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Mémoires du large : la rubrique de Panagiotis Grigoriou

Panagiotis  Grigoriou est Ethnologue et historien, chroniqueur, analyste, initiateur d’un concept de tourisme alternatif  et solidaire en Grèce. Le regard de l’historien et de l’anthropologue sur l’actualité et le vécu de la crise grecque.

Mémoires du large


On se croit en été. Il faut déjà y croire et y faire croire. Pour une fois, c’est vrai quelque part. Nos touristes admirent Athènes, et la Place de la Constitution devant le “Parlement” se révèle un domaine de prédilection pour la réalité augmentée… déjà celle des “selfies”. Cependant, à l’intérieur du bâtiment, la Constitution n’est plus. Été, temps des baignades et des immersions !

Baignades au Pirée. Juin 2017

En ce vendredi 9 juin, la “majorité” Tsipras, a même introduit certains amendements et modifications grammaticales aux lois… adoptées pourtant il y a à peine dix jours. Modifications bien entendu qui ont été imposées par la Troïka élargie. Il faut surtout y faire croire.

À travers les ondes des radios on évoque donc avec amertume cette ultime (?) ridiculisation du régime parlementaire (90,1 FM zone matinale du 9 juin): “Lorsque la moindre virgule ou tournure de phrase doit désormais être directement dictée par les émissaires de la Troïka, le gouvernement grec atteint désormais les sommets de la bouffonnerie. Et cette ridiculisation, elle tient aussi au fait que les textes ainsi modifiés (autant dictés par la Troïka) avaient été votés seulement dix jours auparavant.”

Alexis Tsipras et les siens, (tout comme les Mitsotakis ou les funestes Pasokiens), incarnent alors jusqu’à la moelle ces petites élites locales fort conciliantes, fabriquées et/ou recrutées pour seconder à l’asservissement de “leur” pays, participant de leur manière à la dernière en date… technologie disciplinaire, imposée notamment par le financierisme globalisant.

Cependant, cette dimension… technocoloniale des réalités grecques (et ce n’est qu’un exemple), ne peut plus être dissimulée sous les verbiages à peine tenables des politiciens, et encore moins à travers leur outrance… autant preuve de leur grossièreté. “Nos” calculs en algorithmes… dépasseraient ainsi et de loin, ceux du vieux Diophante d’Alexandrie, à l’instar de son célèbre Épitaphe et à son énigme, sitôt solutionné .

Nos touristes admirent Athènes. Juin 2017
Vieille affiche… oubliée. Athènes, juin 2017
La réalité. “Quotidien des Rédacteurs”, 28 mai 2017
Diophante d’Alexandrie chez un bouquiniste. Athènes, juin 2017

J’avais d’ailleurs soutenu très tôt ici sur ce blog, et cela dès sa création en octobre 2011, que cette “crise grecque” n’est pas une crise, mais seulement et plus exactement, une (nouvelle) forme de guerre, entreprise contre la société grecque et contre le pays (sans parler de la suppression des droits sociaux et du régime de type parlementaire). Avec sept années d’amère expérience depuis… l’avènement troïkan, je dirais alors que l’espace postmoderne à travers ce type de guerre, il comporte décidément de bien nombreuses dimensions: économiques, symboliques, psychologiques, informationnelles (médiatiques), de même que son terrain strictement humain… de la société ciblée.

J’utilise certes également le terme de “crise grecque” car (signe des temps), le champ sémantique (à l’exacte symétrie de celui de la guerre) nous est pareillement suggéré, c’est-à-dire imposé. Les Grecs réalisent seulement à présent que “leur crise” est sans limite de temps (sauf réaction radicale de leur part), car l’objectif à satisfaire peut prendre des années ou des décennies. La “Treuhand” dans sa transposition grecque par exemple, elle contrôlera potentiellement les biens du pays pour une durée de 99 ans, et les mesures adoptées par les Tsiprosaures (ou par les Papandréou et Samaras), se… déclencheront et se suivront sur plusieurs décennies. Cela, très indépendamment des pseudo-scrutins électoraux.

Librairie Grigoríou (homonymie) fermeture définitive. Athènes, juin 2017
Café à Athènes. Juin 2017
Imprimerie. Athènes, juin 2017

La dite “crise” c’est un changement de régime alors durable. Pratiquement toutes les administrations de l’État grec sont tutélisées par les contrôleurs troïkans, et d’ailleurs, les contribuables grecs remplissent et déposent déjà très officiellement leurs déclarations de revenus auprès cette Autorité (dite) Indépendante des Recettes Publiques (conçue directement et contrôlée par la Troïka et par Bruxelles), et non pas, auprès de l’administration fiscale de leur pays dont le caractère régalien et (supposons démocratiquement contrôlée) vient d’être tout simplement supprimé (loi 4389 – 94/Α/27-5-2016 “gouvernement” SYRIZA).

D’après cette loi, (…) “est instituée l’Autorité Administrative Indépendante sans forme juridique sous le nom l’Autorité Administrative Indépendante (A.A.D.E.) dont la mission consiste à l’évaluation et à la perception des impôts, des douanes et autres organismes publics, des recettes relatives à la portée de ses prérogatives. L’Autorité jouit de son entière indépendance opérationnelle, de son autonomie administrative et financière et elle n’est pas soumise au contrôle, ni à la surveillance des organismes gouvernementaux, des agents ministériels ou d’autres autorités administratives.”

“L’Autorité est soumise à un contrôle parlementaire, tel que défini par les Règles de la Chambre et l’article 4 de la présente loi. (…) Par cette institution de l’Autorité, le Secrétariat Général du ministère des Finances (imposition des revenus, taxes est supprimé” (loi 4389 – 94/Α/27-5-2016) . Notons ici que le prétendu contrôle parlementaire de l’Autorité n’est que fumisterie. D’après l’article 4 de cette même loi, “les membres et le président de l’Autorité peuvent être amenés à s’exprimer devant l’Assemblée pour des éclaircissements, voire de collaborer le cas échéant”. Syntaxe suffisamment vague, tout simplement, pour (presque) dire que l’Autorité n’est pas soumise au contrôle du “Parlement”.

Le chat de l’imprimerie. Athènes, juin 2017
Retour à la mer. Marina de Kalamaki (Athènes Sud, mai 2017
La “Villégiature” de Carlo Goldoni. Spectacle à Athènes, mai 2017

Notons surtout, que… l’Autorité n’a pas de forme juridique, ce qui devraient inciter les contribuables de la colonie à ne plus verser un seul sou d’impôt à cette Autorité, et plutôt mettre en place un autre organisme où leurs impôts et autres taxes seraient ainsi versés, organisme citoyen et provisoire (le temps du rétablissement de l’État grec) ; l’idée a été publiquement suggérée, mais comment alors la réaliser concrètement ?

Sauf que dans leur présumée “vraie vie”, les Grecs n’ont plus tout le courage nécessaire pour ainsi suivre à la trace ces tératogenèses engendrées par “leur Parlement”. La vie est un combat (c’est le maître-mot), le pays, tout comme sa société sont suffisamment décousus, autant que leurs secteurs d’activité. La librairie… Grigoríou (homonymie !) au centre-ville d’Athènes a fait faillite, tandis que les professionnels de la croisière en voilier remettent leurs bateaux en mer… en espérant une bien meilleure saison qu’en 2016. C’est aussi le moment tant attendu des premières baignades au Pirée, à défaut d’autres possibilités, sauf que bien souvent le cœur n’y est pas.

Kóstas imprimeur, que je n’avais pas vu depuis près de trois ans et qui ne suit plus vraiment le fil de l’actualité des medias, est accablé par la situation et il n’ira pas se baigner avant longtemps comme il le dit lui-même. “Nous tournons encore, sauf que l’imposition et les cotisations ont considérablement augmenté. Mes salariés embauchés depuis trois ans ne gagnent guère plus que 600€ par mois, je ne peux pas faire mieux… et de leur côté, ils ne sont pas très motivés non plus”.

Les pâtes artisanales de Pavlos. Béotie, juin 2017
Chez Pavlos. Béotie, juin 2017
Le fameux Lion de Chéronée, juin 2017

“Les maisons d’édition produisent… et produisent tant de livres, je sais par contre qu’une bonne partie de cette production reste et restera invendue. En plus, et là c’est grave, ils ne nous payent pas toujours et comme on sait, les banquent ne nous prêtent plus du tout. Ensuite… il y a toujours et surtout en ce moment les circuits parallèles de l’argent que l’on pourrait emprunter mais à de taux alors usuriers. Nous sommes sortis de l’économie réelle dans un sens, rien ne sera plus comme avant, sauf sans doute pour le chat de notre imprimerie.”

Changement de décor, Pavlos, fabricant de pâtes sèches artisanales en Béotie depuis les années 1990 rencontré chez lui, se dit satisfait de la commercialisation de sa production. “Je vends partout aux alentours, toutes les superettes du coin ainsi que certaines autres en Grèce Centrale et à Athènes me connaissent. Je viens de lancer un nouveau produit plus haut de gamme que je commercialise à Mykonos via un traiteur. Oui, c’est par le luxe… lié au tourisme que je vais pouvoir m’en sortir, voire m’enrichir… l’imposition alourdie des entreprises ne me fait pas peur. Ici dans les campagnes, nous nous connaissons tous et nous nous débrouillons”.

Pavlos se montre optimiste, bien plus d’ailleurs que son épouse Rena, optimisme alors seulement de façade ? Il rêve… d’acquérir une Jaguar d’occasion… comme de l’immatriculer en Bulgarie via une société de leasing. En tout cas, rencontrer Pavlos et discuter avec lui, c’est un peu “voyager” dans la Grèce des années 1990-2010.

La demeure de Psipsinos. Athènes Nord, juin 2017
Psipsinos, Athènes Nord, juin 2017

Non loin de chez Pavlos, s’y trouve toujours le fameux Lion de Chéronée, monument thébain, en souvenir de la bataille de Chéronée, en 338 avant notre chronologie Philippe II de Macédoine y remporta la victoire sur la coalition des cités grecques du Sud, dont Athènes et Thèbes. Les… Jaguar mécaniques n’existaient pas encore, le leasing non plus.

On se croit donc en été en dépit des orages, ceux de la météo, comme ceux du… “Parlement”. Dans les quartiers aisés d’Athènes Nord, les amis des bêtes… ont-ils investi pour offrir une demeure à Psipsinos, l’animal adespote (sans maître) du coin, tandis que dans les quartiers des chantiers près du Pirée où certains ouvriers travaillent encore, on y vend ces autres maisons pour chiens au prix de 15€.

Les gros navires y naviguent évidemment, autant que les gros mensonges du “gouvernement grec” on dirait, car il faut ainsi y croire et y faire croire. Nos touristes admirent nos monuments, comme nous pouvons aussi admirer nos tortues de mer, il faut dire invisibles depuis l’Acropole.

Un travailleur. Port de Pérama, près du Pirée, juin 2017
Maisons pour chiens à partir de 15 €. Pérama, juin 2017
Tortue de mer. En Golfe Saronique, juin 2017

Et quant à Mimi, le chat de Greek Crisis, il se montre très attaché en ce moment… aux “Mémoires du large” d’Éric Tabarly . C’était aussi en juin (1998), que le grand navigateur disparaissait en mer d’Irlande, projeté paraît-il dans l’eau, par le pic de la voile aurique de son bateau.

Mimi et… les “Mémoires du large” d’Éric Tabarly. Athènes, juin 2017
* Photo de couverture: Navire quittant la zone industrielle près du Pirée. Juin 2017

mais aussi pour un voyage éthique “De l’image à l’imaginaire: La Grèce, au-delà… des idées reçues !” http://greece-terra-incognita.com/

Sur les réfugiés semaine 23

8/6/17 Un tiers seulement des jeunes réfugiés scolarisés en Grèce

En Grèce, l’année scolaire s’achève bientôt, et malgré les efforts du gouvernement, seul un tiers des enfants réfugiés sont scolarisés. Une lacune importante selon le Fond des Nations unies pour l’enfance : l’Unicef accompagne le gouvernement pour améliorer le système et appelle à renforcer l’intégration de ces enfants.

