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Témoignage: vivre à Athènes en 2017

Depuis 2009, la Grèce est au bord de la faillite. Mise sous tutelle par la Troïka, elle voit s’enchaîner les plans d’austérité. Mais à quoi ressemble la vie des Grecs en 2017?

Un constat social alarmant

Nikos Kokkalis a 35 ans et vit à Athènes. Titulaire d’une licence en sciences politiques, il travaille en tant que traducteur dans le secteur juridique. Il nous raconte les changements survenus dans son quotidien depuis le début de la crise.

« Beaucoup de choses ont changé depuis le début de la crise. Lorsque je suis entré sur le marché du travail, je touchais 800 euros par mois, et j’étais considéré comme un travailleur précaire. Aujourd’hui, je n’en touche plus que 600, et je me sens particulièrement privilégié. Se rendre au travail est devenu beaucoup plus difficile, car la fréquence de passage des bus a été réduite d’1/3. Certains quartiers d’Athènes ne sont carrément plus couverts par le réseau de transport. Beaucoup de mes amis ont quitté le pays, et beaucoup continuent à partir chaque année pour trouver du travail et envoyer de l’argent à leur famille restée en Grèce. La plupart de ceux qui sont restés sont au chômage, ou travaillent pour une misère dans des conditions de précarité extrêmes« , explique-t-il.

Outre le chômage et les conditions de travail, les purges imposées par l’Europe et le FMI ont également impacté les services publics et le pouvoir d’achat: « Tous les prix ont augmenté en raison d’une forte hausse de la TVA et des taxes sur les produits alimentaires. En parallèle, on a subit une baisse des salaires, des pensions de retraites, et des coupes dans les minima sociaux. Les budgets gouvernementaux de la culture, de la santé et de l’éducation se sont effondrés. De plus, la privatisation massive des services publics a produit simultanément une hausse des tarifs et une baisse de la qualité des prestations, comme c’est le cas pour les compagnies aériennes et ferroviaires. Mais ce n’est pas fini, aujourd’hui, c’est l’accès à l’eau qu’ils veulent privatiser« .

Grexit et investissement, le duo gagnant de la gauche radicale

Comme beaucoup de Grecs, Nikos a cru que la situation allait s’améliorer après la première victoire de Syriza début 2015. Toutefois, ses espoirs se sont bien vite envolés. « Je savais que Syriza disposerait de marges de manœuvres très faibles, mais j’avais bon espoir que Tsipras et son parti tiennent tête à la Troïka » confie-t-il. « Mais rien de tout cela ne s’est passé, et il a même cédé à chacune de leurs exigences. Si nous continuons dans la voie de l’austérité, l’avenir s’annonce plus que sombre pour le peuple grec« , ajoute-t-il.

Militant pour l’organisation d’extrême-gauche Xekimina, Nikos a des solutions à proposer pour sortir son pays de la crise. « [La bureaucratie européenne ne connaît que l’austérité néo-libérale. Cette politique est en train de la ronger de l’intérieur, en provoquant la montée des nationalismes, la crise économique, et des disparités croissantes entre les États du Nord et du Sud. La seule solution pour la Grèce, c’est de quitter cette Europe qui se meurt. Une fois la sortie de la zone euro, seule une politique d’investissement audacieuse pourra permettre aux grecs de sortir de la crise]i », explique le jeune hellène. « Nationalisation du secteur bancaire, renationalisation des secteurs économiques clés (énergies, santé, transports, télécommunication…), plafonnement des bénéfices pour les compagnies pétrolières et agroalimentaires, augmentation des impôts pour les 1% de la population les plus riches, politique de grands travaux et embauches massives de fonctionnaires » sont autant de solutions qu’il préconise.

En ce mois de mai 2017, Nikos est vent debout contre la nouvelle réforme des retraites annoncée par le gouvernement d’Alexis Tsipras. En l’espace de huit ans, il s’agit du 10e plan d’austérité imposé à la Grèce par la Troïka. Si le jeune militant parle pour l’instant d’une « mobilisation qui n’a pas l’ampleur des grandes grèves de 2011/2012« , il reste confiant et « croise les doigts pour que la rue l’emporte« , malgré l’adoption de la réforme par le parlement grec jeudi 18 mai 2017.

Une nouvelle grève générale contre la réforme des retraites

vidéo https://www.youtube.com/watch?v=1By8U7vsV70

source de l’article http://www.podcastjournal.net/Temoignage-vivre-a-Athenes-en-2017_a24102.html

 

Athènes menacée de trébucher avec le FMI

publié le 30 mai2017  sur la tribune de Genève

Crise de la dette. Le premier ministre grec reste confiant de trouver une solution avec les créanciers d’ici au 15 juin.

Poussée par Berlin au mariage forcé avec le FMI, malgré scènes et amorces de rupture, la Grèce est désormais confrontée au risque d’une union bancale avec ce gendarme financier, ne réglant pas les lourds arriérés de sa dette.

En décembre 2015, après sa réélection pour un deuxième mandat, le premier ministre Alexis Tsipras lançait l’offensive contre l’implication du FMI dans son programme de redressement conclu en juillet avec les Européens, la jugeant «non constructive et non nécessaire».

