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Riposte d’ampleur contre l’autoritarisme néoliberal

Grèce. Une riposte d’ampleur contre l’autoritarisme néolibéral du gouvernement de droite

Par Panos Petrou

L’année 2021 commence par une offensive du gouvernement de Kyriakos Mitsotakis. Une nouvelle loi accélère la réforme néolibérale de l’Enseignement supérieur et instaure la présence permanente des forces de police à l’intérieur des campus. Le droit de manifester a fait l’objet de pressions constantes, soit par diverses lois et décrets, soit «de facto» par la répression policière des manifestants. Le gréviste de la faim Dimitris Koufontinas [condamné à perpétuité en 2003, voir plus bas] s’est vu opposer un refus cynique (et meurtrier) de ses droits minimaux et légitimes en prison. Le fil conducteur a été la volonté du gouvernement de gouverner par la force et de mener une «guerre» contre la gauche radicale. La campagne autoritaire a provoqué une sérieuse riposte sur tous les fronts, qui a culminé dans une étonnante explosion de sentiment anti-gouvernemental durant le week-end du 13-14 mars dans de nombreuses villes de Grèce et dans la plupart des quartiers et districts d’Athènes. Une résurgence de l’action de masse dans les rues est en train de créer une nouvelle situation. Revenons sur le contexte de ces événements et sur les luttes récentes.

Une semaine avant les élections de janvier 2015, le politicien de droite Makis Voridis [actuel ministre de l’Intérieur] prenait la parole lors d’une petite réunion locale de soutien au parti de droite Nouvelle Démocratie. Il a alors déclaré: «Nous ne céderons jamais le pays à la gauche […] Ce que nos grands-pères ont défendu avec leurs fusils [une référence à la guerre civile de 1946-1949, lorsque les armées nationalistes ont imposé un régime de terreur blanche contre les guérillas du Parti communiste], nous le défendrons avec nos votes dimanche prochain. Ne vous faites pas d’illusions. Dimanche prochain, il ne s’agit pas simplement de choisir un parti, ni de choisir un programme économique. Il s’agit d’une énorme confrontation idéologique entre deux mondes différents.»

Son camp a perdu cette bataille à l’époque et SYRIZA a fini par former un gouvernement [premier gouvernement entré en fonction le 27 janvier 2015]. La suite est connue. L’effort de recherche d’un compromis avec la troïka [FMI, BCE et Commission européenne] et la classe dirigeante grecque a conduit à la capitulation d’Alexis Tsipras et à la signature du troisième mémorandum d’austérité. La défaite démoralisante de 2015 [Tsipras accepte les conditions de la troïka, malgré la victoire du non, à plus de 61%, lors du référendum du 5 juillet 2015] a ouvert la voie au retour de la droite au pouvoir.

Lors des élections de 2019, Nouvelle Démocratie a remporté une importante victoire électorale, qui était aussi une victoire politique. Les sondages suggéraient une dérive droitière de l’opinion publique. La capitulation de SYRIZA et le changement idéologique qui s’en est suivi pour tenter de justifier cette trahison et défendre les politiques d’austérité que le gouvernement Tsipras a mises en œuvre ont renforcé la doctrine TINA (There Is No Alternative). Le néolibéralisme (alias «créer un environnement favorable aux investisseurs») a été réhabilité comme étant la seule façon de sortir de la crise, tandis que Nouvelle Démocratie avait stimulé les sentiments de conservatisme social comme moyen de renforcer sa position alors qu’elle était dans l’opposition.

Makis Voridis était désormais d’humeur revancharde: «Nous ferons toutes les interventions nécessaires pour nous assurer que la gauche ne reviendra plus jamais au pouvoir.» Il n’était pas si inquiet des perspectives électorales de SYRIZA. Comme il l’a dit en 2015, «il ne s’agit pas d’un parti». Voridis est l’un des représentants les plus élaborés de l’extrême-droite contemporaine en Grèce. Il a passé sa jeunesse dans des groupes néofascistes, utilisant des armes contre des manifestants antifascistes dans les rues d’Athènes. Il a ensuite intégré le parti d’extrême droite plus «parlementaire» LAOS (Alerte populaire orthodoxe), avant de rejoindre Nouvelle Démocratie. Il aime mentionner Antonio Gramsci et le concept d’«hégémonie» dans ses interventions, afin d’expliquer son projet à long terme consistant à «imposer une défaite stratégique aux idées de la gauche – quelque chose de plus grand qu’un pourcentage électoral donné, quelque chose qui existe dans les universités, dans les arts, dans les syndicats, dans l’esprit des gens».

Bien sûr, tout en mettant l’accent sur «l’hégémonie» et les «idées», Voridis connaît aussi l’importance de la force et de la violence pour gouverner. Mais ses jours de combattant armé de droite sont révolus. Et nous le trouvons aujourd’hui amoureux de «notre démocratie libérale». Il défendra les forces répressives de «notre démocratie libérale» contre les grèves syndicales, contre les mobilisations de la gauche, contre les squats anarchistes, contre les protestataires qui bloquent les rues. On pourrait dire que pendant que Voridis s’éloignait de ses tactiques néofascistes extrêmes passées, «notre démocratie libérale» allait dans sa direction, ils se sont donc rencontrés à mi-chemin. Depuis janvier 2021, Makis Voridis est le ministre de l’Intérieur. Et la «guerre contre la gauche» qu’il a menée pendant des décennies est désormais le véritable projet de l’actuel gouvernement de droite dirigé par le prétendu «centriste» Kyriakos Mitsotakis.

Kyriakos Mitsotsakis espérait utiliser la défaite politique de la gauche afin d’imposer une défaite stratégique. La démoralisation après 2015 semblait être une occasion en or de matérialiser le slogan des gouvernements successifs au cours des dernières décennies: «Nous devrions en finir avec Metapolitefsi». «Metapolitefsi» signifie littéralement «changement de régime politique» et décrit la transition vers la démocratie après la chute de la dictature militaire en 1974. Mais c’est un terme politiquement chargé, qui est utilisé pour faire référence aux traditions militantes des années 1970, aux conquêtes du mouvement ouvrier et à «l’hégémonie de la gauche» qui hante les pensées de Voridis.

Très tôt, le gouvernement de Kyriakos Mitsotsakis passe à l’offensive, visant à mettre en œuvre des politiques ultra-néolibérales et à bouleverser l’équilibre des forces entre travailleurs et employeurs. Il s’est appuyé sur les précédents tragiques établis par le gouvernement SYRIZA et a tenté d’accentuer cette orientation, sans l’accompagner des «réserves idéologiques» propres au parti d’Alexis Tsipras au cours de ses mutations.

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Depuis mars dernier, l’apparition de la pandémie constitue un facteur nouveau. D’une part, la gestion de la pandémie a été un désastre. Le gouvernement a refusé de mettre en œuvre toute politique susceptible d’aider à gérer la situation. Les bars et les restaurants peuvent être fermés pendant des mois, tandis que le commerce de détail s’ouvre et se ferme, mais il n’y a jamais eu de véritable arrêt dans les principaux secteurs de l’économie (usines, construction, bureaux, etc.), ni aucun effort pour imposer des mesures de sécurité sanitaire aux employeurs. Le système national de santé (NHS), qui était déjà en ruine, a dû partir à la guerre sans nouveaux soldats (médecins) ni nouvelles armes (unités de soins intensifs, capacités d’analyse massives, etc.). Le système de transport en commun, lui aussi en mauvais état, n’a pas été renforcé afin d’éviter les cohues aux heures de pointe. En effet, la plupart des salarié·e·s sont toujours obligés de se rendre au travail comme d’habitude et de supporter ensuite des couvre-feux et des restrictions qui frappent leur «temps libre». La demande des élèves pour des classes plus petites qui permettraient une réouverture des écoles en toute sécurité est restée sans réponse, car cela impliquerait d’engager plus d’enseignants et/ou de construire plus d’écoles.

Tout effort pour traiter ces problèmes signifierait une rupture avec l’orientation néolibérale. De nouveaux médecins, de nouvelles unités hospitalières et de nouveaux lits pour le NHS, de nouveaux chauffeurs et une nouvelle flotte de véhicules pour les transports publics, de nouveaux enseignants et de nouvelles écoles, un nouveau personnel pour l’inspection du travail pourraient être des solutions «permanentes» et donc rester en place après la pandémie, ce que les néolibéraux ne peuvent tolérer.

Ces éléments ont contribué à l’échec de la lutte contre la pandémie. Alors que diverses restrictions de déplacement et des couvre-feux nocturnes sont en place sans interruption depuis novembre dernier, les cas d’infection continuent d’augmenter [233 000 cas et 7361 morts]. A l’heure actuelle, les unités de soins intensifs à Athènes sont pleines, et les médecins affirment que les hôpitaux de la capitale grecque sont sur le point de faire face à une situation «à la Bergame» (choisir quels patients sauver, comme ce fut le cas dans la ville italienne).

Pendant ce temps, le soutien financier aux travailleurs des secteurs qui sont fermés ou qui ont été les plus touchés par le ralentissement de l’activité est le strict minimum. La plupart des fonds publics sont utilisés pour «soutenir» les propriétaires, tandis que des miettes sont laissées pour les employés.

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Le gouvernement n’a pas simplement échoué à gérer la crise sanitaire et économique. Il a instrumentalisé la pandémie pour approfondir son option néolibérale. Alors que les manifestations, les réunions syndicales, les assemblées d’étudiants et toutes sortes d’activités étaient rendues plus difficiles ou impossibles à cause de la pandémie, le gouvernement a refusé de renoncer à de nouvelles attaques. Il a commencé à voter une loi après l’autre au parlement, dans l’espoir de contourner la résistance sociale. Il a également instrumentalisé la pandémie afin de renforcer la répression. Une partie de l’Etat a bénéficié d’une augmentation des dépenses publiques, pour du nouveau personnel et des équipements de pointe: la police.

Après l’incroyable rassemblement antifasciste d’octobre dernier [voir à ce propos l’article publié sur ce site le 10 octobre 2020], pendant le procès d’Aube dorée, le gouvernement a lancé une contre-offensive préventive. L’article 11, qui protège le droit de manifester, a été suspendu deux fois, par un décret du chef de la police (!), afin d’interdire les rassemblements de masse du 17 novembre (anniversaire du soulèvement étudiant contre la junte militaire en 1973) et du 6 décembre (anniversaire du meurtre d’Alexis Grigoropoulos, âgé de 15 ans, par la police, qui a provoqué la révolte des jeunes en décembre 2008). Par la suite, une douzaine de militantes féministes de gauche ont été arrêtées pour avoir simplement brandi une banderole sur la place Syntagma afin de protester contre les violences faites aux femmes le 25 novembre. La loi votée l’été dernier, visant à «réglementer» les manifestations, donne le feu vert à la police pour décider arbitrairement de «l’ampleur de la menace estimée» et interdire ou réduire les rassemblements publics.

Pendant ce temps, la peur de la pandémie elle-même et la répression de l’État nous ont contraints à organiser une sorte de «résistance déléguée». De petites activités symboliques organisées dans un environnement «semi-clandestin» par des minorités militantes, exprimant les sentiments d’une couche plus large de la population qui ne voulait ou ne pouvait pas descendre dans la rue.

