La Cour des comptes européenne accable la gestion de la crise grecque

Dans un rapport publié jeudi, la Cour des comptes européenne dresse un constat implacable des trois plans de sauvetage européens pour la Grèce. Des critiques formulées de longue date par nombre d’économistes sont confirmées, notamment le dogmatisme et l’irréalisme sans précédent de la Commission européenne.

Un échec. Les trois plans de sauvetage européens menés depuis 2010 sont un échec patent, selon le rapport de la Cour des comptes européennes, publié le 16 novembre (lire ici). Alors que le troisième plan est censé s’achever à la mi-2018, la Grèce sort dans un état de délabrement économique sans précédent : son PIB a diminué de 30 %, sa dette publique a pris des allures stratosphériques, dépassant les 180 % du PIB, les banques grecques ne sont pas en état de prêter et d’assurer le financement de l’économie. Le seul objectif clair que s’était fixé la Commission européenne – permettre à Athènes de retrouver un accès au marché financier – semble ne pas pouvoir être atteint. « Ces programmes ont permis de promouvoir les réformes et d’éviter un défaut de la Grèce. Mais la capacité du pays à se financer intégralement sur les marchés reste un défi », souligne Baudilio Tomé Muguruza, membre de la Cour des comptes européenne responsable du rapport.

En soi, ce rapport ne vient que confirmer les multiples alertes et mises en garde faites par nombre d’économistes et observateurs. Tout au long de la crise grecque et plus encore au moment du troisième plan de sauvetage en juillet 2015, ils n’ont cessé de dénoncer l’irréalisme et le dogmatisme économiques qui prévalaient parmi les « experts » et les responsables politiques européens, et qui ne pouvaient conduire, selon eux, qu’à un échec. Nous y sommes. 110 milliards d’euros de financement ont été accordés à Athènes en 2010, 172 milliards lui ont été à nouveau prêtés en 2012, 86 milliards à nouveau – mais 36 milliards seulement ont été effectivement déboursés à ce jour – en 2015… pourtant sa situation économique et financière est toujours intenable.

 © CE.Le rapport de la Cour des comptes européenne a cependant un mérite supplémentaire. Pour ce faire, elle a eu accès à une foule de documents internes, a pu auditionner des personnes qui ont été chargées d’élaborer les différents programmes et leur mise en œuvre, aussi bien à la commission qu’au MES (mécanisme européen de stabilité). Seule, la Banque centrale européenne (BCE), se drapant dans son statut d’indépendance, a contesté la mission de la Cour des comptes européenne, pourtant bien inscrite dans les textes. Elle a refusé de lui transmettre des documents, ou ceux qu’elle lui a fait suivre étaient si insignifiants qu’ils en étaient inutilisables. Avait-elle donc des choses à cacher ?

La Grèce, en tout cas, a été une bonne affaire pour elle et les pays européens créanciers. En octobre, Mario Draghi, le président de la BCE, a reconnu que la banque centrale avait réalisé 7,8 milliards d’euros de plus-values entre 2012 et 2016 sur ses rachats de titres grecs. Ces plus-values, a même précisé le président de la BCE dans une lettre aux députés européens, ont vocation à être redistribuées aux banques centrales nationales de la zone euro au prorata de leur participation dans la BCE. Il avait été pourtant promis à la Grèce en 2012 de lui reverser la totalité des plus-values pour l’aider. Mais c’était avant.

À la lecture de ce rapport, le refus de la BCE se comprend : le tableau dressé par la Cour des comptes européenne est accablant. Tout ce qui a été dénoncé depuis des années par des économistes, tout ce que Yanis Varoufakis a critiqué alors qu’il tentait, comme ministre des finances, de négocier le troisième plan de sauvetage, tout ce que l’on subodorait de manœuvres, calculs et petits arrangements lors des interminables négociations au sein de l’Eurogroupe, se retrouve confirmé puissance mille.

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Au fil des pages, la faillite de la politique européenne à l’égard de la Grèce s’impose, écrasante. La politique du chiffre, quel qu’il soit, même s’il est sans fondement, a tenu lieu de guide politique aux responsables européens. Des armées d’experts en chambre, de responsables politiques, pétris de dogmatisme, d’idées préconçues, faisant preuve parfois de ce qu’on est tenté de qualifier d’une inculture économique crasse, discutent et arrêtent des mesures, qui s’inscrivent dans leur catéchisme, sans même prendre la peine d’en discuter la pertinence, sans même revenir dessus si les faits viennent démentir leurs assertions. À aucun moment, la prise en considération que la Grèce est un pays, avec son histoire, sa géographie, son économie propre ne transparaît. À aucun moment, ils ne semblent envisager que les décisions ont des répercussions immédiates, parfois dramatiques sur la vie des gens. Ils ont leur modèle. Il est universel.

Cette absence de toute considération sur la réalité même de ce qu’est la Grèce est là, dès les premiers moments du premier plan de sauvetage du pays en 2010. Certes, reconnaît la Cour des comptes européenne, la Commission européenne a été prise de court au début de la crise grecque. Rien n’était prévu dans les textes pour faire face à une telle situation. Les lacunes et les manques de l’administration grecque, et plus généralement de tout l’appareil d’État, l’instabilité politique en Grèce, lui ont compliqué encore la tâche.

La Commission a donc été contrainte d’improviser et de bricoler dans l’urgence. Mais elle le fait dans une optique déterminée : « La logique d’intervention des programmes d’ajustement grec a essentiellement consisté à traiter le problème des déséquilibres économiques du pays et à prévenir ainsi toute propagation de la crise économique grecque au reste de la zone euro », constate le rapport.

La principale préoccupation de la Commission européenne est donc d’abord de rassurer les marchés financiers. Tout doit être mis en œuvre pour assainir la situation budgétaire de la Grèce afin de lui permettre de retrouver l’accès aux marchés financiers. La Cour des comptes européenne souligne combien il était important de mener un ajustement budgétaire pour ramener des comptes publics totalement en dérive. Mais cela s’est fait sans autre considération qu’un redressement à court terme, insiste-t-elle. À aucun moment, il n’a été question de croissance, d’emploi, de reconstruction de l’économie grecque pour aider le pays après la fin de son plan de sauvetage, souligne la Cour des comptes européenne : « Les programmes ne s’inscrivaient pas dans le cadre d’une stratégie générale de croissance conduite par les autorités grecques et pouvant se prolonger au-delà de leur terme. »

La croyance dans des modèles

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Bien sûr, la Troïka a établi des scénarios macroéconomiques, assurant tous que la Grèce allait rebondir très rapidement. Dès 2012, prévoyaient les premiers. Ils ont tous été démentis par la suite.

La suite est encore plus confondante. « La commission a établi des projections macroéconomiques et budgétaires séparément et ne les a pas intégrées dans un modèle unique », révèle le rapport de la Cour des comptes européenne. Toutes les limites méthodologiques, idéologiques, de la Commission européenne émergent dans ce constat. S’en tenant aux fondements théoriques du néolibéralisme, dénoncés par de nombreux économistes (relire à ce sujet l’article sur l’imposture économique de Steve Keen), la Commission avalise une conception lunaire de l’économie, où il n’y aurait aucune interaction entre les différentes composantes. Comme si les décisions budgétaires n’avaient aucune influence sur l’environnement économique, comme si les réformes n’avaient pas de conséquence sociale ou même sur le climat de confiance, que la monnaie n’avait aucune influence.

La conclusion de ce vice méthodologique constitutif est sans appel. « En l’absence de feuille de route stratégique pour stimuler les moteurs potentiels de la croissance, la stratégie d’assainissement budgétaire n’a pas été propice à la croissance. Il n’y a pas eu d’évaluation des risques visant à déterminer comment les différentes mesures budgétaires envisageables comme la réduction des dépenses et l’augmentation des impôts et leur succession dans le temps influeraient sur la croissance du PIB, sur les exportations et sur le chômage. »

Ainsi, l’importance de la production ou du chômage dans l’économie semble avoir été constamment sous-estimée par les « experts » européens. « Les programmes n’ont pas anticipé la dévaluation interne de 2012 à 2014 », note le rapport. « Le chômage a culminé à 27,5 % en 2013 et non à 15,2 % en 2012 comme cela était prévu initialement », poursuit-il à un autre endroit. Ce n’est qu’au troisième plan de sauvetage en 2015 qu’il est prévu d’inclure l’impact social des mesures préconisées.

La croyance de la Commission dans ses modèles est tellement forte que cela l’amène à exiger l’application des mesures qu’elle a arrêtées au mépris de toute autre considération économique, en ignorant toutes les caractéristiques de l’économie grecque. « L’accroissement de la pression fiscale de 2010 à 2014 a été de 5,3 % du PIB. L’essentiel de cette augmentation a été enregistré entre 2010 et 2012, au moment où la crise économique était la plus profonde », relève le rapport. Les réformes sur le travail ont été imposées sans tenir compte de « certaines particularités de l’économie grecque et notamment de la forte proportion de micro-entreprises et de petites entreprises ». De même, les groupes de travaux européens ont décidé d’ignorer pendant des mois les effets liés à l’augmentation des taxes foncières qu’ils ont imposée à Athènes. Celle-ci a contribué à accentuer les difficultés des propriétaires. Beaucoup n’ont pu honorer le paiement de leurs emprunts. Ce qui a contribué à augmenter le poids des mauvais crédits du système bancaire grec. Faute de nettoyage et de recapitalisation suffisante, ce dernier n’est pas en état d’assurer le financement de l’économie.

Les exemples de ces effets boule de neige pullulent dans le rapport de la Cour des comptes européenne. Sans que cela semble ébranler les certitudes des responsables européens. Leurs convictions sont si ancrées qu’ils ne prennent même pas la peine de les justifier. Ainsi, nombre de réformes ont été exigées sans étude chiffrée précise, sans pouvoir avancer les justifications économiques qui amenaient la Commission à exiger de tels chiffres, sans s’interroger sur leurs pertinences lorsqu’elles étaient appliquées au cas grec, relève à plusieurs reprises la Cour des comptes européenne.

Reprendre les mesures répétées comme les tables de la loi par les théories néolibérales semble se suffire en soi. « La Commission n’était pas en mesure de présenter la moindre analyse quantitative ou qualitative pour les deux principaux objectifs de la réforme (à savoir la suppression de 150 000 postes dans la fonction publique entre 2011 et 2015 et le licenciement obligatoire de 15 000 agents pour 2014 au plus tard », note le rapport lors du premier plan de sauvetage. « Dans le domaine de la promotion des exportations, des conditions telles que “l’adoption de mesures pour faciliter les partenariats public-privé” ne définissaient aucune action précise ou concrète », écrit-il dans un autre passage.

Les échéances de remboursement de la Grèce après le troisième plan de sauvetage. De plus, le suivi des mesures exigées a souvent été plus que lacunaire. Le seul changement de la loi ou d’un règlement semble avoir tenu lieu de viatique, sans que la Commission ne se préoccupe de leur réelle mise en vigueur, de la désorganisation totale de l’administration et de l’appareil judiciaire grecs, ce qui semble avoir facilité des fraudes massives, selon le rapport. De même, elle a travaillé souvent avec des chiffres sans cohérence, non datés, qui amènent à s’interroger sur la qualité des fameux reporting européens.          
Les échéances de remboursement de la Grèce après le troisième plan de sauvetage.            

Comment s’étonner que les différents plans de sauvetage aient tous échoué ? Mais là encore, la Commission européenne ne semble pas s’être posé beaucoup de questions sur ces échecs, comme cela transparaît dans le rapport. Si les plans ne fonctionnaient pas, si les réformes ne portaient pas les résultats escomptés, c’était de la faute des Grecs qui ne mettaient pas en œuvre correctement ce qui avait été prévu. Selon la Cour des comptes européenne, l’Eurogroupe n’a cessé de demander, au fur et à mesure de la dégradation de la situation, des mesures supplémentaires, d’imposer des conditionnalités à Athènes qui n’étaient pas prévues, notamment en matière de financement du système bancaire.

