l’été, si les rebelles parviennent à tenir bon face à cette nouvelle attaque historique de l’État.

Alors que le monde entier devient fasciste, en Grèce comme en France, les pseudo démocraties surfent sur la vague mondiale d’extrême-droite en durcissant tout autant le capitalisme que son dispositif d’autoconservation.

Rien d’étonnant que les pires ennemis du monde autoritaire soient les premiers sur la liste. Face à cela, deux choix sont possibles : soit laisser faire et ne rien dire, en espérant ne pas faire partie des suivants, soit réagir et le faire savoir. Par exemple, Rouvikonas propose à celles et ceux qui souhaitent nous soutenir de faire diversement pression sur les ambassades, consulats et instituts officiels grecs dans le pays où vous vous trouvez, parmi les nombreuses formes d’actions possibles. D’autres informations ou suggestions suivront dans les prochains jours, notamment de la part des nombreux squats d’Exarcheia (en cours de discussion).

Merci de votre soutien, par delà les frontières et nos différences politiques.

Yannis Youlountas

Source http://blogyy.net/2019/07/31/grece-la-chasse-aux-anarchistes-est-ouverte/

N’hésitez pas à consulter régulièrement son blog : http://blogyy.net pour suivre les derniers événements en Grèce.

« Black Panthers »à Athènes

« Black Panthers » : Des équipes de police  lourdement armées en patrouille au centre-ville d’Athènes

Vêtus de noir et lourdement armés d’armes automatiques, de jumelles de nuit, de fusées éclairantes sonores et lumineuses et de gaz lacrymogènes, les commandos spéciaux seront déployés dans des stations de métro et d’autres lieux très fréquentés d’Athènes afin de localiser… des voleurs de portefeuille. La police grecque a nommé les impressionnantes équipes de police «Black Panthers».

Black Panthers ? Epic Fail pour un nom qui associe directement les super commandos contre les voleurs de rue à l’organisation politique révolutionnaire américaine réputée pour ses échanges de tirs avec la police.

Selon le quotidien Eleftheros Typos, quatre équipes de cinq policiers ont déjà été mises en place, chacune dotée d’armes lourdes, de gilets pare-balles, de jumelles de vision nocturne, de grenades d’encerclement et assourdissantes.

Le nombre d’officiers de police qui feront partie des escouades devrait bientôt augmenter.

Les officiers «seront constamment à l’écart des véhicules de la police, dans le but de dissuader leur présence et d’instaurer un sentiment de sécurité pour ceux qui les verront».

Les équipes spéciales seront déployées dans des zones comme la rue Dionysiou Areopagitou sous l’Acropole, autour du musée de l’Acropole, la colline Philopappou, le stade Panathenaic, les temples de Zeus Olympien, la place Syntagma, le monument au soldat inconnu, Ermou-Kapnikarea et la place Monastiraki , bref dans des zones très touristiques.

Selon le quotidien, les Black Panthers patrouilleront dans les gares de transports publics ainsi que dans les stations de métro. Les responsables de la sécurité développeront un réseau d’information avec accès aux caméras des centres de contrôle du métro afin de «localiser les actions des groupes criminels» opérant dans ces zones.

Les Black Panthers ont déjà fait leur apparition au centre-ville d’Athènes.

Source https://www.keeptalkinggreece.com/2019/07/31/black-panthers-greece-police-patrol-athens/

Appel urgent de VIOME

Nous, les travailleurs de VIO.ME en lutte pour faire fonctionner à nouveau l’usine, avons entendu beaucoup de promesses, beaucoup de bonnes paroles sur la pureté de notre lutte ainsi que de nombreuses dénonciations et menaces.

De temps à autre, on a essayé de nous assimiler à un système qui n’a pas suffisamment de place pour nous, de nous mettre dans les rouages de la bureaucratie à laquelle nous nous opposons quand il s’agit de financements et de subventions.

Puis, nous avons rencontré l’impuissance et le manque de volonté de faire ce qui était évident, c’est-à-dire de légaliser le fonctionnement de l’usine.

On a également essayé de nous présenter comme coupables, car nous revendiquons notre droit au travail et à la vie (en assumant bien sûr tout le fardeau de la gestion de l’usine), par opposition aux entrepreneurs de bonne réputation qui saisissent les profits mais laissent les dettes aux travailleurs.

Bien sûr, le nouvel état de choses nuit à ceux qui perdent le pouvoir, mais il nous nuit encore plus qui sommes exposés, sans beaucoup d’armes, à un pouvoir agressif et résolu.

Nous savons tous parfaitement que le nouveau gouvernement n’est pas simplement défavorable à VIO.ME mais s’y oppose fermement, à nous comme à tous ceux qui peuvent défier le capital. Nous pensons que son premier angle d’attaque sera de nous couper l’électricité. C’est la raison pour laquelle nous demandons de l’aide aux mouvements de solidarité pour acquérir un groupe électrogène qui évitera les ruptures de production et nous aidera à devenir indépendants. La production qui nous maintient en vie ne doit pas s’arrêter pour une seule minute !!!

Nous appelons donc les syndicats, les collectifs, nos compagnons de lutte grecs, européenns et partout dans le monde à participer à l’acquisition d’un générateur de 200 KVA pouvant fonctionner au biodiesel.

Solidairement

Les travailleurs de VIO.ME en lutte

P.S. La meilleure solution serait de trouver une usine de production de groupes électrogènes qui, avec la garantie du mouvement solidaire, nous permettrait de l’obtenir au plus vite!

ANY CONTRIBUTION IS HELPFUL!

on peut trouver le lien paypal à droite en haut sur le site de VIOME http://www.viome.org

Ballon gonflable pour surveiller les migrants

Zeppelin sur l’île de Samos pour surveiller le trafic de migrants

Les autorités grecques et le Frontex vont lancer un énorme Zeppelin au-dessus de l’île de Samos afin de surveiller les migrants qui tentent illégalement d’atteindre la Grèce et l’Europe. L’installation du ballon menaçant sera certainement une attraction grotesque pour les touristes qui visitent l’île dans l’est de la mer Égée.

