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L’opérateur ferroviaire grec Trainose vendu à l’Italie

Le Fonds grec chargé des privatisations Taiped a annoncé jeudi avoir accepté l’offre de la compagnie ferroviaire italienne Ferrovie Dello Stato (FS) pour le rachat pour 45 millions d’euros de l’opérateur ferroviaire grec Trainose.
FS était la seule compagnie restée en lice pour cette privatisation, en souffrance depuis trois ans. Le contrat de vente sera « signé une fois que la Cour des comptes aura donné son accord » et la transaction approuvée par les autorités compétentes, a précisé Taiped (HRADF).
Cette transaction doit permettre de « clore avec succès » le dossier des aides d’Etat à Trainose jugées abusives par la Commission européenne, pour un montant de 700 millions d’euros, a souligné le Fonds dans un communiqué.
« Troisième compagnie ferroviaire en Europe » selon le Taiped, le groupe italien est lui-même voué à la privatisation, avec un projet de cotation en Bourse au second semestre 2016, selon le ministère italien des Finances.
Le personnel du Trainose observe depuis plusieurs semaines des arrêts de travail pour protester contre cette privatisation dénoncée comme un « bradage ».
Issue avec Trainose de la scission en 2012 de l’ex-société publique des chemins de fer OSE, l’entreprise de matériel ferroviaire Rosco n’a, elle, jusque là pas trouvé preneur.
L’appel d’offres pour la cession de Trainose avait dû être relancé en janvier, faute de toute offre ferme des premiers prétendants, la SNCF française, la société russe RZD et la société roumano-américaine Watco-Group Feroviar.
Dans le cadre du troisième plan de sauvetage financier du pays conclu en juillet 2015 avec ses créanciers, UE et FMI, la Grèce est censée vendre d’ici 2018 6,2 milliards d’actifs publics. Elle a déjà procédé en 2015 à des privatisations à hauteur de 400 millions.

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Post-référendum, oligarchie triste par Frédéric Lordon

6 juillet 2016

Les Britanniques, dit-on, ont accoutumé, contemplant la mer depuis la côte de Douvres les jours de brouillard, de dire avec cet humour qui n’appartient qu’à eux que « le continent est isolé ». Mais c’est de l’humour. C’est avec le plus grand sérieux au contraire que le commentariat européiste s’est exclamé qu’après le Brexit, « le Royaume-Uni est isolé ». Il faut tenir l’indigence de ce genre d’argument pour un indicateur robuste des extrémités politiques et rhétoriques où se trouve rendue la « défense de l’Europe », qui n’a plus que ça en stock — ça et « la guerre » — pour tenter de s’opposer à la vague sur le point de tout emporter. Faute d’avoir pu convaincre positivement les populations de l’évidence de ses bienfaits, le néolibéralisme, succursale européenne en tête, n’a donc plus que la ressource d’osciller entre l’imaginaire du camp (remparts, miradors, barbelés) et celui du rutabaga pour retenir les populations de lui régler son compte.
Lire aussi Bernard Cassen, « Le legs britannique à l’Europe », Le Monde diplomatique, juillet 2016. La perte de l’Albanie avait déjà été douloureusement vécue par le discours raisonné du néolibéralisme, heureusement il restait la Corée du Nord. L’espoir renaît pour de bon : il y a maintenant aussi le Royaume-Uni. Certes qui ne mesure pas encore tout à fait sa responsabilité historique : incarner le pire pour nous convaincre de continuer à désirer le meilleur. Mais ne devrait pas tarder à prendre conscience de son devenir-juche (1). On lui annonce une vague d’hyperinflation, puisque la livre est déjà « aux tréfonds » — peu importe qu’elle soit encore, contre l’euro, très au-dessus de son niveau ne serait-ce que de 2011 ; peu importe également que l’Islande qui n’a aucune base industrielle et a vu en 2008 sa monnaie dévaluée de 70 % n’ait connu qu’une inflation de 12 % les deux premières années, ramenée à 5 % dès la troisième (1,6 % l’an dernier). On lui annonce surtout la quasi-cessation de ses exportations puisque, brouillard ou pas, le Royaume-Uni « est isolé », et que (c’est connu également) tout pays n’appartenant pas à l’Union européenne (UE) devient aussitôt royaume-ermite.

Décompensations « démocratiques »

Mais il ne faut pas bouder son plaisir. Les moments de décompensation de l’oligarchie offrent toujours de délicieux spectacles, et rien ne les déclenche comme un référendum européen — tous régulièrement perdus, c’est peut-être ça l’explication… On s’épargnera pour cette fois les charmes un peu fastidieux de la recension — Dieu sait que la cuvée est excellente, mais depuis Maastricht l’argument européiste n’est pour l’essentiel qu’un bêtisier continué. Notons rapidement cependant les particularités du cru 2016, avec en particulier cette fabuleuse pétition de re-vote, dont on connaît un peu mieux maintenant les arrière-plans douteux, mais sur laquelle l’éditocratie s’est aussitôt jetée comme sur la plus légitime des propositions. Mais ce flot d’énormités n’atteint vraiment au sublime qu’au moment où il se fait philosophie critique du référendum (et il faut voir la tête des « philosophes »…) — du référendum en son principe bien sûr, rien à voir avec les déculottées à répétition, on réfléchirait avec la même passion si le Remain l’avait emporté à 60 %. Dans un document pour l’Histoire, Pierre Moscovici explique que « le référendum sur l’Europe divise, blesse, brûle » (2). Et c’est vrai : mon lapin socialiste, ne mets pas tes doigts dans l’urne, tu risques de te faire pincer très fort.
Il n’y a dans tout ça rien que de très connu, mais le spectacle des choses étant toujours cent fois plus éloquent que leur simple idée, la contemplation de la scène post-Brexit continue de faire forte impression. Car il est avéré une nouvelle fois que les dominants, au sens le plus élargi du terme, non pas seulement ceux qui détiennent les leviers effectifs des pouvoirs, mais ceux que leurs origines ou leurs positions sociales ont dotés pour tout mettre à leur portée — l’accès à la culture, l’apprentissage des langues, la possibilité de voyager, les bénéfices moraux du cosmopolitisme —, les dominants, donc, ne comprennent pas qu’on puisse trouver à redire à ce monde qui leur est si aimable, et trouvent d’un parfait naturel qu’on tienne aussitôt pour nulles et non avenues les expressions électorales qui ne ratifient pas les leurs. Disons les choses de manière un peu plus synthétique : tous ces bons amis de la démocratie se torchent le cul avec la démocratie.

