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L’appel de Mikis Théodorakis

Traduction de l’appel :  « Résistance Insoumission Révolution »

 Tous et toutes à Syntagma – tous et toutes sur les places des villes de Grèce. Jeudi 18/05 à 19h.

Résistance et Insoumission aux mesures comme le demande le titre capital de la Constitution.

Nous savons très bien que le mal ne s’arrêtera pas, si nous ne l’arrêtons pas.

Ils ont beaucoup joué avec les rêves du Peuple Grec.

Ça suffit désormais.

Ce Peuple ne peut plus se perdre dans sa déception à vie.

Ça suffit d’entendre qu’on ne peut rien y faire, et de tout laisser passer, qu’un petit pays ne peut rien sans son tuteur et son Allemand, et qu’on le noie de plus en plus profondément dans l’occupation et la germano-américanocratie.

Cette situation, c’est l’esclavage et la trahison sans borne.

Ça suffit.

On reprend!

Il y a exactement 6 ans, ces jours-ci, les places débarquaient spontanément dans la lutte contre les mémorandums.

Les places, qui n’ont pas trahi, n’ont pas abandonné la lutte.

Certains les ont vidées.

Mais désormais l’heure est venue pour les places de se remplir à nouveau des rêves insatisfaits des citoyens.

L’heure est venue de les remplir à nouveau de notre indignation et de notre colère.

Maintenant, tous et toutes, ceux même qui s’étaient moqué, sont plus sages et plus mûrs.

Nous reprenons, donc, plus unis, plus combatifs, et surtout plus déterminés à ne pas laisser par indifférence des décisions se prendre toujours à notre désavantage.

Tous et toutes nous serons sur les places, contre le vote des mesures.

Tous et toutes nous appelons, selon le premier article de la Constitution, à une résistance organisée, une insoumission à l’imposition des mesures, pour regagner notre patrie et notre dignité, pour en finir avec l’austérité, l’appauvrissement et la misère.

Pour une Grèce sans mémorandums, sans austérité, sans occupation et sans patrons.

Pour une Grèce libre, souveraine, indépendante, antiimpérialiste et réellement démocratique, avec son peuple et sa jeunesse maîtres chez eux. »


Le concert du groupe de Mikis Théodorakis le 18 mai 2017 https://www.youtube.com/watch?v=fvwcRfs0a_g&feature=youtu.be

Soulèvement populaire général contre les mémorandums

Soulèvement populaire général contre les mémorandums. Tou-te-s à la grève générale ce mercredi 17 mai publié sur Unité populaire

Le premier mai le gouvernement SYRIZA-ANEL a choisi de donner son accord au quatrième et nouveau mémorandum avec les institutions ! En faisant des « serments » au nom des travailleurs, il a annoncé la suppression du jour de repos dominical et l’ouverture des établissements commerciaux au moins 32 dimanches par an. Il a donné son accord pour une nouvelle baisse des retraites, une nouvelle augmentation des cotisations sociales, une nouvelle augmentation de la fiscalité, la levée du véto ministériel concernant les licenciements collectifs, un allongement dans la durée des règlements réactionnaires de la période 2011-2012 concernant les conventions collectives, le rétablissement de l’article 4 pour les grèves et l’aliénation plus grande encore du gouvernement grec.

La suppression du jour de repos dominical d’une part, fait reculer de plusieurs décennies en arrière les droits du travail et d’autre part, favorise les grandes et très grandes entreprises aux dépens des petits et moyens professionnels et négociants, occasionnant une réduction encore plus importante des salaires et des droits du travail, un travail de moins en moins rémunéré et un verrouillage de plus en plus grand des PME au profit des grandes entreprises et des multinationales.

Le quatrième mémorandum entraîne une nouvelle baisse des retraites, une nouvelle augmentation des taxes pour les artisans, les travailleurs indépendants et les agriculteurs. Tout cela vient après la suppression de l’EKAS pour les faibles retraites, après l’augmentation des cotisations des assurances principales et complémentaires concernant l’ΕΟΠΥΥ[1] et vient pour faire tomber le mythe Katroúgalos autour de la protection et non d’une réduction supplémentaire des retraites. La suppression de la différence personnelle ne concerne pas uniquement quelques retraités, mais l’ensemble des retraités, depuis le retraité au faible revenu de 480 € jusqu’aux artisans retraités qui subiront de la même manière des réductions très importantes et même les soi-disant « grosses » retraites qui atteignent les mille et quelques euros de ceux qui ont cumulé 35 ou 40 annuités. La baisse supplémentaire du plafond du revenu non imposable, à laquelle le ministre de l’Économie n’aurait pas renoncé, touche essentiellement les faibles revenus et les chômeurs. La réduction du crédit d’impôt passant de 1 900 à 1 205 € entraîne une augmentation d’impôt sur les faibles revenus, les faibles retraites et les chômeurs pouvant aller jusqu’à 650 € annuels !

Pour finir, le gouvernement s’est engagé à supprimer la souhaitable « approbation préalable » du ministre du Travail concernant les licenciements collectifs, à étendre dans le temps la réglementation réactionnaire pour les conventions collectives de travail et à entamer la prochaine période de réglementation qui lui permettra de relancer l’article 4 qui prévoyait que l’annonce officielle de la grève exige le consentement de 51% des membres d’une organisation, chose qui ne peut naturellement se produire au sein d’organisations réparties sur tout le territoire grec, abrogeant dans la pratique le droit de grève. Il ne faut pas changer ces politiques, il faut les renverser ! La solution ne viendra pas d’un appauvrissement supplémentaire du Peuple, d’une baisse supplémentaire des retraites, d’une augmentation des impôts, d’une augmentation du chômage, d’une limitation des droits du travail et des droits syndicaux, de l’aliénation du gouvernement grec. La solution viendra de la coordination de l’action des forces politiques et sociales qui accentueront les mobilisations contre la politique du gouvernement SYRIZA-ANEL et de l’arc politique mémorandaire restant.

La solution viendra uniquement du conflit ouvert avec le gouvernement et ses mandataires, du renversement des mémorandums et de l’austérité, de la sortie de la zone euro, de la nationalisation des banques, de l’annulation de la dette, de la prescription partielle de la dette privée et de l’application d’un programme de résistance en faveur du peuple.

Tous/Toutes à la grève populaire générale mercredi 17 mai. Rassemblons-nous massivement dans les grèves concentrées sur tout le territoire.

 Prérassemblement Unité Populaire à Athènes à 10h30 rues Chalkokondili et Patission

[1] Organisme national d’attribution des services médicaux.

Traduction : Vanessa de Pizzol

https://unitepopulaire-fr.org/2017/05/16/soulevement-populaire-general-contre-les-memorandums-tou-te-s-a-la-greve-generale-ce-mercredi-17-mai/

Sur les réfugiés semaine 19

18/5/17 Du poison dans les assiettes des réfugiés par Yannis Youlontas  : Avec Maud et d’autres camarades, on vous alertait en début d’année sur l’usage quasi-permanent d’aliments fortement périmés par des ONG subventionnées travaillant main dans la main avec l’État, en Grèce comme en France. La situation ne cesse d’empirer.

TRAFIC D’ALIMENTS DANS LES CAMPS DE RÉFUGIÉS : ENCORE 40 VICTIMES À CHIOS

Non seulement ces fameuses ONG acceptent, depuis un an, de participer au dispositif infâme des hot-spot en mer Égée (qui sont rapidement devenus des camps invivables), non seulement elles ont presque toutes menti sur la situation réelle cet hiver (de même que le ministre grec concerné et les dirigeants européens), mais, en plus, elles collaborent désormais à ce qui est devenu un trafic d’aliments souvent impropres à la consommation, en dépit des centaines de millions d’euros prévus dans le dispositif initial et dont les réfugiés/migrants n’ont jamais vu la couleur : ni dans leurs assiettes ni dans leurs installations précaires.

Le nombre de victimes d’intoxications alimentaires ne cesse de croître dans les camps. Encore 40 personnes empoisonnées transportées à l’hôpital de Chios depuis le camp de Souda (dont 7 enfants) ces trois derniers jours :

https://youtu.be/SdbrxNPy5aI

De même, l’eau, les latrines et les cuisines des camps sont dans un état déplorable et les queues sont interminables et procèdent de l’humiliation.

Pendant ce temps, l’État grec caresse encore le projet d’expulser plusieurs squats de réfugiés/migrants à Athènes, y compris le squat historique Notara 26, pendant la prochaine période estivale (un peu moins de monde à Exarcheia), à l’instar de ce qu’il a fait avec trois squats similaires l’année dernière à Thessalonique(1), puis pendant l’hiver dans d’autres quartiers d’Athènes(2).

Sauf que Exarcheia n’est pas Thessalonique ni n’importe quel quartier d’Athènes.

Y.Y.

17/5/17 Cinq fois plus d’enfants réfugiés et migrants voyageant seuls  : À l’approche du G7, l’UNICEF exhorte les dirigeants mondiaux à adopter un plan d’action en six points pour garantir la sécurité des enfants réfugiés et migrants

Le nombre d’enfants réfugiés et migrants voyageant seuls multiplié par cinq depuis 2010

NEW YORK, le 17 mai 2017 – Le nombre d’enfants réfugiés et migrants se déplaçant seuls a atteint un niveau historique dans le monde. D’après un nouveau rapport de l’UNICEF publié aujourd’hui, ce nombre a presque quintuplé depuis 2010. Au moins 300 000 enfants non accompagnés et séparés ont été enregistrés dans environ 80 pays en 2015 et 2016, contre 66 000 en 2010 et 2011.

Le rapport Un enfant est un enfant : Protéger les enfants en déplacement contre la violence, la maltraitance et l’exploitation présente un aperçu de la situation des enfants réfugiés et migrants dans le monde, de ce qui motive leur départ et des risques auxquels ils sont exposés en route. D’après ce rapport, un nombre croissant d’enfants emprunte des chemins extrêmement dangereux pour rejoindre leur destination et se retrouvent souvent à la merci des passeurs et des trafiquants. Il est donc clair qu’un système de protection est nécessaire à l’échelle mondiale pour les protéger de l’exploitation, des sévices et de la mort.

