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Un adieu à notre ami Muhamad Gulzar, tué à la frontière d’Evros

La rumeur d’un deuxième réfugié tué aux frontières, s’est répandue il y a trois jours. Comment imaginer qu’il puisse s’agir de notre ami ? Comment cela a-t-il pu se produire ? Et hier les premiers messages. Sa femme, apparaissant dans un reportage de Sky News. Une prise lointaine, à l’extérieur de l’hôpital, en pleurs et en deuil. C’est par elle que nous avons appris que Muhamad a franchi une nouvelle fois les frontières, cette fois-ci de la Grèce à la Turquie et de nouveau au Pakistan. Pour l’emmener et être ensemble.

Mercredi dernier, dans la matinée, notre ami Muhamad, notre Muhamad de la chambre 611, a été abattu simplement parce qu’il était un migrant. Un homme en lutte, un innocent, déclaré « ennemi » et « envahisseur » de l’Europe. Un civil abattu comme un animal sauvage.

La balle est sortie d’un pistolet du côté grec, … était-ce la police des frontières, une milice, un volontaire fasciste grec ou étranger ou était-ce un jeune soldat à qui le gouvernement avait ordonné d’utiliser des  » balles réelles  » ?

Le gouvernement a dit que c’était des fausses nouvelles et de la propagande turque. La veille, le commissaire européen a déclaré que le gouvernement grec faisait ce qu’il fallait, il agit comme un « bouclier de l’Europe ».

Nous, amis de Muhamad Gulzar, qui l’avons rencontré dans l’hôtel squatté City Plaza à Athènes il y a trois ans, nous disons que notre frère a été assassiné. Nous ne pouvons pas trouver le véritable meurtrier, mais nous savons qui est responsable. Nous ne pouvons pas savoir qui portait l’arme, mais nous savons que Mohammed a été tué par une balle tirée d’un fusil, qui pointait une fois en l’air et une autre fois vers les gens qui couraient, dans une chasse à l’homme honteuse aux frontières de l’Europe en 2020.

Muhamad, pour toi, pour ta femme et ta famille, pour nous tous et pour les enfants qui vont naître. Pour tous les peuples, quelles que soient leur nationalité, leur couleur de peau et leur religion, nous disons que nous allons lutter davantage et que nous allons nous battre plus durement. Nous vaincrons la barbarie qui se répand si vite dans le monde. Et nous nous souviendrons de vous en train de courir librement au-delà des frontières sanglantes. En Grèce, en Turquie, en Europe et partout dans le monde, partout où les gens luttent pour une vie meilleure, sans guerre et sans racisme, sans oppression et sans humiliation des peuples.

Vos amis et camarades de l’ancien squat City Plaza, à Athènes !

Lettre au président de la République sur la situation à la frontière gréco-turque

Lettre ouverte de plusieurs organisations associatives et syndicales

à l’attention du Président de la République

Objet : Situation à la frontière entre la Grèce et la Turquie

Paris, le 4 mars 2020

Monsieur le Président,

Depuis plusieurs jours, un nombre important de personnes en grande détresse affluent aux frontières entre la Turquie et la Grèce. Elles sont prises au piège, coincées entre les deux lignes de frontières. Parmi elles, un nombre important de réfugié-e-s syrien-ne-s et une grande proportion de femmes et d’enfants.

L’instrumentalisation de ces populations par le Président turc ne fait aucun doute mais la réponse européenne ne peut être purement sécuritaire. Si les enjeux sont aussi diplomatiques en raison de la situation au nord de la Syrie et dans les pays avoisinants, ils sont avant tout humanitaires.

Nous ne pouvons voir se reproduire la situation de 2015 en pire. La « crise » qui se joue aux frontières de l’Union européenne concerne avant tout l’accueil des personnes réfugiées.

La réaction des autorités grecques et l’impuissance de l’Union européenne sont humainement catastrophiques et politiquement inacceptables. Les principes de base du droit international sont bafoués : blocage des frontières, suspension du droit d’asile, menace de renvoyer « si possible dans son pays d’origine » toute personne entrée sur le territoire grec sans procéder au moindre examen de situation.

Au moment où l’extrême droite attise plus que jamais les tensions, nous pensons qu’il y a urgence à tout faire pour que l’Union européenne et ses Etats membres fassent preuve d’une humanité à la hauteur des besoins. Elle a politiquement tout à perdre en refusant de voir la réalité des enjeux.

Le droit européen permet de faire face à cette situation : la directive 2001/55/CE du Conseil du 20 juillet 2001 relative à des normes minimales pour l’octroi d’une protection temporaire en cas d’afflux massif de personnes déplacées qui ne peuvent rentrer dans leur pays d’origine est prévue spécifiquement pour les cas exceptionnels comme ce qui se passe aujourd’hui à la frontière gréco-turque. Ce mécanisme peut être enclenché sur demande de tout Etat membre. Cet Etat peut être la France.

Vous avez à de nombreuses reprises appelé à la solidarité européenne. C’est pourquoi les signataires de cette lettre vous demandent d’intervenir en ce sens et de tout faire pour que l’Union européenne prenne les mesures nécessaires pour accueillir dignement celles et ceux qui se présentent à ses frontières dans le respect des normes internationales, du droit européen et tout simplement des droits de l’Homme.

Vous comprendrez que cette démarche soit rendue publique.

Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président de la République, l’expression de notre haute considération.

Signataires : Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (Acat), Association des avocats pour la défense des droits des étrangers (ADDE), Association de soutien aux Amoureux au ban public, Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers (Anafé), Association nationale des villes et territoires accueillants (Anvita), Association pour la reconnaissance des droits des personnes homosexuelles et trans à l’immigration et au séjour (Ardhis), Association pour la taxation des transactions financières et pour l’action citoyenne (Attac), Auberge des migrants, Carré géo-environnement, Centre de recherche et d’information pour le développement (Crid), Centre Primo Lévi, La Cimade, Comité catholique contre la faim et pour le développement (CCFD-Terre solidaire), Confédération générale du travail (CGT), Emmaüs France, Fédération syndicale unitaire (FSU), Forum réfugiés-Cosi, Jesuit refugee service France (JRS France), Ligue des droits de l’Homme (LDH), Médecins du monde (MDM), Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (Mrap), Roya citoyenne, Secours Catholique-Caritas France, Solidarité laïque, Syndicat des avocats de France (Saf), Syndicat de la magistrature (SM), Tous migrants, Union syndicale Solidaires, Unir les associations pour développer les solidarités (Uniopss), Utopia 56.