Aujourd’hui, l’Europe se paie de mots en soulignant que la Grèce est en voie de redressement. La preuve, selon elle : Athènes a pu réaliser quelques émissions obligataires. La Cour des comptes européenne vient doucher ces illusions. L’économie ne se redresse toujours pas, la dette est à un niveau insoutenable, l’état du système financier est totalement délabré – car c’est d’ailleurs une des grandes faillites des plans européens, l’Europe a accompagné les recapitalisations des banques en 2013 sans veiller au nettoyage des bilans et aux changements de gouvernance – et ses besoins de financement sont toujours aussi immenses. « Immédiatement après la fin du programme, la Grèce devra rembourser des montants importants à ses créanciers. En 2019, les besoins bruts de financement s’élèveront à 21 milliards d’euros en principal et en intérêts », constate la Cour des comptes européenne.

Ce seul chiffre donne la mesure de l’échec du sauvetage européen. Il est irréaliste de penser qu’Athènes puisse trouver de telles ressources financières ou lever de tels montants sur les marchés pour honorer ses échéances. Mais tout a été irréaliste depuis le début de la gestion de la crise grecque par l’Europe. Et c’est un pays tout entier, ses populations, sa société, qui est en train de payer au prix fort cet aveuglement.

SOS Méditerranée : nous étions repartis sauver des vies

Édito du 16/11/17

Chers amis,

Après une nouvelle semaine de sauvetages extrêmement périlleux et le retour à terre des équipes de l’Aquarius avec quatre corps sans vie, c’est toujours la même consternation : « Mais pourquoi des hommes, des femmes, des enfants en sont-ils réduits à prendre de tels risques ? ».

La réponse nous a été maintes fois donnée sur le pont de l’Aquarius dans les récits bouleversants des rescapés qui décrivent l’horreur des camps, les mauvais traitements subis en Libye et la mer comme seule échappatoire. « La souffrance des migrants en Libye est un outrage fait à la conscience de l’humanité » déclare le Haut-Commissaire aux Droits Humains des Nations Unies dans un récent communiqué. Il dénonce l’Europe et l’Italie pour le soutien qu’ils apportent aux garde-côtes libyens pour intercepter les bateaux de migrants et les ramener en Libye sans se préoccuper du sort qui leur est réservé dans ce pays.

Pour SOS MEDITERRANEE, il n’est pas question de se résoudre à voir des êtres humains mourir en mer ni à les voir repartir vers la Libye lorsque leur embarcation est interceptée par des garde-côtes libyens. Plus que jamais, l’Aquarius doit maintenir sa présence en Méditerranée centrale, et secourir ceux qui cherchent à fuir l’enfer !


Chaque jour, un membre de SOS MEDITERRANEE vous donne sa vision des opérations de sauvetage et des événements depuis l’Aquarius.

Le journal de bord du 15/11/2017  Nous étions repartis sauver des vies…

Les dernières semaines ont été éprouvantes pour l’équipage de l’Aquarius, confronté à une situation toujours plus grave en Méditerranée. Après trois sauvetages, dont un dramatique, le 1er novembre au cours desquels 588 personnes ont été secourues, l’Aquarius est immédiatement reparti en mer, pour sauver d’autres vies… il est revenu quelques jours plus tard sur les côtes italiennes avec les corps de quatre victimes d’une nouvelle tragédie aux portes de l’Europe.

« L’idée a jailli de la bouche de l’un de nos sauveteurs. « C’est une tradition chez les marins ». Quand un homme meurt en mer, on ne le laisse jamais partir sans lui rendre un dernier hommage. Tout le monde a acquiescé sans mot dire, comme si la proposition tombait sous le sens. Et ce soir du 7 Novembre 2017, peu avant 19 heures, toutes les équipes de l‘Aquarius se sont rassemblées sur le pont principal. Fendant l’obscurité, notre bateau entrait lentement dans le port de Pozzallo, à l’extrême sud de la Sicile, pour ramener à terre quatre passagers décédés en Méditerranée. Quatre nouvelles victimes anonymes, emportées dans leur tentative de gagner des rives qu’elles croyaient plus sûres et un avenir qu’elles espéraient meilleur.

Alignés le long du pont, nos neuf sauveteurs avaient, comme le veut la tradition, revêtu leur combinaison et tenaient entre leurs mains le casque qu’ils enfilent lors de chaque sauvetage. Aux côtés des équipes de Médecins sans Frontières, ils ont accompagné du regard le défilé de médecins légistes et d’employés de la morgue venus recueillir les corps. Pendant près d’une heure, cette haie d’honneur silencieuse a rendu un dernier hommage à ces quatre-là et à tous ceux qui, auparavant, ont pris la mer et n’en sont jamais revenus vivants. Depuis le début de l’année 2017, au moins 2.748 personnes sont mortes en Méditerranée centrale (1) : cet axe migratoire demeure le plus dangereux au monde.

Le soir du 7 novembre sur le pont de l’Aquarius, l’air était lourd, chargé du souvenir éprouvant de ces derniers jours passés en mer. Dans nos esprits, la journée du 1er novembre durant laquelle trois sauvetages se sont enchaînés en à peine six heures d’opérations ; l’image du deuxième « rubber boat » secouru par nos équipes y restera certainement gravée. Ces rafiots de caoutchouc usagés et dégonflés, équipés d’un moteur permettant d’avancer quelques heures conduisent, nous le savons, leurs passagers vers la mort. Celui que nous avons intercepté ce jour-là venait de se briser par l’arrière, entraînant à l’eau plusieurs dizaines de personnes avant qu’elles n’aient pu se saisir des gilets de sauvetages lancés par les sauveteurs de SOS MEDITERRANEE. La plupart a été secourue, mais certains d’entre nous se souviendront des autres : ceux qui ont sombré avant de pouvoir saisir la main d’un sauveteur, fatigués de se débattre dans une eau trop froide, éreintés par leur interminable voyage depuis les plages libyennes, épuisés d’avoir dû lutter pendant trop longtemps contre la peur, le froid, la faim et les blessures.

Dans nos pensées également, l’orage qui s’est abattu au-dessus de l’Aquarius tandis que nous démarrions le troisième et dernier sauvetage de cette interminable journée. En quelques minutes, une épaisse chape grise aux reflets mordorés s’est déployée au-dessus de nous. Sous ce ciel à l’allure apocalyptique, la mer (jusqu’alors d’huile) est devenue noire, ses vagues se sont dressées, menaçant à chaque instant de faire chavirer l’embarcation de caoutchouc précaire et sa centaine de passagers. Depuis le pont de l’Aquarius, impossible de ne pas s’arrêter sur ce minuscule point blanc malmené par les flots : même nos nouveaux passagers observaient, les yeux écarquillés, le va-et-vient des équipes de SOS MEDITERRANEE depuis le « rubber boat » jusqu’à l’Aquarius. Peut-être réalisaient-ils alors qu’il y a quelques heures à peine, ils étaient eux aussi à la merci d’une vague ou d’un craquement.

Dans nos mémoires encore, le débarquement des 588 rescapés de l’Aquarius à Vibo Valentia le 3 Novembre au petit matin. « L’un des plus rapides qu’on ai jamais vus », foi de sauveteur ! Trois heures pour faire descendre un à un les blessés, les femmes enceintes, les malades, les mineurs isolés, les familles… dans l’ambiance chaleureuse d’un matin d’automne ensoleillé. L’agitation savamment orchestrée à bord comme à terre était ponctuée de « merci », de « good luck » et de « bonne route ». Au fond du ventre, un tiraillement se fait sentir : nous tous à bord savons que l’Europe ne s’offre pas facilement, et que la route sera longue et ponctuée d’obstacles…

Comment oublier ce dernier voyage et son insupportable fin ? Ces quatre « passagers » que nous avons ramenés à Pozzallo n’étaient pas… prévus. Nous étions repartis sauver des vies, nous sommes rentrés avec quatre victimes. Quatre morts, sortis de l’eau par un navire militaire français lors d’un énième sauvetage dramatique auquel nous n’avions même pas assisté. A 32 milles nautiques des côtes libyennes, la mort avait encore sauvagement frappé. Personne n’aime rapporter des cadavres. La mort, c’est l’échec, la colère, la tristesse, et l’antithèse de notre mission. Transférés à bord de l’Aquarius à la nuit tombée, ces quatre victimes anonymes ont hanté nos esprits pendant trente-six heures, jusqu’à l’arrivée à terre. Aujourd’hui, elles reposent enfin sur la terre ferme, et pour toujours dans nos têtes.

En hommage à ces victimes arbitraires et injustes, nous repartirons tant qu’il le faudra. Nous repartirons pour secourir ceux qui sont en détresse et éviter le pire. A chaque nouveau drame, c’est notre conviction qui se renforce : la présence de SOS MEDITERRANEE n’est pas salutaire, elle est indispensable. »

(1) Données OIM – 13 novembre 2017

http://www.sosmediterranee.fr/journal-de-bord/article-151117

Aéroports grecs : cessions et grandes concessions


Sur Libération par Fabien Perrier, correspondant à Athènes
12 novembre 2017 

Dans la Grèce soumise à l’austérité, un consortium d’entreprises allemandes s’est taillé la part du lion lorsque l’Etat a mis aux enchères quatorze de ses aéroports régionaux. Une opération très avantageuse, sur fond d’optimisation fiscale.

Tous les profits pour l’un, bien planqués dans des paradis fiscaux, et tout le passif pour l’autre. D’un côté, le consortium Fraport AG-Slentel Ltd, gros exploitant des aéroports allemands épinglé dans l’enquête «Paradise Papers» , et de l’autre la Grèce, mise en demeure en 2015 par les «hommes en noirs» de la troïka (Banque centrale européenne, Commission européenne et Fonds monétaire international) de vendre ses bijoux de famille pour renflouer les caisses terriblement vides de l’Etat. Transport, énergie, loterie nationale, gestion de l’eau, infrastructures, patrimoine culturel… Dans cette grande braderie, les aéroports grecs s’avèrent, dès 2014, un business lucratif. Une aubaine pour l’opérateur aéroportuaire allemand qui se met rapidement sur les rangs concernant la privatisation de quatorze aéroports régionaux, dont ceux de Thessalonique, Mykonos ou encore Santorin. Trois ans plus tard, en avril 2017, pari gagné avec une cession conclue pour quarante années.

Thérapie de choc

Sauf qu’aujourd’hui, pour faire prospérer son investissement, le consortium allemand Fraport (flanqué d’un partenaire grec, le groupe spécialisé dans l’énergie Copelouzos) est prêt à tout. Y compris à mener une bataille juridique contre l’Etat grec. Selon le site d’investigation ThePressProject, Fraport AG-Slentel Ltd et Copelouzos réclament 70 millions d’euros au gouvernement hellène. Au cœur de ce bras de fer judiciaire : le mauvais état des quatorze aéroports cédés et de prétendus inévitables travaux à réaliser. Le consortium gréco-allemand a donc entamé une procédure d’arbitrage pour obtenir des dédommagements sonnants et trébuchants. Entre le gestionnaire et l’Etat, le torchon brûle. Mais pas au point d’étaler le différend sur la place publique. Peu loquace, un responsable gouvernemental grec se contente d’affirmer : «Nous n’avons aucun problème avec Fraport.» Ce dernier, qui a mis sur la table 1,234 milliard d’euros en contrepartie de la gestion des aéroports, refuse de confirmer les montants demandés à l’Etat grec. «C’est une procédure d’arbitrage normale», dit-on du côté de Fraport. Une procédure révélatrice des effets provoqués par la thérapie de choc imposée à la Grèce depuis 2010.
Petit retour en arrière. Nous sommes au début de la décennie. En pleine crise de la dette, le gouvernement grec signe un premier plan de sauvetage financier en échange d’une réforme de l’Etat. Au chapitre des exigences imposées par la troïka, il y a l’éternelle obligation de procéder à des privatisations. Pour orchestrer les ventes d’entreprises nationales, une caisse de mise en valeur des biens publics (la Taiped) est créée en 2011. La plupart des aéroports sont mis en vente. En 2014, trois prétendants sont en lice. Il y a la Corporación America (un holding argentin) associée à l’entreprise grecque de construction Metka, un duo franco-grec constitué de Vinci et d’Ellaktor et le tandem Fraport-Copelouzos. Ce dernier emporte la mise en proposant 1,234 milliard d’euros assorti de 23 millions d’euros versé à la Taiped. A charge pour cette dernière de réorienter ses recettes provenant des privatisations vers le remboursement de la dette grecque. Aujourd’hui, et si d’aventure Fraport devait obtenir gain de cause à l’issue de l’arbitrage qui l’oppose à Athènes, l’Etat devra piocher dans ses propres ressources budgétaires pour le dédommager. Autrement dit, pas question de toucher à un seul euro «gagné» par les privatisations.