Le vice-ministre des Politiques migratoires, Giorgos Koumoutsakos, a déclaré à la télévision privée ANT1 que le Zeppelin entrerait en service la semaine prochaine.

«À Samos, je pense que dans quelques jours ou une semaine, un ballon Zeppelin sera installé en coopération avec FRONTEX, qui prendra une photo d’un vaste espace. Qu’est-ce que ça veut dire? Tout d’abord, vous savez à quelle heure le bateau s’éloigne des trafiquants, vous informez la partie turque, vous vous approchez, c’est un ensemble d’actions », a déclaré Koumoutsakos.

Le Zeppelin sera surveillé par l’unité radar GNR du Frontext située dans le port de Karlovasi, note Samiakienimerosi , ajoutant: «Cela donnera une image des mouvements de la côte turque à Samos pour une protection plus efficace de nos frontières maritimes. »

Le vice-ministre n’a pas précisé ce que l’autorité portuaire grecque pouvait faire exactement quand elle « s’approchait » des bateaux de réfugiés et de migrants.

Selon le quotidien efimerida ton syntakton, l’ONG norvégienne Aegean Boat Report a révélé une vidéo tournée le 17 juillet. Cette vidéo montre comment un navire des garde-côtes grecs s’approche d’un bateau avec 34 personnes à bord et les laisse au grand large  » recueillies »par les autorités turques, tandis que les passagers, dont 14 enfants, criaient désespérément » Pas en Turquie! « 

Vidéo: tourné le 17 juillet 2019 – sud-est de l’îlot Agathonissi – les migrants sont arrêtés par les garde-côtes turques

Il est difficile de savoir si le navire des garde-côtes grecs se trouve dans les eaux internationales, car il ne pénètre pas dans les eaux territoriales turques. Selon le droit international, les passagers doivent être sauvés. Les garde-côtes grecs ne se sont pas encore prononcés sur la question, affirmant qu’ils devront d’abord évaluer la vidéo, note Efsyn .

«Il n’y a pas de refoulement. Tout se fera conformément au droit international. La Grèce ne fera rien au-delà du droit international », a souligné Koumoutsakos.

PS Je suppose que les touristes seront encouragés à faire surveiller leurs activités de vacances par un Big Brother en plastique. N ‘est-ce pas?

La Grèce utilisait pour la première fois un Zeppelin pour des raisons de sécurité lors des Jeux olympiques de 2004.

Source https://www.keeptalkinggreece.com/2019/07/26/zeppelin-samos-migrants-refugees/

 

Conseil d’Etat sur l’usage des LBD

CONSEIL D’ÉTAT : CARTE BLANCHE AU GOUVERNEMENT POUR CONTINUER À BLESSER DES MANIFESTANTS

Communiqué commun LDH, Confédération CGT et UD CGT de Paris

La Ligue des droits de l’Homme (LDH), la CGT et son Union départementale CGT du 75, avec de nombreuses autres organisations (le Syndicat des avocats de France, le Syndicat de la magistrature, l’Unef, l’UNL-SD, et l’Union syndicale solidaires) avaient saisi le Conseil d’État pour faire interdire l’usage des Lanceurs de balle de défense 40 (LBD 40) par les forces de l’ordre pendant les manifestations.

Les LBD 40 ont déjà fait 193 blessés dont certains très grièvement. Ces armes ne sont pas appropriées à une utilisation lors de manifestation et mettent les citoyens gravement en danger.

En effet, ces armes sont prévues pour être utilisées dans certaines conditions uniquement (cibles non mobiles, pose d’un genou à terre, les tiers à la cible doivent être hors d’atteinte, etc.). Conditions qui ne sont, par définition, presque jamais réunies pendant les manifestations lors desquelles les personnes se déplacent en permanence et en groupes resserrés. Il est donc très difficile de viser précisément une personne en particulier et une partie du corps. C’est ainsi que nous comptons aujourd’hui 189 personnes touchées à la tête, sur les 193 blessés par LBD, alors qu’il est interdit de viser la tête.

C’est ce que nos organisations ont soutenu devant le Conseil d’État qui n’a pas retenu notre argumentaire pour interdire l’usage de ces armes. Le Conseil d’État considère, quant à lui, dans son arrêt du 24 juillet 2019, que l’usage de la violence par certains manifestants justifie pleinement l’utilisation des LBD 40. Enfin, son utilisation serait parfaitement proportionnée et les blessures graves relèveraient exclusivement de la responsabilité individuelle des membres de force de l’ordre qui auraient éventuellement mal respecté les conditions d’utilisation.

Il renvoie donc les responsabilités à des individus alors que c’est bien la doctrine de maintien de l’ordre prônée par le ministère de l’Intérieur qui pose problème et l’utilisation d’armes dangereuses lors de manifestation.

La LDH et la CGT continueront de dénoncer l’usage de toute arme dangereuse qui porte atteinte à l’intégrité physique et à la liberté de manifester et continueront de se battre pour les faire interdire.

Le 31 juillet 2019

Source ligue des droits de l’homme https://www.ldh-france.org/conseil-detat-carte-blanche-au-gouvernement-pour-continuer-a-blesser-des-manifestants/

Lettre ouverte à Emmanuel Macron , par Geneviève Legay

« Lettre ouverte à Emmanuel Macron », par Geneviève Legay

Au détricoteur des services publics qui lui demandait d’être « sage », Geneviève Legay, talentueuse tricoteuse, lui retourne le compliment par une lettre ouverte accompagnée d’un petit gilet jaune et du drapeau « PAIX ».

La Trinité (06), le 27 juin 2019

Monsieur le Président de la République,

Je souhaite revenir sur vos déclarations du 23 mars 2019, lors de votre passage à Nice, concernant le fait que je serais tombée toute seule ! Vous avez osé affirmer qu’aucun policier ne m’avait touchée ! Espérons que la justice sera plus honnête, au regard de ce qu’ont avoué le procureur de Nice et un policier. Aussi, nous prouverons que ce n’est pas un accident, mais bien des policiers qui m’ont agressée.

De plus, vous avez dit que j’aurais dû rester chez moi. Madame Redouane Zineb était chez elle et, malgré tout, vos policiers l’ont tuée. Qu’avez-vous fait ? Le silence total et plus personne n’en parle. Quel mépris ! Pourtant, cette personne ne manifestait pas.