Compte tenu de la faiblesse des mouvements sociaux, nous avons estimé que la nouvelle loi et l’utilisation disproportionnée des forces de police contre les petites mobilisations symboliques avait un caractère préventif. Le gouvernement, comprenant que la colère bouillonne sous la surface et que l’impact de la crise économique va s’aggraver avec le temps, a tenté d’imposer une «nouvelle normalité», où les manifestations sont un endroit dangereux, où les minorités militantes seront isolées et feront face à une répression sévère avant qu’elles puissent faire appel et parvenir à mobiliser une plus grande partie de la population.

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Le principal problème de Nouvelle Démocratie est qu’un pilier de sa «contre-révolution» a été brisé. Le néolibéralisme est en état de crise permanente depuis 2007. Mitsotakis souhaitait suivre les traces de son idole, Margaret Thatcher, oubliant que la «Dame de fer» s’est affirmée à une époque où le néolibéralisme était en plein essor et où la croissance économique pouvait soutenir la fausse promesse des «effets de ruissellement» pendant un certain temps.

Dans la Grèce contemporaine, le secteur privé glorifié a été fortement touché pendant la pandémie. La crise économique a durement frappé même une partie de l’électorat du gouvernement: les propriétaires de petites entreprises et certains professionnels; une partie de la petite bourgeoisie qui espérait qu’un gouvernement «favorable aux entreprises» serait la solution à leurs problèmes et qui est maintenant confrontée à un désastre. Les salarié·e·s sont soumis à une pression extrême depuis 2010 (sans compter que même le «bon vieux temps» d’avant la crise n’était pas si bon pour beaucoup d’entre eux). La restauration de l’orthodoxie néolibérale en tant que «bon sens» et la transformation de la société grecque en un environnement «favorable aux entreprises» se sont heurtées à des obstacles, entre autres des luttes de salarié·e·s. Le gouvernement a donc renforcé le deuxième pilier de sa «guerre contre la gauche»: l’autoritarisme et le conservatisme. Pendant que la police réprime, une offensive idéologique tente de discréditer la gauche radicale en la présentant comme «l’ennemi intérieur» qui mérite d’être brutalisé. La «loi et l’ordre» sont devenus le seul discours que Nouvelle Démocratie avait à offrir à sa base de soutien conservatrice, qui craquait sous le poids de la crise financière.

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Cette mentalité guide le gouvernement depuis lors. En voici un petit exemple, mais parlant. En plein milieu d’une version grecque de #MeToo, où des femmes, principalement dans le domaine des arts et des sports, brisent leur silence et racontent leurs histoires de harcèlement sexuel, il a été révélé que Dimitris Lignadis, nommé par le gouvernement au poste de directeur artistique du Théâtre national, avait systématiquement violé des adolescents. Après l’échec des premiers efforts pour le couvrir, il a finalement été sacrifié. Mais la ministre de la Culture, Lina Mendoni, elle, est restée à sa place, malgré les nombreux appels à sa démission. Normalement, la remplacer aurait été un geste facile et bon marché pour «limiter les dégâts». Mais c’est là que la mentalité d’un «cabinet de guerre» a prévalu. Mitsotakis a protégé sa ministre. Elle a été présentée par les médias de droite comme une victime de la propagande de gauche qui la prend pour cible pour avoir promu des politiques «favorables aux investissements» dans le domaine de la culture. L’avocat de Lignadis a décidé de s’appuyer sur ce récit, en essayant de présenter son client comme la victime d’une sorte de conspiration de gauche. Il paierait le prix pour avoir essayé de reconnecter le Théâtre national avec «l’esprit grec ancien traditionnel» et d’éliminer «l’influence gauchiste décadente dans les arts»…

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C’est dans cette situation que le prisonnier Dimitris Koufontinas, ancien membre du groupe armé dissous «17 novembre» (17N), a entamé une grève de la faim pour protester contre un (énième) traitement injuste. Koufontinas a été traité avec dureté pendant tout le temps qu’il a passé en prison, les bureaucraties de l’État lui refusant constamment des droits qui sont accordés à tous les autres prisonniers condamnés à des peines similaires. Tant Nouvelle Démocratie que l’ambassade américaine se sont traditionnellement montrées très fermes dans leur opposition à tout traitement humain du prisonnier de 63 ans. Le dernier exemple en date est scandaleux. Le gouvernement a voté une loi qui interdit à une certaine catégorie de prisonniers d’être transférés dans des prisons rurales. Elle a de plus un effet rétroactif. Le seul prisonnier correspondant au profil de cette nouvelle disposition et qui se trouvait déjà dans une prison rurale était Koufontinas, de sorte qu’il s’agissait essentiellement d’une loi conçue spécifiquement pour l’en retirer. La loi prévoyait que les détenus devaient être transférés dans la prison où ils se trouvaient auparavant. Mais le gouvernement a contourné sa propre loi et a transféré Koufontinas à la prison de haute sécurité de Domokos [Grèce centrale], et non à la prison de Korydallos [district du Pirée], où il avait passé la majeure partie de sa peine (et où il aurait été plus facile pour sa famille de lui rendre visite). Dimitris Koufontinas a été contraint d’entamer, le 8 janvier, une grève de la faim pour exiger l’application… correcte d’une loi punitive qui avait été votée contre lui en premier lieu!

Le gouvernement a traité la grève de la faim avec un cynisme sauvage. La vengeance contre Koufontinas était combinée avec la «mentalité de guerre» de la Nouvelle Démocratie. Mitsotakis a clairement indiqué que le gouvernement ne reculerait pas et était prêt à mener Koufontinas à la mort. C’était une nouvelle imitation de Margaret Thatcher, qui avait laissé Bobby Sands et ses camarades mourir en prison [en mai 1981], afin de prouver que «la dame n’est pas faite pour tourner». La vengeance était également porteuse d’un fort symbolisme. Dimitris Koufontinas s’est forgé pendant les années militantes qui ont suivi la junte militaire, et «17N» est un produit de cette époque. Le fait d’afficher une tolérance zéro et de refuser les droits minimums de ce prisonnier particulier s’inscrivait dans la logique du slogan «achevons l’esprit de Metapolitefsi».

Pour certains analystes, il s’agissait d’une imitation de la «stratégie de la tension». La stratégie originale a été mise en œuvre en Italie dans les années 1970, à une époque où il existait des groupes armés de gauche. En l’absence de tels groupes, la version grecque contemporaine a fait surgir le spectre de la «violence armée», 20 ans après la dissolution de 17N et la clôture de ce cycle, par un effort scandaleux pour changer le récit: une question de droits de l’homme et de démocratie a été dépeinte comme une «lutte contre le terrorisme». Dès lors, tous ceux qui ont soutenu la grève de la faim et exigé le respect des droits de Koufontinas ont été dépeints comme des «sympathisants du terrorisme». Les médias ont agi comme si la question concernait les actions passées de Koufontinas (pour lesquelles il était en prison depuis 17 ans) et non son traitement en tant que prisonnier. Les commentateurs de droite ont laissé entendre que ce «tueur en série qui n’a aucun remords» ne devrait jouir d’aucun droit (ou même qu’il est normal de le laisser mourir). Les messages Facebook soutenant ces revendications ont été supprimés et les profils des utilisateurs ont été retirés pour «soutien aux actions d’un groupe terroriste»!

La police a établi une nouvelle norme en matière de répression. Les tentatives de rassemblements de quelques dizaines de personnes en soutien au gréviste de la faim ont été violemment dispersées par des unités de police antiémeute, avant même qu’elles n’aient eu le temps minimum de se rassembler et de lever leurs pancartes.

La gestion cynique de la grève de la faim, qui incluait la tolérance de la mort potentielle de Koufontinas, a été le point culminant de la campagne visant à détruire la gauche radicale, tout en faisant appel aux instincts de «loi et d’ordre» des conservateurs et en les radicalisant à un niveau supérieur (celui de s’accommoder de l’idée d’imposer une condamnation à mort à un «extrémiste» et de brutaliser toute personne qui s’y oppose comme sympathisant terroriste). Cette stratégie visait à créer un précédent pour toutes les luttes futures. La vision de cette stratégie pourrait être décrite grossièrement comme suit: une infime minorité qui insiste sur la résistance active subira une répression brutale, tandis qu’une partie de la population a trop peur pour se mobiliser et que l’autre applaudit la police pour s’être occupée des «extrémistes» détestés.

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Mais les choses ont changé. Au cours du mois de janvier, les étudiants universitaires ont organisé une résistance massive contre la nouvelle loi qui accélère la transformation néolibérale de l’enseignement supérieur et établit la présence permanente des forces de police à l’intérieur du campus. Les manifestations hebdomadaires contre cette nouvelle loi ont rassemblé des milliers d’étudiants et ont ainsi marqué la fin de la période de «résistance déléguée».

L’«affaire Koufontinas» prend une autre tournure. Semaine après semaine, sa santé se détériorait et il devenait évident que la Grèce était sur le point de devenir le pays où un gréviste de la faim était mort, pour la première fois en Europe depuis 1981. Universitaires, artistes, médecins, avocats, membres du Parlement européen ont appelé au respect de ses droits. L’Ombudsman grec, la section grecque d’Amnesty International, l’Association grecque pour les droits de l’homme et du citoyen, et même l’Association des juges et des avocats ont rejeté la faute sur le gouvernement. Toute l’opposition parlementaire (à l’exception de l’extrême droite) a demandé son transfert à Korydallos. Les manifestations de soutien à la grève de la faim deviennent quotidiennes et prennent de l’ampleur. Une partie importante de la société, dont les opinions sur Koufontinas varient (de la sympathie à l’hostilité et tout ce qui se trouve entre les deux), exprime son rejet du comportement brutal de l’État à son égard. La seule intervention publique soutenant clairement le gouvernement a été celle de responsables de l’État américain, lui qui est responsable de la prison de Guantanamo et des centres de détention secrets de la CIA dans le monde entier…

Pendant ce temps, quelque chose de différent bouillonnait sous la surface. La police ne brutalisait pas seulement les manifestants. Chargés d’imposer les couvre-feux et les restrictions de déplacements, éduqués à considérer la «jeunesse indisciplinée» comme un ennemi, gonflés par la stratégie gouvernementale de «loi et ordre», les flics se sont déchaînés dans les quartiers, les parcs et les places publiques d’Athènes. Les gens ont accumulé des expériences amères de rencontres quotidiennes avec une force de police qui opérait avec l’arrogance et la brutalité d’une «armée d’occupation».

À un niveau souterrain, le «paradoxe de la répression» apparaissait. Selon ce schéma, la répression est constamment utilisée comme un moyen de pacifier une population qui ne peut être gagnée par la persuasion. Mais à un moment donné, le recours constant à la répression cesse de terrifier la population et finit par l’exaspérer davantage. Les événements de Nea Smyrni, une municipalité de l’Attique, ont servi de catalyseur.

Sur la place publique de Nea Smyrni, des policiers ont menacé une famille qui était assise sur un banc (et qui ne faisait donc pas d’«exercice actif», ce qui est la raison officiellement autorisée pour aller se promener). Les jeunes du quartier ont soutenu la famille et bientôt des renforts de police sont arrivés pour «pacifier la foule hostile». Un jeune a été brutalisé, mais cette scène a été enregistrée par d’autres citoyens avec leurs smartphones et a fait le tour d’internet. La version initiale de la police qui a été volontiers reproduite par tous les grands médias (les policiers faisaient face à une «embuscade violente», etc.) a été ridiculisée par les habitants qui ont décrit ce qui s’est réellement passé. Le même soir, plus d’un millier d’habitants ont défilé de la place jusqu’au poste de police local, où ils ont été attaqués au gaz lacrymogène et dispersés.