Avec notre correspondante à Athènes, Charlotte Stiévenard

Lors de sa visite à Athènes, Afshan Khan, la directrice régionale de l’Unicef a rappelé les chiffres. Seuls 3500 enfants réfugiés sont scolarisés en Grèce. Or ils sont 12 000 en âge de l’être. Si elle reconnaît que « ça a l’air de faire beaucoup ici, sachant que les services sociaux dans leur ensemble ont été mis sous pression à cause des mesures d’austérité », la responsable de l’organisation des Nations unies pour l’enfance rappelle l’ordre de grandeur : « 12 000 enfants cela représente beaucoup moins qu’un pour cent de l’ensemble des enfants » scolarisés dans le pays.

Pendant la visite, Afshan Khan a notamment rencontré le président Prokopis Pavlopoulos, mardi 6 juin 2017.

Des cours dans la langue maternelle des enfants ?

L’une des difficultés pour le gouvernement est de convaincre les parents encore dans des situations instables de scolariser leurs enfants. « Les parents qui pensaient que très rapidement ils allaient avoir la possibilité de partir en Allemagne ou en Suède, réalisent que ça ne se fait pas aussi vite », observe Eric Durpaire, le chef des opérations de terrain pour l’Unicef en Grèce.

Mais selon Eric Dupraire, cela devrait s’améliorer : « Les parents réalisent qu’ils sont partis pour rester quelque temps en Grèce, donc la barrière du court terme a été levée. Ensuite les mouvements vont beaucoup plus se limiter, les deux tiers des réfugiés et migrants vont être en appartement, il va y avoir une sorte de stabilité. »

Certains enfants sont aussi déscolarisés depuis plusieurs années. Selon l’Unicef, une des clefs pour les réhabituer à l’école, c’est de leur proposer des cours dans leur langue maternelle en parallèle. Pour ce faire, l’organisation internationale a notamment signé un partenariat avec la ville d’Athènes.

http://www.rfi.fr/europe/20170608-jeunes-refugies-peu-scolarises-grece-unicef

6/6/17 La République tchèque n’accueillera plus aucun réfugié d’Italie et de Grèce par Pierre Meignan

Le gouvernement tchèque a annoncé lundi que la Tchéquie n’accueillerait plus aucun demandeur d’asile dans le cadre du système de relocation par quotas des réfugiés arrivés en Grèce et en Italie. Cette réaction aux menaces de la Commission européenne à l’encontre des Etats récalcitrants à respecter ce programme d’ici son terme, en octobre, acte en fait une situation existante. La République tchèque n’a en effet plus accueilli le moindre réfugié depuis mai 2016.

 Voici quelques semaines, le commissaire européen aux Migrations et Affaires intérieures, Dimitris Avramopoulos, lançait un dernier avertissement depuis le Parlement européen : la Commission entamerait des procédures pour traîner devant la Cour de Justice de l’UE les pays rechignant à l’effort collectif d’accueil des réfugiés. La République tchèque faisait partie des Etats visés, et le gouvernement, plutôt que de modifier sa politique migratoire, a décidé ce lundi de la confirmer. C’est le ministre de l’Intérieur, le social-démocrate Milan Chovanec, artisan de cette politique, qui l’a annoncé :

« Je voudrais informer l’opinion publique sur le fait que le gouvernement, sur la base du matériel préparé par le ministère de l’Intérieur, a décidé de mettre fin à la participation de la République tchèque au système de relocalisation par quotas, au regard de l’aggravation de la situation sécuritaire et du caractère dysfonctionnel de ce système. Le gouvernement s’en remet au ministère de l’Intérieur pour cesser ses activités dans ce domaine. Cela signifie que la République tchèque ne fera plus en sorte de demander des migrants pour leur relocalisation depuis la Grèce et l’Italie. »

Cela ne changera pas grand-chose puisque, depuis l’adoption du mécanisme, en septembre 2015, la Tchéquie n’a été capable d’accueillir que douze réfugiés, lesquels provenaient de la Grèce, sur les 2 600 prévus d’après le plan de répartition. Depuis le printemps de l’année dernière, Prague a déjà cessé toute démarche dans le domaine. Aussi, si le système est dysfonctionnel, c’est peut-être également parce que des pays comme la République tchèque ne jouent pas le jeu. C’est ce que dénonce Magda Faltová, de l’Association pour l’intégration et la migration :

« Du point de vue des activités de l’Etat, qui consisteraient pour les fonctionnaires du ministère de l’Intérieur à choisir activement les personnes à accueillir et à s’arrêter suite à cette décision, cela n’a absolument aucun impact. Puisqu’ils ne font déjà rien du tout. Mais au moins le gouvernement le dit maintenant clairement. »

Pour Milan Chovanec, après les récents attentats au Royaume-Uni, et dans lesquels aucun réfugié ne semble pour l’heure impliqué, c’est aussi la situation sécuritaire en Europe qui motiverait le choix du gouvernement. Les djihadistes ont jusqu’alors pourtant relativement épargné la République tchèque, où les autorités indiquent régulièrement qu’il n’existe aucune menace concrète. L’eurodéputé Luděk Niedermayer, du parti conservateur TOP 09, regrette d’ailleurs que la Tchéquie ne soit pas capable de respecter ses engagements européens et balaie cet argument sécuritaire :

« C’est à la République tchèque de trouver de véritables demandeurs d’asile dont elle est sûr qu’ils ne présentent pas de danger. Ils sont des dizaines de milliers en Italie et en Grèce. Donc, personnellement, je ne crois pas que parmi tous ces demandeurs d’asile, il ne soit pas possible d’en trouver plusieurs dizaines que nous pourrions 

 Mais la position de M. Niedermayer est isolée au sein de son propre parti et plus généralement dans le spectre politique tchèque. Les politiciens de l’opposition comme de la majorité approuvent plutôt la décision du gouvernement, à quelques mois des législatives, dans un pays où l’opinion publique est largement hostile à l’accueil des réfugiés. Et Milan Chovanec se dit prêt au bras de fer avec la Commission européenne, dans le cas où elle mettrait à exécution sa menace de procédures contre les Etats récalcitrants :

« Le ministère de l’Intérieur a été désigné comme l’organe responsable de la communication sur ce sujet et il devra aussi préparer l’opposition éventuelle à la procédure d’infraction qu’on peut attendre de la part de la Commission européenne. »

A la décharge de la République tchèque, avec douze réfugiés accueillis, elle fait mieux que la Hongrie et la Pologne, qui n’en ont accueilli aucun. Parmi les pays du groupe de Visegrád, dont l’opposition aux quotas est connue, c’est toutefois la Slovaquie qui s’en tire le mieux. Bratislava a en effet poussé l’effort jusqu’à en accueillir seize.

http://www.radio.cz/fr/rubrique/faits/la-republique-tcheque-naccueillera-plus-aucun-refugie-ditalie-et-de-grece

 

Vivre avec 400€ par mois en Grèce : témoignage

GENERATION400″- De jeunes grecs qui vivent avec un salaire mensuel de 400 euros – Rencontre avec Christos Xagoraris

Christos Xagoraris est membre du collectif « Generation400 ». Âgé de 25 ans, ce diplômé en droit vit chez ses parents. Contraint et forcé par son salaire de 400 euros. Comme beaucoup de jeunes grecs. Depuis la crise économique : il lutte contre les mesures d’austérité.

Pourquoi avez-vous créé le groupe « Generation400 » ?

Depuis le début de la crise économique en Grèce, il y a eu une réduction significative des salaires et une forte hausse du chômage. Le premier signe de la force de cette crise intervient en 2008. De nombreuses discussions ont lieu autour de la génération qui aura un salaire de 700 euros par mois. Progressivement, après l’intervention de la Commission européenne et du Fond monétaire international sur la dette grecque, en 2010, et les mesures d’austérité, le revenu mensuel des jeunes travailleurs a atteint les 400 euros, une fois les taxes payées.

En conséquence, les conditions de travail et le niveau de vie des jeunes sont devenus des sujets brûlants. Tout le monde parle de cette fameuse génération 400 euros.

Nous avons débuté « Generation400 », sur internet et sur le terrain, à travers l’activisme et le tractage. Nous avons voulu mettre le sujet en avant, lui donner plus d’importance, Tout le monde peut comprendre que les mesures et la politique d’austérité en Grèce menacent les espoirs, les rêves, la motivation, la créativité. Le niveau de vie est très bas. Et ce, tout spécialement pour les jeunes grecs, pour cette fameuse génération qui vit avec seulement 400 euros par mois.

La situation en Grèce est donc très difficile pour la jeune génération. Qu’est-ce qui a vraiment changé depuis la crise économique ?

Comme expliqué avant, depuis la crise économique, les facteurs qui affectent les conditions de travail et le niveau de vie des jeunes, c’est la crise de l’emploi. Il y a 50% de chômage chez les jeunes à l’heure où nous parlons. La diminution du revenu mensuel, autour de 400 euros, à temps plein, et bien moins à temps partiel. Les emplois à temps partiels représentent 60% des emplois, alors qu’il est de 40% à temps plein. Ce sont les estimations depuis les recrutements de fin d’année 2016. Nous subissons aussi la déréglementation agressive du droit du travail. En particulier depuis l’accord signé en 2012. Le plus visible, c’est l’augmentation du taux de chômage chez les jeunes diplômés, les jeunes scientifiques. Ce facteur contribue à la « fuite des cerveaux« , c’est-à-dire à l’immigration massive de jeunes gens instruits dans d’autres pays du centre de l’Europe : Allemagne, France, Pays-Bas. On estime qu’environ 500 000 jeunes gens instruits, âgés de moins de 35 ans, ont migré vers d’autres pays, à la recherche d’emplois dans leur domaine d’études.

« Il y a 50% de chômage chez les jeunes à l’heure où nous parlons »

Sur la page facebook Generation400, vous critiquez le Premier ministre Alexis Tsipras. Pour vous, qui sont les vrais coupables de cette situation ?

Pour nous, il est clair que le cas grec est un « crime organisé« , avec de nombreux auteurs. Chaque gouvernement grec, qui a signé des mesures d’austérité et des accords depuis 2010, y compris le gouvernement Syriza et Alexis Tsipras, est responsable de la situation actuelle. Avec eux, l’Union européenne et le Fond monétaire international sont également coupables. Ils ont promu des politiques d’austérité, demandant le paiement intégral de cette dette nationale. Cherchant à satisfaire d’énormes bénéfices pour les marchés financiers. Il a été prouvé que les pratiques de l’Union européenne, soit les inspirations du Fond monétaire international, entraînent l’étouffement de l’économie nationale, de la productivité, de la motivation, et de la créativité de notre population. Leur expérience a échoué encore et encore, mais cela ne semble pas les inquiéter, tant que l’austérité en Grèce continue.

Comment peut-on s’en sortir avec 400 euros par mois en Grèce ?

Personne ne peut vivre avec un tel revenu. Vous pouvez survivre avec un niveau de vie de base, un confort de base, satisfaisant tout au plus vos besoins vitaux. En un mot, vous ne pouvez pas vivre avec dignité. Permettez-moi de vous donner un exemple. En supposant que vous avez un revenu mensuel de 400 euros, que vous quittez le foyer familial et devez payer un loyer. Un loyer ne coûte pas moins de 200 euros. Si vous partagez ce loyer avec une autre personne, dans un appartement plus grand, vous ne payez pas moins de 125 euros. Vous payez 50 euros vos factures d’électricité, 10 euros pour vos factures d’eau, minimum 20 euros pour votre téléphone portable, 30 euros pour une carte mensuelle de transports publics.