Un an et demi plus tard, le virage est complet: pour le ministre des Finances, Euclide Tsakalotos, la participation du FMI est «le meilleur choix». Car entretemps, Alexis Tsipras a tablé sur le FMI pour arracher à la zone euro l’engagement d’alléger la dette publique du pays dont il a fait son cheval de bataille.

Il se fondait sur les règles de l’institution, qui ne lui permettent pas en principe de participer au renflouement d’un pays insolvable. Le «pire choix» selon Euclide Tsakalotos, serait du coup une union bancale, soit un ralliement formel du FMI au programme grec mais sans garantie préalable sur la dette, qui caracole à près de 180% du PIB.

Compromis boiteux

C’est un tel compromis qui a été proposé le 22 mai par l’Eurogroupe, contraignant la Grèce à faire de l’obstruction pour le bloquer. Une telle solution ne réglerait rien pour la Grèce, selon Euclide Tsakalotos, n’apportant pas aux marchés la «clarification» nécessaire sur la dette pour qu’ils refinancent le pays comme prévu à partir de l’été 2018.

Vu d’Athènes, le compromis apparaît juste calibré pour permettre au gouvernement allemand de se présenter aux élections de septembre arqué sur son refus de toute concession envers la dispendieuse Grèce. Athènes se prépare du coup à un nouveau rendez-vous difficile avec ses créanciers, lors de la prochaine réunion des ministres des Finances de la zone euro du 15 juin.

Le tout alors que l’échéance de juillet, quand le pays devra s’acquitter de créances de plus de 7 milliards approche, sans qu’il y ait encore de déblocage de nouvelle tranche de prêts à Athènes.

Euclide Tsakalotos s’est affirmé lundi «confiant» qu’un accord sera finalement dégagé le 15 juin «clarifiant comment la dette grecque peut être rendue viable». Mais Athènes ne dispose pas de beaucoup d’atouts.

La Grèce a été entrainée dans cette partie complexe par le choix de Berlin, soutenue par La Haye et Helsinki, d’imposer la participation du FMI comme condition au renflouement du pays, souligne Georges Pagoulatos, professeur d’Études européennes à la faculté économique d’Athènes.

Le FMI bras armé de Berlin

«Le FMI a servi d’acteur utile à l’Allemagne pour imposer à la Grèce un ajustement très dur», faisant peu de cas de l’acquis communautaire et des règles sociales européennes, face à une Commission européenne dont Berlin «se méfie», juge Georges Pagoulatos.

«Demandes aberrantes», «mauvaise foi», experts «plutôt idiots», données «mensongères»: le gouvernement grec de gauche a longtemps regimbé contre ce mariage forcé, imputant au FMI d’être l’empêcheur numéro un de sortie de crise. La rhétorique était «surtout à consommation interne» visant l’électorat de gauche de Alexis Tsipras, juge Kostas Melas, professeur en finance internationale à l’université Panteion d’Athènes.

Mais elle a fait long feu: Alexis Tsipras s’est finalement résigné à proroger l’austérité jusqu’en 2021, comme l’exigeait le Fonds, en faisant voter à la mi-mai de nouvelles mesures d’économies d’un montant de 4,9 milliards.

Défauts d’expertise

Faute d’arracher en échange des engagements sur sa dette, le gouvernement grec, en chute dans les sondages et à la majorité parlementaire étriquée, est confronté au risque de sérieuses turbulences. Le FMI a aussi laissé des plumes dans l’aventure, contraint à plusieurs reprises de confesser des défauts d’expertise sur la Grèce.

Pourtant, le FMI «a non seulement accepté mais exigé plus de rigueur, pour que le pays puisse tenir des objectifs budgétaires qu’il ne considère pourtant comme ni réalistes ni souhaitables», relève M. Pagoulatos.

Pour M. Melas, le ministre allemand des Finances Wolfgang Schäuble pourrait au final réussir à imposer ses vues, en ayant «utilisé à la fois Tsipras et le FMI». (ats/nxp)

http://www.tdg.ch/economie/Athenes-menacee-de-trebucher-avec-le-FMI/story/27502380

Le collectif en visite au dispensaire Ilion

Visite au dispensaire de santé social et solidaire d’Ilion fin avril 2017

Ce dispensaire est situé à Ilion dans la banlieue nord d’Athènes, il est ouvert depuis avril 2015. Il fait partie des dispensaires qui ne veulent plus de rapports avec Syriza et qui sont très critiques vis à vis de la politique de santé menée par le gouvernement. Nous l’avions soutenu financièrement fin 2016 grâce à l’appel aux dons que nous avions diffusé. Ce dispensaire avait organisé un des accueils de la « caravane solidaire avec la Grèce » d’octobre 2016.

Nous avons été reçu par Dimitrios qui est cardiologue et un des créateurs du dispensaire, il assurait ce jour là la permanence médicale, sa fille Matina (qui était venue nous chercher au métro) a assuré la traduction. Nous avions apporté des médicaments, ils ont été aussitôt triés et rangés par Lina l’infirmière.