Nous sommes en France, et, depuis quelque temps, en insécurité permanente. Il ne fait pas bon vivre en macronie parce que, évidemment, vos forces de l’ordre, voire du « désordre » répondent à la politique de Monsieur Castaner et vous-même.

Vos discours sont trop souvent méprisants. Vous n’êtes que mépris. C’est une habitude chez vous de tenir des propos condescendants envers les gens d’en bas, « ceux qui ne sont rien ». Nombre de personnes le constatent depuis plus deux ans.

J’ai 73 ans et suis fière d’être une citoyenne à part entière. Aussi, ne vous en déplaise, je revendique ma liberté de manifester, entre autres, face à vos choix politiques.

Pour vous, qu’est-ce que la sagesse dont je devrais faire preuve ?
C’est accepter la politique que vous imposez comme si aucune alternative n’était possible ?
C’est se laisser dépouiller sans rien dire alors que vous prenez aux pauvres pour donner aux riches ?

Non, je ne vous écouterai pas, bien au contraire, je continuerai à manifester car tout ce que le peuple a obtenu, c’est par de hautes luttes. Le code du travail compilait 150 ans de conquêtes sociales, vous le détricotez ; la sécurité sociale, véritable bijou que le monde entier nous envie, vous l’offrez aux appétits des assurances ; vous organisez la contre-réforme des retraites, vous cassez l’assurance chômage, vous bradez notre patrimoine, vous détruisez les services publics, toujours pour privilégier le privé, notamment en cassant les hôpitaux de l’intérieur…

Votre politique est une véritable honte au regard de celle qui fait cohérence et qui fait peuple.

Vous détricotez, moi je tricote et vous fais parvenir un gilet jaune et un drapeau de la PAIX (faits avec des restes de pelotes).

Voyez-vous, ce sont des symboles face à votre mise en oeuvre de démolition, ainsi que celle de votre entourage, de ce qui faisait société, qui permettait de vivre (certes pas très bien depuis 35 ans) et non de survivre. Avec mes camarades d’Attac, des Gilets jaunes, des syndicats et partis politiques progressistes, nous serons toujours et encore face à vous et vos complices contre cette politique infâme…

Pour tout cela, la citoyenne que je suis ne peut pas vous saluer.

Geneviève Legay

« Si toute vie va inévitablement vers sa fin, nous devons, durant la nôtre, la colorier avec des couleurs d’amour et d’espoir. » – Marc CHAGALL

Entretien avec le Président de La cimade

Aide aux étrangers: pourquoi la Cimade a claqué la porte du plus gros centre de rétention de France Par Mathilde Mathieu

Chargés d’aider les étrangers enfermés près de Roissy, les salariés de la Cimade viennent de se retirer du centre de rétention. Trop de violences. « Le climat est devenu terrible », explique le président de l’association Christophe Deltombe à Mediapart, qui dénonce « une politique du tout enfermement » généralisée. Entretien

 

La Cimade a claqué la porte du plus gros centre de rétention de France, près de l’aéroport de Roissy. Trop de violences. Alors que l’association (sous contrat avec le ministère de l’intérieur) est chargée d’accompagner juridiquement les étrangers enfermés en vue de leur expulsion, ses salariés exercent leur droit de retrait depuis déjà deux semaines.

Pour comprendre, Mediapart a interrogé le président de la Cimade, Christophe Deltombe, qui dénonce « une politique du tout enfermement » généralisée. Entretien.

Nguipinidji, un Centrafricain, rencontré en avril 2019 au centre du Mesnil-Amelot alors qu'il alignait déjà 87 jours de rétention. © MM Nguipinidji, un Centrafricain, rencontré en avril 2019 au centre du Mesnil-Amelot alors qu’il alignait déjà 87 jours de rétention. © MM

Que se passe-t-il au centre de rétention administrative (CRA) du Mesnil-Amelot, de si grave que vos salariés se sont retirés ?

Christophe Deltombe : Le climat est devenu très difficile. La Cimade s’est retirée après trois tentatives de suicide depuis le toit, dont une personne qui menaçait de se pendre avec un barbelé.

Après avoir avalé des médicaments, une autre avait été placée en cellule d’isolement, menottée et casquée, en guise de « prévention ». Dans ce climat de stress, nos personnels n’étaient plus en situation de continuer à remplir leur mission : accompagner juridiquement cette population en détresse, aider les personnes à faire valoir leurs droits, d’abord celui de savoir si leur enfermement est légitime ou non.

Je rappelle qu’au niveau national, 4 personnes sur 10 sont libérées par un juge : ça donne la mesure du travail accompli par les associations présentes en rétention [la Cimade dans 8 CRA sur 25, mais aussi Forum-Réfugiés Cosi, France Terre d’asile, etc.]. On peut comprendre que la PAF [la police aux frontières], qui a vocation à organiser les expulsions, puisse en être irritée.

Il faut essayer de travailler « harmonieusement ». Mais nos relations se sont dégradées en raison de la politique du « tout enfermement » menée par le gouvernement : nous voyons passer des personnes qui n’ont pas vocation à être expulsées, beaucoup de malades psychiatriques que les préfets n’hésitent pas à placer, nombre de personnes qui ne devraient pas être enfermées, d’une manière générale, en raison de leur état de santé.

Il y a une défaillance du contrôle médical, pour ne pas dire une absence. Les dispositions organisant l’accès aux soins en rétention remontent à 1999, à une époque où la durée d’enfermement était plafonnée à 9 jours. Contre 90 jours aujourd’hui [depuis la loi « asile et immigration » de Gérard Collomb promulguée en septembre dernier] ! Le dispositif est dépassé, le personnel et les horaires de présence complètement insuffisants.

Et puis au Mesnil, les tensions avec la PAF sont renforcées par le comportement de certains policiers : hostilité, brimades, manque de « zèle » à fournir des pièces contenues dans les dossiers des personnes qui viennent consulter, filtrage à l’entrée du couloir qui mène à nos bureaux, etc.

