A voir et écouter cette chansonnette des balcons de la Compagnie Jolie Môme « On est là, on est là » https://youtu.be/Q2uKS8RNtfY et voir spécifiquement à 2mn 40 non nous n’oublierons pas . Source https://cie-joliemome.org/
A voir et écouter cette chansonnette des balcons de la Compagnie Jolie Môme « On est là, on est là » https://youtu.be/Q2uKS8RNtfY et voir spécifiquement à 2mn 40 non nous n’oublierons pas . Source https://cie-joliemome.org/
Macron n’a rien appris : pour la santé, le « jour d’après » sera le jour d’avant… en pire
Macron aurait-il donc « appris » des conséquences terribles des politiques d’austérité et de privatisation de la protection sociale menée par lui et tous ses prédécesseurs ? Le « jour d’après » marquerait-il un tournant radical vers un système de santé placé « hors des lois du marché » ?
Il n’a pas fallu longtemps pour avoir la réponse. Un projet de note, rédigée à la demande de l’Élysée par la Caisse des dépôts et consignations et révélée par Mediapart, préconise un « jour d’après » qui ne serait rien d’autre que le « jour d’avant »… en pire.
L’État providence selon Macron, après comme avant la crise, reste un état « stratège » qui ouvre les vannes d’un financement public massif… aux entreprises privées (start up, réseaux de soins concurrentiels des assurances et mutuelles, établissements de santé « non lucratifs »). La note de la CDC prévoit en outre la relance des « partenariats public-privé », qui transforment les hôpitaux publics en vache à lait pour le privé, et qui avaient du être arrêtés ces dernières années suite à plusieurs scandales. Et l’on ne parle même pas de la préconisation de la transformation, avec de l’argent public, en navires-hôpitaux, de bateaux de croisières devenus invendables : une aubaine pour les armateurs !
Pas un mot, en revanche, sur ce qu’attendent les personnels hospitaliers en lutte depuis plus d’un an et les patientEs qui constatent même hors épidémie la dégradation du service public, la pénurie de personnel, de matériel, les fermetures de services. Pour demain, comme pour aujourd’hui, les personnels de santé ne demandent pas des discours, mais des actes. Ils et elles ne demandent pas à être des « héros » épuisés et sacrifiés, mais des professionnelEs capable de donner les soins nécessaires, en toute sécurité pour eux et pour les patients. Or, dans la note de la Caisse des dépôts, rien sur l’augmentation des budgets hospitaliers, rien sur la réouverture des lits et des services nécessaires, rien sur le recrutement massif de personnel, pour les urgences et tous les services hospitaliers, rien sur le maintien et la réouverture des urgences de la chirurgie, des maternités des hôpitaux de proximité sur tout le territoire, ni sur l’extension hors de l’hôpital d’un service public assurant partout un accueil proche. En un mot : rien sur la remise à niveau d’un service public de santé assurant gratuitement l’accès aux soins de touTEs et capable de faire face aux crises sanitaires.
Non, Macron n’apprendra rien, et il n’y a aucune « unité nationale » possible derrière un pouvoir qui, incapable de faire face à l’épidémie actuelle, entend poursuivre « le jour d’après », la politique qui a mené à la catastrophe. Personnels hospitaliers, usagerEs de la santé, la solution ne viendra que de notre action solidaire pour imposer les réponses d’urgence à la crise : pour aujourd’hui, des masques, des protections, du matériel des médicaments, la réquisition des entreprises pour les fournir, le recrutement du personnel nécessaire ; et pour demain, un service public de santé gratuit et proches garantissant à toutes et tous l’accès aux soins.
Montreuil, le 1er avril 2020.
Vio.Me restera dans les mains des travailleurs
Ils profitent de l’interdiction de circulation pour couper l’alimentation électrique de Vio.Me.
Des hommes en kaki, des hommes armés circulent dans l’obscurité en temps de confinement et répriment. Qu’est-ce que cela nous rappelle?
Avant l’aube, à 6h30 du matin, le gouvernement a ordonné à une équipe de l’Entreprise publique d’électricité de couper l’alimentation électrique à l’usine de Vio.Me. Des CRS étaient présents pour protéger cette tentative d’extinction de notre lutte. Comme on pouvait s’y attendre, l’interdiction de circulation s’applique aux uns mais pas aux autres. Si les travailleurs de Vio.Me. se rassemblaient pour protester, ils seraient illégaux, tandis que les CRS et quelques employés du Service d’Électricité peuvent se permettre de se rassembler pour couper le courant.
Ils ont coupé l’électricité sous prétexte que nous sommes illégaux. Voici le crime que nous avons commis ces dernières semaines, depuis le début de la pandémie: nous produisons des savons pour les envoyer au camp de réfugiés, à Moria, sur l’île de Lesbos, à des gens qui n’ont pas la possibilité de se les procurer. Nous produisons des nettoyants pour les envoyer dans les prisons que l’État laisse à la merci de la pandémie. Et bien sûr, nous avons continué à produire des nettoyants pour les mettre à la disposition des familles qui n’ont pas le droit d’être protégées contre le virus, puisqu’elles s’entassent sur les lieux de travail pour générer les profits de ceux qui détiennent le pouvoir. Le dénominateur est ici commun. Selon eux, il est sage de « rester à la maison » sauf pour ceux qui doivent générer leurs bénéfices. «Rester à la maison» à condition d’en avoir une et de ne pas être obligé de vivre dans des camps de concentration. Il n’est pas rentable, pour l’État et les employeurs, de prendre soin d’un travailleur, d’un réfugié, d’un prisonnier. C’est pourquoi il les laisse à la merci de la pandémie, mais quand il s’agit de luttes collectives les mesures de confinement sont inviolables. L’État veut fermer l’usine, arrêter une fabrication de produits de nettoyage en pleine crise de coronavirus. Il ordonne la fermeture d’une usine qui respecte les mesures de sécurité des employés mais exempte les grandes entreprises de tout contrôle.
Ce n’est pas la première fois qu’ils essaient de couper le courant à notre usine. Les gouvernements précédents ont tenté de le faire aussi. Et tout cela, alors que nous proposions plusieurs fois d’avoir un compteur à notre nom pour qu’on puisse payer notre consommation. Nous comprenons très bien pourquoi ils sont venus avant l’aube. Parce qu’au lever du jour une vague de solidaires est arrivé immédiatement à l’usine. Des gens du monde entier sont déterminés à soutenir notre initiative. Des solidaires traduisent et diffusent nos textes. Ils demandent nos produits. Vio.Me. ne fermera pas pour deux câbles coupés. Des solidaires nous ont déjà apporté un groupe électrogène et nous continuons à travailler et nous nous préparons à reprendre complètement la production par tous les moyens.