Volte-face

Comment Athènes a-t-il cédé ses aéroports à Fraport ? Comme lors de toutes les privatisations, des conseillers (techniques, financiers, juridiques) ont épaulé la Taiped dans le processus. Celui chargé des questions techniques était la Lufthansa Consulting, une filiale de la compagnie aérienne allemande du même nom. Celle-là même qui détient 8,44 % de la société mère Fraport. L’affaire aurait pu s’arrêter là, mais lorsque le parti anti-austérité Syriza remporte les élections législatives anticipées en janvier 2015, changement de décor. Aléxis Tsípras, le chef de file de Syriza, devenu Premier ministre, décide de geler la vente. Pas question, estime-t-il, de céder les biens de l’Etat à des investisseurs privés. Mais sept mois plus tard, le même Tsípras fait volte-face. Et pour cause : l’accord sur la dette proposée par les créanciers du pays (sous la pression de l’Allemagne, qui menace de faire sortir la Grèce de la zone euro) mentionne explicitement que la privatisation des aéroports doit aboutir. Une condition qu’accepte Aléxis Tsípras.
Dès l’été 2015, Fraport et la Taiped négocient les termes de l’accord de mise en concession des aéroports, qui devient effectif le 11 avril 2017. L’affaire est pliée. Le lendemain, une conférence de presse est organisée en grande pompe dans le très fastueux hôtel Hilton d’Athènes. Le directeur de Fraport AG (la maison mère allemande), celui de Fraport Grèce et Dimitris Copelouzos (le fondateur et président du groupe énergétique grec du même nom) : les gagnants de la privatisation sont tous là. La presse est conviée. Mais pas question de poser la moindre question. Du jamais-vu. Il s’agissait pourtant d’évoquer, selon les termes de l’agence Taiped, «l’utilisation, la gestion et l’exploitation sur une durée de quarante ans» de ces quatorze aéroports régionaux. «Y avait-il des choses à cacher ?» s’interroge encore Fotis Kollias, un des journalistes qui assistaient à ce semblant de conférence de presse.
Depuis, le doute est de mise un peu partout en Grèce. Pire encore, depuis les révélations de ThePressProject. Ce dernier a en effet publié le contrat entre la Taiped et Fraport. Thanos Kamilalis, le journaliste du site d’investigation qui a enquêté sur le dossier, considère que les conditions du contrat font la part belle à Fraport. Ainsi sur le plan fiscal, l’accord prévoit que Fraport ne paiera pas de taxes foncières et locales. Libre au gestionnaire allemand de mettre de nouvelles taxes pour les passagers : des recettes qui iront directement dans ses caisses sans passer par la case Trésor public.
Quant aux choix des partenaires, là encore tout est fait pour faciliter la vie de Fraport. L’Allemand a ainsi le droit d’annuler unilatéralement les contrats souscrits par les anciens prestataires des quatorze aéroports et libre à lui d’en choisir des nouveaux. Et pas question d’accorder le moindre dédommagement aux éventuels commerçants, restaurateurs ou autres fournisseurs congédiés. Cerise sur le gâteau d’un contrat totalement déséquilibré : c’est l’Etat (donc le contribuable) qui mettra la main à la poche si Fraport décide de licencier des salariés grecs. Et c’est encore lui qui devra prendre en charge les victimes d’accidents du travail, y compris lorsque la responsabilité de l’entreprise sera avérée. Rien n’a été laissé au hasard. Ainsi, qu’une grève vienne contredire la «bonne marche» des aéroports privatisés et Fraport sera fondée à demander des dédommagements pour manque à gagner à l’Etat : c’est aussi dans le contrat de cession, de près de 200 pages.

Aucun risque

Malgré toutes ces conditions avantageuses, il a fallu près de deux ans pour que la concession devienne réalité. «C’est un délai extrêmement long pour ce genre d’opération», confie une source au sein des aéroports grecs. Et de poursuivre : «En réalité, Fraport ne parvenait pas à rassembler les fonds nécessaires.» «Le consortium a signé un prêt sur le long terme avec différentes institutions financières», répond Yannis Papazoglou, directeur de la communication de Fraport Grèce. Il précise que le milliard nécessaire au bouclage du deal a été trouvé auprès de cinq institutions financières. Fraport ne supporte donc aucun risque directement. Sur les cinq créanciers, deux sont des institutions européennes. Ainsi la Banque européenne pour la reconstruction et le développement a financé l’opération de Fraport Grèce à hauteur de 186,7 millions d’euros. En outre, un peu plus de 280 millions ont été prêtés par la Banque européenne d’investissement (BEI) dans le cadre du plan Juncker. Or, en tout, la BEI a apporté son soutien à hauteur de 400 millions d’euros pour les entreprises grecques. Les deux tiers de cette somme ont donc bénéficié à Fraport. «Nous attendons que ces prêts génèrent des investissements en Grèce», justifie-t-on du côté de la Commission. «Mais pour l’instant les travaux n’ont pas commencé», souligne le ministre grec des Transports, Christos Spritzis. Un responsable de l’aviation civile s’inquiète que «le capital de la maison mère Fraport soit trop faible au regard d’une dette de 3,5 milliards d’euros à rembourser d’ici à 2020».
Plus surprenant encore : la société Fraport AG est détenue à hauteur de 31,32 % par le Land de Hesse et à hauteur de 20 % par la ville de Francfort. Un juteux business pour ces deux actionnaires. En effet, sur les six premiers mois de l’année, la société grecque a réalisé plus de 106 millions de bénéfices. Au final, quatorze aéroports ont donc quitté le giron de l’Etat grec pour se retrouver dans ceux d’un Land et d’une ville en Allemagne, à travers une entreprise à présent citée dans les Paradise Papers. Les sociétés du groupe Fraport sont en effet domiciliées au Luxembourg, à Chypre ou encore à Malte. Les bijoux de famille grecs sont donc, en partie, dans des coffres publics allemands. Mais à l’abri de l’impôt.
 

Fabien Perrier


Convoi solidaire Isère-Savoie : livraison de la collecte

En juillet 2017, Pierre Moscovici, commissaire européen aux affaires économiques, s’est félicité de  » l’amélioration spectaculaire » de la situation en Grèce. Pour les financiers peut-être mais certainement pas pour une grande partie des Grecs et pour les migrants.

La solidarité est donc toujours d’actualité, (même si l’ordre des pharmaciens grecs estime aussi de son côté que les pharmacies sociales n’ont plus de raison d’être). C’est pour cela qu’un nouveau convoi solidaire part vers la Grèce en ce mois de novembre 2017. Il est organisé comme en mars par le collectif artistique et solidaire ANEPOS.

Seize fourgons partent de France de Belgique et de Suisse. Deux de ces fourgons le sont de Savoie, c’est dans un des deux, conduit par Nicolas, que le résultat de la collecte grenobloise sera acheminé vers la Grèce.

Lundi 6 novembre, 5 membres de notre collectif ont trié et mis en cartons, lait et couches pour bébé, nourriture, fournitures scolaires, produits d’hygiène, jouets, produits paramédicaux … et une bouteille de vin. Nous avons transporté les cartons à Challes les Eaux en Savoie à la ferme des Baraques où nous avons retrouvé Nicolas.

Gilles un des paysans boulangers de la ferme nous a accueilli et après avoir transvasé les cartons dans le fourgon nous nous sommes retrouvés, avec Attac Savoie, au chaud, et autour d’un verre  pour partager aussi ce que chacun avait préparé.

Nicolas nous a fait partagé son expérience du précédent convoi, nous avons échangé sur la situation en Grèce (nous étions beaucoup moins optimistes que M. Moscovici) et sur le rôle de laboratoire que lui ont attribué l’Union européenne, l’Allemagne (M. Schauble) et le FMI. Elle sert de terrain d’expérimentation, où il est testé comment, prenant le prétexte de dette et avec la complicité de ses dirigeants, on peut asservir un peuple et lui enlever le droit de choisir son destin. Tout cela pour satisfaire à l’ordre néolibéral la nouvelle dictature du XXIème siècle.

Fête nationale La rubrique de Panagiotis Grigoriou

Panagiotis  Grigoriou est Ethnologue et historien, chroniqueur, analyste, initiateur d’un concept de tourisme alternatif  et solidaire en Grèce. Le regard de l’historien et de l’anthropologue sur l’actualité et le vécu de la crise grecque.

Dans cette rubrique il évoque le 28 octobre (1940) et sa commémoration (fête nationale), synonymes du ‘Non’ de la dignité comme de la résistance et le paradoxe de la célébration du 28 octobre 2017 où le gouvernement Tsipras, celui qui très exactement a trahi le ‘Non’ du peuple au référendum de juillet 2015, a tout fait pour minimiser la portée de la commémoration.

Fête nationale 

Novembre européen, météorologie bien connue. Cette année avec la première neige, les Grecs… découvrent enfin la Catalogne, celle de la dernière actualité. “Notre été est décidément mort”, se racontent alors les voisins à l’unisson. Montagnes escarpées, villes et bourgades assoupies sous la fraîcheur du soir ou du petit matin, cette fin d’octobre a été autant marquée par la fête nationale du 28. Le pays aime toujours célébrer sa mémoire du ‘NON’ (28 octobre 1940), cette première (et courte) victoire grecque contre les forces de l’Axe. Une commémoration cependant, que les “dirigeants” actuels font désormais et décidément tout, pour faire oublier. Et pourtant…

Première neige. Montagnes de Thessalie, octobre 2017

L’histoire est connue. Au petit matin du 28 octobre 1940, Emanuele Grazzi , l’ambassadeur de l’Italie Mussolinienne se rend au domicile privé du Général Ioánnis Metaxás (la Grèce est gouvernée sous sa dictature depuis 1936) dans le quartier bourgeois de Kifissiá, au nord d’Athènes. Il est porteur de l’ultimatum, exigeant la liberté de passage pour l’Armée italienne en Grèce, ainsi que d’occuper de nombreux points et infrastructures stratégiques. Metaxás, d’ailleurs ému, s’y oppose catégoriquement ayant notamment et entre autres prononcé cette phrase en français: “Alors c’est la guerre”, suivie d’un: “Non, c’est impossible”, lorsque l’Ambassadeur Grazzi insista, en arguant que “la guerre aurait pu être évitée par l’acceptation bien entendu de l’invasion et de l’occupation” de la Grèce.

Dans les faits, avant même l’expiration de l’ultimatum à 6h00 du matin, l’Armée italienne pénétrait sur le territoire grec par la frontière albanaise, puisque l’Albanie était déjà un protectorat de l’Italie de Mussolini. “Ce fut le moment le plus douloureux et le plus ignoble de toute ma carrière de diplomate”, écrira Grazzi dans son journal personnel, publié en 1945. “J’avais devant moi le vieux dirigeant d’un petit pays qui n’a pas cédé, dans toute sa dignité. Sa voix était visiblement émue et en même temps ferme”, (Emanuele Grazzi, “Il principio della fine – l’impresa di Grecia”, Faro 1945) .

Le Général Metaxás, homme conservateur, antiparlementaire et anticommuniste, personnalité cultivée et chef d’un petit parti politique sans succès, se trouvait à la tête du petit pays dès avril 1936. Il était ce chef de l’exécutif d’abord imposé par le Roi, désigné pour la forme par un Parlement moribond, une situation résultant d’un système parlementaire moribond et qui n’arrivait pas à faire face aux terribles défis de son temps. Rapidement, Metaxás inaugurera son régime autoritaire, par son putsch du 4 août de la même année. Sous… le patronage bienveillant, il faut dire, du Roi Georges II, il instaurera un régime autoritaire, en somme, une dictature aux allures et aux mimétismes fascisants (salut romain, organisation de la jeunesse du régime, corporatisme).