Rien changer pour que rien ne change

Il y a pire cependant que le racisme social déboutonné : la surdité politique définitive qui s’en suit, c’est-à-dire la fermeture complète de tous les degrés de liberté du système, tendanciellement incapable d’accommoder les tensions internes qu’il ne cesse pourtant de recréer lui-même. Le néolibéralisme met le feu sous la cocotte, mais après en avoir soigneusement vissé le couvercle. Et les physiciens amateurs s’étonnent de prendre de temps en temps une soupape dans l’œil (ils n’ont encore rien vu, c’est le fait-tout lui-même qui va bientôt leur sauter au visage).
En réalité c’est la politique qui vérifie cette propriété attribuée à tort à l’économie : le primat de l’offre. Ça n’est évidemment pas là une donnée d’essence mais le résultat d’un certain état des structures : les structures de la représentation coupée des représentés, les structures de la dépossession. Dans un tel état de coupure, le primat de l’offre en effet s’établit presque tautologiquement puisque, par construction, la sphère de gouvernement séparée devient totalement auto-centrée et, rendue capable par les institutions de gouverner sans se préoccuper de rien d’autre qu’elle-même, devient par le fait ignorante de toute demande « extérieure ».
Malheureusement les énergies colériques se cherchent des débouchés, à toute force même, et lorsque l’oligopole des partis de gouvernement ne lui en propose aucun, elle prend le premier venu, fut-ce le pire. Il faut bien reconnaître en l’occurrence que le Brexit n’est pas joli à voir. On ne peut alors manquer d’être frappé par l’identité de réaction que suscitent les désastres électoraux variés produits à répétition par cette configuration politique : tout comme les poussées du FN, les référendums européens produisent immanquablement les mêmes « unes » géologiques — « séisme », « tremblement de terre » —, les mêmes solennels appels à « tout changer », et les mêmes avertissements que « rien ne peut plus continuer comme avant ». Moyennant quoi tout continue à l’identique. Pour une raison très simple, et très profonde, qui voue d’ailleurs toute cette époque à mal finir : mettre un terme aux avancées de l’extrême droite et aux référendums enragés supposerait de rompre avec les politiques de démolition sociale qui nourrissent les extrêmes-droites et les référendums enragés. Mais ces politiques sont celles mêmes du néolibéralisme !
Lire aussi Corinne Gobin, « Les faussaires de l’Europe sociale », Le Monde diplomatique, octobre 2005. Et voilà l’impossible équation en laquelle ce système est maintenant enfermé : enrayer ce qui va le détruire ne passe plus que par se nier lui-même, et se maintenir lui-même le condamne à alimenter ce qui va le détruire. De fait, ceux qui ont accaparé les moyens de changer quoi que ce soit, et proclament leur détermination à tout changer, persistent en réalité dans le désir de ne rien changer. C’est que les horizons temporels se sont considérablement raccourcis et que le temps encore passé au manche, tant que les contradictions peuvent être repoussées devant soi, est toujours bon à prendre. Dans l’intervalle, il ne manque pas d’éditorialistes décérébrés pour assurer la pantomime du « tout changer » mais dans la version Lampedusa du pauvre : ne rien changer pour que rien ne change…

La fin de l’histoire est ajournée

Dans une conjonction paradoxale de plus grande dureté idéologique et de plus grande lucidité (ou de moins grand aveuglement), The Economist, dont tout le numéro post-Brexit transpire littéralement la peur, voit venir la menace d’ajournement de la « fin de l’histoire » (3) — ce grand arrêt définitif qui devait consacrer pour l’éternité le règne du capitalisme libéral et de la démocratie. Et il n’est pas question là des soubresauts de la convergence des retardataires, mais du cœur de l’empire, là où la chose était normalement acquise. Il apparaît qu’elle ne l’est pas tant que ça, et quitter le confort de la « fin de l’histoire », surtout quand on lui avait cru le bon goût de s’achever au mieux des intérêts légitimes des possédants, est un traumatisme dont The Economist mesure avec angoisse toute la portée.
Moins épais que ses homologues français, lui est au moins capable de dresser un tableau clinique assez exact des colères de l’époque, et même d’aller jusqu’à leur accorder leur bien-fondé. Mais (et mutatis mutandis, on croirait relire ses articles de 2008-2009, quand c’est la crise financière qui menaçait de tout emporter), s’il est capable d’aller bien plus loin dans l’analyse, c’est, comme toujours, la conséquence qui lui fait défaut in extremis. Pour le coup elle lui restera inaccessible. C’est que lui aussi devrait convenir que le problème réside dans cela-même qu’il a choisi de défendre : « l’ordre international libéral ». Faute d’accéder à cette conclusion — et pour cause : elle lui serait une auto-négation… —, il ne reste à The Economist que les habituels dérivatifs de raccroc : « pour que la croissance se convertisse en hausse des salaires, les libéraux doivent mener un combat sans relâche contre les intérêts établis, exposer à la concurrence les entreprises installées, et briser les pratiques restrictives ». Disons immédiatement à tous ces gens qu’il n’est pas certain que les lois Macron — puisque c’est en gros de cela qu’il s’agit — suffisent à ré-arrêter l’histoire. Il se pourrait même, plus probablement, qu’elles lui fassent prendre un peu plus de vitesse encore.
C’est une chose cependant que l’histoire reprenne de la vitesse, et c’en est une autre de savoir dans quelle direction elle va s’engager. La réussite historique de l’extrême droite sur ces deux dernières décennies, c’est d’être parvenue à s’insérer dans l’offre politique, d’y figurer comme une option bien répertoriée. Et, mieux encore, de s’y être établie comme monopoleur de la différence. Peu importe que cette différence, racisme ouvert mis à part, soit en réalité frauduleuse : la collusion de l’extrême droite et du capital est un fait confirmé par l’histoire ; l’inconsistance des vues économiques du FN le voue à finir en l’attracteur par défaut du néolibéralisme, éventuellement sous une version néo-corporatiste à usage des patrons de PME ; la sortie de l’euro n’était qu’un engouement opportuniste qui achèvera de s’évaporer dès que quelques grands protecteurs financiers le convaincront de revenir au sérieux.

