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Grèce : Souveraine dette

Souveraine dette | à propos de l’accord sur la Grèce du 21 juin 2018

25 juin 2018 par Dimitris Alexakis

«Quatre mots, quatre mensonges» notait, à propos de l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques, le philosophe Cornélius Castoriadis, co-fondateur du groupe «Socialisme ou Barbarie», dans la ligne de la critique du stalinisme initiée par Boris Souvarine. On pourrait en dire autant des termes qui balisent la communication de crise des institutions européennes. Produits par les équipes de travail de l’Eurogroupe ou de la Commission, ces éléments de langage sont repris tels quels par les éditoriaux des plus grands médias français [1] et appuient une forme de propagande par le mot. La casse du droit du travail [2], les entraves à l’activité syndicale, la baisse drastique des salaires et retraites sont communément qualifiées de «réformes» («continuer à réformer», selon un article du «Monde» en date du 18 juin dernier, consisterait notamment à «réduire de nouveau les retraites d’environ 15%»). Les accords au terme desquels un pays perdu de dettes est contraint de s’endetter toujours davantage constituent des «plans de sauvetage» ou des «plans d’aide» — «plans d’aide» qui, conformément à leur nom, ne sont pas imposés mais «consentis» ou «accordés» et dont la Grèce «bénéficie depuis huit ans». On ne parle pas de fermetures d’hôpitaux, de suppressions de lits ou de services entiers mais «d’assainissement des finances publiques». Les mesures les plus inégalitaires — hausse de la TVA sur les produits de première nécessité, baisse drastique des moyens alloués à la santé [3] et à l’éducation publiques — y sont qualifiées de «douloureuses» — comme si elles n’épargnaient pas les plus riches et comme si la «douleur» qu’elles entraînent constituait un témoignage supplémentaire, bien que regrettable, de leur nécessité et de leur efficacité. Tout élément concret est évacué. Dans cette rhétorique où chaque mot est une parade contre le réel et où l’analyse des causes est systématiquement évacuée, il est de bon ton de saluer à la fin de chaque étape les «efforts» consentis par «le peuple grec» — peuple qui, après avoir inconsidérément relevé la tête, semble s’être rendu aux arrêts de la Troïka comme on se rend à l’évidence. Les mêmes termes circulent, des communiqués officiels aux éditoriaux de Laurent Joffrin ou de France-Inter, avant de revenir à leur point de départ. On se demande souvent qui parle et qui peut bien prêter foi à ces termes vides. Probablement pas, en tous cas, ceux qui en sont à l’origine ; le polémiste Karl Kraus évoquait en son temps ces dirigeants qui mentent aux journalistes puis croient (ou feignent de croire) ce que les journaux écrivent ; dans sa chronique récente des négociations de 2015 [4], Yanis Varoufakis a amplement documenté le fait que ni Christine Lagarde, ni même Wolfgang Schäuble ne pensaient sérieusement que les mesures imposées auraient un effet bénéfique sur l’économie grecque ; qu’ils se trouvaient eux aussi, à leur façon, piégés, contraints de persister dans l’erreur par crainte de tout perdre — à commencer par leur poste, leurs positions durement acquises.

Il en va ainsi des éléments de langage qui accompagnent le dernier épisode du feuilleton grec, celui de la «sortie de crise» que serait censé marquer l’Eurogroupe du 21 juin [5]. «Le Monde» annonçait récemment à ses lecteurs que le pays «s’apprête à sortir des plans d’austérité». Le commissaire européen aux affaires économiques et financières, soudain lyrique, entreprend au lendemain de la signature de l’accord de réécrire l’Histoire dans l’espoir de faire oublier ses propres reniements, la duplicité et le cynisme dont ont fait preuve l’ensemble des dirigeants français au plus fort des négociations de 2015 («La crise grecque fut une odyssée dans l’inconnu, obligeant les Européens à s’entendre, à se serrer les coudes et à inventer des solutions inédites pour survivre.»)

«Victoire», «jour historique» : la «fin des mémorandums» annoncée par le communiqué du 22 juin et bruyamment célébrée par le gouvernement grec peut être lue à rebours comme l’entrée dans une phase d’austérité sans fin [6].

L’accord se fonde d’abord sur le fait que «le job a été fait» ; les mesures exigées du gouvernement Tsípras ont été soit appliquées soit, pour une partie d’entre elles, tout juste votées : le fait que cette séance suive de quelques jours le vote à l’Assemblée grecque d’un paquet de mesures austéritaires («le dernier», s’est réjoui le Premier ministre grec) n’est pas dû au hasard. Le chapitre des privatisations massives exigées par les créanciers est largement bouclé ; l’objectif (appropriation des actifs locaux par des consortiums aux intérêts allemands, français, etc.) a été atteint [7]. L’accord repose en outre sur l’engagement donné par le gouvernement de ne pas revenir sur les mesures adoptées au cours de ces huit dernières années (en particulier concernant les retraites, filet de sauvetage pour de nombreux foyers et de nombreux jeunes chômeurs ; cette question continuera de peser sur le gouvernement actuel comme une épée de Damoclès dès la fin des démonstrations d’autosatisfaction auxquelles il se livre aujourd’hui).

L’austérité n’a plus besoin d’être exigée puisqu’elle est désormais tout entière contenue et fixée dans les chiffres – ceux des objectifs d’excédents primaires (solde positif des finances publiques hors service de la dette) auxquels le gouvernement actuel s’est engagé pour une durée dépassant de beaucoup son mandat : sous le prétexte de maintenir sa dette à un niveau soutenable, la Grèce devra dégager un excédent correspondant à 3,5 % de son produit intérieur brut jusqu’en 2022, puis de 2,2 % en moyenne durant 37 années supplémentaires, et cette condition ne saurait être respectée qu’au prix d’une austérité prolongée. Comme le remarque Yannis Almpanis, cette prévision «signifie que 25 milliards d’euros seront retirés de l’économie grecque pour le service de la dette au cours des 4 prochaines années. Ceci entraînera le maintien de la croissance à des niveaux trop faibles pour une économie ayant perdu 25% de son produit intérieur brut durant la période mémorandaire. La prévision du gouvernement tablant sur un taux de chômage de 14% en 2022, taux qui représente presque le double de ce qu’il était en début de crise, est à cet égard indicative.»

On ne sort pas de la logique des communiqués précédents (réunions de l’Eurogroupe de novembre 2012, février 2015…) qui liaient indissociablement viabilité de la dette et dégagement d’excédents intenables sans un resserrement à l’extrême des finances publiques, donc une austérité accrue. Le cercle vicieux initial est reconduit ; comme les saignées des médecins de Molière, le remède proposé ne cesse d’aggraver les causes.

Le refus réitéré des instances européennes de procéder à une restructuration de la dette grecque est mis à profit pour installer dans la durée un régime d’austérité, presque dans le sens où on parle de régime politique ; à cet égard, le communiqué introduit effectivement une nouveauté relative ; le pays sort pour partie et sous conditions du cycle court et toujours instable des négociations pour entrer dans une phase de conformité structurelle aux objectifs des plans d’austérité. En adoptant une solution prévoyant l’étalement des remboursements sur dix ans, les instances européennes visent moins un allégement qu’une consolidation de l’austérité. Courage, fuyons [8] : le problème que pose l’insolvabilité (avérée dès 2010) de l’État grec est donc moins réglé que suspendu, et laissé aux générations futures.

Dans une économie marquée par les écarts de plus en plus béants «entre le casino de la Bourse et l’économie réelle» (Michel Serres, Le Temps des crises), le politique devient ordonnateur des illusions et créateur ou vecteur de croyance. Le communiqué du 22 juin doit de fait être lu comme une adresse aux marchés et a pour but premier de restaurer leur confiance, selon une logique tenant à la fois du pari et de la méthode d’Émile Coué [9]. Face à un pays dont la dette se monte toujours à près de 180% du PIB, il est cependant peu probable que les marchés se rangent à l’optimisme [10] des dirigeants européens, que ni Christine Lagarde ni Mario Draghi ne semblent d’ailleurs partager. (La Cour européenne des comptes avait quant à elle, en novembre 2017, exprimé de très sérieuses réserves sur la capacité de la Grèce à se financer sur les marchés [11].)

Bénéficiaires à court terme, ces dirigeants peuvent désormais se tourner vers leurs électeurs respectifs pour leur annoncer que la Grèce se financera désormais sans eux. Ce dégagement sur le long terme est purement hypothétique (la crise pourrait réapparaître très vite) ; rien n’est dit en outre des taux d’intérêt auxquels le pays devra faire face pour continuer à s’endetter.

L’essentiel de l’accord tient au fait qu’il ne propose à la Grèce aucun autre horizon qu’un endettement sans fin, générateur de nouvelles dettes. Contrairement à ce qu’écrit Pierre Moscovici (pour qui la dette grecque serait aujourd’hui «maîtrisée»), la logique de l’endettement sort renforcée de cette pseudo sortie de crise. La réponse apportée est ainsi indicative de l’incapacité plus générale des dirigeants de l’Union à tirer les leçons de la crise de 2008. Comme le remarquait récemment Jézabel Couppey-Soubeyran [12], le risque d’une nouvelle crise financière ne peut être négligé : la réforme structurelle du secteur bancaire européen a été en grande part abandonnée ; les institutions n’envisagent plus de taxer les transactions financières à une échelle européenne ; plutôt que de se préoccuper du risque systémique que font peser les mastodontes bancaires européens, l’Union continue de les encourager. «La seule réforme qui se poursuive est finalement celle de l’union des marchés de capitaux», réforme «qui facilite l’accès à la dette des entreprises et entend relancer la titrisation» : ce sont justement là «les deux ingrédients majeurs de la précédente crise financière». L’accord du 21 juin, loin de ne concerner que la Grèce, met en lumière l’incapacité des élites au pouvoir à faire face à la crise systémique qui continue de guetter l’Europe: amnésie sélective, volonté de cacher sous le tapis les causes profondes de l’instabilité financière et de la dissolution politique de l’Union, réintroduction des éléments de la crise dont les responsables européens semblent croire qu’ils produiront cette fois, comme par magie, d’autres effets.

 [1] À propos du traitement de la crise grecque par les médias européens : La crise grecque : un scandale manqué, Jeremy Morales, Yves Gendron, Henri Guenin-Paracini (Archives Ouvertes).

[2] À propos de la situation actuelle du droit du travail en Grèce : La législation du travail grecque imposée par l’UE viole la Charte sociale européenne, Michel Miné (le Blog de Médiapart) et, pour une étude d’ensemble : Le droit du travail en Grèce à l’épreuve du droit international et européen (du même).

[3] À propos des conséquences de l’austérité sur la santé : L’austérité au filtre des eaux usées, Mohamed Larbi Bouguerra (Le Monde Diplomatique).