La vidéo a été diffusée partout, et le cri du jeune homme «J’ai mal!» pendant qu’il était battu est devenu un cri de guerre pour des milliers de personnes, semblable à l’impact du «I can’t breathe» de George Floyd sur la société américaine. Même les médias ont été contraints de changer de discours le temps d’une journée, de montrer un peu de sympathie aux victimes de la violence policière et d’exercer une certaine pression sur les représentants de la police qui ont soutenu sans vergogne leur collègue, qui a «commis une erreur», qui «a malheureusement été filmée» (!). Ces images «ne devraient pas être utilisées pour discréditer la vaillante force de police par les habituelles personnes soupçonnées de sentiment anti-police».

Le lendemain, ce fut le tremblement de terre. Plus de 10 000 personnes se sont rassemblées sur la place centrale de Nea Smyrni. Dans les moments difficiles que nous avons traversés, une manifestation de cette taille serait célébrée comme un grand succès, même s’il s’agissait d’une mobilisation centrale pour tous les citoyens d’Athènes sur la place Syntagma. Mais ce n’était qu’une manifestation locale. Tout le monde était là. Des syndicats affiliés au Parti communiste, des forces de la gauche radicale, des collectifs anarchistes, des habitants qui n’avaient jamais manifesté auparavant, même des supporters de football ont décidé de mettre de côté leurs différences pour une journée et de marcher ensemble contre la brutalité policière.

Plus tard dans la journée, des escarmouches ont éclaté entre certains manifestants et la police. Une unité de police motorisée – notoirement connue pour sa brutalité et sa tactique permanente consistant à charger avec leurs motos les manifestants – a attaqué. Cela s’est produit à de nombreuses reprises par le passé, mais cette fois-ci, certains manifestants ont riposté et un membre de l’unité a été battu et s’est retrouvé à l’hôpital.

C’est alors qu’une contre-attaque idéologique s’est déclenchée. Les médias ont immédiatement déplacé le débat sur la brutalité policière vers celui «de voyous violents qui ont presque assassiné un policier». Le premier ministre est intervenu lors d’une émission spéciale, pour dénoncer l’incident (sans jamais mentionner la victime de la brutalité policière). Tout d’un coup, tout le monde était censé oublier tout ce qui avait conduit à cette explosion de rage et sympathiser avec la police. Pendant ce temps, dans les rues de Nea Smyrni, la police cherchait à se venger. Toute une municipalité a souffert de leur activité frénétique cette nuit-là, dans les rues avoisinantes, à l’intérieur des magasins et des immeubles d’habitation. Une vidéo a été publiée qui résume leur état d’esprit après l’attaque de leur collègue. Son unité a été filmée en train de crier «Ils sont finis! On va les tuer! On va les baiser!» De nombreux incidents de violence policière ont été enregistrés par des résidents locaux et mis en ligne.

C’était comme deux univers parallèles. Pour les médias grand public, l’«histoire du jour» était le drame du policier blessé, tandis que les médias sociaux étaient envahis par diverses vidéos de violences policières sauvages dans les rues environnantes de Nea Smyrni et par des habitants criant depuis leur balcon «Dégagez d’ici!» ou «Laissez les enfants tranquilles!». La distance entre la réalité et la couverture médiatique a été un autre facteur qui a enragé les gens – comme on avait pu le constater à l’occasion du référendum de 2015, lorsque les médias de masse ont été fortement discrédités pour leur rôle dans le soutien du «Oui» aux mesures de la troïka. Kyriakos Mitsotakis n’a pas conforté sa position lorsqu’il a averti les jeunes que «les médias sociaux sont une menace pour la démocratie car ils fournissent une vision déformée de la réalité», cela à une époque où ce sont les médias «respectables» qui déforment constamment la réalité pour protéger le gouvernement et la police.

La contre-offensive idéologique a échoué lamentablement. Le premier sondage national sur la question a montré qu’une majorité des personnes sondées avait une opinion négative de la police (excessivement violente) et qu’ils étaient responsables de la petite émeute de Nea Smyrni. Mais ce qui est bien plus important que les sondages d’opinion, ce sont les rues. Le week-end suivant les événements de Nea Smyrni, tous les quartiers d’Athènes et de nombreuses villes de Grèce étaient remplis de manifestants. Il est difficile d’en estimer le nombre total. Mais de nombreuses municipalités ou districts ont connu les plus grandes manifestations locales depuis de nombreuses années. Des dizaines de manifestations locales simultanées ont rassemblé quelques milliers de personnes chacune. La «décentralisation» de la protestation était une stratégie discutée dans la gauche radicale comme moyen de faire face au double problème de la pandémie et des interdictions de l’État. Certains groupes avaient tenté une telle tactique le 6 décembre 2020, avec de nombreux événements locaux commémorant Alexis Grigoropoulos et la révolte de 2008, au lieu d’essayer de se rassembler une fois de plus au point de rendez-vous traditionnel du centre-ville d’Athènes où des dizaines d’unités de police nous «attendaient» déjà. Ce fut un succès, mais loin d’être comparable à ce qui s’est passé les 13 et 14 mars. Cette fois-ci, la stratégie de «décentralisation» a rencontré le besoin réel d’une masse critique de personnes de protester dans leurs quartiers, de réclamer leur droit à l’espace public face à la police. La police ne s’est même pas montrée pour essayer d’arrêter ce qui peut être décrit comme une «révolte pacifique» composée de multiples manifestations de type «guérilla».

Les protestations locales étaient diverses. Des groupes anarchistes locaux, des organisations de gauche, certains syndicats de travailleurs, des collectifs actifs dans la solidarité sociale les ont organisées, en fonction de leur force dans chaque district ou quartier.

Ils étaient remplis de colère. Contre la police, contre la gestion de la pandémie, contre les priorités des dépenses publiques, etc. Un seul cri rassemblait toutes les doléances: «Mitsotakis, salaud!» C’était un écho du passé: ce slogan avait été lancé en 1965 contre le père de l’actuel premier ministre, Konstantinos Mitsotakis, pendant les «Iouliana» (les «événements de juillet»), une révolte contre la monarchie déclenchée lorsque le Palais a renversé un gouvernement centriste avec l’aide de Mitsotakis, qui avait orchestré la défection d’un nombre crucial de députés centristes. Le slogan redevient populaire en 2021, pour exprimer le dédain envers le fils de l’une des familles les plus puissantes de la politique grecque. Michalis Chryssochoidis, le ministre en charge de la police [un ministère baptisé ministère de la protection des citoyens], a été une autre cible des chants des manifestants. Cet ancien social-démocrate [membre du Pasok dès 1974, passé à Nouvelle Démocratie en 2019], qui est devenu le favori de la CIA et l’enfant-vedette de l’«antiterrorisme» après le démantèlement de la «17N» [en 2002], est maintenant le «shérif» largement méprisé et ridiculisé pour sa déclaration antérieure selon laquelle «les habitants des quartiers défavorisés applaudissent lorsqu’ils voient nos forces de police défiler dans leurs rues».

La jeunesse constituait le gros des manifestations locales. Bien sûr, des gens de tous âges sont venus, mais la présence massive des jeunes était significative. C’est une évolution intéressante. Il y a des générations de personnes dont la brève existence a été marquée par deux crises économiques majeures et une pandémie, jusqu’à aujourd’hui. Ils sont confrontés à de sombres perspectives sur le marché du travail, leur vie sociale est soumise à une pression constante, ce sont eux qui subissent habituellement le harcèlement quotidien de la police sur les places et dans les parcs publics et ce sont eux que le Premier ministre désigne constamment pour leur faire la morale. Mais ils sont aussi ceux qui n’ont pas vécu la défaite de 2015 de la même manière que ressentie par les générations précédentes qui ont lutté pendant de nombreuses années avant l’arrivée de SYRIZA au gouvernement et se sont ressenties épuisées et démoralisées après la trahison.

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Ce sentiment de défiance irrigue aussi d’autres luttes. La même semaine que la manifestation à Nea Smyrni et les manifestations locales, nous avons également assisté à: la grève féministe du 8 mars, à une marche étudiante contre la nouvelle loi sur les universités, à une manifestation centrale qui combinait la solidarité avec Dimitris Koufontinas et la lutte d’ensemble contre l’autoritarisme et la répression. Plusieurs milliers de personnes ont participé à ces mobilisations. Les jours suivants, nous avons eu les mobilisations des acteurs des divers milieux culturels, combinant leurs griefs pour le manque de soutien financier pendant le confinement, leur rejet des efforts pour imposer la censure dans les arts en utilisant la législation «antiterroriste» (similaire à celle qui a récemment conduit le rappeur catalan Pablo Hasel en prison) et la colère déclenchée par le #MeToo grec dans les arts. Puis, le 17 mars, une mobilisation du personnel de santé a été accompagnée de manière solidaire par de nombreuses personnes. En résumé, un gouvernement qui s’est lancé dans une campagne visant à diminuer sérieusement les protestations publiques fait face ces derniers temps à des mobilisations presque quotidiennes.

Cette évolution de la situation a eu un autre effet secondaire. On dit que les grévistes de la faim déterminés et désespérés ont besoin de quelque chose à espérer pour changer d’avis et ne pas se sacrifier. Alors que Nouvelle Démocratie a refusé d’accorder à Dimitris Koufontinas ses droits jusqu’au bout, se contentant ou même voulant le voir mourir, le bref «printemps» de la résistance sociale a donné à Koufontinas des raisons d’espérer en l’avenir. Il a finalement mis fin à sa grève de la faim, déclarant que «ce qui se passe là-bas est bien plus important que la question qui l’a déclenchée» et que l’existence de forces sociales dynamiques qui résistent à l’autoritarisme «est un nouvel espoir». Si le mouvement de masse n’a pas forcé le gouvernement à faire marche arrière, il a permis d’éviter la sombre perspective d’une mort tragique.

Le gouvernement est sous pression et les jours de confiance arrogante en soi qui ont défini les débuts de son mandat sont derrière lui. Mais son avenir est loin d’être déterminé. La «guerre contre la gauche» peut s’avérer fructueuse en «accrochant les wagons» de l’électorat conservateur, qui s’est radicalisé. Le principal parti d’opposition, SYRIZA, n’est guère une «opposition», choisissant le langage conciliant de la politique respectable, de l’unité nationale, etc. La gauche anticapitaliste est encore fragmentée, confuse et/ou panse ses plaies de 2015. Les syndicats ont été sévèrement affaiblis et les «nouveaux mouvements» manquent de fondations critiques pour le moment.

Mais il semble que nous entrons sur un nouveau terrain, avec des possibilités de contrecarrer, de manière tout à fait initiale, les effets de la défaite politique de 2015. L’énergie vibrante des jeunes générations, combinée à une réactivation possible d’un secteur de militants politiques disposant d’une expérience de luttes peut constituer un élément favorable à une nouvelle phase politique.