Passeurs, trafiquants, esclavage, prostitution…

« Un enfant qui se déplace seul, c’est déjà un enfant de trop. Un nombre alarmant d’enfants est pourtant dans ce cas aujourd’hui et nous, en tant qu’adultes, ne parvenons pas à les protéger », affirme le Directeur général adjoint de l’UNICEF, Justin Forsyth. « Des passeurs et trafiquants sans pitié exploitent leur vulnérabilité à des fins personnelles et les aident à passer les frontières pour finalement les vendre comme esclaves ou les obliger à se prostituer. Il est inadmissible que nous ne protégions pas convenablement les enfants contre ces prédateurs ».

Le rapport présente l’histoire de Mary, une mineure non accompagnée de 17 ans originaire du Nigéria, qui a personnellement vécu l’expérience traumatisante de la traite lors de son terrifiant voyage vers l’Italie via la Libye. Elle décrit le passeur devenu trafiquant qui lui a proposé son aide : « Il m’a dit que je serais bien traitée et en sécurité, mais tout n’était que mensonge ». Mary est restée bloquée en Libye pendant plus de trois mois où elle a été victime de maltraitance. « Il m’a dit que si je ne couchais pas avec lui, il ne m’emmènerait pas en Europe. Il m’a violée. »

Autres données importantes du rapport

200 000 enfants non accompagnés ont demandé l’asile dans environ 80 pays en 2015-2016.

– 100 000 enfants non accompagnés ont été appréhendés à la frontière entre les États-Unis et le Mexique en 2015-2016.

-170 000 enfants non accompagnés ont demandé l’asile en Europe en 2015-2016.

-Les enfants non accompagnés et séparés représentaient 92 % du total des enfants arrivés en Italie par la mer en 2016 et au cours des premiers mois de 2017.

-Les enfants représentent approximativement 28 % des victimes de traite dans le monde

-L’Afrique subsaharienne et l’Amérique centrale et les Caraïbes présentent les proportions les plus élevées d’enfants parmi les victimes de traite identifiées, avec 64 % et 62 %, respectivement.

-Jusqu’à 20 % des passeurs sont liés à des réseaux de traite des personne

À l’approche du sommet du G7 en Italie, l’UNICEF appelle les gouvernements à adopter son plan d’action en six points pour assurer la protection et le bien-être des enfants réfugiés et migrants.  

« Ces enfants ont besoin que, dans le monde entier, les gouvernements s’engagent véritablement à assurer leur sécurité au cours de leur périple », affirme Justin Forsyth. « Les dirigeants qui vont se réunir la semaine prochaine dans le cadre du G7 doivent prendre la tête de cette initiative en étant les premiers à s’engager à respecter les six points de ce plan d’action. »

Le plan d’action de l’UNICEF

1 Protéger les enfants réfugiés et migrants, en particulier les enfants non accompagnés, de l’exploitation et de la violence

2  Mettre fin à la détention des enfants migrants ou demandant le statut de réfugié en proposant d’autres solutions pratiques

3 Préserver l’intégrité des familles – le meilleur moyen de protéger les enfants et de leur donner un statut juridique

4 Permettre à tous les enfants réfugiés et migrants de continuer à apprendre et leur donner accès aux services de santé et à d’autres services de qualité

5 Insister pour que des mesures soient prises afin de combattre les causes sous-jacentes des mouvements massifs de réfugiés et de migrants

6 Promouvoir des mesures de lutte contre la xénophobie, la discrimination et la marginalisation dans les pays de transit et de destination.

L’UNICEF appelle également les citoyens à manifester leur solidarité envers les enfants déracinés par la guerre, la violence et la pauvreté en soutenant ce plan d’action en six points, notamment en partageant sur les réseaux sociaux les messages autour du hashtag #achildisachild. 

Manifeste de l’UNICEF pour les enfants réfugiés et migrants

17/5/17 Grèce: suspicion d’abus sexuels de travailleurs humanitaires sur des réfugiés

Des travailleurs humanitaires actifs dans l’aide aux réfugiés en Grèce sont suspectés d’avoir abusé sexuellement des personnes qu’ils étaient censés soutenir, selon une déclaration de la Commission européenne diffusée dans la soirée mardi.

La déclaration ne fait pas mention de l’association à laquelle appartiennent les agresseurs présumés. La Commission européenne a « identifié des allégations potentiellement sérieuses liées à un des projets humanitaires mis en oeuvre par un partenaire en Grèce », d’après la déclaration attribuée au commissaire européen à l’Aide humanitaire, Christos Stylianides. « Une allégation porte sur un cas d’exploitation sexuelle potentielle de bénéficiaires par des membres du personnel du partenaire. Une autre allégation concerne une potentielle corruption financière par ces membres du personnel », poursuit la communication.

La Commission européenne affirme que les victimes vont recevoir de l’aide aussitôt que possible et que les autorités grecques ont été mises au courant. Une enquête européenne va être « immédiatement » menée, via l’office de la lutte anti-fraude de l’UE, OLAF. Les subsides attribués à cette organisation seront suspendus en attendant le verdict de l’investigation.

http://www.info-grece.com/actualite/2017/05/17/grece-suspicion-d-abus-sexuels-de-travailleurs-humanitaires-sur-des-refugies

17/5 Réfugiés : Bruxelles menace la Hongrie et la Pologne : Lassée des mises en garde sans effet, la Commission européenne a menacé mardi de lancer des procédures d’infraction contre la Hongrie et la Pologne si elles refusaient toujours d’ici juin d’accueillir des demandeurs d’asile depuis l’Italie et la Grèce.

« C’est le dernier avertissement », a lancé Dimitris Avramopoulos, le commissaire aux Migrations, en présentant un bilan d’étape sur le plan de « relocalisation » adopté en 2015 pour venir en aide à Rome et Athènes, en première ligne face à la crise migratoire.

La menace avait déjà été agitée, mais sans calendrier précis. « Si rien n’est fait avant notre prochain rapport en juin, la Commission n’hésitera pas à utiliser ses pouvoirs en vertu des traités et à ouvrir des procédures d’infraction », a cette fois averti M. Avramopoulos lors d’une conférence de presse au Parlement européen à Strasbourg.

Ces procédures peuvent aboutir à une saisine de la Cour de justice de l’UE (CJUE) et le cas échéant à de lourdes sanctions financières.

« Je n’ai pas peur de ces annonces tonitruantes de la Commission », a aussitôt répondu Beata Szydlo, la chef du gouvernement conservateur nationaliste polonais, déjà dans le collimateur de Bruxelles pour sa réforme controversée de la justice constitutionnelle.

« Nous ne serons pas d’accord pour qu’on impose à la Pologne ou à tout autre pays de l’UE des quotas obligatoires » de migrants, a-t-elle ajouté.

La Hongrie n’a pas été en reste face à « la menace » du commissaire Avramopoulos: « Bruxelles ferait mieux de se concentrer sur la protection des frontières plutôt que de disséminer les conséquences de ses propres erreurs », a lancé le gouvernement de Budapest dans un communiqué.

Face à l’afflux massif de demandeurs d’asile sur les côtes italiennes et grecques, où sont arrivés plus d’un million de migrants en 2015, les pays de l’UE avaient adopté en septembre 2015 un plan de répartition de 160.000 personnes en deux ans vers le reste de l’Union.

Mais ce plan dit de « relocalisation », censé incarner la solidarité européenne, a surtout illustré les divisions entre États membres, qui ne l’ont appliqué qu’au ralenti, voire pas du tout pour certains.

La Hongrie et la Slovaquie ont même intenté une action en justice pour le contester.

Au 16 mai, seulement 18.418 demandeurs d’asile ont ainsi été répartis (dont 5.711 depuis l’Italie et 12.707 depuis la Grèce), bien loin des objectifs initiaux.

– « Obligation juridique » –

« J’appelle la Pologne et la Hongrie, qui n’ont pas encore relocalisé la moindre personne, à commencer à le faire immédiatement », a insisté M. Avramopoulos.

Selon la Commission, ils sont avec l’Autriche « les seuls États membres à ne pas avoir encore » accueilli le moindre demandeur d’asile en application du plan de 2015, manquant ainsi « à leur obligation juridique ».

L’Autriche, qui avait demandé une exemption temporaire à ce plan, « s’est toutefois formellement engagée à relocaliser 50 personnes depuis l’Italie, une décision saluée par la Commission », qui l’appelle aussi « à commencer à le faire pour la Grèce ».

L’exécutif européen a également pointé du doigt mardi la République tchèque qui n’a pas contribué depuis « près d’un an ».

D’autres pays, comme l’Espagne, la Belgique, la Croatie, l’Allemagne, la Roumanie, la Slovaquie et la France, devraient eux « accroître leurs engagements mensuels » d’accueil selon la Commission.

Outre les réticences des États membres, le plan de répartition de demandeurs d’asile a également souffert de critères d’éligibilité restrictifs en termes de nationalité, les demandeurs concernés devant avoir la quasi-certitude d’obtenir l’asile après leur transfert. C’est le cas des Syriens et des Érythréens, mais les Irakiens ont quant à eux été exclus des « relocalisations ».

A l’heure actuelle, selon la Commission, il y a en Grèce 12.400 personnes éligibles parmi les dizaines de milliers de migrants présents dans le pays.

En Italie, « outre les 2.500 candidats à une relocalisation enregistrés jusqu’à présent, 700 personnes devraient être enregistrées prochainement, de même que plus de 1.100 Érythréens arrivés en Italie en 2017 ».

Quoi qu’il en soit, l’objectif initial de 160.000 relocalisations est donc devenu inatteignable.

Et de fait, 54.000 places (sur le total initial) ont déjà été rendues disponibles pour des « réinstallations » de Syriens directement depuis la Turquie, dans le cadre du pacte migratoire scellé en mars 2016 avec Ankara.

http://www.lepetitjournal.com/international/france-monde/actualite/280134-refugies-bruxelles-menace-la-hongrie-et-la-pologne

9/5/17 Grèce: 15 ONG dénoncent une nouvelle atteinte au droit d’asile  AFP

Quinze ONG, dont Amnesty et Human Rights Watch, ont dénoncé mardi une nouvelle atteinte au droit d’asile par la Grèce et l’UE, après la décision d’Athènes de limiter l’accès aux rapatriements subventionnés offerts aux migrants.

Dans un communiqué commun, ces ONG appellent le gouvernement grec à « revenir immédiatement sur cette mesure », mise en place en avril en concertation avec la Commission européenne.