Déclaration de Bureau de Presse du CC du KKE

KKE, (Parti communiste de Grèce)

« Nous appelons le peuple grec, en particulier les habitants des îles et des régions frontalières, à organiser leur lutte, en se concentrant sur les responsables et les causes qui sont à l’origine du problème. À isoler à la fois le nationalisme réactionnaire et la répression, ainsi que le cosmopolitisme dangereux de la théorie des « frontières ouvertes ». Le peuple doit être solidaire les uns des autres et forger une alliance dans le cadre de ses luttes contre les gouvernements bourgeois et leurs partenaires impérialistes »

https://inter.kke.gr/fr/articles/Sur-les-developpements-et-les-mesures-du-gouvernement/

Ci-dessous la déclaration complète :

Déclaration du Bureau politique du CC du KKE
Sur les développements et les mesures du gouvernement.

Les derniers développements, avec les milliers de réfugiés et d’immigrés qui sont bloqués sur les îles de la mer Égée et à la frontière gréco-turque à Évros, confirment une fois de plus que la politique de l’UE et de l’OTAN que les gouvernements grecs ont suivie et respectent avec ferveur, est responsable de la dissolution des pays et du déracinement des peuples, ainsi que du fait que des peuples déracinés sont bloqués sur les îles et aux frontières. Cette politique a ouvert la voie à Erdogan pour tenter d’imposer ses propres objectifs, en utilisant la situation avec les réfugiés en tant que véhicule.

S’il n’y a pas de différend et de conflit avec cette politique, avec le règlement de Dublin et les accords UE-Turquie, alors aucune mesure de répression, aucune voix hypocrite de sensibilité et de sympathie de la part des fonctionnaires de l’UE, et aucun vœu pieux gouvernemental au regard de la solidarité de la part de l’UE, ne pourra faire face à l’aiguisement du problème.

Ce qui se passera, c’est que le nombre de morts, y compris des jeunes enfants, soit augmenté, les réfugiés et les immigrés cherchent pour des voies d’évacuation plus dangereuses en étant à la merci des trafiquants et des gouvernements, comme celui d’Erdogan, qui les exploite pour ses propres jeux géopolitiques, ainsi que pour faire chanter afin d’obtenir des nouveaux échanges de la part de l’UE, de l’OTAN et des États-Unis, pour le soutien de son invasion de la Syrie.

Lors de la réunion spéciale des ambassadeurs de l’OTAN, au cours de laquelle la Turquie a demandé l’aide de l’OTAN pour maintenir son occupation et essentiellement annexer les territoires syriens qu’elle a envahis illégalement, la prétendue réponse du gouvernement grec a été de ne soulever que la question du respect de la Turquie envers l’Accord sur l’immigration entre l’UE et la Turquie. Si tel est le cas, c’est très dangereux car il tolère essentiellement la position agressive de la bourgeoisie turque au détriment des droits souverains d’autres pays et la violation d’accords qui déterminent les frontières comme l’Accord de Lausanne. Ce sont les peuples qui payent les conséquences de tout cela.

Ainsi, au lieu de « montrer sa puissance» contre les réfugiés et les habitants des îles appauvris et noyés, le gouvernement de la ND devrait montrer une attitude déterminée envers l’UE et l’OTAN, qui considèrent l’invasion turque d’Idlib comme «juste», offrant à Erdogan un alibi pour exploiter les réfugiés et les immigrés pour les ambitions de la classe dirigeante turque. Nous appelons le gouvernement de la ND à se retirer du règlement de Dublin et demander l’annulation de la déclaration commune UE-Turquie qui convertit la Grèce en un entrepôt d’âmes, afin que les réfugiés se rendent dans leur pays de destination.

À Évros et dans la mer Égée, les ennemis du peuple grec ne sont pas ceux qui sont les victimes de la barbarie capitaliste, ceux qui sont déracinés par les guerres et les interventions lancées par les États-Unis, l’OTAN et l’UE, avec le soutien de tous les gouvernements grecs, dans l’intérêt du capital grec. L’ennemi est la politique qui, d’une part, soutient les guerres impérialistes, augmentant les vagues de réfugiés et, d’autre part, fait de la Grèce un État-prison pour protéger la «forteresse» de l’UE.

La garde nécessaire de la frontière à Évros ne peut pas être utilisée pour légitimer des voix et des actions d’extrême droite, ouvertes et déguisées, pour promouvoir les cris racistes des ministres, ayant pour résultat que les auteurs de cette politique ne soient pas touchés. Les voix réactionnaires et xénophobes cherchant à tourner le peuple grec contre les victimes, les réfugiés et les immigrés, deviennent finalement le meilleur allié de ceux qui créent et soutiennent le problème, deviennent le meilleur allié du gouvernement Erdogan, qui essaie d’utiliser ces personnes pour ses propres fins.

À cet égard, nous nous opposons aux mesures annoncées par le gouvernement de la ND, et nous les considérons comme une impasse. En particulier, la demande d’application de l’Article 78, paragraphe 3, du «Traité de Lisbonne» pour la participation du corps européen de garde-frontières (Frontex), c’est-à-dire d’équipes militaires étrangères d’intervention rapide pour garder la frontière grecque, prend une direction dangereuse et cela compliquera la situation. Après tout, aucune solution n’a été apportée à ce jour par l’implication de l’OTAN et de Frontex dans la mer Égée. En fait, c’est tout le contraire.

SYRIZA et les autres partis ne disent rien au sujet du règlement de Dublin et de l’accord UE-Turquie, qui transforment les îles, le pays, en un centre de piégeage « ouvert » et « fermé ».

Nous appelons le peuple grec, en particulier les habitants des îles et des régions frontalières, à organiser leur lutte, en se concentrant sur les responsables et les causes qui sont à l’origine du problème. À isoler à la fois le nationalisme réactionnaire et la répression, ainsi que le cosmopolitisme dangereux de la théorie des « frontières ouvertes ». Le peuple doit être solidaire les uns des autres et forger une alliance dans le cadre de ses luttes contre les gouvernements bourgeois et leurs partenaires impérialistes.

Ce qu’il faut maintenant, c’est:

• Supprimer le règlement de Dublin et la déclaration commune UE-Turquie, qui sont de toute façon inefficaces et inactifs.

• Fermer tous les « points chauds » [ note VG: « hot spots » ou camps, structures d’accueil ] des îles de la mer Égée et ne pas en créer de nouveaux, ni fermés ni ouverts.

• Libérer immédiatement les réfugiés détenus sur les îles, et mettre en œuvre des procédures accélérées pour leur permettre de se rendre dans leur pays de destination.

• Que l’UE et l’ONU organisent et mettent en place maintenant des procédures d’asile, en Turquie et à la frontière avec la Grèce et à la frontière avec la Syrie, et des procédures de déplacement des réfugiés vers leur pays de destination. Cette mesure peut soutenir le droit des réfugiés à une protection en vertu des conventions internationales.

• Mettre fin à toute participation, soutien et implication dans les actions et opérations de l’OTAN, des États-Unis et de l’UE dans la région du Moyen-Orient qui soutiennent l’invasion de la Syrie par la Turquie, les interventions en Libye, perpétuant la guerre et les catastrophes.