Nos salariés étaient réellement épuisés, la direction de l’association a approuvé ce retrait.

Les retenus ont accès à des consultations juridiques dans les bureaux de la Cimade, présente dans plusieurs CRA au titre d'un marché public passé avec le ministère de l'intérieur (de même que Forum Réfugiés-Cosi, France Terre d'asile ou encore l’ordre de Malte). Les retenus ont accès à des consultations juridiques dans les bureaux de la Cimade, présente dans plusieurs CRA au titre d’un marché public passé avec le ministère de l’intérieur (de même que Forum Réfugiés-Cosi, France Terre d’asile ou encore l’ordre de Malte).

Comment réagit le ministre ?

Des discussions se sont engagées avec l’administration – mais pas le cabinet du ministre, que nous avons pourtant sollicité. On nous promet de réviser la circulaire de 1999 sur les unités médicales, on nous répond que des psychologues vont être prochainement déployés en rétention. Alors qu’il faudrait des psychiatres. Et qu’il ne s’agit pas tant de mettre des « psys » que d’éviter de placer des personnes malades !

La situation est-elle la même dans les autres CRA de France ?

La spécificité du centre du Mesnil, c’est sa taille : 240 places. Le législateur avait bien fixé un plafond à 140 places, mais le ministère a collé deux CRA l’un à côté de l’autre… Sinon, on retrouve les mêmes problèmes partout : des malades « psys », toujours des mineurs (alors que ça ne devrait plus exister !), un désœuvrement anxiogène, etc.

Mais y a-t-il du nouveau par rapport aux « années Sarkozy » notamment ? Une ligne rouge est-elle franchie ?

Elle se franchit d’année en année, la politique se fait de plus en plus répressive. Il suffit de regarder la durée légale de rétention, sans cesse allongée. À quoi servent 90 jours ? Alors que le temps moyen à l’issue duquel les gens sont réellement expulsés varie entre 12 et 15 jours selon les années. Au-delà, les « chances » sont maigres pour l’administration d’obtenir les fameux « laissez-passer consulaires » [ces pièces sans lesquelles la France ne peut renvoyer, que les consulats des pays d’origine sont censés délivrer]. Tous les autres sont remis en liberté. Mais parfois au bout de 90 jours désormais… Quelle est la pertinence ?

La loi « asile et immigration » est en fait une loi d’affichage : elle s’est inscrite dans une stratégie électoraliste visant à satisfaire une partie de l’opinion très hostile, en tout cas rétive, à l’accueil des étrangers. Avec ces mesures répressives, il s’agit de donner l’impression que le gouvernement maîtrise les choses.

Le gouvernement revendique toutefois des résultats. Devant les députés, Christophe Castaner, le ministre de l’intérieur, s’est réjoui, le 16 juillet, d’une hausse de 10 % des « éloignements forcés » en 2018…

En chiffres bruts, on est à moins de 20 000. Franchement, pousser des cocoricos pour 2 000 ou 3 000 expulsions de plus, c’est dérisoire.

Prenez le cas des « dublinés » [des demandeurs d’asile que la France a le droit de transférer sans examiner leur dossier vers le premier pays de l’Union européenne où ils ont laissé leurs empreintes, d’après le règlement de Dublin] : en 2018, 3 500 transferts ont été effectués de la France vers un autre État de l’UE ; et dans le même temps, 1 800 personnes ont été transférées depuis un pays de l’UE vers la France. On s’échange des personnes ! Et pour ça, on les enferme en CRA. Voilà la cohérence de la politique migratoire européenne.

Au fond, on utilise « Dublin » contre le droit d’asile. On fait même du ping-pong avec l’Italie : la France y renvoie certains demandeurs trois ou quatre fois de suite, que l’Italie juge avoir le droit de nous re-transférer ensuite… Récemment, j’ai ainsi croisé plusieurs Soudanais à Ouistreham (Calvados), qui devraient pouvoir obtenir l’asile dans l’UE compte tenu de la situation dans leur pays (c’était avant le renversement de la dictature), mais qui avaient ainsi plusieurs « allers-retours » derrière eux et voulaient maintenant passer en Grande-Bretagne.

Au centre de rétention du Mesnil-Amelot, en avril 2019. © MM Au centre de rétention du Mesnil-Amelot, en avril 2019. © MM

D’une manière générale, le gouvernement utilise surtout les CRA pour une politique de soi-disant « dissuasion » contre des « appels d’air ». On place en rétention des gens dont on sait qu’ils ne seront pas expulsés, faute de « laissez-passer », etc. Outre que c’est détestable, pas conforme à l’esprit de la loi, ça n’a aucune pertinence : quand les gens veulent venir, ils viennent.

Alors, oui, il y a des phénomènes de « rebond » entre pays d’Europe, de « vases communicants », c’est-à-dire des demandeurs d’asile qui viennent en France après avoir tenté leur chance en Allemagne par exemple. Ça existe, mais ce n’est pas significatif. Je voudrais rappeler que les arrivées « illégales » en Europe, c’est 36 000 personnes sur les six premiers mois de l’année 2019, à rapporter à 1,2 ou 1,3 million en 2015. Alors que la « pression » migratoire a considérablement baissé, on est toujours confronté à un discours hystérique.Vos équipes envisagent-elles de retourner au Mesnil ? Surtout, dans ces conditions, allez-vous renouveler le contrat de la Cimade avec le ministère de l’intérieur, qui arrive à échéance à la fin de l’année ?

La direction du CRA dit aujourd’hui comprendre le stress de nos équipes – une partie de son personnel y est confrontée aussi. Elle doit surtout saisir le fonctionnement de la Cimade : celui d’un contre-pouvoir. C’est institué ainsi. Mais on va réussir à s’entendre, oui ; on y est obligé.

Et l’assemblée générale de l’association a déjà voté la reconduction – nous allons en tout cas répondre au nouvel appel d’offres. C’est l’histoire de la Cimade que d’être présente dans les lieux d’enfermement : l’association est entrée dans les camps dès 1939-1940. C’est sa vocation d’être en solidarité active auprès de personnes retenues ou détenues. Il y a des moments où l’on est obligés de monter le ton, mais il faut trouver des solutions pour que cette mission soit exercée.