RECONNEXION IMMÉDIATE AU RÉSEAU DE l’Entreprise publique d’électricité AVEC LE NUMÉRO FISCAL DE SE.VIO.ME.
LÉGALISATION TOTALE DE L’ESPACE DE L’USINE POUR UN FONCTIONNEMENT DE PRODUCTION SANS ENTRAVES
NOUS FAISONS APPEL À TOUTES / TOUS LES SOLIDAIRES EN GRÈCE ET À L’ÉTRANGER À MONTRER LEUR SOLIDARITÉ
VOUS POUVEZ SOUTENIR NOS EFFORTS EN ACHETANT DES PRODUITS :
LIEN : https://www.viomecoop.com/ ou par EMAIL : seviome@gmail.com
Vous pouvez signer la pétition ici : https://tinyurl.com/wj67hdw
Le texte ci-dessus est la traduction du texte de la pétition et pour signer : ονομα = prénom Επώνυμα = Nom
Depuis 2016 le collectif de Grenoble organise chaque année une commande groupée des produits des VioMe pour les soutenir. La dernière a été livrée en décembre 2019. La date de la prochaine n’est pas encore fixée.
Profitant des interdictions généralisées en raison de l’épidémie le gouvernement grec a coupé le courant de l’usine autogéré VioMe que nous soutenons depuis des années.
Voir la déclaration des VioMe :
Les vampires du pouvoir agissant dans l’obscurité ont trouvé le « bon » moment pour couper l’alimentation électrique de l’usine autogérée de Vio.Me. à 6h30 du matin le 30/3/20. Ils avaient la grue prête et, avec le soutien de deux escouades du SWAT, ce qui signifie un commandement politique, ils ont fonctionné comme les gouvernements grecs des années 50 qui exécutaient les combattants dans le noir pour que le peuple ne réagisse pas. Nous dénonçons également les « collègues » du PPC qui ont collaboré en tant qu’exécuteurs dans le même acte.
Nous exigeons la reconnexion immédiate de l’alimentation électrique.
Et tout cela alors que nous sommes en négociation avec le ministère du travail pour la légalisation complète de l’usine autogérée de Vio.Me.
Et alors qu’ils savent que nous fabriquons des produits d’hygiène personnelle et domestique, qui sont de première importance pour la société.
En toute solidarité,
Les travailleurs de SEVIO.ME
Dans les îles grecques devenues camps de réfugiés, le coronavirus s’ajoute à l’abandon européen
L’épidémie de coronavirus menace aussi les camps de réfugiés des îles grecques. Avec des dizaines de milliers de personnes qui y survivent sans accès suffisant à l’eau, aux douches, ni aux toilettes, ces camps risquent de se transformer en bombes sanitaires. Les ONG demandent leur évacuation, le gouvernement grec a décidé de les confiner. Reportage sur l’île de Chios avant le confinement.
Ils se sont donnés rendez-vous dans un petit appartement du centre-ville, à deux pas de la forteresse qui veille encore sur le port de Chios. Tous travaillent dans des ONG impliquées auprès des réfugiés. Pour la première fois, une assemblée numérique est organisée avec responsables humanitaires et bénévoles des autres îles. Sur l’écran, des petits carrés lumineux s’illuminent successivement. « Evros », « Lesbos », « Kos », « La Canée »… Chacun se présente par son emplacement, son front de lutte. Les traits sont tirés, les nouvelles ne sont pas bonnes. Agression de réfugiés, attaques de responsables d’ONG, destruction de lieux de solidarité, barrages sur les routes, départ des volontaires internationaux et réduction des activités des organisations caritatives, manifestation et contre-manifestation. Dans certaines îles, on a frôlé la guerre civile.
Les récits s’enchainent et se ressemblent. Partout, la situation semble hors de contrôle depuis la fin du mois de février. Un volontaire de Kos tire la sonnette d’alarme : « Les réfugiés manquaient déjà de tout mais ce à quoi ils font face désormais est bien plus dangereux, c’est la montée rapide et directe du fascisme. C’est bien plus grave que tout ce qui pouvait manquer jusqu’à présent. » Les autres acquiescent. C’est sans compter sur la menace du coronavirus qui ne ferait qu’envenimer encore la situation si des cas étaient détectés dans les camps de réfugiés – ils sont plus de 40 000 dispersés sur les cinq îles -, sans parler du désastre sanitaire qu’une telle contamination représenterait.
Chios n’échappe pas à la règle. Avec plus de 6000 réfugiés pour quelques 50 000 habitants, l’île semble au bord de l’implosion malgré le calme relatif qui a depuis peu regagné la ville et ses alentours. Avec l’annonce du président turc Recep Tayyip Erdoğan fin février de ne plus vouloir retenir les migrants sur son territoire, les arrivées se sont multipliées. Rien qu’en 2020, ce sont près de 10 000 réfugiés qui ont tenté la traversé depuis la Turquie selon le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés. L’île de Chios est en première ligne, séparée des côtes turques seulement par un bras de mer d’une dizaine de kilomètres.
Méfiance des habitants de l’île envers le gouvernement grec
La situation a amené le gouvernement grec, de droite, de Kyriákos Mitsotákis à instaurer début mars un régime d’exception pour au moins 30 jours. Aucune demande d’asile n’est plus enregistrée, ce qui est en contradiction avec la convention de Genève et avec le droit européen et international. Pis, les derniers arrivés depuis le 1e mars ne sont plus enregistrés ni même emmenés à Vial -le camp de Chios- et sont détenus dans des structures ad hoc, sans accès aux responsables des ONG ni à des avocats. Un reportage du New York Times à Evros, la frontière continentale au nord du pays, mentionnait des renvois directs vers la Turquie, ce que le gouvernement d’Athènes a jusqu’alors toujours démenti [1].
« Encore faut-il que le gouvernement du pays de retour – ici la Turquie – soit d’accord avec le renvoi, ça semble encore très incertain », précise Victoria*, une Grecque de 35 ans qui travaille pour une organisation internationale présente sur l’île et qui souhaite conserver l’anonymat. Et d’ajouter : « Il y a aussi une dimension de propagande assez évidente dans cette décision du gouvernement grec, c’est certainement pour rassurer la population locale et les Grecs en général. » Il faut dire que les insulaires entretiennent une défiance croissante vis-à-vis du gouvernement central mais aussi des institutions européennes.