ATHÈNES 3/3/2020

LE BP DU CC DU KKE

La Grèce veut dissuader les exilés de franchir ses frontières

Par Elisa Perrigueur

Depuis l’annonce d’Ankara concernant l’ouverture de la frontière, la Grèce et la Turquie mènent une véritable bataille de la communication : bataille de chiffres, accusations d’exactions, dénonciations de propagande. Côté grec, le ton redouble de fermeté.

 

Lesbos (Grèce), de notre envoyée spéciale.– Les rafales de vent fouettent les visages sur le port bétonné de Mytilène, à Lesbos. Les côtes turques, à une dizaine de kilomètres, sont noyées dans la brume ce mercredi.

Derrière des barrières gardées par des policiers, ils sont près de 560 migrants, majoritairement venus d’Afghanistan et de pays d’Afrique. Depuis des heures, ils guettent l’arrivée d’un bateau qui viendrait les extirper de l’île grecque.

Peu d’informations circulent sur ces passagers, ce matin-là. Les quelques journalistes autorisés à observer cette scène sous haute surveillance n’ont pas le droit de leur parler. « Pour éviter tout mouvement de foule », explique d’un ton ferme un policier.

On sait seulement que ces migrants en quête d’Europe sont les derniers à avoir accosté à Lesbos. Ils ont pris la mer à bord d’une dizaine de bateaux pneumatiques depuis la Turquie les 1er, 2 et 3 mars, encouragés par l’annonce de l’ouverture de la frontière par Ankara.

Isolés dès leur arrivée, les réfugiés n’ont pas fait escale dans le camp surchargé de l’île, Moria, où s’entassent déjà 20 000 migrants dans l’attente de leur traitement d’asile.

L’imposante frégate militaire s’approche du port en fin de matinée. Elle amarre. Elle devrait embarquer les réfugiés puis prendre le chemin de Serres dans le nord de la Grèce. Mais là-bas, la colère des habitants gronde déjà contre leur venue. Les réfugiés ne le savent pas encore, mais Serres ne sera peut-être qu’une escale.

« Notre but est de les renvoyer dans leur pays », a révélé le ministre de l’immigration, Notis Mitarachi à l’agence Reuters mercredi, en évoquant l’ensemble des quelque 1 500 exilés arrivés sur les îles depuis le 1er mars.

Le sort de ces passagers illustre la politique de dissuasion voulue par la Grèce, qui qualifie d’« invasion » et de « menace asymétrique » le déplacement de migrants à ses portes depuis l’annonce par Ankara de l’ouverture de cette frontière, jeudi 27 février. Le message se veut clair. Il n’y aura pas d’accueil pour les nouveaux exilés dans ce pays redevenu en 2019 la première porte d’entrée de l’Europe pour les demandeurs d’asile, qui peine à traiter les quelque 60 000 requêtes déjà en cours.

La campagne de communication du gouvernement grec a commencé dès vendredi par l’envoi de renforts de police et de l’armée à sa frontière terrestre, dans le nord-est, dans le nome de l’Évros. Il faut dissuader les 12 000 migrants massés du côté turc de la frontière.

Les images de l’afflux de soldats, puis du chef d’état-major grec et du ministre de la protection du citoyen, Michalis Chryssochoidis, en visite ce jour-là dans la ville-frontière de Kastanies, ont fait le tour des télévisions grecques. La tournée de ces hauts responsables a pour objectif d’envoyer un message fort. « La Grèce est un pays sûr. La Grèce protège les frontières », martèle le ministre.

Des soldats grecs patrouillent à la frontière près de Marasia, dans la région d'Évros, le 5 mars. © Reuters Des soldats grecs patrouillent à la frontière près de Marasia, dans la région d’Évros, le 5 mars. © Reuters

La frontière grecque est bien fermée : ce refrain est aussi repris par le premier ministre conservateur Kyriakos Mitsotákis. Le 1er mars, il annonçait également la suspension, à compter de cette date, du dépôt des demandes d’asile pour toutes les personnes arrivées illégalement en Grèce. Une décision illégale, dénoncent de nombreuses ONG, et contraire au droit international selon le Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR).

Les autorités grecques, qui dénoncent un « chantage » d’Ankara, ont également annoncé le renvoi systématique des migrants vers leurs pays, la demande de déploiement de la force de réaction rapide (Rabit) de la force européenne Frontex à sa frontière puis le soutien de l’UE « par tous les moyens possibles ».

Kostas Moutzouris, gouverneur local des îles du nord de l’Égée, assume ce qu’il qualifie de politique de « dissuasion » du gouvernement grec. Droit dans son bureau qui surplombe le port de Mytilène, l’homme populaire à Lesbos précise lui aussi « qu’il faut décourager ces gens de venir ».

« Les habitants ici étaient solidaires, mais ils n’en peuvent plus, il y a trop de monde », insiste le politicien de droite. « [Le président turc] Erdogan fait de la propagande de l’autre côté, il incite les migrants à venir jusqu’aux frontières depuis Constantinople [Istanbul – ndlr] et d’autres villes du pays. Ils sont pour l’instant dans le nord de la Grèce, à l’Évros, mais comme ils ne peuvent pas passer, ils commenceront à descendre vers la frontière maritime face aux îles », croit-il.

Les deux pays se livrent une guerre de communication. Les autorités grecques accusent Ankara d’inciter les migrants à venir et de les escorter jusqu’aux eaux grecques. « Le transport [de migrants] est organisé gratuitement jusqu’à la frontière, accompagnés par l’armée turque », a expliqué mercredi 4 mars le porte-parole du gouvernement grec, Stelios Petsas, au cours d’un point presse.

Il affirme que « des SMS [sont] reçus par les migrants sur leurs téléphones portables au sujet des frontières prétendument ouvertes… [que] la télévision d’État turque […] a diffusé une carte avec des itinéraires vers la région d’Évros et la côte ». De son côté, Ankara nie et affirme qu’Athènes tire à balles réelles sur les réfugiés aux frontières terrestre et maritime. La Grèce dément.

Une vidéo datant de début mars a fait le tour des réseaux sociaux, relayée par les autorités turques. On y voit un bateau pneumatique de migrants en mer Égée, et une vedette qui fonce à toute vitesse faisant tanguer le zodiac. On y entend les cris des passagers apeurés, puis des tirs de sommation, visant à repousser l’embarcation, au large de Lesbos, d’après Ankara.

« J’ignore si ce contenu est authentique, avoue Kostas Moutzouris. Mais si c’est avéré, cela ne me paraît pas étrange : il faut dissuader les gens de venir, ces hommes [garde-côtes – ndlr] ne tirent pas sur les réfugiés, mais en l’air pour les dissuader. Les migrants ne doivent pas passer et les militaires grecs feront tout pour qu’ils ne viennent pas. »

Mercredi 4 mars, des heurts entre migrants et forces de l’ordre grecques à la frontière terrestre ont aussi fait six blessés en raison de « tirs à balles réelles », affirme le gouvernement local turc, qui précisait qu’un migrant était mort de ses blessures.