En fin de compte, il vous reste de 90 euros à 165 euros pour satisfaire d’autres besoins. Chaque jour, vous pouvez dépenser de 3 euros à 5,50 euros. Ce montant équivaut à une tasse de café et un sandwich ou à moins d’un repas complet. Vous pouvez acheter des produits de base dans un supermarché, pour 50 euros.

Après avoir calculé, il est clair qu’il n’y a aucun moyen de satisfaire vos envies, en tant que jeune personne. Simplement vos besoins vitaux. Vous ne pouvez pas vous permettre de boire un verre, de faire un voyage, d’acheter un cadeau à un ami, d’aller au cinéma, de bien manger. Sinon, vous aurez des ennuis financiers pendant un ou plusieurs jours.

En tant que jeune grec, parlez-nous de votre situation personnelle.

Pour le moment, je suis diplômé de la faculté de droit d’Athènes. Je suis avocat stagiaire, dans un bureau d’avocats. Je vis avec moins de 400 euros par mois. Heureusement, ou pas, je vis toujours avec mes parents, à Athènes. Je n’ai donc pas à payer de loyer ou d’autres biens de base, bien sûr. Je suis capable de faire face à mes dépenses chaque mois. Généralement, avec une petite aide financière de mes parents. Bien qu’il soit clair pour moi que, sans cette aide de mes parents, je n’aurais pas le moindre espoir de payer un loyer, la nourriture, les factures, et d’autres dépenses.

« Vous ne pouvez pas vivre avec dignité »

Face à la crise économique, les Grecs font preuve d’une grande solidarité, à l’image de « Generation400 ». Pensez-vous que cette solidarité vous aide à supporter la situation ?

La solidarité entre amis et l’aide familiale sont définitivement un facteur crucial. Je l’ai souligné en ce qui concerne ma propre situation. Donc, c’est une des raisons de la survie de nombreux jeunes, comme moi. Après avoir fait les calculs, il n’y a aucune chance de vivre en Grèce aujourd’hui, avec 400 euros ou moins, sans l’aide financière de sa famille ou de ses amis.

Cependant, même cette aide est de plus en plus courte. Les politiques d’austérité persistantes ont peu à peu raccourci les revenus de la majorité des familles grecques, y compris les salaires des parents et les pensions des grands-parents. Une chose est certaine : il existe une « bombe temporelle sociale« , dans ce modèle d’organisation des conditions de travail et des salaires en Grèce.

Gardez-vous espoir pour l’avenir de la Grèce ?

Comme je l’ai dit, la solidarité entre les gens est une arme contre la pauvreté, la solitude et la dépression massive. D’autant que nous avons besoin de plus que cela si nous voulons vivre des jours meilleurs dans notre pays. Il faut un mouvement massif, une action. Nous devons nous battre, aujourd’hui et maintenant, contre les politiques de notre gouvernement, contre les accords et les plans de l’Union européenne. Ainsi que contre le reste des technocrates qui cherchent à appauvrir la vie des gens. Personnellement, je n’ai pas perdu espoir. Je crois que les Grecs, et surtout les jeunes grecs, finiront par s’opposer à la situation actuelle.

Mais nous aurons besoin de beaucoup de force et de courage. Notre initiative, « Generation400 », essaie de jouer son rôle dans cette direction. Bien sûr, nous aurons besoin de soutien ! C’est là que la solidarité entre les personnes de différents pays peut jouer un rôle crucial. Il est très important pour les peuples d’Europe de connaître la situation réelle que nous vivons, ici en Grèce. Savoir que les gens, et surtout les jeunes, souffrent de ces politiques. Nous travaillons beaucoup. Tout ce que nous voulons, c’est vivre dans la solidarité, l’égalité et la justice sociale. Satisfaire les besoins de la grande majorité des travailleurs de ce pays. Non les désirs des banques et des gouvernements européens.

Plus d’infos sur Generation400 :  Sitehttp://g400.gr/ Facebook : https://www.facebook.com/400generation/

Twitterhttps://twitter.com/generation400

publié par http://www.lepetitjournal.com/athenes/accueil/actualite/282614-generation400-de-jeunes-grecs-qui-vivent-avec-un-salaire-mensuel-de-400-euros-rencontre-avec-christos-xagoraris

Grèce 4e mémorandum : 7 amères vérités

7 amères vérités au sujet du 4e mémorandum signé par le gouvernement Tsipras

Par Despina Charalambidou (1)

Les mesures prévues dans l’accord concernant la clôture de la deuxième évaluation, constituent de manière essentielle le corps principal du 4e mémorandum. Il s’agit d’un paquet de mesures insupportable, anti-populaire et antisocial, résultant d’une politique néolibérale.

Le démantèlement institutionnel du travail et des dispositions institutionnelles se poursuit, les charges continuent de peser avec une partialité de classe cohérente sur les épaules des travailleurs et des retraités, tandis que les fameuses « contre-mesures » doivent attendre la réalisation des super-excédents au-dessus de 3,7% du PIB pour voir le jour et fonctionnent fondamentalement comme mécanisme de redistribution de la pauvreté au sein de la classe ouvrière.

Les objectifs principaux de ces nouvelles attaques cruelles menées contre les franges populaires des travailleurs sont les suivants :

  1. Retraites

Les premières grandes victimes du 4e mémorandum s’élèvent à 1,1 million de retraités. Il a été établi que soient diminués, à compter du 01/01/2019 :

Α) La prestation familiale des retraités du Public ainsi que l’allocation du conjoint.

Β) La différence personnelle (2) qui avait été prévue pour les principales retraites versées, selon la loi 4387/2016.

C) Les différences personnelles pour tous ceux qui ont procédé à leur demande de pension depuis le 01/01/2016 et pour tous ceux qui la feront jusqu’au 31/12/2018, conformément à cette même loi (Katrougalos).

Selon les éléments de l’inspection générale des finances, les pertes cumulées pour les retraités depuis toutes ces interventions sont de 7,8 milliards d’euros et non de 1,8 milliard d’euros comme le soutient le gouvernement. Le gouvernement soutient de façon mensongère que cette baisse moyennement équilibrée ne sera que de 9%.

Mais la réalité est cruelle, car l’écrasante majorité des retraités va subir une perte de revenu pouvant équivaloir jusqu’à 2 pensions par an ! Il s’agit de la 23e mesure mémorandaire en 7 années de coupes budgétaires touchant les retraites. Au moment même où, en termes de politique un tant soit peu économique, ce sont précisément ces mesures de récession qui nuisent à la durabilité et à la mise en perspective du système de protection sociale, en liaison avec le chômage très élevé, la flexibilité, et le travail « au noir » comme alternative, qui tendent à devenir la règle.

  1. Allocations

Conformément à l’article 57 du projet de loi de la cohabitation Syriza-Anel, dans le cadre de la 2e évaluation, les allocations suivantes sont IMMÉDIATEMENT supprimées :

  1. a) l’aide financière pour les familles à bas revenus, qui ont des enfants en âge de scolarisation (loi 3016/2002, article 27, paragraphe 3).
  2. b) l’allocation des nouveaux arrivants sur le marché du travail, des jeunes de moins de 29 ans, en cas de licenciement (loi 1545/85, article 2).
  3. c) l’allocation de providence pour les enfants non protégés (loi 4051/1960, article 2, paragraphe 3).
  4. d) l’aide financière des personnes en situation d’extrême pauvreté (décret de loi 57/1973, article 1, paragraphe 1)

Les coupes budgétaires exposées ci-dessus permettraient, d’après l’inspection générale des finances, de réaliser des économies d’un montant de 8,8 millions d’euros cette année et de 11,8 millions d’euros pour 2018.

  1. Impôts

À compter du 01/01/2020 (ou 2019 si les objectifs ne sont pas atteints) la déduction fiscale devrait être abaissée de 1 900 euros, soit le niveau actuel, à 1 250 euros. Le seuil de non- imposition sera également abaissé, passant de 8 636 euros à 5 681 euros. Une charge fiscale lourde est directement prévue pour l’ensemble des travailleurs salariés, au point que le nouveau revenu non imposable concerne un salaire mensuel de 405 euros. Le prélèvement de l’impôt sur le salaire va augmenter d’environ 50 euros par mois, en tenant compte de l’abrogation de la déduction spécifique en place (1,5% actuellement).

Le gouvernement soutient de façon mensongère que cette charge fiscale va être amortie en baissant d’environ 2% le taux d’imposition (au moment même où on promeut pour les entreprises une baisse de 3%) et en supprimant le prélèvement de solidarité pour les revenus de moins de 30 000 euros. Toutefois, tout cela ne s’appliquera que si leur objectif concernant l’excédent est atteint. Tandis que l’ΕΝFΙΑ (Impôt foncier unique) restera fondamentalement inchangé pendant toute la durée du nouveau programme mémorandaire.

  1. Travail

La fameuse « bataille au sujet des accords par branches » a abouti à l’extension du cadre juridique existant, propice à la dissolution, tel qu’il a été défini par les premiers mémorandums. Sans compter la législation du cumul et de l’extensibilité qui renvoient régulièrement ces accords aux calendes grecques et, dans tous les cas, à l’achèvement du programme.

Par conséquent, les obstacles concernant les négociations collectives sont maintenus et amplifiés, dans la mesure où ils ont conduit à l’extinction des conventions collectives sectorielles, qui ne se comptent déjà plus que sur les doigts d’une main. La position de la SEV (Fédération hellénique des Entreprises et des Industries) est adoptée solennellement : la suprématie des accords d’entreprise sur les branches est soi-disant « dans l’intérêt de l’économie et du développement ».

Pour tout ce qui concerne les licenciements collectifs, il se pourrait que leur seuil mensuel (5%) ne soit pas relevé, la suppression de leur approbation obligatoire par le ministère compétent a cependant été décidée, et le contrôle de la procédure se voit quant à lui conféré au conseil supérieur du travail, un organisme à caractère non politique et non gouvernemental.

  1. Ouverture des établissements commerciaux le dimanche

L’ouverture des établissements commerciaux est étendue à 32 dimanche par an, par rapport aux 8 dimanches actuels. Cette mesure sera adoptée non par l’intermédiaire d’une nouvelle loi, mais par deux simples modifications de la loi existante. D’une part, l’ouverture des commerces 32 dimanches par an sera libéralisée dans les zones touristiques, d’autre part, Athènes, la zone côtière de l’Attique et de Thessalonique ainsi que d’autres endroits entreront dans ce découpage géographique. Grâce à cet expédient, la libéralisation concernera un nombre incalculable de commerces, un phénomène qui va très rapidement gagner les entreprises qui s’établissent dans les communes non qualifiées. La voie vers l’abolition universelle de la pause dominicale est désormais ouverte.

  1. Privatisations

Lors de sa première déclaration après l’accord conclu au Hilton, Tsakalotos a qualifié de « positif » le fait qu’« un certain nombre d’entreprises venant du  HRADF (Fonds de développement des actifs de la République hellénique) entrent à l’ΕDIS (Superfund de dénationalisation), où règne une tout autre logique, comme ce fut le cas pour les aéroports ». En l’espèce, le processus de privatisation violente de tout ce qui reste s’accélère. Avec pour modèle « d’accélération » le cas des aéroports pour lequel l’intervention du Parlement européen s’est même avérée nécessaire.

La première entreprise dans le viseur est la DEI (Entreprise publique d’électricité), qui doit vendre 40% de ses unités au lignite et 17% de son capital social. Ce qui fait encore davantage pencher la balance en faveur de la concurrence montante sur le « marché » des biens publics qu’est l’énergie, engendrant des conséquences incalculables pour les ménages populaires qui font déjà face à des difficultés pour payer leurs factures d’énergie en hausse constante.