[4] Conversations entre adultes, éd. Les Liens qui Libèrent.

[5] Lire : Déclaration de l’Eurogroupe sur la Grèce (22 juin 2018) ; ordre du jour de l’Eurogroupe du 21 juin et documents annexes.

[6] Pour une analyse détaillée de l’accord de l’Eurogroupe sur la Grèce, lire : L’Europe propose à la Grèce un plan de sortie irréaliste, Martine Orange (Médiapart), Καθαρή αδιέξοδος, Θάνος Καμήλαλης (The Press Project), Why the debt deal with the EU is bad for Greece, Jerome Roos (Aljazeera).

[7] À propos des privatisations : Grande braderie en Grèce, Niels Kadritzke (Le Monde Diplomatique), Privatisations: une rente perpétuelle et sans risque pour le privé, Martine Orange (Médiapart), Aéroports grecs : cessions et grandes concessions, Fabien Perrier (Vues d’Europe).

[8] L’expression est tirée du film homonyme d’Yves Robert (1979).

[9] «Si, étant malade, nous nous imaginons que la guérison va se produire, celle-ci se produira si elle est possible. Si elle ne l’est pas, nous obtiendrons le maximum d’amélioration qu’il est possible.» (Émile Coué, Suggestion générale).

[10] L’entretien accordé au quotidien «Süddeutsche Zeitung» trois jours après la signature de l’accord par Klaus Regling est à cet égard édifiant, dans la mesure où, après avoir affirmé sa confiance dans la capacité de la Grèce à se financer sur les marchés, le directeur général du Mécanisme européen de stabilité y esquisse un parallèle trompeur entre la conférence de Londres de 1953 sur la dette de l’Allemagne et la réunion de l’Eurogroupe de juin 2018 : «L’économie grecque a été entièrement restructurée au cours des huit dernières années et à l’occasion des trois programmes d’ajustement. A partir de 2016, la Grèce a dégagé un petit excédent fiscal. Je ne doute pas que la Grèce sera capable de revenir sur les marchés. Et la Grèce remboursera nos prêts. Cela prendra du temps. Mais la dernière tranche de remboursement découlant de l’accord de Londres de 1953 sur la dette de l’Allemagne n’a été versée qu’en 2010. Personne ne l’a relevé à l’époque – c’est pourtant ainsi que j’imagine que les choses se passeront aussi avec la Grèce.»

[11] À propos du rapport sur la Grèce de la Cour des comptes européenne, lire : La Cour des comptes européenne accable la gestion de la crise grecque, Martine Orange (Médiapart) ; le rapport lui-même est disponible ici.

[12] Une crise bancaire est toujours possible, Jézabel Couppey-Soubeyran, maître de conférences à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.

Source https://oulaviesauvage.blog/2018/06/25/souveraine-dette/

Macédoine de Soros La rubrique de Panagiotis Grigouriou

Panagiotis  Grigoriou est Ethnologue et historien, chroniqueur, analyste, initiateur d’un concept de tourisme alternatif  et solidaire en Grèce. Le regard de l’historien et de l’anthropologue sur l’actualité et le vécu de la crise grecque.

Macédoine de Soros

Au petit pays de l’été et des îles les visiteurs peuvent être ravis. Seulement, les orages de la semaine ont fini par même bouleverser les usages touristiques. L’image n’est certainement plus, derrière la carte-postale mouillée. Mais il y a bien pire. Au-delà des apparences de vitrine comme de la météo, les Grecs enragent depuis que “leur gouvernement” a trahi l’esprit, le cœur, l’histoire, ainsi que les intérêts grecs, en accordant une reconnaissance bancale et pour tout dire hasardeuse, à l’Ancienne République Yougoslave de Macédoine (ARYM), sous le nom de “Macédoine du nord”. Au même moment, et à travers une mascarade de trop, Alexis Tsípras s’est publiquement montré en cravate, pour faire croire que le récent “accord” sur la dette entre ministres de la zone euro a réglé le problème. Nuages, pluie et surtout boue.

“Traîtres, traîtres…”. Serres, Grèce du nord, le 19 juin

La décision… macédonienne d’abord, elle a été aussitôt saluée pour son “audace positive” par les… maîtres internationaux d’Alexis Tsípras, à savoir, la presse et les vizirs à Berlin, à Washington et à Bruxelles. Seulement, à travers le pays réel, les élus et ministres de SYRIZA/ANEL sont accueillis partout par des cris d’exaspération: “Traîtres, traîtres…”. Et ce n’est apparemment qu’un début. En visite au Royaume-Uni, Alexis Tsípras vient d’être verbalement pris à partie par un grec de Londres, lequel a symboliquement lancé par terre de la petite monnaie, en criant: “Traître, tu as vendu la Macédoine”.

“Alexis Tsípras et son acolyte Panos Kamménos” (chef du parti des ‘Grecs Indépendants’), “sont deux cadavres politiques, ils sont désormais politiquement morts. Lorsque la situation se retournera, ils pourraient même être jugés pour avoir violé la Constitution, et pour faits de haute trahison, car tout en incarnant les marionnettes de Berlin, ils ont préféré garder leurs sièges du pseudopouvoir, plutôt que de servir les intérêts du peuple et du pays”, pouvait-on entendre par exemple à la radio 90,1 FM depuis sa zone matinale du 27 juin 2018. D’ailleurs, certains analystes grecs rappellent à ce propos, à l’instar d’Athanássios Drougos (au demeurant, proche des cercles de l’OTAN), cette phrase du poète Kostís Palamas : “Lorsque les loups te lèchent, ce n’est pas parce qu’ils t’aiment, mais parce qu’ils ont faim”, Athanássios Drougos, 18/06.

La question macédonienne conduit effectivement à la coagulation des mécontentements contre Tsípras, une probabilité justement évoquée en février dernier par mon ami Olivier Delorme. Sur son blog et sur l’accord… macédonien signé en ce mois de juin, mais qui n’est pas validé par les deux Parlements et encore moins par les deux peuples, Olivier Delorme note alors ceci: “Le nom international de l’État serait donc République de ‘Macédoine du nord’. Mais je n’ai encore rien vu de précis sur le VRAI problème entre cet État et la Grèce: une Constitution dont un certain nombre d’articles sont plus ou moins clairement irrédentistes et donnent à l’ARYM un droit de regard sur les affaires intérieures des États voisins dès lors qu’il s’agit du sort de la minorité prétendument macédonienne.”

Alexis Tsípras en cravate. Athènes, juin 2018 (presse grecque)
Rassemblement contre l’accord macédonien de Tsípras. Athènes, juin 2018
“Tsípras, Couillon, Traître”. Athènes, juin 2018

C’est chose faite, ainsi le… Macédonisme réellement existant des voisins slaves se croit réitérer même depuis le territoire grec, l’irrédentisme qui consiste à réunir un jour l’ensemble des territoires de leur prétendue Macédoine unique. Le tout, non sans l’aimable participation des puissances étrangères notamment occidentales, sans oublier bien entendu les assistés locaux du financier Soros lequel ne manque pas l’occasion pour saluer l’accord ; il est le parrain officieux comme on sait de l’ARYM depuis la mise à mort de la Yougoslavie par l’Allemagne et par l’OTAN dans les années 1990.

L’historienne byzantiniste francogrecque Hélène Glykatzi Ahrweiler rapporte à ce propos dans son livre autobiographique ‘Une vie sans alibi’, publié à Athènes en 2017, son échange avec l’armateur grec Yannis Látsis c’était dans les années 1990. “La question macédonienne occupe alors l’actualité. Dans la conversation je dis en riant à Yannis: ‘Capitaine, qu’en est-il de Skopje (capitale de l’ARYM) ? Ne les achetez-vous pas, pour que tout le monde soit tranquille ? Il me dit: ‘Comme c’est déjà chose faite, ils ne sont plus à vendre. Il ont été achetés par un autre’. ‘Qui ?’, je lui demande. ‘Soros les a achetés’.”

“Bravo, Soros fait la fête”. Presse grecque, juin 2018
“Politiciens traîtres, à bas vos mains sales de la Macédoine grecque”. Athènes, juin 2018
Rassemblement antigouvernemental. Athènes, juin 2018

Rappelons déjà que cette guerre Yougoslave n’est pas tout à fait oubliée et que les très sensibles affaires balkaniques peuvent également refaire surface, y compris sur le terrain de la Coupe du monde de football, comme actuellement en Russie. Raison de plus, Tsípras et les siens devraient être plus prudents et moins arrogants dans leur ignorance du danger… sauf que leur cas est décidément irrécupérable… et pour tout dire payant.

La Grèce n’était donc pas obligée de reconnaître le Macédonisme irrédentiste des voisins slaves, lorsque par ailleurs les Bulgares et les Serbes se montrent réservés face à l’accord très provisoire de ce mois de juin entre la Grèce de Tsípras et l’ARYM, et cela pour cause. Le comble c’est que la Grèce est le seul pays souhaitant le maintient de l’ARYM, tandis que les voisins Bulgares, Serbes et Albanais ne cachent pas forcément, leur idée parallèle… que de voir l’ARYM éclatée au profit de leurs frontières. Et quant à la linguistique réellement appliquée, cela fait bien rire les Bulgares lorsque lors des visites officielles des dirigeants de l’ARYM, ces derniers utilisent de traducteurs qui ne servent qu’à symboliser la langue slavo-macédonienne, généralement considérée comme un dialecte du bulgare dans la mesure où il n’y a point besoin d’interprète pour communiquer entre eux.

Comme le remarque également Olivier Delorme, “Sofia a reconnu l’État macédonien, mais non le peuple macédonien qu’elle considère comme une partie du peuple bulgare. Et si Tirana reconnaît un peuple macédonien – slave -, nombre des dirigeants albanais professent que l’est de l’ARYM a vocation à rejoindre la Bulgarie et l’ouest, majoritairement albanophone, à devenir un troisième État albanais, après l’Albanie et le Kosovo, voire à rejoindre une Grande Albanie telle qu’elle exista sous protection de l’Italie fasciste puis de l’Allemagne nazie entre 1941 et 1944.”

Drapeaux grecs. Athènes, juin 2018
“Vers les étoiles à travers les difficultés”. Athènes, juin 2018
“République bananière”. Athènes, juin 2018

En somme, la question dite macédonienne pourrait encore attendre avant un accord réellement satisfaisant pour les parties impliquées, sauf évidemment pour l’OTAN qui souhaite intégrer rapidement l’ARYM en son sein face à la Russie, ou pour l’Allemagne, dont les desseins géopolitiques déjà mis en exécution sous le Troisième Reich, voudraient bien faire disparaître la Grèce du nord, et notamment la Macédoine grecque.