Les ressassements de « l’UE démocratique »

Et la gauche ? Si en l’état actuel de ses institutions la politique est sous le primat de l’offre, il s’agirait maintenant qu’elle aussi soit capable d’y installer une option eurocritique qui puisse se proposer comme solution d’expression raisonnée et progressiste — en fait la seule — de la colère. Mais que veut dire exactement « eurocritique », et qui y est prêt vraiment ? À l’analyse, eurocritique ne peut pas dire autre chose que décidé à envisager la sortie — quitte à en faire d’abord le levier d’un rapport de force, mais à l’envisager pour de bon. C’est peu dire qu’il reste du chemin à faire car, baffe après baffe, Brexit après Oχi (4), il est toute une fraction de la gauche qui ne désarme pas de l’illusion alter-européiste. Avec une obstination qui va devenir admirable à force de désespoir, Clémentine Autain et Roger Martelli répètent que « l’Europe, on la change ou elle meurt » (5). En la considérant de manière purement littérale, on pourrait presque accorder la formule — à la différence, comme toujours, de la conséquence et de l’inconséquence : car en réalité il n’y a pas le moindre doute quant à la manière dont cette fausse alternative va se trouver tranchée.
Au milieu d’arguments toujours les mêmes et dont aucun ne quitte jamais le registre du vœu pieux, ni jamais ne répond aux objections substantielles, on trouve celui-ci qui, par un effet de pertinence involontaire, met dans le cœur du problème : « Le combat pour la transformation sociale n’est pas plus facile en France qu’en Europe ». Eh bien précisément si, il l’est ! Et pour des raisons qui relèvent presque de la logique  : il est plus facile de passer une seule épreuve de validation que deux enchaînées. A plus forte raison quand la seconde est plus défavorable encore que la première. Ce qui est étonnant d’ailleurs, c’est qu’on puisse continuer de dire des choses pareilles un an exactement après l’écrasement de Syriza — qui aura si éloquemment prouvé combien il était plus facile de transformer l’Europe que la Grèce, ou l’Europe avec la Grèce…
Supposons donc, pour l’expérience de pensée, que nous soit échue la bénédiction d’un gouvernement authentiquement de gauche. Que peut-il mettre en œuvre qui ne se heurte aussitôt à la contrainte des traités ? Rien. Quelles solutions lui reste-t-il alors ? Trois.
 Plier, comme Tsipras — et fin de l’histoire.
 Entreprendre hardiment la bataille de la transformation de l’intérieur. Mais avec quels soutiens ? La désynchronisation des conjonctures politiques nationales nous offrira ce qu’elle peut en cette matière, c’est-à-dire pas grand-chose — comme l’a vécu la Grèce. L’alter-européisme nous prie dans ce cas d’attendre le grand alignement des planètes progressistes pour qu’advienne la nouvelle Europe — pourvu que le premier gouvernement de gauche soit encore en place au moment où la cavalerie des autres le rejoindra…
 Désobéir. Mais il faut n’avoir rien appris des expériences de Chypre et de la Grèce pour imaginer le noyau libéral des institutions et des Etats-membres laisser faire sans réagir. Comme on le sait désormais, c’est la Banque centrale européenne (BCE) qui a les moyens de mettre un pays à genoux en quelques jours, en mettant sous embargo son système bancaire. Sans doute y regarderait-elle à deux fois, considérant la possibilité de dommages collatéraux cataclysmiques. Elle n’en a pas moins tous les instruments permettant de régler finement l’asphyxie pour trouver son optimum punitif : tuer la croissance par étranglement du crédit sans pour autant mettre les banques à terre. Ceci pour ne rien dire de toutes les procédures de représailles inscrites dans les traités mêmes.

« Libxit » et « Gerxit »

En tout cas il faut avoir la croyance chevillée au corps pour imaginer que l’épreuve de force qui s’ouvrirait alors pourrait trouver une résolution autre que la reddition complète de l’une des parties quand les enjeux du différend sont aussi fondamentaux. De la partie dissidente progressiste très vraisemblablement, et pour les raisons qui viennent d’être indiquées : sur qui un gouvernement de gauche, radicalement ostracisé au milieu du Conseil, pourrait-il donc compter comme renfort ? Et dans le cas miraculeux qui le verrait entouré de quelques alliés, suffisamment nombreux pour que l’hypothèse d’un changement réel et profond commence à sérieusement prendre corps, qu’adviendrait-il à coup sûr, sinon l’auto-éjection du noyau libéral (« Libxit »), Allemagne en tête (« Gerxit) ?
Lire aussi Niels Kadritzke, « Grande braderie en Grèce », Le Monde diplomatique, juillet 2016. N’apprenant décidément rien des leçons de l’histoire, même quand elles sont récentes, l’alter-européisme rechute lourdement dans l’hypothèse implicite qui a déjà fait la déconfiture de Tspiras : « l’Europe est finalement un club de démocraties, et on peut toujours s’entendre entre bonnes volontés démocrates ». C’est n’avoir toujours pas compris que la démocratie et le néolibéralisme, spécialement dans la variante ordolibérale allemande (6), n’ont rien à voir. C’est refuser, après pourtant trois décennies de grand spectacle, d’acter que le néolibéralisme est fondamentalement une entreprise de « dé-démocratisation » (Wendy Brown), de neutralisation de l’encombrant démos, et qu’il peut même, comme l’atteste avec éclat le gouvernement Hollande-Valls, se montrer parfaitement compatible avec les formes d’un autoritarisme bien trempé. Dans l’hypothèse (déjà fantaisiste) où il se trouverait mis en minorité, le noyau dur libéral n’en tirerait vraisemblablement pas la conclusion que la démocratie, qui est la loi de la majorité, a parlé. Il prendrait ses cliques et ses claques pour laisser les « communistes » à leurs affaires et s’en irait reconsolider la « fin de l’histoire » de son côté.
Mais c’est une réalité qu’aucun des avocats de l’« autre Europe » ne veut envisager, surtout pas les promoteurs du « parlement de l’euro » qui persistent dans le formalisme des constructions institutionnelles séparées de leurs conditions de possibilité politique. On peut bien continuer de rêver un parlement de l’euro constitué comme prorata des parlements nationaux (7), et habilité à discuter des questions budgétaires et financières, mais encore faut-il se demander pourquoi l’Allemagne a mis tant d’efforts à ce que les principales orientations des politiques économiques nationales soient sanctuarisées dans les textes à valeur quasi-constitutionnelle des traités, c’est-à-dire, précisément, soustraites à toute instance de délibération parlementaire ordinaire ! Répéter indéfiniment une illusion ne suffit pas à en faire un candidat à la réalité, spécialement celle que l’Allemagne accepterait de remettre ses choses les plus chères — les principes organisateurs de la monnaie, des budgets et des dettes — à une incontrôlable loi de la majorité qui lui ferait courir le risque de se retrouver un jour du mauvais côté.
Il y a malheureusement tout lieu de penser que ceux-là qui se présentent comme les hérauts de la reconstruction démocratique de l’Europe ont fini par intégrer sans même s’en rendre compte les normes ambiantes de la dé-démocratisation, au point d’avoir abandonné en chemin les prérogatives élémentaires d’une démocratie parlementaire minimale : le droit de discuter de tout. Ou alors il va falloir qu’ils nous expliquent comment ils comptent convaincre l’Allemagne de revenir sur son ultimatum originel et de réintégrer le cénacle du parlementarisme ordinaire — celui qui a le droit de délibérer à sa guise des déficits, des dettes, de l’inflation, ou du régime de la circulation des capitaux.
En tout cas on n’en voit pas un remettre par exemple en cause le statut d’indépendance de la BCE, ni seulement proposer une redéfinition de ses missions — et pour cause : il faudrait être vraiment passé dans un univers parallèle pour imaginer faire avaler pareille idée à l’Allemagne. Mais, tragique révision inconsciente à la baisse des ambitions « transformatrices », c’est déjà comme un aveu implicite que le b-a-ba de la démocratie monétaire est hors de portée, et la mesure en creux des renoncements qui annoncent une redémocratisation tout en faux-semblants. On peut donc si l’on veut se complaire à imaginer une Europe transformée (réellement) mais alors il faudra l’imaginer sans l’Allemagne (au moins). Au fait, resterait-il alors quoi que ce soit qui se puisse appeler « Union européenne » après que le bloc allemand l’ait abandonnée ?