La nouvelle règle exclut de l’accès aux rapatriements volontaires et subventionnés organisés par l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) les personnes ayant fait appel d’un rejet de leur demande d’asile en première instance.

Selon les ONG, cela « compromet le droit à une juste procédure d’asile » et constitue « le dernier d’une série de pas pris pour rendre plus difficile l’accès à l’asile en Europe ».

Le gouvernement grec avait justifié cette limitation, qui s’applique aux arrivants sur les îles grecques après mars 2016, en invoquant « l’engorgement des services d’asile » par des demandes émanant en fait de migrants économiques tentant de retarder leur renvoi prévu en Turquie par le pacte Ankara-UE.

Les intéressés ont cinq jours pour se décider, précisent les ONG, parmi lesquelles figurent aussi notamment Oxfam, Save the Children et l’International Rescue Committee.
Les programmes de l’OIM en Grèce offrent aux migrants des retours encadrés dans leurs pays, assortis d’une allocation de 500 à 1.000 euros pour faciliter leur réintégration.

Près de 7.000 personnes ont recouru à cette option depuis la fermeture de la route des Balkans fin février-début mars 2016 et l’entrée en vigueur le 20 mars 2016 du pacte UE-Turquie, dénoncé par le monde humanitaire comme une remise en cause du droit d’asile.

Les limitations ont été mises en place après une modification des flux vers les îles grecques, où les réfugiés sont devenus minoritaires par rapport aux personnes considérées comme des migrants économiques (notamment Pakistanais et Maghrébins).

https://www.lorientlejour.com/article/1050833/grece-15-ong-denoncent-une-nouvelle-atteinte-au-droit-dasile.html

13/5/17 Grèce: dans les camps, la vie « à l’arrêt » des réfugiés afghans  : A 13 ans, Farahnaz désespère d’imaginer « comment commencer une nouvelle vie ». Une gageure quand on habite comme elle dans le camp grec de Malakassa, vivotant avec près de 700 compatriotes afghans dans l’attente d’un asile incertain.
Perdue en contrebas de collines à 40 km au nord d’Athènes, cette installation s’insère entre l’autoroute et une base militaire, à un kilomètre d’un petit village.
Ce n’est que depuis cette semaine que Farahnaz s’y rend à l’école, pour des cours réservés aux enfants du camp dans l’après-midi, qui étaient censés avoir commencé à l’automne dernier.
Si elle s’en félicite, cela n’empêche pas cette jeune Afghane, visage doux et rond cerclé d’un foulard, de « s’ennuyer beaucoup ».
Elle aurait pourtant besoin de dérivatifs pour surmonter sa fuite depuis Mazar-è-Charif, après que « les talibans » ont tué ses grands-parents. « Je n’aime pas ma mémoire », souffle cette adolescente trop mûre pour son âge, qui souffre aussi de voir ses parents « toujours tristes ».
Avec 15 mois de camp derrière lui, Asef Faizi, qui a fui Hérat à 23 ans, tente lui de lutter contre l’inertie avec un projet de documentaire soutenu par une ONG.
Mais pour la plupart des résidents, surtout les jeunes célibataires, « la vie est à l’arrêt », faute d’assurance quant à ce que l’avenir leur réserve, et de « soutien pour la langue, la culture, l’adaptation à la société » grecques, déplore ce graphiste et informaticien de 24 ans.
– ‘Pas humains’ –
Le sort est commun aux quelques dizaines de milliers d’Afghans que la fermeture des frontières a confinés en Grèce, à charge pour le pays de leur accorder, ou non, un asile qui n’a rien de systématique.
Non « relocalisables » en Europe, contrairement notamment aux Syriens, ils ne sont pas non plus prioritaires pour être relogés dans le tissu urbain.
« C’est comme si nous n’étions pas humains », s’afflige Hamayun Hashimi, à l’avant-bras couturé. Un souvenir, parmi d’autres, des violences que ni sa gueule d’ange ni ses 21 ans ne lui ont épargné depuis son départ de Kaboul.
La population de Malakassa compte beaucoup d’exilés classés « vulnérables », victimes de torture, malades ou membres de minorités menacées, indique la directrice du camp, Eleni Mantzourakis.
Pour eux, l’intégration en Grèce apparait comme la seule option, malgré un chômage à plus de 23%.
Car si « tout le monde voudrait bouger, continuer sa route », l’étau se resserre. Asef cite ainsi la violence des passages illégaux – « cela peut vous coûter la vie » – et la détermination affichée par l’Allemagne à expulser sur Kaboul.
Mais l?État grec ne répond pas, estiment Nikos Xarhakos, d’un comité local de soutien, ou Anna Oikonomopoulou, du centre grec Diotima de soutien aux femmes.
– ‘Village afghan’ –
« Il n’y a même pas dans le camp d’affiche +do et don’t+ pour recenser les règles, et ce n’est pas faute de l’avoir demandé », soupire Mme Oikonomopoulou, qui s’émeut de l’ignorance où les arrivants sont laissés en matière de « codes sociaux » à acquérir et maîtriser.
En six mois, Diotima a fait évacuer d’urgence quatre femmes du camp pour des violences conjugales. Deux sont revenues.
« En Grèce même, la violence domestique a explosé avec la crise économique, alors imaginez ces familles dont tout l’équilibre a été rompu », relève Mme Oikonomopoulou.
Pour cette psychologue, le camp est devenu « une sorte de village afghan, avec le qu’en dira-t-on, le contrôle de la communauté ». Difficile alors, surtout pour les femmes, de « s’ouvrir à une société nouvelle ».
Faranhnaz confirme que les mères ou ses compagnes « ne se sentent pas vraiment en sécurité ».
La situation s’est pourtant améliorée depuis l’automne, quand des préfabriqués sommairement équipés mais garantissant une certaine intimité ont remplacé tentes et toilettes communes. Le camp est propre, bien tenu.
Un « confort » qui ferait rêver à Hellenikon, un autre camp pour près d’un millier d’Afghans dans la banlieue d’Athènes. Eux vivent près de la ville, comme le souhaiterait Asef, mais leur sort n’en est pas pour autant enviable.
Dénonçant des conditions de vie « épouvantables et dangereuses », notamment pour la population féminine, Amnesty International a appelé le mois dernier à sa fermeture, un nouvel appel du monde humanitaire pour que la Grèce passe à un accueil inscrit dans la durée.

http://www.leparisien.fr/flash-actualite-monde/grece-dans-les-camps-la-vie-a-l-arret-des-refugies-afghans-13-05-2017-6945189.php

Remembrances : la rubrique de Panagiotis Grigoriou

Panagiotis  Grigoriou est Ethnologue et historien, chroniqueur, analyste, initiateur d’un concept de tourisme alternatif  et solidaire en Grèce. Le regard de l’historien et de l’anthropologue sur l’actualité et le vécu de la crise grecque  et cette fois-ci un regard sur l’élection en France et l’accord avec les créanciers.

Remembrances

Pays aux souvenirs inusables. Stávros, mécanicien naval confirmé, rencontré à bord du ferry-bac vers Salamine est de bonne humeur. C’est rare en Grèce par les temps qui courent. Il raconte volontiers ses nombreux déplacements en France comme ailleurs, plus exactement à travers les grands ports commerciaux et industriels. Remembrances. “J’aime mon travail, sauf que depuis cette foutue crise je suis moins bien payé. Mon patron en profite. Ainsi je travaille en plus… à mon compte et cela durant pratiquement chaque week-end. Je ne m’en plains pas, j’ai du travail et d’ailleurs je l’aime.” Du bon plaisir, enfin!

La Grèce et ses fruits de saison. Athènes, mai 2017

La Grèce et ses fruits de saison comme d’époque. Stávros, capable d’intervenir sans délai sur toutes les installations, et d’assurer les dépannages mécaniques à bord des navires pour la maintenance préventive et curative sur les matériels comme il aime l’exprimer avec tant de fierté, n’évoquera guère directement le contexte politique et économique. À l’instar de nombreux autres Grecs, il en est d’abord profondément dégouté, et surtout, il sait qu’il n’a plus aucune prise sur les décisions “globales”, élections ou pas d’ailleurs.

Le présentéisme règne, les Grecs s’y installent. À bord du ferry-bac, parmi ces autres passagers qui suivaient la discussion, certains ont été visiblement gênés, voire envieux. Avoir du travail et alors l’aimer de surcroît, n’est plus du tout la règle en ce moment. Ancienne règle donc et qui ne reviendra plus jamais sans changement radical de paradigme économique, ce qui est largement inimaginable à l’échelle grecque pour ne pas dire européenne et pourtant, tous les… damnés de la terre comme de la mer le souhaiteraient.

Une certaine presse. Athènes, mai 2017

Et à défaut d’imagination… il faut d’abord survivre. Ce système politique étant définitivement mort à la suite de la dernière escroquerie SYRIZA, sauf pour maintenir privilèges et autres subsides de caste à certains, les Grecs le savent. Plus besoin d’épiloguer davantage. Comme je l’exprimais récemment à José-Manuel Lamarque qui m’interviewait par téléphone dans le cadre de son émission sur France-Inter (l’interview sera diffusée prochainement), ce n’est plus d’une crise qu’il s’agit, mais d’un changement au forceps de paradigme anthropologique.

Au bout de huit années de “crise grecque”, la société en sort transformée, les liens interpersonnels, amoureux, conjugaux, amicaux, professionnels ne sont plus pratiqués de la même façon qu’avant 2010. La gestion même du temps (comme… du temps existentiel restant), devient alors impossible pour le plus grand nombre. Dans un sens, à défaut de calendrier évident, pas d’espoir manifeste, et point d’avenir, sauf peut-être pour Stávros, toujours… capable d’intervenir sans délai sur toutes les installations.

La presse grecque, médias hertziens et électroniques compris, plus cadavérique que jamais, versera en outre chaque jour, son flot d’atrocités de toute sorte: criminalité “ingénieuse”, meurtres en série (dont infanticides et même filicides), sans oublier les nouvelles… renouvelées sans cesse depuis le front des dites reformes structurelles initiées par la Troïka élargie, avec l’aimable participation des “gouvernements grecs”. Conditionnement… consubstantiel comme on sait d’une certaine mécanique sociale.