Les Grecs n’oublient pas qu’après l’invasion de l’armée allemande en Grèce au printemps 1941, les forces de l’Axe ont fait éclater le pays en trois zones d’occupation: allemande, italienne et bulgare. La zone allemande correspondait à la Crète, l’Attique et les îles Saronique, les Cyclades, les Sporades du Nord, la région frontalière de la Turquie, ainsi que Macédoine centrale dont Thessalonique. La zone italienne comprenait les îles Ioniennes, le Péloponnèse, l’Épire, la Thessalie, la Grèce Centrale (hors Attique), puis, une partie de la Macédoine centrale et occidentale. Enfin, la zone bulgare incluait la région de Thrace et de Macédoine orientale.

L’un des projets examinés du côté allemand a été de créer un État macédonien indépendant, en unissant la Macédoine grecque, yougoslave et bulgare. Rapidement cependant et dans l’urgence du front russe pour les Allemands, il semblait que ce plan allait créer plus de problèmes qu’il ne résoudrait, de sorte que le commandement allemand a décidé de déléguer à l’occupation de l’armée bulgare sur l’ensemble de la Macédoine grecque. Les premières nouvelles quant à la décision d’étendre l’occupation bulgare sur toute la Macédoine grecque ont été largement diffusées sur le territoire grec occupé au début de Juillet 1943, provoquant aussitôt une vague d’indignation populaire sans précédent.

On scrute les journaux. Athènes, juin 2018
Produits grecs. Athènes, juin 2018
Fête populaire et religieuse. Péloponnèse, juin 2018

Le Premier ministre collaborationniste Rallis a aussi protesté, mais c’est surtout la mobilisation populaire dans les rues d’Athènes d’après le mot d’ordre lancé par le Front National de Libération (EAM) procommuniste: “Ne touchez pas à la Macédoine grecque – Allemands et traîtres de la nation veulent livrer la Macédoine grecque aux Bulgares”, qui parvient à faire plier les occupants Allemands, (voir également le quotidien ‘Rizospástis’ du PC grec (KKE), daté du 21/07/2002.

Comme en 2018, ces rassemblements populaires ont eu lieu d’abord à Thessalonique le 11 juillet 1943, puis c’est face à ce même élan patriotique et populaire que les forces occupantes vont tirer sur une foule estimée à plus de 300.000 personnes à Athènes le 22 juillet 1943 causant une trentaine de morts. Les autorités occupantes allemandes ont reculé et ainsi, l’élargissement de la zone bulgare sur l’ensemble de la Macédoine grecque a été évité.

Notons que cette juste décision de l’EAM, marque la rupture avec la position du Komintern et du KKE qui, comme le souligne également Olivier Delorme, “dans les années 1920, considère que les Balkans devraient être réorganisés dans une fédération dont une Macédoine unifiée serait l’une des composantes – position qui, en Grèce, marginalisera durablement le Parti communiste comme traître aux intérêts nationaux”.

Souvent en dehors de l’histoire, les publicistes du moment annoncent alors l’été grec, nos touristes déjà nombreux ne retiendront sans doute de l’affaire macédonienne que la salade homonyme. Ainsi, cette reconnaissance Tsiprosorosienne et OTANiste de l’ARYM sous le nom de “Macédoine du nord”, évoquera aux yeux de tous ceux qui ne sont pas obligés que de connaître la géopolitique, l’histoire, et les enjeux des Balkans, le rapprochement évident: Comme pour la Corée ou pour le Vietnam jadis, la “Macédoine du nord”… rencontrerait logiquement un jour sa sœur “Macédoine du sud”. C’est comme si on attribuait à un état voisin de la France, le nom d’une de ses provinces, située de l’autre côté de la frontière. Étonnant, non ?

L’été grec 2018. Athènes, juin 2018
Nos touristes. Égine, juin 2018
Nos touristes. Égine, juin 2018

Au pays des animaux adespotes (sans maître) et de la culture résistante, les… maîtres, entre Washington, Bruxelles et Berlin, avaient bien étudié les positions Syrizistes avant même l’arrivée au pouvoir de ce parti. D’après ce que l’universitaire politologue Yórgos Kontogiorgis a déclaré (radio 90,1 le 26 juin 2018), une source alors bien informée lui a fait part de ce fait, ainsi, les… puissantes autres étrangères et Troïkannes se sont rendues compte qu’en matière de géopolitique déjà, les positions et déclarations… méta-nationales des Syrizistes servaient au mieux leurs intérêts et même ben au-delà du souhaitable.

Le reste n’a été qu’une affaire de temps… et d’argent, sachant combien l’amoralisme dissimulé des Syrizistes derrière un verbiage de gauche les rendait bien aptes à remplir leur rôle. En somme, le prétendu aménagement de la dette grecque aurait été lié d’après certaines sources, dont le député ANEL devenu indépendant Dimítris Kamménos, à l’accord quasi-simultané sur le sujet macédonien. Ce que depuis Bruxelles est démenti, en précisant cependant que l’accord macédonien est tout de même plus amplement positif.

Animal adespote. Athènes, juin 2018
Sans-abri. Athènes, juin 2018
Touristes et immeuble a vendre. Athènes, juin 2018

Quel terrible bilan alors. Les mémoranda et la prétendue dette, puis leur légalité et leur soutenabilité (voir les conclusions Commission pour la Vérité sur la dette publique grecque) tentent à introduire de force le pays et son peuple dans un chemin, ou plutôt dans un entonnoir alors sans retour.

Cet entonnoir n’est autre qu’un régime politique, social, symbolique et même culturel aux antipodes de la démocratie (même boiteuse), imposant un régime colonial stricte, allant jusqu’à anéantir la nation, le peuple et ses libertés et ceci, jusqu’à modifier les frontières de la Grèce.

Le processus a déjà pleinement placé la société à l’écart de la politique, et la dernière escroquerie SYRIZA savamment orchestrée au moins dès 2012, a consisté à briser le caractère résistant et traditionnel de la société grecque… tout en affirmant le contraire bien entendu. Les Syrizistes, gouvernant contre pratiquement l’ensemble de la société grecque, poursuivent leur crime en affirmant que tous les grands thèmes de la politique étrangère (accord avec l’ARYM, avec l’Albanie, la question de Chypre… la dette) seront “résolus rapidement et durant l’exercice de ce gouvernement”, d’après les déclarations du ministre des affaires étrangères Kotziás, médias grecs, juin 2018.

Manifestation, agents municipaux et électriciens. Athènes, juin 2018
Sans-abri. Athènes, juin 2018
Vers la résidence d’Alexis Tsípras ! Athènes, juin 2018

L’amoralisme des SYRIZA/ANEL, ainsi que leur mandat dicté par les puissances étrangères, restera ainsi dans les annales de la science politique de ce nouveau siècle. Ces gens revendiquent le droit d’agir contre la société, conter le bien commun, contre le pays, contre les droits des travailleurs, et contre la nation grecque qu’ils haïssent visiblement, main dans la main avec les mondialisateurs et autres financiers-sorciers du dernier capitalisme, plus chaotique que jamais. Préparés aux intrigues politiciennes depuis le temps de leur syndicalisme d’amphithéâtre, le plus souvent loin de la société pour la quelle ils se prétendent s’exprimer en son nom, ils incarnent alors le dernier cadavre de cette gauche, au beau milieu il faut dire d’un système politique autant cadavérique.

D’où d’ailleurs le “bon usage” de l’Aube dorée, maintenue à flot et dont le procès n’aboutit guère au bout de presque quatre ans, ce qui permet aux Syrizistes porteurs du totalitarisme des mondialisateurs à traiter chaque résistant patriote (de gauche ou de droite) de fasciste, de nationaliste et d’Aubedorien. C’est facile et cela ne convaincra plus personne en Grèce, surtout lorsque la Police s’acharne littéralement contre ceux qui manifestent contre l’accord macédonien de Tsípras signé près de la frontière entre les deux pays. “Nous étions arrivés en famille pour manifester, puis la police nous balançait de son gaz par lots de cinq… projectiles ; et ceci même depuis un hélicoptère. C’était affreux… honte”, témoignage par téléphone, radio 90,1 FM, zone du soir, le 27 juin 2018.

En évidence, les colonisateurs ont parallèlement et simultanément préparé SYRIZA/ANEL et l’Aube dorée, cette dernière serait d’ailleurs une organisation suffisamment liée aux services secrets étatiques bien au-delà des frontières de la Grèce, autant que ceux de l’organisation terroriste du 17 Novembre jadis.

Et quant à Alexis Tsípras, c’est un enfant issu d’une famille de promoteurs immobiliers enrichis sous la dictature des colonels, lequel a fait ensuite carrière (programmée ?) au sein de la gauche européiste, sans que l’on puisse savoir pour l’instant par quel processus concret, il avait été choisi par le précédent chef de SYRIZA, Alékos Alavános.

Sauf que Tsípras et sa bande sont allés trop loin dans la destruction du pays, de son identité, de sa classe moyenne restante, et pour tout dire de sa gauche, sauf que cette dernière question est devenue totalement insignifiante aux yeux des Grecs, et elle le demeurera à mon avis désormais pour toujours. Cette page, elle a été tournée…

Au pays des fouilles. Athènes, juin 2018
Rappel aux touristes. Athènes, juin 2018
Pythagore, fils du silence. Athènes, mai 2018
“Ministres, maires et patrons devraient travailler le dimanche”. Athènes, juin 2018

Nous sommes en guerre, et telle avait été l’analyse de ce… pauvre blog dès sa création en 2011. L’euro étant une arme de destruction massive, autant que la dette. L’économie toute seule n’existe pas et l’austérité n’est pas sans rapport avec la géopolitique d’une Union européenne au pseudopouvoir politique soviétisé dans ses rapports avec le réel, ainsi dominée par l’Allemagne. Et dans cette guerre, SYRIZA a même poussé à l’extrême ce que Thucydide cité par Cornelius Castoriádis, “tient non seulement des pertes humaines et matérielles, mais de ce qu’il faut bien appeler la destruction de toutes les valeurs et du langage même – les mots, comme dans le monde de 1984, en venant à être utilisés pour dire le contraire de qu’ils signifient habituellement”, “Thucydide, la force et le droit”, (Seuil, 2011).

Au petit pays de l’été et des îles, les visiteurs peuvent être ravis des maisons blanches comme de leur couleur locale. Et au même pays réel, le petit peuple suit toujours ses cérémonies nationales et religieuses et il voudrait si possible défendre sa patrie au-delà des escrocs du système politique. La tâche est certes rude. Les avocats du pays (à travers les Présidents de leur Ordre) dénoncent dans un communiqué cette semaine, toute l’illégalité de l’accord macédonien de Tsípras, d’après l’article 28/2 de la Constitution exigeant déjà l’approbation des deux tiers des députés.