L’internationalisme réel du « Lexit »

Reprenons : si l’alternative est que « l’Europe, on la change ou elle meurt », alors elle meurt. Car ça n’est pas une parodie de démocratie au rabais qui la maintiendra en vie bien longtemps. La question alors se déplace : elle n’est plus celle de la chimère « Union européenne démocratique » supposément obtenue par mutation de l’Union actuelle, mais celle du meilleur moyen de mettre un terme à l’irrémédiable despotisme néolibéral européen.
Au point d’incapacité à se transformer où elle en est, l’Union européenne n’a plus que le choix des modalités de sa disparition : dans l’acharnement et la déflagration terminale ou par un processus ordonné de déconstruction. Ordonné, c’est-à-dire mutuellement agréé, une sorte d’accord de dissolution coopérative, à froid — au demeurant s’il y a bien un point de convergence qui risque d’émerger de plus en plus, c’est celui de l’intérêt bien compris de tous à arrêter les frais.
Un tel processus ordonné pourrait d’ailleurs revêtir différentes formes. Celle du simple retour aux échelons nationaux, n’excluant nullement de maintenir (puis d’approfondir) les coopérations à géométrie variable déjà en place (industrielles, scientifiques, etc.) mais hors de toute intégration formelle. Ou celle d’une proposition ouverte de reconstruction « européenne » — « européenne » avec guillemets puisque, bien sûr, son périmètre ne saurait être celui ni de la défunte UE ni de son eurozone, dès lors qu’elle inviterait les États qui le voudraient — et certains ne le veulent pas — à se retrouver autour d’un principe d’organisation démocratique réelle des domaines d’intégration (dont il est au demeurant probable qu’ils ne puissent aller jusqu’à la constitution d’une communauté politique complète). C’est dans ce genre de directions en tout cas que le « Lexit » (Left Exit) trouve son sens, pour qui voudra bien au moins se donner la peine d’observer que le mot « Lexit » même n’est formé à partir de la contraction d’aucun nom de pays, et atteste par là sa conformité à un internationalisme bien compris.
Par un paradoxe cruel, il apparaît de plus en plus que, sous couleur de vertu, l’alter-européisme œuvre en fait involontairement pour le pire. Non pas par le projet en soi d’une « autre Union européenne », mais par le refus de principe d’envisager la moindre forme de rupture, qui le voue à l’inexistence dans le spectre déjà difficilement accessible de l’offre politique, notamment quand le ressentiment populaire à l’endroit de l’UE a légitimement franchi ses points critiques, peut-être ses points de non-retour. Les projets de « transformation démocratique » de l’Europe, à la façon du DiEM25 de Varoufakis, qui se propose de perdre dix nouvelles années à poursuivre une chimère, ouvrent des boulevards aux extrêmes droites européennes qui ne doivent pas en revenir d’avancer ainsi sans rencontrer la moindre résistance (lire « DiEM perdidi »). Le stéréotype de « la nature politique qui a horreur du vide » a beau être usé jusqu’à la corde, il continue de dire quelque chose de vrai. Les extrêmes droites, qui n’en demandent pas tant, demeurent seules à capter le discours de l’eurocritique et surtout à en imposer la forme.
Un comble de l’aberration politique, et presque logique, aura conduit certains à gauche à poser que, puisque le Brexit menaçait de prendre la forme d’une sortie par la droite, il était urgent de faire taire le « Lexit » (8) qui ne pouvait, « dans ces conditions », qu’alimenter son contraire — soit le syllogisme même de la défaite : puisque la sortie est sortie par la droite, tout discours de sortie nourrit immanquablement la sortie par la droite… Ou l’art de se donner raison pour le pire : à force d’interdire toute pensée de la sortie par la gauche, et de laisser prospérer sans la moindre opposition le discours de la sortie par la droite, il se pourrait bien, en effet — en tout cas on aura tout fait pour — que, si sortie il y a… elle se fasse par la droite.
Frédéric Lordon
(1) Le juche est cette étonnante doctrine nord-coréenne de la souveraineté autarcique.
(2) Pierre Moscovici, « Europe, vive le débat, exit le référendum », Libération, 30 juin 2016.
(3) « The politics of anger », The Economist, 2 juillet 2016.
(4) Lire « Le crépuscule d’une époque », 7 juillet 2015.
(5) Clémentine Autain et Roger Martelli, « L’Europe, on la change ou elle meurt », Regards, 28 juin 2016.
(6) Lire François Denord, Rachel Knaebel & Pierre Rimbert, « L’ordolibéralisme allemand, cage de fer pour le Vieux Continent », Le Monde diplomatique, août 2015.
(7) Thomas Piketty, « Reconstruire l’Europe après le Brexit », blog Le Monde, 28 juin 2016. Lire aussi Susan Watkins, « Le Parlement européen est-il vraiment la solution ? », Le Monde diplomatique, février 2016.
(8) Philippe Marlière, « Un “Brexit” xénophobe, un “Lexit” introuvable », Regards, 17 juin 2016.