Eurocapital (société). Athènes, mai 2017
Relations interpersonnelles et contexte grec. Surface dans Athènes, mai 2017
Cristina Fernández de Kirchner visitant l’Acropole. Athènes, mai 2017 (presse grecque)

Et en Grèce, ce conditionnement d’une certaine mécanique sociale, voire d’une mécanique sociale alors certaine, avait été inauguré (pour ce qui est de sa phase actuelle) par la “préparation” de l’opinion devant “l’opportunité positive, incarnée en la personne de Georges Papandréou” (et tous le violons de la presse s’accordèrent), c’était en 2009.

La suite est connue. Georges Papandréou a inauguré l’ère de la métadémocratie mémorandaire en 2010. Depuis, la Constitution est sans cesse violée suivant une série caractérisée par de nombreux Putschs successifs, (pseudo) légalisés par le “Parlement” ou sinon au moyen de la “gouvernance” par décrets (ordonnances). Faire élire sous ces conditions “petit Georges”, comme les Grecs le surnomment le plus souvent, relève alors du Putsch inaugural, s’agissant de cette séquence historique qui est la nôtre, qui plus est, introduite par la bancocratie ambiante.

C’est en ce sens d’ailleurs que les Grecs croient ressentir, et cela avec amertume et tristesse, que l’élection (ou “élection”) d’Emmanuel Macron en France, inaugurerait probablement cette même séquence historique pour les Français, certes toute proportion gardée. Le nouveau régime issu “de la crise” se fait bien long. Cette semaine par exemple… rien qu’en Grèce, la presse publie le texte original du mémorandum-4bis qu’un certain Alexis Tsipras vient de parapher.

L’élection d’Emmanuel Macron vue par la presse grecque, ‘Kathimeriní’ du 9 mai
L’élection d’Emmanuel Macron vue par la presse grecque, ‘Enikos’ du 8 mai

Plus de 140 mesures et reformes dites structurelles y figurent, et cela pour une durée… prévue et ainsi étalée sur cinq ans. Et déjà, l’énième diminution du montant des retraites qui figure dans ce texte vient d’être jugée anticonstitutionnelle par la Cour de Justice compétente à Athènes mardi 9 mai, d’après le reportage du jour, par exemple celui du quotidien “Kathimeriní”, et alors ?

Cette liste est publiée le plus souvent dans son “état brut”, c’est-à-dire en anglais, notons-le également. L’ex-Commissaire Européiste (1999-2004) et par la suite ministre de l’Éducation (2009-2012) Anna Diamantopoúlou (PASOK), avait en son… grand temps proposé l’adoption de la langue anglaise à usage officiel en Grèce. On y arrive presque… En attendant, Cristina Fernández de Kirchner vient de visiter Athènes et l’Acropole, et les dirigeants Syrizistes auront tout fait pour médiatiser ce déplacement à leur profit, mais en vain.

Liana et son mari par exemple, rencontrés dans un café près du Pirée, ne se laisseront plus jamais impressionnés par les politiciens. Liana déjà, elle sait de quoi elle parle. “Je suis infirmière en psychiatrie… ou ce qui en reste. La société s’effondre, les cas relevant de la psychiatrie se multiplient et alors s’aggravent. Nous ne gardons plus les malades en hospitalisation, car les lits disponibles ont été en grande partie tout simplement supprimés. Nous leur administrons les médicaments nécessaires et alors ils rentrent chez eux. Le plus souvent, leurs proches ne peuvent pas et ne veulent plus s’en occuper. La violence au sein des foyers atteint décidément des sommets de paroxysme, les cas de pédophilie également entre autres pour ne citer qu’un exemple précis.”

Près du port du Pirée. Mai 2017
L’ail… du Pirée. Mai 2017
Animal adespote. Le Pirée, mai 2017

“Il y aussi ce nouveau phénomène bien étrange mais… on comprend. Certains hommes, viennent nous voir après avoir commis un acte criminel à caractère pédophile, également attesté par les rapports de la Police, ou encore par ceux de la Justice. En réalité, ils ne sont pas pédophiles, sauf qu’ils veulent apparaître comme tels, surtout suite à avis médical faisant ‘logiquement’ suite à un acte avéré. Ils espèrent ainsi obtenir un certificat médical attestant leur ‘handicap psychique’, rarissime… situation en Grèce comme on sait, ouvrant droit à une petite allocation, pour l’instant non supprimée, et encore.”

Tous ces gens pensent ainsi avoir trouvé… l’astuce de la survie. Ils n’ont plus de travail, et en Grèce, les indemnités-chômage au-delà d’une période de douze mois après le licenciement n’existent pas, tout comme le RMI/RSA. C’est alors ainsi que les gens… inventent, mais alors jusqu’où ?

Nous avons salué Liana et son univers sur le marché du Pirée, où nous avons pu acheter de l’ail… vieille recette grec supposant agir contre le mauvais œil, toujours sous le regard bien détaché des animaux adespotes (sans maîtres) des lieux et peut-être des dieux grecs.

Étrangetés peut-être bien d’ici ; (Simón) Bolívar, surnommé le Libertador (1783-1830) serait plutôt connu pour être un bar de la Riviera d’Athènes, et quant au poète (finalement) français, Jean Moréas (1856-1910), son buste installé dans le jardin botanique d’Athènes ne rappellerait plus grand chose aux promeneurs de notre temps.

Bolivar… d’Athènes. Mai 2017
Buste de Jean Moréas. Athènes, mai 2017

“Poète d’expression française, ce fils d’un magistrat grec apprend tout jeune le français avec une gouvernante tandis qu’il suit des études secondaires à Athènes, Jean Moréas” (…) “s’installe définitivement en France à vingt-six ans et, plus tard, se fait naturaliser. À cette époque il est un véritable dandy à l’allure conquérante, qui fréquente le cabaret du Chat noir où se réunissent quelques poètes. Ils vont former le groupe des décadents, et c’est leur influence qui se manifeste dans son premier recueil de vers, ‘Les Syrtes’ (1884), sous la forme d’un satanisme complaisant et d’une préciosité assez artificielle.”, (Encyclopédie Universalis, mai 2017) .

“Dehors hurlent les vents moroses, les vents des vilaines saisons”, écrivait alors Moréas dans son poème “Remembrances”.

Pays aux souvenirs alors inusables pour Stávros, mécanicien naval confirmé, ou pour Liana, infirmière en psychiatrie.

Le tout, sous le regard devenu incontournable de Mimi (alias Joachim), l’animal… suffisamment despote de ce blog.

Mimi, l’animal… despote de ‘Greek Crisis’, mai 2017
* Photo de couverture: Vers Salamine. Mai 2017

mais aussi pour un voyage éthique “De l’image à l’imaginaire: La Grèce, au-delà… des idées reçues !” http://greece-terra-incognita.com/

Grèce : accord avec les créanciers …le peuple toujours présuré

Grèce : Fumée blanche, jours sombres publié sur NPA

Euklidis Tsakalotos, le ministre des Affaires économiques, a soupiré d’aise à la mi-semaine, après la conclusion d’un accord entre l’Union européenne et le gouvernement grec : « les négociations sont finies, on voit sortir une fumée blanche », en allusion à l’élection d’un nouveau pape.

Dans son journal Prin, le NAR, principal groupe de la gauche révolutionnaire grecque et composante d’Antarsya, commente très justement : « fumée blanche, mais jours sombres pour les travailleurEs ! »

En effet, cet accord, qui doit être ratifié par le Parlement grec avant d’être approuvé en Eurogroupe, est une nouvelle catastrophe pour le peuple de Grèce. Cela sera décliné très concrètement lors de la discussion qui sera conclue par le vote du 17 mai. Pour rester dans les objectifs fixés par ses créanciers, la Grèce, qui a obtenu pour 2016 un excédent de 4,2 %, doit obtenir 1,75 % en 2017 et 3,5 % en 2018, et cela ne peut être obtenu que par l’acceptation de 140 « actions » supplémentaires au détriment des intérêts populaires, correspondant à un montant de 3,8 milliards d’économies pour la période 2019-20 !

Parmi celles-ci, une nouvelle baisse des retraites : après les baisses successives de presque 50 % en moyenne depuis 2010 qui ont contribué à appauvrir davantage une population frappée par le chômage, la nouvelle baisse sera en moyenne de 9 %, allant jusqu’à 18 %. Les impôts augmenteront, touchant exclusivement les petits et moyens salaires, d’autant que le seuil des non-imposables passera de 8 640 à 5 680 euros annuels de rémunération. Les supermarchés et grands pôles commerciaux devront ouvrir 32 dimanches par an dans des zones considérées comme touristiques (Athènes, Thessalonique, bords de mer – innombrables en Grèce ! – et autres endroits…). À ce propos, cela vaut la peine d’écouter le ministre de l’Économie Dimitri Papadimitriou, expliquant que le gouvernement était en désaccord avec cette mesure, mais que « Nous pouvons la voir comme une forme de modernisation, du fait que l’ouverture des magasins le dimanche est quelque chose d’autorisé dans la plupart des pays d’Europe et aux USA »

Divisions à gauche

C’est ce ton, entre cynisme et naïveté, qui régit le nouveau recul de ce gouvernement qui a déjà tellement déçu les secteurs populaires qui avaient cru à son discours radical. Le gouvernement explique que d’une part, les mesures sur les retraites ne toucheront « qu’un tiers » des retraitéEs, que d’autre part, si l’économie se porte bien, les hausses d’impôt seront moindres que prévues. Ainsi, une personne touchant annuellement 10 000 euros paie aujourd’hui 300 euros, et si tout va bien, il en paiera 750 en 2019 au lieu de 900 !

Tsipras se réjouit d’avoir pu faire revenir l’UE aux conventions collectives : en fait, cela sera décidé en fonction d’une prochaine évaluation, et à l’inverse, les licenciements viennent d’être facilités, se passant des actuelles autorisations administratives…

Les réactions politiques sont celles des Tartuffe de la droite et du Pasok qui veulent jouer la carte populiste… après avoir démantelé les couvertures sociales entre 2011 et 2015. Sans oublier le grand patronat qui utilise l’argument de l’asphyxie réelle des PME pour exiger moins d’impôts.

À gauche, la condamnation est évidemment ferme, mais au poids des défaites dans les luttes, des trahisons électorales, ainsi qu’à l’isolement européen, se rajoute l’absence d’unité ! Le 1er mai, les cortèges étaient fournis… mais plus séparés que jamais : même chez Antarsya, une partie défilait à 2 km de l’autre. Il est évident que la question de l’unité d’action sera cruciale pour avancer, et il faut la construire pour réussir la grève appelée pour ce 17 mai.