Maisons blanches. Athènes, juin 2018
“Vive la Patrie”. Athènes, juin 2018

Le blog, retient son souffle et reprend difficilement son chemin habituel après avoir en partie résolu ses… seuls problèmes techniques. Les temps sont rudes et votre soutien lui est toujours important.

Les temps sont durs et l’histoire galope… le tout, sous le regard des félins de ‘Greek Crisis’, dont Hermès, dit “le Trismégiste”, imperturbable !

Pluie sur Athènes, le gouvernement et la région d’Attique attribuent les dégâts à l’Ouest de la région… au dérèglement climatique. C’est vrai, les orages de la semaine ont d’ailleurs fini par bouleverser même les usages touristiques.

Hermès de ‘Greek Crisis’. Athènes, juin 2018
* Photo de couverture: Cérémonie. Péloponnèse, juin 2018

mais aussi pour un voyage éthique, pour voir la Grèce autrement “De l’image à l’imaginaire: La Grèce, au-delà… des idées reçues !”   http://greece-terra-incognita.com/

La Grèce et les Diafoirus de l’Union européenne

La Grèce et les Diafoirus de l’Union européenne
Selon l’économiste Pierre Khalfa, le remède apporté par l’Europe à la crise financière grecque va immanquablement aboutir à une  » catastrophe économique et sociale « 





Grèce : un accord historique pour tourner la page « , titrait Le Monde du 23  juin. La lecture de l’article indique pourtant que, loin d’être tournée, cette page, parmi les plus noires de ce pays qui en a pourtant connu un certain nombre, va continuer à être écrite par les mêmes protagonistes. La Grèce a été quasiment détruite par les plans d’austérité successifs que les institutions et les gouvernements européens lui ont imposés. Cette saignée censée guérir le malade a abouti à une catastrophe économique et sociale.

Depuis 2010, le PIB du pays a diminué d’un tiers, 35  % de sa population vit aujourd’hui sous le seuil de pauvreté, et la baisse massive du niveau de vie s’est accompagnée d’un désastre sanitaire qui voit des pans entiers de la population privés de tout soin médical.

Non seulement l’accord conclu le 21  juin ne permettra pas de sortir de cette situation, mais il risque fort de l’aggraver. Tout d’abord, -remarquons qu’à la différence des autres plans imposés à la Grèce, qui étaient limités dans le temps, -celui-ci court jusqu’en  2069, puisque les remboursements auprès du Mécanisme européen de stabilité (MES) ne seront théoriquement terminés qu’à cette échéance.

Pire, le pays doit dégager un surplus primaire (excédent budgétaire avant paiement des intérêts de la dette) de 3,5  % du PIB jusqu’en  2022 et de 2,2  % pendant les trente-sept années suivantes. S’il a été un peu repoussé dans le temps, le remboursement de la dette grecque reste le seul objectif des institutions européennes. Pour tenir ces engagements, la Grèce s’est condamnée à être asphyxiée par une austérité permanente qui ne peut que l’enfoncer encore plus dans un marasme économique dont la population continuera à payer le prix fort.

Va-t-elle au moins récupérer à ce prix son indépendance politique ? Pas immédiatement en tout cas, car jusqu’en  2022, la Grèce devra -subir un audit de ses comptes publics quatre fois par an. Autant dire que le pays reste sous tutelle. Il le sera d’autant plus qu’il va être livré en pâture aux marchés financiers, sur lesquels, en effet, il va maintenant devoir se financer.

scénario catastrophique

Au vu de la tempête qu’a subie récemment l’Italie, qui a vu ses taux d’intérêt s’envoler, avec des répercussions sur l’Espagne et le Por-tugal, on ne voit pas comment la Grèce pourrait se financer, si ce n’est à des taux exorbitants. Le risque d’un nouveau scénario catastrophe ne peut être exclu, même si l’accord prévoit que le pays pourrait bénéficier d’un filet de sécurité de 15  milliards d’euros pour faire face à ses prochaines échéances.

L’arrivée de Syriza au gouvernement avait représenté l’espoir que le pays serait capable de sortir de la spirale infernale dans laquelle les institutions et les gouvernements européens l’avaient enfermé.

Face à l’étranglement financier du pays consciemment organisé par la Banque centrale européenne (BCE) et l’Eurogroupe, Alexis Tsipras a refusé de les affronter et n’a pas pris les mesures unilatérales qui lui auraient permis de desserrer l’étau. Il a choisi de capituler, espérant pouvoir négocier au mieux l’avenir de son pays.

Alors qu’un plan de reconstruction et d’investissements massifs était nécessaire, la Grèce est condamnée aujourd’hui au mieux à péricliter, au pire à continuer à s’enfoncer dans la pauvreté et le dénuement. Une leçon pour toute la gauche européenne.

Pierre Khalfa

Communiqué SOS Méditerranée

SOS MEDITERRANEE exhorte les dirigeants de l’UE à garantir des ports de débarquement sûrs pour les personnes secourues en mer

Marseille, Berlin, Palerme, Genève, le 23 juin 2018

Le 17 juin à Valence, SOS MEDITERRANEE a lancé – au terme de l’odyssée forcée, dangereuse et dégradante de son navire de sauvetage, l’Aquarius – un appel urgent aux États membres de l’Union Européenne (UE) pour qu’ils définissent sans attendre un modèle européen de recherche et sauvetage en mer, fondé sur la priorité absolue et unique de sauver des vies.

Alors que l’Aquarius fait de nouveau route vers la zone de recherche et sauvetage en Méditerranée centrale, SOS MEDITERRANEE s’interroge : ce cri d’alarme, porté par d’innombrables voix et par une grande mobilisation de citoyens européens ne pouvant accepter de porter plus de morts sur leur conscience, a-t-il été entendu ?

SOS MEDITERRANEE rappelle que c’est l’échec de l’UE à réduire le nombre de morts en Méditerranée qui a forcé les organisations humanitaires à intervenir et à entreprendre leurs activités de recherche et de sauvetage dans le but d’éviter de nouvelles pertes de vies humaines.

Nous saluons l’intention annoncée du Conseil européen des 28 et 29 juin prochains de se pencher sur cette question. Nous saluons également le fait qu’une réunion préparatoire informelle, devant avoir lieu ce dimanche 24 juin à Bruxelles, ait été convoquée par le président de la Commission européenne.

Reconnaissant à la fois les immenses efforts déployés par l’Italie, seule, pour accueillir des rescapés dans ses ports pendant des années et les ressources exceptionnelles déployées par l’Espagne pour le récent débarquement de l’Aquarius à Valence, SOS MEDITERRANEE accueillerait favorablement tout plan qui prévoirait à l’échelle européenne la mobilisation de toutes les ressources disponibles pour assurer le débarquement sûr et rapide des personnes secourues en Méditerranée centrale.

Cependant, le modèle européen de recherche et sauvetage, tel que celui réclamé par SOS MEDITERRANEE, exige que les États membres de l’UE garantissent le respect de toutes les conventions internationales humanitaires et maritimes et la possibilité pour les capitaines de navire d’agir en pleine conformité avec les réglementations définies par l’Organisation Maritime Internationale.

Selon ces conventions, les personnes secourues en mer doivent être débarquées dans un port sûr, où leurs besoins fondamentaux, y compris leurs besoins médicaux spécifiques, puissent être assurés, et où elles puissent obtenir la protection à laquelle elles ont droit. Elles doivent notamment être protégées contre toute forme d’abus, d’exploitation et de trafic.

Lorsque l’Union Européenne évaluera l’introduction de nouveaux instruments au cours du Conseil européen la semaine prochaine, elle devra placer l’impératif de préservation et de protection de la vie des personnes en détresse avant toute autre considération politique.

Faut-il rappeler à l’Union Européenne qu’elle s’est engagée déjà depuis des mois sur une voie dangereuse avec son programme de financement et de formation des garde-côtes libyens qui interceptent en mer des personnes fuyant les mauvais traitements et de graves violations des droits de l’Homme ? Cela n’a eu pour conséquence que d’entraîner des sauvetages retardés, mal coordonnés, entravés ou chaotiques et d’accroître les risques d’une traversée déjà extrêmement périlleuse, ainsi que le nombre de morts, les personnes en détresse prenant plus de risques que jamais pour tenter de fuir. Cela a également eu pour conséquence le renvoi de milliers de personnes vers «l’enfer libyen» qu’elles tentaient désespérément de fuir. Non seulement cette approche va à l’encontre du droit international et des valeurs humanitaires sur lesquelles l’Union Européenne se fonde, mais elle a surtout échoué et doit cesser immédiatement.

Alors que l’Aquarius atteindra dans quelques heures la zone de recherche et de sauvetage dans les eaux internationales au large de la Libye, une solution concrète, garantissant la sécurité et la protection des hommes, des femmes et des enfants secourus en mer, doit être trouvée d’urgence.

En l’absence d’informations confirmées, de précisions géographiques, de calendrier ou d’examen indépendant sur la possibilité pour des « plateformes de l’UE »  d’offrir de telles garanties de sécurité et de protection, SOS MEDITERRANEE et les citoyens européens exhortent les États membres de l’Union Européenne à prendre immédiatement leurs responsabilités et à fournir une solution partagée, pragmatique et réaliste. Cette solution doit prendre en compte les ports maltais et siciliens, qui, à proximité directe de la zone de recherche et sauvetage, ont jusqu’à présent toujours été considérés comme sûrs.

Montage vidéo : Julien Lombard

http://www.sosmediterranee.fr/

L’Eurogroupe maintient la Grèce sous le joug de la dette illégitime

L’Eurogroupe maintient la Grèce sous le joug de la dette illégitime

24 juin par Anouk Renaud CADTM


Ce vendredi 22 juin 2018, l’Eurogroupe (la réunion des ministres des finances de la zone euro et de la BCE), accompagné du FMI, a annoncé en grande pompe, après une nuit de négociations, un nouvel accord concernant la Grèce. Un accord « historique » [1] qui sonnerait le glas de la crise grecque. On lit ainsi dans tous les médias qu’ « une page se tourne pour la Grèce », que « la parenthèse de l’austérité est refermée », « que la crise grecque s’achève » et que « le problème de la dette grecque est désormais derrière nous »… [2]

À en croire les déclarations des membres de l’Eurogroupe et les médias dominants, non seulement cet accord permettrait à la Grèce de sortir la tête de l’eau mais, en plus, ses clauses sortiraient de l’ordinaire de l’Eurogroupe qui s’est résigné à faire un véritable « geste ».

Pourtant, à y regarder de plus près, cet accord s’inscrit tout à fait dans la lignée des précédents et des politiques imposées à la Grèce jusqu’à aujourd’hui. C’est-à-dire préserver les intérêts des créanciers au détriment du peuple grec.