Le dispensaire est ouvert à tous ceux qui en ont besoin sans distinction, qu’ils soient Grecs ou migrants. Depuis l’ouverture environ 1500 patients ont été accueillis. De quinze à vingt médecins y interviennent ainsi qu’une infirmière, une assistante sociale et une dizaine de bénévoles qui assurent l’accueil, les prises de rendez-vous et le réconfort des personnes qui poussent la porte du dispensaire.

Les spécialités pratiquées sont multiples : médecine générale, cardiologie, pédiatrie, rhumatologie, psychiatrie, pneumologie etc. … Comme il n’y a pas d’équipement pour accueillir les personnes ayant besoin de soins dentaires, certains dentistes ont accepté de les soigner gratuitement dans leur cabinet.

Le dispensaire propose aussi des activités culturelles, des sorties au cinéma, au théâtre, il possède une bibliothèque. Des fêtes sont aussi organisées, le week-end ou pour le nouvel an. Ce n’est pas seulement un lieu où l’on soigne, c’est aussi un lieu où l’on vient rencontrer d’autres gens, discuter, se réconforter. Quand nous y étions, pas mal de gens sont venus pour boire un café, parler et on voyait que Dimitrios et tous les bénévoles étaient très disponibles pour discuter avec eux. Le dispensaire reçoit aussi des vêtements qui sont donnés à ceux qui en ont besoin.

Les dispensaires « affiliés » à Syriza ferment les uns après les autres parce qu’ils considèrent qu’ils n’ont plus d’utilité avec la loi promulguée au mois d’août 2016 qui institue la possibilité pour tous les Grecs de pouvoir se faire soigner gratuitement même s’ils n’ont pas de couverture sociale. Cependant cette disposition est quasiment inapplicable car les hôpitaux sont surchargés, ils manquent de moyens humain et matériel ce qui fait que les malades doivent attendre plusieurs mois un hypothétique rendez-vous. Ce manque de moyens dans les hôpitaux publics a provoqué l’ouverture de cliniques privées, mais elles ne sont bien sûr pas accessibles aux plus démunis.

Le collectif « Citoyens de Grenoble contre l’austérité en Grèce et en Europe » continuera à être solidaire avec ce dispensaire qui fait un travail formidable.

Nous remercions Dimitrios, Lina, Sylvia, Maria, Menelaos … qui nous ont gentiment accueillis et aussi bien sûr un grand merci à Matina qui a fait office de chauffeur et d’interprète.

Maria, Sylvia et Dimitrios

Naufrages : la rubrique de Panagiotis Grigoriou

Panagiotis  Grigoriou est Ethnologue et historien, chroniqueur, analyste, initiateur d’un concept de tourisme alternatif  et solidaire en Grèce. Le regard de l’historien et de l’anthropologue sur l’actualité et le vécu de la crise grecque.

Naufrages

 
Un naufrage sociétal, c’est parfois long à mettre en place. Notre actuel temps, dit de la fin, se prolonge au point de faire oublier que tous les hommes vivant (ou agonisant) dans une même époque et dans un même espace n’ont pas forcément… le même vécu historique. Au soir du jeudi 25 mai, les medias grecs se concentraient déjà sur l’attentat à la lettre piégée qui a blessé l’ex-Premier ministre et banquier Lucas Papadémos. Opéré dans la nuit (du 25 mai), ses jours ne sont pas en danger. Cette même journée du 25 mai, et pour la première fois à Athènes, les livreurs à moto étaient en grève. Dignité, désespoir et journées fort dangereuses.

Lire les titres des journaux. Athènes, mai 2017

Livraison de notre temps, jamais gratuite. On a beau lire les titres de la presse devant les kiosques, en vain ; il ne nous a pas été encore possible d’en trouver la moindre mention. Il faut alors fouiller sur internet, pour découvrir certains chroniqueurs ainsi rendre enfin hommage à nos livreurs à moto.

Maria Louka par exemple, sous le titre “La mort accidentelle d’un livreur à moto” (site “Inside story”, 23/03/2017) : “Il y a quelques jours, il a été tué en pleine rue un livreur à moto durant son temps de travail. Personne n’a été surpris par cet événement tragique. Les accidents de la circulation représentent 53% sur l’ensemble des accidents pour toute la branche restauration. Plus généralement, le… secteur de la livraison incarne à lui seul… ce royaume de l’arbitraire et de l’abolition absolue de ce qui subsiste encore de la protection comme de la législation du travail.”

“En ce 10 mars, l’annonce de la nouvelle de la mort de Mémos a été à peine remarquée par la presse. Ce ne fut pas tout à fait compréhensible sinon, pourquoi un jeune homme de 22 ans, puisse perdre ainsi sa vie, d’ailleurs, la nouvelle n’a pas été jugée bien importante. (…) Pour les vies ‘invisibles’, les morts sont aussi ‘invisibles’. (…) En déjà, leur travail est précaire, ces employés sont des êtres ‘jetables’ et interchangeables.”