Ces jours-ci, les chroniqueurs des médias grand public ont tendance à évoquer la révolte des jeunes de 2008 et le «mouvement des places» de 2011. Les optimistes rassurent leur public en disant que «cela ne se reproduira pas». Les plus prudents préviennent que «nous devons nous assurer que cela ne se reproduira pas». En tout cas, il est révélateur que les fantômes des luttes passées reviennent les hanter… (Texte envoyé par l’auteur le 19 mars 2021; traduction rédaction A l’Encontre)

Source http://alencontre.org/laune/grece-une-riposte-dampleur-contre-lautoritarisme-neoliberal-du-gouvernement-de-droite.html

Une lutte au nord de la Grèce, la lutte de Chalcidique

Initiative des étudiant-e-s, travailleurs et travailleuses grecques à Paris

Cher.e.s tou.te.s
A l’occasion du « Marche pour une vraie Loi Climat » prévu pour le 28 mars, il convient de rappeler un crime environnemental toujours en cours dans le nord de la #Grèce . Nous partageons donc avec vous le texte de l’Initiative des étudiant-e-s, travailleurs et travailleuses grecques à Paris, concernant les mines de l’entreprise Eldorado en Chalcidique.
« Une lutte au nord de la Grèce, la lutte de Chalcidique »
Depuis les années 2000 l’entreprise canadienne Eldorado Gold Corporation s’est installée en Chalcidique avec l’appui d’hommes politiques peu scrupuleux, dans le but de faire de la Grèce le premier pays d’exploitation aurifère en Europe.
La Chalcidique est une région riche qui vit du tourisme, de l’agriculture, de la pêche. La mine d’or à ciel ouverte avec les mines souterraines qu’Eldorado installe signifierait avec la pollution la mort des ses forets, de sa mer, de l’économie régionale.
Des milliards de tonnes de déchets vont s’amonceler chaque jour dans la région dont 450 000 tonnes d’arsenic, capables de tuer toute la population de la terre.
La Nouvelle Démocratie, veut absolument ouvrir cette mine, elle a changé la loi pour la protection de l’environnement pour cela (mais aussi pour construire des complexes hôteliers près de la mer).
Depuis le début de la lutte contre l’entreprise et son projet mortifère, 500 personnes ont été attaquées en justice.
Luttons ensemble contre l’extractivisme !
Sauvons le berceau d’Aristote !
Solidarité avec Chalcidique !
https://www.facebook.com/events/185443783017660

La dette prétexte pour imposer des politiques d’austérité

Refusons l’instrumentalisation de la dette pour imposer de nouvelles politiques d’austérité ! par Attac France.

La Commission sur l’avenir des finances publiques, présidée par Jean Arthuis, ancien ministre des finances de Jacques Chirac, vient de rendre son rapport. Sans surprise, malgré une prudence de forme, il ressasse les vieilles rengaines libérales et vise à préparer l’opinion publique à une future politique d’austérité. Présentée dans la presse comme censée « faire de la pédagogie auprès de l’opinion sur la nécessité de reprendre le contrôle de la dette », la Commission Arthuis mène en réalité un véritable travail d’enfumage de l’opinion.

Ainsi la commission ose écrire qu’ « il faut être clair sur ce point : il n’y a pas d’argent magique ». Quand on sait que son mandat excluait toute hausse d’impôt, on comprend mieux cette affirmation. En effet, s’il n’est pas possible de faire payer leur juste part d’impôt aux plus riches et aux grandes entreprises qui échappent aujourd’hui massivement à l’impôt, s’il n’est pas possible de rétablir un impôt sur la fortune ou la progressivité de l’imposition des revenus financiers, s’il n’est pas possible de taxer les entreprises là où elles réalisent leurs activités plutôt que là où elles déclarent artificiellement leurs profits, et si on exclut toute possibilité d’annulation de la dette ou de dette perpétuelle, alors en effet il ne reste comme seule solution que les politiques d’austérité, la poursuite de la casse des services publics et de la protection sociale.

Si la Commission « se défend de préparer le terrain à l’austérité », elle propose d’instaurer une « règle d’or sur la dépense publique », reposant sur l’idée que « l’évolution des dépenses soit inférieure à l’évolution des recettes », ce qui revient de fait à imposer une politique d’austérité et à réduire les choix démocratiques en matière de budget.

On se souvient par ailleurs que l’argument de l’absence d’ « argent magique » avait été utilisé par Emmanuel Macron pour refuser aux personnels hospitaliers de leur donner les moyens de travailler. De l’argent magique, il y en a pourtant quand il s’agit de distribuer « quoiqu’il en coûte » des aides massives aux grandes entreprises, sans aucune contrepartie sociale, fiscale ou environnementale.

Mystérieusement, la Commission oublie de présenter la lutte contre l’évasion fiscale comme un moyen de réduire les déficits publics. Elle omet également de « faire de la pédagogie » pour expliquer à l’opinion que le gouvernement a décidé de prolonger la CRDS (Contribution au remboursement de la dette sociale), qui prélève tous les revenus aux taux de 0,5 %, sans aucun souci de justice fiscale.

De plus, elle prône une nouvelle « gouvernance » en proposant de séparer le Haut conseil des finances publiques de la Cour des comptes, à laquelle il est actuellement rattaché. Alors que la Cour des comptes est remise en question dans ses missions juridictionnelles de juge des comptes publics, une telle séparation a de quoi interroger sur le mode de gouvernance envisagé discrètement par la Commission. Va-t-on vers une entité dont le statut n’est pas clarifié et donc la légitimité serait questionnée, et ayant pour objectif de procéder à des injonctions au gouvernement sans éclairage de la Cour des comptes ?

Face à l’enfumage orchestré par la Commission Arthuis, Attac :

  • rejette la logique néolibérale de cette « remise en ordre » qui entraînera un retour à l’austérité budgétaire dont la crise sanitaire a démontré les effets tragiques sur les inégalités, sur l’hôpital public et notre système de santé.
  • affirme son refus de voir la dette publique instrumentalisée pour imposer une nouvelle cure d’austérité
  • considère que l’objectif doit être de réduire l’emprise des marchés financiers sur les politiques publiques par : 1. un audit citoyen sur la dette 2. une restructuration et une annulation partielle de la dette détenue par la BCE en fonction d’objectifs écologiques 3. le financement monétaire des dépenses publiques prioritaires 4. la réduction de la dette détenue par les créanciers étrangers.
  • propose de remplacer l’injuste CRDS par une CRDC (Contribution au remboursement de la dette Covid) payée par les plus riches et les grandes entreprises dans un souci de justice fiscale.

Ces revendications ont été détaillées dans la note « Qui doit payer la dette Covid ? »

Attac publiera ce vendredi une tribune dans Libération, signée par de nombreux économistes, artistes, responsables associatifs et syndicaux.

Source https://france.attac.org/actus-et-medias/salle-de-presse/article/refusons-l-instrumentalisation-de-la-dette-pour-imposer-de-nouvelles-politiques?pk_campaign=Infolettre-2760&pk_kwd=france-attac-org-actus-et-medias

Destituer la dette pour construire la démocratie

 Par Gilles Grégoire Permanent au CADTM Belgique et membre d’ACiDe


 

Alors qu’elle fait partie de notre quotidien depuis toujours, la dette est devenue un concept abstrait, inaccessible, purement technique et, par conséquent, totalement dépolitisé. Qu’on parle de dette publique ou de dette privée, il semble établit que « une dette ça se rembourse » et point à la ligne. Or, les dettes ont aujourd’hui colonisé chaque recoin de l’économie mondiale. Elles servent de prétexte à des pratiques qui génèrent d’importants bénéfices pour certaines personnes et ont des conséquences dramatiques pour beaucoup d’autres. Il est dès lors fondamental de repolitiser l’enjeu de la dette, d’en questionner la légitimité et de mettre en place des outils qui permettent d’exercer sur elle, ainsi que sur l’ensemble des finances publiques, un réel contrôle citoyen.

  Sommaire
  • Les deux faces de la dette
  • La dette comme outil de domination et de transfert des richesses
  • Le règne de la dette
  • L’institution imaginaire de la dette
  • Au-delà de la dette, la nécessité d’une réappropriation collective des finances (…)

Les deux faces de la dette

Dans l’imaginaire collectif, la dette fait partie des concepts qui appartiennent, à la fois, à la réalité concrète et immédiatement tangible du quotidien et à la nébuleuse de notions qui peuple le langage des « experts ». Ceux-ci nous répètent régulièrement son importance fondamentale dans notre économie mais n’en rendent pas pour autant son lien avec nos vies plus évident. D’un côté, il y a les dettes auxquelles nous devons faire face tous les jours : les emprunts pour la maison, la voiture, et pour certain·e·s de plus en plus nombreuses/eux, pour pouvoir faire les courses, pour le minerval à payer en plusieurs mensualités, la facture d’abonnement téléphonique, la tournée de bière due après celle offerte par les autres, etc. De l’autre, il y a les dettes dont il est question dans les médias- la dette publique (grecque, belge, ou autre), la « bulle de dettes privées », les titres (actions, obligations et produits dérivés) en circulation sur « les marchés » et détenus par les hedges funds, banques d’investissement, banques centrales et fonds vautours– et qui semblent au centre des préoccupations des décideurs politiques mais dont personne, en ce compris ces mêmes décideurs politiques, ne semble pouvoir/vouloir expliquer d’où elles viennent, qui les détient ni pourquoi elles sont dues.

L’utilisation de la dette comme outil de transfert de richesses et de soumission des classes laborieuses n’est pas une pratique récente

Si, dans son premier aspect, la dette nous apparaît comme un concept évident, c’est parce qu’elle fait partie des sociétés humaines depuis aussi longtemps qu’elles existent. Elle précède de très loin la naissance du capitalisme et même l’invention de la monnaie et du commerce. « Si je te donne quelque chose, tu me dois quelque chose en retour » résume le concept de la dette mais aussi de l’échange lui-même. On pourrait donc dire que la dette peut [1] se retrouver à la base même du fait social. Si elle est également devenue un sujet aussi abstrait qu’inaccessible, c’est pour deux raisons :

  • Parce que d’une pratique quotidienne ancestrale, banale et impliquant clairement un esprit de réciprocité, elle s’est transformée en un outil de domination sociale et de transfert des richesses globalisé,
  • Parce qu’elle a colonisé en profondeur chaque recoin de l’économie mondiale.

La dette comme outil de domination et de transfert des richesses

L’utilisation de la dette comme outil de transfert de richesses et de soumission des classes laborieuses n’est pas une pratique récente. Depuis des siècles, les soubresauts de la démocratie ont régulièrement été liés au niveau d’endettement des populations. Quand celui-ci devenait trop élevé et qu’une partie importante du peuple était réduite à la servitude au profit de quelques créanciers, cela débouchait sur des révoltes et, au final, sur des annulations de dettes, parfois accompagnées de la chute de la hiérarchie sociale en place. Ainsi, ces annulations de dettes périodiques sont inscrites dans de nombreuses cultures comme condition de l’équilibre social, et pendant 4000 ans, en Europe également [2]. L’Histoire raconte par exemple que la démocratie athénienne (quelle qu’imparfaite qu’elle fut) naquit, en -594, de manière concomitante à la révolte du peuple de la cité (les « demos ») très largement endetté, contres ses créanciers et à l’interdiction de l’esclavage pour dette (qui réapparut bien sûr par la suite). Les révoltes populaires en cours au Liban, au Chili, au Honduras, en Haïti, au Soudan, en Équateur mais aussi en France et en Belgique avec les Gilets jaunes, et qui se cristallisent autour du « coût de la vie » trop élevé et le rejet de la classe dominante, s’inscrivent manifestement dans cette même lignée.