Sur les réfugiés

15 juillet MANIFESTATION DE SOUTIEN AUX RÉFUGIÉS:

Environ 300 personnes ont manifesté d’ Omonia vers les bureaux du Parlement et de l’UE. Les participants étaient du syndicat ADEDY, de l’Unité Populaire, collectifs de solidarité et de nombreux réfugiés. Les slogans étaient pour l’ouverture des frontières et un changement dans la politique des réfugiés. Ils demandent:

· Arrêter les interventions impérialistes et créer des routes sécurisées pour les réfugiés

· La création de structures d’accueil ouvertes avec l’utilisation de bâtiments publics et le recrutement de personnel dans les services sociaux, accélérer les procédures de demande d’asile et de légalisation, couvrir les besoins temporaires de logement et de nourriture.

· La suppression de l’accord entre l’UE et la Turquie, les expulsions et les déportations.

14 juillet No Border CampPlusieurs journaux (Kathimerini, Avghi, Ta Nea) font état de la manifestation « No Border Camp » qui sera organisée du 14 au 24 juillet 2016 à l’université de Thessalonique. Des centaines de personnes venant de Grèce et de l’étranger camperont du 14 au 24 juillet dans les espaces ouverts de l’université en signe de solidarité avec les réfugiés et migrants, et pour protester contre la fermeture des frontières. N’ayant pas été informé en amont de ce rassemblement ni de l’identité des personnes qui sont à l’origine de cette initiative, le rectorat de l’université a exprimé de vives inquiétudes sur l’éventualité d’incidents, de dégâts matériels ou de problèmes d’hygiène. Il a ainsi demandé une surveillance renforcée de la police ainsi que la collaboration des collectivités locales et des ministères compétents pour assurer l’adoption de mesures de sécurité adaptées.  

13 juillet  L’entrepôt en pierre du Port du Pirée a été évacué aujourd’hui par la force .
Les réfugiés n’ont pas tous eu le temps de prendre affaires,papiers et argent. Les témoignages évoquent des méthodes d’évacuation violentes et dangereuses, en particulier pour les nombreux enfants en bas âge.

Après Idomeni, Polykastro et les autres campements proches de la frontière macédonienne, les autorités grecques ont évacué et détruit le campement du Pirée, à côté d’Athènes

Témoignage de l’expulsion d’Athènes
Aujourd’hui au port du Pirée, où des milliers de gens ont vécu dans des entrepôts de tentes, les autorités grecques ont fait un geste pour expulser le dernier entrepôt occupé. Il n’y avait aucun avertissement, les gens n’ont pas eu le temps de faire leurs affaires, ceux qui étaient partis pendant l’expulsion et ceux qui résistent a perdu tout ce qu’elles possédaient, y compris les passeports et les documents d’immigration. Le déménagement arrive à cause de la pression sur le gouvernement pour effacer le port pour la compagnie maritime chinoise cosco pour démarrer le développement du site. Il a été estimé que 300 personnes ont été enlevés de force dans des camps militaires à courir autour de la Grèce, un autre de 900 personnes vivent encore dans le port dans des tentes dans le nouvel entrepôt expulsées et sous un pont à proximité.
Les conditions d’accueil dans les camps surpeuplés gérés par l’État grec ne sont pourtant guère meilleures, comme en témoignent les récents rapports de Pro Asyl et de Catholic Relief Services (en anglais).Vous pouvez télécharger le rapport de Pro Asyl ici.

Vous pouvez télécharger le rapport de Catholic Relief Services ici.

La procédure d’asile en Grèce reste, elle, largement inaccessible, comme en témoigne ce rapport du Forum Grec des Réfugiés (en anglais).

Vous pouvez télécharger le rapport du Forum Grec des Réfugiés ici.

13 juillet Quatre migrants  morts dans une nouvelle tragédie en mer (ANA-MPA)

Un bateau transportant environ 10 migrants sans papiers a chaviré mercredi matin dans la région de la mer de Lesvos, avec le nombre de morts atteignant 4, tandis que les opérations de recherche et de sauvetage se poursuivent pour plus de gens.
Les corps d’une fillette de quatre ans, un petit garçon, une femme et un homme ont été déjà été récupérés.
La Garde côtière grecque avait déjà sauvé quatre personnes.

13 juillet Grèce: regain de tensions sur les îles qui accueillent les réfugiés

http://www.rfi.fr/europe/20160711-grece-migrants-regain-tensions-iles-accueillent-refugies

 

Report du procés Siemens vu par la presse hellénique

Réaction de la presse suite à la décision de la Cour d’Appel d’Athènes de reporter le procès sur le scandale de corruption « Siemens »

14/7/16 La presse (Avghi, Le Journal des Rédacteurs, Ethnos) fait état de l’intervention personnelle dans l’affaire Siemens du PM, M. Tsipras, qui prend désormais la question « en main ». Sur instruction du PM grec, le ministre de la justice, M. Paraskevopoulos, se rendra aujourd’hui chez la procureure de la Cour suprême pour demander que l’examen judiciaire de l’affaire Siemens soit traité en priorité. De son côté, la procureure de la Cour Suprême, Mme Dimitriou a ordonné l’ouverture d’une enquête disciplinaire urgente sur les raisons qui ont conduit au report sine die du procès «Siemens» (cf. revue d’hier). Des sources gouvernementales reprochent à la ND et au PASOK ainsi qu’à des hauts cadres de la Justice de tenter intentionnellement de bloquer l’enquête. Le SE aux AE, M. Amanatidis, qui a déposé hier auprès de la Cour Suprême toute la correspondance officielle liée à la traduction des documents du dossier « Siemens », a assuré que « sous le gouvernement de SYRIZA aucune affaire ne sera prescrite ».

La presse (Avghi, Ethnos, Ta Nea, Le Journal des Rédacteurs) souligne par ailleurs qu’une autre affaire liée aux caisses noires de Siemens risque d’être reportée sine die. Il s’agit du procès de l’ancien ministre des transports du PASOK, M. Tassos Mandelis, sur les pots de vins reçus dans le cadre de l’affaire Siemens. Le procès, qui avait débuté en novembre 2013 avait été interrompu en raison de la grève des avocats et reporté à septembre prochain du fait de la maladie du président du tribunal, décédé depuis. Un nouveau procès va donc devoir être ouvert, la direction du tribunal n’ayant pas prévu de nommer un remplaçant, comme la loi l’y autorise pourtant. Le ministre de la défense et partenaire gouvernemental, M. Kammenos, laisse entendre dans un message sur son compte twitter que les « mêmes milieux » qui bloquent l’affaire Siemens se cacheraient derrière le report du procès de Mandelis.  Kathimerini souligne que l’affaire Siemens dessine les contours d’une vive confrontation entre le gouvernement, l’opposition et la justice. Pour sa part Ta Nea parle de « climat lourd » et de « crise » au sein de la justice.