Devant le domicile du Général Metaxás. Kifissiá, le 28 octobre 2017
Domicile de Metaxás, lieu du premier ‘Non’. Octobre 2017
Le domicile… restera fermé en ce 28 octobre 2017

Sauf que le régime de Metaxás ne peut pas être qualifié de fasciste au sens historique strict, comparé aux régimes de ce type en Europe, et les raisons ont suffisamment été démontrées par les historiens: aucun grand parti unique et de masse derrière Metaxás, pas de politique impérialiste, politique étrangère pacifiste, pas d’antisémitisme, diarchie de fait, car l’exercice du pouvoir était en réalité supervisé par le Roi, enfin, poursuite de l’alignement traditionnel de la Grèce à la politique de la Grande Bretagne et non-pas aux pays de l’Axe, (voir par exemple les travaux de Spyridon Ploumidis sur le régime de Metaxás).

Metaxás avait cependant prévu le déclenchement de la Deuxième Guerre mondiale, comme il avait également prévu l’attaque de Mussolini. Il avait d’abord et surtout, pris la décision, celle qui s’imposait en pareilles conditions, autrement dit, à ne pas céder, tout en préparant la Grèce et son armée devant le conflit qui se profilait. “Ma décision est terrible au cas où l’Italie nous menacerait”, “J’annonce à Waterlow et Hopkinson les nouvelles depuis Rome, je leur annonce, ainsi qu’à Asimakopoulos, ma décision de résister jusqu’au bout” (Sydney Waterlow était l’Ambassadeur britannique à Athènes, Henry Hopkinson le Premier secrétaire de l’Ambassade et Aléxandros Asimakopoulos l’attaché militaire de l’Ambassade grecque à Rome), voilà ce que Metaxás écrivait dans son journal personnel, aux dates du 17 mars et du 9 avril 1939 (éditions Govosti, Athènes, 1960).

Le 15 août 1940, le sous-marin italien ‘Delfino’, coule le croiseur grec ‘Elli’… en temps de paix. Le croiseur, alors ancré dans le port de Tinos, escorte un bateau de pèlerins qui participent à la fête de la Dormition de la Vierge. Lors de l’explosion du navire, neuf marins et officiers sont tués et 24 autres sont blessés. Cependant, le gouvernement grec, désireux d’éviter (plus exactement de retarder) la confrontation avec l’Italie, annonce que la nationalité de l’attaquant est inconnue. Notons qu’après la guerre, l’Italie remet à la Grèce le croiseur ‘Eugenio di Savoia’ en guise de compensation pour la destruction de l’Elli. Le navire italien est alors renommé Elli et sert l’armée grecque jusqu’en 1973.

La présence traditionnelle et d’ailleurs officielle du croiseur lors de la grande fête de la Dormition que constitue pour les Orthodoxes le 15 août (la Grèce n’est pas un État laïque), puis, sa perte, devient l’élément catalyseur qui par la suite, fera souder le pays lors de l’effort de guerre. Emanuele Grazzi de son côté, avait pourtant et clairement averti ses supérieurs: les tensions entre son pays, l’Italie, et la Grèce, avaient renforcé le sentiment patriotique de la population et que, en cas d’une attaque, les Grecs allait opposer une véritable résistance armée. Mais ce point de vue était en contraste frappant avec les vues de Mussolini, et en particulier de celles de Ciano .

Le poète Yórgos Séféris, lequel n’a jamais apprécié le caractère dictatorial et encore moins l’idéologie du régime de Metaxás, jeune diplomate à l’époque rattaché à l’administration de son ministère à Athènes, écrivait dans son journal personnel à la date du 12 août 1940: “Metaxás est d’une attitude décisive. ‘Si on m’agresse, alors je mets le feu aux canons’”.

Défilé des écoles. Kifissiá, le 28 octobre 2017
Défilé, les officiels… devant la banque. Kifissiá, le 28 octobre 2017
La tombe de Metaxás. Athènes, le 28 octobre 2017

La mobilisation générale et autant mobilisation populaire du 28 octobre 1940 ont presque surpris. Certains germanophiles qui servaient au régime de Metaxás ne savaient plus comment réagir. Yórgos Séféris nous a laissé un texte édifiant (et de l’intérieur) sur cette période, sous le titre: “Manuscrit – Septembre 1941” (éditions ‘Ikaros’, Athènes 1980):

“Je n’avais pas de parti, ni chef, ni camarades. Je lisais les journaux grecs seulement par l’obligation qui m’était faite par mon service. Je me souvenais de cette phrase lue dans un roman, prononcée par un soldat de la Guerre de 1914. ‘Le garde à vous est une attitude distante’. Par la soumission j’exécutais alors ma tâche donnée par l’État. Je n’avais aucune préférence (politique), je les voyais tous pareils à eux-mêmes, vides, insignifiants, nuisibles (…)”.

“Un monde étranger, un monde qui m’est vraiment extérieur. Ni ceux du gouvernement, ni ceux de l’opposition (à la dictature) ne m’étaient sympathiques, hormis Kanellopoulos (démocrate et adversaire de Metaxás, il fut déporté entre 1937 et 1940 – précision de Greek Crisis). Je ne voudrais voir aucun des chefs politiques commander notre navire, ni Metaxás d’ailleurs (…) Le seul appui populaire de Metaxás fut la lassitude des gens, il n’avait pas le peuple de son côté (…) Les réactions psychologiques les plus profondes chez ceux du régime, étaient ainsi normalisées par les hommes de la police des renseignements, sur les murs de leurs bureaux ces gens avaient suspendu les photos des dignitaires de la Gestapo. (…) Metaxás en tant que personnalité, était je crois le plus fort de l’ensemble de notre personnel politique restant. Il était certes autoritaire, égocentrique, fanatique et insistant, sauf qu’il avait en même temps plus d’esprit et de carrure que les tous autres (…)”

Tombe de Yórgos Séféris et de son épouse Maro. Athènes, le 28 octobre 2017
Près de la tombe de Yórgos Séféris. Son esprit apprécierait certainement. Athènes, octobre 2017

“La période de la neutralité (1939-1940) avait été éprouvante, et pour moi, elle fut même bien lourde. Les instructions étaient: Attitude exemplaire envers tous les belligérants. J’étais d’accord avec cette politique. Nous ne pouvions guère faire autre chose (…) Lorsque l’Italie est entrée officiellement dans la guerre (Mussolini déclare la guerre à l’Angleterre et à la France le 10 juin 1940 à la veille de l’entrée des Allemands dans Paris), notre situation est devenue insupportable. Les officiels Italiens donnaient volontairement l’impression que nous étions leurs asservis. Le correspondant de l’Agence de presse Stefani, un certain Ceresole se comportait envers nous, tel un chef. Je tentais à le maintenir si possible.”

“Deux trois jours après la déclaration de guerre de Mussolini (juin 1940), on me communique un télégramme (dépêche italienne) alors invraisemblable. Il présentait le peuple grec comme se montrant très remonté contre l’Angleterre. Plus tard, j’ai réalisé qu’ils voulaient ainsi préparer l’opinion publique en Italie, en l’habituant à l’idée d’un prétendu courant pro-italien chez les Grecs, et conséquemment, l’invasion qu’ils étaient en train de préparer, elle ne pouvait être aux yeux des Italiens qu’une simple promenade.”

“Ce mensonge était si grossier que je l’ai censuré. Aussitôt, je reçois un coup de téléphone, directement d’Emanuele Grazzi. ‘Bonsoir cher collègue – me dit-il sèchement – J’apprends que vous avez censuré un télégramme de M. Ceresole. Eh bien, je vous avertis que, si vous ne laissez pas passer, je l’enverrai signé par moi-même. Nous verrons si vous oserez l’arrêter de nouveau.’ Jamais dans toute ma carrière je n’avais tant fait l’effort de rester calme. Je me sentais comme après avoir reçu une gifle. J’ai répondu: – Les télégrammes signés par vous Monsieur le Ministre, ne sont pas de ma compétence. Et j’ai raccroché.”

“Peuple, dis le ‘Non’ de la fierté”. Athènes, octobre 2017
Monument de la ‘Mère morte affamée’ durant l’Occupation. Cimetière d’Athènes, le 28 octobre 2017

“Je me suis rendu au bureau de (Théologos) Nikoloudis (proche de Metaxás, Ministre de la Presse, service auquel Séféris était rattaché à l’époque – note de Greek Crisis), je lui ai tout raconté en ajoutant: Si ces gens continuent à nous humilier de la sorte… alors Monsieur le Ministre, nous devrions renter chez nous, vous et moi d’ailleurs. Il était quelqu’un de très susceptible. Il n’a rien dit. Il a rugi, il a réclamé sa voiture et il s’est rendu chez Metaxás. Il en est revenu sous peu, visiblement il transpirait. – Monsieur le Président nous prie, m’a-t-il dit, de rester patients, patience. Les moments sont très graves. Nous devons alors faire semblant, reculer.”

“Durant ces moments, le Président avait raison. Nous devrions reculer et subir, jusqu’au jour où nous serions attaqués ouvertement pour alors seulement, nous défendre par tous les moyens. C’était aussi mon opinion. Je voudrais préciser qu’à l’époque, personne, ni même les plus fous parmi nous ne s’attendaient à cette explosion miraculeuse de l’âme du peuple et encore moins aux victoires de l’armée grecque sur le front de l’Albanie contre l’armée italienne.(…)”

“Et pour ce qui est des autres (politiques), des restes du Venizélisme (camp démocrate, opposé à la dictature de Metaxás – note de Greek Crisis), je n’ai pas eu l’occasion de discuter directement avec eux, et je ne peux pas exposer avec précision le fond de leur pensée. De ce que j’ai pu entendre et voir, mon idée ainsi personnelle, c’est qu’ils se sentaient secrètement soulagés (que) de ne pas porter la lourde responsabilité des affaires en ces heures difficiles, en réalité, ils ne raisonnaient point au-delà de leurs réflexes politiques hérités de leurs partis (…) Des démocrates crédibles me rapportaient d’ailleurs que Papandréou (grand-père de Georges Papandréou de 2010 – précision de Greek Crisis) disait: ‘Les Allemands ne nous toucheront pas’, ou Kafandaris: ‘Je crois à la victoire de l’Axe’”.

“Depuis, je me suis forgé cette certitude alors profonde: Cette Grèce ayant engendré le 28 (octobre 1940) était une autre Grèce, distincte et étrangère à tous ces Messieurs du personnel politique, appartenant ou pas, au régime de Metaxás (…) Et lorsque la guerre a éclaté, je pensais souvent à toutes ces phases et basculements psychologiques du destin de cet homme ayant dit ‘Non’ à 3h du matin à l’Ambassadeur d’Italie”, (Yórgos Séféris, “Manuscrit – Septembre 1941” pages 24-39).

“Nous avons dit ‘Non’ de nouveau, ne le comprends-tu pas ?” Défilé des écoliers. Athènes, 28 octobre 2017 (presse grecque)

Pour les Grecs, le 28 octobre (1940) et sa commémoration (fête nationale), sont donc synonymes du ‘Non’ de la dignité comme de la résistance. Cette mémoire du ‘NON’ a d’ailleurs été célébrée pour la première fois sous l’Occupation (l’Allemagne intervint en avril 1941 et depuis, l’Occupation du pays, très dure durera jusqu’en septembre/octobre 1944). Plus précisément, au sein du bâtiment principal et dans la cour de l’Université d’Athènes, a eu lieu cette première célébration le 28 Octobre 1941. D’autres célébrations est autant actions de résistance ont été initiés par les organisations de gauche EAM, proches du parti communiste (KKE) .

De nombreux étudiants ont d’abord pris la parole, puis, leur professeur Konstantinos Tsatsos , a volontairement converti ses cours de la journée en un discours patriotique, où il a notamment invité ses étudiants à célébrer la mémoire du ‘Non’ sur la Place de la Constitution devant la tombe du Soldat inconnu. Les forces occupantes ont cependant bloqué la place, et Tsatsos a été renvoyé de l’université.

Pour le deuxième anniversaire (28 octobre 1942), la célébration a eu lieu sur la place de la Constitution, à l’initiative des organisations EPON (jeunes résistants de gauche) et PEAN (jeunes résistants de droite). Enfin, pour la première fois, l’anniversaire a été célébré officiellement le 28 Octobre 1944 avec un défilé devant le premier ministre George Papandreou.