D’Athènes, A. Sartzekis

https://npa2009.org/actualite/international/grece-fumee-blanche-jours-sombres

Zone euro: le chômage «caché», un défi pour la BCE

Zone euro: le chômage «caché», un défi pour la BCE

11 mai 2017 Par Romaric Godin qui a rejoint l’équipe de Médiapart

La BCE s’est interrogée sur les raisons de la faible croissance salariale en zone euro. Pour elle, la situation sur le marché de l’emploi est plus préoccupante que ce que les chiffres officiels du chômage peuvent laisser penser, notamment en raison du sous-emploi.

  Le chômage recule en zone euro. En un an, il est passé de 10,2 % de la population active à 9,5 % en avril 2017. Le plus faible niveau depuis 2009. Cette bonne nouvelle n’a cependant pas permis, pour le moment, la mise en place d’une dynamique forte de salaires suffisants pour soutenir l’inflation et, partant, pour redonner aux entreprises une capacité à relancer la demande et donc à investir.

L’absence de croissance des salaires au niveau de la zone euro est une des raisons de la prudence de la BCE sur la future sortie de sa politique monétaire ultra accommodante. Si la Banque centrale resserre sa politique sans dynamique salariale, elle prend le risque de laisser les forces baissières l’emporter sur l’inflation sous-jacente, celle qui dépend des éléments non volatils des prix (énergie et alimentation). D’autant que toute remontée du prix de l’énergie viendra grever alors les salaires réels et les bénéfices des entreprises, obligeant à des ajustements de la demande et faisant renaître le spectre du risque déflationniste. La BCE doit donc comprendre pourquoi la baisse du chômage ne s’est pas accompagnée d’une hausse des salaires.

Cette « énigme » est l’objet d’un chapitre du Bulletin économique de la BCE, paru ce mercredi 10 mai. Les équipes de l’institution de Francfort y répondent en notant qu’en réalité, le chômage de la zone euro est beaucoup plus important que ne le laissent entendre les chiffres d’Eurostat, calculés sur la base de la définition de l’Organisation internationale du travail (OIT). Trois catégories d’individus, en effet, sont exclues de ces données : ceux qui sont « découragés » et ne recherchent pas d’emplois, mais pourraient travailler ; ceux qui recherchent un emploi mais ne sont pas « disponibles » pour travailler et, enfin, ceux qui travaillent à temps partiel et voudraient travailler davantage. Les deux premières catégories sont appelées la « force de travail supplémentaire potentielle » ; la troisième, le « sous-emploi ». Cette dernière catégorie concernerait, selon la BCE, pas moins de 7 millions de personnes en zone euro, soit 3 % de la population en âge de travailler.

Au total, la BCE refait ses calculs. Ce qu’elle appelle la « mollesse du marché du travail » (« labour market slack ») en zone euro concernerait 18 % de la population active étendue à la force de travail supplémentaire potentielle. Un taux qui est donc deux fois plus élevé que le taux de chômage officiel. Certes, cette mesure est incertaine. Beaucoup de personnes sous-employées ne peuvent effectivement pas travailler davantage malgré leur désir et beaucoup de personnes « découragées » ne sont pas prêtes à revenir dans la vie active. Mais il n’en reste pas moins que la BCE, en corrigeant ces éléments, estime que ce « chômage élargi » atteint 15 % de la population active.

Dès lors, la conclusion s’impose : les données officielles d’Eurostat sur le chômage ne permettent pas de rendre compte du vrai niveau de sous-utilisation de la main-d’œuvre dans la zone euro. Elle est beaucoup plus importante qu’on ne le pense et, concluent les équipes de la BCE, « cette sous-utilisation encore élevée continue probablement à contenir la hausse des salaires ». Pour sortir de l’assouplissement quantitatif sans dommage et disposer d’une vraie dynamique d’inflation et de croissance, il faudra donc régler ce problème de chômage élargi.

Certes, la situation s’améliore. Au premier trimestre 2017, on a pu constater une accélération de la croissance des salaires, avec une augmentation annuelle de 1,8 %, des salaires nominaux. Mais même avec cette accélération, le rythme de progression demeure faible historiquement. Avant 2014, la zone euro n’avait en effet connu que très brièvement par deux fois, en 2004 et 2010, une croissance salariale plus faible que ces 1,8 % qui, aujourd’hui, apparaissent si vigoureux.

Du reste, si la consommation des ménages était bien le premier moteur de la croissance de la zone euro au dernier trimestre de 2016, elle connaît une croissance encore modeste, de 1,8 % sur un an. Ce niveau a certes permis d’amener la moitié des 0,4 point de croissance à la zone euro sur ces trois mois, mais il demeure encore modeste et très lié à l’inflation faible qui a conduit à une hausse des revenus réels. En effet, on ne remarque pas d’effets directs de la baisse du chômage sur la consommation puisque la croissance annuelle des dépenses des ménages s’est ralentie entre le premier et le dernier trimestre de l’an passé.

Surtout, cette dynamique salariale est clairement insuffisante pour engager une reprise de l’inflation indépendante de l’évolution des prix de l’énergie. Car la dynamique salariale est une des composantes de la formation des prix. C’est la fameuse « courbe de Phillips » qui établit un lien entre chômage et prix, via les salaires. Cette courbe est régulièrement critiquée, niée et modifiée, mais elle reste l’un des moyens de déterminer les dynamiques inflationnistes. Globalement, on estime que l’inflation est obtenue (en partie) par l’écart entre la hausse des salaires nominaux et la hausse de la productivité du travail. La croissance de la productivité en zone euro est certes très faible (+ 0,5 % en 2017) mais elle suppose, pour satisfaire l’objectif de la BCE, une croissance des salaires supérieure d’au moins 2 points, sans doute davantage compte tenu de la longue inflation faible et des tendances désinflationnistes liées au désendettement.

La vraie question reste celle de l’adaptation des politiques économiques en zone euro. La consolidation budgétaire unilatérale (du reste encouragée par la BCE dans le même bulletin mensuel) exigée par les traités conduit à un environnement déflationniste qui maintient la pression sur les salaires nominaux. Mais la question reste posée de savoir si les réformes du marché du travail promues par la BCE et les institutions européennes ne constituent pas également un élément clé du problème, en l’absence de mesure de soutien à la croissance. Le développement du sous-emploi par celui du temps partiel, la réduction du champ de la négociation collective, la flexibilité qui pèse sur les niveaux de salaire sont autant d’éléments qui favorisent le « chômage élargi » et réduisent la transmission de la baisse du chômage vers les salaires nominaux. Plus que jamais, la zone euro semble donc avoir besoin d’une redéfinition de sa politique économique pour dépasser ses difficultés actuelles. En attendant, la BCE reste seule face à une inflation toujours trop faible.

https://www.mediapart.fr/journal/economie/110517/zone-euro-le-chomage-cache-un-defi-pour-la-bce

L’inclusion de la société Fraport contraire à la législation communautaire

L’inclusion de la société Fraport dans la loi 2687/53 est contraire à la législation communautaire

par Nikos Chountis eurodéputé Unité Populaire-Laiki Enotita

COMMUNIQUE DE PRESSE

  • L’inclusion de la société Fraport dans la loi 2687/53 est contraire à la législation communautaire
  • Nikos Chountis : Il s’agit du premier gouvernement après l’entrée de la Grèce dans l’UE à avoir deterré l’arrêté royal pour étendre les privilèges de la société allemande Fraport

L’inclusion de la société Fraport dans la loi 2687/53, l’exception qu’elle présente par rapport à tout acte de réquisition ou d’indemnisation obligatoire même en temps de guerre, l’autorisation de recruter du personnel étranger et l’exportation de ses rémunérations en devises, mais aussi l’autorisation d’un rapatriement des prêts ou du capital-risque, ont été considérés par la Commission elle-même comme illégales et contraires au droit communautaire au moment où elle a examiné la vente d’OLP[1] à la société chinoise Cosco, une affaire qui partage de nombreux points communs avec la vente des 14 aéroports à la société Fraport.

C’est ce que révèlent la question posée à la Commission par Nikos Chountis, le député européen de l’Unité Populaire, ainsi que sa déclaration à ce sujet.

Plus précisément, Nikos Chountis dans la question qu’il pose, fait référence au décret présidentiel 27, lequel a été publié le 7/04/2017 sur la base de la loi 2687/53 concernant les « investissements et la protection des capitaux de l’étranger », et par le biais duquel sont accordés des avantages supplémentaires et des garanties à la société Fraport. Il fait savoir que « de telles garanties n’ont jamais été fournies après l’entrée de la Grèce dans l’UE, à l’exception des compagnies maritimes, dans la mesure où elles violent manifestement le droit européen en offrant un cadre d’investissement plus favorable aux investissements dits « productifs », qui relèvent de la loi précitée, par rapport aux autres investissements ».

Nikos Chountis, en guise de conclusion à sa question, demande à ce que soit soumis à examen le fait que l’inclusion de la société Fraport dans la loi 2687/53,  juridiquement bien plus contraignante et comportant des « avantages », est compatible avec le droit communautaire.

Il faut noter que la Commission, dans le cas de la vente d’OLP, où l’on a tenté d’appliquer la loi 2687/53, a exclu toute réticence du gouvernement de l’époque à ce sujet par la décision SA.28876 (2012/C) (Journal officiel JO C 301/55, 5/12/2012), en faisant valoir que :

« L’exemption des restrictions légales (expropriation contraignante, réquisition des actifs, autorisation de recruter du personnel étranger et exportation de ses rémunérations en devises, autorisation de rapatriement des prêts ou du capital-risque) pourrait aussi à l’avenir favoriser le Terminal à conteneurs du Pirée, filiale de la société Cosco ». Pour cette raison, il estime que « la protection dans le cadre d’un régime spécifique et protecteur pour les investissements étrangers (Ν. 2687/53) n’est pas compatible avec le marché intérieur ».

Il faut souligner que les exonérations précitées sont les mêmes que celles qui ont été attribuées à la société Fraport il y a quelques jours, par le biais du décret présidentiel 27/2017.