13/7/16  La presse (Ethnos, Kathimerini, Avghi, Ta Nea, Le Journal des Rédacteurs) fait état de la décision hier de la Cour d’Appel d’Athènes de reporter sine die le procès sur le scandale de corruption « Siemens » en conséquence de l’absence de documents nécessaires, notamment la traduction en allemand de l’ensemble du dossier. Ethnos note que l’enquête sur le plus grand scandale de corruption risque de se terminer par un « fiasco ». Le journal parle de « guerre » déclarée entre la justice et le ministère grec des AE qui se rejettent la responsabilité. La justice reproche au MAE d’avoir accusé du retard dans la traduction des documents nécessaires. De son côté, le service des traductions du MAE qualifie dans un communiqué de “fausses” et de “nonfondées” ces informations. En tous cas, cette évolution porte un coup à la crédibilité de la justice grecque, puisque après tant d’années d’enquête, l’affaire risque d’être prescrite. Les délits concernant la convention principale entre l’OTE et Siemens (8002/1997) seront prescrits en raison de l’expiration du délai de 20 ans en 2017. Ironisant, Ta Nea parle de « procès perdu dans la traduction », tandis que Le Journal des Rédacteurs titre sur l’« Odeur fétide de la corruption ». Plusieurs journaux (Ethnos, Kathimerini, Avghi) font état du vif mécontentement du Palais Maximos. Des sources gouvernementales reprochent aux membres de « l’ancien système politique » ainsi qu’à des hauts cadres de la Justice de tenter intentionnellement de bloquer l’enquête et soulignent que les responsables seront identifiés afin de rendre des comptes pour ce « crime continu » au détriment du peuple grec.  De son côté la ND rejette la responsabilité sur le gouvernement en soulignant « la nécessité de faire toute la lumière sur cette affaire qui empoisonne depuis maintenant de nombreuses années la vie politique grecque ». Pour sa part La Rivière souligne dans un communiqué : « la prescription ‘‘pour des raisons techniques’’ de l’un des plus grands scandales depuis le retour de la démocratie en Grèce doit être évitée à tout prix. Son éventuelle prescription constituera un scandale plus grand encore que le scandale économique lui-même » (Ethnos).

Le LEXIT

La démocratie et la souveraineté populaire contre l’échec de l’intégration néolibérale européenne et de l’euro

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Ce document a été élaboré en commun par les membres du réseau Lexit. Il a été rédigé et validé collectivement avant le référendum sur le Brexit et n’avait aucune intention d’influencer le vote populaire de quelque manière.

Avec le marché unique et le Traité de Maastricht, l’intégration européenne s’est constituée comme un projet néolibéral de long terme. Le « pacte de stabilité et de croissance », les libertés du marché unique et l’Union monétaire ont établi un cadre qui a nourri les politiques d’austérité, le démantèlement des droits sociaux et de la protection sociale, et imposé la privatisation à tous les Etats-membres.

Contrairement à l’idée d’une Union européenne comme espace neutre, les événements qui ont suivi la Grande Récession de 2007-2009 ont montré que le projet d’intégration européenne était défini par la nature régressive de ses traités, et par une radicaliation sans précédent de son caractère néolibéral. Des relations hiérarchiques inégales entre le centre et la périphérie ont été longtemps un trait caractéristique de l’intégration européenne, mais qui, après la Grande Récession, aura culminé dans la domination de l’Allemagne sur les orientations des politiques économiques. Les développements réglementaires qui ont accompagné l’installation de l’eurozone et les mesures prises en réponse à la crise de l’euro, sous la forme de l’imposition de règles toujours plus strictes et de structures de gouvernance toujours plus illégitimes, ont approfondi l’autoritarisme néolibéral de l’intégration européenne. Il faut donc se rendre à l’idée que ce projet d’intégration est devenu une menace pour la la démocratie et la souveraineté populaire.

L’euro, une monnaie à crises

La crise de l’euro est le produit d’une architecture de l’union monétaire mal pensée dès l’origine, préoccupée seulement d’austérité et de désinflation. Au lieu de conduire à un processus de convergence économique et sociale des Etats-membres, le développement économique réel (en termes de salaires et de productivité) a engendré toujours plus de divergence. L’union monétaire a finalement donné lieu à d’énormes déséquilibres macroéconomiques (creusant notamment les déficits des balances courantes, pas seulement dans la dite « périphérie », mais également en France et en Italie, avec pour contrepartie d’énormes excédents en Allemagne et quelques autres pays). Il s’en est suivi dans un premier temps des flux de capitaux depuis le centre vers la périphérie de la zone, flux à bas taux qui ont nourri des bulles spéculatives financières et immobilières, et qui ont également gonflé l’endettement tant public que privé.

L’un des facteurs importants de ces déséquilibres réside dans l’effort de l’Allemagne de réduire son coût du travail par la restructuration des chaînes de valeurs de ses secteurs exportateurs via le travail bon marché des pays d’Europe de l’Est et une stratégie de dumping salarial, fiscal et social.

Il en a résulté, pour les économies moins bien placées, une très forte pression à « la compétitivité » sur « leurs » secteurs industriels et tertiaires. Le cadre même de l’union monétaire interdisant de recourir à l’ajustement de change, ces économies n’ont plus eu d’autre recours que la « dévaluation interne ». Soit concrètement : le démantèlement de l’Etat social, la privatisation à grande échelle des services publics, le dumping salarial, social et fiscal, les attaques contre la négociation collective, les tentatives de briser les syndicats, le procès et la destruction de la fonction publique.

L’euro, un outil au service du capital financier

Il est important de souligner que rien de cela n’est arrivé par la faute d’un imprévisible défaut de construction de l’eurozone. L’euro fonctionne parfaitement au regard en tout cas des intentions de ses architectes néolibéraux. Il ne travaille pas à quelque forme d’équilibre, de croissance et de plein-emploi. Il œuvre à la destruction des droits sociaux, des systèmes de sécurité sociale, des secteurs publics, de la taxation des profits, et impose le sauvetage public des banques privées.

Et voilà comment l’euro fonctionne en termes politiques : il entraîne les Etats dans la spirale à la baisse des guerres de compétitivité, où la position de chacun ne peut être « améliorée » que par la mise en place de politiques conduites au détriment de la majorité des populations et au seul bénéfice du capital international. Dans cette spirale à la baisse, salaires, pensions, prestations sociales, emploi et investissement publics sont tous envoyés par le fond.