Cette méfiance a atteint son paroxysme fin février quand Athènes a annoncé son intention de construire un nouveau camp fermé, dans les montagnes au cœur de l’île. Malgré un refus massif des insulaires et de leurs représentants, les autorités ont bien tenté de passer en force, débarquant discrètement près de 300 policiers anti-émeute helléniques afin de sécuriser les travaux préparatoires. La goutte de trop. Jamais de mémoire d’habitant, on avait aperçu ces armures et ces boucliers. Manifestations, grèves sauvages et barrages improvisés sur les routes : la réaction populaire a pris de court le gouvernement. La situation est devenue si tendue que les policiers anti-émeutes ont été rapatriés après seulement quelques jours, pourchassés jusque dans le port par des habitants furieux. « C’est vraiment à ce moment que tout a basculé, quand ils ont voulu construire le nouveau camp. Tout le monde s’y est opposé. Quels que soient les avis politiques, nous avons manifesté ensemble, mais malheureusement, pas pour les mêmes raisons. Certains ne veulent plus de réfugiés du tout… », précise Alba, une des rares volontaires internationales encore présente sur l’île.
Les volontaires des ONG : « Nous sommes devenus des cibles »
Ce sont surtout les franges les plus réactionnaires de la société grecque qui ont depuis fait parler d’elles. En tête des actualités, les arrivées à Lesbos de militants se qualifiant ouvertement d’identitaires voire de néo-nazis ont éclipsé les violences qui touchent les autres îles. À Chios, l’entrepôt qu’occupait l’organisation caritative norvégienne One Family–No Border a été incendié dans la nuit du 2 mars avec tout ce qu’il contenait de dons arrivés des quatre coins du monde et à destination des réfugiés. Vêtements, chaussures, poussettes, jouets et autres produits de première nécessité : au petit matin il ne restait que des cendres fumantes. Hanne Hoff, une femme de 62 ans atterrie sur l’île dès 2016 après une année à Lesbos, ne pense pas à une origine accidentelle.
Loin d’être isolé, le cas de l’ONG One Family illustre la montée des menaces pour ceux qui aident de près ou de loin les migrants. Une autre organisation historique, Feox, a aussi dû réduire son activité. Ses créateurs, Adonis et Michaelis, deux jumeaux natifs de l’île, se sont taillés une solide réputation en secourant des milliers de naufragés qui approchaient des côtes de Chios depuis le début de la crise migratoire. « En 2015 et 2016, il arrivait en moyenne dix bateaux par jour, avec parfois jusqu’à 80 personnes dans l’embarcation. Faîtes le calcul », rapporte Adonis, une certaine fierté dans la voix. Les deux frères, qui portent barbes et longues chevelures grisonnantes, patrouillaient nuit et jour à moto le long de la côte, gagnant ainsi leur réputation de « jumeaux pirates ». Les choses ont changé.
Ce sont toutes les personnes qui viennent en aide de près ou de loin aux migrants qui se sentent aujourd’hui menacées. Pour ceux qui restent, principalement des Grecs, les consignes des centrales humanitaires deviennent de plus en plus strictes : « Ne pas dire d’où l’on vient, ni pourquoi on est sur l’île, se faire passer pour des professeurs, ne pas rentrer seul chez soi le soir », énumère Hypatia [2], elle-même responsable dans une organisation internationale présente sur le camp de Vial. Les loueurs de voiture refusent désormais de travailler avec des étrangers, de peur que leurs véhicules ne soient détruits. De nombreux volontaires internationaux ont préféré quitter l’île, à l’image d’Hanne Hoff, retournée en Norvège. « Nous sommes devenus des cibles, on ne sait pas ce qui pourrait arriver », se désole-t-elle. Combien de temps pourrait durer cette retraite ? « Au moins un mois, ensuite nous verrons. » C’est toute l’activité de solidarité et d’aide aux réfugiés qui s’en trouve ralentie.
« Nous sommes abandonnés par le gouvernement et par l’Europe »
« Les Grecs ont été des gens exceptionnels, la société grecque s’est montrée d’une telle solidarité en 2015 au début de la crise des réfugiés », salue Alba, qui a préféré rester pour prêter main forte aux jumeaux pirates. « Les insulaires en ont assez, cela dure depuis trop longtemps, ils ont aussi des problèmes et des difficultés. On peut les comprendre d’une certaine manière. Ils ont l’impression de se faire voler leur île, tout ce qu’ils veulent, c’est reprendre leur vie d’avant ».
L’histoire de Chios est celle d’un lent pourrissement suspendu aux accords internationaux, négociés entre Bruxelles, Athènes et Ankara. Maria, une insulaire qui tient une taverne au sein des remparts de la vieille forteresse ne dit pas autre chose : « La situation a beaucoup changé. Il y a cinq ans, il n’y avait que 200 ou 300 réfugiés, et ils partaient ensuite en Europe. Mais les autres pays n’ont pas accepté cette circulation et ont tout fait pour les maintenir bloqués ici. Nous ne pouvons pas en avoir plus. Nous sommes abandonnés par le gouvernement et par l’Europe. » C’est désormais sur ces îles que se matérialisent les frontières extérieures de l’Union européenne.
C’était l’idée même des « hotspots », ces points de chute conçus par le gouvernement grec et l’Union européenne pour faire face à l’afflux de réfugiés depuis 2014. En avril 2015, un accord conclu entre la Commission européenne et Athènes acte la création de ces « institutions de premier accueil » – leur nom officiel. Cinq îles grecques, toutes proches des côtes turques sont concernées : Chios, mais aussi Lesbos, Kos, Leros et Samos. Ces structures, imaginées pour centraliser l’enregistrement des arrivées et le traitement des demandes d’asile ont vite été submergées.
Peu à peu, Chios s’est transformée en une immense prison à ciel ouvert
Depuis 2014, plus d’un million de personnes ont risqué la traversée. En avril 2016, le deal passé entre l’Union européenne et la Turquie pour tenter d’endiguer le flux de réfugiés a eu des effets directs sur la situation des hotspots. Désormais, il n’est plus question pour les demandeurs d’asile de circuler librement en Grèce. Ils doivent rester sur l’île le temps de l’examen de leurs dossier. Une nouvelle loi de janvier 2020 a encore considérablement restreint les dérogations en cas de vulnérabilité, qui pouvaient auparavant donner un droit de circulation sur le continent. Peu à peu, Chios s’est transformée en une immense prison à ciel ouvert pour des migrants qui ne savaient souvent même pas vers où se dirigeait leur embarcation de fortune.
L’ONG norvégienne Aegan See Reports tente de centraliser les chiffres clés des afflux migratoires sur les îles grecques depuis 2015. Ceux-ci sont sans équivoque : jusqu’à avril 2019, on comptait moins de 1800 réfugiés sur l’île. Puis, le compteur explose à partir de l’été 2019. En mars 2020, plus de 6000 demandeurs d’asile sont bloqués sur Chios. Ce pourrissement de la situation exaspère les habitants, et inquiète certains élus.