Déboursement de la dernière tranche du 3e plan d’aide pour rembourser la dette

Pour bénéficier de cette dernière tranche, Tsipras s’est engagé à mettre en œuvre pas moins de 88 mesures néolibérales et anti-populaires supplémentaires

Comme depuis le début des « plans de sauvetage », l’Eurogroupe ne délivre l’argent des prêts que par tranches, afin de garantir la mise en place des contreparties austéritaires. Selon le principe désormais inhérent à toute intervention des institutions financières européenne et internationale : « pas d’austérité, pas d’aide ». Ici, pour bénéficier de cette dernière tranche, Tsipras s’est engagé à mettre en œuvre pas moins de 88 mesures néolibérales et anti-populaires supplémentaires. D’ailleurs, alors que l’Eurogroupe fanfaronnait la prétendue sortie de crise de la Grèce, les syndicats grecs manifestaient dans les rues d’Athènes contre le licenciement immédiat de 12000 travailleurs contractuels dans les hôpitaux et les établissements de santé.

À quoi va servir cette somme prêtée dans le cadre du 3e accord de prêt ? Exactement à la même chose que l’argent des précédents plans « d’aide » : à payer la dette publique. L’Eurogroupe précise d’ailleurs que parmi les 15 milliards d’euros de cette dernière tranche, 5,5 seront versés sur un compte spécifique dédié au service de la dette. Les 9,5 restants seront versés sur un autre compte spécial dédié à constituer des réserves de liquidités, pouvant être utilisés si besoin… pour le futur service de la dette. Les dirigeants européens affirment que ces réserves permettent de gagner la confiance des marchés financiers et bénéficier d’un taux de financement soutenable. En réalité, il s’agit de donner la garantie aux futurs créanciers privés de se voir remboursés. Rien de bien surprenant, puisque le leitmotiv des Institutions depuis le début de la crise grecque a été de tout faire pour que la Grèce continue à rembourser sa dette au bénéfice d’abord des établissements financiers privés.

À noter également que sur l’enveloppe initiale du 3e plan de « sauvetage » de 86 milliards d’euros, 25 ne seront pas déboursés à la Grèce. Les montants des prêts prévus et annoncés en 2010 et 2012 n’ont pas non plus été versés dans leur intégralité, sans que cela n’émeuve éditorialistes ou politiciens.

Un excédent budgétaire de 3,5 % : la cage de fer de l’austérité

Avec cet accord, la Grèce est tenue de dégager un excédent budgétaire [3] de 3,5 % jusqu’en 2022, puis ensuite de respecter les critères européens, soit une moyenne de 2,2% entre 2023 et 2060. Mais aujourd’hui les pays qui parviennent réellement à de tels résultats se comptent sur les doigts de la main. En effet, ces critères ne sont pas faits pour être respectés, mais précisément pour servir de repoussoir à des choix politiques, qui n’iraient pas dans le sens d’une réduction massive des dépenses publiques. Imposer à la Grèce un tel objectif revient –sous couvert de chiffres, de critère rationnel – à la condamner à une politique de compression permanente des dépenses sociales et d’investissement public. Car si la Grèce parvient aujourd’hui à dégager des excédents budgétaires significatifs c’est précisément parce que les missions de l’État sont de plus en plus écornées et que ses obligations à l’égard de la population sont de moins en moins respectées.

La rétrocession des bénéfices engrangés sur le dos de la Grèce

La Grèce ne pourra pas disposer comme elle souhaite de l’argent des rétrocessions, qui pourtant lui est dû

L’Eurogroupe s’engage enfin à rétrocéder à la Grèce les profits réalisés abusivement via les opérations de rachats de titres menées par la BCE et les banques centrales de l’eurozone. Pour rappel, rien qu’entre 2012 et 2016, la BCE a réalisé 7,8 milliards d’euros de bénéfices grâce aux titres grecs [4]. En novembre 2012, l’Eurogroupe s’était engagé à rendre à la Grèce ces profits odieux. Car c’est bien les États membres de l’UE qui en bénéficient in fineaprès redistribution de la BCE. Mais ces rétrocessions avaient été gelées suite à l’arrivée du gouvernement Syriza I. Toutefois, l’engagement de l’Eurogroupe à reprendre les rétrocessions ne doit pas faire illusion pour autant.

Premièrement, la rétrocession des bénéfices ne reprendra qu’à partir de 2018. C’est-à-dire seulement à partir des bénéfices perçus en 2017. Quid des bénéfices perçus par les États membres en 2015 et 2016 ? Ils ne seront jamais rendus à la Grèce. Par exemple, concernant la France, cela représente 758,1 millions d’euros, qui resteront dans les caisses de l’État français [5].

Deuxièmement, ces rétrocessions demeurent encore et toujours conditionnées. En effet, les créanciers se gardent ce moyen de pression si le gouvernement grec venait à remettre en cause les réformes d’austérité. Déjà en novembre 2012, l’engagement de l’Eurogroupe de rétrocéder les profits réalisés était conditionné à l’application de l’austérité [6].

Enfin, et à l’instar des premières rétrocessions réalisées en 2013 sur un compte spécial dédié au remboursement de la dette, la Grèce ne pourra pas disposer comme elle le souhaite de cet argent, qui pourtant lui est dû. En effet, en disant que cet argent sera utilisé pour réduire les besoins de financements bruts, l’Eurogroupe ne dit pas autre chose qu’il sera consacré au service de la dette.

Bien entendu, cet Eurogroupe ne s’épanche pas sur les profits colossaux réalisés par les créanciers sur le dos de la Grèce. Depuis 2010, le FMI a engrangé environ 5 milliards d’euros de bénéfices via les prêts faits à la Grèce [7]. L ’Allemagne, tenante d’une ligne dure au sein de l’Eurogroupe, a malgré tout bien profité de la crise grecque avec 2,9 milliards d’euros perçus [8].

Des mesures d’allègement cosmétiques

C’est un point présenté comme central dans l’accord passé avec la Grèce. Finalement, une période de grâce (sans paiement des intérêts et du capital) de 10 ans est accordée sur les créances du MES et du FESF et la maturité de ces mêmes créances est repoussée de 10 ans. La Grèce devrait ainsi commencer à les rembourser non pas en 2022 mais 2032.

Là encore, il n’y a pas de quoi crier à la nouveauté ou la générosité. Comme à l’accoutumée dans les processus d’allègement de dette, menés par les créanciers, il s’agit juste de donner un peu d’air au débiteur pour ne pas qu’il se noie totalement (ici, que la Grèce retourne sur les marchés) mais qu’il continue à rembourser ses créanciers. Et bien entendu, s’il est encore nécessaire de le préciser, cet « allègement » est conditionné à l’adoption de nouvelles mesures austéritaires.

La Grèce s’est endettée pour sauver les banques européennes et rembourse aujourd’hui cette dette illégitime, au prix de la vie de sa population

Le problème de la dette n’étant pas pris à sa racine, la question de l’insoutenabilité de celle-ci, qui s’élève aujourd’hui à 180 % du PIBva revenir plus vite que l’Eurogroupe veut le faire croire. Même le FMI reste sceptique : « Mais sur le long terme, nous avons des réserves [quant à la soutenabilité de la dette grecque] » [9]. Plus grave peut-être, le remboursement de cette dette n’est jamais mis en cause mais considéré comme allant de soi. Alors qu’il est notoire que la dette remboursée aujourd’hui par la Grèce est illégitime, odieuse et illégale, comme l’a étayé la Commission pour la vérité sur la dette grecque [10] mise sur pied en avril 2015 par l’ancienne présidente du parlement grec.

La Grèce s’est endettée pour sauver les banques européennes et rembourse aujourd’hui cette dette illégitime, au prix de la vie de sa population. Savoir qu’on lui laisse jusqu’à 2032 plutôt que 2022 pour rembourser cet argent doit lui faire une belle jambe.

Une mise sous tutelle qui ne dit plus son nom

Avec cet accord, les partenaires du « quartet » (BCE, Commission européenne, FMI et MES) conservent leurs quartiers à Athènes. Bien qu’on ne parle plus de « revues » durant lesquelles les hauts fonctionnaires de ces institutions venaient évaluer et réécrire les décisions du gouvernement grec, le mécanisme subsiste.

Désormais, un audit des comptes de la Grèce aura lieu tous les trimestres par le quartet et si la Grèce venait à ne pas appliquer ou à remettre en cause certaines mesures prises lors des différents mémoranda, une partie des mesures d’allègement pourra être suspendue. À titre d’exemple, la poursuite du programme de privatisation reste fondamentale pour les créanciers. Ce programme inclut notamment la vente d’une participation majoritaire dans l’entreprise publique de gaz à partir de novembre prochain [11], après la fin officielle du programme européen. L’Eurogroupe se réserve le droit de redéfinir, plafonner et différer les paiements d’intérêts au FESF autant qu’il le jugera nécessaire. Les mesures dites d’allègement, aussi insignifiantes soient-elles, pourront ainsi s’avérer très vite caduques.

L’ingérence des Institutions européennes dans les affaires grecques est loin d’être terminée. En témoignent, les déclarations de l’Eurogroupe (soutenues par Tsipras lui-même) souhaitant faire annuler la condamnation d’Andreas Georgiou. Ancien directeur d’ELSTAT, l’institution des statistiques grecques, ce dernier s’est vu condamné par la justice grecque à deux ans de prison avec sursis pour avoir falsifié délibérément les chiffres de la dette publique grecque en 2010 [12].

Cet accord n’a rien d’exceptionnel et n’arrange rien du tout. Il permet juste aux créanciers d’organiser le maintien de la Grèce sous leur joug, sans procéder à un 4e plan de « sauvetage » à proprement parlé, qui aurait été difficile à justifier auprès des opinions publiques européennes et de la population grecque. Une fois de plus, l’Eurogroupe repeint la cage dans laquelle la Grèce est enfermée via sa dette publique. Le peuple grec n’a plus d’autre choix que d’en faire sauter les barreaux.

Pour en savoir plus sur la crise grecque, les plans de sauvetage, la destination de cet argent, les mesures d’austérité imposées, les créanciers de la Grèce => voir la série vidéo « À qui profite la dette grecque ? ».

Merci à Éva Betavatzi, Yvette Krolikowski et Éric Toussaint pour leurs relectures avisées.

Notes

[1Le commissaire européen Moscovici a déclaré : « La crise grecque s’achève ici, cette nuit. Nous sommes finalement arrivés au bout de ce chemin qui a été si long et si difficile. C’est un moment historique ». Cité par AFP, « Après huit ans, la crise de la dette grecque « s’achève » », 22 juin 2018.