La voiture de Loukás Papadémos après l’attentat. Athènes, le 25 mai (presse grecque)
Livreur à moto à Athènes en 2017 (internet grec)
Livreurs à moto, journée d’action, Athènes, le 25 mai (internet grec)
Livreurs à moto, journée d’action du 25 mai (internet grec)

“À l’instar de notre interlocuteur. C’est un jeune homme de moins de 30 ans, qui travaille ces deux dernières années en tant que livreur de produits alimentaires. Il raconte son histoire comme son expérience. Pour le protéger nous maintiendrons l’anonymat. ‘Voyez-vous, dans ce travail nos propres vies sont en suspens. Neuf livreurs sur dix sont payés trois euros de l’heure. Personnellement, j’en reçois quatre, mais cela après accord avec le patron. Pour moi, il n’y aura ni primes, ni congés. Car, comprenez-le bien, c’est un chantage indirect. Cet argent ne me suffit pas pour vivre, c’est évident. J’ai un deuxième emploi pour m’en sortir.”

“Le client veut que sa commande arrive dans moins de quinze minutes et le patron veut être en règle avec le client, mais non pas vis-à-vis de l’employé. Eh bien, le véritable coût de l’opération, il est finalement payé par le livreur. Si vous ne disposez que de 10 minutes pour l’aller et le retour, vous grillerez le feu rouge ou le stop et vous emprunterez le sens unique à l’envers. Je ne dis pas que c’est bien tout cela, mais nous nous mettons nous mêmes de la pression. Quelque chose nous y pousserait. Et notre collègue Mikael qui est mort, il travaillait dans le quartier de l’avenue Kavala sans freins, il a fait un demi-tour, puis, il été… balayé par un camion.”

“Je précise que nos motos exigent de leurs coûts et autres frais d’entretien, qui restent entièrement à notre charge. Sauf que lorsqu’on fait 150 km par jour, la moto doit être révisée tous les mois pour rester en bon état. La mienne, elle exige de nouveau une réparation, ce qui coûtera près de 450 €, que je dois sortir de ma poche. Et entre deux livraisons, on nous demande d’astiquer les toilettes ou de ranger dans les locaux. Nous sommes ces boys à tout faire. Et si quelqu’un d’entre nous alors proteste, les patrons lui disent: ‘Casses-toi si tu n’es pas content, il y a 20 chômeurs dans la file d’attente.’ Pour les patrons, nous sommes absolument jetables. Les clients de leur côté, ils sont indifférents. Ils ne se soucient que d’être livrés immédiatement. Il n’y a aucune solidarité.”

Univers et réalité décomposés. Athènes, 2013
Même lieu. Athènes, mai 2017
Autocollant… décomposé. Athènes, mai 2017

Nous voilà donc en ce début du XXIe siècle, où nous respirerions les décompositions (découpes) du réel. Tout est parfois dans les détails. Livreurs à motos omniprésents, figures principales mais largement ignorées du panorama de la ville.

Habituellement, nous traitons ces livreurs comme des robots, à la manière des rouages des machines, un peu comme déjà dans les Temps Modernes de Chaplin. Livreurs anonymes forcément, que nous ne nommons pas, des extensions en quelque sorte de leurs motos.

En attendant… la généralisation des robots, en ce début du XXIe siècle et en ce mois de mai, nous commémorons (lorsque nous n’avons pas la mémoire courte), le moment précis de la première grande manifestation populaire à Athènes contre le… proto-mémorandum de Georges Papandréou.

C’était le 5 mai 2010. La rue Stadíou était alors remplie de gens qui manifestaient dans l’une des plus importantes manifestations dans la capitale, contre l’adoption imminente du premier protocole signé entre la Troïka et le “gouvernement” Papandréou. Soudain, de cette foule, se détache un groupe de douze personnes cagoulées qui se dirigent vers la librairie “Ianos”, et vers l’agence de la banque “Marfin Bank” au numéro 23 de la rue Stadíou. Ces individus cagoulés brisent alors les fenêtres et lancent à l’intérieur de nombreux cocktails Molotov.

Chez Marfin, huit employés de la banque resteront piégés à l’intérieur qui est ravagé par le feu et où une épaisse fumée rend l’air irrespirable, puisque la seule issue de sortie restera verrouillée. Des employés joignent leurs proches par téléphone… pour leur dire adieu, tandis que d’autres, ils essaient de repérer une fenêtre pour sauter si possible du côté de la rue. Cinq employés ont été sauvés par les pompiers, mais pas tous. Trois jeunes employés et un enfant qui n’était pas encore né ont trouvé la mort: Épaminondas Tsakális (36 ans), Paraskeví Zoúlia (35 ans) et Angelikí Papathanassopoúlou (32 ans), enceinte.

Chez Marfin Bank au 23 de la rue Stadíou, le 5 mai 2010 (presse grecque)
Chez Marfin Bank au 23 de la rue Stadíou, le 5 mai 2010 (presse grecque)
Chez Marfin Bank au 23 de la rue Stadíou, le 5 mai 2010 (presse grecque)
Chez Marfin Bank au 23 de la rue Stadíou, le 5 mai 2010 (presse grecque)

J’y étais presque au moment des faits, je me trouvais de l’autre flanc de la manifestation, à trois cent mètres de la rue Stadíou. La nouvelle a été aussitôt diffusée très rapidement entre nous. Nos cœurs, nos réactions, ont été figés, et ce fut le premier des chocs apportés à la Résistance des Grecs contre le nouveau Régime des mémoranda.