En réaction à la soumission de la question précitée, Nikos Chountis a fait la déclaration suivante :

      « Alors que la Commission ne voulait pas, à juste titre, entendre parler d’une inclusion d’OLP dans la loi 2687/53, ce qui aurait donné des avantages et des garanties supplémentaires à la société chinoise Cosco, elle fait semblant de ne pas comprendre qu’avec le décret présidentiel 27 de 2017 les 14 aéroports achetés par la société allemande Fraport bénéficient du même statut préférentiel qui découle de la loi 2687/53, violant de ce fait les lois en matière de concurrence de l’UE.

     Alors que SYRIZA, en tant que force d’opposition, fustigeait le gouvernement Samaras afin que la société Cosco ne bénéficie pas d’un statut préférentiel et promettait la suppression de la loi 2687/53, en tant que gouvernement SYRIZA il satisfait entièrement jusqu’à la dernière exigence de la société Fraport, et lui accorde des avantages supplémentaires et des garanties. C’est le premier gouvernement depuis l’entrée de la Grèce dans l’UE à proposer cette inclusion dans la loi 2687/53, au-delà des compagnies maritimes et des investissements dits « productifs ».

L’inclusion de la société Fraport dans la loi 2687/53 n’est pas seulement une pratique complaisante, illégale et politiquement condamnable, mais démontre que le gouvernement SYRIZA lorsqu’il s’agit de « donner satisfaction » aux Allemands, est davantage disposé et plus « efficace » encore que le gouvernement Samaras ».

Le Service de Presse                                                                                     26.04.2017

[1] Société du Port du Pirée (OLP)

Traduction Merci à Vanessa de Pizzol

https://unitepopulaire-fr.org/2017/05/10/nikos-chountis-linclusion-de-la-societe-fraport-dans-la-loi-268753-est-contraire-a-la-legislation-communautaire/

Portugal : l’UE et l’Euro

Le Portugal, l’Union Européenne et l’Euro – interview avec João Ferreira (première partie)  07.05.2017

L’Union Européenne (UE) est entrée dans une phase de turbulence. Toutes ces années de crise et d’austérité brutale ont eu des conséquences sociales catastrophiques, en particulier dans les pays de la périphérie. Au Portugal, un changement de gouvernement après les élections législatives de 2015 a mis fin à l’austérité imposée par la troïka ce qui a permis un revirement de certaines politiques. Mais des problèmes structurels persistent en raison de la nature de l’UE et de ses mécanismes, en particulier la monnaie unique. Pour discuter de la situation politique au Portugal, des conséquences de l’entrée sur le marché unique et de l’Euro, et des solutions à ces problèmes, ainsi que d’autres questions telles que la montée de l’extrême droite en Europe, nous avons interviewé João Ferreira du Parti Communiste Portugais (PCP) ; il est membre du Comité Central du PCP, conseiller municipal à Lisbonne et deux fois élu au Parlement européen.

Comment décririez-vous l’actuel gouvernement portugais ? Est-ce un gouvernement de gauche ?

C’est un gouvernement du Parti Socialiste (PS). Ce n’est ni un gouvernement de gauche ni une coalition de forces de gauche, comme nous l’entendons parfois. C’est un gouvernement du Parti Socialiste qui met en pratique les positions du Parti Socialiste vis-à-vis des questions fondamentales de la politique de droite et de sa vision pour le pays, position aussi fondamentalement différentes de celles du PCP. Mais c’est un gouvernement minoritaire ; ce qui signifie, avec l’équilibre actuel des pouvoirs au Parlement, que le PCP joue un rôle important dans le processus de restauration des droits et l’augmentation des revenus des personnes que le gouvernement s’est engagé à mettre en œuvre avant sa prise de fonction.

En fait, les progrès accomplis depuis le début de ce gouvernement l’ont souligné. Il y a eu un processus de restauration des droits et d’augmentation des revenus dans lequel le PCP et les luttes populaires de ces dernières années ont joué un rôle décisif. Cependant, des problèmes structurels fondamentaux persistent encore, dont la solution nécessite des politiques globales pour aller au-delà du recouvrement des droits et des revenus et finalement développer le pays. Tout cela est proprement lié au fait qu’il s’agit d’un gouvernement du Parti Socialiste qui a hérité de toutes les contradictions historiques que le Parti Socialiste n’a pas réussi à résoudre et qui sont à leur tour liées aux politiques de droite des 40 dernières années. Et cela explique pourquoi ce gouvernement n’est pas un gouvernement de gauche.

Analysons ces problèmes séparément. Quelles mesures positives ont été décidées et mises en œuvre, et pourquoi y a t’il eu une réponse si fébrile ou plutôt une opposition déterminée de Bruxelles ?

Les actions du gouvernement précédent, une coalition de droite du Parti Social-Démocrate (PSD) et des Démocrates-Chrétiens (CDS) ont eu comme point de départ le programme d’intervention de la troïka, composé du Fonds Monétaire International (FMI) La Banque Centrale Européenne (BCE) et l’Union européenne (UE). Ce programme a été approuvé par le PSD, le PS et le CDS, alors que le PCP l’a qualifié comme étant un «pacte d’agression» à l’encontre du pays et du peuple.

De sorte que ce gouvernement PSD-CDS a mis en œuvre des politiques qui sont essentiellement conformes aux récentes directives du FMI et de l’UE : une attaque contre les droits du travail et les droits sociaux, la privatisation des entreprises publiques et des secteurs stratégiques de l’économie, la destruction et le démantèlement des services publics, en divergence permanente avec la Constitution portugaise. C’est un gouvernement qui a mis en place avec diligence toutes les orientations et les injonctions de l’Union Européenne. Lorsque ce gouvernement a été battu lors des élections législatives de 2015 et que les conditions ont été réunies pour qu’un nouveau gouvernement prenne ses fonctions – un gouvernement minoritaire PS qui avait accepté de revenir sur certaines des mesures mises en œuvre au cours des quatre années précédentes – la Commission Européenne a alors immédiatement réagi. Les autorités européennes, les grandes puissances européennes, le grand capital européen et leurs représentants politiques, comme par exemple la Commission Européenne, tous ont tout de suite réagi dès lors qu’ils virent en danger le plan qu’ils avaient préconisé et imposé.

Qu’est-ce qui a été fait en particulier ? Même si elles ont une portée limitée, certaines mesures que nous considérons comme importantes ont été mises en œuvre. Par exemple :

  • un arrêt définitif des processus de privatisation en cours dans le secteur des transports
  • la restauration de quatre jours fériés qui avaient été supprimés par le gouvernement précédent
  • la restauration de la semaine de 35 heures dans le secteur public
  • l’élimination des réductions de salaire dans le secteur public et de la surtaxe de l’impôt sur le revenu, ce qui signifie une augmentation des revenus de la classe ouvrière
  • une augmentation des revenus des régimes de retraite, alors que la troïka recommandait d’autres réductions, cette fois avec un caractère permanent, en plus des coupes mises en place par le gouvernement précédent
  • une augmentation du salaire minimum, même si elle est encore bien inférieure au montant que nous jugeons juste
  • la restauration de la négociation collective dans les entreprises publiques
  • une augmentation des prestations familiales et infantiles, tant dans son montant que dans le nombre de personnes couvertes
  • la mise en place de la gratuité des livres scolaires dans les écoles primaires

Ce sont toutes des mesures qui vont à l’encontre des diktats de la troïka. La troïka, l’UE et le grand capital portugais ont vu cela comme une menace pour les politiques générales qu’ils avaient imposées et ont réagi de manière violente, avec des menaces et des pressions. Cela souligne la tournure prise par l’Union Européenne. Même les mesures limitées ayant un caractère social, l’augmentation des revenus, l’amélioration du niveau de vie, suffisent à nous mettre en porte-à-faux vis-à-vis de l’UE, de sa structure de pouvoir et des politiques qui ont été imposées aux peuples. Nous ne parlons pas de mesures fondamentales, structurelles, mais celles d’une portée très limitée ; mais même celles-ci suffisent à déclencher la réaction brutale que nous avons observée.

Vous avez également mentionné les lacunes du Parti Socialiste qui empêchent une réponse plus complète aux problèmes du pays. Pouvez-vous développer sur ce sujet ?

D’un côté, le Parti Socialiste est soumis à toutes les politiques et injonctions de l’Union Européenne. S’il est vrai que des mesures concrètes recommandées par l’UE ont été remises en question, les principales impositions résultant du Pacte de Stabilité, des séries de mesures de Gouvernance Économique, du Semestre Européen (1), du Pacte Budgétaire Européen, ont toutes été adoptées et acceptées par le Parti Socialiste. Et nous parlons de politiques qui ont un caractère inhérent à la Droite et au néolibéralisme. De même, le PS accepte également la soumission à la monnaie unique, dont nous parlerons plus en détail plus tard, avec tout ce que cela a signifié pour le pays en termes de destruction des secteurs productifs et d’une augmentation globale des inégalités.

Mais sur la sphère nationale, le Parti Socialiste reste aux abonnés absents quand il s’agit de confrontations avec les classes dominantes. Par exemple, on ne peut pas compter sur lui pour la réforme du système fiscal afin d’exiger une plus grande contribution du grand capital. Au fil des ans, le système mis en place est extrêmement favorable au grand capital, lui faisant bénéficier d’un fardeau fiscal extrêmement faible aux dépens des travailleurs et des petites et moyennes entreprises. Maintenant que nous avons besoin de changements majeurs pour inverser cette situation, on ne peut pas compter sur le Parti Socialiste. Un autre exemple concerne la législation du travail et le fait que le Parti Socialiste n’a rien fait concernant les mesures les plus pénalisantes pour les travailleurs. Cela montre qu’il existe des aspects structurels de la politique de droite qui subsistent dans le Parti Socialiste.

Pour en revenir au grand capital, il semble que le secteur bancaire reste au centre de l’actualité, avec des craintes et une instabilité constantes. Quelles mesures, selon le PCP, devraient être mises en œuvre en ce qui concerne le secteur bancaire ?