[2Déclaration du ministre français Bruno Lemaire sur la dette grecque. Cité par Cécile Ducourtieux, « Grèce : les Européens s’accordent au forceps sur la sortie du plan d’aide », Le Monde, 22 juin 2018
Voir parmi tant d’autres : AFP, « Après huit ans, la crise de la dette grecque « s’achève » », 22 juin 2018 / Sophie Leroy, « Grèce : une page se tourne, c’est la fin de la crise », L’Echo, 22 juin 2018

[3Un excédent budgétaire c’est quand, service de la dette exclu, un État parvient à avoir plus de recettes que de dépenses.

[4BCE, « Letter from the ECB President to Mr Nikolaos Chountis (Q2064), MEP, on the Greek adjustement programme », octobre 2017.

Pour en savoir plus sur ses opérations de rachats et bénéfices réalisés, voir Eric Toussaint, « Les profits odieux de la BCE sur le dos du peuple grec », CADTM, octobre 2017.

[7Soit environ 4 milliards de droits de tirages spéciaux, l’unité de compte du FMI. Voir : International Monetary Fund, « Greece : transactions with the Fund from May 1984 to May 2018 ».

[9Cité par AFP, « Après huit ans, la crise de la dette grecque « s’achève » », 22 juin 2018.

[10Commission pour la vérité sur la dette grecque, « Rapport préliminaire », CADTM, juin 2015.



Communiqué clinique sociale Helliniko

communiqué du 21/06/2018 du Collectif de la Clinique Métropolitaine Sociale d’Helliniko (CMSH)  traduit en français par le collectif France Grèce solidarité  pour la santé

  La Solidarité est l’arme la plus puissante – Notre mission se poursuit

  Lien vers le texte anglais du communiqué du Collectif de la Clinique Métropolitaine Sociale d’Helliniko (CMSH) :

http://www.mkiellinikou.org/en/2018/06/21/solidarity-is-the-strongest-weapon

  La Clinique Métropolitaine Sociale d’Helliniko était menacée d’expulsion et de fermeture. Mais la solidarité et le soutien de la Grèce et de l’Europe nous ont permis de rester et de poursuivre nos activités. La CMSH (MKIE) installée dans des locaux de l’ancienne base américaine ne sera pas expulsée ni fermée. L’expulsion prévue pour le 30 juin 2018 a été reportée, alors que le gouvernement a promis d’aider à la recherche d’une nouvelle installation appropriée.

La CMSH (MKIE) continuera de fonctionner dans ses locaux actuels, où elle se trouve depuis la fin de 2011.

  Cela signifie qu’au moins pour l’instant la clinique ne sera pas expulsée selon l’ultimatum reçu de la société d’Etat « Elliniko SA » le 31 mai 2018 (communiqué de presse du 01/06/2018). Plus important encore, le gouvernement a promis de soutenir le transfert de la CMSH (MKIE) dans un lieu approprié pour qu’elle poursuive son œuvre.

Toute solution proposée sera discutée par les volontaires. Mais en attendant, nous pouvons poursuivre nos efforts pour soutenir et aider les personnes les plus touchées par la crise.

La bonne nouvelle nous est parvenue au moment où nous tenions une conférence de presse le 14 juin sur la situation de la CMSH (MKIE).

  La Clinique a été créée en décembre 2011 au début de la crise économique grecque qui a privé des milliers de Grecs des soins de santé en raison du chômage et de la fermeture des entreprises. De décembre 2011 à aujourd’hui, la CMSH (MKIE) a traité 7 366 patients et a effectué plus de 64 025 consultations de patients.

  Cette issue positive est le fruit d’un soutien sans précédent de la part d’individus et d’organisations de Grèce et de toute l’Europe. Le compositeur Mikis Theodorakis a immédiatement publié une lettre de soutien. Des centaines de citoyens, de groupes de solidarité, d’universitaires, de journalistes et d’autres Dispensaires Sociaux en Grèce ont ensuite mené des actions et envoyé des messages au gouvernement. Cela a certainement fait la différence.

Les manifestations devant le consulat grec à Bruxelles par les syndicats belges ont fait la différence. Le soutien de plus de 130 universitaires et médecins du Royaume-Uni et de l’Allemagne a fait la différence. Et l’intervention énergique de l’eurodéputée allemande Rebecca Harms (Verts) qui a demandé au Parlement européen d’empêcher l’expulsion et la fermeture a certainement fait la différence.

L’énorme vague de soutien a confirmé notre décision de maintenir le cap, non seulement pour ceux qui dépendent de nous, mais aussi pour la cohésion de la société.

  Nous ressentons une immense reconnaissance et nous remercions tout le monde pour leur amour et leur solidarité, pour leur soutien et leur détermination

Toutes ces personnes travaillant ensemble ont fait la différence. La solidarité est une force positive puissante. Votre soutien a renversé le courant.

Nous nous engageons à ce que la CMSH (MKIE) continue dans sa voie de servir avec humanité et respect, avec dignité, solidarité et résistance.

CLINIQUE SOCIALE MÉTROPOLITAINE D’HELLINIKO

Working Hours
(MONDAY – FRIDAY 10:00 – 20:00)  and (SATURDAY 10:00 – 14:00)
CONTACT PHONE NUMBER: +30 210 9631950
ADDRESS: Inside the old American Military Base,
(200m away from the Traffic Police of the Municipality
of Helleniko, next to the Cultural Center of Helleniko)
Post code TK16777, Elliniko, Attiki, Greece
Website: http://www.mkiellinikou.org/en/
Email: mkiellinikou@gmail.com

Grèce réduction de dette en trompe l’oeil

Grèce: une annonce de réduction de dette en trompe l’œil

Eric Toussaint interviewé par Marie Brette de TV5 Monde

Eric Toussaint, que pensez-vous de l’accord signé par les ministres de la zone euro ? La Grèce est-elle sortie de la crise ? 

E.T. : Il n’y a pas de sortie de crise du tout. Et par ailleurs au niveau de la zone euro, on ne peut pas dire que la situation soit particulièrement brillante non plus du point de vue des dirigeants européens. C’est une annonce de réduction de dette en trompe l’œil puisqu’il n’y a pas de réduction du stock de la dette et qu’il s’agit simplement de reporter de dix ans le début de certains remboursements, notamment ceux dus aux partenaires européens de la Grèce. Les montants à rembourser au Fonds monétaire international, à la Banque centrale européenne et aux créanciers privés, sont très importants et ils ne sont pas reportés dans le temps.  Ils ont lieu en permanence. Le FMI a fait 5 milliards d’euros de bénéfices sur le dos de la Grèce depuis 2010 et la BCE a quant à elle fait au moins 8 milliards de gains sur les titres grecs. En fait, le fond de l’accord, c’est qu’en prolongeant le calendrier de remboursement, on offre une récompense de consolation au gouvernement d’Alexis Tsipras qui a appliqué depuis trois ans les dizaines de réformes exigées par les créanciers. Après trois ans de politique d’austérité aussi dure, il fallait permettre à Tsipras de dire à la population grecque que l’austérité poursuivie finissait par donner un résultat. Mais les politiques antisociales imposées par les créanciers (FMI, BCE, Mécanisme européen de stabilité) seront renforcées.  Les dirigeants européens avec cet accord du 22 juin ont voulu indiquer aux fonds d’investissement privés qu’ils pouvaient acheter des titres grecs à nouveau après le mois d’août car des garanties publiques étaient offertes.

 « La Grèce est une victime expiatoire des politiques appliquées dans l’Union européenne »

Dans quel état économique est la Grèce ? 

E.T. : Elle est dans un état lamentable. La chute du PIB par rapport à 2009-2010 est de près de 30%.  Du point de vue des indicateurs macro-économiques, la Grèce est en mauvais état. 350 000 jeunes hautement qualifiés sont partis vers l’Allemagne, la France et d’autres pays du nord de l’Europe. La Grèce sera en évolution démographique négative, mis à part l’apport des réfugiés que le pays accueille qui ont permis en 2017 de maintenir l’équilibre. Désormais, on va passer à une décroissance de la population grecque. Le taux de chômage chez les jeunes atteint environ 40%. Selon les chiffres d’Eurostat, 47% des ménages grecs sont en défaut de paiement sur l’un de leurs crédits et le taux de défaut sur les crédits dans les banques est également à plus de 46,5%. Que ce soit concernant l’emploi, le système financier et la production, la situation est extrêmement mauvaise et elle est le résultat des politiques imposées à la Grèce. Le pays est une victime expiatoire des politiques appliquées dans l’Union européenne. Laquelle a voulu montrer aux autres peuples de la zone euro que s’ils voulaient mettre au gouvernement une force porteuse de changement radical à gauche et en rupture avec l’austérité, il leur en coûterait très cher !

Qu’aurait-il fallu faire ? 

En 2010, il aurait fallu résoudre la crise bancaire au lieu de maintenir à flot des banques privées qui avaient pris des risques énormes. Au lieu d’injecter des dizaines de milliards d’euros dans la recapitalisation de ces banques, il aura fallu les assainir et les transférer au secteur public. Il y a quatre banques en Grèce qui contrôlent 85% du marché bancaire grec. Il aurait fallu imposer aux banques allemandes et françaises, qui avaient prêté massivement au secteur privé grec, d’assumer leurs crédits risqués au lieu de créer une troïka qui a prêté de l’argent public à la Grèce afin qu’elle rembourse ces grandes banques. Politiquement, quand le peuple grec a choisi en 2015 de soutenir une coalition qui proposait des changements importants en matière de justice sociale, il aurait fallu permettre à ce peuple de pratiquer la démocratie. Or la volonté démocratique a été systématiquement combattue par les autorités européennes, qui ont été satisfaites de la capitulation de Tsipras à l’été 2015, lors de la signature du troisième mémorandum qui a approfondi la crise grecque.

Aurait-il fallu effacer la dette grecque ? 

E.T. : Bien sûr. Cela se pratique couramment. Quand la Pologne a quitté le pacte de Varsovie au début des années 90, ses créanciers occidentaux, lui ont octroyé 50% de réduction de dette. Quand l’Egype participait à la même époque à la première guerre du Golfe, on a aussi annulé 50% de la dette. En Irak, après l’invasion américaine en mars 2003, on a octroyé 80% de réduction de dette. Donc des réductions de dette importantes, ça se réalise de manière répétée depuis des décennies. Et cela aurait été tout à fait nécessaire de le faire dans le cas de la Grèce. Il aurait fallu bien sûr procéder, avec la participation des citoyens et des citoyennes, à un audit des dettes pour déterminer les responsables, du côté grec et du côté des prêteurs. Il faut rappeler qu’en pourcentage du PIB, la Grèce est en 3ème ou 4ème position dans la liste des pays qui dépensent le plus en armes au niveau de la planète ! Et quels sont les principaux fournisseurs d’armes de la Grèce ? L’Allemagne, la France et les Etats-Unis ! Lors du premier mémorandum de 2010, l’un des postes budgétaires qui n’a pas été réduit : c’était le remboursement des commandes militaires. Et cela continue. Début 2018, Alexis Tsipras a rencontré Donald Trump et a annoncé pour 1,6 milliard d’euros d’achats d’armes aux Etats-Unis.