Mohamed Al Arab avait 22 ans et était originaire d’Alep, rapporte Le Parisien. Le gouvernement grec, lui, « dément catégoriquement » ces tirs. « La police grecque n’a pas tiré, maintient M. Moutzouris, mais malheureusement cela ne serait pas surprenant que la situation dérape. »

Une enquête vidéo (visible ci-dessous en anglais) de Forensic Architecture – laboratoire d’investigation pluridisciplinaire avec qui Mediapart a déjà travaillé – sur le meurtre de Mohamed Al Arab contredit la version des autorités grecques.

The Killing of Muhammad al-Arab. © Forensic Architecture

SOS MEDITERRANEE lance la campagne  » tous sauveteurs »

Marseille, 5 mars 2020 – A l’occasion des 5 ans de SOS MEDITERRANEE, les citoyens mobilisés auprès de l’association organisent une série d’événements tout au long de l’année, dans le cadre d’une campagne de mobilisation citoyenne européenne baptisée « Tous sauveteurs ». L’association, présente en Allemagne, en France, en Italie et en Suisse, donne rendez-vous aux citoyens dans chacun de ces pays.  


Alors que le contexte ne cesse de se détériorer en Méditerranée depuis cinq ans, l’objectif de la campagne « Tous sauveteurs » est d’aller à la rencontre de celles et ceux qui refusent la fatalité face au drame humain qui sévit en mer. L’association civile européenne de sauvetage en mer SOS MEDITERRANEE invite les citoyens qui souhaitent agir à s’engager à ses côtés.

Afin que les citoyens allemands, français, suisses et italiens puissent être informés facilement des événements qui seront organisés dans leurs pays respectifs, SOS MEDITERRANEE lance aujourd’hui un nouveau site internet, www.toussauveteurs.org, disponible dans trois langues (français, allemand et italien).

« Depuis 5 ans, c’est la force de l’engagement citoyen qui a permis à SOS MEDITERRANEE de sauver, d’abord avec l’Aquarius, puis avec l’Ocean Viking, plus de 31 000 vies en Méditerranée centrale. Indéniablement, la mobilisation citoyenne à terre permet de sauver des vies en mer » explique Sophie Beau, vice-présidente du réseau européen de SOS MEDITERRANEE, « Nous sommes tous sauveteurs ! ».

En France, les citoyennes et citoyens pourront rencontrer les membres de SOS MEDITERRANEE :

  • A Cannes, le 21 mars 2020, pour une représentation théâtrale de la pièce « Europa Somptuosa » (billetterie en ligne via ce lien : https://bit.ly/3cxLfiD )
  • A Aix-en-Provence, le 4 avril 2020, pour une après-midi solidaire avec une exposition photo et une projection-débat
  • A Caen, le 6 avril 2020, pour un dîner gastronomique en présence de 5 chefs
  • A Quimperlé, le 17 avril 2020, pour une soirée de soutien en présence du navigateur François Gabart
  • A Lampaul, les 24 et 25 avril 2020, pour une série d’animations culturelles
  • A Toulouse, le 16 mai 2020, pour une après-midi solidaire avec concerts, animations pédagogiques, et des échanges et témoignages
  • A Sète, le 27 août 2020, pour un concert du groupe « Les Ogres de Barback »
  • A Marseille, le 26 septembre 2020, pour un grand événement rassembleur dans différents lieux emblématiques de la ville

D’autres événements dans de nombreuses villes de France seront organisés tout au long de l’année. Ils seront très prochainement mis en ligne sur le site internet www.toussauveteurs.org.

Consulter le dossier de presse sur la campagne « Tous sauveteurs » 
Consulter le dossier spécial « Mobilisation citoyenne: la force de l’indignation » 

 

Source http://www.sosmediterranee.fr/

Pétition contre l’expulsion du dispensaire d’Helliniko

Le dispensaire d’Helliniko, ouvert depuis 2011 doit rester ouvert.
Les autorités locales avaient mis ces locaux à la disposition des bénévoles : médecins, infirmières, pharmaciens, dentistes, …maintenant arrive un avis d’expulsion, sans relogement.
Que vont devenir tous ces patients qui ne peuvent pas payer les consultations  ni les médicaments ?

communiqué du dispensaire :http://sante-grece-67.fr/2020/02/urgent-le-dispensaire-de-helleniko-est-menace-d-expulsion.html

Pour demander aux autorités le maintien de la clinique-dispensaire, soyons nombreux à signer la pétition. Le gouvernement, la municipalité d’Helleniko, le propriétaire des lieux « Helleniko SA » sont tenus de proposer une solution de remplacement, à proximité des locaux actuels, comme promis en 2014.

Pour signer la pétition  http://chng.it/fHc4WxfH65

 

Révolte en mer Égée orientale

Par Dimitris Konstantakopoulos

De violents affrontements ont lieu entre les habitants et la police dans les îles grecques de Lesbos et de Chios, au nord-est de la mer Égée. Les habitants des deux îles réagissent aux plans du gouvernement visant à construire de nouvelles villes « fermées » – des camps pour les réfugiés et les migrants dans leurs îles, craignant que le gouvernement ne mente et n’ait l’intention d’y installer indéfiniment des milliers de nouveaux réfugiés et immigrants.

Le nombre de réfugiés et d’immigrants dans les îles de la mer Égée orientale est déjà comparable au nombre de leurs habitants grecs, une situation qui non seulement crée d’énormes problèmes, mais qui commence à menacer la souveraineté grecque dans une zone de grande valeur et importance géopolitique, qui se trouve être aussi le berceau de la civilisation grecque. C’est dans cette région que sont nés la polis (ville) grecque, la philosophie et le théâtre grecs. D’ailleurs, les îles sont toujours sous la menace de la plus grande force navale de débarquement au monde, celle de la Turquie, juste sur la côte opposée de la mer Égée, dont la seule mission possible est de débarquer sur les îles.

Déjà, un certain nombre d’organisations telles que l’OTAN, Frontex, les agences de l’UE et des Nations unies et des organisations non gouvernementales, dont personne ne sait qui les contrôle, exercent de facto une forme de souveraineté informelle sur les îles. Certains habitants des îles grecques pensent même à émigrer vers la Grèce continentale en raison des problèmes auxquels ils sont confrontés.

Il convient de noter que toute cette situation n’est pas due à un quelconque mouvement spontané de masses en provenance des zones de conflit, mais est le résultat d’un processus strictement contrôlé par le gouvernement turc. D’autre part, l’UE est très satisfaite de la réinstallation des réfugiés et des migrants en Grèce.En conséquence, les fortes tendances à la désintégration s’intensifient dans la société grecque, d’autant plus qu’elle est toujours sous le régime néocolonial de destruction et de pillage qui lui est imposé par l’UE, la BCE et le FMI depuis dix ans déjà.