Dimitris Antonoglou siège au conseil de la ville de Chios depuis un an sous l’étiquette Hiaki Sympolitia, un parti de gauche. Réellement inquiet, il hésite quant à la riposte à organiser. « Notre situation concerne toute l’Europe. On voit bien que c’est l’ensemble du spectre politique en Grèce comme ailleurs qui se déplace vers la droite. Les idées d’invasion, d’islamisation, font leur nid. Renaud Camus est devenu une référence en Grèce [3]. L’Union européenne croit avoir réglé ses problèmes en bloquant les réfugiés sur quelques îles. Mais c’est comme cacher la poussière sous le tapis, personne ne prend conscience de la taille du problème. » Pour l’élu grec, « il faut que l’Europe revienne à la réalité, tout ça c’est aussi la conséquence de sa politique ».
Raphael Goument
Ce reportage a été réalisé avant que le gouvernement grec décide des mesures de confinement des camps de demandeurs d’asile de la mer Égée, le 17 mars.
Photo de une : Un bateau des garde-côtes helléniques stationne dans la marina de Chios, arborant un drapeau « Frontex », l’agence de l’Union européenne chargée du contrôle et de la gestion des frontières extérieures de l’espace Schengen et dont les moyens ont été considérablement renforcés depuis le début de la crise migratoire. © Raphael Goument.
Source https://www.bastamag.net/Refugies-Grece-Turquie-Chios-Lesbos-coronavirus-Union-europeenne
Nous publions la version écrite de l’analyse proposée par le philosophe Alexis Cukier pour la chaîne Youtube « Philosopher en temps de crise ». ( vidéo en bas du document)
Rien ne sera plus comme avant. Désormais – l’heure appelle, je pense, à le dire sans détour, sans attendre les résultats de nouvelles expériences et de nouvelles enquêtes, en s’éloignant autant que possible des formules habituelles des discours philosophiques et politiques, de manière très directe –, les alternatives se poseront ainsi, ici et maintenant : le capitalisme ou la vie, travailler contraint à en mourir ou travailler librement pour la vie.
Après la crise, l’ordre établi sera prêt pour le gouvernement autoritaire des prochaines catastrophes écologiques. Nous aurons connu des malades, des mortes et des morts, nous aurons été travailler ou faire des courses la peur au ventre pour nous-mêmes et pour les autres, nous aurons été paniqué.e.s, sidéré.e.s, confiné.e.s, en colère, solidaires, déterminé.e.s. Nous aurons vu mise en œuvre à grande échelle cette priorité des dirigeants : sauver l’économie, c’est-à-dire les profits, plutôt que les vies. Dans les pays riches du Nord global, nous n’aurons certes pas connu les souffrances que les pillages, le néocolonialisme et les guerres font vivre aux habitant.e.s des pays appauvris du Sud global. Mais ce que les crises sanitaires, économiques, sociales, politiques, auront rendu ici aussi manifeste, c’est cette vérité : le capitalisme produit la mort. Par la guerre, qui lui est régulièrement nécessaire. Mais aussi continûment et d’innombrables autres manières, violentes ou progressives, visibles ou inaudibles, banales ou extraordinaires, et selon un développement inégal et combiné entre classes sociales et entre centre et périphéries : le capitalisme produit la mort et épuise la vie.
Leurs profits, nos morts
Celles et ceux qui meurent de maladies à coronavirus, du Covid-19, sont infecté.e.s par le virus SARS-CoV-2 mais sont tué.e.s par des décisions politiques qui, en défendant les conditions du travail, du soin et de la vie nécessaires au capitalisme, n’ont pas permis d’empêcher et ne permettent pas d’endiguer la pandémie ni de diagnostiquer et soigner les malades. On compte aujourd’hui les victimes de cette pandémie, mais pas celles des autres bien plus mortifères dont le capitalisme est également la principale souche : guerres, famines, intoxication et soins inaccessibles dans le Sud global, et là-bas surtout mais aussi ici cancers, affections neurotoxiques et cardiovasculaires, et toutes les autres maladies causées ou dramatiquement aggravées par la pollution atmosphérique et l’exposition à des substances chimiques, qui touchent en premier lieu les travailleurs et travailleuses du capitalisme industriel puis l’ensemble de la population. La pollution atmosphérique est un fléau mondial : ne nous étonnons pas qu’on découvre aujourd’hui qu’elle propage probablement le coronavirus et qu’en tout cas elle aggrave la maladie Covid-19. Celles et ceux dont le système immunitaire a été le plus endommagé par ces émissions et mutilations du capitalisme seront aussi les premières victimes de cette nouvelle pandémie.
Leurs profits, nos morts. En réalité, le capitalisme tue sans arrêt. Surtout dans ses périphéries, mais aussi en ses centres. À petit feu pour la plupart, mais au sens littéral et immédiat aussi, et en masse. Ce monde du capital a émergé et s’est toujours maintenu dans la violence et la guerre, par des hécatombes : les morts de la colonisation de l’Amérique, de la traite négrière, des colonisations et guerres coloniales en Afrique et en Asie, des guerres mondiales – qui se sont comptés, pour chacun de ces génocides, en millions et dizaines de millions – et d’autres innombrables guerres sans lesquelles le monde du capital n’existerait pas. Pour piller de nouvelles ressources et dominer de nouvelles mains d’œuvre, pour gagner l’hégémonie dans la compétition économique mondiale, pour liquider des stocks d’armes ou des réserves d’actions devenues sans valeur, pour reconstruire en masse ou imposer de nouveau besoins factices, ces guerres sont essentielles au capitalisme. Mais nous savons désormais que ce monde du capital produit la mort encore autrement, graduellement et sans cesse, par la destruction des écosystèmes naturels, des modes de vie populaires qui leur sont liés, par l’exposition de toutes les espèces vivantes à des pollutions chimiques et aux émissions de dioxyde de carbone, et parfois par des pandémies. En effet, pour faire du profit, il faut exploiter le travail, mais aussi la nature. Exploiter la nature, c’est-à-dire, par l’extraction, la pollution, l’intoxication, la réduction de la biodiversité, détruire la reproduction des écosystèmes qui rendent la vie possible.
On objectera que, dans la dernière période, l’espérance de vie a augmenté, ici et ailleurs, et on pourrait penser que le capitalisme en est la cause. C’est, je pense, une erreur : le capitalisme, l’exploitation du travail et de la nature pour le profit, n’est pas ce qui permet l’accès à l’eau potable, aux soins, à des conditions de vie salubres et une alimentation saine. Ce qui le permet, c’est, au contraire de la privatisation capitaliste, la logique de la mise en commun de biens, techniques et savoirs. Et les preuves s’accumulent ; nous savons désormais que le capitalisme ne peut fonctionner autrement qu’en détruisant la planète et la vie.
C’est dans ce monde, et pas dans un autre, que la maladie Covid-19 est apparue, et qu’elle tue. Il faudra enquêter et le vérifier en détail, mais il ne fait pas de doute que le transfert zoonotique et la pandémie en cours, comme d’autres auparavant, n’auraient pu avoir lieu sans l’agro-industrie de masse, l’hyper-urbanisation, la suppression des régulations socio-écologiques entre nature « sauvage » et monde humain, les chaînes logistiques mondiales de la circulation des marchandises, la concentration de particules fines, le démantèlement du soin public causé par l’austérité et la financiarisation de l’économie.