Le paradoxe (en partie apparent) de la Grèce contemporaine est qu’elle célèbre, non pas la fin de la guerre (8 mai), mais son début (28 octobre pour la Grèce). Ce n’est pourtant guère une attitude surprenante, surtout lorsqu’on considère l’histoire du pays: libéré en septembre/octobre 1944, ayant connu la terrible Bataille d’Athènes entre décembre 1944 et janvier 1945 (phase II de la Guerre civile opposant la Gauche à la Droite) ; et d’ailleurs en 1945, sous un climat de longue guerre civile (1944-1949) la Grèce ne pouvait pas et ne voulait pas célébrer autre chose.

Le dernier paradoxe en date fut pourtant celui de la célébration du 28 octobre, dans sa version de 2017. Le gouvernement Tsipras, celui qui très exactement a trahi le ‘Non’ du peuple au référendum de juillet 2015, a tout fait pour minimiser la portée de la commémoration. L’ensemble des médias supposés grands en ont rajouté, aucune donc mention du mot ‘Non’. La ‘Une’ des journaux (de tous les journaux), contrairement aux années précédentes, n’ont guère mentionné le message central de cette journée, enfin, pas la moindre mention du rôle du Général Metaxás.

Aubedoriens agresseurs. Santorin, le 28 octobre (presse grecque)

Ce dernier “oubli” permet d’ailleurs aux néonazis de l’Aube dorée, à s’accaparer la mémoire du général et dictateur d’un régime certes fascisant, sauf que Metaxás ressentait de l’aversion pour le nazisme. En ce 28 octobre 2017, devant le domicile familial des Metaxás à Kifissiá, il y a eu une certaine foule, comme on dit anonyme. Depuis 2016, la famille, sa petite-fille, l’historienne Ioánna Foka-Metaxá, se refuse d’ouvrir le domicile aux visiteurs.

Elle explique implicitement, entre autres raisons (depuis 2015), que cette fermeture est également motivée par sa répugnance devant les agitations des Aubedoriens. Son message de 2015 était déjà suffisamment explicite:

“Chers amis, par cette note, nous tenons à informer tous les visiteurs et amis, qui honorent le ‘NON’ au fascisme et au nazisme, comme il a été exprimé le 28 Octobre 1940, par le gouverneur national Ioánnis Metaxás, au nom de tous les Grecs, que la maison d’Ioánnis Metaxás à Kifissiá (…) sera visitable en ce 28 Octobre (…) En même temps nous soulignons notre indignation devant l’insulte faite à ce jour du souvenir du ‘Non’, lorsque certains partis politiques cherchent l’exploitation de la grandeur de ce moment historique pour promouvoir leurs intérêts politiques, et autant se promouvoir en faux en prétendus successeurs de la mémoire historique et des idées de Metaxás, ou encore de la résistance héroïque des Grecs contre les ennemis de la Grèce. Surtout, lorsque l’attitude et les agissements de ces partis révèlent exactement le contraire.”

Le texte a été reproduit sur internet en 2017 (aussi par la presse locale de Kifissiá) , la maison du ‘Non’ n’a pas ouvert ses portes, la tombe de Metaxás a été honorée, autant que le monument dédié à la ‘Mère grecque sous l’Occupation’, morte de famine, une famine ayant provoqué de milliers de morts, volontairement organisée par les autorités occupantes de l’Allemagne d’alors, et enfin, de très nombreux citoyens ont assisté aux défilés des écoliers.

La presse dite “people” aura de son sombre côté remarqué les rares (?) cas de certaines institutrices prenant part aux défilés comme… sur une plateforme de mannequins portant des créations de mode. “Lifestyle” mondialisant de l’ultime métadémocratie, d’ailleurs potentiellement pornographique, “prostituante” car constituante du méta-monde qui se profile. D’autres instituteurs et institutrices, n’ont pourtant et heureusement, ni… la jupe, ni la mémoire, autant courtes. “Nous avons dit ‘Non’ de nouveau, ne le comprends-tu pas ?”, tel fut le message d’un maître d’école devant les officiels au défilé des écoliers à Athènes le 28 octobre 2017. C’est clair !

Défilé… de mode. Nauplie, 28 octobre 2017 (presse grecque)

Enfin, il y a eu l’affaire d’un élève de primaire venu d’Afghanistan il y a un an avec sa famille, auquel la direction de l’établissement scolaire avait refusé de devenir le porte-drapeau lors du défilé, lui laissant entre les mains… seulement la pancarte portant le nom de l’école (publique). Cette histoire a été érigée en grande affaire… d’État, d’ailleurs par Tsipras en personne. Il faut dire que la réglementation en la matière vient d’être modifiée il y a seulement quelques mois par le ministre SYRIZA de l’Éducation, provoquant il faut dire le mécontentement général.

Jusqu’à cette reforme, les porte-drapeaux des établissements ont été tout simplement les meilleurs élèves d’après leurs résultats scolaires (sans distinction d’origine ethnique ou religieuse). Désormais, ces élèves sont désignés par tirage au sort… “Pour plus d’équité”, d’après l’argumentaire Syriziste.

Pêcheur, Golfe Saronique, novembre 2017
Pêcheur. Golfe Saronique, novembre 2017
Fières montagnes. Thessalie, octobre 2017

Le climat social est alors bien tendu aux pays des pêcheurs et des fières montagnes, commémorations ou pas. Il faut dire que les Aubedoriens en profitent, autant que les anarchistes autoproclamés du chaos anomique qui règne en ce moment et par épisodes, dans certains quartiers d’Athènes. Ceux de l’Aube dorée ont par exemple empêché le déroulement d’un défilé scolaire à Santorin, puisque l’élève qui porterait le drapeau est d’origine albanaise, puis, des “inconnus” ont jeté des pierres et d’autres projectiles devant le domicile de la famille de l’écolier Afghan à Athènes.

Aussitôt, Alexis Tsipras a cru bon inviter la famille de l’écolier à son Palais du Premier ministre, lui offrant alors… “Le drapeau grec dont il a été privé”. D’après ce que je peux observer et entendre (en dehors évidemment des medias), ce geste Tsipriote passe alors difficilement aux yeux des Grecs. Lorsque les citoyens sont agressés par ses mesures d’austérité et par l’asservissement troïkan de leur pays dépossédé de sa souveraineté, d’ailleurs populaire et démocratique, “lorsque les gens se suicident, lorsqu’ils meurent sans médicaments, alors leurs familles ne sont jamais invitées chez Tsipras”, entend-on par exemple dans les cafés.

Alexis Tsipras… et le drapeau offert. Presse grecque, novembre 2017

Étrange alors conception de la victimisation que celle du gouvernement, d’autant plus qu’il, étouffe le ‘Non’ historique… après l’avoir trahi dans sa version de 2015. “Salopards… on devrait protéger le petit Afghan et sa famille… et en même temps faire fusiller les Tsipras, voilà où nous en sommes”, me dit alors Kóstas, voisin paupérisé comme nous tous dans l’immeuble, Kóstas ayant alors tant lutté, manifesté, cru et même voté SYRIZA en janvier 2015.

Cependant, tout le pays ne pas atteint de… la maladie de la mémoire courte. Le réalisateur Pandelís Voulgaris propose en ce moment aux cinéphiles, l’histoire émouvante d’un homme de la résistance, fusillé le 1er mai 1944 par les troupes occupantes en se penchant cette fois sur un des épisodes les plus sombres de l’occupation allemande. “Le dernier petit mot”, c’est le titre du film, porte sur l’exécution des 200 civils à Kaisarianí (près d’Athènes), pour l’essentiel communistes, fusillés le 1er mai 1944, afin de venger quatre officiers allemands morts dans une embuscade tendue par des résistants grecs en Laconie (Péloponnèse, région de Sparte).

“Le dernier petit mot”, film de Pandelís Voulgaris. Grèce, octobre 2017

Le film se focalise sur l’histoire (bien réelle) de Napoléon Soukatzidis, militant communique lequel avait été déjà arrêté par le régime de Metaxás en raison de son action syndicale. Cultivé et polyglotte, Soukatzidis parlait russe, anglais, allemand, français et turc, et il servait d’interprète au commandant du camp allemand Karl Fischer. C’est pourquoi Fischer a cru lui rendre un service en l’excluant de la liste des futurs fusillés.

Soukatzidis a répondu qu’il accepterait l’offre à condition que personne d’autre ne prenne sa place. Les Allemands ne l’ont pas accepté et finalement, il a été exécuté avec les 199 autres otages. Les exécutions ont été opérées par 20 personnes à la fois. Soukatzidis était le numéro 71, mais il a été placé dans la dernière vingtaine des exécutés pour ainsi tenir son rôle de interprète pour la dernière fois.

Automne européen, ses mémoires, sa météorologie ainsi connue. Cette année, les Grecs… découvrent (enfin) la Catalogne de la dernière actualité avec la première neige. “Notre été est décidément mort”, mais pas notre mémoire. La commémoration du 28 octobre est derrière nous, sauf pour ce qui est des agissements des politiciens robotisés. Un monde étranger, un monde qui nous est vraiment extérieur. Ni ceux du gouvernement, ni ceux de l’opposition ne nous sont sympathiques comme dirait notre poète Yorgos Séféris. Comme du temps de Metaxás, c’est la lassitude des gens, qui gouverne alors (et déjà) leurs pensées.

Montagnes escarpées, animaux splendides. Thessalie, octobre 2017
Montagnes escarpées, animaux splendides. Thessalie, octobre 2017
Montagnes escarpées, belles églises. Thessalie, octobre 2017

Montagnes escarpées, animaux splendides, belles églises, autrefois offrant refuge aux résistants, villes et bourgades endormies sous la fraîcheur du soir ou du petit matin.

La mémoire collective grecque, ne conservera pas grand chose… de très actualisable en ce qui concerne la figure ennemie de l’italien de 1940, contrairement il faut dire, à la figure analogue de l’occupant allemand et ceci, en dépit des efforts sans cesse réactualisées de l’Ambassade allemande à Athènes.

Disons que l’actuelle hégémonie néocoloniale allemande au moyen des piètres euphémismes de la dite Union européenne n’arrange vraiment rien. En tout cas à l’époque, au moment du revirement italien de 1943 (faisant suite à la Proclamation de Badoglio du 8 septembre 1943), certaines unités de l’Armée Italienne livrèrent leurs armes aux partisans (communistes) en Grèce, notamment la Division ‘Pinerolo’ en Thessalie. Le récit de Romolo Galimberti “Scarpe rotte” (‘Les godasses trouées’), raconte très précisément son passage entre les deux camps ainsi que son engagement auprès des résistants en Grèce, son livre a été traduit en grec.

De nombreux combattants Italiens se rangent alors du côté des résistants, les pertes italiennes ont été terribles, l’épisode tragique le mieux connu est celui de la division ‘Acqui’ en Céphalonie. Après s’être vaillamment battu contre les forces allemandes, elle est anéantie, ses hommes ont été exécutés par les Allemands, près de dix mille morts… tout de même.

Le récit de Romolo Galimberti

La commémoration du 28 octobre version 2017 est derrière nous, sauf hélas pour ce qui est des agissements des politiciens. Un monde étranger, un monde qui nous est vraiment extérieur. “Notre été est décidément mort”, se racontent alors les voisins de notre immeuble à l’unisson… et au chauffage central arrêté depuis 2012.

Novembre européen à sa météorologie bien connue, Hermès de ‘Greek Crisis’ grandira et alors forgera… tout son caractère durant l’hiver prometteur. Sans parti, ni chef !

Hermès de ‘Greek Crisis’. Octobre 2017

* Photo de couverture: Fête nationale. Kifissiá, le 28 octobre 2017

mais aussi pour un voyage éthique, pour voir la Grèce autrement “De l’image à l’imaginaire: La Grèce, au-delà… des idées reçues !”   http://greece-terra-incognita.com/

Isère : le festival des solidarités

Le collectif de Grenoble vous invite à participer au festival des solidarités qui se tiendra à Grenoble et ses alentours

du 16 novembre au 6 décembre 2017

Il s’agit de contribuer à donner à tous des clés pour développer un esprit critique face à un modèle de développement
dominant producteur d’inégalités et d’exclusions. De viser une transformation sociale et à la construction collective
d’autres modes de développement, respectueux des droits humains et de l’environnement. De valoriser des alternatives en cours partout dans le monde.