Entre 2010 et 2015, la troïka a saisi les biens grecs et le droit de la Grèce à mener sa propre politique économique, tout en détruisant la vie de millions de Grecs. Après 2015, ils s’emparent de sa « plus-value » géopolitique. Dans le même temps et avec les programmes mis en œuvre, la population grecque diminue démographiquement, les jeunes émigrent à l’étranger et de plus en plus d’étrangers viennent dans le pays. Comme l’a dit Mikis Theodorakis, le but ultime de l’entreprise néocoloniale qui a débuté en 2010 est une « Grèce sans Grecs » ! D’ailleurs, Hitler avait exactement le même plan pendant la Seconde Guerre mondiale, lorsqu’il voulait délocaliser la population grecque au Moyen-Orient et faire de la Grèce une maison de vacances pour les Aryens.

Source http://www.defenddemocracy.press/revolt-in-eastern-aegean/?utm_source=Delphi+Initiative+Newsletter&utm_campaign=5bae175


Voir dans la rubrique « Brèves du jour » les revues de presse et vidéos

Urgent : collecte pour deux fourgons à destination d’Athènes

URGENT : collecte pour nos lieux autogérés à Athènes (deux fourgons solidaires s’apprêtent à partir) 🖤❤️

LISTE DES BESOINS ACTUELS (en priorité pour les enfants grecs et migrants, car les stocks sont au plus bas) : ★ lait infantile (surtout deuxième âge) ★ couches (surtout 2 à 4) ★ hygiène bébé (shampooings, etc.) ★ sérum phy ★ vêtements bébé (pas trop en mauvais état) ★ jouets…

Nos collectifs d’Exarcheia recherchent aussi : les vieux (ou récents) ★ appareils photo/vidéos ★ ordinateurs ★ téléphones, ainsi que du ★ papier pour les photocopieuses, des ★ sacs de couchages et, bien sûr, de la ★ nourriture adultes/enfants…

Nous achèterons ensuite tout ce qui manque sur place, avec nos camarades grec-ques et migrant-es. Si vous voulez nous aider à financer ces achats : ★ chèque à l’ordre de Anepos, à transmettre à la Laiterie ce samedi, ou à envoyer à : Anepos – Action Solidarité Grèce – BP10 – 81540 Sorèze. Si vous préférez par ★ virement à Anepos, IBAN : FR46 2004 1010 1610 8545 7L03 730, BIC : PSSTFRPPTOU (objet : Action Solidarité Grèce).

POUR TRANSMETTRE AUX FOURGONS :
🚚🚚 amenez ce que vous pouvez durant la soirée festive, ce samedi à la Laiterie à côté d’Albi (cf. affiche, plus bas), même si vous ne faites que passer (nous serons présents avec les fourgons à partir de 17h00).
🚚🚚 ou alors déposez sur place à la Laiterie les jours précédents (en téléphonant auparavant au 06 50 83 13 94).
🚚🚚 ou bien faites passer à quelqu’un qui viendra à la soirée.

Ce samedi 29 février, il y aura aussi :
🍶 la « soupe de la révolution » (avec de la potion magique dedans pour enfin la réussir )
🎼 et le concert de musique crétoise avec le groupe Khandax (téléportation garantie 🏝)

Maud et Yannis Youlountas (avec Anepos, la Laiterie et Elaff)

 

Liberté de filmer

Filmer, photographier, enregistrer les forces de l’ordre dans l’exercice de leur métier, est un droit et doit le rester

Acrimed cosigne un communiqué collectif initié par Reporters en colère (REC), suite aux récentes annonces concernant le contrôle des vidéos montrant des violences policières.

Mediapart a révélé le 16 février 2020 que Christophe Castaner, ministre de l’Intérieur, « envisage[rait] de contrôler la diffusion des vidéos [montrant des violences policières]. Selon (…) la Direction générale de la police nationale (DGPN), une étude sur des « évolutions juridiques » est actuellement menée pour rendre notamment obligatoire le floutage de tous les agents. » Une information démentie par le ministre le 19 février, mais bien confirmée par ses propres services quelques heures plus tard.

Nous, journalistes – reporters d’images, photojournalistes, rédacteurs•trices, titulaires de la carte de presse ou non – associations de défense des droits humains et usagers des médias, tenons à alerter l’opinion publique sur de telles menaces. Il en va de la liberté de la presse et, plus largement, du droit d’informer et d’être informé•e. Le floutage aurait pour conséquence directe, en premier lieu, de compliquer et de ralentir fortement la diffusion des images d’opérations policières – notamment en matière de maintien de l’ordre -, de sorte que ces images seraient bien moins nombreuses à être mises en circulation.

Or, sans ces vidéos, la réalité des violences policières resterait trop souvent invisibilisée, niée dans son existence même. Elle l’a trop souvent été dans les quartiers populaires d’abord, dans les manifestations, aux abords des lycées, sur les piquets de grève, et désormais contre nous, journalistes de terrain et associations de défense des droits, qui les documentons et participons à les visibiliser, via nos enregistrements, souvent diffusés sur les réseaux sociaux et repris par les médias traditionnels.

L’existence d’images les attestant, et la possibilité même d’enregistrer et de les diffuser, rend leur réalité tangible contre les dénégations répétées des autorités françaises ces derniers mois, ces dernières années.

Ces vidéos peuvent aussi constituer des éléments de preuve pour la justice, comme pour la mort de Cédric Chouviat, d’Aboubakar Fofana, et d’autres victimes.

Alors que la multiplication des images ces dernières années a permis à la société entière de progresser dans la prise de conscience de l’existence des violences policières, la publicité de ces images provoque des réactions visant à renforcer l’anonymat des forces de l’ordre et participe de leur impunité. De nombreux•ses policier•es en maintien de l’ordre opèrent désormais masqués (visages camouflés, casque, cagoule, numéro de matricule – RIO – absent), au mépris des lois et des obligations déontologiques, notamment rappelés par le Défenseur des Droits.

Il s’agirait, si la Place Beauvau accédait aux demandes de certains syndicats de police, de rendre toujours plus difficile l’accès à une information indépendante sur le travail de la police. Devons-nous rappeler que la force publique, au service de tous, doit être observable en tout temps, par toutes et tous ? Dans un Etat de droit respectueux du droit international, la liberté d’informer, et donc le droit de filmer la police, prime sur le respect de la vie privée dès lors qu’il s’agit de filmer des fonctionnaires de police dans l’exercice de leur fonction, sans porter atteinte à leur dignité.