Quand il commença à s’imposer il y a cinq siècles, le capitalisme sut s’appuyer efficacement sur le système de domination par la dette, au point que ce dernier devint l’un de ses rouages fondamentaux. Dans la seconde moitié du XXe siècle, la dette permit le maintien de l’exploitation des populations du Sud par les ex-puissances coloniales. Les dettes contractées par les colonisateurs auprès de la Banque mondiale dès 1950, indispensables aux métropoles européennes pour maximiser l’exploitation de leurs colonies, ont ensuite été transférées aux peuples colonisés au moment de leur accession à l’indépendance. Les nouveaux dirigeants étaient priés d’obtempérer, sous peine de disparition violente (pensons à Patrice Lumumba et à Thomas Sankara). Une indépendance de façade donc, concédée tel un cadeau empoisonné accompagné d’un transfert de la dette coloniale, opéré sans le consentement des pays concernés [3]. Aujourd’hui encore, les grands pays créanciers s’assurent de la sauvegarde de leurs intérêts dans le Sud au sein du « Club de Paris » [4] et avec l’appui de la Banque mondiale et du FMI. Les réformes qu’ils imposent aux pays du Sud, en échange de quelques ajustements sur leur dette, contraignent ces derniers à libéraliser au maximum leurs économies et à construire celles-ci sur la base d’exportations massives de matières premières, mettant ainsi en péril le cadre de vie et la souveraineté alimentaire des populations locales.

La dette publique est devenue le prétexte n°1 pour imposer la réduction des dépenses publiques (via les privatisations et les partenariats publics-privés), ainsi que la dérégulation des marchés et la « flexibilisation » des normes du travail

Comme en témoigne l’exemple de la Grèce, ce chantage ne s’applique plus uniquement aux populations du Sud mais également à celles du Nord. Partout, la dette publique est devenue le prétexte n°1 pour imposer la réduction des dépenses publiques (via les privatisations et les partenariats publics-privés), ainsi que la dérégulation des marchés et la « flexibilisation » des normes du travail qui ne bénéficient in fine qu’aux grandes entreprises, au mépris de toute notion d’intérêt général. Les banques elles aussi, sont parmi les grandes gagnantes de ce mécanisme. En effet, après avoir vu leurs bilans s’effondrer lors de la crise financière de 2008, leurs dettes ont été transférées aux États, via les différentes phases des sauvetages bancaires et ce sont à nouveau elles qui, aujourd’hui, conditionnent le financement des États aux efforts budgétaires qu’ils fournissent. On assiste donc à une « socialisation des pertes » suivie d’une « privatisation des profits » en trois étapes :

  1. La dette privée créée par la spéculation des institutions financières et des grandes entreprises forme une bulle qui finit par leur éclater à la figure.
  2. Les ménages et les PME sont les premières victimes alors que les États s’endettent pour sauver les responsables.
  3. Une fois que les banques sont sauvées et recommencent à générer du profit, elles sont remises dans les mains des actionnaires privés (les plans qui concernent Belfius en sont un parfait exemple [5]) et le reste de la population est prié de se serrer la ceinture pour espérer relancer la croissance (c’est-à-dire la productivité des entreprises) au prétexte de sauver l’emploi.

Le règne de la dette

Ce schéma de transfert de richesses de la population vers les détenteurs de capitaux via l’endettement n’est donc ni récent ni accidentel mais la financiarisation de l’économie l’a fortement étendu et renforcé.

La financiarisation du capitalisme implique, par rapport à la phase industrielle qui la précédait [6], un recours généralisé de la part des entreprises mondialisées et des États à l’endettement pour assurer leur financement. Ces dettes -et les produits financiers qui peuvent en être dérivés– étant ensuite massivement achetées et revendues sur ce qu’on appelle « les marchés ». Ce système est hautement instable puisque basé sur des spéculations -parfois contradictoires- et à l’avantage unique et manifeste des détenteurs de capitaux. Les capitaux émis par les très grandes entreprises (leurs actions) sont donc généralement davantage considérés par leurs propriétaires comme des valeurs mobilières (échangeables et valorisables) assorties d’un droit de créance, plutôt que comme des titres de propriété, comme c’était le cas avec le capitalisme industriel. Cela signifie entre autres qu’ils ne sont pas utilisés pour augmenter la valeur réelle de l’entreprise mais pour augmenter à (très) court terme la valeur fictive du titre en tant que tel pour espérer engranger un maximum de profits en le revendant. Bien entendu, cela n’empêche pas les actionnaires d’exiger dans le même temps les plus hauts rendements pour leurs dividendes. À l’évidence, ce type de gestion des grandes entreprises se moque allègrement de son impact sur la société et l’environnement et va totalement à l’encontre de la pérennité même des entreprises, en les conduisant invariablement à mener de nombreuses phases de « restructuration » jusqu’à finalement déposer le bilan, être absorbées par une entreprise plus grande et plus pérenne, ou à être emportées par le prochain choc boursier.

Non, une dette ne se rembourse pas par principe et sous n’importe quelle condition

Le droit de propriété étant forcément inexistant sur les biens publics, ces derniers sont dès lors, soit purement et simplement détruits pour laisser la place aux grandes entreprises privées [7], soit privatisés pour permettre aux détenteurs de capitaux, en plus de retirer les bénéfices réels que pourraient générer ces biens, d’influer sur leur valeur spéculative et ainsi augmenter les profits qu’ils en retireront. Au bout du compte, la privatisation des services publics et leur marchandisation conduisent à une réduction importante de l’accès à ces services et contraignent les ménages à recourir eux-mêmes davantage à l’endettement pour subvenir à leurs besoins fondamentaux ou pour rembourser les dettes qu’ils avaient déjà (tels leurs emprunts hypothécaires). Ces nouvelles dettes (et leurs produits dérivés) gonflent encore le transfert de richesses vers les créanciers et sont, elles aussi, sujettes à leurs jeux spéculatifs. Cette véritable « accumulation par expropriation » [8] est bien entendu également alimentée par les injustices fiscales. Enfin, comme dit plus haut, lors des éclatements inévitables et répétés de ces gigantesques bulles de crédits (tel qu’en 2007-2008 et, de plus en plus probablement, dans un futur proche [9]), la charge des pertes colossales enregistrées par les créanciers est reportée sur les débiteur/trice·s, c’est à dire sur les États et in fine, sur la population. Ce système d’accaparement massif basé sur la spéculation et la vampirisation des ressources et des produits de l’économie par le capital est par essence anti-démocratique et destructeur des droits sociaux et de l’environnement.

L’institution imaginaire de la dette

C’est précisément parce la dette constitue à ce point un pilier de l’économie capitaliste financiarisée qu’elle est si peu abordée en terme concrets. La dette, comme d’autres institutions sur lesquelles le système politique et économique base sa légitimité, est aujourd’hui instituée comme un état de fait, dépolitisé dont on ne débat qu’à propos d’aspects techniques sans aborder son bien-fondé, sa légitimité en tant que telle. « Une dette ça se rembourse » et point à la ligne. Or, lorsque le mantra a remplacé la réflexion, lorsque l’objet de discussion est devenu un symbole inerte qui se suffit à lui-même et sert à justifier l’injustifiable, le bon sens oblige de le destituer pour le requestionner, le politiser à nouveau et évaluer son fondement. Non, une dette ne se rembourse pas par principe et sous n’importe quelle condition. Encore faut-il, au minimum, prouver qu’elle est effectivement due. Et, ensuite, évaluer ce qu’implique son remboursement. Si cela semble couler de source, c’est pourtant au discours inverse auquel la population est confrontée par les créanciers et les États.

La dette n’est pas une question strictement technique ou budgétaire, c’est un enjeu éminemment politique

Le fait qu’il y ait aujourd’hui une montagne de dettes privées et publiques ne peut rationnellement s’expliquer par le seul fait que « nous » aurions « vécu au-dessus de nos moyens » . Ces dettes ont des origines définies, sont détenues par des personnes physiques ou morales identifiables qui en retirent un profit chiffrable, ont été contractées dans des conditions et à des fins dont la légitimité peut être débattue et, qui plus est, servent globalement une fonction précise. Et dès lors, une fois ces paramètres questionnés, le bien-fondé de leur remboursement peut et doit également être évalué. La dette n’est pas une question strictement technique ou budgétaire, c’est un enjeu éminemment politique.

 Au-delà de la dette, la nécessité d’une réappropriation collective des finances publiques

Quelle prise alors avons-nous sur cet enjeu pour le ramener au centre du débat et en questionner la légitimité ? Et, quand bien même parviendrions-nous à faire entamer ce débat et à destituer symboliquement l’enjeu de la dette, comment pourrions-nous réellement venir à bout de ce système de domination ? Car si la dette est un pilier fondamental du capitalisme financiarisé, c’est bien de ce dernier dans son ensemble qu’il faut venir à bout et dont la résistance, quand on s’attaque à l’un de ses fondements, n’est pas à démontrer.

Bien sûr, il n’y a pas de formule magique, ni d’alternative qui tienne d’un bloc. Il y a par contre des outils modestes, souvent fragiles mais toutefois efficaces et qui se basent sur les principes clés que sont notamment la reconstruction de communautés locales actives et porteuses de débats, la revendication d’accès direct au pouvoir politique et de son contrôle et la construction de contre-discours. L’audit citoyen de la dette en fait partie. Celui-ci consiste à rassembler, principalement à l’échelle locale mais parfois aussi à des niveaux plus larges, des citoyennes et citoyens qui décident de se réapproprier les comptes publics. Elles et ils exigent des autorités politiques qu’elles leur délivrent les informations nécessaires (et rendues intelligibles) pour analyser l’origine des dettes réclamées à leur commune (ou région, ou État), les conditions dans lesquelles elles ont été contractées, qui les détient et si elles ont profité à l’intérêt général ou non. Il s’agit d’un réel combat vu d’une part la réticence des autorités à délivrer les informations nécessaires à ce travail (bien que, en Belgique, la loi les y oblige) et d’autre part, la difficulté à mobiliser autour de la question de la dette. Mais lorsqu’ils y parviennent, ces groupes produisent des recherches qui sont parfois en mesure de réellement mettre à mal l’argumentaire défendant la légitimité du remboursement de la dette [10].

Mais puisqu’il ne s’agit pas seulement de susciter le débat mais de mettre en place de réelles pratiques démocratiques à l’encontre du pouvoir financier et de ne pas se limiter à la dette mais d’initier une réelle réappropriation collective de l’enjeu du financement du bien commun, il importe de considérer cet outil qu’est l’audit citoyen dans une fonction plus large. Celle d’un réel contrôle citoyen permanent sur les finances publiques dans leur ensemble [11]. En ce sens, il s’agit de construire des communautés locales de personnes et d’associations (allant des groupes militants au club de foot local en passant par les maisons de jeunes) s’alliant pour exercer ce contrôle et pour faire poids ensemble sur les autorités publiques pour rendre ce contrôle effectif. La mise en place d’un système réellement démocratique, instaurant une égalité effective entre les individus et leur garantissant une réelle liberté passe nécessairement par une refonte radicale du système économique et de son paradigme productif. L’échelon local est à la base de tout changement profond de société qui puisse être réellement démocratique. De plus, en Belgique, 40 % des investissements publics sont portés par les communes. Bien que le niveau de pouvoir soit « à la base », sa réappropriation aurait des effets conséquents. Si d’autres alternatives sont bien entendu nécessaires aux niveaux de pouvoir supérieurs, pour s’attaquer à l’enjeu de la dette dans une perspective de réappropriation démocratique des finances, c’est par l’échelon local qu’il faut commencer. Le chantier est ouvert.

Pour plus d’informations sur les audits citoyens en Belgique : www.auditcitoyen.be

Cet article reprend plusieurs extraits du Cahier de revendications communes sur la dette et la nécessité d’un réel contrôle citoyen sur la finance au niveau européen.