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Grèce : le bal des vautours

Les fonds vautours volent aussi en Europe

4 novembre par Anouk Renaud CADTM

Première partie : Sucer la Grèce jusqu’à la moelle

Où se passe une restructuration d’une dette publique, des fonds vautours ne sont jamais bien loin. Ces charognards qui prennent pour proie des pays en crise ne chassent pas uniquement dans les pays du Sud – bien que ces derniers restent leurs cibles privilégiées- mais s’en prennent aussi aux pays du Nord. En témoigne, le cas de la Grèce et l’importante |1| restructuration, que le pays a réalisé en 2012 sous la pression de ses créanciers.

C’est quoi une restructuration de dette ?

Une restructuration de dette c’est un échange de dettes via lequel des anciens titres sont échangés contre des nouveaux, comprenant des conditions différentes. C’est-à-dire une baisse des taux d’intérêt et/ou un allongement du calendrier de remboursement et/ou une diminution du capital, de la valeur de la dette.

Exemple : j’avais un titre de la dette belge de 1 000 euros arrivant à échéance en 2019, avec un intérêt de 2,3 %. Après restructuration, je renonce à ce titre en échange d’un nouveau qui me donne droit à 850 euros, arrivant à échéance en 2030 avec un intérêt de 1,7%.

Comment se passe les restructurations ? Généralement par une négociation entre créanciers et pays débiteur.

Pourquoi fait-on des restructurations de dettes ? Généralement, parce que c’est la crise et que le pays est en situation de surendettement.

À savoir : dans de rares cas, les anciens titres sont échangés contre des liquidités, de l’argent quoi.

Autopsie d’une restructuration

Bien qu’annoncé, l’échec du premier « plan de sauvetage » de la Grèce de mai 2010 devient patent dès 2011. Le taux d’endettement public atteint alors 172,1 % du PIB, quand il était à 126,7 % à la veille de l’intervention de la Troïka. C’est dans ce contexte que s’ouvrent les pourparlers pour un deuxième « plan de sauvetage ». Alors qu’en 2010, l’Union européenne et le FMI ont tout fait pour éviter une restructuration de la dette grecque, elle apparaît cette fois-ci à l’ordre du jour.

Dès le départ, le cadre des discussions se limite à la mise en œuvre d’un PSI, Private Sector Involment. Autrement dit, pas question de toucher aux créances détenues par les pays européens, le FMI et la BCE, mais uniquement à celles des créanciers privés (ceux qui n’ont pas été remboursés intégralement grâce au « plan de sauvetage » de 2010).

À partir de l’été 2011, les négociations, dans un cadre plus ou moins formel, débutent. Qui participent à ces discussions ? Des représentants des États de la zone euro, d’abord. Les représentants de la Troïka (FMI et BCE) ainsi que le président du comité économique et financier de l’époque, M. Grilli, ensuite. Et enfin, les grandes banques privées via l’Institute of International Finance (IIF), qui est ni plus ni moins le plus gros lobby du secteur financier et un incontournable des négociations de restructuration de dettes souveraines |2|. Dans le cas de la Grèce l’IIF a mis sur pied un groupe ad hoc, le Private Creditor/Investor Committee, composé d’une trentaine d’institutions bancaires et de compagnies d’assurance, afin d’aboutir à une position collective protégeant les intérêts des créanciers et investisseurs privés |3|. Les banques privées s’avèrent non seulement conviées aux discussions ayant lieu « avant, pendant et après » les sommets européens officiels, mais en plus celles-ci se font sur base de leurs propositions élaborées au sein de ce Private Creditor/Investor Committee |4|. Et tandis que les banques imposent leurs doléances, il faut noter une absence remarquée autour de la table : aucun représentant de la Grèce lors de ces rencontres. La Grèce sera de la partie uniquement pour les détails techniques, les modalités d’application d’une décision prise sans elle. C’est au sommet d’octobre 2011 que la décision d’alléger la dette est officialisée.

Le processus de restructuration en tant que tel peut alors commencer. Le 23 février 2012 une loi qui modifie les clauses des titres souverains soumis au droit grec est votée. Cette modification rétroactive permet d’inclure dans ces contrats des clauses d’action collective (CAC). Ces clauses stipulent qu’en cas de renégociation de la dette, si deux tiers des créanciers acceptent le deal proposé, celui-ci s’impose à l’entièreté des créanciers. Après les négociations et à l’aide de ces CAC, le gouvernement grec obtient un accord avec un peu plus de 95 % des détenteurs de ces titres de la dette souveraine.

Le 24 février un acte du conseil des ministres (loi 4050/2012) entérine donc quels titres seront concernés par l’échange et surtout les conditions de celui-ci. En échange de chaque obligation grecque d’une valeur initiale de 100 euros, les créanciers obtiennent :

  • vingt nouvelles obligations grecques d’une valeur totale de 31,5 euros. Ces obligations arrivent à échéance entre 2023 et 2042 et leurs taux d’intérêt augmentent progressivement (2 % entre 2012 et 2015, puis 3 % entre 2016 et 2020, puis 3,65 % en 2021 et 4,30 % de 2022 à 2042). Ces obligations sont émises par l’État grec mais sont régies désormais par le droit britannique.
  • deux obligations d’une valeur de 15 euros. Ces obligations sont émises par le Fond européen de stabilité financière (le FESF) et régies elles aussi par le droit britannique. Leur durée est de respectivement un et deux ans.
  • un titre de garantie, arrivant à échéance en 2042 et régi lui aussi par le droit britannique. Son rendement est lié au PIB grec : ce titre est activé dès lors que la Grèce enregistre 12 mois consécutifs de croissance économique |5|.

Sur le papier, c’est finalement une décote de 53,5 % à laquelle ont consenti les créanciers privés de la Grèce. Sur le papier, car ce chiffre et surtout la perte réelle sont à fortement relativiser à la lumière de plusieurs éléments.

Qui perd, qui gagne ?

En réalité, les banques privées qui détenaient encore des titres grecs s’en sont très (très) bien tirées avec cette restructuration. Déjà, pour faire passer la pilule, elles ont reçu ce qu’on appelle « des sweeteners » (des édulcorants en français) c’est-à-dire de l’argent directement en cash. Comme visiblement il est d’usage de faire dans ce genre de négociations avec les créanciers… |6|

Ensuite, les obligations émises par FESF obtenues ont trois caractéristiques très avantageuses par rapport aux anciennes créances de l’État grec : elles sont à court terme et donnent donc droit rapidement au remboursement du capital, elles sont plus sûres (elles sont alors notées AAA |7|) et elles s’échangent bien plus facilement. Il est important d’apprécier ces nouvelles conditions à la lumière du contexte de l’époque, puisqu’à ce moment-là les titres grecs ne valent plus rien et sont ainsi difficiles à revendre. Avec cette restructuration les créanciers obtiennent (en apparence) 46,5 % de la valeur de leurs anciens titres mais pour des titres qui n’en valaient plus que 36 % sur le marché. La garantie donc pour les créanciers privés de se voir remboursés ou de pouvoir les revendre plus aisément. Sans compter que l’octroi de ces obligations du FESF prenait aussi en compte les intérêts courus. Autrement dit, les intérêts qu’auraient dû toucher les créanciers sur leurs anciens titres ont été intégrés dans le capital de leurs nouveaux titres. Cette pratique consistant à transformer des intérêts en capital (et donc à payer de nouveaux intérêts sur les intérêts) se nomme « anatocisme » et elle est interdite par principe dans plusieurs législations nationales comme en Italie, en Suisse et en Équateur. Cette pratique est largement abusive vu que le créancier fait payer de nouveaux intérêts sur les anciens intérêts qui se sont ajoutés au capital prêté et donc à rembourser.

Afin de pallier aux effets de cette restructuration, un plan de recapitalisation des quatre grandes banques privées grecques |8| a également été imposé par le deuxième accord de prêt et donc financé par de l’argent public. C’est 37,3 milliards d’euros sur une enveloppe prévue de 48 milliards qui ont été injectés alors dans les banques compensant ainsi leurs pertes |9|. Enfin, le petit bonus des titres de garanties indexés sur la croissance peut paraître anecdotique étant donné la situation économique désastreuse de la Grèce, mais ils donneraient droit à des profits juteux s’ils venaient à être activés.

À la lumière de ces éléments et en y ajoutant d’autres, bien en deçà des 53,5 % de décote officielle, la perte effective des créanciers est estimée à seulement de 3,84 % |10|.

Ceci étant dit tout le monde ne peut pas en dire autant. Si les banques ont bénéficié d’un confortable matelas fourni pas les institutions publiques pour amortir la chute, elle fut bien plus douloureuse pour d’autres créanciers.
Ce fut le cas pour les petits porteurs, les fonds de pensions, les organismes de sécurité sociale et certaines entreprises publiques grecques, qui, s’ils ont bien obtenu des titres en échanges, ne furent ni indemnisés, ni dédommagés de leurs pertes.

D’autant qu’en amont de la restructuration nombre d’administrations publiques grecques (hôpitaux, caisse d’assurance maladie, caisse de retraites…) avaient été contraintes via décret ministériel de transformer une partie de leur budget de fonctionnement en titres publics grecs |11|. On estime les pertes à 16,2 milliards d’euros dont 14,5 milliards rien que pour les caisses d’assurance maladie et retraites |12|. Un coup énorme porté à la viabilité du système de sécurité sociale déjà largement malmené par les mesures d’austérité et leurs conséquences1 |13|.

Même retour de bâton pour des fonctionnaires licenciés en 2010 sur ordre de la Troïka et qui s’étaient vus dédommagés avec des obligations d’État. Au total on compte 15 000 familles qui avaient placé leurs économies dans la dette grecque |14|.

En septembre 2014, 6 230 particuliers grecs ont d’ailleurs déposé plainte |15| contre l’État grec devant la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH). Parmi les arguments invoqués, on retrouve bien entendu l’inégalité de traitement entre petits porteurs et gros investisseurs. Une différence à la fois dans les conditions mêmes de l’échange mais aussi lors des négociations. Contrairement aux banques complètement parties prenantes de l’élaboration de la restructuration, les petits porteurs n’ont pas été consultés ni même informés des négociations en cours. Pour justifier cette mise à l’écart, les autorités grecques comme européennes affirment en 2012 que les personnes physiques ne seraient pas concernées par l’accord. C’est du moins ce qu’avait proposé le ministre grec : exempter les petits porteurs de la restructuration, notamment ceux qui avaient acheté les titres au moment de leur émission. Une proposition retoquée par le président de l’Eurogroupe, et qui avait conduit le ministre grec à promettre à défaut des « mécanismes de compensation » pour les petits porteurs, qui sont restés lettre morte1 |16|.

Les requérants ont également mis en avant leur spécificité en tant que personnes physiques n’ayant aucune activité professionnelle dans le domaine de l’investissement. À ce titre ils auraient dû bénéficier de mesures volontairement distinctes et plus avantageuses que les banques ou autres fonds d’investissement. Une différence reconnue pourtant par le Conseil d’État grec, saisi sur cette affaire en 2012. Celui-ci justifiait notamment le rejet du recours par des catégories juridiques différentes légitimant donc des réglementations différentes. Les avantages octroyés aux banques et autres investisseurs se justifiant alors par « des objectifs d’intérêt public » |17|. Ce à quoi les requérants répondent qu’il est difficile de voir en quoi inclure les petits porteurs dans l’échange de titres servait l’intérêt public, dans la mesure où les obligations détenues par ces derniers représentaient seulement 1 % de la dette publique grecque. Restructurer ces titres-là n’a ainsi représenté qu’un allègement de la dette publique grecque de 0,7 à 0,8 %. Une goutte d’eau donc pour la Grèce, mais un véritable raz-de-marée pour certains ménages, comme en témoignent les 17 suicides recensés parmi eux |18|. Ce même raisonnement est encore plus troublant concernant les administrations publiques dont les pertes ne peuvent pas contribuer à améliorer l’endettement public, puisque leurs déficits sont précisément une composante de cette dette publique.

À la lecture du jugement rendu par la CEDH, qui déboute les requérants, on apprend qu’en plus de toutes les mesures citées précédemment, les banques ont bénéficié aussi d’exonérations fiscales pour « limiter leur préjudice résulté de l’échange » et « préserver la viabilité et la crédibilité des établissements financiers dont la fragilité aurait constitué une menace grave pour l’économie nationale » |19|.