Le capitalisme, donc, met à mort. Mais qui pourra préserver la vie ? L’évidence est éblouissante aujourd’hui : ce n’est pas l’État capitaliste. Restons-en à la France : l’État a décidé de laisser venir l’épidémie plutôt que de dépister d’emblée massivement et d’organiser le soin des malades et le confinement des personnes contagieuses. Il a organisé la pénurie avant la crise, et une fois celle-ci venue, n’a pas produit aussitôt et en masse les respirateurs, masques et autres instruments de protection nécessaires. Il a choisi d’affecter certaines des ressources existantes aux bureaux de vote du premier tour plutôt qu’aux hôpitaux, pharmacies et commerces alimentaires. Et aujourd’hui, une fois les conséquences de ces erreurs criminelles en plein essor, il confine sélectivement les cadres et fait pression pour que les ouvrières et ouvriers aillent travailler. Il envoie « au front » les travailleuses – ce sont en grande majorité des femmes – du service public hospitalier et de la vente alimentaire sans moyen pour se protéger et ne pas contaminer. Par ses mesures financières, il sauve les banques et les grandes entreprises plutôt que les salarié.e.s. Il permet de reporter le paiement des loyers et factures des entités économiques, mais pas des locataires, des personnes endettées, des précaires. Il ne s’occupe en rien, ou à peine, des sans-abri, des intérimaires, des réfugiés, des exilés, des prisonnières et prisonniers dans les centres de détention et les centres de rétention, des plus pauvres et dominés. Il a décidé, sous couvert d’« état d’urgence sanitaire », de saper encore plus les libertés publiques et le droit du travail, de réprimer plus encore les quartiers populaires. L’État ment, comme il l’a toujours fait, notamment quand il est question de ses guerres et violences, mais aussi de maladies professionnelles et de pollution. L’État fait ce qu’il sait faire : ce qu’Achille Mbembe appelle la nécropolitique, décider qui pourra vivre et qui devra mourir. C’est le cœur de l’État moderne, comme Hobbes l’avait montré en son temps: faire peur, en agitant le spectre de la guerre civile et si nécessaire en déclarant la véritable guerre, et laisser mourir « pour le bien commun ».
L’État a donc déclaré que nous étions en « guerre ». Ce faisant, il nous habitue à un état de siège permanent, réclame la discipline et légitime les véritables guerres qu’il mène et pourra mener au nom de notre santé et de notre sécurité – entendons en réalité : pour préserver les intérêts capitalistes. Le capitalisme a toujours eu besoin de la guerre pour se maintenir et s’étendre, mais insistons : la guerre n’est qu’un moyen auxiliaire ; le moyen principal, c’est l’exploitation à mort, et la fin, c’est le taux de profit. C’est toujours la même chose, et en même temps quelque chose a changé, on le sent bien, y compris pour l’État. Depuis une vingtaine années, certains de ses secteurs, notamment l’armée, s’activent pour préparer de nouvelles modalités de gestion autoritaire des conséquences de la crise écologique en cours : catastrophes naturelles, déplacements de population, épidémies… Cette militarisation de la crise écologique se préparait à bas bruit, et elle a désormais commencé ici aussi, avec les militaires et drones qui contrôlent les déplacements des confinés. Nous y sommes. Les forces de l’écofascisme, ces formes autoritaires, meurtrières et liberticides de gouvernement des catastrophes écologiques que voyaient venir déjà Ivan Illich et André Gorz, sont en marche. Et seules des révolutions pourront les arrêter.
Travailler pour la vie
Mais alors qui pour préserver la vie, des écosystèmes naturels et des êtres humains, maintenant et plus tard ? Ce n’est pas l’État donc, ni les patrons bien sûr, ni les scientifiques tou.te.s seul.e.s, mais ce sont les travailleuses et travailleurs.
C’est l’hypothèse principale de mes recherches académiques et militantes en cours sur les rapports entre le travail, le capitalisme et la nature ; mais c’est aujourd’hui aussi une évidence, un constat. Ce sont les travailleurs, et les travailleuses surtout, qui de fait répondent aux besoins essentiels, et prennent soin de la planète et de la vie. Qui lutte aujourd’hui contre la propagation de l’épidémie et travaille à répondre à nos besoins fondamentaux ? Pour l’essentiel des ouvrières : infirmières et soignantes de proximité, travailleuses du nettoyage, caissières, assistantes maternelles… et aussi les éboueurs et éboueuses, ambulanciers et ambulancières, agricultrices et agriculteurs, médecins, etc. Celles et ceux qui travaillent à la vie des autres le font aujourd’hui en risquant leur propre mort.
Qu’en est-il des autres ? Ceux, et surtout celles, qui travaillent à la maison et s’occupent des enfants, des cadres pour la plupart, travaillent également à la vie mais sans qu’on leur demande de risquer la mort. Elles et ils n’auront non plus rien décidé, et la loi d’état d’urgence sanitaire prépare la phase suivante de leur travail forcé. Peut-être seront-elles et ils, plus tard, remercié.e.s par l’État pour leur discipline et leur dévouement, à condition d’avoir accepté de jouer leur partition sans broncher dans la reproduction du capitalisme et de n’avoir pas réclamé et partagé avec les subalternes le pouvoir politique qui devrait revenir à toutes celles et ceux qui travaillent à la reproduction sociale.
La reproduction sociale, ce concept de la théorie marxiste approfondi et renouvelé par le féminisme matérialiste, est l’enjeu crucial de la crise en cours, comme du moment d’après. Cela désigne toutes les activités domestiques, de soin, de subsistance, de nettoyage et nettoiement, d’éducation, le plus souvent non salariées, et toujours déqualifiées et surexploitées. Qui fait ce travail utile et déconsidéré ? Pour l’essentiel des femmes pauvres et racisées. Sans la reproduction sociale qu’elles effectuent, on ne pourrait pas vivre. Et le capitalisme ne pourrait pas non plus exploiter le reste du travail social. La crise en cours révèle cependant qu’il faut cesser d’opposer la reproduction sociale à la production tout court. La reproduction sociale, c’est la production de la vie – et cela devra devenir, dans le monde d’après, c’est-à-dire demain, le seul travail.