Du 23 de la rue Stadíou, les Athéniens avaient fait depuis, un lieu de mémoire. Ils y déposèrent leurs messages, leurs fleurs, leurs dessins, en somme toute leur douleur et autant indignation. Mais en ce mois de mai 2017, j’ai remarqué que les messages ont été enlevés, et que le bâtiment avait été refait… pour accueillir désormais… la boutique d’une enseigne… mondialisatrice, spécialisée dans la commercialisation des articles de sport. Notre temps actuel de la fin… se prétend en plus sportif. Qui sait ?

Au 23 de la rue Stadíou, lieu de mémoire (2010-2016)
AU 23 de la rue Stadíou… articles de sport. Mai 2017
Alexis Tsipras… qui en rit. Presse grecque, mai 2017

Et en ce temps bien actuel, sportif ou pas, Alexis Tsipras et les siens, apparaissent devant les médias bien décontractés, voire hilares. Un auditeur intervenant en direct par téléphone dans l’émission politique de Lámbros Kalarrytis (radio 90.1 FM du Pirée, semaine du 22 mai), a fait remarquer qu’une telle attitude laisse déjà trahir un cynisme alors certain… et d’ailleurs synonyme d’hybris.

Lámbros Kalarrytis lui répondit que c’est aussi peut-être parce que le pouvoir rend alors absolument fou. Et il y aura toujours ceux qui veulent le conserver à tout prix, le plus longtemps possible. En tout état de cause, Alexis Tsipras se déclare prêt maintenant, à accepter le plan de Wolfgang Schäuble au sujet du prétendu allégement de la dette grecque, ce même plan que le “gouvernement” d’Athènes faisait semblant de rejeter il y a à peine une semaine (médias grecs du 25 mai 2017).

Un naufrage sociétal ou politique, c’est parfois long à mettre en place. Mais pas toujours. D’autres naufrages ou même échouages, nous rappelleront toujours et encore combien cependant notre actuel temps de la fin peut se prolonger.

Avenue d’Athènes, mai 2017
Sans-abri. Athènes, mai 2017

Non loin d’Éleusis près des côtes, le visiteur des lieux désormais sans trop de… Mystères, découvrira ce qui en reste du “Mediterranean Sky”, paquebot construit en 1953 au Royaume-Uni, et qui appartenait à la société “Karageorgis Lines”. Le “Mediterranean Sky” était l’un des deux glorieux navires de ligne de la compagnie et de la ligne entre Patras et Ancône en Italie durant les années 1970 et 1980.

Ces deux navires étaient luxueux et d’abord très en avant sur leur temps. Ils furent équipés entre autres, de cabines de luxe, de deux piscines, d’un bar élégant, ce que la clientèle de l’époque comme de la classe moyenne qui ne voyageait pas encore si fréquemment par avion, appréciait énormément. Le “Mediterranean Sky” a effectué son ultime voyage en Août 1996, entre Brindisi à Patras. En 1999, il fut remorqué à Éleusis où il a chaviré, puis, à jamais abandonné pour des raisons financières.

Le “Mediterranean Sky” au port d’Ancône dans les années 1980. (Internet grec)
Le “Mediterranean Sky”, la Compagnie Karageorgis Lines, document de 1977

En face pratiquement du “Mediterranean Sky”, sur l’île de Salamine, on y distingue la petite et dernière maison où vécut le poète Ángelos Sikelianós (1884 – 1951). Transformée en musée, elle reste cependant le plus souvent fermée, “c’est la crise”, apprend-on alors sur place.

Toujours à Salamine, j’ai rencontré Mihális, retraité et ancien capitaine dans la marine marchande. Il prend toujours la mer à bord de son voilier, acquis au moment où il a quitté comme on dit, la vie active. Le montant de sa retraite… par exacte répartition, a été ramené à 1.100€ mensuels, au lieu de 2.600€ initialement.

“Pourtant, notre Caisse des Marins a toujours été indépendante de toutes les autres structures de ce type. Nous versions nos cotisations bien élevées, de même que nos patrons armateurs, sans la moindre participation ou aide de l’État. Et voilà que notre Caisse a été supprimée, incorporée de force dans le système global, ce dernier se trouve d’ailleurs en pleine décomposition. Nous avons été trompés par ce pays et ses politiciens après tant d’années de service en mer”.

Mihális me raconta par la suite ses histoires du temps des Océans, profondément et peut-être définitivement dégouté de la vie des terriens. Il préfère évoquer son passé en mer, on peut comprendre. Histoires alors comme celle d’un skipper Néerlandais, que Mihális avait croisé au beau milieu de l’Atlantique après une tempête. Il naviguait seul à bord d’un voilier de dix mètres. Des années après, Mihális a pu inviter le skipper Néerlandais à bord de son navire qui se trouvait alors à quai à Rotterdam. Hasard ?

La maison du poète Ángelos Sikelianós. Salamine, mai 2017
Le Post-Future, version d’Athènes, mai 2017
La presse dite people, toujours vaillante. Athènes, mai 2017

Ceux de la terre ainsi ferme, s’occuperont du Post-Future, tandis que leur presse dite People ne connaîtrait pas la crise paraît-il.