Bref, l’étendard du « too big, too fail » de nouveau brandi pour justifier des politiques publiques plus qu’avantageuses pour les banques privées. Des banques privées qui sont toutefois loin d’être les seules à avoir tiré leur épingle du jeu…

Qui sont les fonds vautours qui en profitent ?

C’est une véritable nuée de fonds vautours qui s’est déployée autour de la restructuration de la dette grecque. Des vautours aux stratégies plurielles et usant de différents outils à leur disposition pour profiter au maximum de ce juteux commerce : la crise des dettes souveraines.

Euh… c’est quoi un fonds vautours déjà ?

Un fond vautour c’est une entreprise financière, dont la spécialité est de racheter des dettes à prix cassé, et ensuite tout faire pour obtenir le remboursement de cette dette à 100 % de sa valeur, celle inscrite sur le contrat (que l’on appelle dans le jargon valeur nominale ou faciale) majorée d’intérêts et de pénalités.

Comment s’y prennent-ils ? Primo, ils attendent qu’un pays rencontre des difficultés financières pour racheter sa dette sur le marché secondaire (c’est-à-dire le marché de seconde-main des titres de la dette), qui ne vaut alors plus grand-chose.

Ensuite, ils refusent toute négociation, restructuration de la dette. Ils font pression sur les gouvernements pour toucher 100 % du remboursement (majoré des intérêts voire des pénalités de retard) même s’ils ont dépensé bien moins pour acquérir ces dettes. Et souvent pour ce faire ils poursuivre les États en justice.

Avec cette petite combine, ils arrivent à obtenir en moyenne 3 à 20 fois leurs sommes de départ.

Une petite précision, toutefois, certains fonds d’investissement ont fait de ces pratiques une véritable spécialité. Pour autant, de tels agissement ne se limitent pas uniquement à ces fonds-ci, mais peuvent être accomplis par d’autres entreprises en apparence plus respectables… Ce fut par exemple, le cas de BNP Paribas, dans le cas de l’Argentine.

Pour plus d’infos, voir cette brochure

L’octroi en mai 2010 d’un premier prêt du FMI et de l’Union européenne sans restructuration de la dette va donner le top départ pour l’action des fonds vautours. En effet, ce premier mémorandum garantissait le remboursement des titres grecs (au moins ceux à court terme) et repoussait l’allègement de la dette grecque à plus tard. Des conditions idéales donc pour les fonds vautours qui vont opérer via deux biais |20|.

Premièrement, à partir de 2011 certains vont se mettre à racheter de la dette grecque, qui ne vaut alors plus grand-chose sur les marchés financiers. En attendant la restructuration qu’ils savaient inévitable comme les autres gros investisseurs privés….

Bien que d’ordinaire les fonds vautours n’acceptent pas les restructurations de dettes et espèrent le remboursement à 100 %, ceux-ci vont réaliser tout de même une forte plus-value, car les titres qu’ils ont obtenu grâce à la restructuration donnaient droit à des remboursements supérieurs au prix d’achat. Avant la restructuration, le fonds états-unien Third Point possédait 1 milliard d’euros de dette grecque qu’il avait racheté seulement 170 millions. Avec la restructuration il a obtenu des titres rémunérés à 34 centimes l’euro, enregistrant ainsi un profit net de 500 millions d’euros |21|.

Deuxièmement, certains fonds vont cibler spécifiquement les titres de la dette grecque soumis au droit étranger (majoritairement le droit anglais) dans leurs rachats |22|. Un double intérêt pour ces fonds : ne pas être contraints par les CAC insérées par la loi du 23 février 2012 dans les contrats régis par le droit grec et pouvoir poursuivre la Grèce devant des juridictions étrangères le cas échéant. Évidemment, ces fonds ont refusé le deal proposé en 2012 relatif à l’échange de titres et ont réclamé à la Grèce l’entièreté de leur créance. Ce comportement leur vaut également le nom de « hold out ».

Les hold out en quelques chiffres

Sur 205 milliards d’euros de créances grecques détenues par des créanciers privés :

  • 177 milliards d’euros étaient soumis au droit interne, c’est-à-dire le droit grec.
  • 28 milliards d’euros étaient soumis à des droits étrangers : anglais, italien, japonais, suisse… (20 milliards rien que pour le droit anglais).
    Parmi ces 28 milliards, les hold out (ceux refusant le deal proposé) pesaient 6,4 milliards d’euros.

Au total, sur 205 milliards, la décote s’est appliquée à 199,2 milliards d’euros de titres et 6,4 milliards détenus par des fonds vautours y ont échappé.

Face au refus des hold out d’accepter l’échange, le gouvernement grec a, dans certains cas, tenté d’obtenir un compromis retoqué par les fonds en question. Dans d’autres, il ne s’est même pas donné cette peine. Au final, le gouvernement grec décide, sans esclandre ou pugnacité, et avec la bénédiction des Institutions qui ont pourtant exigé la restructuration, de rembourser à taux plein ces hold out |23|.

Le premier paiement, de 436 millions d’euros a été fait à un groupe d’investisseur mené par Dart Management (un fonds vautours qui n’est pas à son coup d’essai). Le deuxième de 790 millions en juin 2013, puis 540 millions en juillet 2013. Fin 2015, c’est 3,6 milliard d’euros qui ont été payés, ponctionnant donc une partie des sommes empruntées2 |24|. On estime que ces fonds ont acheté les obligations grecques entre 60 % et 70 % de leur valeur |25|.

Alors que la plupart des fonds vautours n’ont même pas eu à entamer d’action en justice pour se voir payés, la banque slovaque Postová Bank a, quant à elle, déposé une plainte en mai 2013 contre la Grèce devant le CIRDI en s’appuyant sur un traité bilatéral d’investissement (TBI) conclu entre la Grèce et la Slovaquie. Idem pour l’un des actionnaires chyprïotes de la banque, Istrokapital, qui a déposé une plainte supplémentaire sur base cette fois-ci d’un TBI entre la Grèce et Chypre |26|.

Bien que les poursuites n’aient pas abouti, puisque le tribunal arbitral du CIRDI s’est déclaré incompétent, il est intéressant de ne pas omettre cette voie qui pourrait être utilisée à l’avenir par les fonds vautours et d’autres créanciers suite à des restructurations de dettes souveraines. Notons tout de même que la Grèce a dépensé 4,6 millions d’euros en frais de justice et est redevable de la moitié des frais administratifs liés à cette procédure d’arbitrage s’élevant à 600 000 dollars US |27|.

Il serait trop facile de penser que les fonds vautours ne sont que des fonds privés spéculatifs faisant du dépeçage des États et donc de leurs populations, leur spécialité. Car en Grèce on trouve des vautours tout à fait spéciaux, à l’apparence bien plus respectable mais aux pratiques tout aussi scandaleuses. Rappelons que si les créanciers publics de la Grèce (le FMI, les pays européens et la BCE) ont imposé l’allègement de la dette grecque, comme condition du deuxième mémorandum, elles ne l’ont pas appliqué à leurs propres créances, dont la valeur est restée intacte. L’impact est encore plus fort dans le cas de la BCE qui a racheté des obligations grecques à prix cassé sur le marché secondaire via le Securities Market Program (SMP). Ces rachats massifs entre 2010 et 2012 vont non seulement permettre aux grandes banques privées européennes de se dégager du risque grec en revendant leur titres mais en plus à un prix bien plus intéressant que celui du marché. En effet, sans l’intervention de la BCE on estime que la valeur de la dette grecque aurait atteint le prix plancher de 20 % de sa valeur faciale, alors que la BCE l’a rachetée à 70 % |28|. Exemptée de la restructuration, la BCE obtiendra 100 % de leur valeur. Grâce à cette différence entre le prix de rachat et de remboursement ainsi que des intérêts élevés, la BCE réalise de juteux bénéfices, qui s’élèvent à 7,8 milliards d’euros rien qu’entre 2012 et 2016 |29|.

Une deuxième danse

C’est une réduction de 107 milliards d’euros qu’a permis la restructuration. Mais une réduction qui fut de courte durée, car dès 2013 le niveau d’endettement grec repart de plus belle pour atteindre aujourd’hui 180 % du PIB dans une économie laminée par l’austérité. La meilleure démonstration sans doute que cette restructuration n’a en réalité été qu’un mécanisme supplémentaire pour dégager « en douceur » les créanciers privés d’un défaut grec. Mais la restructuration a un coût : celui d’un deuxième prêt octroyé par le FESF, qui a émis les nouvelles obligations. Aujourd’hui la Grèce doit rembourser 131 milliards d’euros à cette institution européenne. À l’image du premier mémorandum l’argent emprunté par la Grèce ne lui a pas permis de se remettre sur pied mais de financer un allègement tout en douceur pour les banques privées, une recapitalisation des grandes banques grecques et rémunérer les fonds vautours. Et s’il est nécessaire de le rappeler cette dette est payée par la population grecque via une austérité meurtrière.

Les fonds vautours risquent en plus bien de s’offrir une deuxième danse avec la restructuration de la dette grecque à venir. En effet, déjà insoutenable en 2010, la dette publique grecque n’est toujours pas payable comme chacun le sait et une deuxième restructuration n’est plus qu’une question de temps, lorsque le FMI et l’Eurogroupe auront cessé leurs désaccords feints.

D’ailleurs en mai dernier, la Commission européenne annonce que « l’accord » conclu avec Athènes sur une nouvelle vague de mesures d’austérité, marque également le début des discussions sur la restructuration de la dette grecque. Des discussions qui auraient même déjà débuté et qui, à l’instar de celles de 2011, sont tenues secrètes et se déroulent sans la Grèce |30|.

Sachant qu’aujourd’hui les investisseurs privés possèdent pour 34 milliards d’euros d’obligations grecques suite à l’échange de 2012 et que depuis la restructuration les fonds d’investissement ont acquis pour 15 milliards de dette grecque, en attendant une restructuration ou un défaut |31|.

Bref, une nouvelle opportunité pour que les vautours continuent de réaliser d’importants bénéfices au détriment de la vie, tout simplement, des Grecques et Grecs.


(Re)Voir la première partie :
Sucer la Grèce jusqu’à la moelle

Notes

|1| Selon Miranda Xafa – ancienne conseillère économique du FMI et du premier ministre grec C. Mitsotakis, il s’agit de l’opération de restructuration la plus importante de l’histoire des restructurations des dettes souveraines dans la mesure où elle comprenait des titres de créances d’une valeur (nominale) de 205 milliards d’euros. Cité par Daniel Munevar, « Grèce : la restructuration de la dette grecque de 2012 et la recapitalisation bancaire jusqu’à 2016 », CADTM, janvier 2017.

|2| CEO, « What are Bankers doing inside EU Summits ? », janvier 2012. Accessible à : https://corporateeurope.org/financi…

|3| Kenneth Dyson, Sates, Debt and Power. “Saints” and “Sinners” in European History and integration, Oxford University Press, 2014, p. 396

|4| Dans le groupe de pilotage de ce comité on retrouve notamment BNP Paribas, Deutsche Bank, ING, Intesa Sanpaolo et National Bank of Greece. Kenneth Dyson, ibid., p.396

|5| Xavier Dupret, « Restructuration de la dette grecque. Bénéfice sur toute la ligne pour les créanciers », ACJJ, mars 2015. Accessible à : http://acjj.be/ancien/publications/…

|6| Jeromin Zettelmeyer, Christoph Trebesch et Mitu Gulati, « The Greek Debt Restructuring : An Autopsy », juillet 2013, Peterson Institute for International Economics, Working Paper No. 2013-13-8., p.26, cité par Xavier Dupret, op.cit.

|7| CEO, op.cit.

|8| Il s’agissait d’Ethniki Trapezatis Ellados, Piraeus Bank, Alpha Bank et Eurobank. Voir Xavier Dupret, op. cit.

|9| Commission pour la vérité sur la dette publique grecque, La vérité sur la dette grecque, Les Liens qui libèrent, 2015, p. 64 et 87

|10| Xavier Dupret, op.cit.

|11| Marie-Laure Coulmin Koutsaftis (dir.), Les Grecs contre l’austérité, Le Temps des Cerises, 2015, p.50

|12| Commission pour la vérité sur la dette publique grecque, op. cit., p. 65

|13| Pour en savoir plus voir : Michel Husson, « Pourquoi les réformes des retraites ne sont pas soutenables ? », CADTM, novembre 2016.