Quel regard portez-vous sur des actions plus radicales comme celles menées récemment par le collectif de sans-papiers des « gilets noirs », qui a occupé le Panthéon ? D’une stratégie de confrontation ?

La stratégie de la Cimade, c’est d’être auprès des personnes, d’être en capacité de témoigner, d’interpeller. On peut avoir un discours musclé sans être dans une politique de rupture. La rupture, c’est oublier les personnes concernées.

Source https://www.mediapart.fr/journal/france/250719/aide-aux-etrangers-pourquoi-la-cimade-claque-la-porte-du-plus-gros-centre-de-retention-de-france

 

Entretien Yannis Youlountas

J’ai fait une exception à la règle en parlant pour la première fois à un média mainstream grec (mais pas n’importe lequel), et ce, à la demande de mes compagnons de luttes à Exarcheia. Pourquoi me direz-vous ? L’explication est dans l’article en question : un grand entretien paru hier dans Popaganda. N’hésitez pas à me dire sincèrement votre avis dans les commentaires.

« YANNIS YOULOUNTAS : NOUS N’AVONS PLUS D’AUTRES CHOIX QUE L’UTOPIE OU LA DYSTOPIE

Suite à l’attaque fasciste qu’il a subi il y a un mois au Pirée, l’écrivain, activiste, antifasciste et anarchiste Yannis Youlountas répond à Maria Louka, une invitation à lutter pour un monde meilleur.

Journaliste : Maria Louka / Photographe : Alexandros Katsis / Traduit du grec par Marietta Simegiatou.

[Intro]

Le 13 juin, un groupe de fascistes a attaqué un homme au Pirée. À la nuit tombée, dans un lieu isolé, à quatre contre un. C’est comme ça que les fascistes font leur sale besogne. Dans l’obscurité et en bande, dans le seul but de blesser et de terroriser leurs victimes.

Yannis Youlountas a sans doute eu mal durant l’affrontement, il a aussitôt après été emmené à l’hôpital, mais très rapidement, sans faiblir, il est retourné dans son espace de prédilection : sur la route, parmi ceux qui luttent. Il n’est pas de cette gauche bobo qui circule avec des vestes bien repassées sur les plateaux de télévision, qui mettent en avant leur titres dans la haute société, et qui font des sourires promotionnels. Il n’est pas non plus de ces artistes neutres qui se cachent à l’abri de la forme artistique pour ne pas se mêler de l’incendie qui ravage tout autour d’eux.

Il fait partie de ceux que Kerouac a qualifiés « les fous, les inadaptés, les fauteurs de troubles, les révolutionnaires … qui sont assez fous pour croire qu’ils peuvent changer le monde et qui, à la fin, y parviennent. »

Partageant sa vie entre la France et la Grèce, mais avant tout citoyen d’un monde dont il ne reconnait pas les frontières, réalisateur, écrivain et poète, activiste, antifasciste et anarchiste, Yannis Youlountas a, depuis un très jeune âge, pris position dans les conflits sociaux en faveur des opprimés.

Avec un long parcours dans les mouvements sociaux français et grecs, et toujours en première ligne du front antifasciste, il incarne ces dernières années tout ce que le gouvernement et son discours médiatique diabolise. Il est un fervent participant des collectifs autogérés, telles que les occupations pour les réfugiés que le nouveau ministre de l’intérieur Michalis Chryssochoidis menace de démolir comme il a autrefois démoli la dignité des femmes séropositives. Il est un relais crucial dans la construction d’un mouvement de solidarité international, lié à des personnalités insoumises de notre temps, comme Pia Klemp, la capitaine de navire qui sauve des réfugiés en Méditerranée. Il organise les campagnes internationales de soutien politique et économique à Rouvikonas pour couvrir les frais juridiques supportés par ses membres et croit profondément que la véritable forteresse à anéantir n’est pas Exarcheia mais le capitalisme.

Tout cela et beaucoup d’autres choses encore sont racontées dans son entretien avec Popaganda.

[Entretien]

Maria Louka — Yannis, raconte-nous quelque chose à propos de ton histoire personnelle. Comment la France et la Grèce se croisent dans ta vie ?

Yannis Youlountas — Je suis né en France le 21 septembre 1970, d’une mère française et d’un père grec de Rethymnon en Crète. Ouvrier, issu d’une famille très pauvre de huit enfants, il a quitté l’école dès 11 ans et a reçu sa première paire de chaussures fermées à 13 ans. De l’autre côté, ma mère est issue d’une famille d’enseignants. Elle a étudié la philosophie et a rejoint le mouvement Freinet pour une pédagogie coopérative et libertaire. Ils se sont rencontrés en 1969, pendant la junte des Colonels, et sont ensuite partis pour la France. C’est là que je suis né. Ils se sont ensuite séparés au bout de quelques années. J’ai grandi entre deux logements dont l’un était plein de livres jusque dans les toilettes, et l’autre sans même un dictionnaire. Depuis lors, j’ai compris que les inégalités sont non seulement économiques, mais aussi culturelles. Comme Bourdieu l’a écrit, la lutte n’est pas seulement une affaire de classes sociales, aussi de connaissance.

M.L. — Tu penses donc que les différences dans ta famille ont été le premier stimulant de ta politisation ?

Y.Y. — Oui, les inégalités entre mes parents ont été déterminantes dans ma prise de conscience. Mon père a passé de longues périodes de chômage durant lesquelles j’ai cherché avec lui des champignons, des escargots et des asperges sauvages par nécessité, pour avoir assez à manger. Bien avant de lire des ouvrages analysant les rapports de classes, j’avais déjà développé ma propre représentation.

L’éducation a également joué un rôle important dans ma vie. J’ai étudié de trois façons différentes. Tout d’abord dans une école autoritaire où régnait la violence et compétition. Ensuite, j’ai vécu deux années sans aller du tout à l’école aux côtés de mon grand-père français, durant la séparation entre mes parents. Puis, je me suis familiarisé avec la pédagogie Freinet, coopérative et libertaire, d’abord en tant qu’enfant, puis en tant qu’adulte. Des expériences passionnantes.