  1. Mesures institutionnelles et budgétaires

Un « plafond » est nécessaire concernant le nombre d’agents contractuels du Public, chose que le gouvernement n’a de cesse de dépasser en réajustant les promesses de recrutement à 1 nouvel employé pour chaque départ de 3 personnes, au lieu de 4 tel que c’est le cas actuellement. L’avenir de ceux qui « sont en trop » reste incertain, quel que soit le calcul effectué.

Le fameux scalpel financier reste manifestement en vigueur, jusqu’à « garantir » les excédents approuvés. Au-delà, des mesures financières d’un montant de 447 millions d’euros sont prévues pour 2018, tandis que le récit du gouvernement préconisait l’absence de nouvelles mesures. La manière dont elles seront précisées n’est pas encore accessible.

La pleine application du compromis extrajudiciaire, avec la mise en place d’enchères électroniques, devrait faciliter et accélérer les procédures de subtilisation des garanties de logement pour les ménages populaires.

Traduction:Vanessa de Pizzol

 (1) Despina Charalambidou est ancienne députée et vice-présidente du Parlement, membre de l’Unité Populaire.

(2) « La différence personnelle est le terme qu’a « inventé » le ministère du Travail pour désigner le montant-« différence » qui ressort du nouveau calcul des anciennes retraites sur la base des nouveaux taux de remplacement permettant d’atteindre le niveau des nouvelles retraites ».

https://unitepopulaire-fr.org/2017/06/08/7-ameres-verites-au-sujet-du-4e-memorandum-signe-par-le-gouvernement-tsipras/#_edn1

Allemagne et pauvreté

Selon le FMI, le « risque de pauvreté » augmente en Allemagne ( site Rupture presse)

Le risque de pauvreté augmente en Allemagne

La publication toute récente des chiffres du chômage outre-Rhin a été saluée par des cris d’admiration des médias français. A y regarder de plus près, la situation est pourtant moins reluisante.

La publication des chiffres officiels du chômage en Allemagne a donné lieu à un nouveau concert de louanges : décidément, nos voisins d’outre-Rhin, après la « purge » des années 2000 administrée par le chancelier social-démocrate Gerhard Schröder, volent de performances économiques en prouesses sociales.

La réalité est pour le moins plus nuancée. Certes, le taux officiel des privés d’emploi vient de s’établir à 5,6% de la population active. Il atteint même 3% en Bavière, alors que les Länder de l’Est restent nettement plus touchés, avec des taux avoisinant les 9%.

Le nombre de chômeurs – qu’on dirait en France de « catégorie A » – s’établit à 2,5 millions. A comparer, nous précise-t-on, aux 5,3 millions dénombrés il y a douze ans.

7,3 millions de travailleurs exercent un « mini-job », non soumis à cotisations sociales patronales, et dont la rémunération est au mieux de… 450 euros par mois

Cependant, l’institut public Destatis signale qu’un million de personnes se trouvent en situation de sous-emploi. Ne sont pas non plus comptabilisés dans les chiffres du chômage « dur » les personnes en activité réduite, de même que ceux qui doivent se contenter d’un « mini-job », non soumis à cotisations sociales patronales, et dont la rémunération est au mieux de… 450 euros par mois.

7,3 millions de travailleurs « bénéficient » (!) d’un tel statut, dont 4,7 millions pour qui c’est la seule activité rémunérée. Et la tendance est à la hausse depuis dix ans.

Rapport du FMI

On imagine sans difficulté ce que peut être la vie dans de telles conditions. Dès lors, ces chiffres sont à rapprocher d’un rapport rendu public le 15 mai… par le Fonds monétaire international (FMI). Ce dernier, pourtant peu connu pour son empathie excessive vis-à-vis des damnés de la terre, pointe cependant la « hausse lente mais générale du risque de pauvreté » en Allemagne.

Pour les experts du Fonds, ce risque de pauvreté est avéré dès lors qu’un au moins des trois critères est rempli : un revenu en-dessous du seuil de pauvreté (60% du revenu médian) ; une privation matérielle récurrente ; ou un très faible taux d’activité des personnes composant le foyer.

En 2015, le risque de pauvreté concernait 20,1% de la population de la République fédérale, soit 16,1 millions de personnes

Sur ce plan, les plus récents chiffres de Destatis portent sur l’année 2015. Le risque de pauvreté concernait alors 20,1% de la population de la République fédérale, soit 16,1 millions de personnes. Les inégalités tendent en outre à augmenter sur longue période. Selon l’institut DIW, entre 1991 et 2014, les 10% des revenus les plus élevés ont cru de 27%, tandis que les 10% des revenus les plus bas perdaient encore du pouvoir d’achat.

Le FMI – dont les experts mesurent aujourd’hui avec inquiétude les dégâts sur la croissance de l’ultra-austérité à laquelle ils ont pourtant longtemps poussé, un peu partout – conseillent donc au gouvernement allemand – qui, rappellent-ils à juste titre, dispose de larges « marges de manœuvre financières » – d’agir notamment dans le sens d’une augmentation des salaires, d’une imposition plus forte des hauts revenus, et d’investissements publics importants.

Si le FMI prodigue de tels conseils, c’est que les perspectives, à moyen terme, ne doivent pas être si rassurantes que cela.

Grèce : la violence imbécile des créanciers

2 juin 2017 par Michel Husson pour Alencontre

Euclide Tsakalotos et Mario Draghi

Le 18 mai 2017, le Parlement grec a voté à une courte majorité (les députés de Syriza et ANEL : soit 153 députés sur 300) un nouveau train de mesures d’austérité qui couvre la période 2018-2021. En réalité, il s’agit de la transposition d’un volumineux document de 941 pages préparé par les créanciers et de la mise en musique de « l’accord » conclu avec la Commission européenne le 2 mai. Le document préparatoire, le Draft Preliminary Agreement |1| (que le site Keep Talking Greece a fait fuiter) donne un aperçu de l’étendue des champs couverts. La Grèce n’est plus une démocratie : ce sont les créanciers qui rédigent les lois.

L’acharnement

Cela n’a pourtant pas suffi. La réunion du 22 mai de l’Eurogroupe (la réunion des ministres des finances) devait acter la bonne mise en œuvre des réformes en cours. Cela aurait permis de débloquer une nouvelle tranche de prêt de 7,5 milliards d’euros permettant de faire face à une échéance de 7 milliards en juillet et de rendre les titres de la dette grecque éligibles à la BCE (Banque centrale européenne). Mais les ministres européens ont refusé de donner quitus à leur collègue grec, certaines des réformes, notamment des retraites, n’étant pas assez avancées à leurs yeux.

La position des Européens était dictée par Wolfgang Schäuble et le président de l’Eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem. Elle consiste à maintenir une pression constante sur les Grecs et à repousser autant que possible toute discussion sur un nouvel allègement de la dette grecque que demande le FMI. Les motivations sont évidemment d’ordre politique (les prochaines élections en Allemagne), doctrinal (le respect des règles) et punitif (tuer toute velléité de politiques alternatives).

Il existe par ailleurs une divergence de vues entre les institutions européennes et le FMI. Ce dernier souffle le chaud et le froid : il déclare que la dette grecque est insoutenable, mais préconise en même temps des mesures supplémentaires encore plus dures que celles des Européens. Cette position difficile à interpréter renvoie à la volonté de ne plus reproduire l’erreur commise en 2010, qui avait consisté à violer ses statuts qui lui interdisent de prêter à un pays dont la dette est insoutenable |2|. A l’appui de cette interprétation, on peut remarquer que le FMI débat actuellement des State-contingent Debt Instruments for Sovereigns. Il s’agit de titres de la dette publique dont les intérêts et le principal sont indexés sur le PIB (GDP-linked bonds) ou à maturité variable (sovereign ‘cocos’ contingent convertibles). Mais les directeurs exécutifs sont partagés comme le montre le compte-rendu de la discussion sur le rapport du staff du FMI |3|, publié par coïncidence le même jour que la réunion de l’Eurogroupe. Le FMI est donc divisé, en butte aux obstructions des représentants européens en son sein.

La feuille de route de Bruno Le Maire

Yanis Varoufakis rappelait récemment |4| les promesses de soutien en faveur d’une « solution durable » que lui avait faites Emmanuel Macron, alors qu’ils étaient tous deux ministres. Mais Hollande et Sapin avaient mis leur veto. Aujourd’hui, rien n’empêche plus Macron de tenir ses promesses. Selon Mediapart |5| son projet est toujours de « trouver un accord prochainement pour alléger dans la durée le poids de la dette grecque. » Telle était donc « la feuille de route » du nouveau ministre de l’économie, Bruno Le Maire. Grâce au site grec Euro2Day qui a fait fuiter les minutes |6| de la réunion de l’Eurogroupe, on peut constater que le nouveau ministre (Lemaire dans le compte-rendu) n’a pas réussi à se faire un nom et que sa prestation a été aussi lamentable que celles de son prédécesseur. Comme Michel Sapin il a, pour reprendre une formule de Varoufakis, émis « quelques bruits discordants mais très subtils (…) pour finalement se plier à la ligne de Doc Schäuble. » |7|

Dans sa première intervention, Le Maire félicite la Grèce pour les mesures adoptées et se plaint du « manque de clarté » qui fait obstacle à un compromis que la France est prête à soutenir. Il a des difficultés avec les hypothèses de croissance du FMI (mais pas avec celles de la Commission européenne), bref c’est le FMI qui bloque.

Vers la fin de la réunion, Le Maire précise qu’il est d’accord (« en même temps ? ») avec ses deux nouveaux copains, Euclide (Tsakalotos) et Wolfgang (Schäuble) et que, décidément, le FMI doit faire un geste. Mais sa vraie préoccupation est ailleurs : il espère que « nous serons capables de communiquer positivement à la réunion de ce soir [la conférence de presse], c’est important pour les marchés. » C’est après tout ce qui compte vraiment, et de manière très cohérente, Le Maire s’est empressé, dès la sortie de la réunion, d’annoncer qu’il fallait reporter toute décision concernant le projet de taxe sur les transactions financières et « attendre de mesurer toutes les conséquences du Brexit. » |8|

Des prévisions de croissance « fake »

Dans ses prévisions de février dernier |9| la Commission européenne faisait preuve d’un optimisme débordant. Elle discernait « des signes de reprise en lien avec la mise en œuvre du programme ». Selon elle, les perspectives s’amélioraient sur tous les fronts : demande intérieure, le marché du travail, finances publiques. Bref, la Commission n’hésitait pas à prévoir une croissance de 2,7 % en 2017, puis de 3,1 % pour 2018.

Patatras, les chiffres de la croissance tombent : le PIB a reculé de 1,2 % au dernier trimestre de 2016, et de 0,1 % au premier trimestre de 2017. La Commission européenne remet alors l’ouvrage sur le métier et, en mai dernier, révise ses prévisions à la baisse : ce sera dorénavant 2,1% en 2017 et 2,5 % en 2018 |10|. Elle est même un peu en dessous des prévisions du FMI d’avril (respectivement 2,2 % et 2,7 %) |11|. Mais elle ne renonce pas à son bel optimisme : « Après un recul au quatrième trimestre de 2016, la reprise devrait redémarrer cette année. » Ce n’était donc qu’un incident de parcours.

Tout cela est affligeant. La réalité est qu’après avoir baissé d’un quart, le PIB de la Grèce est plat depuis le début de 2013, soit quatre années pleines. Comment dans ces conditions oser parler d’amélioration, sans prendre en compte l’émigration, les retraités, la précarisation, la grande braderie des privatisations, la charge des réfugiés ? Comment ignorer les réactions du peuple grec à ce qui n’est rien d’autre qu’un nouveau mémorandum ? |12|.