Ce principe a été exprimé à plusieurs reprises, tant par l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe, que par le rapporteur spécial des Nations Unies sur la liberté de réunion et d’association.

Non seulement il serait dangereux de renforcer l’anonymat des policier•ères, mais il y a même lieu, au contraire, de renforcer les possibilités de leur identification pour prévenir les violences policières, notamment via le respect du port du numéro de matricule (RIO).

Le port de ce numéro est en effet obligatoire, conformément à l’article R434-15 du code de la sécurité intérieure qui dispose que : « Le policier ou le gendarme exerce ses fonctions en uniforme. Il peut être dérogé à ce principe selon les règles propres à chaque force. Sauf exception justifiée par le service auquel il appartient ou la nature des missions qui lui sont confiées, il se conforme aux prescriptions relatives à son identification individuelle. »

Il n’y a aucune raison pour que de telles études se poursuivent.

Pour que vive la liberté de la presse !

Pour que vivent le droit à l’information et le droit d’informer !

Filmer les agents des forces de l’ordre, sans les anonymiser, dans le cadre de l’exercice de leur fonction doit rester un droit !

Paris, ce 21 février 2020

Signataires : Collectif REC (Reporters En Colère) – SNJ (Syndicat National des Journalistes) – SNJ-CGT (Syndicat National des Journalistes CGT) – Syndicat interprofessionnel de la presse, des médias, de la culture et du spectacle – SIPMCS-CNT – Syndicat Général des Journalistes Force Ouvrière (SGJ-FO) – CFDT – Journalistes – Fédération Européenne des Journalistes (EFJ) – Profession : Pigiste – Ras-la-Plume – Collectif YouPress – Amesty International – LDH – ATTAC – ACRIMED – Solidaires – Collectif LaMeutePhoto – Collectif OEIL – Collectif MacadamPress – Collectif Extra Muros – Mr Mondialisation – Taranis News – Là-bas si j’y suis – Source-média – Media 25 – Bastamag – Politis – StreetPress – Radio Parleur – SDJ Mediapart – SDJ LeMédiaTV – Arrêt sur Image – Collectif GERDA – Me Arié Alimi – David Dufresne – Sihame Assbague – Samuel Gontie

Source https://www.acrimed.org/Filmer-photographier-enregistrer-les-forces-de-l

La militarisation en Méditerranée orientale et la menace d’une guerre gréco-turque

Publié par Alencontre le 20 – février – 2020 Par Antonis Ntavanellos

De nombreuses forces aériennes et navales des Etats impérialistes occidentaux sont rassemblées dans la Méditerranée orientale. Cette «coexistence compétitive» de grands navires de guerre dotés d’une puissance de feu significative naviguant en permanence dans la région ressort clairement sur la carte 1, ci-dessous.

Les navires de la Marine états-unienne, qui opèrent à partir de la grande base navale de Souda, sur l’île de Crète, forment le plus fort contingent. Cette base est considérée comme étant d’une importance stratégique cruciale pour les Etats-Unis, en tant que principal pilier de son «arc d’endiguement» qui s’étend de la Pologne à Israël.

Récemment, le Parlement grec a approuvé un nouvel accord militaire entre la Grèce et les Etats-Unis [signé à Athènes le 5 octobre 2019 entre Mike Pompeo et Nikolaos Dendias, ministre des Affaires étrangères], qui rend permanente la présence de bases militaires américaines en Grèce. Ce qui place l’alliance entre les deux Etats au rang de «partenariat stratégique». Cet accord a été salué par Mike Pompeo et célébré par tous les partis politiques grecs – à l’exception de la gauche radicale, qui a protesté dans la rue contre l’accord.

L’accord a été systématiquement préparé par le gouvernement SYRIZA sous Alexis Tsipras, puis il a finalement été signé par le gouvernement de la Nouvelle Démocratie sous Kyriakos Mitsotakis. L’ambassadeur américain à Athènes, Geoffrey Payatt (un diplomate «hyperactif» qui a travaillé en Ukraine dans le passé…), a choisi de rendre hommage au rôle de pionnier d’Alexis Tsipras dans cet accord honteux, provoquant des commentaires amers de la part des politiciens de droite.

A l’intérieur du pays, outre la base de Souda qui ne cesse de s’agrandir, les Etats-Unis disposent désormais de grands aérodromes militaires modernes (comme le siège de l’OTAN à Larissa, dans la subdivision régionale qualifiée de périphérie de Thessalie), de bases de transport et de ravitaillement pour les forces d’«intervention rapide» et de bases fixes pour les «armes stratégiques» modernes (comprenant probablement les armes nucléaires dites «petites»). Evidemment, à ce propos, ces détails sont sujets au secret de la sécurité défense lors du débat parlementaire. Les Etats-Unis utilisent également le port d’Alexandroupoli (dans le nord de la Grèce) qui servira de station de manutention de GNL (gaz naturel liquéfié, important pour le transport maritime) et d’une station navale militarisée.

Dans le même temps, l’Etat français, dirigé par Emmanuel Macron, a établi une base navale permanente à Chypre et le navire français Charles de Gaulle patrouille dans les mers autour de Chypre. Le 29 janvier 2020, un «partenariat stratégique de sécurité» a été signé entre Emmanuel Macron et le premier ministre Kyriakos Mitsotakis.

Début février, dans la petite île de Skyros, au centre de la mer Egée, un exercice militaire conjoint a été mené avec la participation des forces grecques, états-uniennes et françaises. L’exercice simulait une opération de reconquête de l’île, contre un scénario imaginaire dans lequel elle avait été envahie auparavant.

Le lendemain, Mike Pompeo a rendu explicite le message: une éventuelle attaque militaire contre les positions grecques recevra une réponse «euro-atlantique», symbolisée par l’activité des forces armées états-uniennes et françaises dans la zone.

Cette alliance dispose également d’importantes forces locales sur le terrain. Au cours des dernières années, la diplomatie grecque a joué un rôle de premier plan dans la mise en place de deux «axes» supplémentaires. Il s’agit des fameuses «triades» entre Grèce-Chypre-Israël et Grèce-Chypre-Egypte. Les Etats qui composent ces «triades» coopèrent étroitement, ils ont adopté une position commune concernant le partage des zones économiques exclusives (ZEE – selon le droit de la mer, il s’agit d’un espace maritime sur lequel un Etat côtier exerce un droit souverain en matière d’exploration et d’usage des ressources) en Méditerranée orientale et ils déclarent ouvertement (avec des exercices militaires conjoints systématiques, entre autres…) qu’ils ont la force militaire d’imposer leur accord de partage dans la région.