Comme l’ont clairement montré les événements de Grèce en 2015, la structure de gouvernance de l’eurozone est hermétiquement fermée aux politiques qui expriment démocratiquement le mandat de la majorité de la population si ces politiques contreviennent à l’agenda néolibéral. Lorsque le gouvernement Syriza a tenté de mettre en œuvre son programme, plus encore après le « non » au référendum, il a été défait par la Banque centrale européenne qui l’a forcé au mémorandum.

L’euro, une mauvaise idée qu’on ne sauvera pas

Comme il l’a été montré par d’innombrables auteurs, la zone euro ne satisfait aucun des réquisits d’une aire monétaire fonctionnelle, et il est impossible d’imaginer qu’elle les satisfasse dans quelque avenir. Une telle aire monétaire, avec des structures économiques et des niveaux de productivité très disparates, comme c’est le cas de l’eurozone, nécessiterait pour réduire ses déséquilibres internes des transferts financiers intrazones massifs, que des travaux sérieux estiment à près de 10% du PIB européen, un niveau qui est non seulement inenvisageable politiquement, mais également indésirable en soi : comme tous les précédents de l’eurozone l’ont établi, les pays donateurs useraient de cette position pour prendre la main sur les politiques intérieures des pays receveurs, à l’encontre de toute démocratie. Ces dernières années ont suffisamment montré comment de telles situations ruinent la souveraineté populaire, montent les peuples européens les uns contre les autres, et ouvrent des boulevards aux extrêmes-droites xénophobes.

A la fin des fins, la possibilité d’un Etat fédéral européen démocratique qui ne reconduise pas les relations de domination entre les actuels Etats-membres, appellerait une authentique société civile européenne qui n’existe pas pour l’heure et qu’on ne fera pas advenir par décret.

Lexit, la solution pour combattre le néolibéralisme et restaurer la démocratie

Sur ce fond alarmant de de destruction des droits démocratiques, de démantèlement des Etats providences et de privatisation des communs, les forces d’émancipation en Europe doivent proposer des alternatives opérationnelles crédibles, reposant sur le principe fondamental de la souveraineté populaire, contre l’actuel projet d’intégration néolibérale-autoritaire. C’est pourquoi le Lexit (Left Exit) est notre outil pour reconquérir la démocratie.

L’essor alarmant des extrêmes-droites dans la plupart des pays d’Europe se nourrit entre autres de leur position contre l’Union européenne et son système de gouvernance. Leurs propositions politiques sont des impasses : les forces de la droite anti-euro réclament par exemple davantage de contrôle sur les flux migratoires sans rien remettre en cause de la mobilité des flux de capitaux vers les pays qui pratiquent le dumping salarial compétitif. A les en croire, il suffirait de s’en tenir à l’arrêt de la libre circulation des personnes et à l’abandon de l’euro, qui rendrait les changes aux forces de marché – synthèse de cauchemar qu’on pourrait nommer le «néolibéralisme xénophobe».

Si nous voulons éviter ce scénario, nous devons aller au Lexit : une alternative internationaliste reposant sur les principes de souveraineté populaire, de fraternité, de droits sociaux, de défense des travailleurs et des communs.

La non-viabilité de l’eurozone est désormais un fait établi. Tôt ou tard se présentera la grande alternative de la sortie : par la droite ou par la gauche, chacune évidemment avec des effets très différents pour les différentes classes sociales. Le Lexit est l’option des stratégies d’émancipation et de dépassement de l’intégration néolibérale.

La discussion a déjà commencé et des propositions sont déjà sur la table: nous invitons tous ceux qui partagent ce désir du Lexit à rejoindre nos débats et nos actions.

 


Premiers signataires

  • Tariq Ali, author and filmmaker, UK
  • Jorge Amar, Asociación por el pleno empleo y la estabilidad de precios, Spain
  • Prof. em. Yangos Andreadis, Pantheion University, Greece
  • Cristina Asensi, Democracia Real Ya and Money Sovereignty Commission, Spain
  • Prof. Einar Braathen, Oslo and Akershus University College, Norway
  • Prof. Lucio Baccaro, Université de Genève, Switzerland
  • Gina Barstad, No to the EU and Socialist Left Party, Norway
  • Luís Bernardo, Researcher, Portugal
  • Simon Brežan, MD, social, cognitive & system neuroscience/ enactivism researcher, 4th Group of United Left Slovenia
  • Prof. Sergio Cesaratto, University of Siena, Italy
  • Prof. Massimo D’Antoni, University of Siena, Italy
  • Alfredo D’Attorre, MP Sinistra Italiana, Italy
  • Fabio De Masi, MEP GUE/NGL, Germany
  • Klaus Dräger, former staff of the GUE/NGL group in the EP, Germany
  • Stefano Fassina, former Vice-Minister of Finance, MP Sinistra Italiana, Italy
  • Prof. Scott Ferguson, University of South Florida, United States
  • Prof. Heiner Flassbeck, Hamburg University and Makroskop, Germany
  • Kenneth Haar, Corporate Europe Observatory, Denmark
  • Idar Helle, De Facto, Norway
  • Inge Höger, MP Die Linke, Germany
  • Prof. Martin Höpner, Max Planck Institute for the Study of Societies, Germany
  • Dr. Raoul Marc Jennar, Political scientist and author, France
  • Dr. Lydia Krüger, Scientific Council of Attac, Germany
  • Kris Kunst, Economy for the people, Germany
  • Wilhelm Langthaler, Euroexit, Austria
  • Prof. Costas Lapavitsas, SOAS University of London, UK
  • Frédéric Lordon, CNRS, France
  • Stuart Medina, Asociación por el pleno empleo y la estabilidad de precios, Spain
  • Prof. William Mitchell, Director of Centre of Full Employment and Equity, University of Newcastle, Australia
  • Joakim Møllersen, Attac and Radikal Portal, Norway
  • Pedro Montes, Socialismo 21, Spain
  • Prof. Andreas Nölke, Goethe University, Germany
  • Albert F. Reiterer, Euroexit, Austria
  • Dr. Paul Steinhardt, Makroskop, Germany
  • Steffen Stierle, Attac and Eurexit, Germany
  • Jose Sánchez, APEEP, Anti-TTIP Campaign, Attac, Spain
  • Gunnar Skuli Armannsson, Attac, Iceland
  • Petter Slaatrem Titland, Attac, Norway
  • Dr. Andy Storey, University College Dublin, Ireland
  • Prof. Wolfgang Streeck, Max Planck Institute for the Study of Societies, Germany
  • Diosdano Toledano, Plataforma por la salida del euro, Spain
  • Christophe Ventura, Memoire des luttes, France
  • Peter Wahl, Weed e.V., Scientific Council of Attac, Germany
  • Erik Wesselius, Corporate Europe Observatory, Netherlands
  • Prof. Gennaro Zezza, Università di Cassino e del Lazio Meridionale, Italy

lexit-network.org/appel

Grèce : Monuments historiques en ventes !