La vie est faite de temps et de mouvement. Et c’est précisément ce que confisque le système éducatif aux enfants : la vie elle-même. Alors que les parents ont appris aux enfants à parler et à se tenir debout, le système éducatif leur apprend aussitôt après à se taire et à s’asseoir. C’est pourquoi je participe aux mouvements d’éducation coopérative et libertaire en France et en Grèce, notamment au sein du réseau École Buissonnière-Pédagogie Freinet en Grèce. Je trouve ça très important. Pour changer la société, la lutte contre le gouvernement et l’État ne suffit pas. Les dés idéologiques sont jetés très tôt dans l’existence. La libération des enfants de l’éducation autoritaire est donc une étape indispensable vers un autre futur.

M.L. — Sur cette base, ton identité politique est donc antiautoritaire ?

Y.Y. — Oui. J’aime beaucoup les textes de Marx quant à son analyse du capitalisme, mais je suis convaincu avec Bakounine qu’il faut dissoudre l’État et basculer dans l’autogestion, car le pouvoir finit toujours par corrompre ceux qui le détiennent. Les travaux de Foucault sur la normalité, la surveillance, les prisons et la technologie m’ont également influencé. Tout ce qu’il a écrit se confirme : car chaque jour, nous cédons une partie de notre liberté à la technologie et nous acceptons de mettre notre vie quotidienne sous contrôle. Imaginons un instant si Hitler et sa Gestapo avaient disposé de pouvoirs technologiques de surveillance aussi sophistiqués : un cauchemar !

En France, je suis membre d’un groupe libertaire près de Toulouse, dans le département du Tarn, un groupe composite avec des membres venus de divers horizons, dont la plupart sont fédérés à la fédération anarchiste, Son nom, groupe ELAFF, signifie : écologistes, libertaires, antifascistes et féministes. Je fréquente aussi les mouvements libertaires catalans, en particulier à Barcelone.

M.L. — Tu as réalisé plusieurs films documentaires en Grèce. Cette activité a-t-elle une vocation historique, est-ce une sorte d’enregistrement de choses vues et vécues pour rétablir des faits historiques occultés ou déformés ?

Y.Y. — Depuis sept ans, j’ai réalisé trois documentaires : Ne vivons plus comme des esclaves, Je lutte donc je suis et L’Amour et la Révolution. Et j’ai commencé le tournage d’un quatrième. Je ne fais pas des films pour faire œuvre ou me faire connaître. Ce qui m’intéresse, c’est d’utiliser les outils de l’art pour bâtir de quoi comprendre et, peut-être, changer la société. Je me fiche de l’art pour l’art. Ce qui m’importe, c’est la vie elle-même. Nous pourrions aisément obtenir des subventions de l’État pour produire nos films, les uns après les autres, vu qu’ils ont toujours bien circulé dans les cinémas et qu’ils nous donnent donc le droit de le faire. Mais, avec mes proches, nous avons choisi de refuser toute collaboration avec l’État de même qu’avec les chaînes de télévision auxquelles nous avons systématiquement refusé les rares propositions de passer nos films. En agissant ainsi, nous nous rendons bien sûr la tâche plus difficile, mais nous restons authentiquement indépendants. Nous avons choisi, contre vents et marées, de rester modestes et à bonne distance du pouvoir et de la société spectaculaire. Nos films sont disponibles gratuitement sur Internet et tout le monde peut les voir et, par exemple, organiser des projections dans des lieux de luttes. C’est la même chose pour tous les livres que j’ai publiés. Je n’ai jamais utilisé le copyright, mais le creative commons, donnant la liberté de reproduire à des fins non commerciales. Je ne suis pas non plus rémunéré pour les films, uniquement défrayé. Mon travail professionnel est différent. Je travaille un peu partout pour des structures qui aident des groupes sociaux très vulnérables : sans-abris, prisonniers, élèves renvoyés de leur collège (dans le cadre d’ateliers relais), personnes souffrant de tendances suicidaires ou de dépendance à des drogues, et surtout je travaille dans des médiathèques et des écoles sous forme d’ateliers de philosophie qu’on appelle aussi goûters philo. Voilà pourquoi je ne veux pas gagner d’argent avec ce que je fais pour aider le mouvement. Mais je ne critique pas ceux qui se font payer ou reçoivent des subventions, c’est leur choix et souvent une nécessité. Je suis radical mais je ne veux pas être sectaire.

M.L. — Dans cette vie quotidienne partagée entre la France et la Grèce, tu soutiens beaucoup les squats de réfugiés. Qu’est-ce qu’ils représentent pour toi ?

Y.Y. — Je suis membre de l’assemblée du premier squat ouvert durant la crise des réfugiés, le Notara 26. Je le soutiens politiquement, financièrement et, bien sûr, en matière de communication. En effet, il y a un énorme fossé au niveau de l’information, car les médias du pouvoir déforment la vérité. Ils présentent une image d’Exarcheia qui se concentre uniquement sur la drogue et la mafia. Je ne dis pas qu’il n’y aucun problème à Exarcheia, le jeu obscur de l’État aux côtés de la mafia dans le quartier nous complique souvent la tâche, mais Exarcheia c’est beaucoup plus que tout ça. Les squats de réfugiés, par exemple, sont une grande cause, car ils montrent à la fois notre réponse immédiate à un besoin vital et la société solidaire que nous voulons construire tous ensemble. Lorsque vous ouvrez un squat pour accueillir des réfugiés, vous ne soulagez pas seulement des êtres humains en souffrance, vous apportez aussi un supplément d’égalité et de liberté dans cette société profondément injuste. La société que nous désirons ne peut pas être uniquement décrite dans des textes. Les gens sont fatigués des paroles non suivies d’actes. Nous devons montrer des exemples concrets de la société que nous désirons. Les squats de réfugiés en Grèce en sont un parfait exemple.

M.L. — Dans ce contexte, tu as été la principale personne qui a organisé des convois solidaires internationaux à destinations des structures autogérées en Grèce. Est-ce que ce fut l’une des expériences les plus intenses de ces quatre années ?