Article extrait du magazine AVP – Les autres voix de la planète, « Des audit pour démonter la dette » paru en décembre 2020. Magazine disponible en consultation gratuite, à l’achat et en formule d’abonnement.

Cet article a été initialement publié dans la revue Bruxelles Laïque Echos n°107 – L’économie de la critique. La version numérique de cette revue est disponible à cette adresse : https://issuu.com/bxllaique/docs/ble107

Notes

[1] « Peut » se retrouver car, bien entendu, l’acte de donner indépendamment de toute réciprocité constitue lui aussi la base de l’acte social.

[2] Voir la présentation « À qui profite la dette » du collectif ACiDe Liège et le livre d’Éric Toussaint, Le Système dette. Histoire des dettes souveraines et de leur répudiation, français, Les Liens qui libèrent, 2017.

[3] « Dettes coloniales et réparations », Trimestriel Les Autres Voix de la Planète, n°76, CADTM, 1er trimestre 2019.

[4] Maud Bailly, « Quel est le rôle du Club de Paris ? », CADTM, 2017.

[5] Voir le manifeste de la plateforme Belfius est à nous sur http://www.belfiusestanous.be/manifeste/

[6] La phase de financiarisation n’étant que la suite logique du même système une fois qu’il se mondialise et qu’il ne rencontre plus d’obstacles à sa circulation.

[7] Souvent progressivement, en réduisant de plus en plus leur financement, et donc leur efficacité, pour au final justifier leur remplacement par des services privés au prétexte que ces derniers seraient plus performants.

[8] Selon l’expression de l’économiste David Harvey.

[9] Lire les deux articles d’Eric Toussaint, « Panique à la Réserve Fédérale et retour du Credit Crunch sur un océan de dettes », CADTM, septembre 2019 et « Retour sur la panique à la Réserve fédérale en septembre 2019 et les solutions à la crise », CADTM, octobre 2019

[10] Le travail du Réseau municipaliste contre la dette illégitime et les coupes budgétaires en est un bon exemple. En Belgique, le travail du groupe local de Liège de la plateforme ACiDe (Audit Citoyen de la Dette) le démontre aussi. Voir la brochure 15 choses que vous devriez savoir sur la dette de Liège sur http://www.auditcitoyen.be

[11] Si le mot « réel » est ici utilisé, c’est pour souligner que le modèle « participatif » proposé par certains partis à l’heure actuelle est hautement insuffisant pour prétendre à l’exercice d’une réelle démocratie et pour garantir la sauvegarde de l’intérêt public dans les choix politiques.

Auteur.e Gilles Grégoire  Permanent au CADTM Belgique et membre d’ACiDe

Source https://www.cadtm.org/Destituer-la-dette-pour-construire-la-democratie

En Grèce, la colère monte

En Grèce, la colère monte contre le gouvernement du fric, des flics et des passe-droits  par A. Sartzekis

Plus d’un an et demi après son retour au pouvoir, la droite ultralibérale de Kyriakos Mitsotakis, dont la seule compétence reconnue est d’être le fils d’un dirigeant historique de la droite, est l’objet d’un début de remise en cause. Sa période de « gouvernement des meilleurs », thème sur lequel les médias aux ordres le glorifiaient, semble achevée. La colère populaire enfle contre toute une série de mesures et de provocations de ce gouvernement de copains et de coquins.

Feu sur le service public d’éducation

Les protestations les plus massives ces dernières semaines concernent l’éducation, avec bien sûr les très fortes mobilisations de tout le monde universitaire, appuyées par le mouvement ouvrier, contre la loi de casse de l’université et de contrôle policier des étudiants (voir notre précédent article). Sans surprise, la loi a été votée la semaine passée, par 166 voix contre 132, les députés de droite se voyant renforcés par le groupuscule Elliniki Lysi (Solution grecque), successeur des nazis de Chryssi Avgi (Aube dorée). La vraie surprise a été la force des manifs, dont celles du mercredi et du jeudi, jour de vote. Cela comme un défi jeté aux diktats du ministre de l’intérieur. La mesure phare de la loi est la création d’un coûteux corps de flics dans les universités, et si on a le moindre doute sur leur caractère pacifique annoncé, il suffit de voir la violence avec laquelle les MAT (CRS grecs) ont frappé les manifestant-e-s pour n’avoir aucun doute sur les intentions du gouvernement. À Tsipras qui protestait contre la création de ce corps, Mitsotakis a osé répondre : « Ce n’est pas la police que nous introduisons à l’université, c’est la démocratie ». On imagine le commentaire d’un Coluche : « Ah, tu la verrais, la gueule de la démocratie ! »…

Dans la presse française on s’émeut un peu de cette mesure, sauf dans Ouest-France, qui a réussi à dénicher un obscur professeur disant tout le bien qu’il pense des flics dans les facs. Alors que l’immense majorité du monde universitaire est vent debout devant cette (ruineuse) création digne des dictatures (admirées par certains membres de ce pouvoir) et que même l’un des universitaires les plus connus de la droite pour avoir fait intervenir les flics contre les étudiantEs de la fac de droit d’Athènes se prononce clairement contre cette mesure !

Par contre, les articles de la presse française oublient le fond de la réforme : comme on l’a expliqué, c’est tout le système relativement ouvert de l’université grecque qui est cassé avec la loi votée, excluant des milliers d’étudiantEs du droit aux études et privilégiant les boites privées, dont les patrons sont des copains du pouvoir. C’est contre cette casse de l’université que les mobilisations ont eu lieu et continueront. Pour beaucoup d’entre eux, les ministres aux commandes, enfants de la bourgeoisie n’ayant jamais mis les pieds dans une école publique ni dans une université grecque,  ont un objectif clairement assumé : ils veulent casser l’éducation nationale de la maternelle à l’université, pour la remettre à leurs amis patrons, et dans la foulée de la loi université, la ministre Kerameos prépare une loi sur l’autonomie et la décentralisation du système scolaire, évidemment coupée de toute préoccupation pédagogique. L’objectif serait tout bonnement que les établissements imposent leur auto-financement, avec appel aux sponsors locaux, en faisant dépendre ces établissements du point de vue administratif et programmatique des institutions locales, en gros les offrant aux besoins du patronat local, avec recrutement local du personnel… Blanquer battu sur son propre terrain par des idéologues forcenés de la marchandisation de l’école et de l’asservissement de ses personnels. De riches mobilisations en perspective…

L’incompétence au pouvoir

Mais l’éducation n’est pas le seul secteur où la colère s’exprime. Face à la pandémie, ce gouvernement fait preuve d’une rare incompétence. Si au printemps, la Grèce avait été relativement épargnée depuis la fin de l’été (non pas grâce à une bonne gestion comme l’ont chanté les valets des médias aux ordres, mais grâce à un effet moindre du virus dans tous les Balkans), l’épidémie frappe maintenant très fort. Au lieu de répondre aux exigences de recrutement du personnel soignant — il manque des milliers de médecins dans les hôpitaux et les centres de santé — la droite a décidé de baisser le budget de la santé. Cela alors que celui de l’armée est en nette hausse et qu’il dépense 2,5 milliards pour l’achat de 18 Rafale…  De plus, les mesures prises exaspèrent de plus en plus de monde : à peine rouverts, les magasins doivent refermer brutalement. Les écoles étaient restées ouvertes, puis les collèges ont rouvert une semaine — mais pas les lycées — et depuis quelques jours, tous les établissements ont été fermés, sans qu’il soit donné satisfaction à l’exigence de 15 maxi par classe (dans les villes, les effectifs peuvent atteindre une trentaine avec des salles souvent mal conçues). En prime, la mal nommée « Nouvelle Démocratie » de Mitsotakis s’offre des passe-droits de plus en plus choquants : alors que la vaccination piétine, on a vu des cadres de la droite arriver dans leurs grosses berlines pour se faire vacciner sans aucun droit, et le Premier ministre lui-même multiplie ce qu’il ne perçoit même pas comme des provocations : alors qu’un guide de randonnée ayant organisé une excursion avec des participants espacés chacun de plusieurs centaines de mètres reçoit une amende de 5 000 euros, Mitsotakis se fait prendre en photo en montagne avec d’autres cyclistes ne portant pas de masques et mange avec des dizaines de compères dans la maison d’un député de l’ile d’Icaria. Bilan d’Icaria : des huées populaires, que les télés amies ont essayé de cacher, pendant que le ministre Voridis (ancien secrétaire des jeunesses de la junte des colonels…) expliquait que les Icariens voulaient exprimer leur amour pour le Premier ministre et c’est pour cela qu’ils l’avaient invité à venir manger… Cela donne une idée du niveau politique sous cette « nouvelle démocratie ».

La répression et l’appui de l’extrême droite comme seules bouées

Dépourvus de toute stratégie politique alors que la crise s’approfondit dans le pays, ce pouvoir croit pouvoir faire dépendre sa crédibilité avant tout de la propagande assénée par la grande majorité des médias propriétés de ses riches copains, mais même si l’opération bourrage de crâne est massive, des failles se forment dans la grande presse bourgeoise : renvoi d’une rédactrice en chef pour un avis critique, démission d’une autre, les deux très connues.  Avec un Premier ministre qui a placé la télé-radio publique ERT sous son contrôle direct, ce pouvoir semble n’avoir qu’une crainte : voir une opposition populaire se développer, et contester son pouvoir. Alors, sa réponse principale, c’est la répression, ce qui vaut d’ailleurs à ce gouvernement de voir le pays désormais classé parmi les « démocraties défectueuses » dans le classement du magazine The Economist. Et bien sûr, cela s’accompagne d’une politique raciste envers les réfugiéEs et de clins d’œil appuyés à l’extrême droite : d’un côté, on refuse au prisonnier politique Dimitris Koufodinas de retrouver la prison dont on l’a extrait pour le confiner sans raison dans une autre ; de l’autre côté, les criminels nazis Pappas et Lagos sont en liberté et un Papavassiliou, condamné à six ans de prison, a vu sa demande de libération satisfaite après quatre mois d’emprisonnement…

Autre preuve d’un autoritarisme qui rappelle aux ancienEs la junte fasciste des colonels (1967-1974) : dans le projet de loi sur l’université était caché un article tentant de criminaliser les paroles de chansons qui pouvaient être assimilées à un éloge du terrorisme… Rage et éclats de rire du côté des artistes, la moindre chanson pouvant comporter des paroles relevant d’un tel soupçon ! Et du coup est née une mobilisation de centaines de chanteurs et chanteuses connus ou pas : résultat, le gouvernement a été obligé de retirer cet article, ce qui constitue une victoire importante et prouve qu’on peut gagner contre ce pouvoir. Ainsi, rien que le fait d’avoir tenu des manifs interdites avec des milliers de manifestantEs contre la loi université est en soi une grande victoire, qui donne le punch pour la suite.

La suite ? À droite, des fissures commencent à apparaître, d’un côté avec les courants les plus nationalistes (l’ancien Premier ministre Antonis Samaras), de l’autre avec la vieille droite caramanliste qui s’inquiète de l’orbanisation du pouvoir et de ses conséquences, ne serait-ce que la radicalisation du mouvement de masse face à ce pouvoir anti-démocratique. Malheureusement, même si le journal de NAR, la principale organisation de la gauche anticapitaliste, titre que les jours de la domination de ce gouvernement sont comptés, les perspectives à gauche sont pour l’instant bouchées, ce qui d’ailleurs renforce le rôle du mouvement de masse et devrait pousser la gauche radicale et révolutionnaire à sortir de ses réflexes d’auto-affirmation peu utiles pour offrir des perspectives crédibles à gauche, à gauche vraiment !