|14| Ibid., p.65

|15| Plus exactement il y avait trois requêtes contre la Grèce : n° 63066/14, 64297/14 et 66106/14, traitées ensemble via un seul jugement.

|16| Affaire Mamatas et autres c. Grèce, juillet 2016, CEDH, p.6. Accessible à : http://www.tovima.gr/files/1/2016/0…

|17| Affaire Mamatas et autres c. Grèce, op.cit.

|18| Commission pour la vérité sur la dette publique grecque, op. cit. p.65

|19| Affaire Mamatas et autres c. Grèce, op.cit., p.11

|20| Daniel Munevar, « Fonds vautours : les leçons de la Grèce », CADTM, février 2017.

|21| Daniel Munevar, Ibid.

|22| Daniel Munevar, Ibid.

|23| Daniel Munevar, Ibid.

|24| Commission pour la vérité sur la dette publique grecque, op. cit. p.88

|25| Daniel Munevar, Ibid.

|26| TNI/CEO, Greece and Cyprus : falling into the debt trap, Profiting from crisis, page 18

|27| Poštová banka, a.s. and ISTROKAPITAL SE v. Hellenic Republic, Ibid.

|28| Éric Toussaint, « La BCE se comporte comme un fonds vautour à l’égard de la Grèce », Le Soir, octobre 2017. Accessible à : http://plus.lesoir.be/121092/articl…

|29| Letter from the ECB to Mr Nikolaos Chountis (QZ064), octobre 2017, European Central Bank. Accessible à
https://www.ecb.europa.eu/pub/pdf/o…

|30| Jurek Kuczkiewicz, « La dette grecque revient sur la table », Le Soir, mai 2017.

|31| Daniel Munevar, « Fonds vautours : les leçons de la Grèce », op. cit.

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http://www.cadtm.org/Les-fonds-vautours-volent-aussi-en

Grèce : Fermeture des pharmacies sociales !!! Que se passe-t-il ?

Grèce : Fermeture des « Pharmacies Sociales » !!! Que se passe t il ? publié le 5 nov sur le grand soir

 

Dispensaire Social d’Elliniko

50% de la population vit ainsi… 500.000 enfants vivent en dessous du seuil de pauvreté 500.000 travailleurs ont un salaire moyen de 350 euros 700.000 personnes ont quitté le pays 1.000.000 travailleurs non payés dans le secteur privé 1.100.000 retraites de moins de 500 euros 1.200.000 sans emploi sans aide de chômage A part cela … tout va très bien…

Communiqué de presse

L’Ordre National des Pharmaciens grecs demande au ministère de la Santé la fermeture des « Pharmacies Sociales », considérant qu’elles n’ont plus aucun rôle à jouer dans la réalité actuelle, tout en en mentionnant combien utile et nécessaire a été leur rôle pendant la durée de la crise.

Beaucoup de questions évidentes se posent :

1 L’Ordre des Pharmaciens considère que la crise est terminée ?

Même si :

les retraites continuent à être amputées et que les retraités s’appauvrissent continuellement ?
Le chômage continue à atteindre des taux à deux chiffres (les statistiques officielles d’ELSTAT sont de 21,7% pour le mois de mai avec plus d’un million de chômeurs) ?
On parle maintenant de « salaires » de 200 à 300 euros avec le slogan qui va de soi : à demi travail, demi-salaire ! ?
Le nombre de mendiants et de SDF continue d’augmenter à un rythme rapide (se promener, même dans le centre de Glyfada, fait mal au cœur) ?
Les citoyens suppriment des biens de consommation de base dans leur alimentation (selon de nombreuses recherches sur le sujet) ?
Les dettes impayées aux banques ou à l’Etat enflent ?
L’augmentation des taxes directes ou indirectes affecte les plus faibles ?
Maintenant ils ne peuvent même plus s’assurer de leur maison avec de plus en plus comme résultat ces images dramatiques de ventes aux enchères ?

2 En août 2014 l’accès aux médicaments des malades non assurés avait initialement fait l’objet de la loi (Κ.Υ.Α. Γ.Π/ΟΙΚ. 56432/28.6.14) qui leur accordait le même reste à charge qu’aux malades assurés, alors que nos concitoyens « sans ressources »1-détenteurs du livret de prévoyance continuaient à se procurer leurs médicaments entièrement gratuits dans les hôpitaux publics

Pourquoi cela est il caché ?

Il n’est fait référence qu’à la dernière loi (4368/2016 et ΚΥΑ Α3(γ)/ ΓΠ/κ.25132/04.4.2016) Comme pour la loi précédente, le traitement y est identique pour l’accès aux médicaments entre les assurés et les non assurés, mais la situation des « personnes sans ressources » a empiré.

Les « personnes sans ressources » se procurent leurs médicaments sans reste à charge dans les pharmacies privées sur critère de leur revenu : moins de 2400 euros par an pour une personne seule.

On leur demande généralement en fonction des médicaments (et pas pour des médicaments spéciaux), de payer la différence entre le prix de vente et le prix de référence.2
La différence entre le prix de vente au détail et le prix de référence modifie aussi le reste à charge des autres citoyens.

Maintenant les pourcentages de reste à charge inscrits sur les ordonnances, par exemple 10%, 25% sont rarement appliqués, sans parler des produits consommables ou des médicaments non inscrits sur l’ordonnance ! (analgésiques, vitamines3)

Pourquoi n’ont ils pas demandé depuis 2014 la suppression des pharmacies sociales ?

3 Pour les basses retraites :un malade avec une retraite de 384 euros par mois, par exemple, soit 4.608 euros par an, il n’a donc aucune exemption de reste à charge, et si il a plusieurs affections : pulmonaire, cardiaque ou un problème de diabète ?

Quelqu’un peut il penser qu’il peut régler le coût de son reste à charge établi suivant le type de médicaments et payer en plus son loyer, la nourriture (s’il ne s’adresse pas à la soupe populaire), l’eau, l’électricité (pour ne parler que des besoins de base) ? ?.

4 L’Ordre des Pharmaciens pense donc que ceux, silencieux et honteux la plupart du temps, qui s’adressent pour de l’aide aux dispensaires sociaux, sont de simples « resquilleurs » à qui il plaît de prendre des médicaments donnés par quelqu’un qui n’en avait plus besoin, plutôt que de se rendre normalement à sa pharmacie ?

Mis à part la date de la demande, le fait que dans le cadre des « Pharmacies Sociales » il y ait des structures qui fonctionnent suivant des principes différents pose la question de la nécessité évidente et généralement reconnue du soutien aux structures sociales (et pas seulement des Pharmacies Sociales).

Il y a les « Pharmacies Sociales » subventionnées (par des Fonds européens ou des ONG), à coté de structures de solidarité autogérées indépendantes non subventionnées comme le Dispensaire Social Métropolitain d’Elliniko (MKIE), qui offre de soins entièrement bénévoles et sans échange d’argent.

L’action et le travail du MKIE (qui comporte également une pharmacie) tire sa renommée de sa reconnaissance par les citoyens, aussi bien en Grèce qu’à l’étranger.

Il fonctionne selon un code de valeurs morales et avec le contrôle continu des conditions des bénéficiaires.

Il les envoie aux pharmacies privées lorsque l’achat de médicaments n’est pas une charge démesurée.

Il comprend aussi les problèmes des pharmaciens dont ne sont pas responsables les simples citoyens mais les politiques.

Ceux qui prévoient la fermeture de telles structures absolument nécessaires auront à faire face à la société elle même. D’ailleurs des structures comme le MKIE se ferment toutes seules, il suffit que n’existent pas les raisons qui les rendent indispensables.

Donc que tous ceux pour qui « importe » le bien de la société grecque s’occupent de lutter essentiellement pour supprimer les causes de l’existence des structures sociales de solidarité.

Le MKIE se bat en Grèce et aussi au niveau européen et c’est pour cela que les structures de solidarité de la plupart des pays européens, et pas seulement, nous soutiennent avec ardeur.

1 « personnes sans ressources » : en Grèce les personnes pouvant justifier de ressources inférieures à 200 euros/mois pour une personne seule, jusqu’ à 500 euros/mois pour foyer de 5 personnes, et ne disposant d’aucun patrimoine peuvent bénéficier de certaines mesures sociales, dont d’un régime de couverture maladie particulier.

2 Il existe en Grèce une différence importante entre le prix de référence concédé par l’Etat pour la vente des produits pharmaceutiques et le prix réel du marché. Cette situation est parfaitement légale et a été mise en place depuis l’application des mémorandums. Le remboursement se fait selon le prix concédé par l’Etat, ce qui oblige les patients de payer des restes à charge trop importants.

3 Qui ne sont pas remboursés du tout.

Le Dispensaire Social Métropolitain d’Elliniko

Traduction Palili

https://www.legrandsoir.info/grece-fermeture-des-pharmacies-sociales-que-se-passe-t-il.html

http://www.mkiellinikou.org/blog/2017/10/24/pfs

 

Grèce : Les aéroports privatisés une mine d’or pour la Sté allemande

Publié le 5 nov 17 sur Unité populaire

LES 14 AEROPORTS PERIPHERIQUES PRIVATISES : UNE MINE D’OR POUR LA SOCIETE ALLEMANDE FRAPORT SELON LE HANDELSBLATT – DES PROFITS DE PLUS DE 100 000 000 D’EUROS EN QUELQUES MOIS !

 source http://agonaskritis.gr/

Sous le titre « La Grèce devient une source de revenus [pour l’Allemagne] », le journal économique Handelsblatt évoque les superprofits qu’apportent à la société Fraport les 14 aéroports concédés à celle-ci  dans le cadre d’un accord de type colonial.

Le journal souligne que les profits ont dépassé les prévisions les plus optimistes des experts : Fraport Greece a rapporté au groupe 180 millions d’euros et au cours des 9 premiers mois de 2017 on a noté une augmentation de 13,7% des recettes du groupe qui se montent à 2,23 milliards d’euros.

Selon un communiqué du groupe, dans le secteur des activités extérieures dont fait partie l’exploitation des 14 aéroports de Grèce, les recettes ont augmenté de 51,2% et se sont montées à 631 millions d’euros – et ce surtout justement grâce aux aéroports grecs dont les recettes ont augmenté de  181,4 millions d’euros. Malgré des coûts en hausse, les revenus avant prélèvement fiscal de ce secteur de Fraport ont augmenté de 77,8 et ont atteint 280,1 millions d’euros.

Plus précisément, Fraport Greece a bénéficié de revenus de l’ordre de 1,06 milliard avant impôt et un résultat de 29 millions d’euros. Ces résultats de Fraport Greece ont conduit à une augmentation importante des flux de trésorerie liés au fonctionnement du groupe, avec une augmentation de 25,1% sur les libres flux qui sont passés à 3,8 milliards.

La fréquentation des 14 aéroports grecs a augmenté de 9,7% au cours du 3ème trimestre 2017 et a concerné 14,2 millions de passagers – pour les 9 mois l’augmentation a été de 10,5% pour 23,9 millions de passagers.

Sur l’ensemble de l’année 2017 on prévoit pour le groupe, en incluant les aéroports grecs, des recettes de 2,9 milliards d’euros et des revenus avant impôt de 980 millions à 1 milliard d’euros. On prévoit aussi une augmentation de la fréquentation des 14 aéroports de 10% sur l’ensemble de l’année.

La vente des aéroports peut être considérée comme l’une des plus scandaleuses cessions de patrimoine public dans le monde, à cause non seulement du prix honteusement bas de cette cession mais aussi des conditions véritablement coloniales acceptées par le gouvernement Syriza. Rappelons que les détails de la vente ont été fixés, pour le côté grec, par une filiale de la Lufthansa qui figure dans le capital de Fraport. Autant dire que c’est l’acheteur qui a fixé les conditions de la vente.

Et au même moment, il est question que la société exige des contribuables grecs une « indemnisation » de 70 millions d’euros pour la situation déplorable dans laquelle elle a trouvé les aéroports quand elle les a pris en mains…

Traduction: Merci à Joëlle Fontaine

https://unitepopulaire-fr.org/2017/11/05/les-14-aeroports-grecs-privatises-une-mine-dor-pour-fraport/

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