Même en restant dans le domaine de l’économie « pure », comment postuler que, par miracle, la croissance va faire un bond en avant dans les années à venir ? Le graphique ci-dessous permet de vérifier que le volume trimestriel du PIB oscille autour de 46 milliards d’euros de 2010 depuis 2013. Selon les prévisions de la Commission, il devrait franchir une marche d’escalier dès cette année, suivie d’une autre en 2018. Mais il n’y a aucune raison de penser que l’application d’un programme d’austérité forcené pourrait produire un tel résultat. Il y a au contraire toutes les raisons de penser que ces prévisions sont faites au doigt mouillé par des tricheurs qui n’ont rien à voir, de près ou de loin, avec l’économie.

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Source : Elstat |13|, Commission européenne[9] [10]

Est-ce d’ailleurs une coïncidence si l’OCDE, moins impliquée dans les « négociations » avec la Grèce, est beaucoup plus prudente ? Dans ses dernières Perspectives économiques parues en décembre 2016 |14|, elle table sur une croissance de 1,3 % pour 2017, puis de 1,9 % en 2018. Quant au Parliamentary Budget Office du Parlement grec, son dernier rapport publié en mars 2017 |15| évoquait avec raison la menace de « nouveaux cercles vicieux et de stagnation durable », si les hypothèses de croissance n’étaient pas vérifiées. On ne saurait mieux dire.

En réalité, le programme ne fonctionnera pas si tant est qu’il s’agisse de relancer l’activité économique en Grèce. Il n’est pas conçu pour cela, et c’était déjà le pronostic de la Commission pour la vérité sur la dette grecque dès septembre 2015 : le troisième mémorandum est aussi insoutenable que les deux précédents |16|.

En plus, « ils » le savent depuis le début. On ne peut résister à la tentation de rapporter ici la confidence de Christine Lagarde à Yannis Varoufakis lors de leur première rencontre le 11 février 2015 (un mois après la nomination de ce dernier comme ministre des finances). Dans le passionnant récit qu’il vient de publier |17|, Varoufakis rapporte leurs échanges – privés – après l’entrevue officielle : « Christine a approuvé mon plaidoyer en faveur d’un allègement de la dette comme condition préalable à une reprise de l’économie grecque. Puis elle s’adressa à moi avec calme et franchise : “vous avez bien sûr raison, Yanis. Ces objectifs sur lesquels ils insistent ne peuvent pas fonctionner. Mais vous devez comprendre que nous avons trop investi dans ce programme pour pouvoir faire marche arrière. Pour être crédible, il vous faut accepter de travailler dans le cadre de ce programme”. »

L’acharnement incohérent des créanciers

L’enjeu réel du « programme », c’est la mise en place d’un gigantesque roll over de la dette grecque : tout l’argent qui est prêté à la Grèce est immédiatement affecté aux remboursements. La fonction des « réformes » et de l’austérité est de garantir la capacité de la Grèce à faire face aux échéances à venir. Cela passe par l’obtention d’excédents primaires démentiels : Jeroen Dijsselbloem, le président de l’Eurogroupe n’hésite pas à exiger un excédent primaire d’au moins 3,5 % du PIB pendant cinq ans à partir de 2018. Même un économiste de banque (en l’occurrence Ilias Lekkos, de la Piraeus Bank |18|) peut comprendre cette vérité élémentaire qu’il faut sans cesse rappeler : « On n’a jamais vu un pays non-exportateur de pétrole qui puisse maintenir un excédent primaire de 3,5 % systématiquement pendant plusieurs années (…) Cet objectif ne pourrait être atteint qu’au prix d’une énorme récession. »

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Grève et manifestation, le 25 mai 2017, des motocyclistes livrant de la nourriture

Il faut donc cesser de parler de « négociations » avec la Grèce. Le ministre grec pourrait aussi bien être absent des débats qui opposent deux positions doctrinales : celle du FMI et celle de la Commission européenne. Les voies d’un compromis ne sont pas discutées, alors même que le FMI lui-même les explorait en détail dans son examen de l’économie grecque de février 2017 |19|. Pour rétablir la soutenabilité de la dette grecque, le FMI proposait les mesures suivantes : allongements de maturité allant de 10 à 30 ans ; report des paiements d’intérêt jusqu’en 2040 ; plafonnement des taux d’intérêt à 1,5% pendant 30 ans ; restitution automatique à la Grèce des profits tirés de la détention de titres de la dette grecque par la BCE (programme SMP, Securities Markets Programme ) et par les banques centrales programme ANFA, Agreement on Net Financial Assets).

Ces pistes, et d’autres en discussion aujourd’hui au FMI, rappellent irrésistiblement la logique du plan présenté par Yanis Varoufakis |20| lors de ses premières réunions avec la troïka au printemps 2015. Ce plan était fondé sur l’échange des titres de la dette grecque contre des obligations perpétuelles ou indexées sur la croissance, et il aurait sans doute permis (dans l’abstrait) de trouver un accord raisonnable sans qu’aucune des parties ne perde la face. La distance entre ce possible compromis et l’acharnement désordonné des créanciers permet de mesurer la violence faite au peuple grec.

Source : A l’encontre

Notes

|1| European Commission ; Supplemental Memorandum of Understanding, Draft Preliminary Agreement, 2 mai 2017. Source : « Keep Talking Greece », 9 mai 2017.

|2| Michel Husson, « Grèce : les mea culpa du FMI », A l’encontre, 22 août 2016.

|3| « State-Contingent Debt Instruments for Sovereigns », IMF, mai 2017.

|4| Yanis Varoufakis, « Emmanuel Macron a voulu sauver la Grèce, votez pour lui ! », Le Monde, 2 mai 2017.

|5| Martine Orange, « Les Européens continuent de mettre la Grèce au supplice », Mediapart, 23 mai 2017.

|6| Eurogroup Flash Report, 22 May 2017. Source : « Euro2Day », 25 mai 2017.

|7| Yanis Varoufakis, « Our battle to save Greece », New Statesman, 13 juillet 2015.

|8| Anne-Sophie Jacques, « Taxe sur les transactions financières : la France demande un report. Le Brexit, nouveau prétexte », Arrêt sur images, 26 mai 2017.

|9| European Commission, European Economic Forecast, février 2017.

|10| European Commission, European Economic Forecast, mai 2017.

|11| IMF, World Economic Outlook, avril 2017.

|12| Charles-André Udry, « Grèce. Trois journées de mobilisation face au coup de massue du 4e mémorandum », A l’encontre, 17 mai 2017.

|13| ELSTAT, Hellenic Statistical Authority, Quarterly National Accounts, 15 mai 2017.

|14| OCDE, Perspectives économiques, décembre 2016.

|15| Parliamentary Budget Office, « Quarterly Report October-December 2016 », Parliamentary Budget Office, Hellenic Parliament, mars 2017.

|16| Commission pour la vérité sur la dette grecque, « Le troisième mémorandum est aussi insoutenable que les deux précédents », 1er octobre 2015.

|17| Yanis Varoufakis, Adults in the Room : My Battle With Europe’s Deep Establishment, 2017.

|18| Cité dans Marcus Bensasson et Sotiris Nikas, « Greek Economy Limps Onto Launchpad After Late-Night Vote », Bloomberg, 19 mai 2017.

|19| IMF, Greece : 2017 Article IV Consultation, février 2017.

|20| Tony Barber, « Greece finance minister reveals plan to end debt stand-off », Financial Times, February 2, 2015 ; Thibaut Le Gal, « Grèce : Tout comprendre au plan du gouvernement pour résorber la dette », 20minutes.fr, 4 février 2015.

Grèce. La trajectoire du PIB grec et celle du QI des journalistes économiques

par Romaric Godin Publié par Alencontre le 3 – juin – 2017

Alors que l’économie hellénique continue à s’enfoncer sous le poids des réformes et de l’austérité, les médias français dominants feignent l’incompréhension et les éditorialistes regardent ailleurs. Il est vrai que la Grèce est une épine dans le pied de leurs certitudes…

Il est des silences très parlants. Ainsi celui des éditorialistes et chroniqueurs économiques français sur la situation grecque depuis quelques mois. Regardons le sommaire de la semaine passée: on n’y trouvera que des réflexions assez semblables sur la façon dont Emmanuel Macron a ensorcelé Angela Merkel ou sur les défis des deux nouveaux locataires de Bercy. De Grèce, point. Et, à vrai dire, l’Olympe du journalisme économique ne s’est plus guère penchée sur le sort de ce pays depuis ce 13 juillet 2015 où le Premier ministre grec, a «dû accepter» un troisième programme.

Pourtant, la semaine dernière, l’occasion était bonne d’aider nos concitoyens à «décrypter» cette tragédie économique et sociale en plein cœur d’une zone euro que l’on nous dit en pleine refondation.

Le 17 mai 2017, en effet, le parlement grec a approuvé, sous la pression des créanciers, une nouvelle série de mesures d’austérité, touchant notamment les retraites (pour la treizième fois !) et prévoyant un tour de vis budgétaire jusqu’en 2021. [Voir à ce propos sur notre site l’article de Michel Husson publié en date du 1er juin 2017 : «La violence imbécile des créanciers».]

Cette nouvelle purge est la quatrième pour le seul troisième protocole d’accord signé en août 2015 avec les détenteurs européens de la dette publique européenne. Le vote a donné lieu à des manifestations importantes devant le parlement athénien. Deux jours plus tôt, on avait pris connaissance de la première estimation de la croissance grecque du premier trimestre. Un recul de 0,1 %, le second de suite, ce qui signifie que la Grèce est à nouveau «techniquement» en récession alors même que la croissance du reste de la zone euro s’accélère. Dans la foulée, le 16 mai, la Commission européenne a revu sa prévision de croissance 2017 de 2,7 % à 1,8 %. [Après avoir révisé la croissance à -1,1% au quatrième trimestre 2016, le résultat du premier trimestre 2017 – après ajustement saisonnier – est qualifié, triomphalement, d’une croissance de 0,4% selon Macropolis, 2 juin 2017. Réd. A l’Encontre]

La reprise AFP, cette forme moderne d’indifférence

Or, ce qui est frappant dans le traitement médiatique de ces quelques faits, c’est l’incapacité à les lier entre eux ou l’insistance à les séparer. La croissance ne reprend pas, l’austérité continue. Mais rien ne semble lier les deux. Chaque acte de la crise grecque est traité séparément, avec l’aide de cette forme moderne d’indifférence qu’est la reprise de la dépêche AFP ou Reuters.

Aussi chercherait-on en vain dans ce traitement de l’actualité grecque un lien de cause à effet entre ce chiffre de la croissance et les mesures d’austérité votées sans cesse depuis des mois. Par exemple, Le Figaro publie le 16 mai un papier plus fouillé que ceux des autres médias français, quoiqu’assez court et descriptif. Mais il se contente cependant d’un constat en forme de mystère : «Après sept années de crise, autant de récessions et de multiples cures de rigueur, la Grèce n’arrive toujours pas à sortir du tunnel. Le chômage plafonne à 23%, rares sont les entreprises qui rémunèrent leurs employés dans les temps. Et l’économie tourne au ralenti alors que les réformes structurelles peinent à voir le jour.»

Et il y a là en effet un vrai mystère auprès duquel la trinité est une partie de Cluedo [Il s’agit célèbre un jeu de société dans lequel les joueurs doivent découvrir parmi eux qui est le meurtrier d’un crime commis dans un manoir anglais]. Car les «cures d’austérité» ont bien vocation à «réformer» et chaque loi votée par le parlement grec sous la pression des créanciers comporte des «réformes». Depuis 2014, l’OCDE reconnaît que la Grèce est un des pays à avoir le plus «réformé». Dès lors, comment les «réformes structurelles» peineraient-elles à voir le jour? C’est qu’elles n’ont pas peiné: elles ont été mises en place et elles ont causé la situation actuelle du pays. C’est peut-être que l’on a alors découvert ce fait inouï: les «réformes» pourraient ne pas être bonnes pour la croissance? Le fait étant évidemment inacceptable, il ne sera pas énoncé.