La Grèce est un pays où la solidarité envers la cause palestinienne était traditionnellement grande. Aujourd’hui, alors que l’Etat d’Israël fait pression pour une «solution finale» [«accord du siècle» de Trump, entre autres] en Palestine, il est choquant de constater que l’on ne trouve quasiment aucun commentaire négatif dans les médias sur la politique de l’Etat israélien. La diplomatie de l’«axe» s’est avérée plus puissante que l’obligation de se tenir aux côtés des Palestiniens. Cela est vrai tant pour l’ancienne social-démocratie du PASOK que pour la nouvelle social-démocratie d’Alexis Tsipras.

Deux facettes des tensions entre la Grèce et la Turquie, avec leurs extensions géopolitiques

Deux facteurs sont à la base de ces développements:

Les tensions dans les relations entre le régime d’Erdogan en Turquie et les Etats-Unis ainsi que le camp occidental en général. Elles sont apparues au grand jour après l’échec de la tentative de coup d’Etat de 2016, qu’Erdogan considérait (à juste titre) comme «dirigé par les Américains». Les tensions existaient déjà – par exemple, la Turquie n’a pas permis aux Etats-Unis d’utiliser librement la grande base aérienne d’Incirlik, comme l’a fait l’Etat grec avec Souda… –, mais elles se sont accrues lorsque le gouvernement turc a commencé à travailler avec les Russes en Syrie. Elles ont atteint un point culminant lorsque la Turquie a obtenu des missiles S-400 Triumph russes [les Etats-Unis s’opposent à ce qu’un pays de l’OTAN s’en équipe; pour la raison essentielle de son système de détection aérien].

Cette polarisation ne peut être sous-estimée: elle se traduit déjà avec des répercussions politico-militaires en Syrie, en Libye [soutien au gouvernement Fayez el-Sarraj, alors que l’alignement derrière le général Khalifa Haftar des Etats-Unis, de la France, de l’Egypte… est patent] et en Méditerranée orientale. Toutefois, elle ne doit pas être considérée comme définitive. Alors que le Congrès américain a déclaré que l’achat de missiles S-400 était une insulte majeure pour les Etats-Unis (donc un point de rupture formelle dans les relations), la politique actuelle de Donald Trump laisse toujours la place à un éventuel lissage des relations avec la Turquie. Après tout, c’est un pays dont la situation géographique et l’énorme population en font un atout précieux pour l’OTAN. En outre, le régime de Tayyip Erdogan a peut-être survécu à trois tentatives de coup d’Etat ratées, mais il s’affaiblit à l’intérieur, en raison du ressentiment populaire (principalement l’opposition à des pratiques gouvernementales extrêmement autoritaires) et des difficultés financières de l’économie turque.

Le réalignement des relations diplomatiques dans la région – avec la détérioration des relations américano-turques et israélo-turques et l’amélioration consécutive des relations militaires et économiques américano-grecques et israélo-grecques – a pris son envol lorsque la géopolitique des hydrocarbures est entrée en jeu.

D’importants gisements de gaz naturel ont été découverts dans la région, à l’intérieur des ZEE israélienne et égyptienne. On suppose (puisque les recherches sont encore au stade préliminaire) que des gisements existent également à l’intérieur de la ZEE de Chypre, dans les zones au sud de la Crète et dans les régions maritimes entre la Grèce et l’Italie à l’ouest. A l’exception des zones occidentales (où l’ENI italienne est engagée, avec ses propres stratégies et alliances), les «gisements de gaz» du sud-est de la Méditerranée ont été concédés à un consortium de grandes transnationales occidentales, dirigé par l’américaine ExxonMobil et la française Total. La mission comprend la recherche, l’utilisation, l’extraction, le transport et le commerce des combustibles fossiles (principalement du gaz naturel et éventuellement du pétrole) qui seront trouvés.

Ces sociétés, en coopération avec Israël, l’Egypte, Chypre et la Grèce, ont conclu le plan de l’oléoduc EastMed (Eastern Mediterranean). Il s’agit d’un projet pharaonique. Il prévoit la construction d’un pipeline sous-marin de grande longueur, qui reliera Israël aux côtes italiennes, en contournant la Turquie tout en s’étendant sur un territoire ainsi que dans des eaux très profondes et soumis à de forts risques sismiques. Le coût d’un tel mégaprojet est inconnu, ses problèmes techniques sont sans précédent et sa rentabilité commerciale est douteuse. Par conséquent, de nombreux «experts», dont certains dirigeants des industries extractives, sont très prudents. Mais ces problèmes – qui pourraient s’avérer déterminants au bout du compte – sont pour l’instant repoussés dans le débat public, qui est entièrement axé sur la «géopolitique».

Pour construire la Méditerranée orientale sans la participation de la Turquie, il faut s’assurer que les ZEE d’Israël, de Chypre et de la Grèce soient géographiquement reliées. Cette connexion géographique servirait pour un pipeline qui unirait Israël aux rivages européens, en passant exclusivement par des territoires maritimes qui relèvent de la souveraineté des Etats qui font partie du plan. Cet accord de partage de la souveraineté sur les territoires maritimes, conclu par les «acteurs» régionaux et soutenu par les Etats-Unis et l’UE (la France jouant un rôle de premier plan), est visible sur la carte 2.

Ce qui reste à la Turquie est visible sur la carte 3, qui montre à quel point il est impossible d’imposer un tel «partage» de manière pacifique.

En bleu, la ZEE que l’«alliance East Med» reconnaît pour la Turquie.

Malgré tout cela, le plan EastMed a été officiellement signé par les gouvernements de Grèce, de Chypre et d’Israël le jeudi 2 janvier. Récemment, le Congrès américain a voté en faveur du East Med Act, qui déclare que ce plan est la politique énergétique officielle des Etats-Unis en Méditerranée orientale.

Le droit international

Ce plan a été mis en œuvre par une tactique de faits accomplis. De plus, il a été constamment justifié en invoquant le droit international et ses dispositions concernant les questions de souveraineté maritime. Mais l’«intrigue» s’est épaissie. Le gouvernement d’Erdogan, afin de rompre son isolement, a procédé à la délimitation des ZEE entre la Turquie et la Libye – plus exactement la partie de la Libye qui est contrôlée par le «gouvernement» de Fayez el-Sarraj (qui est formellement reconnu par les gouvernements occidentaux). Cette délimitation crée un «fragment» maritime sous souveraineté turque (voir carte 4), ce qui interrompt la continuité entre les ZEE de Chypre et de la Grèce, faisant ainsi du projet EastMed un rêve inaccessible.

Cet accord de délimitation échouera probablement, au même titre que le «gouvernement» libyen qui l’a cosigné (Athènes soutient déjà le «général» Khalifa Haftar en Libye…). Mais en attendant, la Turquie a demandé aux Nations unies d’enregistrer l’accord maritime signé avec la Libye, défiant ainsi toute personne qui le contesterait (principalement la Grèce et Chypre) de recourir au droit international et plus particulièrement à la Cour internationale de justice de La Haye.

La version turque du partage des eaux maritimes dans la zone entre Chypre et la Crète, à la suite de l’accord Turquie-Libye.