La bonne nouvelle de la journée c’est que l’état de santé de Loukás Papadémos se stabilise, le problème c’est que sa… politique est pour autant stabilisée, et cela depuis tant d’années déjà.

Apparition furtive d’une baleine. Presse des Cyclades, 24 mai 2017

L’autre bonne nouvelle nous provient de l’île de Syros, capitale des Cyclades, où une baleine Balaenoptera physalus avait été aperçue près des côtes par les passagers d’un voilier, d’après la presse locale. La Grèce et sa capitale sous les orages du moment, mais passagers, pas d’autre baleine en vue certes, sauf que devant Lexikopoleío, notre librairie francophone (et pas uniquement) d’Athènes, tenue par Odile et Yannis, un majestueux animal adespote (sans maître), n’a décidément que faire du naufrage sociétal, long ou pas à mettre en place.

Animal adespote devant la librairie Lexikopoleío. Athènes, mai 2017
* Photo de couverture: Le “Mediterranean Sky”. Près d’Éleusis, mai 2017

mais aussi pour un voyage éthique “De l’image à l’imaginaire: La Grèce, au-delà… des idées reçues !” http://greece-terra-incognita.com/

Sur les réfugiés semaine 21

25/5/17 Selon le petit journal REFUGIES ET MIGRANTS – continuent d’affluer en Grèce : Les flux de réfugiés vers la Grèce, à bord de bateaux de fortune, se poursuivent à un rythme soutenu alors que la météo devient plus clémente.

164 réfugiés et migrants illégaux sont arrivés sur les îles grecques de Samos, Chios et Kos au cours des dernières 24 heures .

94 sont arrivés à Samos, Chios 58 et Kos 12. Selon les données officielles de la police, il y a 62166 réfugiés et migrants hébergés dans des camps organisés dans tout le pays.

23/5/17 Fermeture de camps de réfugiés en Grèce : l’incertitude

Nul ne va regretter la fermeture de ces camps insalubres et dangereux, mais leurs habitants n’ont toujours pas reçu d’informations sur leur expulsion imminente. Leurs angoisses et leurs peurs ne cessent d’augmenter.

L’évacuation des camps de réfugiés d’Elliniko à Athènes doit débuter le 23 mai dans la matinée. Plus de 800 réfugiés et migrants, pour la plupart originaires d’Afghanistan, vivent actuellement sous des tentes.

Aucune consultation n’a été menée avec les habitants des camps d’Elliniko, tenus dans l’ignorance du moment et du lieu où ils vont être transférés.

Lire aussi : Des réfugiés enfin réunis avec leur famille

Les autorités doivent de toute urgence garantir qu’aucun d’entre eux ne se retrouvera sans abri ni ne sera mis en danger du fait de cette fermeture. Il faut trouver des solutions de relogement sûres et adéquates, qui prennent en compte les besoins particuliers des femmes et des filles.

Des réfugiés dans l’incertitude

Ils ne nous donnent aucune information, ce qui génère beaucoup d’angoisse… Ils veulent nous embrouiller pour que nous ne puissions pas décider et qu’ils décident pour nous. »

Un Afghan sur place

Cet homme avait demandé à se rendre dans les camps entre le 21 et le 23 mai, ce qui lui a été refusé.

Une femme afghane nous a aussi déclaré: « Nous avons demandé à tout le monde, mais personne ne nous dit rien. J’ai vraiment peur de me retrouver à la rue. »

Une autre Afghane a décrit les conditions de vie lamentables à Elliniko, notamment l’état des sanitaires et l’absence d’intimité et de sécurité: « Nous avons connu l’enfer ici. Je n’irai pas dans un autre camp

https://www.amnesty.fr/refugies-et-migrants/actualites/nul-ne-va-regretter-la-fermeture-de-ces-camps-insalubres?utm_medium=email&utm_source=newshebdo

Grèce : l’édito de solidarité ouvrière du S.E.K

Depuis Athènes l’édito de « Solidarité Ouvrière », paru dans le  N° de cette semaine. « Solidarité Ouvrière » est l’hebdo du S.E.K., un des courants d’ANTARSYA (ce long sigle signifie littéralement : « coopération anticapitaliste de gauche pour le renversement »  et désigne un regroupement de forces anticapitalistes).

  Edito « Solidarité Ouvrière », 24/5/17

L’impasse de la « voie obligatoire »

La session de l’Eurogroup du lundi 22 Mai, qui avait été annoncée comme « le sommet » pour la conclusion de l’évaluation et de l’accord sur la dette, s’est soldée par un report de la discussion à la prochaine session du 15 Juin. Tout le camp en faveur du mémorandum, qui s’apprêtait à tourner la page, est resté dans l’expectative. Même des journaux de droite comme Démocratie se demandent à leur première page, à propos de Schäuble : « Mais que veut-il d’autre ? ».