Le cancre grec, encore et toujours

Mieux encore : le même Figaro économie publie le 21 mai sur son site un nouvel article assez long et brillamment infographié pour expliquer que les créanciers européens s’attaquent enfin au problème de la dette dans l’Eurogroupe de ce lundi 22 mai. Et l’article de préciser que «le niveau d’allégement de la dette dépendra des prévisions de croissance de la Grèce et des excédents budgétaires qu’Athènes pourra dégager sur plusieurs années sans pour autant étrangler son économie». Nouveau mystère à vrai dire puisque, précisément, l’économie grecque est étranglée depuis sept ans par les excédents budgétaires (plus précisément, les excédents primaires, qui excluent le service de la dette).

Or, les nouvelles mesures votées le 17 mai ont imposé les mêmes objectifs pour trois ans de plus, justement pour rendre, croit-on, la dette «soutenable». Quel que soit le niveau d’allègement de la dette (qui ne sera en fait qu’une protection contre une future hausse des taux), les créanciers ont déjà décidé d’étrangler l’économie hellénique. Mais il est vrai que la clé de ce mystère repose dans le titre de l’infographie qui résume les niveaux de dette européenne et est titré : «la Grèce, cancre de l’Union européenne». Dès lors, tout devient simple: la Grèce est un pays cancre qui ne sait pas comment faire baisser sa dette et il faut donc encore lui «venir en aide». Une fois de plus, le lien entre la croissance et l’austérité est totalement nié.

Du reste, la très mauvaise croissance grecque du premier trimestre ne sera traitée par les médias français que sous la forme d’une reprise de dépêches. Dans l’ensemble de ces traitements, la raison de cette récession est simple, c’est celle énoncée par la Commission à Bruxelles: le retard dans les discussions entre le gouvernement et les créanciers qui ont «causé de l’incertitude», comme le souligne, par exemple, le site de L’Express qui reprend la dépêche AFP. L’article du Monde, réalisé avec l’AFP et Reuters, se contente de constater que «les trois plans d’aide consécutifs accordés à la Grèce depuis 2010 par l’Union européenne et le Fonds monétaire international, en échange de réformes, n’ont toujours pas remis le pays sur les rails de la croissance.» Mais pourquoi diable? Ces trois plans, ces réformes auraient-elles une part de responsabilité dans cette affaire ? On n’en saura pas davantage.

La Grèce, mauvaise conscience de la magie des réformes

Dans le monde des médias français, la croissance grecque semble vivre dans un monde séparé des plans d’austérité et des excédents budgétaires. C’est d’ailleurs bien ce que sous-entendait cet extraordinaire éditorial du Monde du 22 avril dernier titré majestueusement «la bonne surprise grecque» qui se réjouissait avec emphase de l’excédent budgétaire primaire grec, largement supérieur aux attentes, et y voyait la certitude pour la Grèce d’une restructuration de la dette. La nouvelle récession du pays est pourtant bien le fruit de cet excédent qui n’est rien d’autre qu’une ponction de la richesse nationale pour le seul bénéfice de ses créanciers, alors même que l’outil productif du pays est inexistant. Ce sont les hausses d’impôts, les baisses de retraites, les coupes budgétaires diverses qui ont causé cet excédent dont Le Monde se réjouissait tant et qui, partant, ont détruit l’économie grecque. Mais qu’importe, dans le monde des médias français, l’excédent budgétaire n’a que des vertus.

Ce refus entêté de faire le lien entre réforme, austérité et récession est évidemment symptomatique du biais idéologique du traitement de l’actualité économique. Et, dès lors, le silence de nos chroniqueurs et éditorialistes de tous poils, toujours prompts à nous vendre la lessive austéritaire si bonne pour nous, se comprend. Certes, l’intérêt de la chronique économique devrait être de faire le lien entre des faits liés que l’on voudrait voir séparés. Mais, plus que jamais, la Grèce est la mauvaise conscience de la «magie des réformes», alors même que les ondes et les pages françaises débordent de louanges pour ces mêmes réformes qui régleront tout. Il est donc plus simple d’éviter de parler de cas gênant. Et si l’on y revient dans les jours qui viennent, gageons que ce sera pour insister sur la magnanimité des créanciers qui acceptent de renoncer à des intérêts futurs qu’ils sont certains de ne pas toucher, compte tenu de la politique qu’ils imposent à la Grèce, et non pour dénoncer et démonter cette politique.

Surtout, tous ont défendu avec acharnement la dureté des Européens en 2015 face au «premier» Alexis Tsipras, celui de janvier 2015, qui ne disait pourtant que ce qui est évident désormais: la priorité au remboursement des créanciers, première justification de l’austérité, tue l’économie grecque et donc la capacité de remboursement des Grecs. L’échec du troisième programme, largement prévisible, est aussi l’échec des chroniqueurs économiques et de leurs croyances [1]. La leçon est sans doute encore trop amère pour qu’elle soit acceptée. Les Français attendront donc encore pour comprendre ce qui se passe en Grèce. (Article pour Arrêts sur Images du 22 mai 2017; titre de la rédaction A l’Encontre)

[1] Car, au-delà des croyances, les «réformes» ont abouti à ce que le docteur Babis Zabatis, chef de service oncologie et chimiothérapie d’Ágios Sávvas d’Athènes, grand Hôpital de la Santé Publique, a confié au réalisateur et journaliste Italien Fulvio Grimaldi: «La crise pour nous, c’est surtout le manque cruel de personnel. Plusieurs milliers de médecins ont quitté la Grèce. Au lieu de onze internes dans mon service par exemple, je n’en dispose que de deux actuellement, nous ne pouvons plus faire face aux besoins des patients… alors ils meurent, ou ils meurent plus rapidement car souvent ils restent longtemps sans traitement. Fait alors nouveau… nous avons remarqué une surmortalité, jamais vue jusque-là chez les médecins. Depuis ces trois ou quatre dernières années de la crise, nous ne tenons plus la route de notre mission, nos efforts sont surhumains, j’ai perdu ainsi cinq collègues, d’un cœur qui lâche, d’un AVC… voire, d’un cancer fulgurant. C’est terrible…» (Greek Crisis)

Grèce. La trajectoire du PIB grec et celle du QI des journalistes économiques

 

Regard caméra : la rubrique de Panagiotis Grigoriou

Panagiotis  Grigoriou est Ethnologue et historien, chroniqueur, analyste, initiateur d’un concept de tourisme alternatif  et solidaire en Grèce. Le regard de l’historien et de l’anthropologue sur l’actualité et le vécu de la crise grecque.

Regard caméra ou l’accompagnement du réalisateur Fulvio Grimaldi qui a interviewé trois personnalités politiques toutes issues de la gauche grecque (dans l’ordre, Alékos Alavános, Katerína Thanopoúlou et Panagiótis Lafazánis), et aussi, Babis Zabatis, chef de service chef au pôle oncologie et chimiothérapie à l’hôpital (Santé Publique) Ágios Sávvas d’Athènes, et enfin Polyxeni, pharmacienne et responsable volontaire au Centre Solidaire médical d’Ellinikón (MKIE), au Sud d’Athènes.

Regard caméra

Période quasiment estivale. Aux dires de tout le monde, le gouvernement brasse beaucoup d’air ces derniers jours. La prétendue fameuse “controverse” au sujet de la restructuration la dette grecque, c’est une arlésienne. Alexis Tsipras et les siens prétendront une fois de plus qu’il y aurait blocage dans les “négociations” entre “nous” et la Troïka élargie ; tout cela bien entendu, dans l’indifférence générale. Réalités fallacieuses, futur suspendu.

Temps du… renard. Athènes, mai 2017

Les Grecs aiment se raconter volontiers que l’air du temps actuel, est de ce “temps du renard” forcément, autrement-dit, qu’il faut se méfier de tout et de tous et que la suspicion, elle règne naturellement partout en maître. Et c’est très précisément ce temps du… renard, que le réalisateur et journaliste Italien Fulvio Grimaldi et sa compagne Sandra , ont voulu filmer la semaine dernière à Athènes. Fulvio prépare un documentaire, en partie consacré à la crise grecque, surtout maintenant… que “l’affaire grecque est certainement réglée”, d’après la doxa des médias dominants.

Je l’ai accompagné dans sa démarche athénienne, ainsi nous avons croisé nos regards, comme nos manières d’interpréter les gestes et les paroles des personnes et des situations rencontrées. Pour Fulvio, la crise grecque est déjà moins visible de première vue et certainement plus… sournoise que la crise argentine entre 1998 et 2002. L’effondrement grec n’est pas si soudain, ni autant généralisé d’ailleurs. Pourtant, la situation du pays n’est plus du tout celle de 2010, et cela bien entendu, au-delà des apparences, celles notamment familières au… champ visuel touristique.

Fulvio, pour les besoins de son film a interviewé trois personnalités politiques toutes issues de la gauche grecque (dans l’ordre, Alékos Alavános, Katerína Thanopoúlou et Panagiótis Lafazánis), et aussi, Babis Zabatis, chef de service chef au pôle oncologie et chimiothérapie à l’hôpital (Santé Publique) Ágios Sávvas d’Athènes, et enfin Polyxeni, pharmacienne et responsable volontaire au Centre Solidaire médical d’Ellinikón (MKIE), au Sud d’Athènes.

Fulvio Grimaldi en filmant. Athènes, mai 2017
Alékos Alavános, interviewé par Fulvio Grimaldi. Athènes, le 27 mai 2017
Katerína Thanopoúlou, interviewée par Fulvio Grimaldi. Athènes, le 27 mai 2017

Alékos Alavános, ancien chef de SYRIZA avant Alexis Tsipras, ayant quitté cette formation dite de la “Gauche Radicale”, est depuis 2013 le chef du petit mouvement du ‘Plan-B’ (dont le programme prône le retrait de la Grèce de la zone euro, voire de l’UE).

Nous l’avons rencontré sur la terrasse d’un café athénien. Il venait tout juste de participer au débat organisé autour du livre de Katia Charalambaki, psychiatre et analyste: “Familles grecques aux années difficiles. Notes d’une psychiatre” .

Alékos, nous a d’abord exprimé… combien il s’est senti gêné en participant à un tel débat… sur le livre de son épouse (Katia Charalambaki) ! L’ouvrage, évoque d’abord un certain nombre d’expériences (cas cliniques) et en même temps témoignages, tous issus de ceux qui s’expriment (si possible) devant leur psychothérapeute. L’initiation (au sens je dirais multiple et entier du terme) de la crise grecque (économique et sociale), au même titre que sa pérennisation par la suite, auront profondément bouleversé la vie familiale, du point de vue matériel (survie, ressources) et ainsi psychique. Inévitablement, les relations entre ses membres en sortent bouleversées. En réalité, le lien familial a énormément souffert depuis la crise, et dans de bien nombreux cas, il n’existe plus tout simplement, estime alors Katia Charalambaki.

Alékos Alavános, présentation du livre de Katia Charalambaki. Athènes, mai 2017
Panagiótis Lafazánis, interviewé par Fulvio Grimaldi. Athènes, le 28 mai 2017
La réunion nationale de l’Unité Populaire. Athènes, le 28 mai 2017

Ainsi, pour la thérapeute familiale confrontée à ces expériences si nouvelles, une autre approche devient alors nécessaire. Pour y arriver, Katia Charalambaki a également voulu évoquer l’œuvre de ceux qui par le passé, l’avaient influencé dans sa pratique et dans ses travaux et cela de manière essentielle. Notamment, l’anthropologue Américain Gregory Bateson , le psychiatre Mony Elkaim , et le psychologue Belge Jacques Pluymaekers .