« La Grèce est en 3ème ou 4ème position dans la liste des pays qui dépensent le plus en armes. (…) Début 2018, Alexis Tsipras a rencontré Donald Trump et a annoncé pour 1,6 milliard d’euros d’achats d’armes aux Etats-Unis.  » 

Source: https://information.tv5monde.com/info/la-grece-est-une-victime-expiatoire-des-politiques-appliquees-dans-l-union-europeenne-245317


Eric Toussaint
www.cadtm.org
Nouvelle adresse CADTM international, 35 rue Fabry
4000 Liège
Belgique

CR réunion collectif du 18 juin 2018

Réunion du collectif « Citoyens de Grenoble contre l’austérité en Grèce et en Europe »
du 18/06/2018

Lucienne, Béatrice, Christine, Christophe, Mattéos, Max
Excusés : Liliane, Marie-Claude, Georges

– Nouvelle projection débat au cinéma le Club du film « L’amour et la révolution » en présence du réalisateur Yannis Youlountas le lundi 8 octobre 2018
Le film en présence de Yannis est déjà passé à l’Espace Aragon à Villard-Bonnot le 23 avril (150 spectateurs), mais nous pensons qu’il peut toucher un autre public début octobre à Grenoble.
Cela sera aussi l’occasion de lancer la nouvelle campagne de commandes des produits VIOME.

– Soirée SCOP + VIOME du 7 novembre à Maison des associations de Grenoble
Liliane a contacté Meryem Yilmaz de l’union régionale des scop de Rhône Alpes qui est d’accord pour venir, elle propose d’intervenir avec Hervé Charmettant qui est universitaire.
L’intervenant qui a une expérience des scop, puisque l’entreprise où il travaille, en est une, pourrait être Cyril Zorman de la société Probesys.

Le programme de la soirée pourrait-être (à affiner) :
– présentation de la soirée
– un petit film (6 mn) sur les Viome : « la démocratie comme patron » du site #datagueule
– les Viome : petit historique + situation actuelle
– intervention de Meryem Yilmaz et Hervé Charmettant (30 mn)
– intervention de Cyril Zorman (15 mn)
– débat
Il faudra reprendre contact avec les intervenants pour qu’ils confirment leur présence et leur demander ce qu’il proposent de dire dans le temps qui leur sera imparti.

Le titre de la soirée pourrait être : « La démocratie comme patron, d’une faillite à la scop, les Viome de Thessalonique », là aussi c’est à affiner.

– Commande de produits VIOME
La campagne commencera le 8 octobre lors de la projection du film de Yannis, pour un envoi de la commande groupée aux environs du 15 novembre.

– Convoi solidaire de mai d’Anepos vers la Grèce
Christophe qui conduisait un des deux fourgons qui partaient de l’Isère nous a raconté rapidement le déroulement du convoi. Tout s’est bien passé, les marchandises contenues dans les différents fourgons ont été distribuées dans les lieux qui en avaient besoins à Athènes et en Crète. De plus, d’importants travaux d’électricité ont été effectués. A noter que les 2 fourgons isérois étaient pleins (différents matériels, denrées alimentaires, …)

– Prochaine réunion du collectif
Lundi 3 septembre 2018 de 17h à 19h salle 200 de la Maison des associations de Grenoble

Elle sera l’occasion d’avancer sur le déroulement de la soirée du 7/11, d’organiser l’information sur les deux soirées (8/10 et 7/11) et sur la commande groupée des produits VIOME.

L’Europe propose à la Grèce un plan de sortie irréaliste

L’Europe propose à la Grèce un plan de sortie irréaliste

Par martine orange Mediapart

Les ministres des finances de la zone euro pensent en avoir fini avec la Grèce. Mais le plan de sortie proposé à Athènes ne fait que gagner du temps, en assurant les premières échéances : il laisse le pays écrasé par une montagne de dettes, sans possibilité de relancer une économie exsangue, et aux mains des marchés financiers.

La dernière réunion de l’Eurogroupe du 21 juin, prévue pour entériner le plan de sortie de la Grèce, n’a pas failli à la tradition. Comme lors des précédents débats, le sujet a donné lieu à une foire d’empoigne entre les ministres des finances de la zone euro, opposant les tenants d’une ligne dure et ceux qui se voulaient plus conciliants. Au milieu de la nuit, un accord a finalement pu être annoncé, au grand soulagement de tous les participants.

Dix ans après le début de la crise, les ministres des finances ont l’impression d’en avoir fini avec la Grèce. Après de multiples plans de sauvetage, d’ajustement, de rigueur, d’austérité, Athènes est censé, à partir du 21 août, pouvoir avancer seul, sans l’assistance de l’Europe, en se finançant par elle-même sur les marchés.

Officiellement, la période du plan de sauvetage, négocié dans des conditions dramatiques en juillet 2015, est en train de se refermer. « C’est un moment exceptionnel. La crise grecque s’achève ici ce soir au Luxembourg », insistait Pierre Moscovici, commissaire européen de l’économie, qui va même, sur son blog, jusqu’à évoquer « la fin de l’Odyssée » d’Ulysse. « La Grèce est en train de tourner la page. Nous avons tous construit un ensemble de mesures pour quitter le programme avec confiance », soulignait le ministre grec des finances, Euclid Tsakalotos, en se félicitant que son pays soit traité comme l’Irlande et le Portugal à leur sortie du plan d’aide européen et ne soit pas placé en résidence surveillée, avec visites périodiques de la Troïka, comme certains membres européens le souhaitaient.

Mais au-delà de cette faveur consentie au gouvernement grec, rien ne change. Ce plan de sortie européen ressemble à tous les précédents concernant Athènes : irréaliste. Une nouvelle fois, les responsables européens se sont contentés d’acheter du temps, en espérant qu’une solution magique finira par être trouvée. Car l’Europe ne répond pas à la question fondamentale : la soutenabilité de la situation financière grecque. La dette du pays, toujours plus lourde, est insupportable sur le long terme. Elle atteint désormais 180 % du PIB.

Depuis des années, l’Europe est inflexible sur le sujet. En dépit de toutes les études, tous les avertissements appelant à une nécessaire restructuration de la dette, les responsables européens ont refusé à nouveau tout effacement de l’endettement grec. Leur seule concession a été de la repousser dans le temps. Selon l’accord annoncé, les Européens acceptent de différer le remboursement des 96 milliards de prêts qu’ils ont consentis à Athènes, soit environ 40 % du total, pendant dix ans. Les premiers remboursements n’interviendront qu’en 2033 au lieu de 2023.

De plus, les échéances – la maturité – des émissions obligataires vont être allongées de dix ans. Le remboursement par la Grèce de l’intégralité des dettes contractées auprès du mécanisme européen de stabilité (MES) courra jusqu’à 2069. Dans son communiqué, les responsables européens promettent de réexaminer la situation de la dette grecque et de procéder à d’éventuels effacements, à partir de 2032. Autant dire aux calendes grecques.

Même si les termes ne sont guère généreux, ce compromis a été obtenu dans la douleur. Selon un scénario bien connu, les Allemands et les pays du nord de l’Europe se sont opposés à tout aménagement qui pourrait les amener à payer pour la Grèce. Jusque-là, la crise grecque n’a pas été une mauvaise affaire pour les Européens. De l’aveu même de Mario Draghi, la Banque centrale européenne a réalisé 7,8 milliards de plus-values sur les titres grecs entre 2012 et fin 2016. La Bundesbank à elle seule a totalisé 2,9 milliards d’euros de gains grâce à la Grèce. Dans le cadre de l’accord du 21 juin, la BCE se propose de reverser les gains obtenus au gouvernement grec, au rythme d’un milliard par an. Pourquoi ne pas reverser la totalité tout de suite ? Mystère. Sans doute pour ne pas donner un sentiment de facilité au gouvernement d’Alexis Tsipras.

Mais les Européens savent qu’il faut malgré tout faire quelques gestes pour donner un peu de crédibilité au dispositif arrêté. Pour accompagner la Grèce dans les premiers temps, ils ont prévu un coussin financier de sécurité, au cas où l’accès aux marchés financiers serait rendu difficile. Là encore, le montant des sommes pouvant être alloué a donné lieu à d’âpres discussions, Berlin voulant le limiter à 11 milliards d’euros, quand d’autres voulaient le porter à 20 milliards. Selon la bonne méthode européenne, un compromis a été élaboré autour de la somme de 15 milliards d’euros.

 © Cour européenne des comptes © Cour européenne des comptes

Ce qui semble être une mesure d’accompagnement généreuse n’est en fait qu’une décision de précaution technique. Comme l’a relevé la cour européenne des comptes, la Grèce doit, dès sa sortie, faire face à un mur financier quasiment infranchissable. « En 2019, les besoins bruts de financement s’élèveront à 21 milliards d’euros en principal et en intérêts », écrit-elle. Ces paiements sont essentiellement dus à des créanciers privés.La Grèce, qui n’a pas eu accès aux marchés financiers pendant près d’une décennie, est incapable de faire face à de tels remboursements, surtout s’il lui faut emprunter à 3 % ou 4 % au lieu de 1 %. Comme lors des plans précédents, l’aide avancée par l’Europe semble donc destinée à assurer le paiement des premières échéances, afin d’éviter le défaut, de sauver les créanciers, à commencer par ses banques, en laissant des miettes à la Grèce .

Comme à chaque fois, cette aide est accordée sous conditions. Selon les termes fixés par l’Europe, le gouvernement grec doit s’engager à réaliser un surplus budgétaire (avant paiement des intérêts de la dette) d’au moins 3,5 % du PIB jusqu’en 2022 et de 2,2 % du PIB en moyenne pendant les 37 années suivantes. Avec ces critères, l’Europe impose une politique d’austérité et de réformes structurelles toujours plus régressive et récessive.

Une économie en cage

« Aucun pays n’est capable de maintenir sur le moyen terme de tels excédents budgétaires », ont prévenu à plusieurs reprises les économistes du FMI. À leur côté, de nombreux économistes jugent ces exigences contre-productives et asphyxiantes. Ces analyses ont été balayées par l’Eurogroupe. Tout aménagement ne pourrait être, selon eux, qu’une incitation au laxisme. Et ils attendent des marchés financiers qu’ils incitent en permanence la Grèce à la vertu.