En ce qui concerne le camp gouvernemental de SYRIZA, il a réussi encore une fois à récolter à la fois la colère de la classe ouvrière et le mépris des « partenaires ». Le Parlement « devait » se dépêcher de voter les lois avec toutes leurs mesures barbares, afin d’être prêt pour l’Eurogroup « crucial » du 22 Mai. Puis l’Eurogroup a découvert qu’il avait le temps jusqu’à la mi-juin…

Le ridicule de la servitude d’Alexis Tsipras et de son gouvernement, dans la logique de la « sortie de la crise » à travers la « voie obligatoire » de la politique mémorandaire de l’U.E., est incontestable. Mais cela ne doit pas nous conduire à la conclusion que Schäuble & Cie sont tout-puissants. Le fait que les « évaluations » traînent ne constitue pas une preuve de toute-puissance mais le contraire : cela montre les problèmes et les faiblesses que provoque la continuation de la crise jusque dans les états-majors les plus puissants.

Un premier élément est la crise politique. Schäuble veut afficher son autorité jusqu’aux élections allemandes. Comme l’ont montré les élections en France, les partis traditionnels gouvernementaux, presque partout, font face à la colère des électeurs, ce qui peut aller jusqu’à leur naufrage. Les fantômes de Sarkozy, de Hollande, de Fillon, planent au dessus de Merkel et de ses partenaires gouvernementaux, même si les sondages les rassurent. L’attitude dure du gouvernement allemand dans toutes les directions, depuis les désaccords avec le FMI jusqu’à la mise de Tsipras en position de quémandeur soumis, a de telles motivations politiques.

Mais ce qui est le plus décisif est l’étendue de la crise économique. Les scénarios sur le niveau que va atteindre la dette grecque les prochaines années diffèrent à un point dramatique. Le FMI prévoit qu’elle va s’envoler à plus de 200% du PNB, alors que l’U.E. calcule qu’elle va tomber à long terme en dessous des 60%. Une partie du désaccord reflète des considérations politiques : il y a concurrence entre les intérêts des U.S.A et de l’Allemagne quant à leurs parts respectives sur les marchés financiers internationaux. Mais en même temps, il y a une réelle faiblesse des deux pays à évaluer les perspectives des économies grecque et mondiale. Aucun état-major de l’économie ne peut déterminer avec certitude si nous nous trouvons à la veille d’un redressement viable ou au contraire devant la menace d’une nouvelle récession qui va faire éclater comme des bulles tous les programmes des deux côtés de l’Atlantique.

Le choix de Tsipras d’imposer des mesures de plus en plus dures, en attendant de voir où vont aboutir les négociations avec l’U.E-FMI, est de la folie pure. Il risque d’avoir le sort de Samaras qui, après avoir appliqué le mémorandum, pensait que la Grèce se trouvait à la veille de pouvoir à nouveau emprunter sur les marchés internationaux et a vu les taux d’intérêt monter au plafond et réduire à néant son « success story ». A une époque, le refus de la cravate était un symbole de désobéissance. Maintenant, elle est une lugubre attente de l’heure où elle sera portée en signe de réussite, heure qui est sans cesse remise à plus tard.

L’alternative de gauche de la rupture avec les mémorandums et leurs inspirateurs devient de plus en plus impérative et réaliste. Nous pouvons et devons amplifier la résistance ouvrière avec la certitude que le camp adverse se trouve dans une impasse.

Traduction Tania

Grèce plus de 1,2 millions de retraités avec moins de 500€ par mois

Le système de contrôle et de paiement des pensions «ILIOS » a publié les données qui présentent les baisses de revenus dramatiques pour les retraités grecs tant en matière de pension principale que de retraite complémentaire. 6% des faibles pensions principales sont consacrés aux soins de santé. Ces données prennent en compte les pensions complémentaires et principales mais aussi les pensions en raison de handicaps ainsi que celles pour les veuves.

La pension moyenne est à 722 euros par mois, se référant principalement aux retraités du secteur privé du pays. La moyenne de retraite complémentaire est à 170 euros.
Les données se rapportent à la période de Juillet 2015 à Décembre 2016. En Janvier 2017, les revenus des retraités ont diminué encore plus en raison des réductions dans l’allocation de la pauvreté pour les retraités.

Nombre total de pensionnés (pension principale): 2.631.052 (décembre 2016)
Dépenses mensuelles: € 2336678419
0,01 € – 500 € reçus par 649,586 personnes
500 € à 1000 € reçus par 962,466 personnes
(Cf Tableau ci dessous)

En dépit de l’augmentation générale de l’âge de la retraite, 700.000 retraités sont âgés entre 51 et 65 ans. On peut supposer que cela a à voir avec la retraite des membres des forces armées et d’autres groupes de personnel en uniforme qui prennent leur retraite après 25 ans de service. Une autre raison serait le nombre important de retraites anticipées des fonctionnaires après 2010, avec 25 ans de service.

24% des retraités sont âgés de plus de 81 ans
31% ont entre 71 et 80 ans
39% ont entre 51 et 70 ans
1% sont retraités de moins de 25 ans.
Les retraités âgés de 56 à 65 ans reçoivent les montants les plus élevés de retraite, de 1.000 à 1.137 euros.