Alékos Alavános, architecte et aussi psychanalyste de formation, se dit autant conscient de cette nécessité… “Il faut aller plus loin, bien au-delà” comme il dit, “en termes de sens”. Ceci, est évidemment valable également en politique, “toute réorientation radicale du pays, surtout pour ce qui est de l’euro et de l’UE, doit être expliquée, portée et profondément soutenue pour ne pas dire initiée, d’en bas. SYRIZA a commis un énorme crime politique… Tout est beaucoup plus dur maintenant” (cité de mémoire).

Katerina Thanopoúlou (elle a quitté le Comité Central SYRIZA pour rejoindre l’Unité Populaire en août 2015), ex-vice-présidente de la Région d’Attique chargé des Affaires Sociales, partage pour ainsi dire ce même avis. “La réaction doit s’organiser d’en bas… sauf qu’elle ne vient pas”. Au même moment, un animal si bienveillant, avait-il… enveloppé de tout son regard la camera de Fulvio Grimaldi durant une bonne partie de l’interview de Katerina. La réaction, elle doit certainement venir de… quelque part, c’est évident.

Monument à la gloire des combattants communistes (KKE). Athènes, mai 2017
Cabane d’un sans-abri. Athènes, mai 2017
Un autre regard… sur la camera de Fulvio Grimaldi. Athènes, mai 2017

Plus… fantaisiste dans ses prévisions je dirais, Panagiótis Lafazánis estime de son côté, “qu’un grand mouvement de révolte est en train de couver et que par exemple, à l’occasion de la date du 5 juillet, c’est-à-dire, deux ans tout juste après le référendum de 2015, ce grand moment du ‘NON’ du peuple grec, ce même peuple se mobilisera”. Le chef de l’Unité Populaire, avait auparavant participé à une réunion du Comité national de son parti. Vers la fin des… travaux, la salle se vidait ainsi peu à peu.

“Camarades, je pense qu’il faut faire venir Mélenchon, dans le cadre des actions de l’Unité Populaire. Bonne idée, non ?” Voilà pour ce qui tient de la dernière idée… comme du dernier orateur. En somme et sans fioritures, après deux ans de “pouvoir” SYRIZA, le pays s’est en réalité… vidé de sa gauche, sa page avait été ainsi tournée, pour ne pas dire déchirée par Alexis Tsipras du paysage politique (et désertique) grec.

Période quasiment estivale, et les Athéniens se rueront sur les plages de l’Attique. Maria la voisine qui s’en sort tout juste, femme aux faibles revenus… faiblement renforcés par ceux de Thanássis, son compagnon, ne s’intéressera plus jamais à la politique (celle des partis) et encore moins aux déclarations d’Alékos, de Katerina ou de Panagiótis, censées ou pas d’ailleurs.

“Il y a un temps pour tout… Thanássis et moi, nous partons enfin durant ce long week-end à Kythnos, notre si belle Cyclade. Nous avons trouvé une chambre pour 40€ par jour, car en plein été c’est impossible. Je ne me plains pas, je travaille… à mon compte et à ma manière. L’État, ainsi que les politiciens sont nos ennemis. Ils veulent nous exterminer. Résister pour survivre, c’est aussi avoir le moins possible de relations avec l’État et avec l’administration. Nous vivons avec peu de moyens et peu de besoins, mais ce peu est bien à nous. En plus, nous n’avons aucune dette, c’est aussi primordial.”

Poésie et peinture: “Temps dur”. Athènes, mai 2017
Au port du Pirée. Mai 2017
Thémistocle… porte d’entrée pour la croisière. Le Pirée, mai 2017
Au port du Pirée, café en faillite. Mai 2017

Au même moment à Athènes, ceux par exemple de la cabane des sans-abri (animaux compris), s’agissant d’un ancien kiosque… reconverti, installé en d’autres temps et circonstances près de l’Hôpital Ágios Sávvas, ceux-là ne partiront pas, sauf qu’ils apprécient comme rien au monde, tout simplement la fin de l’hiver.

Devant leur kiosque, un monument du parti communiste grec (KKE), célèbre… seul la mémoire des combattants qui sont tombés à la bataille d’Athènes (Guerre Civile, décembre 1945), “contre la classe bourgeoise et contre l’impérialisme Anglais”. Fulvio a fait remarquer que ce petit monument est bien invisible, en réalité, il est condamné à l’oubli, signe des temps sans doute.

Et au Pirée, tandis que la croisière peut toujours s’amuser, certains cafés resteront fermés, nous l’avons déjà évoqué, la crise grecque est déjà moins visible de première vue, et certainement plus… sournoise que la crise en Argentine. L’effondrement grec n’est pas soudain, ni général d’ailleurs. Sauf à Ágios Sávvas, grand Hôpital de la Santé Publique, spécialisé en cancérologie. Nous y avons rencontré Babis Zabatis, chef de service oncologie et chimiothérapie.

Polyxeni, au Centre médical solidaire d’Ellinikón. Le 29 mai 2017
Emballage d’un médicament. Prix en drachmes. Ellinikón, mai 2017
“Solution claire ou la crise”. “Quotidien des Rédacteurs”, le 27 mai
“Le pas suivant d’Alexis Tsipras”. “Ta Néa”, 27 mai
Terrasse d’un café à Athènes. Mai 2017
“Schäuble… Con”. Athènes, mai 2017

Souriant devant la camera de Fulvio Grimaldi (29 mai), c’est par toute sa bonté d’abord, que le docteur Babis Zabatis tenta en vain d’éponger cette amertume de l’air du temps actuel, “temps de renard” forcément.

“La crise pour nous, c’est surtout le manque cruel de personnel. Plusieurs milliers de médecins ont quitté la Grèce. Au lieu de onze internes dans mon service par exemple, je n’en dispose que de deux actuellement, nous ne pouvons plus faire face aux besoins des patients… alors ils meurent, ou ils meurent plus rapidement car souvent ils restent longtemps sans traitement. Fait alors nouveau… nous avons remarqué une surmortalité, jamais vue jusque là chez les médecins. Depuis ces trois ou quatre dernières années de la crise, nous ne tenons plus la route de notre mission, nos efforts sont surhumains, j’ai perdu ainsi cinq collègues, d’un cœur qui lâche, d’un AVC… voire, d’un cancer fulgurant. C’est terrible…”

Polyxeni, pharmacienne volontaire au Centre médical Solidaire d’Ellinikón au sud d’Athènes a également répondu aux questions de Fulvio et de Sandra, en plus, dans un italien impeccable (29 mai).

“Le gouvernement Tsipras a enfin ouvert la porte des hôpitaux aux ‘Sans-Sécu’ (près du tiers de la population du pays tout de même). Sauf que le manque de personnel, de matériel, des ambulances… tout cela rend de fait la situation ingérable. La prise en charge est longue, trop longue, six mois d’attente pour un malade souffrant de cancer devient alors synonyme de… condamnation, puis, il y a l’épineux problème des médicaments. Même au cas où il ne reste qu’une participation à régler pour les patients, nombreux sont ceux qui ne le peuvent pas, assurés ou non d’ailleurs. Ils arrivent finalement au Centre médical Solidaire, pour que nous fournissions tous ces médicaments gratuitement, autant que le lait pour bébés ou encore les couches-culottes.”

Toujours à Ellinikón et sur le coin d’une étagère ainsi nommé… “Musée de la drachme”, les pharmaciens du Centre, collent les emballages de certains médicaments remarqués, car datant du temps d’avant, aux prix exprimés en drachmes. Humour ?

“Ne jamais oublier notre poète Elytis”. Archives à Athènes, mai 2017
“Taxi pour animaux”. Athènes, mai 2017
La demeure du Général Ioánnis Metaxás. Kifissiá, mai 2017

Les journaux quant à eux, ils préféreront s’en inquiéter de la dernière (supposée) négociation entre Tsiprosaures et Troïkans ; “Une solution claire ou sinon la crise” (“Quotidien des Rédacteurs”), ou: “Le pas à faire d’Alexis Tsipras” (devant le précipice), (“Ta Néa”). Kóstas Zachariadis, directeur du groupe des parlementaires SYRIZA bien installée dans l’air du temps, vient de déclarer (radio 99,5 FM, 26 mai 2017):

“Nous, nous le confessons. Nous disons que le pays est au garde-à-vous, il est sous tutelle. Essentiellement, pour ce qui tient de la politique économique et fiscale, nous co-gouvernons avec les institutions, avec la Troïka. Et alors à plusieurs reprises, ils s’emparent de notre main et pour tout dire, ils rédigent ainsi directement nos lois.” C’est le stade suivant de la métadémocratie, après avoir évidemment “gouverné” par décrets ou par ordonnances.

J’ai montré à Fulvio la demeure du Général Ioánnis Metaxás à Kifissiá, quartier de la grande bourgeoisie grecque. En dépit de la fascination de son régime dictatorial (1936-1941), Metaxás était d’abord plus proche des démocraties occidentales que de l’Axe sur le plan diplomatique. Mussolini lui envoya le 28 octobre 1940 un ultimatum prévu pour être inacceptable par l’intermédiaire d’Emanuele Grazzi, alors ambassadeur d’Italie en Grèce. Grazzi s’était rendu à Kifissiá à 3h du matin en ce 28 Octobre, exigeant que La Grèce autorise l’occupation par les armées italiennes de tous ses sites stratégiques. Metaxás a eu son célèbre mot qu’il répondit: “NON” dans cette maison.

Camion orné. Le Pirée, mai 2017
Les chattons… nouveaux. Athènes, mai 2017
En Golfe Saronique, années 1960. Souvenirs !

L’Italie envahit le 28 octobre la Grèce depuis son protectorat albanais, déclenchant la guerre entre les deux pays. La défense grecque fut héroïque, repoussant les Italiens en Albanie. Mussolini a perdu sa… guerre, cela jusqu’à l’intervention d’Hitler en avril 1941. “C’est notre histoire commune”, avons-nous dit, Fulvio et moi. C’était le temps du ‘NON’ mais les temps historiques peuvent changer.

Au Pirée, certains camions… passéistes demeureront ornés des symboles du pays, les chattons nouveaux sont déjà nés, puis, dans les quartiers aisés de la Riviera d’Athènes, certains… professionnels proposent leurs services… de taxi pour animaux de compagnie.

Période quasiment estivale. Le gouvernement brasse beaucoup d’air ces derniers jours, peine perdue.

Temps actuel, “temps de renard” forcément, sous le regard alors impénétrable des animaux adespotes (sans maître) face à la mer. Regard camera ?

Animal adespote. Riviera d’Athènes, mai 2017
* Photo de couverture: Babis Zabatis, chef de service oncologie et chimiothérapie, interviewé par Fulvio Grimaldi. Athènes, le 29 mai 2017

mais aussi pour un voyage éthique “De l’image à l’imaginaire: La Grèce, au-delà… des idées reçues !” http://greece-terra-incognita.com/

Les espagnols protestent contre l’austérité

Manifestation massive à Madrid pour « la dignité » de l’emploi Par latribune.fr  28/5/17

Malgré le retour de la croissance depuis 2014, beaucoup d’Espagnols peinent à retrouver des conditions de vie décentes. Ils sont plusieurs dizaines de milliers à être descendus dans la rue pour protester contre l’austérité.

Deux mois après la première marche, des dizaines de milliers d’Espagnols ont participé samedi à une « marche de la dignité » à Madrid pour rejeter la politique du gouvernement conservateur et dénoncer « conditions de travail misérables » et « salaires infimes ». Le nombre de manifestants a été évalué à 6.000 par la préfecture et 200.000 par les organisateurs de la marche. L’une des cibles était la réforme du Code du travail adoptée en 2012 par le gouvernement de Mariano Rajoy, qui a contribué au reflux du chômage au prix d’une grande précarisation.