Le PCP a identifié trois contraintes majeures auxquelles le pays est confronté :

1 – la soumission à l’euro
2 – la dette colossale et le service de la dette
3 – la domination des banques privées sur le secteur financier

Les deux premiers points seront abordés dans un instant. En ce qui concerne le troisième, il convient de rappeler que le secteur bancaire a été nationalisé après la Révolution de 1974 ; puis il y a eu un processus de privatisation et de reconstitution des banques privées. Avec le résultat de ce processus que nous avons pu observer ces derniers temps. Nous avons un secteur bancaire qui n’est pas au service du pays mais qui ne sert que quelques groupes économiques et financiers, certains portugais, d’autres étrangers. Ces groupes ont accumulé au fil des ans des bénéfices fabuleux au détriment des familles, des petites et moyennes entreprises et du pays en général. Tout cela en recourant à des opérations frauduleuses et de corruption, à des spéculations sans entraves, à des prêts aux amis et à la famille, etc. Du point de vue du PCP, cela démontre la nécessité de ramener le secteur bancaire sous le contrôle public, en le réorientant vers ce qui devrait être sa fonction sociale : protéger les épargnes et les mettre au service des investissements productifs, revigorer l’économie et le développement du pays, plutôt que de mettre ces ressources au service de pratiques énumérées précédemment.

Au Portugal, nous avons beaucoup entendu parler de la CGD et de la Novo Banco (2)

La Novo Banco est un exemple frappant d’une banque qui ne sert que les intérêts d’une poignée de capitalistes, mais ce n’est pas un cas unique. C’est un exemple que l’on retrouve chez d’autres banques qui ont été à l’origine de problèmes considérables. En fait, les travailleurs ont été mis plus d’une fois à contribution pour couvrir les pertes des banques privées. Ce que nous soutenons, compte tenu du point de déliquescence que nous avons atteint, c’est que l’État retienne le contrôle publique sur la Novo Banco comme point de départ d’un contrôle plus généralisé du secteur bancaire.

En ce qui concerne la Caixa Geral de Depósitos, il a un problème fondamental. Même si c’est une banque publique, en raison de choix des gouvernements récents, elle a été gérée comme si elle était une banque privée. Donc, les mêmes opérations spéculatives, réalisations de prêts douteux, etc., ont été exécutées, sans oublier qu’elle a également été appelée à combler des trous dans les banques privées. Par conséquent, la demande n’est pas seulement de garder Caixa Geral de Depósitos dans la sphère publique, mais d’avoir une direction qui fonctionne efficacement pour soutenir le développement du pays.

Passons maintenant à la dette, ce qui était bien sûr la raison de l’intervention de la troïka. Comment la dette du Portugal s’est-elle gonflée pour en arriver aux niveaux actuels ?

Il existe deux types de causes : des causes structurelles, fondamentales et d’autres que nous pouvons appeler plus circonstancielles. Les premières concernent le processus de destruction et le démantèlement progressif de l’appareil productif, des secteurs productifs tels que l’agriculture, la pêche, l’industrie, et ce que cela implique en termes de dépendance accrue envers les biens et les services étrangers. En plus de cela, il y a eu aussi un processus de privatisations dans les secteurs stratégiques de l’économie, ce qui a permis aux capitaux, à la fois nationaux et étrangers, d’acheter des participations dans ces secteurs. Cela signifiait nécessairement une perte de fonds, puisque les bénéfices et les dividendes, au lieu de rester dans les caisses de l’État, allaient dans les poches des actionnaires.

Ces deux aspects sont inséparables avec l’entrée du Portugal dans la CEE, le marché unique, pour se retrouver en concurrence sans protection contre des économies beaucoup plus fortes avec des niveaux de productivité beaucoup plus élevés. Et les fonds structurels européens, destinés à atténuer les répercussions de cette compétition inégale, n’ont jamais réussi à le faire, même si certains en rejettent la responsabilité sur les gouvernements au pouvoir à l’époque. Mais une grande partie des fonds structurels est venue et est repartie sous la forme d’acquisition de biens et de services, revenant dans certains cas vers leur lieu d’origine. En fait, les montants transférés par l’UE au Portugal sont maintenant dépassés par les montants qui quittent le pays en tant que bénéfices, dividendes et intérêts vers d’autres pays de l’UE. Autrement dit, le Portugal est un contributeur net dans l’Union européenne.

(Évolution de la dette publique portugaise en pourcentage du PIB. Données de l’Institut National des Statistiques Portugais)

Les causes plus circonstancielles ont trait à l’attaque spéculative que les dettes souveraines des pays dits périphériques ont subie entre 2009 et 2011. Une attaque qui est intimement liée aux règles mêmes qui guident les institutions européennes et la Banque Centrale Européenne en particulier. Il est important de garder à l’esprit que la BCE ne prête pas d’argent aux États, mais le fait aux banques privées ; et pendant une longue période, nous avons assisté à une situation durant laquelle la BCE a accordé des prêts aux banques privées, les marchés dits financiers, avec des taux d’intérêt de 1%, et ces banques se sont retournées pour facturer des taux d’intérêt aux États qui, dans le cas du Portugal, atteignaient 7%. Jusqu’au début du processus d’achat de dette par la BCE, processus qui a été retardé le plus longtemps possible, le Portugal et d’autres pays ont fait face à cette attaque spéculative, avec des écarts très importants dans les taux d’intérêt qui ont été responsables d’une forte augmentation de la dette publique. Et bien sûr, le programme de la troïka a empiré les choses.

En remontant un peu, dans les années 1980, le PCP s’opposait à ce que le Portugal adhère au marché unique. Quelles étaient les raisons de cette position et qu’est-ce qui est finalement arrivé ?

Le Parti communiste était essentiellement le seul parti au Portugal à mener une étude approfondie des conséquences d’une adhésion éventuelle au marché unique. Nous avons même démarré avant la Révolution, lorsque cette possibilité d’entrer sur le marché unique a commencé à être discutée ; nous l’avons encore fait dans les années 1980 quand la décision est passée et que le pays est entré dans la CEE, et nous l’avons fait de nouveau 20, 30 ans après cette adhésion. Et en général, les avertissements que nous avons émis se sont révélés justifiés. Le PCP avait raison. A l’époque, notre voix était isolée ; aujourd’hui, de nombreux mouvements politiques et d’opinion constatent la véracité de ce que nous avons dit tout au long.

La CEE, aujourd’hui l’UE, est un processus d’intégration capitaliste. Les processus d’intégration ne sont pas neutres. En fonction de leur nature, ils peuvent aider les peuples ou se mettre au service des capitaux et des multinationales. L’UE/CEE, en tant que processus d’intégration capitaliste, est conçue pour favoriser l’accumulation de capital. Au lieu de promouvoir la convergence, nous avons une divergence sociale et économique, et cela est évident dans la situation rencontrée aujourd’hui par les pays périphériques, encore une fois dans la lignée de ce que prévoyait le PCP.

Il y a un autre point important à souligner dans le cas concret du Portugal. Les grands groupes monopolistes ont subi des revers majeurs après la Révolution d’avril (1974) et les progrès réalisés qui ont suivi. Juste pour rappeler certains d’entre eux : la nationalisation des secteurs stratégiques de l’économie, la réforme agraire, une Constitution qui garantit des droits économiques, sociaux et culturels de grande envergure, entre autres. L’adhésion à la CEE a été perçue par ces groupes comme une occasion de récupérer le pouvoir perdu. Parce que le critère même de l’adhésion à la CEE impliquait que l’Etat soit soumis à la soi-disant économie de marché ; et donc au Portugal, cela a fini par stimuler le processus de reprise capitaliste et la reconstitution des monopoles qui existaient durant la dictature fasciste et qui avaient été démantelés après la Révolution. La prise en compte du caractère instrumental de l’entrée sur le marché unique en termes de retour au pouvoir des classes anciennement dominantes faisait également partie de notre analyse et motivait notre opposition. Et là aussi, il s’est avéré que nous avions raison.

 Notes :

(1) Le semestre européen fournit un cadre pour la coordination des politiques économiques entre les pays de l’Union européenne. Il leur permet de débattre de leurs programmes économiques et budgétaires et de suivre les progrès accomplis à des moments précis de l’année.

(2) Le Banco Espírito Santo (BES) était le joyau de la couronne de l’empire commercial de la puissante famille Espírito Santo. En 2014, il a fallu un plan de sauvetage de plusieurs milliards d’euros après sa faillite suite à des années de pratiques douteuses avec la complicité des régulateurs. Une nouvelle banque, appelée «Novo Banco», a été créée sans les actifs toxiques du BES. Le PCP a soutenu que, compte tenu du coût énorme de l’aide financière, la banque ne devrait pas être simplement reprivatisée.

La Caixa Geral de Depósitos (CGD) est la plus grande et l’unique banque publique portugaise. La droite, depuis longtemps, rêve de la privatiser.

Traduit de l’anglais par Stéphane Rouilly

Source : http://www.investigaction.net/le-portugal-lunion-europeenne-et-leuro-interview-avec-joao-ferreira-premiere-partie/?#

 

Espagne : lutte pour le droit au logement

Espagne : face à la précarisation, la lutte pour le droit au logement s’organise par David Hamou

Depuis la crise financière de 2007, l’Espagne connaît une situation de crise du logement sans précédent. Des centaines d’expulsions se produisent chaque jour, alors que des millions de logements restent vides. Aujourd’hui encore, le droit au logement est constamment menacé, et l’accès à un logement digne est entravé par des lois très peu protectrices, des prix qui ne cessent d’augmenter et un parc de logement social qui reste largement insuffisant pour reloger les familles. Face à cette situation d’injustice sociale, de nouvelles formes d’activisme sont apparues, et les mouvements sociaux se sont organisés pour constituer un contre-pouvoir populaire engagé dans la défense du droit au logement.

A l’origine des violations actuelles du droit au logement : le modèle financiero-urbanistique espagnol et la bulle spéculative immobilière

Dans les années 1990 et 2000, l’expansion massive du secteur de la construction immobilière a conduit à la constitution d’une bulle spéculative immobilière dont l’éclatement explique en grande partie la situation d’urgence sociale actuelle. Ainsi, entre 1997 et 2007, plus 6,6 millions de logements ont été construits en Espagne, soit la même quantité que le total des logements construits en France, en Allemagne et en Italie sur la même période. Cet emballement du marché a gonflé artificiellement les prix de l’immobilier, alors que se multipliaient les transactions financières spéculatives qui alimentaient en retour le phénomène.