Y.Y. — J’ai noté tous les besoins dans les différents squats, dispensaires médicaux, cuisine sociale, etc., autant de lieux que je connais bien, parfois même en tant que membre, puis nous avons apporté, avec mes camarades de l’autre bout de l’Europe, de plus en plus de choses transmises par des personnes solidaires en France et dans d’autres pays alentours. Nous avons toujours pris soin d’amener uniquement des choses correspondant aux besoins précis des lieux, bien rangées dans chaque fourgon, et à ne jamais livrer du débarras. Ce point est très important. Nous agissons comme des égaux, des solidaires, respectueux de nos camarades grecs et réfugiés, et nous n’avons rien à voir avec des initiatives de charité. Je comprends, bien sûr, que chacun participe à sa manière et apprenne progressivement, mais le fond est aussi dans la forme. Nos convois, bâtis en grande partie sur les moyens de communication et financiers de nos films, sont politiques, solidaires, internationalistes.

Parmi ce que nous avons apporté, il y a du matériel médical, des couches pour bébés, ou encore du lait en poudre car les mamans allaitantes étaient épuisées par le long voyage, la peur et la violence, et n’avaient souvent plus de lait pour nourrir leurs enfants. Le premier grand convoi s’est déroulé en mars 2017 avec 26 fourgons en provenance de France, de Belgique, de Suisse et d’Espagne. Dès la première fois, les médias de masse ont beaucoup parlé de nous en diffusant toutes sortes de mensonges, par exemple que nous n’amenions que des choses pour les réfugiés et rien pour les grecs, alors que, outre les squats, nous avons toujours également soutenu les dispensaires médicaux autogérés, la cuisine sociale L’Autre Humain, divers groupes de résistance, des luttes environnementales et une bonne quinzaine de lieux autogérés hautement politiques, comme le K*Vox, Favela, Nosotros, Evangelismo ou Mikropolis. Les chaînes de télé ont également raconté que nous amenions des armes.

Nous avons toujours été au cœur d’une énorme désinformation à cause du danger que nous représentions dans l’imaginaire social. Durant le deuxième grand convoi, en novembre 2017, nous avons été arrêtés par la police au péage de Megara, entre Corinthe et Athènes. Les policiers ont demandé les pièces d’identité à tous les membres du convoi (sauf à moi), mais ils ne sont pas allés jusqu’à ouvrir les cartons. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’ils savaient très bien que nous ne transportions pas d’armes. Notre arme, c’est la solidarité. Ils n’ont pas ouvert le moindre carton, car sinon, ils auraient été contraints de cesser de nous calomnier et de nous harceler, notamment en nous suivant un peu partout avec des véhicules banalisés de façon très grossière. Au total, nous avons effectué 12 convois, dont 4 grands convois avec plus de 10 fourgons. À chacune de nos arrivées, une bonne moitié de mes compagnons de voyage ont, tôt ou tard, essuyé quelques larmes d’émotion. Ce sont des moments très intenses et inoubliables, de part et d’autre, qui nous rappellent que les frontières ne sont rien. Le pouvoir les utilise pour nous diviser et nous contrôler.

M.L. — Le nouveau gouvernement du parti Nouvelle Démocratie a annoncé une grande opération d’évacuation et de « nettoyage » à Exarcheia. Cette éventualité t’inquiète ?

Y.Y. — Nous allons être les témoins d’un véritable totalitarisme politique. Mais ce ne sera pas aussi facile que le pouvoir l’imagine. Le nouveau premier ministre grec est un descendant de la dynastie Mitsotakis et plusieurs membres de son gouvernement sont issus de l’extrême-droite. Ils ont promis de détruire tout ce qui faisait la substance et la réputation d’Exarcheia et vont tout faire pour y parvenir. Il y a une trentaine d’années, les flics avaient déjà occupé la place centrale du quartier durant des mois, avant de renoncer.

Depuis, les choses ont changé. Nous avons construit des relations internationales plus fortes que jamais, un puissant réseau de solidarité par-delà les frontières, des échanges d’informations rapides sur un plan horizontal, à l’écart des médias dominants et de leurs mensonges le plus souvent par omission, de fréquents convois et tournées dans un sens et dans l’autre pour mieux nous connaître et présenter ce que nous faisons. Nous sommes avons commencé à construire quelque chose ensemble. Quelque chose d’historique peut-être.

C’est pourquoi, si j’ai accepté pour la première fois de parler à un média de masse qui n’est ni autogéré ni membre de notre réseau, c’est parce que nous avons décidé d’interpeller la société, d’avancer d’un pas vers elle, de faire un effort d’ouverture en direction de gens qui, par exemple, ne nous lisent pas ailleurs. Qu’est-ce que nous voulons dire avec tout ça ? Qu’il y a un monde qui va réagir devant l’attaque et que « nous n’avons pas peur des ruines ». C’est le titre que nous avons choisi à l’unanimité pour le nouveau documentaire que je prépare avec mes compagnons d’Exarcheia et ailleurs en Grèce. Ce titre-slogan est tiré d’une phrase célèbre de Durruti. Pourquoi nous n’avons pas peur des ruines ? Tout simplement parce que c’est nous qui avons tout construit et que, si tout venait à être détruit, nous saurions tout reconstruire en mieux.

M.L. — Tu veux dire que la société capitaliste n’est pas la seule possible ?