Un peu à la manière du commissaire allemand au budget, Günther Oettinger, qui avait souligné que « les marchés allaient apprendre aux Italiens à bien voter », le directeur général du MES, Klaus Regling, résume cet état d’esprit : « Si le gouvernement grec ne met pas en place les réformes dures nécessaires, la confiance des investisseurs sera plombée et les marchés se vengeront », a-t-il déjà prévenu.

Mais ces mesures adoptées par l’Eurogroupe sont-elles vraiment de nature à inspirer confiance aux marchés financiers ? Dès la sortie de la réunion, la directrice du FMI, Christine Lagarde, n’a pu s’empêcher de faire part de « réserves » sur les aménagements accordés par les Européens. La situation d’endettement de la Grèce sur le long terme lui paraît toujours aussi problématique.

Rien dans le plan européen ne permet de desserrer l’étau financier dans lequel se retrouve la Grèce. Le pays risque de se voir maintenu en cage, interdit pendant des années de tout projet de relance, ou même de soutien économique.

Or c’est d’un plan de reconstruction que le pays a besoin. Les 2,3 % de croissance affichés au premier trimestre de 2018 n’effacent pas les 30 % de chute de PIB en quelques années. Non seulement la saignée qui a été imposée à la Grèce – du jamais vu dans le monde occidental – a précipité la population dans le chômage, mais elle a détruit ou affaibli durablement un outil productif qui était déjà réduit. Le rebond noté depuis quelques trimestres est essentiellement le fait du tourisme. Mais l’économie grecque est dans son ensemble dans l’incapacité de répondre au moindre sursaut, faute d’investissements.

La Grèce se retrouve condamnée à voir son économie évoluer comme un soufflé, redescendant à peine monté, car ne pouvant s’appuyer sur aucun relais de croissance durable. D’autant qu’à côté d’un État à qui l’Europe interdit tout endettement autre que pour repayer ses dettes, les banques ne peuvent prendre la suite.

Le système bancaire est dans un état de délabrement avancé. La BCE qui a apporté son aide à tout le système bancaire européen, en achetant à tour des bras des obligations d’État ou des obligations d’entreprises depuis des mois, a exclu les banques grecques de ce système de refinancement. Résultat : les bilans des banques grecques, plombés par des créances douteuses ou impayées pour 40 à 50 % des encours, n’ont pas connu un début de restructuration. Selon une estimation de la Banque centrale européenne, les principales banques grecques ont au moins besoin de 15 milliards d’euros de recapitalisation dans les prochains mois.

Pas plus qu’elle ne lui apporte un soutien dans l’accueil des migrants, l’Europe s’apprête à abandonner la Grèce, avec ses problèmes économiques et financiers essentiels, sans lui fournir un début de solution ou de financement. Même en respectant toutes les mesures européennes, l’accès de l’État grec, de ses banques et de ses entreprises aux marchés financiers est tout sauf garanti, ou à des prix prohibitifs. Tant nombre d’investisseurs doutent de la légende européenne sur le redressement grec.

À la sortie de l’Eurogroupe, le président de la Banque centrale européenne, Mario Draghi, semblait lui-même assez dubitatif, saluant surtout sur le fait que « les ministres des finances étaient prêts à envisager d’autres mesures de protection, dans le cas où des scénarios économiques adverses se matérialiseraient ».

Même s’ils n’en parlent pas, ce qui s’est passé sur le marché italien fin mai est dans de nombreux esprits. La brève déroute financière sur les marchés obligataires, à la suite de l’imbroglio politique italien, a montré qu’il fallait peu de choses pour que la crise de l’euro se ranime. En quelques heures, toute la liquidité qui existait sur le marché italien s’est volatilisée, entraînant une hausse rapide des taux italiens mais aussi espagnols ou portugais.

Cette fois-là, la Grèce a été épargnée car elle était sous régime de protection. Mais si un incident identique ou plus grave se reproduit dans les mois à venir – ce qui ne peut être exclu compte tenu de la décomposition rapide du consensus européen –, les marchés pourraient bien se venger, comme le prédit le directeur du Mécanisme européen de stabilité (MES). La Grèce risque d’être la première visée, non pas en raison de ses erreurs mais parce qu’elle est le maillon faible  d’une zone euro déséquilibrée dont vont se servir les marchés financiers, comme ils l’ont fait en 2010.

Contrairement aux espoirs des responsables européens, ils n’en ont pas encore fini avec la Grèce. Ils pourraient même retrouver le dossier beaucoup plus vite que prévu.

 

Centre de santé Elleniko menacé d’expulsion

Grèce. L’immobilier de luxe chasse un dispensaire social

Vendredi, 15 Juin, 2018 Rosa Moussaoui l’Humanité

Le centre de santé solidaire d’Elleniko, fondé en 2011, a reçu un avis d’expulsion. Il doit quitter les terrains de l’ancien aéroport, cédés au milliardaire Latsis.

L’ultimatum est sans appel. Soignants et patients doivent déguerpir avant le 30 juin. Installé sur les terrains de l’ancien aéroport d’Athènes, le dispensaire social d’Elleniko est prié d’évacuer les lieux par la société chargée de liquider le foncier. Sans proposition alternative d’hébergement. Fondé en 2011 par le cardiologue Giorgos Vichas, ce lieu a pourtant fait la preuve de son utilité publique, dans la longue nuit austéritaire qui s’est abattue sur la Grèce. De la médecine générale à l’oncologie, plus de 90 praticiens bénévoles y dispensent gratuitement des soins aux patients de toute la région Attique privés de couverture sociale après la perte de leur emploi. « Au mois d’août 2011, j’ai assisté à un concert de Mikis Theodorakis, notre grand compositeur. Il a fait un discours passionné et il a dit, entre autres, ce que je pensais depuis un bon moment, que les médecins devaient entreprendre quelque chose pour aider les gens ayant perdu leur assurance-maladie. Cela m’a beaucoup perturbé, raconte le Dr Vichas. Le concert a eu lieu ici, sur le terrain de l’ancien aéroport. Alors, j’ai eu une idée : il y avait tous ces locaux vides et j’ai pensé qu’on pourrait établir un centre de santé libre dans un de ces bâtiments. Le maire était prêt à nous aider. Il nous a prêté ce bâtiment tout en prenant en charge les frais d’électricité et d’eau. »

Depuis, ce centre de santé, ouvert tous les jours de 16 heures à 20 heures sans jamais désemplir, a rendu possibles 64 000 consultations médicales. Les malades peuvent aussi s’y procurer des médicaments collectés par des réseaux de solidarité. L’expérience d’Elleniko a essaimé dans toute la Grèce, qui compte aujourd’hui une cinquantaine de structures de santé de ce type, organisées sur le mode de l’autogestion démocratique et de l’indépendance économique et politique. Pour ceux qui offrent leur temps pour les faire vivre, médecins, dentistes, infirmiers, pharmaciens, psychologues, il s’agit de faire face à l’urgence, tout en revendiquant le rétablissement d’une couverture sociale pour tous.

L’oligarque s’est porté acquéreur d’une vaste friche de 620 hectares

Si le dispensaire social d’Elleniko doit aujourd’hui faire place nette, c’est que les terrains de l’ancien aéroport ont été privatisés. Comme les ports d’Athènes et de Thessalonique, les quinze aéroports régionaux, la Compagnie des eaux d’Athènes, l’opérateur ferroviaire Trainose et tant d’autres actifs de l’État grec, ces terrains font partie des biens publics soldés sur ordre des créanciers d’Athènes. Ils sont aujourd’hui livrés à la spéculation immobilière. Le bénéficiaire de cette opération ? Lamda Development, une filiale du groupe tentaculaire sur lequel règne le milliardaire grec Spiros Latsis (banque, immobilier, pétrole, construction navale). Allié à un consortium d’investisseurs chinois et émiratis, cet oligarque s’est porté acquéreur, à prix cassés, de cette vaste friche de 620 hectares en bord de mer, qu’il destine à l’immobilier de luxe. Montant de la transaction : 915 millions d’euros. Les travaux d’aménagement des réseaux d’eau et d’électricité restent, bien sûr, à la charge de l’État. On parle même d’une autoroute qui pourrait relier le futur complexe immobilier au nouvel aéroport. L’affaire est belle. Sa négociation a été facilitée par une certaine Evangelia Tsitsogiannopoulou, experte en spéculation immobilière, qui a occupé, d’avril 2015 à mai 2017, les fonctions de directrice exécutive du Taiped, le fonds chargé de liquider les biens publics grecs. Elle en est toujours, aujourd’hui, administratrice. Il se trouve qu’elle a fait ses premières armes dans le monde des affaires… chez Lamda Development. Les Grecs ont une expression très imagée pour décrire ces arrangements entre amis : ils parlent des « intérêts enchevêtrés » que cultive l’oligarchie. Spiro Latsis en est familier : il se trouve au cœur d’autres transactions litigieuses liées à l’acquisition de biens publics. En 2015, dans un rapport de 200 pages, le parquet anticorruption concluait à la sous-estimation de la valeur raisonnable de 28 bâtiments publics cédés à deux établissements financiers, Ethniki Pangaia et Eurobank Property, filiale de la banque grecque Eurobank, propriété de Latsis. Montant du préjudice pour l’État grec : 580 millions d’euros. L’enquête avait abouti à la mise en examen de six experts et membres du conseil d’administration du Taiped pour « abus criminel de biens sociaux ». Tous ont finalement été relaxés sous pression de Bruxelles, qui conditionnait le versement à Athènes d’une tranche de prêt de 7,5 milliards d’euros à la levée des poursuites. « Des marges de manœuvre satisfaisantes devraient être garanties à tous les experts européens qui aident la Grèce à redresser son économie », avait alors justifié le porte-parole de la Commission européenne, Margaritis Schinas.

Le dispensaire social n’est pas la seule structure d’intérêt public menacée par l’obscure privatisation des terrains d’Elleniko. Ceux-ci accueillent aussi les locaux de la municipalité, des écoles, des clubs sportifs. Opposés à ce bradage comme au bétonnage de leurs 3,5 kilomètres de côte appréciés des promeneurs, les riverains ont multiplié les recours jusqu’au Conseil d’État, qui a finalement donné, en février, son feu vert à la transaction. Un appel de soutien au centre de santé d’Elleniko circule ces jours-ci en Grèce et bien au-delà de ses frontières. Ses signataires soulignent son « immense contribution sociale et humanitaire » et sa valeur d’« exemple novateur de gestion communautaire des biens publics et de l’espace urbain ». Aux antipodes des arrangements entre « experts européens » et gros affairistes pour braquer tous les biens communs, ils appellent à soutenir la lutte du dispensaire social d’Elleniko « pour continuer sur la voie de la solidarité, de la dignité, du respect et de l’humanisme ».

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