En parallèle, les banques espagnoles ont largement facilité l’accès aux crédits hypothécaires en proposant des contrats contenant des clauses abusives à de nombreux ménages peu solvables, avec l’argument que « les prix ne peuvent pas baisser ». Dans un pays où être propriétaire est la norme, les classes populaires et moyennes ont donc connu un accès massif à la propriété via des crédits hypothécaires à risque avantageux et séduisants. Taux variables, clauses planchers, absence de dation en paiement |1|… les conditions de ces crédits immobiliers les rapprochent en réalité d’une véritable escroquerie généralisée.

En 2008, avec l’éclatement de cette bulle spéculative immobilière, la chute des prix, et l’explosion du chômage, de nombreuses familles se retrouvent sans ressource et ne peuvent plus faire face aux mensualités de ces crédits à risque. Les conséquences sociales de cette crise sont désastreuses : expulsions massives des familles par les banques, surendettement et spirale de la pauvreté. Entre 2008 et 2012, on compote plus de 415.000 saisies hypothécaires et près de 245.000 expulsions. En total depuis 2007, ce seraient plus de 400.000 familles qui auraient perdu leur logement à causes des expulsions. Alors que le pays plonge dans une crise du logement généralisée, et que des centaines de millions d’euros publics sont données aux banques sans contreparties, les pouvoirs publics restent passifs et alimente la culpabilisation des citoyens : la faute serait la nôtre car nous aurions vécu « au-dessus de nos moyens ».

La réaction des mouvements sociaux

Face à cette profonde injustice sociale, les citoyens ont su inventé de nouvelles formes d’activisme et se sont organisés au sein de mouvements sociaux défendant le droit au logement. Ce combat s’est principalement structuré autour de deux moyens d’action : les actions directes de désobéissance civile et les propositions de réforme législative.

La Plateforme des Personnes des Affectés par l’Hypothèque (PAH) est née à Barcelone en 2009, et s’est depuis largement diffusé dans tout le pays : on compte aujourd’hui plus de 200 plateformes locales. Il s’agit d’un mouvement citoyen non partisan d’auto-organisation de personnes affectées par la crise hypothécaire et de personnes solidaires, qui dénonce des lois injustes et lutte activement contre les expulsions et le surendettement des familles. Les exigences fondamentales de la PAH sont l’arrêt total des expulsions, l’obtention de la dation en paiement et la transformation des logements saisis par les banques en parc public de logements sociaux locatifs. Le mouvement s’organise en assemblées générales horizontales et pratique la désobéissance civile par des actions directes. Les groupements citoyens pour empêcher physiquement les expulsions, et les occupations massives des banques et des mairies responsables de ces expulsions, ou encore les actions de réquisition d’immeubles vides possédés par les banques concernées sont autant de moyens d’action pour mettre un terme à ces pratiques et obtenir des solutions de relogement pour les familles. Depuis 2009, la PAH a empêché plusieurs milliers d’expulsions et a offert des solutions de relogement à des milliers de personnes.

Cet activisme s’est également concrétisé dans des Initiatives Législatives Populaires (ILP), à l’échelle nationale et à l’échelle régionale, visant à adopter des lois garantissant le droit à un logement digne et adéquat pour tous. Parmi les mesures les plus urgentes, ces ILP retenaient notamment la dation en paiement, l’arrêt des expulsions et l’augmentation du parc public de logement social. En 2013, à l’initiative de la PAH, de l’Observatori DESC |2| et d’autres mouvements sociaux, le Congrès des députés de l’Etat Espagnol est saisi et amené à statuer sur une première ILP. Malgré près d’un million et demi de signatures recueillies, la ILP est rejetée par le Congrès. Mais en juillet 2015, une nouvelle ILP est finalement adoptée par le Parlement Catalan. Il s’agit d’une grande victoire populaire, puisqu’après des années de lutte les banques et les entités financières responsables de cette crise doivent enfin rendre des comptes. En effet, la nouvelle loi interdit les expulsions des personnes en exécution hypothécaire, oblige les entités financières à proposer un logement social locatif aux familles en situation de vulnérabilité résidentielle. Les administrations publiques sont quant à elles obligées de proposer une solution de relogement si les détenteurs du bien immobilier sont des petits propriétaires.

Malgré cette victoire militante, la situation du logement reste aujourd’hui très préoccupante en Espagne. Très peu de changements législatifs ont vu le jour au niveau national, malgré de nombreuses condamnations internationales de l’Etat Espagnol, notamment par la Cour de Justice de l’Union Européenne en 2013 et par le Comité des Droits Économiques Sociaux et Culturels de l’ONU en 2015. De plus, la crise hypothécaire n’est qu’un des multiples aspects de la crise du logement en Espagne, et les citoyens doivent aujourd’hui faire face à de nouveaux défis afin de défendre le droit au logement.

La précarisation de la location et les squats précaires : de nouveaux défis pour le droit au logement

La précarisation des conditions de location est devenue le nouveau visage de la crise du logement. Ainsi, on considère que près de 90 % des expulsions qui ont lieu à Barcelone sont dues à des impossibilités de payer le loyer. Si traditionnellement l’Espagne compte un haut pourcentage de propriétaires |3|, l’accès à la propriété s’est aujourd’hui restreint pour une partie de la population, et Barcelone compte environ 30 % de locataires. Ces dernières années, nous avons assisté à une explosion du prix de loyers dans notre ville. Le prix moyen du loyer a doublé en 15 ans, et atteint aujourd’hui son taux record de 2007, année précédant l’éclatement de la bulle immobilière. A Barcelone, les lois ne protègent que très peu les locataires, alors que la massification touristique, la gentrification et de nouvelles formes de spéculation fragilisent l’accès au logement locatif et le droit au logement en général. Par conséquent, constituer un contre-pouvoir organisé et garantir l’existence d’un marché locatif protégé et accessible est une de nos priorités pour défendre le droit au logement.

Les lois restent très peu protectrices en matière de location en Espagne. Il s’agit d’un marché totalement dérégulé, et il n’existe ainsi aucun mécanisme de régulation des prix. Une nouvelle loi de 2013 a encore accentué cette asymétrie de pouvoir entre le bailleur et le locataire : la durée des contrats locatifs a été réduite de 5 à 3 ans, et le processus d’expulsion a été facilité (un impayé de seulement un mois peut désormais conduire à une expulsion).

A Barcelone, cette précarité légale est renforcée par des processus qui conduisent au déplacement forcé des populations les plus vulnérables hors des quartiers centraux. L’attractivité de la capitale catalane a provoqué une massification touristique et un renouvellement des pratiques spéculatives. En 2015, plus de 8,3 millions de touristes ont visité Barcelone, qui compte 1,6 millions d’habitants. La prolifération incontrôlée des hôtels, des pensions, et des appartements en location touristique sur des plateformes dites collaboratives comme Airbnb font croître le prix moyen du loyer et ont un impact négatif sur l’accès au logement. Enfin, les entités financières spéculatives se sont adaptées à cette nouvelle situation et investissent maintenant dans le marché locatif afin d’en tirer des plus-values. On a ainsi vu des fonds d’investissement spéculatifs internationaux racheter des appartements, et provoquer l’expulsion des locataires afin de les transformer en logements de luxe et d’augmenter le montant du loyer.

Face à cette situation, il est nécessaire d’organiser un contre-pouvoir populaire capable de mettre fin à ces pratiques, de dénoncer la vulnérabilité des locataires, et de défendre le droit à un logement digne et accessible. A l’initiative de l’Observatori DESC, mais aussi des associations de voisins et de personnes autonomes, les locataires de Barcelone s’organisent et sont en train de créer un syndicat des locataires. Le syndicat, qui sera officiellement présenté au cours du mois de mai 2017, aura pour objectifs d’exercer une pression politique, mais aussi de visibiliser et dénoncer cette situation de précarité du logement locatif, ou encore d’offrir des services d’aide et d’assistance juridique aux locataires.

Enfin, cette exclusion d’une partie de la population qui n’a pas accès au marché du logement conduit les plus vulnérables à recourir massivement au squat. Le discours médiatique et politique hégémonique tente d’imposer une représentation du squat comme choix politique déviant ; et de récentes lois renforcent la criminalisation du squat. Mais alors que l’Espagne est d’un des pays d’Europe avec le plus de logements vides (on compte plus de 3,4 millions de logements vacants dans tout l’Etat), la réalité est toute autre, et le squat reste majoritairement le dernier recours de familles sans ressources pour accéder au logement par d’autres voies. L’impossibilité d’accéder à l’électricité, l’eau ou le gaz légalement place les familles qui squattent dans des situations extrêmement dangereuses et précaires.

C’est dans ce contexte que le secteur immobilier a développé de nouvelles stratégies aux marges de la loi pour expulser les squatteurs. L’entreprise Desokupa propose ainsi à ses clients de réaliser des expulsions extra-judiciaires par des négociations musclées avec les squatteurs, et ces pratiques ont été dénoncées comme pouvant être délictueuses. L’Observatori DESC s’est ainsi constitué partie civile dans l’accusation populaire contre l’entreprise Desokupa et l’agence immobilière qui l’a contracté. Il nous semble crucial de dénoncer fermement cette violence et ce harcèlement immobilier, afin de protéger la population qui se trouve en situation d’exclusion résidentielle.

Notes

|1| Le taux plancher est un taux minimum en dessous duquel le taux d’intérêt du crédit hypothécaire ne peut pas descendre. Une chute de prix ne sera donc pas proportionnellement répercutée sur le taux d’intérêt, ce qui revient en pratique à transférer le risque sur le détenteur du crédit. L’absence de dation en paiement implique que même après la saisie de leur logement, les familles ne pouvant plus faire face à leur crédit restent endettées. Cette clause des contrats hypothécaires en Espagne a provoqué un processus de surendettement massif des citoyens.

|2| L’Observatoire DESC est une entité sociale basée à Barcelone qui défend au quotidien les Droits Économiques, Sociaux et Culturels (DESC), et notamment le droit au logement, le droit à l’alimentation et le droit au travail. Pour promouvoir cette vision intégrale des droits de l’homme, l’Observatoire DESC combine des activités d’incidence politique, de recherche et de formation, d’organisation de cours et de conférences et de litige stratégique.

|3| Le taux de locataires en Espagne est d’environ 15 %. A titre de comparaison, la Belgique compte un taux d’environ 35 % de locataires, selon l’Association Internationale des Locataires.

David Hamou  est membre de l’Observatori DESC

http://www.cadtm.org/Espagne-face-a-la-precarisation-la

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