Des exemples saisissants:
10 retraités reçoivent chacun quatre pensions, quatre retraites complémentaires et deux des dividendes (pour les fonctionnaires)
14 retraités reçoivent la pension complémentaire entre 1,500-2,00 euros et 2 plus de 2500 euros.
Il faut noter qu’en Décembre 2016, le plus grand nombre de nouvelles pensions principales se trouve dans le secteur privé, avec les fonds de sécurité sociale IKA. Le taux était de 41% et concerne les retraités âgés de 56-60 et 61-65 ans.

Avec le chômage qui croit de façon constante à plus de 23%, un chômeur de plus de 50 ans n’a absolument aucune chance d’obtenir un emploi dans le secteur privé. Beaucoup préfèrent partir à la retraite, même avec une faible pension pour échapper à la recherche d’un emploi désespéré. L’indemnité de chômage de 365 euros dure un an seulement. Après cette période, on ne touche plus d’indemnité et on n’a pas non plus la couverture des soins de santé.

Le problème avec les faibles pensions est l’absence de bien-être, alors que les prix à la consommation sont en augmentation permanente. Non seulement en raison de charges fiscales supplémentaires. Par exemple, dans les 2-3 dernières semaines, le prix d’un demi kilo de café filtre est passé de 5 à 8,40 € , alors que le prix d’un litre d’huile d’olive est passé de 4,90€ jusqu’à 7,10 €…

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Les Européens continuent de mettre la Grèce au supplice

Les Européens continuent de mettre la Grèce au supplice par Martine Orange de Médiapart

Une nouvelle fois, la Grèce repart les mains vides de Bruxelles. Les dirigeants européens ont décidé de jouer encore la montre dans l’espoir que l’Allemagne et le FMI trouvent un terrain d’entente sur la restructuration de la dette de la Grèce, alors que le pays continue de s’effondrer.

l’article complet Grèce au supplice

La jeunesse grecque acculée à l’émigration

par Fabien Perrier, Athènes

Une grève générale a paralysé la Grèce mercredi. Un signe de plus de l’inquiétude qui règne dans le pays alors que le parlement s’apprête à se prononcer sur un nouveau plan d’austérité. De plus en plus d’étudiants songent à s’en aller

Ce mercredi, la Grèce était plongée dans une grève générale de 24 heures et des dizaines de milliers de manifestants ont défilé dans les rues d’Athènes. Ils dénonçaient les nouvelles mesures d’austérité votées ce jeudi par la Vouli, le Parlement grec. Fait notable, dans un pays soumis à l’austérité depuis sept ans, les jeunes occupaient une place importante dans le cortège. Leurs slogans? «Non au dépeçage du pays», «Étudiants en colère»… Car les mesures inquiètent la jeunesse grecque, de plus en plus tentée par l’exil. Faute d’horizon professionnel.

Un État social en voie de disparition

Thanos Pagkoutsis 19 ans est de ces étudiants en colère. Sous les palmiers de l’Université Panteion, à Athènes, où il est étudiant, la Grèce a pourtant des allures de paradis. A quelques mètres, un bassin apporte une fraîcheur bienvenue à l’heure où la chaleur commence à envahir la Grèce. Le cadre est idyllique. Mais Thanos, comme ses amis, ne peut masquer son désespoir. «Je viens de Macédoine de l’Ouest. Cette région détient un record européen: le taux de chômage le plus élevé», ironise le jeune homme. Qui poursuit: «Maintenant, nous voyons tous les jours, en Grèce, des gens fouiller dans les poubelles pour manger.» Pour lui, rien ne va changer. «L’accord que le gouvernement a passé le 2 mai avec l’Union Européenne va encore saigner la Grèce», explique-t-il à propos de l’ensemble des mesures réclamées à Athènes par ses créanciers, et votées le 18 mai à la Vouli, le Parlement grec.

«L’énergie va être privatisée», remarque l’étudiant en questions régionales, européennes et internationales. Ce secteur, l’une des principales ressources industrielles hellènes, repose notamment sur l’exploitation du lignite dans le nord de la Grèce. «Si la compagnie est privatisée, les mines vont être fermées; ce sera des licenciements à tous les étages, assure Thanos; notre région est finie, et nos vies avec.» Son père mécanicien à la DEI (compagnie nationale d’électricité) et sa mère enseignante ont déjà vu leurs salaires chuter de plus de 30% depuis 2010. Nouvelles coupes dans les retraites, déjà amputées à 13 reprises depuis le début de la crise en 2010, et de nouvelles hausses d’impôts y compris pour les ménages à la limite du seuil de pauvreté, pour un montant de 4,5 milliards d’euros. L’Etat social est en train d’être détruit, assène Thanos, excédé. Lui voit son avenir hors de sa terre natale.

Plus de 280 000 Grecs ont quitté le pays entre 2010 et 2015, selon une étude menée pour la London School of Economics par Lois Labrianidis, professeur en géographie économique. Ils seraient 350 000 à être partis entre janvier 2008 et juin 2016, selon Endeavor, un réseau de jeunes entrepreneurs, et même 427 000 sur la même période selon la Banque de Grèce. Cet exode est une véritable hémorragie pour un pays d’à peine 11 millions d’habitants.

 

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