Y.Y. — Le capitalisme prétend que l’Histoire est terminée. Autrement dit : chaussez vos pantoufles, asseyez-vous confortablement dans votre canapé, allumez la télévision, gavez vous de chips et soyez heureux que ce que vous voyez aux infos du JT ne vous arrive pas à vous, personnellement. Sauf que ça ne se passera pas comme ça. Rien n’est fini. Il existe des poches et des modèles proposant d’autres façons de vivre dans de multiples régions du monde, du Rojava au Chiapas. Le pouvoir sent de plus en plus qu’il y a quelque chose de puissant et d’insaisissable qui commence à se dessiner en face de lui, c’est pourquoi il se durcit et glisse un peu partout vers le fascisme. Le fascisme est le stade ultime du capitalisme quand il se sent menacé, quant ses illusions perdent en efficacité, quand il éprouve la nécessité de démasquer son vrai visage profondément autoritaire. Partout dans le monde, les pouvoirs se durcissent et le fascisme gagne du terrain. Au Brésil, aux États-Unis, en Hongrie, en Italie, dans trois ans en France…

Pourtant, comble de la réthorique des médias, c’est nous qui sommes traités d’extrémistes. En réalité, en réfléchissant un peu, en ouvrant les yeux sur les actes des uns et des autres, il est clair que ce qui est extrémiste c’est de détruire la Terre, saccager la vie et faire le malheur des gens. La liberté que le pouvoir propose est une liberté de pacotille. Être libre ne signifie pas choisir ce qu’on va acheter dans un rayon de supermarché, mais inventer sa vie, sans opprimer autrui ni détruire la nature, et contribuer réellement à la construction d’un espace commun de réflexion et d’action à commencer par l’entraide. Je ne parle pas seulement d’anarchie, je parle de respect, de dignité, d’humanité, d’amour de la vie et du droit irrépressible de choisir comment nous désirons traverser ce court moment qu’est l’existence.

M.L. — Il y a quelque temps, un groupe de fascistes t’a attaqué au Pirée. Veux-tu nous parler un peu de cette expérience et de l’empreinte qu’elle t’a laissée ?

Y.Y. — C’était il y a un mois. J’étais allé aider le centre social Favela qui avait déjà été la cible d’attaques fascistes par le passé. En sortant du lieu en portant un tee-shirt qu’on venait de m’offrir, j’ai vu quatre fascistes fondre sur moi. Trois ont tenté de me rouer de coups pendant que le quatrième surveillait la seule issue. Heureusement, j’ai tenu bon jusqu’à ce que des témoins arrivent et me viennent en aide. Cela m’est aussi arrivé en France, mais de façon un peu moins violente. Depuis deux ans, je suis également en procès avec les fascistes qui ont organisé l’opération Defend Europe à bord du navire C-Star pour tenter d’empêcher le sauvetage en mer des migrants. Ils n’ont pas supporté notre campagne antifasciste sur toutes les rives de la Méditerranée pour les empêcher d’arriver à leurs fins. D’échec en échec, notamment à Chypre puis en Crète, grâce à la mobilisation de mes camarades de Ierapetra et d’Héraklion, ils ont été forcés de rentrer chez eux en avion. Ensuite, ils m’ont presque aussitôt poursuivi devant les tribunaux parce que j’étais le seul membre visible du collectif Defend Mediterranea qui s’opposait à eux, étant donné que je publiais nos communiqués. L’affaire est en cours. J’attends une éventuelle cassation.

Qu’importe les attaques, les insultes, les menaces, les procès, et peut-être même la mort, s’ils mettent leurs menaces à exécution. Pour chacun d’entre nous, participer au mouvement social est un risque et je l’accepte. Après l’attaque des fascistes, j’ai répondu à mes camarades et amis venus me voir à l’hôpital puis dans mon lieu de convalescence à Exarcheia que j’allais bien et qu’il n’y avait pas lieu de s’inquiéter. Non seulement parce que nous avons librement choisi d’être des cibles potentielles, mais aussi parce qu’en ayant l’habitude d’aider des personnes affamées, malades, sans-papiers ou dormant dans la rue, nos problèmes à nous paraissent vraiment très petits par rapport aux leurs.

M.L. — Tu as des relations étroites avec Rouvikonas pour lequel tu as organisé des actions de soutien. Pourquoi penses-tu que ce groupe est décrit comme le mal absolu dans le discours dominant ?

Y.Y. — Rouvikonas a été diabolisé parce qu’il est la voie à suivre. Si des centaines, des milliers de Rouvikonas agissaient un peu partout, le pouvoir tremblerait sur son piédestal et finirait par tomber. Malgré la propagande immense contre ce groupe, en Grèce comme ailleurs, il y a beaucoup de gens et de collectifs qui aiment Rouvikonas et qui sont diversement inspirés par son action. Ces dernières années, les différentes formes de résistances en Grèce ont joué un rôle très important dans le développement d’un nouveau mouvement international anticapitaliste et, de plus en plus, antiautoritaire. Nous avons créé énormément de liens d’un bout à l’autre de la Grèce et de l’Europe, parfois même au-delà. Rouvikonas en est le parfait exemple. Avec sa façon particulière de remettre au goût du jour l’action directe, le groupe montre tout simplement que le pouvoir n’est pas invincible. En conséquence, il est constamment l’objet de poursuites et de l’ire des médias. D’un bout à l’autre du continent, nous sommes nombreux à le soutenir financièrement pour l’aider à couvrir ses frais de Justice. Nous avons récemment contribué au dépôt de garantie énorme exigé suite à l’attaque du parlement : 60 000 euros réunis en moins d’un mois pour empêcher l’emprisonnement de nos camarades.

Personne parmi nous ne rêve d’être un martyr. Personne ne veut aller en prison. Mais si l’État grec choisit d’envoyer des membres du Rouvikonas en prison, il en assumera les conséquences. Il montrera, une fois de plus, son vrai visage, en privant de liberté des personnes qui luttent contre les inégalités, les accidents du travail, la tyrannie des employeurs, les ventes aux enchères des logements des familles surendettées, les exploitations minières et pétrolières dévastatrices pour l’environnement et tant d’autres causes éminemment justes.

M.L. — Dernière question, quel est selon toi le dilemme de notre temps ?

Y.Y. — Utopie ou dystopie. Nous n’avons plus d’autres choix que l’utopie ou la dystopie dans l’impasse où nous nous trouvons. Et je suis convaincu que nous sommes capables de faire ce grand pas en avant : choisir l’utopie et vivre mieux. »

[Sur le site de Popaganda, l’entretien se termine avec les films Ne vivons plus comme des esclaves, Je lutte donc je suis et L’Amour et la Révolution, en version grecque, intégrés tour à tour dans la page]

Version grecque de l’entretien :
https://popaganda.gr/people/o-giannis-gioulountas-pistevi-oti-to-dilimma-tis-epochis-mas-ine-outopia-i-distopia-ki-epilegi-to-proto

Source http://blogyy.net/2019/07/25/un-entretien-pas-comme-les-autres/

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