C’est une manifestation « pour démontrer que l’Espagne idyllique qu’ils nous vendent n’est pas celle que nous connaissons ». « Ce gouvernement nous broie« , avait déclaré un organisateur, Victor Jiménez, dans une vidéo diffusée avant la marche, à laquelle appelaient des dizaines de syndicats et organisations de gauche. Derrière la banderole « pain, travail, toit et égalité », plusieurs colonnes de manifestants – venus de tout le pays – ont convergé pour remonter la principale avenue madrilène, Gran Via.

Après sept années de crise économique, l’Espagne avait retrouvé en 2014 la croissance. Son taux de chômage, qui avait frôlé les 27% début 2013, avait ensuite nettement reflué. Il s’est établi à 18,7% au premier trimestre 2017. Mais « l’emploi actuellement créé, c’est un emploi précaire, avec des conditions de travail misérables et des salaires infimes« , avait dénoncé avant la marche une organisatrice, Silvia Salamanca, ajoutant:

« Le droit du travail, ils nous l’ont réduit au droit à travailler aux conditions que nous impose le patronat ».

La réforme de 2012 a notamment réduit drastiquement les indemnités de licenciement et autorisé les licenciements collectifs sans motif économique.

Le « parti le plus corrompu d’Espagne » appelé à partir par les manifestants

Maria Luisa Rodriguez, aide à domicile de 44 ans, employée par une société privée pour la ville de Léon (nord), se plaignait de gagner moins de 800 euros, à temps partiel subi: « Nous sommes à disposition du matin au soir, mais ils me paient seulement 27,5 heures, car c’est sans compter les temps morts ni les trajets« , a dit à l’AFP cette manifestante. Le salaire minimum – augmenté de 8% en début d’année – est de 825 euros mensuels (sur 12 mois) en Espagne.

De nombreuses pancartes appelaient au départ du Parti populaire (PP) au pouvoir depuis 2011, fustigé comme « le parti le plus corrompu d’Espagne« . Au même moment, M. Rajoy revendiquait, lors d’un meeting du PP sur l’île Majorque, « la création de 1,5 million de postes de travail depuis trois ans« .

« Il faut maintenir les politiques économiques et les réformes menées à bien parce qu’elles ont fonctionné », a dit M. Rajoy, gouvernant actuellement sans majorité parlementaire.

http://www.latribune.fr/economie/international/manifestation-massive-a-madrid-pour-la-dignite-de-l-emploi-725003.html

Les réfugiés semaine 22

03/6/17  Évacuation des migrants et réfugiés du camp Elliniko : A l’aube ce vendredi matin a commencé l’évacuation complète des locaux de l’ancien aéroport en grec, Elliniko, qui était devenu un centre pour les réfugiés et les migrants , et le processus a été achevé en fin d’après – midi. À 07:00 le 1er groupe de migrants et réfugiés sont montés à bord des autobus pour Thèbe. Peu après, vers 11 heures, 210 immigrants qui se trouvaient dans le stade de hockey sont montés à bord des bus. Selon un porte – parole de la police, la mise en œuvre de la planification a commencé depuis dix jours. Les familles, soit environ 500 personnes, seront transférées à la nouvelle structure de Thèbes, alors que les hommes, à peu près 100, partageront des structures à Thèbes, Derveni et Oinofyta. Trois familles seront envoyées à Kavala. Le ministre de la politique de migration, Yiannis Mouzalas , a suivi la procédure et se rendra ensuite à Thèbes.Selon les sources de la police, environ 10% n’ont pas exprimé le désir de partir, et pour ceux là, leur transfert sera négocié avec la participation des négociateurs grecs, des interprètes de la police et des représentants de l’Organisation internationale pour les migrations.

vidéos: https://youtu.be/Bdj9IXPg0i0 https://youtu.be/4d-LX3l5QMc
images prises par les migrants :https://www.facebook.com/100013944220415/videos/265005613974244/

ANA-MPA .Interrogé sur la raison pour laquelle les journalistes n’ont pas eu accès à Elliniko, le secrétaire général du ministère des Migrations, Yiannetos Filippakos a soutenu que dans un «plan opérationnel, certaines règles doivent être tenues pour protéger la phase initiale du plan».

30/5/17 Athènes et Berlin veulent freiner le regroupement familial des réfugiés : Athènes et Berlin se sont mis d’accord pour freiner les transferts de Grèce vers l’Allemagne des réfugiés qui peuvent y prétendre au nom du regroupement familial. Le quotidien grec Journal des rédacteurs a reproduit ce lundi 29 mai, comme preuve, une lettre en ce sens du ministre grec chargé de la Politique migratoire.

« Les transferts de réfugiés vers l’Allemagne, dans le cadre du regroupement familial, seront ralentis comme convenu », écrit Yannis Mouzalas, le ministre grec chargé de la Politique migratoire, dans un courrier adressé au début du mois au ministre allemand de l’Intérieur, Thomas de Maizière.

Pour Yannis Mouzalas, c’est l’Allemagne qui est à l’origine de cet accord qui prévoit une limitation provisoire du nombre des réfugiés transférés chaque mois de la Grèce vers l’Allemagne. Selon le ministre grec, plus de 2 000 personnes seront affectées, et certaines d’entre elles devront attendre des années avant de pouvoir se rendre en Allemagne.

Une députée allemande de la gauche radicale Die Linke, Ulla Jelpke, avait affirmé de son côté dans les médias, que le gouvernement allemand a plafonné en avril à 70 par mois le nombre de « relocalisations » de réfugiés de la Grèce vers l’Allemagne, dans le cadre du regroupement familial.

Les règles européennes en matière d’asile prévoient que les transferts doivent se faire dans un délai de six mois après l’acceptation de la demande de regroupement familial, par le pays d’accueil.

http://www.rfi.fr/europe/20170530-refugies-migrants-athenes-berlin-regroupement-familial-ue

24/5/17 La Suisse ne désespère pas de renvoyer des demandeurs d’asile en Grèce : La Suisse n’exclut pas une réactivation du mécanisme qui consiste à renvoyer les demandeurs d’asile dans le pays par lequel ils sont entrés en Europe, suspendu pour la Grèce depuis 2011. Mais pour Simonetta Sommaruga, en visite à Lesbos et à Athènes, cela prendra du temps.

La Grèce a été exclue du système dit de Dublin après plusieurs condamnations par la Cour européenne des droits de l’homme pour ses mauvaises conditions d’accueil. En visite sur l’île de Lesbos lundi et mardi à Athènes, la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga a pu constater que si des progrès ont été fait, la réactivation de Dublin, qui permet de renvoyer les demandeurs d’asile dans le pays par lequel ils sont entrés, ne pourra pas se faire «immédiatement».

Lire aussi: A Lesbos, les ONG seules face au désespoir des migrants

En compagnie du ministre grec de l’immigration, la conseillère fédérale a d’abord visité Moria, le centre de premier accueil pour réfugiés et migrants, une sorte de prison à l’air libre, entourée de haut grillages et de fils barbelés. Dans ce «hotspot» géré par le gouvernement, seule une partie des réfugiés et migrants peuvent se déplacer librement. Ceux qui ont vu leur demande d’asile refusée attendent, enfermés, d’être renvoyés en Turquie comme le prévoit l’accord Union européenne-Turquie. Signé il y a un peu plus d’un an, il a permis de réduire considérablement le nombre d’arrivées de migrants et réfugiés sur les îles grecques.

Conditions de vie très difficiles

Ceux qui vivent à Moria décrivent des conditions de vie très difficile, comme Salif Be Mouamar, un Camerounais de 28 ans, venu discuter, les mains à plat sur le grillage: «La nourriture ne nous suffit pas. Dernièrement, on nous a donné un matelas, mais avant, on dormait sur des couvertures par terre. Et pour avoir de la lumière dans notre chambre, on doit payer un entremetteur pour tirer un câble du générateur, illégalement.»

L’hiver a été la période la plus difficile, alors que cinq personnes sont décédées à cause des mauvaises conditions d’accueil. Alors qu’en septembre dernier, le Haut-commissariat des Nations-unies pour les réfugiés avait proposé un plan pour améliorer les conditions d’accueil avant l’arrivée du froid, les conteneurs n’ont été installés sur le site que récemment. Malgré la neige, le jeune Camerounais a passé plusieurs mois sous la tente et se plaint aujourd’hui de sinusites chroniques. Mais ce qui l’épuise le plus, c’est la lenteur de la procédure d’asile. Il est ici depuis sept mois, il n’a obtenu son premier entretien pour obtenir le statut de réfugié que quatre mois plus tard – et depuis, il attend.

Le gouvernement grec a fait des efforts

Pour Simonetta Sommaruga, le gouvernement grec a fait des efforts pour améliorer le service d’asile, «encore inexistant il y a quatre ans», rappelle-t-elle, mais «les migrants doivent attendre des semaines, parfois des mois pour obtenir une décision sur leur cas». La Suisse a choisi de l’aider à alléger son fardeau en participant volontairement au programme européen des relocalisations de réfugiés. 600 personnes doivent être envoyées en Suisse d’ici la fin de l’année, tandis que 317 sont déjà arrivées. Selon elle, cette solidarité n’est pas gratuite. Au sein du système dit de Dublin,  «tout le monde doit faire son devoir», même si elle se dit consciente au vu de la situation que «cela va prendre du temps».

La Suisse apporte également une aide financière indirecte à la Grèce. Elle a versé en tout 330 000 Francs suisses à l’organisation non gouvernementale Metradrasi pour des postes de traducteurs et d’interprètes. En 2015 et 2016, le HCR a reçu 870 000 Francs suisses pour ses opérations sur les îles. Et la Suisse finance également une unité de soins médicaux de base dans le camp de Kara Tepe à hauteur de 160 000 francs suisses pour encore au moins six mois.

https://www.letemps.ch/suisse/2017/05/24/suisse-ne-desespere-renvoyer-demandeurs-dasile-grece

21/5/17 « Nous sommes cent mille pour les migrants » : Samedi 20 Mai 2017, à Milan, ils étaient dix fois plus nombreux que prévu. Cent mille personnes ont défilé dans les rues en affirmant que « nous ne construirons pas de murs ». Une information que le Corriere della Sera a choisi de mettre en une avec une impressionnante photographie.

Cette marche pour les migrants a été organisée à l’initiative du maire de Milan, Beppe Sala, après la polémique qui a suivi l’agression au couteau de deux policiers par un jeune italo-tunisien radicalisé. Les manifestants réunis dans la capitale de la Lombardie, la région qui accueille le plus de migrants en Italie, réclament une meilleure politique d’accueil.

Ils ont brandi des morceaux de couverture isotherme, « agités comme des drapeaux et pliés pour en faire des chapeaux, des bandanas, des rubans, des foulards, des couronnes ou des bracelets, selon l’imagination des manifestants, comme pour transmettre l’espoir que ces feuilles qui semblent faites d’or et d’argent ne servent plus de linceuls pour les désespérés qui se sont embarqués sur des radeaux de fortune », écrit le quotidien de Milan, qui note aussi quelques tensions en marge du cortège avec des opposants à la politique d’accueil prônée par la manifestation.

Plusieurs personnalités politiques, et notamment des maires de la région, étaient présents dans le défilé, qui « restera comme le plus grand événement en Italie au cours des vingt dernières années sur la question de l’immigration », a commenté le conseiller aux affaires sociales Pierfrancesco Majorino.

À l’issue de la manifestation, le premier ministre Paolo Gentiloni a quant à lui tweeté « merci Milan, sûr et accueillant ».

Depuis le début de l’année, rappelle l’Agence France Presse (AFP), l’Italie a vu arriver plus de quarante six mille migrants sur ses côtes, soit une hausse de plus de trente pour cent par rapport à la même période l’année dernière. Parallèlement, au moins mille deux cent quarante quatre personnes ont trouvé la mort cette année au large de la Libye, selon l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM).

http://www.courrierinternational.com/une/italie-milan-nous-sommes-100-000-pour-les-migrants

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