Ce sont des travailleuses et travailleurs, donc, qui soignent, réparent, maintiennent, font subsister, éduquent, rendent possible l’entraide et l’auto-organisation populaire… cela n’a rien à voir avec la guerre. L’« effort de guerre », s’il y en a un, est plutôt demandé aux autres qui travaillent encore, incité.e.s ou contraint.e.s, dans les usines automobiles et aéronautiques, le BTP, la livraison à domicile et tous les secteurs qu’on dit enfin aujourd’hui « non essentiels » : elles et ils doivent s’exposer à la mort non pour la vie des autres mais pour que les capitalistes continuent de faire du profit et ne perdent pas le contrôle de la production. Ils doivent s’exposer à la mort pour que le travail de mort du capitalisme puisse continuer.
Il est temps de prendre acte qu’il y a des formes de travail qui ruinent la nature et d’autres qui au contraire participent à sa régulation et son autoreproduction ; des formes de travail qui conduisent à la mort et d’autres qui préservent et développent la vie. C’est ce qu’a montré Marx, en son temps, en montrant que le capitalisme rompt le métabolisme de l’homme et de la nature – et c’est pourquoi le marxisme écologique contemporain, au-delà de Marx, peut tant nous aider dans la période. C’est aussi ce que certains de ses textes permettent de penser avec le concept de travail vivant, en partant surtout du point de vue des travailleurs de la terre, dont l’activité même requiert de défendre les conditions naturelles de toute vie et de tout travail. Le travail vivant, en bref, exprime que nous ne sommes pas des forces de travail au service du « travail mort » des machines et de la finance ; que nous sommes des êtres vivants, des puissances naturelles qui risquons la maladie et la mort en allant travailler aux conditions des capitalistes ; et aussi que, dans notre expérience du travail, nous pouvons trouver les ressources pour refuser la prescription de la mort et orienter toutes nos activités vers la liberté et la vie. Ce sont ces forces du travail vivant que nous devons réunir aujourd’hui, parce que c’est de ce point de vue que les exigences de préservation de la vie, de liberté et d’égalité peuvent être associées, et que nous pourrons enclencher une révolution écologiste pour défaire l’écofascisme qui vient.
Rien ne sera plus comme avant, mais il est possible que ce soit la vie et la liberté qui gagnent. Pour cela, il faut se battre, de toutes nos forces.
Nous montrent la voie les travailleuses et travailleurs qui ont fait grève, notamment en Italie, et qui n’ont pas attendu, pour faire passer la vie avant le profit, l’arrêt des activités non essentielles si tardivement décidé par le gouvernement ; celles et ceux qui, notamment en France, font valoir leur droit de retrait et parfois parviennent à faire fermer leur entreprise ; les infirmières et internes qui tout en sauvant des vies, alertent, proposent, commencent à exiger ; l’auto-organisation populaire dans les quartiers aussi, qui se redéploie pour prendre soin des plus vulnérables, dominés, de celles et ceux dont la vie ne compte pas pour les politiques de l’État. Mais sur cette base, il faudra aller beaucoup plus loin, et sans tarder.
Alors, nous prendrons acte que le démantèlement complet de toutes celles des activités industrielles, logistiques et militaires qui sont polluantes et destructrices de la nature et de la santé humaine est nécessaire pour que la vie continue. La finance, cet accélérateur de catastrophes économiques, sociales et écologiques, sera abolie, les bourses capitalistes fermées, les richesses deviendront propriétés communes. Alors, nous travaillerons toutes et tous dans les secteurs essentiels à la vie, et le travail vivant sera libéré du travail mort. Alors nous aurons conquis le pouvoir sur le travail pour la vie, et le temps nécessaire pour décider et délibérer collectivement de son organisation et de ses formes, de ses moyens et conditions.
C’est ce que j’ai appelé, avant cette crise, un « travail démocratique », un nom possible du communisme. Bien sûr, ce dernier n’a rien à voir avec la Chine, cette superpuissance capitaliste, et a peu de points communs avec ce que fut la Russie soviétique ou d’autres pays et expériences du XXe siècle qui ne furent jamais dans les faits communistes. Pour se faire comprendre et ne plus perdre de temps, puisque après la crise est à portée de vue, il faut le qualifier : ce sera le communisme de soin, le communisme écologique, le communisme pour la vie.
Ce monde d’après la crise, nous devons et nous pouvons désormais le préparer très concrètement, ici et maintenant pour demain. Et cela commence ainsi : en refusant dès maintenant qu’ici ou ailleurs, quiconque travaille à mort et à faire mourir, en mettant nos activités autant que possible au service de la vie. Et nous devons nous préparer à la suite : des grèves, des boycotts, occupations et rassemblements, des assemblées populaires, des conflits, des délibérations et décisions, de nouvelles institutions permettant une planification démocratique de la transition écologique, des évolutions révolutionnaires dans l’usage de notre temps, dans nos rapports aux autres humains et à la nature. Nous devons dès aujourd’hui y œuvrer collectivement, pour que plus jamais on ne puisse nous imposer la bourse, plutôt que la vie.
Mais demain, en tout cas, nous n’aurons plus le choix et nous devrons vivre cette alternative : travailler à la mort ou travailler pour la vie, se soumettre au capitalisme écofasciste ou mettre en œuvre un communisme écologique. Et le temps sera venu de reprendre cette bannière : la liberté ou la mort.
https://www.contretemps.eu/capitalisme-vie-mort-coronavirus/
la conférence en vidéo https://youtu.be/N0WNV4Yri6s
Le coronavirus frappe le marché du travail grec : Rotation du travail, réduction des salaires de 50%.
La crise du coronavirus a frappé de plein fouet le marché du travail grec et permet aux entreprises d’opérer sur la base d’une rotation du personnel, réduisant ainsi les salaires des employés de 50 %. Les employeurs peuvent également suspendre les contrats des travailleurs.
Le gouvernement grec a publié un acte législatif qui permet aux employeurs et aux entreprises d’introduire un nouveau système de rotation du travail » : les employés peuvent travailler seulement deux semaines par mois et voir leurs salaires réduits en conséquence, de 50 %.
Les entreprises peuvent appliquer cette mesure pendant six mois au maximum.
Cette mesure fait partie d’un ensemble extraordinaire visant à lutter contre l’impact de l’épidémie de coronavirus et concerne les entreprises répertoriées comme étant touchées par la crise.
La liste des entreprises qui suspendent leurs activités ne cesse de s’allonger.
Ces mêmes entreprises ont également obtenu la possibilité de suspendre tout ou partie des contrats de leurs travailleurs afin de ne pas avoir à payer leurs salaires, auquel cas chacun de ces employés recevra 800 euros de l’État.
Le nouveau système de rotation du travail peut être utilisé en combinaison avec la mesure de suspension du contrat de travail par la même entreprise ou le même employeur.
La mesure n’est valable que si les entreprises ne licencient pas ou ne licencient pas de travailleurs.
Outre les 800 euros pour les travailleurs pour les mois de mars et avril, les indépendants et les travailleurs indépendants recevront également le même montant.