Athènes, le 16 février 2021

Source https://nouveaupartianticapitaliste.org/actualite/international/en-grece-la-colere-monte-contre-le-gouvernement-du-fric-des-flics-et-des

Grèce : riche ou pauvre, le point de non-retour.

Avec 3,7 millions de personnes, soit 34,8% de sa population sous le seuil de pauvreté, la Grèce se positionne de plus en plus haut dans le classement des pays où les inégalités sont les plus élevées. Des inégalités fruits de nombreux domaines négligés depuis des années par les gouvernements successifs.

Des riches toujours plus riches et des pauvres toujours plus pauvres… C’est le triste constat de la Grèce d’aujourd’hui. Le pays est même actuellement en lice pour le triste trophée du pays européen où la pauvreté a le plus progressé. Bien que de nombreuses actions de solidarité ont été mises en place à Athènes, notamment avec la structure d’accueil d’urgence Kyada, sorte de pharmacie sociale, ou encore le programme d’aide alimentaire et médicale, « Help at home », la misère ne cesse de progresser.

Depuis les mesures plus que drastiques imposées par l’Union européenne et le FMI (fonds monétaire international) depuis plus de 10 ans, dans le cadre d’un plan de sauvetage des fonds publics, la Grèce est plongée dans une austérité effrayante.

Plus d’un tiers de la population vit sous le seuil de pauvreté (aux alentours de 370 euros par mois), et un nombre alarmant de personnes sont sans abris. Seules la Bulgarie et la Roumanie rivalisent avec la Grèce dans ce domaine-là. Ces inégalités de richesse creusent un fossé de plus en plus grand entre les personnes riches et les pauvres. Et comme si cela ne suffisait pas, la pandémie de Covid-19 frappant l’Europe depuis le début de l’année dernière, a encore plus aggravé les différences de richesses…le coronavirus en grave accélérateur de pauvreté.

Des riches encore plus riches
Le seul domaine non touché par l’épidémie est le transport de marchandises maritime. Les confinements successifs et les restrictions de déplacement imposés à la population ont permis aux armateurs grecs de voir leurs chiffres d’affaires doubler voire tripler pendant la pandémie.

D’autant que la Grèce compte les compagnies parmi les plus importantes du monde dans le domaine du transport maritime. Quatre hommes tiennent aujourd’hui le haut du pavé en matière de nombre de bateaux : J.Angelicoussis, G.Procopiou, P. Livanos et G.Economou. Le quatuor contrôle une fortune combinée de 8,6 milliards de dollars avec une augmentation de leurs revenus de 40 pc dans la dernière année, selon l’indice Bloomberg Billionaires.

Des résultats qui démontrent clairement que les armateurs qui possédaient déjà une activité très lucrative, s’enrichissent de plus en plus grâce au virus, mais aussi à l’aide des lois fiscales permissives du gouvernement autour de leurs activités.  Ces armateurs ne se montrent pas particulièrement préoccupés par la situation de la Grèce « En Grèce il n’y a rien à faire ou à transporter », confie même l’un d’eux. Ils refusent, même, comme d’un seul bloc que l’on revienne sur le statut fiscal (statut des armateurs protégé par l’article 107 de la Constitution) dont ils bénéficient dans le pays, sinon, ils brandissent la menace de la délocalisation.

Le pays possède l’une des plus grandes flottes marchandes du monde, totalisant un tonnage de 173 Mt de jauge brute. Le pays précède Singapour (136 Mt), le Japon et la Chine (chacun à 120 Mt). Une activité représentant plus de 6% du PIB (produit intérieur brut) de la Grèce.

La Grèce, une usine à pauvreté ?

Une telle question ne devrait pas être soulevée, et pourtant, il est désormais légitime de la poser. Cependant même si les conditions de vie et de santé des Grecs sans domicile, et des personnes vivant sous le seuil de pauvreté en général, sont très peu connues, faute de chiffres et d’études menées par le gouvernement et les instituts de recherches du pays, il est clair que celles-ci vont se dégrader inexorablement. Depuis une dizaine d’années, ce n’est pas moins de 80% des ménages qui ont subi une baisse importante de leurs revenus.    Les moins aisés continuent de s’enfoncer continuellement et sans bruit dans la détresse.

Plusieurs instances européennes et internationales comme l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) ont d’ores et déjà invité Athènes à se concentrer en priorité à la lutte contre la pauvreté.

Un point de non-retour ?

Alors bien sûr que la Grèce n’a pas encore atteint un point de non-retour, seulement si rien ne change, le pays court droit à une hécatombe sociale. Les responsables politiques l’ont bien compris comme en atteste la déclaration du maire d’Athènes, Kostas Bakoyannis, lors de la Journée Internationale pour l’élimination de la pauvreté :

« La lutte pour éradiquer la pauvreté est un marathon. Il faut avoir la foi dans les valeurs de solidarité et d’humanité. (…). Tout cela nous donne la force de continuer, de tout faire pour faire d’Athènes une ville humaine. Pour que personne ne soit jamais laissé seul ».

Cependant le défi reste malgré tout immense pour les responsables politiques, surtout dans un pays où le taux de chômage (16,5%) est le plus élevé d’Europe et où l’économie a chuté de plus de 8% en 2020.

Texte : Thibeault Segalar

Source https://lepetitjournal.com/athenes/grece-riche-ou-pauvre-le-point-de-non-retour-298995

Soignants « De héros à méchants »

De « héros » à « méchants »… Le gouvernement grec persécute les syndicalistes du secteur de la santé en raison de leur activité politique

Un an auparavant, le Premier ministre grec Kyriakos Mitsotakis et les membres de son gouvernement faisaient l’éloge des médecins, les « héros de la santé » comme ils les appelaient, pour leur lutte contre la pandémie de coronavirus. Le gouvernement avait même exhorté le peuple à montrer sa reconnaissance aux professionnels de la santé du pays en les applaudissant de leur balcon.

Mais, apparemment, les travailleurs de la santé sont des « héros » tant qu’ils gardent le silence et ne se battent pas pour les droits de leurs collègues et de la société. Récemment, la présidente de la Fédération nationale des médecins des hôpitaux publics (OENGE) Afroditi Retziou a reçu une convocation pour u interrogatoire de la police grecque, car la Fédération s’est mobilisée et a organisé des manifestations pour exiger du gouvernement le recrutement de médecins, ainsi que davantage de matériel de protection et de mesures de sécurité pour les travailleurs de la santé !
Dans une déclaration concernant sa convocation par la police, Mme Retziou a déclaré

« Le combat que mènent les médecins hospitaliers, tous les travailleurs de la santé, est un combat pour la protection de la santé et de la vie de notre peuple, un combat pour la défense de nos droits et de notre dignité. Peu importe le nombre de lois qu’ils voteront, peu importe le nombre de mécanismes répressifs qu’ils utiliseront, ils ne nous intimident pas et ne nous terrorisent pas.

Nous continuerons à accomplir notre tâche, celle qui nous est dictée par notre conscience.

S’ils pensent que nous resterons silencieux en ne faisant rien face au crime continu contre la santé et la vie de nos patients, ils se trompent profondément ».
Afroditi Retziou n’est pas le seul cas. D’autres syndicalistes du secteur de la santé ont reçu des appels de la police afin de « s’excuser » pour leur activité militante.

En pleine pandémie de Covid-19, il s’agit d’une autre action provocatrice du gouvernement conservateur de la DS qui cherche à faire taire toute voix qui révèle les pénuries tragiques dans les hôpitaux et, de manière générale, la dangereuse politique gouvernementale qui risque la vie de milliers de personnes.

Comme le souligne pamehellas.gr, « le gouvernement, face à la troisième vague de la pandémie, un an après son déclenchement, a financé des milliards de dollars aux grandes entreprises, aux groupes de tourisme et aux compagnies aériennes. Ils ont couru pour acheter du matériel de police et de répression et veulent faire venir des milliers de gardes spéciaux, de caméras et de policiers dans les universités, le métro, et partout où ils peuvent imaginer. Mais ils insistent pour ne pas engager de chauffeurs pour les transports publics, d’enseignants pour les écoles, et de personnel médical pour les hôpitaux !

Afin de défendre sa politique barbare qui sacrifie la vie et la santé du peuple pour le profit de quelques-uns, elle lance un mécanisme d’intimidation et de répression contre ceux qui s’y opposent. Comme le Talon de fer, il légifère des mesures de jour et de nuit contre quiconque se bat et revendique, interdit les manifestations, cherche à faire taire et intimider toute voix exigeante ».

Les persécutions et les intimidations ne passeront pas et la lutte des travailleurs dans tous les secteurs se poursuivra et s’étendra.

Source http://mouvementcommuniste.over-blog.com/2021/02/de-heros-a-mechants.le-gouvernement-grec-persecute-les-syndicalistes-du-secteur-de-la-sante-en-raison-de-leur-activite-politique.htm?fbclid=IwAR2Ew-es0l4YGTTLrL0tfPzw9mUcuPev2TGDo8E_-qHzBuK5pVKBONfDSb8

Pour un véritable service public de l’énergie

Consensus politique et syndical pour que EDF soit un service 100% public

La mobilisation ne faiblit pas contre « Hercule », le projet de démantèlement d’EDF. Alors qu’une nouvelle action des agents EDF est prévue ce 28 janvier, un collectif national « Pour un véritable service public de l’énergie ! » a vu le jour en début de semaine.

Une fois n’est pas coutume, le sujet fait consensus au niveau syndical, et en partie dans le paysage politique. Réunissant des partis politiques, associations et syndicats, un collectif national « Pour un véritable service public de l’énergie ! » appelle au retrait du projet Hercule, porté par le gouvernement. Ce projet prévoit de scinder EDF en plusieurs entités, pour en livrer une partie au secteur privé. « Le projet Hercule s’inscrit dans une logique strictement financière, dénonce le collectif. L’avenir énergétique du pays étant intimement lié à celui d’EDF, il nous paraît indispensable que son avenir et sa mobilisation au service des enjeux énergétiques et climatiques fassent l’objet d’un véritable débat social et démocratique avec l’ensemble des citoyens. » Le collectif réclame l’arrêt du projet et un véritable débat public sur le secteur de l’énergie.

Des élu.es de droite et de gauche engagé.es pour le service public de l’énergie

La création de ce collectif fait suite à plusieurs mois (et même années) de mobilisations – des agents EDF notamment – pour tenter d’enrayer la destruction du service public de l’énergie, déjà mis à mal par la transformation de EDF en société anonyme en 2004. Le 19 janvier dernier, la grève – la quatrième depuis fin novembre – a de nouveau été très suivie par les agents. Le mot d’ordre, unanime, de l’intersyndicale réunissant CGT, CFDT, CGC et FO était la demande de retrait du projet Hercule. En soutien à cette mobilisation, l’intersyndicale d’EDF-hydro (CGT, CFDT, CGC, FO, SUD), secteur qui s’occupe des barrages, et du secteur recherche et développement ont organisé une action d’éducation populaire en distribuant gratuitement 2000 DVD du documentaire « Barrages, l’eau sous haute tension » consacré au secteur hydroélectrique, et réalisé par Nicolas Ubelmann.