 SOLDES D’ÉTÉ EN Grèce… LE PRODUIT PHARE DE LA SAISON : LES MONUMENTS HISTORIQUES !!!!

Les soldes estivales commenceront ce lundi en Grèce… mais pour les biens publics, les forêts, les îles, et 538 sites archéologiques, la grande braderie a déjà commencé!
Dans le cadre du 3 ème mémorandum et au nom de la « réduction de la dette » , l’État grec doit faire 50 000 M d’économie… le HRADF ( TAIPED) qui vient de se transformer en SUPER FONDS avec la création de la «Hellenic Holdings et Property Company SA » a déjà mis en vente des milliers de biens et procède à de nombreuses privatisations ( Ports, aéroports, Trains etc…) .
Aujourd’hui, il s’attaque à la vente de monuments emblématiques qui référent à la mémoire collective . Là, ce n’est plus seulement un simple acte de vente mais un acte contraire à l’ éthique, sans vergogne et totalement conscient du saccage de l’ identité culturelle et de la mémoire historique, qui sont tous sacrifiés sur l’autel de la restructuration nécessaire du système. Il faut avoir perdu toute trace de honte pour permettre que figurent dans les listes de la soit disante « récupération » des propriétés comme le théâtre du Lycabeth . Et pour être plus précis deux monuments sont mis en vente: le théâtre du Lycabeth et le palais Achilleion à Corfou. Le Théâtre du Lycabeth est classé depuis 1998 comme un « monument historique et bâtiment moderne parfaitement intégré dans l’environnement naturel. ». Il est régulièrement utilisé par les festivals où se produisent de grands artistes et de grands événements culturels.
L’Achilleion est un palais néoclassique de style pompéien situé en périphérie du village de Gastouri, sur l’île de Corfou. Depuis 2014 il est classé comme  » monument marqué par le Conseil central des monuments modernes » . (voir photos)
On trouve aussi 31 « Xenia » ( Hôtels des années 50’) , dont plusieurs sont classés comme «monuments».
On trouvera l’ensemble du « catalogue » sur le site du HRADF -TAIPED : http://www.hradf.com/en/portfolio

CR réunion du collectif du 11 juillet 2016

Réunion du collectif Grèce-austérité du 11/07/2016

Présents : Christine, Béatrice, André, Bernard, Max

1) Point sur le projet Caravane

1.1 Retour sur la rencontre du 18 juin entre le comité de Lyon, le collectif de Grenoble , « On VAULX Mieux que ça » . Excusés SECOL, Comité de St Etienne.

rencontre 18 juin Lyon

1.2 Le communiqué de presse suite à la réunion à Paris des différents collectifs le 25 juin :

 » CARAVANE SOLIDAIRE AVEC LA GRECE

Le 25 juin 2016, se sont réunis à Paris les représentants des collectifs français de soutien au peuple grec.

Nous avons avancé dans l’organisation de la caravane de solidarité, décidée le 20 février 2016, avec les dispensaires sociaux solidaires et tous ceux qui résistent à l’austérité imposée au peuple grec.

Nous annonçons dès aujourd’hui

L’organisation d’une quinzaine de la solidarité du 1er au 14 octobre 2016 dans différentes villes de France ( réunions publiques, projections, collectes..)

Une convergence le 15 octobre 2016, à Lyon pour rassembler le matériel notamment médical venu de différentes régions et y organiser une grande initiative publique à Vénissieux.

L’organisation à partir de Lyon d’un convoi en direction notamment de Salonique et d’Athènes.

Nous appelons tous ceux et celles qui veulent participer à ce projet, les organisations, associations, syndicats citoyens, qui veulent soutenir, à nous contacter

Adresse mail : caravane.solidaire.grece@gmail.com

Site : https://solidariteaveclagrececollectifs.wordpress.com/ rubrique caravane. »

1.3 Retour sur la réunion du comité de Lyon du 27 juin

réunion 27 juin Lyon

2) Notre implication dans la Caravane

Le collectif au regard des informations obtenues suite à la rencontre de Paris et le projet proposé par Lyon décide de ne pas organiser son propre débat politique le 17 octobre et de participer à la quinzaine de solidarité nationale et la journée du 15 octobre prévue à Vénissieux. A noter que le collectif n’est pas favorable à la présence de partis politiques à la tribune éventuellement à titre privé lors des ateliers ou sur des stands.

Lors de la quinzaine de la solidarité (du 1er au 14 octobre) :

– interventions dans la rue (tracts, parade en vélo, discussions …) pour informer, récolter de nouveau dons et inciter à aller à grande initiative publique à Vénissieux le 15/10

– projection du film de Philippe Menut : « La tourmente grecque II », à voir où cela pourra ce faire (Le Club, la MDA …) avec si possible la présence du réalisateur.

– envoi en Grèce des dons déjà récoltés

– organisation d’une récolte de matériels à acheminer vers Lyon : elle dépendra de volontaires pour la prise en charge l’appel lancé n’a pour le moment rien donné

– à chacun de réfléchir sur les façons d’intervenir lors de cette quinzaine

Le 15 octobre : voir avant avec le collectif de Lyon comment on peut s’impliquer dans l’organisation. La prochaine réunion du collectif lyonnais aura lieu le 8 septembre à 18h30.

3) Projection du film « Je lutte donc je suis » le 1/12 dans le Trièves par l’association Béchamelle. Présence du collectif pour un débat après le film. Rencontre avec l’association à prévoir pour définir les contours du débat.

4) Prochaine réunion du collectif grenoblois

mardi 30 août salle 319 de 17h à 19h (la salle a été retenue au nom d’Attac)

Pourquoi la fermeté de Bruxelles contre l’Espagne et le Portugal est une erreur majeure

La Commission européenne a lancé la procédure de sanctions contre la politique budgétaire de l’Espagne et du Portugal. Une décision prise sous la menace de l’Allemagne qui est lourde de risques pour l’UE et la zone euro.

Voir l’article de Romaric Godin publié le 7/7/16 sur La tribune

http://www.latribune.fr/economie/union-europeenne/pourquoi-la-fermete-de-bruxelles-contre-l-espagne-et-le-portugal-est-une-erreur-majeure-585162.html

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