Si la situation se poursuit, l’aide de l’État aux travailleurs sera de 400 euros pour le mois de mai.
Bien entendu, les salariés non inscrits ne recevront rien et devront chercher comment ils pourront joindre les deux bouts sans aucun revenu.
Le porte-parole du gouvernement, Stelios Petsas, a déclaré que le gouvernement a déjà annoncé trois séries de mesures s’élevant à 6 milliards d’euros pour les seuls mois de mars et avril afin de soutenir les entreprises et les travailleurs.
Le coût fiscal s’élève maintenant à 4,7 milliards d’euros, ce qui correspond à 2,5 du PIB de la Grèce, a-t-il noté.
Il a ajouté que l’état de l’économie réelle se détériore manifestement de façon constante, ce qui explique que le gouvernement procède à des évaluations quotidiennes.
En attendant, des rumeurs circulent selon lesquelles le gouvernement pourrait également réduire les salaires des fonctionnaires.
Source https://www.keeptalkinggreece.com/2020/03/27/greece-coronavirus-labor-market/
Grèce : Le Parlement ratifie un décret d’urgence au milieu d’une critique de plus en plus vive
Le rapport spécial des Nations unies demande aux autorités grecques de prendre des mesures immédiates pour mettre fin à la violence, aux abus et aux refoulements à la frontière gréco-turque. Le Parlement grec a ratifié le 26 mars dernier le décret d’urgence controversé suspendant les procédures d’asile. La commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures (LIBE) du Parlement européen demande l’évacuation de 42 000 personnes des îles grecques en raison de la COVID-19.
Le rapporteur spécial sur les droits de l’homme des migrants, Felipe González Morales, s’est dit préoccupé : « par les renvois signalés de demandeurs d’asile et de migrants, qui constituent une violation de l’interdiction des expulsions collectives et du principe de non-refoulement ». M. Morales a également été alarmé par les informations faisant état d’agressions et de violences contre les demandeurs d’asile de la part d’agents de sécurité grecs et d’hommes armés non identifiés, ainsi que par l’hostilité et la violence dont sont victimes les travailleurs humanitaires, les défenseurs des droits de l’homme et les journalistes dans le pays. Lorsque la Grèce a suspendu les procédures d’asile le 1er mars, le rapporteur a demandé une modification de la décision et a déclaré qu’elle n’avait : « aucune base juridique dans le droit international des droits de l’homme ». Membre du CERE, le Conseil grec pour les réfugiés a demandé le 23 mars devant le Conseil d’État l’annulation de la loi de suspension des demandes d’asile et a exhorté le président de la République à annuler cette loi et le Parlement grec à ne pas la ratifier.
Le Parlement grec a cependant voté le 26 mars pour approuver la suspension de l’accès aux procédures d’asile pour toute personne arrivant entre le 1er mars et le 31 mars avec la possibilité de prolonger la période. Commentant ce vote, Raphael Shilhav, conseiller en politique migratoire de l’UE d’Oxfam, a déclaré « Il s’agit d’une violation flagrante du droit communautaire et de la convention des Nations unies sur les réfugiés. Si la Grèce ne revient pas sur sa décision et ne rétablit pas pleinement l’État de droit, la Commission européenne doit prendre d’urgence des mesures à l’encontre de la Grèce pour cette grave violation des droits fondamentaux ». Les personnes qui arrivent en Grèce risquent d’être détenues et expulsées. 2 500 personnes ont été empêchées de demander l’asile depuis que la suspension a été introduite par un décret gouvernemental le 1er mars.
Selon le Guardian, la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures du Parlement européen (LIBE) a demandé l’évacuation de 42 000 personnes sur les îles grecques comme mesure « préventive urgente » pour éviter les décès dus à COVID-19. Le même message a été lancé par des organisations de la société civile et des militants de toute l’Europe.
La commissaire aux affaires intérieures, Ylva Johansson, a déclaré qu’Athènes s’était opposée au déplacement des migrants vers la Grèce continentale, invoquant l’absence de cas de coronavirus dans les camps alors que la maladie se propage ailleurs en Grèce. La commissaire a suggéré que les personnes âgées, les malades et les autres personnes à haut risque d’infection pourraient être déplacées vers d’autres régions des îles grecques.
Source https://www.ecre.org/greece-parliament-ratifies-emergency-decree-amid-intensifying-critique/
« Plus jamais ça ! » : 18 responsables d’organisations syndicales, associatives et environnementales appellent à préparer « le jour d’après »
« Plus jamais ça ! », 18 responsables d’organisations syndicales, associatives et environnementales parmi lesquels Aurélie Trouvé (Attac), Philippe Martinez (CGT), Cécile Duflot (Oxfam), Jean-François Julliard (Greenpeace) signent une tribune commune publiée sur France Info ce vendredi 27 mars.
En mettant le pilotage de nos sociétés dans les mains des forces économiques, le néolibéralisme a réduit à peau de chagrin la capacité de nos États à répondre à des crises comme celle du Covid. La crise du coronavirus qui touche toute la planète révèle les profondes carences des politiques néolibérales. Elle est une étincelle sur un baril de poudre qui était prêt à exploser. Emmanuel Macron, dans ses dernières allocutions, appelle à des « décisions de rupture » et à placer « des services (…) en dehors des lois du marché ». Nos organisations, conscientes de l’urgence sociale et écologique et donnant l’alerte depuis des années, n’attendent pas des discours mais de profonds changements de politiques, pour répondre aux besoins immédiats et se donner l’opportunité historique d’une remise à plat du système, en France et dans le monde.
Dès à présent, toutes les mesures nécessaires pour protéger la santé des populations celle des personnels de la santé et des soignant·e·s parmi lesquels une grande majorité de femmes, doivent être mises en œuvre, et ceci doit largement prévaloir sur les considérations économiques. Il s’agit de pallier en urgence à la baisse continue, depuis de trop nombreuses années, des moyens alloués à tous les établissements de santé, dont les hôpitaux publics et les Ehpad. De disposer du matériel, des lits et des personnels qui manquent : réouverture de lits, revalorisation des salaires et embauche massive, mise à disposition de tenues de protection efficaces et de tests, achat du matériel nécessaire, réquisition des établissements médicaux privés et des entreprises qui peuvent produire les biens essentiels à la santé, annulation des dettes des hôpitaux pour restaurer leurs marges de manœuvre budgétaires… Pour freiner la pandémie, le monde du travail doit être mobilisé uniquement pour la production de biens et de services répondant aux besoins essentiels de la population, les autres doivent être sans délai stoppées. La protection de la santé et de la sécurité des personnels doivent être assurées et le droit de retrait des salarié·e·s respecté.