Cette évolution a provoqué un débat stratégique crucial au sein de la classe dirigeante grecque et de la bureaucratie étatique. Il existe un courant «sage et prudent», qui comprend certains sociaux-démocrates (comme l’ex-premier ministre Kostas Simitis et l’ex-dirigeant du PASOK Evangelos Venizelos), certains politiciens de droite (comme Dóra Bakoyánni [fille de l’ancien premier ministre Konstantinos Mitsotakis] et d’autres) et certains diplomates et «négociateurs» de l’Etat grec. Ils semblent se rendre compte que toute perspective réelle d’exploitation des hydrocarbures en Méditerranée orientale ne peut être réalisée que par un processus de «position commune» avec la Turquie. Ils soutiennent donc le recours à la Cour internationale de justice.

Mais une autre partie de l’establishment insiste pour profiter de l’alliance avec les Etats-Unis et la France et exploiter la conjoncture actuelle de l’isolement de la Turquie, afin de poursuivre un affrontement aboutissant au résultat suivant: le gagnant rafle tout. Ils maintiennent la possibilité d’une escarmouche militaire, espérant qu’elle sera facilement contenue et qu’elle ne dégénérera pas en une guerre gréco-turque totale.

Malheureusement, les choses sont encore plus compliquées que ce désaccord. La Cour internationale de justice peut être convoquée après que les Etats ayant fait appel se sont mis d’accord sur le fait que les décisions de la Cour seront considérées comme contraignantes pour les deux parties.

L’Etat grec ne reconnaît la compétence de la Cour que sur la question des frontières maritimes et, par conséquent, sur la délimitation de la ZEE. Il refuse catégoriquement toute discussion sur des questions relatives à l’extension de la souveraineté grecque qui a déjà été imposée unilatéralement. Il s’agit notamment de la militarisation des îles de la mer Egée orientale (en violation du traité de Lausanne, signé par la Grèce et la Turquie en 1923 pour «régler» les conflits de souveraineté dans la mer Egée), ainsi que de l’extension de la souveraineté grecque dans un grand nombre d’îlots et de rochers inhabités de la mer Égée, et, surtout, de l’extension unilatérale de l’espace aérien grec à 10 milles marins, au-delà des 6 milles des eaux territoriales grecques.

D’autre part, la diplomatie turque n’a aucune intention de faciliter les revendications grecques et elle met donc sur la table des négociations tous les conflits de souveraineté non résolus entre les deux Etats, y compris toutes les questions susmentionnées.

La concurrence autour des ZEE et des hydrocarbures s’étend à toutes les questions de souveraineté dans la mer Egée. Or, elles se sont avérées extrêmement dangereuses dans l’histoire des deux pays. Rappelons que l’«équilibre» actuel entre les deux Etats est le produit de 5 (!) guerres au cours du XXe siècle. Ainsi, la tendance à «réviser» l’accord actuel est très forte dans les deux pays.

Extractivisme et militarisme

L’amplification de la stratégie extractiviste est littéralement absurde dans les conditions de crise économique et sociale que connaissent les deux pays et face à la menace de la crise climatique mondiale et de la catastrophe environnementale.

En ce moment, une grande partie du territoire grec est utilisée comme «champ» par des compagnies minières, à la recherche de gaz naturel et de pétrole. Ce projet coûteux (et destructeur) portera probablement ses fruits à un moment où l’Europe sera moins «assoiffée» de gaz qu’elle ne l’est aujourd’hui et où l’intérêt pour le pétrole sera plus limité, comme l’a écrit un partisan expérimenté de l’extractivisme. Mais sous un capitalisme anarchique et vorace, les décisions sont basées sur les critères et la concurrence intercapitaliste actuels. Un exemple typique réside dans le plus gros investissement contemporain de la Compagnie publique grecque d’électricité. Il est s’effectue dans une grande mine de lignite en Macédoine occidentale. La mine devrait entrer en production dans le courant de l’année 2020, tandis que l’Etat grec a signé l’interdiction de l’utilisation du lignite, progressivement à partir de 2023 et totale d’ici à 2025.

En outre, la stratégie extractiviste dans les mers, entrelacée avec les questions de souveraineté de l’Etat sur celles-ci, est directement liée à un renforcement du militarisme.

La stratégie de l’«axe» en Méditerranée orientale a conduit l’Etat grec à consacrer, année après année, plus de 2% de son PIB pour les dépenses militaires de l’OTAN, devenant ainsi le plus gros acheteur d’armes de l’alliance euro-atlantique. Malgré la crise économique, la Grèce (tant sous Tsipras que sous Mitsotakis) modernise ses forces navales et aériennes, dans le but de conserver l’avantage technologique militaire. Le gouvernement a déjà soumis un «Mémorandum d’intérêt» pour l’achat d’avions américains F-35, très chers (seul Israël en possède dans la région). Il a signé une lettre d’intention pour l’acquisition de frégates françaises de type Belhara en octobre 2019. Même les sites web bellicistes, «liés» au commandement militaire, décrivent ces armes comme étant uniquement adaptées aux «guerres d’agression»…

La politique d’armement est liée au renforcement politique du militarisme. Dans les grands médias, il y a un défilé quotidien d’officiers militaires à la retraite et d’analystes faucons qui tentent de stimuler un climat de ferveur patriotique et de familiariser la population avec la perspective d’une guerre. Lors du débat parlementaire sur le budget annuel de l’Etat, SYRIZA a voté en faveur des dépenses militaires de Mitsotakis, défendant cette position sordide en invoquant la nécessité d’une «unité nationale pour faire face aux menaces qui pèsent sur le pays». Voici un autre aspect de la politique de Tsipras, que l’on pourrait formuler ainsi: un «Greek 1914».

La gauche radicale en Grèce est pleinement consciente de la nature brutale et oppressive du régime d’Erdogan. Après tout, la solidarité envers les réfugiés politiques turcs, les exilés et fugitifs kurdes ainsi que les réfugiés syriens était une tâche qui était constamment soutenue par les forces de la gauche radicale. Mais nous sommes obligés de placer nos espoirs dans la lutte contre ce régime auprès des mouvements sociaux et de la gauche qui sont actifs en Turquie.

Ici en Grèce, nous avons d’autres tâches: la confrontation avec le nationalisme grec, l’opposition aux politiques pro-guerre «chez nous», la résistance aux armements, au militarisme et à la collaboration avec les puissances impérialistes «dans notre pays», la dénonciation de l’extractivisme comme stratégie absurde et dangereuse. La Méditerranée orientale est redevenue une «poudrière». Toute guerre «ici» peut avoir des conséquences négatives et imprévues en Europe et dans le monde. (Article envoyé par l’auteur; traduction rédaction A l’Encontre

Source La militarisation en Méditerranée orientale et la menace d’une guerre gréco-turque

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