Destinataires de ce cadeau intersyndical : les parlementaires (de l’Assemblée nationale, du Sénat et du Parlement européen), les élus des régions Auvergne-Rhône-Alpes et Occitanie, et les 650 agents de la division technique générale d’EDF [1]. Objectif : une diffusion massive, et l’espoir qu’un maximum de citoyens se saisissent de cette question. « Le destin des barrage hydroélectriques est un des aspects essentiels des débats qui entourent le projet Hercule, qui organiserait un démantèlement d’EDF et provoque de légitimes inquiétudes, notamment des salariés », estime la députée Delphine Batho qui a soutenu cette action avec six de ses collègues, de gauche et de droite [2].

À même d’être enclenchée et stoppée de manière instantanée, la production hydroélectrique joue un rôle fondamental dans l’équilibre du système électrique français. Elle permet d’accompagner les variations quotidiennes et saisonnières de la demande en électricité. « Les barrages électriques jouent un rôle majeur sur nos territoires, en matière d’irrigation agricole, de fourniture d’eau potable et de soutien à l’étiage, estime la députée Jeanine Dubié (PRG). Ils sont également essentiels dans la gestion des crues et dans la fourniture de source froide aux installations nucléaires. » Financés par l’argent public, déjà amortis, et pour l’essentiel rentables, ces ouvrages « appartiennent au patrimoine commun, ajoute Julien Aubert (LR). Laisser ce secteur à des concessionnaires privés est inopportun », juge l’élu.

Ce n’est pas la première fois que des parlementaires se mobilisent pour voler au secours des barrages français, menacés d’être entièrement privatisés depuis au moins dix ans, sous les pressions de la Commission européenne. En avril 2019, emmenés par le député PCF Hubert Wulfranc, 107 d’entre eux (issus de LR, de l’UDI, d’EELV, communistes, centristes, et deux LREM) avaient signé un projet de résolution pressant le gouvernement de ne pas céder sur cette question. « Autant de soutiens de toutes les couleurs doit nous donner l’espoir d’une victoire contre le démantèlement annoncé de notre service public de l’électricité, et nous faire rêver d’un beau service 100 % public de l’énergie, dont la France a besoin, tant socialement qu’écologiquement », s’est réjoui Philippe André, porte-parole de Sud énergie pour les barrages et secrétaire adjoint du comité social et économique (CSE) de la division technique générale d’EDF.

Nolwenn Weiler

Notes

[1La Division technique générale (DTG) créée en 1946, forte de plus de 600 agents, est une unité d’ingénierie du groupe EDF qui travaille en appui aux exploitants d’ouvrages de production d’électricité, hydraulique, nucléaire, thermique, en France et dans le monde. Au-delà de l’appui opérationnel, la DTG contribue aux enjeux majeurs de l’exploitation : sûreté, productivité et environnement en mettant à disposition des exploitants une expertise dans le diagnostic, la prévision et le contrôle de phénomènes impactant les ouvrages de production électrique.

[2Outre Delphine Batho, Julien Aubert (LR), Marie-Noëlle Battistel et Patrick Kanner (PS), Guillaume Gontard et Yannick Jadot (EELV), Jeanine Dubié (PRG), Hubert Wulfranc (PCF), Loïc Prud’Homme, Manon Aubry et Manuel Bompard( LFI) ont exprimé leur soutien, et encouragé leurs collègues à visionner ce documentaire, et parler du sujet autour d’eux.

Source https://www.bastamag.net/Consensus-politique-et-syndical-pour-que-EDF-soit-un-service-100-public

Réforme des universités : sélection sociale, marchandisation, répression

Soutien à la mobilisation en Grèce contre le projet d’universités du fric et des flics !

A. Sartzekis

À classer dans les plus sinistres scènes d’anthologie : à la mi-janvier, le projet de « réforme » de l’université a été présenté en commun par la très réactionnaire ministre de l’Éducation et des Cultes, Niki Kerameos, et parle ministre de la police (officiellement de la « Protection du citoyen »), Michalis Chryssochoïdis ! La raison a de quoi glacer d’horreur : la prétendue réforme est axée sur la sélection sociale, la marchandisation accélérée de l’éducation et la répression ouverte et revendiquée.

Ce projet peut se résumer en quatre axes, dont deux ouvertement répressifs. Ce qui est à la base, c’est l’application des divers textes européens en matière d’éducation, l’aggravation de la sélection et l’ouverture à la concurrence, jusque là mieux écartée en Grèce que dans d’autres pays pour l’enseignement supérieur.

Casse de l’université et cadeaux aux patrons des boites privées

La sélection se fera de deux manières : durcissement des conditions d’admission en fac, ce qui écarterait peut être 20 000 étudiantEs, et exclusion (pour l’instant inconstitutionnelle) de ceux que la presse bourgeoise nomme depuis longtemps les « étudiants éternels »avec tout le mépris de classe pour des jeunes qui, comme en France, travaillent pour payer leurs études, ce qui fait qu’environ 40% dépassent les six ans qui seraient autorisés pour le diplôme de base. On voit le carnage qui se prépare.

TouTEs ces jeunes qui seraient exclus d’entrée ou de maintien en fac, que deviendraient-ils ? C’est là que la ministre boutiquière voulait en arriver, après avoir préparé le terrain par divers textes visant à offrir l’éducation aux appétits du patronat. La « solution » pour les excluEs qui voudraient faire ou continuer des études, ce serait pour les plus riches, les « collèges », cestà-dire les boîtes privées et souvent très coûteuses (mais de piètre qualité, en comparaison des études universitaires) qui, n’ayant pas le droit de délivrer des licences, s’allient à des facs étrangères pour préparer en Grèce des diplômes « attestés » par les facs en question. La ministre a réussi à faire admettre l’équivalence professionnelle de ces attestations avec les vrais diplômes universitaires. Et pour les autres, ce serait des boîtes professionnelles privées (IEK), pour des formations courtes (mais payantes !), et c’est là un objectif de masse dont ne se cache même pas Kerameos. Pour couronner le tout, on peut penser que si ce plan diabolique s’appliquait, une étape suivante serait de faire payer les années de licence à l’université, ces études étant sans droit d’inscription jusqu’à aujourd’hui. C’est donc l’ensemble d’un système universitaire jusqu’ici moins sélectif qu’en France et que les mobilisations étudiantes ont réussi à préserver contre de multiples attaques que la ministre veut casser.

Une université policée

Pour imposer un tel recul au droit aux études pour toutes et tous, Kerameos a introduit dans son plan deux axes répressifs qui lui vaudront sûrement les félicitations de dictateurs de la planète : une interdiction de fait des activités de contestation, avec établissement d’un conseil de discipline qui pourra valoir à des colleurs d’affiches ou intervenantEs au mégaphone un renvoi de la fac ! Et le clou : création d’un corps de police universitaire, dépendant directement du ministère de l’Intérieur, qui sera amené à faire régner la devise du Darmanin grec (« loi et ordre »)Cette innovation — que la ministre ose justifier en prétendant frauduleusement que c’est comme ça en France — se traduira par un corps de 1000 policiers équipés de menottes, armes d’autodéfense, un armement plus lourd étant aussi à leur disposition dans un local qui leur sera fourni dans chaque fac ! Bien sûr, il fallait pour oser une telle provocation mener une campagne médiatique sur le thème « mettre fin à la violence et à lillégalité », visant clairement la gauche étudiante. Rappelons aussi que cette mesure est la suite logiquement policière de l’abrogation par la droite extrême de Mitsotakis de l’asile universitaire, promesse électorale aux électeurs d’Aube dorée…

Les premières réactions ont été immédiates, avec bien sûr une condamnation très forte des mesures répressives. De nombreuses protestations se sont fait entendre, pendant que la presse aux ordres se déchainait, justifiant le climat de terreur que la mal nommée Nouvelle Démocratie (ND) tente de faire régner. Des pétitions ont vite été signées par des milliers de personnes, avec en retour des menaces de mort, et des messages de haine venus de chefaillons de l’extrême droite nationaliste. La Conférence des présidents d’université, très timide devant la ministre, a quand même protesté devant les projets de sélection qui aboutiront à coup sûr à fermer des sections universitaires et de petites unités de facs établies dans des villes moyennes. De nombreux conseils d’université condamnent la création d’une police universitaire, indiquant que son existence ne peut que créer de dangereuses tensions, et insistent sur le scandale financier que cela représente, à l’heure où les facs manquent d’argent et de locaux. Même des syndicats de policiers sont contre cette violente élucubration. Des contre-propositions ont été faites ici ou là pour la protection des lieux universitaires, avec souvent un fort caractère réformiste, mais toutes visent à montrer le caractère extrémiste d’un corps de police universitaire. Élément politique qui confirme la grogne d’une partie de la droite contre la ligne « orbanienne » de Mitsotakis et ses ministres d’extrême droite, des cadres de la ND, comme l’ancien ministre de l’Éducation Aris Spiliotopoulos, ont protesté contre l’incohérente mesure policière, soulignant que l’urgence est de renforcer l’université en chercheurEs et enseignantEs. De son côté, Syriza condamne les cadeaux faits aux propriétaires de boites privées, et le KKE (PC grec) affirme comme la gauche anticapitaliste que la loi ne s’appliquera jamais sur le terrain.

Mobilisation massive en plein confinement

Mais l’élément principal de la riposte, c’est une mobilisation universitaire qui grossit de semaine en semaine. La semaine dernière, Chryssochoïdis pouvait encore ricaner sur le fait que ses flics avaient réussi à empêcher les étudiantEs mobilisés dans le centre d’Athènes de manifester. Mais suite à une série de rassemblements locaux, la journée du jeudi 21 janvier a été une étape très importante : partout dans le pays, des manifs ont eu lieu, pour exiger le retrait du projet dans tous ses aspects, de sélection sociale, de cadeaux au privé et de répression. À Athènes, la police a été incapable d’empêcher une vraie belle manif de plusieurs milliers d’étudiantEs, de profs, soutenue par les syndicats enseignants, ADEDY (Fédération syndicale du Public), des syndicats d’entreprise. Le succès, marqué par des violences policières à Salonique, est très important et très encourageant : ces derniers mois, il a été quasiment impossible de tenir des manifs, le pouvoir les interdisant au nom du fallacieux prétexte des risques de contamination et réprimant la moindre tentative d’aller au-delà du rassemblement statiqueet confiné par des hordes de policiers ! Néanmoins, toutes ces tentatives ont permis au mouvement social de garder confiance et l’écho de la manif de jeudi, même s’il reste à confirmer lors des initiatives prévues pour les jours à venir, est très important pour toute la jeunesse et le mouvement ouvrier. Cela dit, l’extension du mouvement dépendra aussi de sa capacité à dépasser les réflexes sectaires traditionnels, et rien n’est joué sur ce terrain-là…

Tout le monde semble avoir bien compris que ce qui est en jeu avec le projet de loi Kerameos- Chryssochoïdis, c’est, face à une « dure offensive idéologique contre la jeunesse qui revendique le renforcement de l’éducation publique et gratuite » (Prin, journal de NAR, principal groupe anticapitaliste), le droit aux études pour toutes et tous, contre l’université du marché, du profit, de la pensée unique et obscurantiste ! Ce pouvoir ultra-libéral croit pouvoir profiter du confinement pour passer (en rafales) des mesures rappelant de sombres périodes : Chryssochoïdis voudrait maintenant imposer un cadre de manifs contrôlées et nassées « à la française »Face à cette sinistre politique de contrôle de la rue et de la pensée, la mobilisation de la jeunesse et du mouvement ouvrier doit être massive et unitaire !

À Athènes

Source https://lanticapitaliste.org/actualite/international/soutien-la-mobilisation-en-grece-contre-le-projet-duniversites-du-fric-et

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