Des mesures au nom de la justice sociale nécessaires
La réponse financière de l’État doit être d’abord orientée vers tou·te·s les salarié·e·s qui en ont besoin, quel que soit le secteur d’activité, et discutée avec les syndicats et représentant·e·s du personnel, au lieu de gonfler les salaires des dirigeant·e·s ou de servir des intérêts particuliers. Pour éviter une très grave crise sociale qui toucherait de plein fouet chômeurs·euses et travailleurs·euses, il faut interdire tous les licenciements dans la période. Les politiques néolibérales ont affaibli considérablement les droits sociaux et le gouvernement ne doit pas profiter de cette crise pour aller encore plus loin, ainsi que le fait craindre le texte de loi d’urgence sanitaire.
Selon que l’on est plus ou moins pauvre, déjà malade ou non, plus ou moins âgé, les conditions de confinement, les risques de contagion, la possibilité d’être bien soigné ne sont pas les mêmes. Des mesures supplémentaires au nom de la justice sociale sont donc nécessaires : réquisition des logements vacants pour les sans-abris et les très mal logés, y compris les demandeurs·euses d’asile en attente de réponse, rétablissement intégral des aides au logement, moratoire sur les factures impayées d’énergie, d’eau, de téléphone et d’internet pour les plus démunis. Des moyens d’urgence doivent être débloqués pour protéger les femmes et enfants victimes de violences familiales.
Les moyens dégagés par le gouvernement pour aider les entreprises doivent être dirigés en priorité vers les entreprises réellement en difficulté et notamment les indépendants, autoentrepreneurs, TPE et PME, dont les trésoreries sont les plus faibles. Et pour éviter que les salarié·e·s soient la variable d’ajustement, le versement des dividendes et le rachat d’actions dans les entreprises, qui ont atteint des niveaux record récemment, doivent être immédiatement suspendus et encadrés à moyen terme.
Des mesures fortes peuvent permettre, avant qu’il ne soit trop tard, de désarmer les marchés financiers : contrôle des capitaux et interdiction des opérations les plus spéculatives, taxe sur les transactions financières… De même sont nécessaires un contrôle social des banques, un encadrement beaucoup plus strict de leurs pratiques ou encore une séparation de leurs activités de dépôt et d’affaires.
Des aides de la BCE conditionnées à la reconversion sociale et écologique
La Banque centrale européenne (BCE) a annoncé une nouvelle injection de 750 milliards d’euros sur les marchés financiers. Ce qui risque d’être à nouveau inefficace. La BCE et les banques publiques doivent prêter directement et dès à présent aux États et collectivités locales pour financer leurs déficits, en appliquant les taux d’intérêt actuels proches de zéro, ce qui limitera la spéculation sur les dettes publiques. Celles-ci vont fortement augmenter à la suite de la « crise du coronavirus ». Elles ne doivent pas être à l’origine de spéculations sur les marchés financiers et de futures politiques d’austérité budgétaire, comme ce fut le cas après 2008.
Une réelle remise à plat des règles fiscales internationales afin de lutter efficacement contre l’évasion fiscale est nécessaire et les plus aisés devront être mis davantage à contribution, via une fiscalité du patrimoine et des revenus, ambitieuse et progressive.
Par ces interventions massives dans l’économie, l’occasion nous est donnée de réorienter très profondément les systèmes productifs, agricoles, industriels et de services, pour les rendre plus justes socialement, en mesure de satisfaire les besoins essentiels des populations et axés sur le rétablissement des grands équilibres écologiques. Les aides de la Banque centrale et celles aux entreprises doivent être conditionnées à leur reconversion sociale et écologique : maintien de l’emploi, réduction des écarts de salaire, mise en place d’un plan contraignant de respect des accords de Paris… Car l’enjeu n’est pas la relance d’une économie profondément insoutenable. Il s’agit de soutenir les investissements et la création massive d’emplois dans la transition écologique et énergétique, de désinvestir des activités les plus polluantes et climaticides, d’opérer un vaste partage des richesses et de mener des politiques bien plus ambitieuses de formation et de reconversion professionnelles pour éviter que les travailleurs·euses et les populations précaires n’en fassent les frais.
De même, des soutiens financiers massifs devront être réorientés vers les services publics, dont la crise du coronavirus révèle de façon cruelle leur état désastreux : santé publique, éducation et recherche publique, services aux personnes dépendantes…
Relocalisation de la production
La « crise du coronavirus » révèle notre vulnérabilité face à des chaînes de production mondialisée et un commerce international en flux tendu, qui nous empêchent de disposer en cas de choc de biens de première nécessité : masques, médicaments indispensables, etc. Des crises comme celle-ci se reproduiront. La relocalisation des activités, dans l’industrie, dans l’agriculture et les services, doit permettre d’instaurer une meilleure autonomie face aux marchés internationaux, de reprendre le contrôle sur les modes de production et d’enclencher une transition écologique et sociale des activités.
La relocalisation n’est pas synonyme de repli sur soi et d’un nationalisme égoïste. Nous avons besoin d’une régulation internationale refondée sur la coopération et la réponse à la crise écologique, dans le cadre d’instances multilatérales et démocratiques, en rupture avec la mondialisation néolibérale et les tentatives hégémoniques des États les plus puissants. De ce point de vue, la « crise du coronavirus » dévoile à quel point la solidarité internationale et la coopération sont en panne : les pays européens ont été incapables de conduire une stratégie commune face à la pandémie. Au sein de l’Union européenne doit être mis en place à cet effet un budget européen bien plus conséquent que celui annoncé, pour aider les régions les plus touchées sur son territoire comme ailleurs dans le monde, dans les pays dont les systèmes de santé sont les plus vulnérables, notamment en Afrique.
Tout en respectant le plus strictement possible les mesures de confinement, les mobilisations citoyennes doivent dès à présent déployer des solidarités locales avec les plus touché·e·s, empêcher la tentation de ce gouvernement d’imposer des mesures de régression sociale et pousser les pouvoirs publics à une réponse démocratique, sociale et écologique à la crise.
Plus jamais ça ! Lorsque la fin de la pandémie le permettra, nous nous donnons rendez-vous pour réinvestir les lieux publics et construire notre « jour d’après ». Nous en appelons à toutes les forces progressistes et humanistes, et plus largement à toute la société, pour reconstruire ensemble un futur, écologique, féministe et social, en rupture avec les politiques menées jusque-là et le désordre néolibéral.
Les signataires :
Olivier Delorme Historien de formation a publié l’ouvrage de référence en trois volumes » La Grèce et les Balkans ». Il est reçu par Le Cercle Aristode et revient sur la crise entre la Grèce et la Turquie sur fond de chantage migratoire.
Retour La situation en Grèce
Partie 1 (34mn) : Quel est l’état de la Grèce ? Quel est l’état de la Turquie ? Quel est le but d’Erdogan?
Partie 2 (28mn) : Comment analyser les réactions médiatiques ? La Grèce peut-elle tenir ?